LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 : de la stratégie

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LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 : de la stratégie
LE PATRIMOINE
IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 :
de la stratégie à l’action.
SAINT-NAZAIRE, les 6 et 7 octobre 2015
MARDI 6 OCTOBRE
ATELIER N° 2 « De l’immeuble au quartier : comment réinvestir les cœurs
d’îlot ? »
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PRÉSIDENCE Ville de LORIENT
Olivier LE LAMER, adjoint à l’urbanisme, ville de Lorient
Arnaud LE MONTAGNER, AUDELOR (Agence d’urbanisme et de développement économique du Pays de Lorient)
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INTERVENANTS
Pierre HAMELIN, PACT Béarn – SOLIHA
Laure LIMOU, CDH 44 – SOLIHA
Christiane LUC, ALAP
Laurent BLIN, notaire
Katell LE GALL, ville de Lorient
Pascale OBERSON, ville de Lorient
Marie GÉROUDET-DALLE, ville de Cergy
Arnaud LE MONTAGNER
Bonjour à tous. Je suis Arnaud Le Montagner. Je serai l’animateur de cet atelier cet après-midi. Je suis directeur d’études à
l’agence d’urbanisme du Pays de Lorient. Merci de votre présence à cet atelier qui est consacré à la thématique des cœurs
d’îlot. La séance sera présidée par M. Olivier Le Lamer, adjoint au maire de Lorient en charge de l’urbanisme, à qui je vais
laisser la parole pour un petit mot d’introduction. Puis j’inviterai tour à tour les différents intervenants à se présenter à la table
pour vous dévoiler leur sujet.
Olivier LE LAMER
La problématique a été abordée de manière très différente en fonction des villes qui traitent ce sujet. Un exemple sur la
politique menée par Lorient sera donné, mais je sais qu’à Saint-Nazaire, il y a eu une approche assez originale avec la
promotion de l’association syndicale libre (ASL). À Cergy, nous verrons les travaux extérieurs. Ce sont les exemples qui seront
présentés. La problématique qui se pose à nous est à la fois la nature des projets et l’ingénierie associée aux projets, qui sont
des points essentiels sur les espaces privés, là où la prise d’initiative est assez complexe de par les modes de décision,
notamment, qui sont les fruits de leur gestion. Comment également développer des projets là où les investissements peuvent
être difficiles compte tenu de la précarité financière d’un certain nombre de ces cœurs d’îlot et de leurs propriétaires. Enfin, il y
a peut-être une question à soumettre au débat : est-ce que la puissance publique a vocation à intervenir sur ces îlots pour les
préempter, de façon à avoir la maîtrise d’œuvre sur leur devenir.
Arnaud LE MONTAGNER
Les premiers intervenants sont un binôme. Il s’agit de M. Pierre Hamelin et de Mme Laure Limou. Pierre Hamelin, vous êtes
urbaniste et vous travaillez depuis quelques années maintenant à la fédération Soliha, Solidaires pour l’habitat, qui est issue de
la fusion des PACT et d’Habitat & Développement. Vous êtes accompagné de Mme Laure Limou, qui est chargée d’opérations
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chez Soliha et chargée d’animation Popac, le dispositif de prévention et d'accompagnement des copropriétés, à Saint-Nazaire,
dans le cadre d’une mission qui est déléguée par la CARENE.
Monsieur Hamelin, vous allez nous parler de la nature qui a été donnée aux cœurs d’îlot au moment de la Reconstruction.
Nous verrons comment l’on peut faire aujourd'hui pour avancer sur leur traitement et leur amélioration. Mme Limou nous
parlera des possibilités d’intervention opérationnelle sur ces cœurs d’îlot et de la découverte, parfois, par les copropriétaires, de
la nature de ces cœurs d’îlot et de la manière dont ils peuvent les gérer.
Pierre HAMELIN
Je travaille dans les Pyrénées, mais je suis intervenu en 2012 auprès de l’équipe de Soliha – qui ne s’appelait pas encore
Soliha – à Saint-Nazaire, au moment où la ville de Saint-Nazaire avait fait le constat que les outils opérationnels classiques
privés étaient inopérants. C’était le commencement de la mise en œuvre d’une politique résolue d’approche et de traitement
des copropriétés et finalement, du centre-ville de Saint-Nazaire.
Je suis intervenu en 2012 sur la question des cœurs d’îlot, qui est le sujet de cet atelier. Je suis parti d’un constat – j’étais un
peu un candide en Terre sainte, n’étant pas grand un spécialiste de la copropriété et arrivant d’une ville où il y en a très peu, en
tout cas, pas de la Reconstruction, et j’ai regardé cela d’un œil neuf, extérieur. J’ai regardé qui était derrière la Reconstruction.
L’élu de Dunkerque l’exprimait assez bien ce matin : les forces qui étaient là à l’époque pour mettre en œuvre la Reconstruction
étaient exogènes, et il y avait un corps d’architectes en chef qui étaient tous issus des Beaux-Arts, Grands Prix de Rome, etc.
Ils avaient une approche d’architectes. Aujourd'hui, les villes – Saint-Nazaire, Lorient, Brest et d’autres – font de grands efforts
et ont des politiques très résolues pour faire reconnaître les qualités architecturales, voire patrimoniales, de ce parc de
logements des années 1950 et l’on voit combien les architectes en chef avaient eu soin de régler les modénatures de façade
dans les moindres détails : les pavés de verre, les calepinages, les ferronneries, bref, tout ce qui fait l’architecture. Ce constat
fut notre première approche : on s’était beaucoup préoccupé de cette façade sur rue, mais qu’avait-on fait ensuite pour les
cœurs d’îlot ? Nous sommes alors entrés dans le vif du sujet.
Vous voyez, sur cette diapositive (n° 4), des extraits du guide de la rénovation des façades à Saint-Nazaire, de la politique de
valorisation patrimoniale de la ville, qui vise à encadrer, à encourager des façades, avec la reconnaissance de tous les
éléments qui sont à préserver, à restaurer pour que le patrimoine de la Reconstruction soit bien mis en valeur. Une fois que l’on
a vu ces façades, on a envie d’aller voir ce qui se passe derrière. Je n’ai pas fait le tour de toutes les villes de la
Reconstruction, mais au moins à Saint-Nazaire, derrière, il ne se passe pas grand-chose. Nous nous sommes dit qu’il était
normal qu’il ne s’y passe pas grand-chose parce que ceux qui avaient travaillé sur la Reconstruction, les architectes en chef,
étaient complètement imprégnés et dominés par une culture d’architecte et qu’ils avaient tout simplement négligé – c’est le
moins que l’on puisse dire – la vision collective, urbaine. Les cœurs d’îlot avaient été littéralement laissés en friche, avec des
terrains vagues. Le constat que nous avons fait en 2012, malheureusement, est que dans un certain nombre de cas, les cœurs
d’îlot étaient quasiment restés en l’état, hormis des adjonctions de garage au fil du temps, et que surtout, cela s’était dégradé.
Il y a eu certes un architecte de la Reconstruction, mais qui a aussi été architecte-conseil de la ville de Saint-Nazaire jusqu’en
1978. Autant, en 1945 ou 1955, on ne pouvait peut-être pas anticiper complètement l’envahissement par l’automobile, autant,
dans les années 1960-1970, on commençait tout de même à en entendre parler. Des constats avaient été faits sur les
nouveaux usages et la ville accueillait de plus en plus d’automobiles. En 2012, les îlots étaient totalement envahis par
l’automobile : de l’automobile qui bouge, de l’automobile qui ne bouge plus, des carcasses, ici ou là, parfois colonisées par de
la végétation, des mousses, etc., loin, en tout cas, de l’effet de métropole. Cela a été dit ce matin : Saint-Nazaire veut être une
métropole, se vit comme une métropole en devenir et la question des cœurs d’îlot pose tout bêtement la question de
l’attractivité du centre-ville de Saint-Nazaire et de l’agglomération qui est en jeu.
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Ce constat de départ a été confronté à d’autres réalités dans d’autres pays, dans d’autres villes. Les cœurs d’îlot ne sont pas
seulement voués à n’accueillir que des parkings et de l’automobile. Il y a des pays, dans le monde, qui ont aussi subi de lourds
bombardements, l’Allemagne par exemple, à Leipzig ou Dessau (diapositive n° 5), mais aussi à Dresde et l’on s’aperçoit que la
Reconstruction, ce n’est pas uniquement sous la forme de copropriété, cela peut se faire différemment, avec d’autres entités
juridiques. Un représentant de Lorient parlait ce matin de l’habitant au centre, mais que c’était plutôt la voiture qui était au
centre et qu’il fallait inverser les priorités. Là, les cœurs d’îlot ont été pensés directement pour des usages collectifs, en tout
cas, très peu pour accueillir des véhicules, mais plutôt avec des jardins pour les enfants, les familles, pour des usages calmes.
Il n’y a pas de fatalité. Ce n’est pas parce que l’on a été bombardé qu’il ne faut pas penser aux cœurs d’îlot et que l’on ne peut
y mettre que des voitures. C’est un peu brutal comme propos, mais la réalité est là.
Cela, c’était le cas de l’Allemagne. Il y a d’autres cas de figure. Je voudrais mettre le Japon en parallèle. Le Japon a été
bombardé : 70 villes ont été réduites à néant. Au Japon, il n’est pas nécessaire de se poser la question des cœurs d’îlot, il n’y
en a pas. Comment règlent-ils la question de la nature dans la ville ? Nous avons vu l’Allemagne et les ambitions
environnementalistes de l’urbanisme d’aujourd'hui, qui est de ramener la nature en ville. Au Japon, quand il y a des jardins, ce
sont des terrasses sur les toits ou bien cela déborde là où cela peut déborder, c'est-à-dire sur l’espace public. Ce que vous
voyez (diapositive n° 6), ce ne sont pas des marchands de plantes vertes ou de fleurs, ce sont des gens qui installent un petit
jardin en pots devant chez eux et règlent ainsi la question de la verdure. Je constate aussi que les villes de la Reconstruction
sont des univers très minéraux. J’ai commencé à travailler à Beauvais, qui est aussi une ville de la Reconstruction, il y a
trentaine d’années, et cela m’avait frappé tout de suite : ce sont des univers essentiellement minéraux et d’une certaine façon,
le verdissement des cœurs d’îlot est certes important, mais la ville a aussi son bout de chemin à parcourir pour accompagner et
faire en sorte que le verdissement de la ville puisse aussi se développer sur l’espace public. C’est un petit clin d’œil japonais
qui, je pense, dans le contexte de la Reconstruction, peut amener un certain nombre de réflexions et de suggestions.
On dit qu’il y a trop de stationnement dans les cœurs d’îlot. Certes, mais où va-t-on mettre ces voitures ? Il faut bien les mettre
quelque part. Dans les deux pays que j’ai cités, il y a acceptabilité sociale de la gestion du trafic automobile et du stationnement
très différente de ce que nous connaissons ici, avec des parkings silos qui ne sont pas tabous. C’est le cas à Dresde, Leipzig :
ce sont des parkings silos à vocation quasiment exclusivement résidentielle. Au Japon, cela va jusqu’à des tours de
stationnement de véhicules (diapositive n° 7), avec un système mécanique qui fait monter des voitures dans un ascenseur.
Vous voyez, sur la photo en bas, à droite, un petit hôtel avec devant, des véhicules qui sont superposés. Ce ne sont pas des
choses que nous voyons chez nous. Mais il ne faut pas se demander pourquoi il y a de l’étalement de voitures partout,
pourquoi il y en a partout dans les cœurs d’îlot… Dans certaines villes où il y a un tissu un peu lâche qui l’autorise sur des
franges de cœurs de villes, il faut quand même réfléchir à des solutions de ce type, ou bien on continue éternellement à se
demander quoi faire de toutes ces voitures. Il y a là clairement une question d’acceptabilité sociale, qui sera sans doute
évoquée par Maître Blin et demain matin, dans un autre atelier portant sur ces sujets. Cette question me semble être au cœur
de la faisabilité de la valorisation de ces cœurs d’îlot.
À partir de ces constats, des avancées ont été opérées. Nous avions tracé quelques perspectives, quelques lignes directrices
en 2012 avec l’équipe, qui ont été relayées depuis – nous le verrons avec Laure Limou et Maître Blin – et qui ont été
développées jusqu’à l’opération d’aujourd'hui. Sur ces cœurs d’îlot d’une grande banalité, avec le binôme garage – sur lequel il
est inscrit qu’il est interdit de stationner devant et où est accroché la plaque d’immatriculation de la voiture – et la voiture qui ne
se gare pas dans le garage, mais qui se gare à côté, ce qui dédouble le problème, des propositions ont émergé. Une équipe
d’étudiants de master a fait un formidable travail sur Saint-Nazaire (diapositive n° 8). Ce travail est aujourd'hui approprié, et
développé dans l’opérationnel avec un dispositif dont parlera Laure tout à l’heure, pour proposer un nouvel avenir qualitatif aux
copropriétaires, mais aussi au centre-ville de Saint-Nazaire. Les copropriétés sont une première échelle, mais au centre-ville,
cela rejoint les questions d’attractivité et le rôle que peut jouer le centre-ville de Saint-Nazaire dans des parcours résidentiels
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pour attirer ou retenir des ménages et éviter ces effets de vieillissement, de paupérisation, de ménages de plus en plus
constitués de personnes isolées que l’on constate un peu partout.
Voici un autre exemple, sur un autre îlot (diapositive n° 9), où il est envisagé un usage avec des jardins, comme ce que vous
avez vu en Allemagne. C’est un peu révolutionnaire pour le centre-ville de Saint-Nazaire. Il y a des villes qui le font bien et
d’ailleurs plutôt dans des périmètres où l’on a affaire à des bailleurs sociaux, à l’occasion d’opérations de renouvellement
urbain qui prévoient de créer ce genre de jardins. C’est la tendance que doivent prendre les équipes opérationnelles, les
acteurs de l’écosystème de la copropriété, l’écosystème public/privé de la copropriété et qu’elles doivent patiemment constituer
et tisser. Nous verrons avec Maître Blin qu’il y a des bases juridiques réglementaires qui sont à assurer parce qu’avant de
rêver, de se projeter dans la ville verte et l’éco-quartier du renouvellement urbain, il y a des réalités qui sont têtues. On ne peut
pas faire cela d’un claquement de doigts et nous verrons que c’est une affaire de longue haleine.
Vous voyez encore un nouvel exemple de site avec d’autres propositions (diapositive n° 10). Ces propositions sont loin d’être
homogènes. En fonction des configurations d’îlots, des usages tout à fait différents peuvent être proposés. Pour certains îlots,
cela peut consister à créer une circulation secondaire protégée par rapport à des axes dominants de la ville, pour d’autres, cela
peut être les jardins, etc. Pour chaque situation, il y a des propositions sur mesure à trouver, qu’il faut rechercher avec les
copropriétaires, les résidents, les intervenants de la copropriété, en mettant tout ce petit monde en musique et en mouvement,
avec des bases qui doivent être solides, notamment sur le plan juridique, parce que comme nous le verrons avec Maître Blin,
les choses partent de très loin.
Voilà les quelques points de mise en perspective que je voulais vous présenter pour ouvrir cet atelier avant de passer la parole
à Laure, qui va décliner dans les détails et de manière très opérationnelle ce qui se fait à partir d’aujourd'hui, patiemment, avec
la mission Copropriétés dans la ville de Saint-Nazaire pour développer toutes ces belles intentions dans le réel.
Laure LIMOU
Je vais vous donner quelques éléments de contexte avant de vous donner à voir trois cas d’action que menons auprès de
cœurs d’îlot nazairiens. Je suis chargée de l’animation des dispositifs de prévention et d’accompagnement des copropriétés sur
le centre-ville de Saint-Nazaire, qui est dénommé Popac (Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement en
copropriété), depuis 2013. C’est un dispositif commandité par la CARENE et qui participe vraiment au plan d’actions de
revalorisation du centre-ville.
Ce dispositif d’accompagnement est composé de deux éléments principaux : un observatoire dynamique des copropriétés ainsi
qu’un accompagnement juridique et technique des syndics bénévoles. Les blocs colorés sont les éléments importants. Cet
observatoire a été installé à la CARENE par Soliha de l’est parisien, donc en collaboration avec des personnes de la région
parisienne. C’est un progiciel dynamique qui vise à recueillir des données quantitatives, mises à jour chaque année pendant
trois ans, et qui sont croisées avec des données de terrain récoltées par une personne sur la Loire-Atlantique.
Dans le périmètre étudié, dont vous apercevez le contour (diapositive n° 15), près de 200 copropriétés ont été recensées, qui
représentent un peu moins de 6 000 logements, soit une moyenne de six logements par copropriété. Ce sont donc de toutes
petites copropriétés par rapport au niveau national. L’observatoire sert principalement à chercher des caractéristiques fortes
pour identifier tous ces immeubles, des données que la collectivité avait du mal à cerner, ce qui est normal.
La diapositive n° 16 est une capture d’écran d’OrCop. Les immeubles sont classés par couleur, passant du vert au rouge. En
jaune et vert, tout va bien, en rouge et orange, il y a des signes de fragilité qui sont repérés. Il est possible de faire des
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sélections par requête et il existe une entrée « cœur d’îlot ». Cette fonction n’existait pas initialement sur OrCop et elle nous a
semblé utile. En diapositive n° 17, sur la gauche, figure une fiche de synthèse qui indique les différents éléments renseignés
tels que le bâti, le marché immobilier, l’occupation, le fonctionnement, la gestion de la copropriété, les travaux et sur la droite,
une cartographie des fragilités. En l’occurrence, il s’agit de copropriétés en rouge et en orange, donc réputées en difficulté.
Nous procédons à une recherche de géolocalisation des fragilités.
La deuxième partie du Popac consiste en un accompagnement juridique des syndics bénévoles, qui, compte tenu de la petite
taille des copropriétés, sont très nombreux. Ce travail s’opère en collaboration avec la CLCV, une association de défense des
consommateurs spécialiste de la copropriété, par le biais d’ateliers qui sont des exposés thématiques collectifs, interactifs et qui
se déroulent le soir. Nous commençons aussi à faire des ateliers techniques avec des personnes que nous connaissons. Nous
en avons fait un jeudi dernier sur l’acoustique. En parallèle, nous organisons aussi des « cafés copro ». C’est une formule plus
individuelle, qui porte sur un conseil global, qui peut-être juridique, technique ou financier, avec un suivi des actions. Ces
rencontres se font plutôt avec la CARENE. La diapositive n° 19 représente un « atelier copro » qui porte en particulier sur les
cours communes et sur la solution des ASL (associations syndicales libres). Nous avons été débordés par le nombre de
personnes qui sont venues. C’est une clé pour entrer en action avec tous ces cœurs d’îlot, que nous connaissions peu,
finalement. Ce premier atelier a été une introduction. Nous avons présenté ce qu’était une ASL et surtout, expliqué le statut
juridique de ces cours en indivision, qui ne sont donc pas en copropriété.
La carte de la diapositive n° 20 positionne trois cours communes, dont vous pouvez voir les différentes formes et la typologie. Il
y a une diversité d’espaces : îlots de passage, îlots de cour. Trois sites sont entourés : le passage Vandernotte, au nord, l’îlot
Salengro, au sud et sur l’une des artères principales du centre-ville, l’avenue de la République.
Le passage Vandernotte, dont l’aspect urbain sera développé par Christiane Luc, est un îlot traversant de 1 000 m², donc assez
important, qui dessert à la fois des maisons individuelles, des batteries de garages et des arrières d’immeuble. Il y a une
parcelle en mutation. Un propriétaire foncier assez connu de la mairie a un projet immobilier ou du moins, est en train de
vendre. L’agence ALAP et nous avons été saisis par la ville et la CARENE pour mener des études – une étude juridique pour
nous – qui ont été présentées en réunion publique il y a un an pour informer de la réalité de l’îlot et du projet éventuel. Un
groupe de copropriétaires moteurs s’est constitué, qui devient de plus en plus un organe consultatif. Dans le courant de
l’année, un projet de statuts d’ASL a été rédigé par la CLCV, qui a été validé par notre notaire référent, Maître Blin, et transmis
à l’ensemble des copropriétaires. Une deuxième réunion publique a eu lieu. Pour l’instant, nous avons plutôt le soutien des
copropriétaires, du moins ceux qui se mobilisent et qui sont présents à ces réunions publiques. Beaucoup de questions
concrètes sont posées sur les travaux et les étapes futures. La prochaine étape est la distribution, à l’automne, du projet d’ASL,
qui a légèrement bougé, ainsi qu’un formulaire d’adhésion type à l’ASL qu’il nous faudra collecter, sachant qu’il y a 80
copropriétaires.
Le deuxième cas dont je veux vous parler est l’îlot Salengro. Il est situé dans un quartier très différent du centre-ville de SaintNazaire, plus privilégié. Il y a une énorme cour commune fermée constituée de sorties de garage, d’un parking aérien, d’une
végétation peu entretenue et qui subissait de nombreux stationnements illégaux, notamment d’épaves. Des travaux ont été
réalisés il y a près d’un an sur la voirie, sur l’accès à la pelouse. Une barrière automatique a été posée pour limiter les
stationnements sauvages. Lors d’un atelier, nous avons rencontré des copropriétaires qui sont fermement opposés aux
travaux. Il n’y a pas de statut juridique. Un certain nombre de copropriétaires se sont réunis pour créer une association de type
loi de 1901, qui n’est pas valide. Les copropriétés ont réussi à faire avancer et financer ces travaux. Deux ménages ont refusé,
que nous avons rencontrés. Vous voyez la photo avant et la photo après (diapositive n° 25). Notre action est une action de
gestion de conflit, parce qu’il s’agit vraiment de propriétaires qui se détestent. Ils ne se connaissaient pas. Ils communiquaient
par mail, par téléphone, mais de manière vraiment très violente. Nous avons pris le risque de les faire se rencontrer. Tout s’est
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bien passé parce que nous avons trouvé un objectif commun, l’ASL. Je ne dis pas que toutes les tensions sont apaisées, mais
ils viennent vers nous assez librement et je pense que nous sommes parvenus à instaurer un débat de confiance entre eux.
L’affaire est à suivre, mais la prochaine étape est de rencontrer l’ensemble des copropriétaires. Il y en a près de quarante, donc
moitié moins qu’à Vandernotte. Cela ne veut pas forcément dire que ce sera plus simple…
Laure LIMOU
Le dernier îlot est une petite cour commune de 400 m², à l’arrière de l’avenue de la République. Il s’agit d’un autre profil. Devant
la dégradation de la cour, des copropriétaires ont saisi le tribunal de grande instance pour désigner un administrateur provisoire
et imposer des travaux. A priori, c’est un dispositif légal. Les copropriétaires ont reçu un courrier les informant du caractère
obligatoire des travaux. Le bitumage et la pose de la barrière ont été imposés. Dans l’optique de rénover la deuxième cour,
nous avons été sollicités par d’autres propriétaires, situés au centre de cet îlot, pour trouver une solution juridique plus
démocratique. Nous sommes en chemin vers une solution.
La carte figurant sur la diapositive n° 28 illustre le travail qui nous reste à mener. Les photos sont celles des autres îlots avec
lesquels nous sommes en contact et qui sont en attente de nos actions.
Arnaud LE MONTAGNER
Merci. Nous pouvons enchaîner avec l’illustration de ce qui s’est passé pour l’un des îlots dont vous avez parlé, l’îlot
Vandernotte, avec Christiane Luc. Vous êtes architecte de profession et urbaniste. Vous faites partie du bureau d’études ALAP,
qui est basé en Charente, et vous êtes intervenue sur la ville de Saint-Nazaire pour établir un diagnostic et non pas une
proposition opérationnelle. Vous allez nous présenter ce travail et nous dire, puisque l’objectif était de répondre aux habitants,
comment se fait le traitement de ces espaces extérieurs.
Christiane LUC
Je passe assez rapidement sur le contexte, que le maire exposait ce matin. Soixante ans après, nous sommes à une période
charnière. Une dynamique est enclenchée à Saint-Nazaire. Le bus à haut niveau de service inauguré en 2012 a conduit à
penser que la priorité serait donnée aux sites de renouvellement urbain. Cela fait partie de la politique de ce système de
transport. En 2013, un plan d’action en faveur du parc de copropriétés de la Reconstruction a été mis en place et en 2015, le
plan stratégique de revitalisation urbaine du centre-ville.
Il n’y a pas de copropriétés dégradées mais deux fragilités sur l’îlot Cardurand – Vandernotte. D’une manière générale, ce n’est
pas un îlot qui est en souffrance particulière. En revanche, la collectivité a bien identifié la nécessité d’accompagner le plan
stratégique qu’elle venait de lancer sur le volet habitat. En 2013, elle commandait une étude urbaine particulière sur cet îlot,
sachant qu’un terrain de 4 000 m² devait être libéré, ce qui représente une grosse surface. Sa constructibilité est assez large au
regard du PLU et l’enjeu de ce cœur d’îlot est particulièrement important. Cela marquait l’urgence d’intervenir sur cet îlot en
particulier. Dans cet îlot, il y a un périmètre de 500 m² qui regroupe un groupe scolaire, des écoles primaires, la halle de
marché, la gare, le pôle d'échanges multimodal avec le fameux bus hélYce. C’est un îlot totalement stratégique, dont l’image
vue d’avion figure sur la diapositive n° 34. On voit le front bâti avec l’avenue de la République, axe qui va jusqu’à la mairie d’un
seul trait. La gare SNCF et le pôle d’échanges se trouvent au nord. Un immeuble de la Reconstruction en L a sa face sur l’îlot
et à l’intérieur de l’îlot, quatre petites maisons individuelles de la Reconstruction avec un petit jardin constituent au moins une
partie habitée du cœur d’îlot qui procure un peu de végétation à l’îlot, sachant que les autres jardins sont des propriétés qui ont
résisté aux bombardements et qui ont été conservées dans le plan de la Reconstruction. Il y a aussi deux petites maisons qui
se retrouvent actuellement coincées dans le projet entre les immeubles de la Reconstruction et ce qui va se passer dans le
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futur îlot. La question de conserver ces terrains et de les intégrer dans le projet se pose. Le passage Vandernotte traverse la
totalité de l’îlot et ressort rue de la Matte, près du pôle d'échanges multimodal. On peut voir une ligne de garages fermés, ceux
des immeubles de la Reconstruction, mais il y a également du stationnement aérien. Les photos de la diapositive n° 35
montrent les flaques d’eau et l’état de la voirie. Les copropriétaires sont évidemment insatisfaits de cette situation, parce que
cela rend la circulation et l’accès au garage très difficile. Le commerce est un peu en souffrance derrière les façades de la
Reconstruction du côté de l’avenue de la République, mais il y a tout de même des commerces qui fonctionnent et des
commerçants qui viennent en voiture, des clients qui viennent se garer là…
La demande des usagers portait sur la remise en état de la voirie et la résolution du stationnement anarchique. L’étude
d’aménagement cherche non seulement à répondre à cette demande, mais aussi à aller plus loin. Il faut améliorer les aménités
de manière générale, anticiper l’évolution des immeubles, savoir si l’on doit se placer dans l’optique de la rénovation
énergétique et éventuellement, l’installation d’ascenseurs. Notre approche est toujours de réfléchir au moyen d’apporter des
surfaces supplémentaires constructibles de manière à participer à un financement de ces actions, sachant que toutes les
actions sur les espaces extérieurs ne sont que des actions qui coûtent et ne rapportent rien.
Du point de vue de la structuration urbaine, en superposant le cadastre, qui date de 1946, avec le plan de la Reconstruction
(diapositive n° 37), on voit en gris les grands axes qui ont été créés, en rouge, les rues existantes qui ont été conservées, et un
certain nombre de bâtis qui persistent, en particulier les maisons qui figurent en rouge, qui sont les maisons antérieures à la
Seconde Guerre mondiale et qui perdurent jusqu’à aujourd'hui. On voit encore la grande parcelle qui existait déjà, qui est une
parcelle d’activités et l’on distingue une voie vers ce qui est la gare aujourd'hui – à l’époque, ce n’étaient que des terrains. Cette
voie ancienne est devenue le passage Cardurand – Vandernotte. Il y a donc une logique de circulation qui est déjà inscrite
dans le plan de 1946, sur laquelle nous souhaitions nous appuyer. La photo aérienne (diapositive n° 38) montre la force de cet
axe, qui est aujourd'hui classé patrimoine remarquable dans le PLU. Toutes ses façades sont protégées.
L’archive du plan du rez-de-chaussée et de l’entresol (diapositive n° 39) correspond à des immeubles de l’îlot. Sur la photo du
haut, on voit l’angle d’un hôtel, qui a été reconstruit et qui est toujours un hôtel aujourd'hui. La photo du bas est la vue de l’autre
côté, où l’on voit le cœur d’îlot, la parcelle d’activités et la façade intérieure de l’îlot. Il y a un élément assez amusant, mais peu
visible sur le plan. Il s’agit d’une sorte d’excroissance : ce sont des caves, qui ne concernent qu’une tranche – les autres
immeubles sont construits différemment – et qui sont représentées chacune avec un tonneau et des fagots de bois. Sur tous
les plans des immeubles de la Reconstruction que nous avons pu retrouver, toutes les caves sont figurées ainsi. Cela signifie
qu’il y avait un usage, celui de l’époque, qui n’est plus celui d’aujourd'hui. Ces caves sont une sorte d’excroissance sur l’espace
intérieur de l’îlot, qu’il faut certainement repenser si l’on veut se réapproprier l’îlot et aussi, proposer des aménités et un confort
qui soient un peu différents de celui de l’époque.
Nous avons reconstitué toute la façade (diapositive n° 40) pour bien comprendre comment cela fonctionnait. C’est l’un des
messages que je voudrais vous transmettre aujourd'hui : on ne peut pas intervenir sur l’espace extérieur si l’on ne comprend
pas comment sont conçus les immeubles. Ces immeubles de la Reconstruction ont tous l’air un peu pareil et en réalité, quand
on regarde dans le détail, pas du tout. Je commence par le plan qui est au centre. Il y a trois cages d’escalier. Il y a deux
immeubles identiques à chaque fois et les plateaux sont desservis par un escalier qui donne accès à un seul logement à
l’étage, mais les escaliers sont dos à dos. Lorsque nous réfléchissons à ce que nous pourrions faire si nous voulons installer un
ascenseur, par exemple, c’est un cas relativement simple : on perce sur le palier de l’escalier, on supprime l’un des deux
escaliers, on installe un ascenseur à la place et dès lors, on dessert nos six logements par un ascenseur sans avoir besoin
d’avoir à intervenir sur les logements eux-mêmes. C’est une opération relativement facile.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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On peut aussi imaginer qu’à partir de là, on puisse desservir des logements qui viennent en excroissance, qui sont construits
contre la façade en face de cette cour. Nous avons cela en tête quand nous réfléchissons sur cet espace extérieur. Il faut donc
que l’on se donne une distance de travail à partir du pied d’immeuble qui permette éventuellement de le faire, en sachant qu’il
n’est pas sûr que cela se produira. Mais il faut que cela soit réalisable.
Ce n’est pas le cas des trois cages d’escalier suivantes, qui sont précisément celles où il y a les petites excroissances de caves
dont je vous parlais précédemment. Si jamais on doit y installer un ascenseur, il va falloir intervenir sur une desserte passant
par un logement. Cela complique les choses. Néanmoins, il faut que nous réussissions à le permettre. En façade avant, on ne
peut pas intervenir sur grand-chose puisqu’elle est protégée au titre du grand axe de la Reconstruction gare – mairie. On
s’aperçoit aussi que les combles peuvent être utilisés, comme nous l’avons vu ce matin dans le projet qui est en cours et que
nous a présenté ce matin Mme l’adjointe à l’urbanisme, en augmentant la hauteur en toiture, donc avec un projet de
surélévation.
La diapositive n° 41 illustre un état des propriétés, avec la cour commune, qui devrait être dans une autre couleur, les
copropriétés, qui sont toutes des copropriétés indépendantes et dont certaines ne comprennent que trois logements, et les
deux petites maisons, qui ne sont pas très qualitatives et qui seront entre la nouvelle opération et l’opération de Reconstruction.
Nous avons réalisé un état du stationnement, puisque pour répondre à la demande immédiate des copropriétaires, il fallait
savoir comment se situer aujourd'hui. Il y a près de 100 places, entre les garages, le stationnement aérien, un stationnement un
peu sauvage sur ce qui était l’espace vert à la conception de l’îlot. Sur le plan masse que nous avons retrouvé, ce petit espace
était même l’espace dédié aux enfants. Aujourd'hui, il n’y a plus d’enfants là, mais il y a des voitures. Au total, il y a 100 places
utilisées. Du côté de l’avenue de la République, il y a une vingtaine de commerces et à l’angle, un hôtel-restaurant qui ne
dispose pas de places de stationnement propres.
Nous avons réfléchi à ce que nous pouvions faire pour modifier le stationnement. Il faut de toute façon retrouver 90 places. Que
faire pour supprimer ou transformer les garages, supprimer le stationnement sauvage ou en tout cas, l’organiser ? En face de
cet ancien espace vert, qui est encore un peu vert, le rez-de-chaussée de la partie des immeubles, qui ont d’ailleurs une très
belle façade exposée au sud, est occupé par des caves, chaufferies, garages (diapositive n° 43). Le rez-de-jardin et le rez-dechaussée côté gare sont occupés par des arrière-boutiques, avec une hauteur totale de 6,60 m, qui nous permet
éventuellement d’organiser un parc stationnement à deux étages, voire un troisième. Comme nous en sommes encore au
diagnostic, nous ne faisons pas encore de propositions. Nous allons étudier cela finement, mais on sait en tout cas qu’il y a là
une possibilité que nous pouvons exploiter tout en conservant une bande plantée, voire aménagée – un dessus de dalle avec
de la végétation, par exemple, pour conserver de la verdure entre les quatre maisons privatives et la couronne d’immeubles.
Cela représente déjà une bonne part des capacités de stationnement recherchées.
Par ailleurs, nous pourrions proposer de supprimer les garages pour utiliser le sol et construire des plots habitables avec
garage au rez-de-chaussée (diapositive n° 44). En évolution concertée (à droite), on aurait donc un cœur d’îlot perméable
organisé pour les habitants, qui leur permettrait de traverser par un intérieur d’îlot accompagné par la végétation. Le pied
d’immeuble libéré permettrait éventuellement de trouver des excroissances avec les ascenseurs et éventuellement, des
logements de petite surface pour ne pas trop empiéter sur ce cœur d’îlot qui est tout de même assez étroit. Mais il y a tout de
même de quoi faire. Il y aurait des blocs qui permettraient d’avoir du stationnement au rez-de-chaussée et une traversée d’îlot
possible avec l’opération qui se construira à un moment donné. Vous voyez là l’espace qui peut être utilisé pour le
stationnement à étage. À gauche, vous voyez l’évolution qui se ferait au fil de l’eau s’il n’y avait pas cette intervention sur le
cœur d’îlot, avec la permanence de l’écran de garages entre les deux opérations et la permanence de la circulation automobile,
chacun entrant et sortant sur sa parcelle. On conserverait alors malheureusement la dominance automobile dans ce cas.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Pour conclure, notre approche technique est de rechercher les possibles sur trois axes :
− l’évolution des espaces extérieurs, nécessairement en lien avec l’évolution des immeubles, en anticipation, ce qui est
le cas actuellement puisqu’il n’y a aucun projet de rénovation des immeubles pour l’instant, ou en accompagnement ;
− des améliorations d’usage et de confort, qui doivent être proposées pour permettre un saut qualitatif : il faut donner
envie aux copropriétaires de faire, les emmener dans quelque chose qui va au-delà de leur demande de base, mais
avec réalité et pragmatisme, parce qu’il ne faut pas non plus les faire rêver au-delà de ce qui est possible. C’est un
peu difficile : on danse un peu sur les solutions. Il faut à la fois leur faire imaginer que leur espace de vie peut être
différent, mais en même temps, ne pas les entraîner dans quelque chose qui soit irréalisable parce qu’ils perdraient
confiance ;
− la création de surfaces habitables, qui doit participer au financement des travaux sur les espaces extérieurs.
S’agissant des moyens opérationnels pour rendre cela possible, nous nous sommes arrêtés au diagnostic parce que la
nécessité de fédérer les habitants et de les organiser juridiquement est apparue. Après cela, nous pourrons reprendre notre
travail technique d’affinement des propositions, de visualisation, etc., donc la deuxième phase de notre étude. L’action de
l’ingénierie publique consistant à initier, inciter et accompagner est à notre avis absolument indispensable dans ce travail.
Arnaud LE MONTAGNER
Nous allons maintenant passer à la présentation de Maître Laurent Blin. Vous êtes notaire au sein de l’étude Quéméneur,
Tesson, de L'Estourbeillon à Saint-Nazaire. Vous êtes entré dans le domaine des copropriétaires par une sollicitation à 100 %
privée et votre travail a percolé jusque dans les services, qui vous ont sollicité ensuite. On comprend bien, à partir des
premières interventions et nous le verrons aussi avec les illustrations des villes de Lorient et Cergy, qu’il y a toujours une petite
question préalable qui se pose, celle du statut juridique de ces espaces. Vous allez nous exposer cela et nous parler
notamment de l’ASL, l’association syndicale libre.
Laurent BLIN
Je vous propose un premier exposé pour montrer comment fonctionnent juridiquement les cœurs d’îlot aujourd'hui. La
spécificité de nombre de villes reconstruites consiste en la création de cœurs d’îlot au sein des centres villes. Ces cœurs d’îlot
sont constitués d’un ensemble de parcelles qui sont réunies d’espaces communs. Dans l’exemple de Salengro, il y a une cour
commune qui est en propriété multiple (diapositive n° 24). Toutes les parcelles qui sont orange, autour, ont une quote-part
indivise dans la parcelle jaune. Le problème juridique majeur réside dans le fait qu’il y a une absence complète de prévision.
Depuis la Reconstruction, c’est resté un peu en friche, aussi bien sur le plan de l’urbanisme que sur le plan juridique. Ce sont
en général soit des cours, soit des voiries.
Lors des opérations de remembrement, les parcelles ont été attribuées à des propriétaires privés et ensuite, bâtis – toutes ces
parcelles étaient non bâties au moment de la Reconstruction. Généralement, à Saint-Nazaire, ce sont des copropriétés et plus
rarement, des maisons individuelles. Il y a également des bâtiments avec des logements multiples qui appartiennent à un seul
propriétaire. C’est le cas dans l’îlot Vandernotte.
Chaque propriété contiguë composant le cœur d’îlot s’est vu attribuer des droits indivis dans les espaces communs. Ce sont
ces espaces indivis qui concentrent notre attention aujourd'hui. Les espaces communs ont été attribués en indivision.
Généralement, ces droits indivis sont indissolublement liés au lot principal. Cela signifie que chaque propriétaire a une quotepart indivise dans la cour commune et qu’il ne peut céder indépendamment de son appartement les droits qu’il détient dans la
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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cour commune, ce qui nous empêche de réunir tous les tantièmes en une seule main pour arriver à un propriétaire unique et
pouvoir enfin sortir de l’impasse. Cette solution nous est en quelque sorte interdite et nous allons voir que malheureusement,
dans le fonctionnement d’une indivision, il faut tout simplement l’unanimité. Un seul opposant peut donc nous bloquer
définitivement. L’ASL est précisément une solution pour la sortie de crise.
Le sort des espaces commun est fixé par un cahier des charges, qui a été mis en place au moment de la Reconstruction.
Généralement, il en définit l’usage. Cet usage peut être celui d’une cour commune, mais la plupart du temps, ce sont des aires
de jeux ou des voies de circulation. Les interdictions qui étaient prévues au moment de la Reconstruction portent précisément
sur ce qui se fait aujourd'hui, à savoir le stationnement prolongé de véhicules, qui est interdit, de même que les dépôts
encombrants et malodorants. En réalité, on a conservé tous les interdits et on a oublié l’usage.
Les conditions d’aménagement, de gestion et d’entretien de ces espaces ont été prévues dans le cahier des charges de la
Reconstruction. Il était précisé que cela devait être fixé par un règlement établi d’entente entre les propriétaires. Or on sait
qu’aucun règlement d’entente entre les propriétaires n’a été mis en place. On revient donc tout simplement, à défaut, à ce qui
avait été prévu, à savoir la répartition des frais d’entretien entre les propriétaires proportionnellement à leur part dans la
propriété. En gros, on revient donc à l’unanimité et à la contribution aux tantièmes d’indivision qui sont attribués à chacun.
Ces éléments nous permettent de percevoir l’étendue des difficultés de gestion de ces espaces. L’usage n’étant bien souvent
pas respecté, des conflits dans l’utilisation de ces aires naissent entre riverains, d’autant plus que ces espaces sont ouverts sur
la voie publique, ce qui est encore un autre problème. Ainsi, l’îlot Vandernotte étant situé à côté de la gare, il sert très souvent
et très régulièrement de stationnement particulièrement anarchique et généralement, très prolongé. Quand les gens partent une
semaine, c’est l’espace rêvé. Nous évoquerons ultérieurement les problèmes de police, puisqu’il s’agit d’une voirie privée. Vous
verrez qu’il y a également un problème pour faire intervenir la force publique afin de solutionner ces stationnements
anarchiques.
Face à ces spécificités, quelles peuvent être les solutions à apporter pour faciliter la gestion de ces îlots et quel statut juridique
pour y parvenir ? La solution envisagée par la commune de Saint-Nazaire est de créer des associations syndicales libres. Nous
étudierons dans un premier temps la constitution et le fonctionnement de ces structures et nous évoquerons quelques solutions
hybrides, telles que la nomination d’un administrateur ad hoc pour parer à la crise. Juridiquement, ce n’est pas non plus
satisfaisant.
S’agissant de la définition et des caractères généraux de l’association syndicale libre, c’est une personne morale de droit privé,
qui a la capacité juridique. On crée une structure qui aura la possibilité d’agir en justice. Elle réunit des propriétaires de
différentes propriétés dans le but de gérer et de mettre en valeur les espaces communs. L’objet de l’ASL est l’aménagement, la
gestion, l’entretien des terrains et des équipements communs à tous les propriétaires d’immeubles qui sont compris dans son
périmètre. Cela peut également être la création d’équipements nouveaux, le contrôle de l’application du cahier des charges et
l’exercice de la fameuse faculté de police, à voir avec les autorités. Un autre problème, qui est généralement le nerf de la
guerre, touche au pécuniaire : la répartition des dépenses de gestion et d’entretien et le recouvrement. Tant que l’on ne
demande pas de finance, les gens peuvent se mettre d’accord. Lorsque la finance intervient, c’est beaucoup plus compliqué.
Plus généralement, l’ASL porte toute opération financière, mobilière et immobilière, concourant à son objet. Nous avons tout à
l’heure parlé d’un îlot qui aurait pu faire l’objet d’une promotion immobilière de droit à construire. Lorsque le terrain, l’espace
commun, commence à retrouver une valeur – on a tendance à parler en centaines de milliers d’euros –, les accords
commencent à naître. Je ne suis pas mauvaise langue. C’est un constat : lorsque l’on demande de la finance, cela bloque et
dès lors que l’on en offre, cela peut solutionner des choses. Retrouver de la constructibilité sur certains espaces peut permettre
de débloquer une situation.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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En termes de composition, les membres des ASL sont tous les propriétaires des immeubles situés autour de l’îlot. L’adhésion
se fait soit par la signature des statuts initiaux, soit par le simple fait d’acquérir un bien. En effet, une fois que l’association
syndicale est en place, le simple fait de devenir propriétaire d’un lot ou d’une maison qui se trouve dans le périmètre de l’ASL
vous transfère systématiquement la qualité de membre. L’ASL est constituée d’une assemblée générale, composée de tous les
membres, avec une particularité, quand il y a des copropriétés, que ce sont les copropriétaires qui sont membres de cette
assemblée générale et non le syndicat des copropriétaires. Mais en général, la copropriété est représentée par son syndic pour
avoir un interlocuteur unique, sauf au moment de la constitution des statuts, où nous sommes obligés d’avoir tous les
copropriétaires face à nous. Si vous connaissez la particularité du démembrement de propriété, à savoir la nue-propriété et
l’usufruit par exemple suite à une succession, les enfants étant propriétaires du bien, le conjoint survivant en ayant l’usage,
c’est l’usufruitier qui a le droit de vote au sein de l’ASL. Dans le cadre de l’indivision, il y a des personnes qui sont inconnues ou
du moins, qui sont connues, mais qui ne réagissent pour ainsi dire jamais, ni aux appels, ni aux convocations écrites. Elles ont
la possibilité de se faire représenter au sein de l’ASL, mais le mandataire doit être lui-même membre de l’ASL.
L’ASL est dirigée par un organe directeur, composé d’un directeur – et le cas échéant, d’un directeur adjoint –, désigné par
l’assemblée générale pour deux ans. Il a les pouvoirs les plus étendus dans la réalisation de l’objet de cette ASL.
La constitution de l’ASL – c’est l’élément principal qui nous préoccupera dans un premier temps pour les îlots qui ont été
évoqués – nécessite un consentement unanime. Cela reste le nerf de la guerre. Le pouvoir de motivation est donc essentiel. Il
s’agit de convaincre les différents propriétaires que tout le monde agit dans l’intérêt commun, à savoir la valorisation de leur
patrimoine. Nous verrons aussi qu’il y a un autre problème : la multiplicité des propriétaires. Il y a des propriétaires occupants,
qui valorisent leur habitat, des propriétaires investisseurs qui peuvent, par ce biais-là, valoriser leur patrimoine et donc,
favoriser la location, et des propriétaires plus négligents, qui se contentent de laisser le bien en l’état, sans voir obligatoirement
l’avenir de celui-ci.
S’agissant des conditions de forme, les statuts sont réalisés soit par acte authentique, soit par acte sous seing privé. Le
problème, dans ce cas, est qu’il faut un exemplaire par souscripteur. C’est pourquoi l’acte authentique est généralement
préféré. Le coût est somme toute assez réduit. Les statuts doivent indiquer le nom de l’ASL, son objet, le siège social et surtout,
ses règles de fonctionnement. Comme pour toute association, il y a aussi des formalités de publicité : il faut l’immatriculer en
bonne et due forme.
J’en viens au fonctionnement de l’ASL. Les différents membres se réunissent en assemblée générale. Cette assemblée
générale prend toutes les décisions qui sont comprises dans son objet, notamment l’approbation du budget, la nomination du
directeur et de ses adjoints. Elle se prononce également sur toutes les modifications de statut. Chaque décision a son système
de majorité. On revient parfois à l’unanimité, mais c’est excessivement rare. Les décisions prises obligent tous les propriétaires,
c’est là l’avantage, même ceux qui ont voté contre la décision ou ceux qui n’étaient pas présentés et non représentés. C’est là
où l’on sort de notre problème d’unanimité : une fois que l’ASL est mise en place, on retrouve un fonctionnement plus
démocratique. D’où l’importance de la mise en œuvre de l’ASL. La situation actuelle nécessite en effet l’unanimité de tous les
propriétaires, qu’ils soient présents ou non présents, la difficulté se trouvant dans les divergences d’intérêts des différents
propriétaires. Malgré cela, il faut l’unanimité, même au sein des copropriétés. Les mono-propriétaires sont obligés de donner
leur accord, cela, c’est certain. Mais au sein des copropriétés, peut-on se contenter d’une majorité ? La réponse est
malheureusement non. Certains syndics pourraient tenter leur chance et faire passer les décisions à une majorité moindre,
mais qui serait selon moi fortement contestable, à partir du moment où lorsque l’on touche au cœur d’îlot, on touche au
caractère nécessaire et au respect de la destination de l’immeuble. En gros, dès lors que vous touchez au cœur d’îlot, vous
touchez à l’environnement des immeubles qui sont autour. Par définition, si vous le modifiez, si vous le transformer en parking,
vous touchez à l’affectation. Vous vous retrouvez donc face à cette unanimité. Autant dire que l’on ne peut échapper à
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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l’unanimité pour toute décision importante sur les cœurs d’îlot. Seule la mise en place d’une ASL permet d’y échapper, même
si, pour la constituer, il faut là aussi l’unanimité.
Le principe de la majorité est celui de la majorité des voix exprimées des personnes présentes ou représentées. Cela simplifie
grandement le fonctionnement. Lorsque l’on touche à des projets d’équipements nouveaux, ce qui peut être le cas dans
l’aménagement des cœurs d’îlot, ou à la suppression d’un service, il faut la majorité absolue des voix de tous les propriétaires.
Le fait de supprimer des places de stationnement constitue-t-il la suppression d’un service ? On peut en douter, puisque
logiquement, il n’y a pas de stationnement possible. En tout cas, on a une chance, un peu comme dans les copropriétés : si
l’assemblée générale n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue, il peut être tenu une nouvelle assemblée générale, qui
revotera, et cette fois-ci, à la majorité simple. Pour la modification des statuts, il faut les voix des deux tiers des propriétaires
présents, représentés ou non.
Un recours est tout de même possible contre les décisions. N’importe quel membre peut contester les décisions qui ont été
prises. Le délai de recours est de cinq ans, en général, sauf si c’est prévu autrement dans les statuts. Enfin, il y a nullité pour
ainsi dire automatique des délibérations qui sont prises en cas de non-respect des règles statutaires, à savoir ce qui a été
conçu par les souscripteurs de départ. Le président peut agir en justice au nom de l’ASL.
Pour ce qui concerne les charges de fonctionnement, elles sont réparties selon les règles fixées dans les statuts. Si cela n’a
pas été prévu, c’est l’assemblée générale qui les détermine. En cas d’immeuble en copropriété, c’est le copropriétaire qui est
redevable de sa cotisation à l’ASL et non le syndicat des copropriétaires. L’action en paiement des charges se prescrit par cinq
ans. Si quelqu’un n’a pas payé sa cotisation, le président a cinq ans pour la recouvrer. Il est possible d’utiliser l’hypothèque
légale contre un propriétaire récalcitrant. Si un membre ne paie pas ses charges, il reste cette faculté.
L’ASL peut disparaître par la disparition de son objet, à savoir le simple fait de rétrocéder tous les espaces communs à la
municipalité. Dès lors, l’association syndicale n’a plus d’objet, n’a plus rien à gérer et donc, elle disparaît. Elle peut aussi
disparaître par décision unanime de ses membres. Une particularité : si l’on dissout l’ASL, le territoire laissé vacant devrait
devenir la propriété des membres. Or il est en général dévolu à l’État.
Tous ces éléments démontrent qu’une fois l’ASL mise en place, sa gestion se trouve nettement simplifiée, contrairement à la
situation actuelle. La seule complication réside dans la motivation des propriétaires à mettre en œuvre un outil de gestion
commun efficace. À défaut d’accord pour cette mise en place, d’autres solutions peuvent être envisagées. Il peut s’agir de la
nomination par voie judiciaire d’un administrateur provisoire. Celui-ci sera chargé de gérer les espaces indivis pour lesquels les
propriétaires indivis ne s’entendent pas. C’est le cas des deux cours voisines qui ont été évoquées : l’une a été rénovée par ce
biais-là. Les propriétaires ont trouvé judicieux de nommer un syndic professionnel, qui gère cela comme une copropriété.
J’espère pour lui que personne ne viendra contester les décisions… Je pense que juridiquement, il faut toujours l’unanimité.
Par conséquent, j’ai personnellement un doute sur sa capacité à prendre des décisions.
La rétrocession des espaces des cœurs d’îlot à une entité publique est un peu problématique. On peut y voir un avantage pour
les propriétaires : le bien sort de leur patrimoine pour passer dans le domaine public afin d’être entretenu et géré par la
collectivité. Mais la collectivité n’est pas nécessairement apte et a la volonté de récupérer des espaces qui n’ont pas toujours
vocation à servir à l’ensemble de la population. Cela peut être le cas pour une voirie, mais pour des aires de jeux entre des
immeubles, c’est un peu plus délicat. Le problème majeur reste le coût. Dans le cœur d’îlot Vandernotte, les voiries sont très
dégradées. Sous les voiries, il y a tous les réseaux. C’est un énorme problème : on ne sait pas ce qu’il y a en dessous. Le coût
de réfection de la voirie est une chose, mais la remise en place des réseaux semble aussi un peu problématique. Une fois que
les voiries, les espaces communs sont passés dans le domaine public, les différents propriétaires perdent toute maîtrise sur
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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son devenir. Les aires de jeux privatives deviendront des aires de jeux publiques, avec éventuellement, un surcroît de bruit, un
surcroît de circulation sur les voies publiques, ce qui peut éventuellement bloquer la circulation pour certains.
Arnaud LE MONTAGNER
Merci, Maître Blin. Nous retenons bien l’idée de la nécessité d’avoir l’unanimité au moment de la constitution d’une ASL, qui est
peut-être la difficulté principale. Mais nous retenons aussi que le mode de gouvernance de l’association syndicale libre fait que
la prise de décision à la majorité permet d’accélérer les procédures.
Nous allons passer à un exposé à deux voix, celle de Katell Le Gall, qui est responsable de projets d’aménagement et
d’espaces publics à Lorient et Pascale Oberson, chargée d’action foncière au sein de Lorient Agglomération, qui travaillent
toutes les deux pour la ville de Lorient. Vous allez illustrer la nécessité d’attaquer par deux fronts la question des cœurs d’îlot,
avec un binôme constitué d’un aménageur et d’un juriste qui va défricher le travail juridique avant d’intervenir, encore une fois,
pas de manière proactive de la part de la collectivité, mais plutôt à partir de la demande des copropriétaires ou en tout cas, des
différentes copropriétés autour d’un cœur d’îlot. Vous allez nous expliquer comment vous intervenez.
Pascale OBERSON
La définition des cœurs d’îlot a déjà été abordée par nos prédécesseurs. Le centre-ville de Lorient a été réorganisé à partir d’un
plan de remembrement sur la base d’îlots. Les cœurs d’îlots sont des parties privatives qui, pour la plupart, sont ouvertes sur la
voie publique. Ils disposent d’un cahier des charges et de servitudes et d’un plan masse dans lequel des prescriptions ont été
établies, notamment trois obligations pour les propriétaires : aménager et entretenir ce cœur d’îlot, adhérer au règlement et
bien contribuer aux dépenses.
À Lorient, ces îlots peuvent avoir une gestion privée ou publique, selon les conventions existantes. Depuis quelque temps, la
ville a vu ce parc de cœurs d’îlot se dégrader. Cela entraîne beaucoup de problèmes de sécurité, d’insalubrité et la
responsabilité des copropriétaires est évidemment mise en avant. C’est pour cette raison que nous nous sommes attaquées à
ces îlots, avec Katell Le Gall, pour pouvoir fédérer et motiver ces propriétaires autour d’un projet.
Katell LE GALL
Nous intervenons au titre de la ville de Lorient. Le travail mené autour des cœurs d’îlot s’inscrit dans un ensemble de mesures
destinées à l’embellissement de la ville. Outre le travail effectué sur les espaces publics, l’équipe municipale a demandé de
travailler également sur les espaces privatifs qui présentaient, dès ce diagnostic, réalisé en 1996, un état de délabrement et de
salubrité qui posait de réels problèmes d’usage. En effet, outre les risques d’accidents, il y avait des problèmes de salubrité,
liés notamment au stockage des déchets ménagers dans ces grands immeubles.
Les objectifs fixés par la ville pour ces aménagements sont multiples. Le premier objectif est l’amélioration des sols.
Généralement, le contexte est celui de cours qui n’ont pas été entretenues depuis leur réalisation – quand elles ont été
réalisées, d’ailleurs – et qui présentent souvent des trous, des dégradations importantes et donc, un risque accidentogène
important pour leurs usagers, qu’il s’agisse des propriétaires habitant sur site ou d’usagers extérieurs, puisque bien souvent,
ces cours sont ouvertes sur l’espace public.
Le deuxième objectif consiste à faire un point sur les réseaux. En effet, outre les sols qui sont dégradés, les réseaux le sont
souvent tout autant : les sols n’ayant pas été entretenus, les réseaux d’eau pluviale, notamment, se sont affaissés, couchés et
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ne permettent plus de collecter les eaux pluviales correctement. Ceci induit une boucle de dégradation, puisque l’eau pluviale
n’étant pas connectée, elle dégrade d’autant plus les sols en raison de la circulation des véhicules sur ces espaces.
Le troisième objectif, qui n’est pas le moindre, est l’organisation de la cour. Lorsqu’elle a été organisée, à l’époque – si elle a
été organisée –, la cour a été faite dans un objectif d’usage qui n’est pas celui des propriétaires actuels. On retrouve plusieurs
typologies, à Lorient. Il y a des typologies de cours qui n’ont pas été organisées, qui présentent des sols en terre battue sur
l’ensemble de la surface et qui aujourd'hui, accueillent un stationnement anarchique, un stockage de déchets et des conteneurs
anarchiques. D’autres cours sont aménagées avec des espaces verts et piétonniers, mais elles ne répondent plus à la
demande des usagers qui, bien souvent, veulent en faire autre chose. L’idée de la ville de Lorient est de ne pas être un seul
opérateur et un seul vecteur de financement du bitume dans les cours communes. Une petite condition est fixée aux
propriétaires privés pour bénéficier de l’aide de la ville, qui est de conserver une qualité de traitement à ces espaces de cœurs
d’îlot et pas uniquement venir étaler une tartine de goudron sur l’ensemble de la surface. Il s’agit vraiment de travailler avec eux
sur la mise en place d’une qualité du traitement du cœur d’îlot, sachant qu’il y a des limites, puisque nos intérêts ne sont pas
forcément les mêmes que ceux des propriétaires.
Le quatrième point est la distribution des implantations de stockage des conteneurs ménagers. À Lorient, la collecte se fait en
porte-à-porte, avec une gestion privative et unitaire des déchets ménagers. Chaque copropriété et entité de propriétaires
doivent conserver les conteneurs dans leur propriété privée. Bien souvent, il s’agit d’un patrimoine de la Reconstruction, qui
n’offre pas forcément des possibilités de stockage à l’intérieur des immeubles. Cela implique donc souvent un stockage
extérieur des conteneurs de déchets ménagers. Mais lorsqu’ils ne sont pas organisés, ils sont disséminés un peu partout dans
le cœur d’îlot, accompagnés de déchets qui ne sont pas forcément directement produits par les propriétaires, puisque des
personnes extérieures trouvent le détour par ces cours communes relativement aisé. La ville veut organiser cela pour stocker
les conteneurs de déchets ménagers privatifs dans la cour commune et également, organiser les aires de présentation, puisque
les propriétaires privés doivent venir en bordure d’espace public présenter leurs conteneurs pour la collecte en fonction des
typologies de conteneurs.
Le dernier objectif n’est pas forcément celui de la ville, mais c’est un objectif récurrent qui ressort de nos rencontres avec les
propriétaires : la fermeture éventuelle de l’îlot. C’est une thématique qui revient régulièrement. Elle n’est pas toujours réalisée,
mais la question se pose, pour les riverains et propriétaires, de la nécessité de fermer ou non les cours communes aux
automobiles ainsi qu’aux piétons. Une autre problématique est également soulevée : certaines de ces cours communes sont
soit des servitudes de passage piétonnier, soit des passages piétonniers sans servitude, qui sont des passages habituels et
historiques, soit des voiries traversantes, dont l’histoire a fait oublier le statut privé, tant au niveau communal qu’au niveau des
propriétaires fonciers. Cela engendre des questions de déplacements dans la ville dans le cas où une fermeture serait évoquée
par les propriétaires.
Cette dernière condition d’objectif peut être modifiée puisque nous avons des îlots conventionnés avec la ville, dont la ville
assure l’entretien et la gestion de la cour commune. Ce sont uniquement des cours qui présentent un usage d’intérêt public :
stationnement ouvert au public, squares d’intérêt collectif.
Pascale OBERSON
L’opération sur la ville de Lorient a été mise en place avec un périmètre d’intervention depuis 1996, en accompagnement de
l’OPAH. Au centre-ville, cette opération de rénovation de cœur d’îlot a été mise en place. En 2014, à titre exceptionnel, le
conseil municipal a délibéré en faveur d’une extension de ce périmètre, notamment pour intégrer l’îlot du Ter, situé à l’ouest, en
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dehors du périmètre du centre-ville. Il se trouve à proximité d’un quartier qui bénéficie d’une opération de l’ANRU. Cela s’inscrit
donc davantage dans la requalification du secteur dans sa globalité.
Certains propriétaires se demandent parfois pourquoi la ville injecte des crédits et les aide, alors que ce sont des espaces
privés qui leur appartiennent. À quel titre intervient-elle ? Nous rappelons chaque fois qu’elle intervient au titre de la loi du 13
août 2004 et que la ville de Lorient a souhaité, avec cette opération de rénovation de cœurs d’îlot, contribuer à la requalification
du centre-ville au même titre qu’à l’aménagement des espaces publics, à la campagne de ravalement dont vous a parlé Olivier
Le Lamer ce matin ou encore, à la réhabilitation des logements.
La ville de Lorient a proposé aux propriétaires privés, pour les inciter à aménager et entretenir leurs espaces, un
accompagnement dans la gestion de leur dossier, c'est-à-dire un appui administratif, technique et logistique, ainsi que
l’attribution aux propriétaires occupants, bailleurs et commerçants, de subventions, par délibération municipale, à hauteur de
20 % HT sur le montant des travaux, avec une majoration qui peut aller jusqu’à 25 % sous conditions de ressources pour les
propriétaires occupants.
Katell LE GALL
Vous voyez là la cartographie de l’opération de rénovation des cœurs d’îlot dans la ville de Lorient (diapositive n° 59). Cette
opération, à ce jour, a concerné une quarantaine d’îlots, depuis 1996. 31 îlots (en bleu sur la carte) ont fait l’objet d’études ou
de projets et 18 îlots ont été entièrement rénovés et sont aujourd'hui par des syndics généralement privés. Huit îlots (en jaune
sur la carte) sont en phase d’étude, dont un, le n° 116, qui est prêt à lancer ces travaux d’aménagement. Les îlots verts sont les
îlots en convention avec la ville de Lorient. Ils sont donc gérés et entretenus par la ville.
Comment intervenons-nous ? Nous travaillons en binôme de manière à avoir une double compétence sur la question. Le
traitement des cœurs d’îlot étant réalisé dans une politique globale d’embellissement du centre-ville, il nous a semblé important
que le cadre juridique soit porté par la direction Habitat, foncier, patrimoine, et qu’il y ait aussi une vision d’aménageur sur
l’espace public.
Nous n’intervenons que sur sollicitation des propriétaires privés ou des syndics gérant les propriétés sur les îlots. Nous
pouvons intervenir exceptionnellement de manière directe, sans sollicitation, dans des cas avérés de problèmes de salubrité ou
lorsqu’il y a des bâtiments qui présentent des arrêtés de mairie imminents et sur lesquels des interventions sont à réaliser en
urgence.
Nous commençons par une visite sur le site, un état des lieux et un diagnostic technique, réalisé en relation avec les services
de la ville (voirie, assainissement, eaux pluviales…) Nous faisons un point sur les usages présents sur le site et les
problématiques de sol et de réseaux. Nous travaillons également avec le service du cadre de vie et déchets de Lorient
Agglomération, qui est le collecteur des déchets, pour faire le point sur le volume des encombrants à stocker et à évacuer et
pour connaître les problématiques qui existent ou non sur le site. De manière un peu plus anecdotique et en fonction des cœurs
d’îlot, le service des espaces verts peut également intervenir lorsqu’il existe des espaces verts ou des qualités végétales sur le
site.
Pascale OBERSON
Au tout départ, une fois le diagnostic réalisé, nous procédons au montage du dossier dans sa partie administrative. Nous
recherchons tous les copropriétaires, en collaboration avec les syndics lorsqu’il y en a sur l’îlot. Nous détaillons également les
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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documents en notre possession : documents de remembrement, cahiers des charges, plans… Parfois, nous passons par le
bureau des hypothèques ou le cadastre. Nous mettons tout en œuvre pour rassembler le plus d’éléments possible.
Nous organisons ensuite une première réunion publique avec l’ensemble des copropriétaires concernés. Pour cette première
réunion, l’élu référent, M. Le Lamer, est toujours présent. Les syndics sont également conviés et lorsque c’est nécessaire, les
services de la ville sont associés, ainsi que Katell Le Gall et moi-même. Cette démarche est indispensable. Elle nous permet
d’évaluer, dans un premier temps, et de prendre le premier ressenti de la volonté des copropriétaires à faire vraiment avancer
un projet sur leur cœur d’îlot. Nous sommes parfois sollicités par deux ou trois copropriétaires, et l’ensemble des autres
copropriétaires ne se sentant pas concernés, nous n’arrivons pas à avancer. Au cours de cette réunion, Katell présente un petit
projet d’aménagement.
Katell LE GALL
Nous arrivons directement à cette réunion avec le diagnostic réalisé, que nous présentons aux propriétaires, et avec un projet
d’aménagement. Cela permet d’engager une discussion avec les propriétaires sur ce qu’ils veulent dans cet îlot, pour éviter de
partir dans tous les sens et que chacun donne son opinion. Nous construisons un petit projet qui constitue une base de travail,
une base de discussion. C’est aussi un outil très important parce que ce projet est chiffré : nous procédons à une estimation et
nous faisons le prorata de la participation financière de chaque propriétaire par rapport à cette base de projet. Ceci permet bien
souvent de décrisper la situation, parce que certes, il y a des propriétaires qui nous ont sollicités, mais d’autres ne l’ont pas fait.
Nous rencontrons fréquemment des propriétaires qui ont d’abord peur de l’intervention par souci financier, parce qu’ils
imaginent que la cour du cœur d’îlot va coûter très cher et qu’ils n’en ont pas les moyens. Une fois qu’on leur propose un projet
relativement simple, que le coût a été divisé en quotes-parts pour chaque propriétaire – à Lorient, les copropriétés comptent de
15 à 200 copropriétaires – on s’aperçoit qu’avec la petite part de chacun, la réalisation est possible, parce qu’avec une
intervention à hauteur de 300 à 500 € par propriété, on peut rénover la cour commune avec un projet relativement simple. Cette
étape est souvent très importante, parce que l’on décrispe une situation qui peut être latente et perdurer.
Pascale OBERSON
Au cours de cette réunion, nous leur proposons également de mettre en place une organisation entre copropriétés et de
constituer une ASL, s’il n’en existe pas, en lien avec le notaire qui collabore avec la ville de Lorient. Nous avons très rarement
l’unanimité… Notre principal problème est donc celui de la gestion et de la non-application du cahier des charges. Le taux de
présence des copropriétaires à cette première réunion monte à 25 %, voire 30 %. Quand les copropriétaires sont très
nombreux, comme sur l’îlot n° 149, qui compte 196 copropriétaires, nous proposons de mettre en place un petit groupe de
travail afin d’avancer plus sereinement, parce que parfois, on en arrive à des conflits entre personnes. Nous proposons un à
deux copropriétaires par immeuble et aux membres du bureau de l’ASL, si elle est constituée, ou à des éléments moteurs de la
copropriété, qui veulent bien s’investir un peu, de participer à ce groupe de travail.
Les réunions de ce petit comité de travail ont lieu à peu près une fois par trimestre. Il faut parfois plusieurs mois, parfois
plusieurs années, avant de pouvoir à nouveau re-convoquer une réunion avec l’ensemble des copropriétaires pour valider un
projet d’aménagement et que celui-ci soit voté en AG pour la réalisation des travaux.
On arrive ensuite à la réalisation des travaux et à la constitution des dossiers de subvention, pour lesquels nous demandons les
pièces justificatives, notamment des ressources, pour ceux qui ont droit à des subventions de 25 %.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Katell LE GALL
Voici l’exemple de l’îlot NS 100 (diapositive n° 61), qui est situé tout à fait en cœur de ville. C’est l’îlot voisin de l’hôtel de ville
de Lorient. Il a la particularité d’avoir quatre cours communes en son sein, qui sont la propriété indivise de propriétaires
différents. La cour 117 est répartie entre les propriétaires indivis situés autour. De la même manière, la cour 111 est répartie
avec les propriétaires situés autour, ainsi que les cours 98 et 87. Pour chaque cour commune, nous n’avons donc pas les
mêmes propriétaires intervenants. Pour pouvoir intervenir sur l’aménagement d’une seule des cours communes, l’intérêt des
propriétaires indivis de la cour 87 est difficilement mobilisable. Les cours 87 et 117 avaient déjà été rénovées de manière de
manière spontanée par les propriétaires habitants.
Nous avons fait le diagnostic habituel de cette cour. L’entrée était non close et le revêtement de sol excessivement usagé. La
proximité directe du centre-ville amenait le stationnement d’usagers extérieurs à la cour commune et donc, une dégradation
très rapide de l’ensemble des sols et d’autant plus irritante pour les habitants qu’elle n’était pas le fait des propriétaires indivis
de la cour. La cour était organisée à la mode des années 1950, avec des parterres engazonnés et de petites allées piétonnes.
La demande des riverains et des propriétaires habitants était plutôt de créer une aire de stationnement dans cette cour
commune. À l’époque, les stationnements se faisaient sur le gazon, donc par-dessus les bordures, ce qui engendrait, d’une
part, une dégradation très rapide des gazons et en période de pluie et en période hivernale, je vous laisse imaginer quel plaisir
on avait à sortir de sa voiture. De plus, comme souvent dans les cours communes lorientaises, il y avait des stockages de
conteneurs qui n’étaient pas organisés et qui s’accompagnaient de dépôts sauvages supplémentaires.
Le notaire a proposé d’élaborer non pas une ASL, mais un règlement d’entente à l’échelle de la cour, sachant que certains
propriétaires n’avaient pas accès à la cour et étaient par conséquent difficilement mobilisables. Ils ne voulaient pas intervenir
sur la prestation de travaux. L’entente qui a été réalisée entre l’ensemble des copropriétaires consistait à dire que ceux qui ne
voulaient pas participer aux travaux n’auraient pas accès à la cour, sortiraient de leur droit d’usage et que seules, les
personnes ayant accès à la cour participeraient au coût des travaux. Cette disposition a été discutée entre eux et le règlement
a pu être mis en place par le notaire. Six propriétaires indivis ont participé aux travaux sur seize propriétaires effectifs.
Les travaux réalisés sont relativement simples. D’abord, l’accès à la cour a été privatisé, à moindres frais, puisqu’il s’agit du
système le plus simple que l’on trouve à Lorient : deux potelets reliés par une petite chaîne gérée par un cadenas. À l’échelle
de six propriétaires, cela fonctionne bien et pour le moment, ils n’ont rien à y redire. L’ensemble des sols et revêtements de
surface ont été rénovés. Sur cet îlot, il n’y avait pas de problèmes de réseau d’eaux pluviales. Les stationnements ont été
réalisés, accompagnés d’une petite bande plantée, qui est notre petit argument paysager sur la cour commune. Des
emplacements pour les conteneurs ont été réservés, formalisés par des palissades en bois qui permettent à la fois de les
camoufler et de localiser le stockage.
Ces travaux se sont élevés à 15 277,20 €. La ville a attribué une subvention de 3 055,44 €. C’est la dernière cour rénovée dans
le cadre de la ville de Lorient.
Arnaud LE MONTAGNER
Après ces exemples nazairiens et lorientais, issus de deux villes de la Reconstruction, nous allons passer la parole à Marie
Géroudet-Dalle. Vous êtes directrice adjointe de l’aménagement et du développement du territoire de la ville de Cergy, qui n’est
pas une ville reconstruite. C’est une ville nouvelle, mais qui doit faire face au même type de problématiques, avec des
contraintes de construction dans l’urgence, de production massive de logements, comme lors de la Reconstruction. Vous allez
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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nous expliquer comment vous intervenez sur les cœurs d’îlot de la ville de Cergy. Nous reviendrons sans doute sur la
constitution des ASL qui sont, là aussi, une des voies de règlement.
Marie GÉROUDET-DALLE
J’ai effectivement un peu l’impression d’être un Ovni, aujourd'hui, parce que nous parlons tous de cours communes, de la
Reconstruction. Pour ma part, je représente une ville de la construction.
Cergy est la ville centre de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise, à 40 km au nord-ouest de Paris. Dans les années 1960, il y
avait moins de 3 000 habitants. Aujourd'hui, il y en a plus de 61 000. L’Oise, la rivière qui borde de la ville, est restée, mais
l’urbanisation a beaucoup poussé. Cergy a bénéficié du programme Ville nouvelle en 1969 pour constituer un mode alternatif à
la vie en région Île-de-France. Il y a cinq villes nouvelles. L’urbanisation, très rapide, a été réalisée sous forme d’îlots, avec une
intervention très forte de l’État, par le biais d’un régime dérogatoire et d’un établissement public d’aménagement jusqu’en 2002
ou en 2003. Aujourd'hui, Cergy compte 25 000 logements, dont 23 100 en résidence principale. Il y a près de 40 % de
propriétaires occupants, beaucoup de logements collectifs, beaucoup de logements locatifs sociaux. J’ai indiqué les deux
pourcentages parce que la différence entre l’Insee (32 %) et la loi SRU (43 %) amuse beaucoup. Nous avons 175 copropriétés.
C’est un vrai sujet à Cergy, qui intéresse aussi un certain nombre des treize autres communes de l’agglomération, qui compte
près de 200 000 habitants.
La ville a été construite à partir de 1969, mais dès les années 1990, certaines copropriétés connaissent une spirale de
dégradation, une vraie paupérisation, un non-entretien du bâti et des difficultés de gestion. J’ai choisi sciemment cette image
(diapositive n° 65) parce que c’est une des premières copropriétés qui a posé problème. Cette prise de conscience
s’accompagne d’une forte prise de conscience d’une difficulté de gouvernance pour certaines copropriétés, puisque les
copropriétaires ont du mal, voire ne maîtrisent pas du tout le régime de la copropriété. Parallèlement, on se rend compte que
ces copropriétés et ces ASL, qui sont nombreuses sur la ville, participent à la qualité des espaces publics et de vie des
habitants : il n’est pas question non plus de tout balayer d’un revers de main. Au regard de situations devenant problématiques,
dès 1999, la ville met en place des actions curatives avec l’opération de la Bastide, qui sera le 1er plan de sauvegarde en
France. Nous n’en sommes pas très fiers, mais cela marque le début des grandes sauvegardes, qui sont des outils encore plus
forts et plus coercitifs que les autres. La ville met également en place des actions préventives et d’accompagnement, avec des
dispositifs destinés à accompagner les copropriétaires dans la gestion de leurs espaces et équipements privés d'intérêt
général.
Les copropriétés et les ASL sont un élément très fort des politiques publiques menées par la ville de Cergy. Très tôt, la ville a
mis en place un service habitat spécialisé, une gestion urbaine de proximité à destination des copropriétés et des ASL, un atlas
de l’habitat, qui recense toutes les copropriétés, qu’il est difficile de mettre à jour, mais qui est plutôt bien tenu tout de même, et
un élu référent, interlocuteur privilégié des copropriétés et ASL.
Progressivement, nous avons décliné quatre séries d’actions : des actions pour les copropriétaires, des actions pour les
copropriétés existantes et aujourd'hui, nous commençons à mettre en place des actions pour les copropriétés à venir, les
constructions neuves, et pour les copropriétés en devenir. Les copropriétés à venir sont un volet important de la ville, qui
continue à avoir une part de construction très importante. Nous avons un objectif de près de 500 logements par an, la plupart
en immeubles collectifs, en copropriété ou éventuellement, en logement social.
Je vous ai fait un tableau récapitulatif, qui est un peu lourd à lire, mais que vous pourrez garder par-devers vous (diapositive
n° 67). Pour les copropriétaires, depuis assez longtemps, nous mettons en place des actions de sensibilisation. Pour cela, nous
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nous faisons accompagner par l’ARC, l’Association des responsables de copropriétés, qui propose aux copropriétaires des
formations sur ce qu’est une copropriété, comment cela fonctionne, comment est tenue la comptabilité, etc. Nous
accompagnons aussi les débiteurs de « bonne foi » avec un accompagnement social dans l’objectif du maintien à domicile.
Enfin, tous les ans, nous organisons des réunions thématiques ou par quartier ainsi que des comités de liaison des ASL et
copropriétés, parce que nous avons des copropriétés complexes, dans lesquelles il y a des ASL mélangées à des copropriétés
et un peu de bailleurs sociaux, sinon c’est moins drôle. Vous verrez qu’avec la Bastide, nous atteignons le sommet de la
complexité et de l’originalité…
Pour les copropriétés existantes, nous réalisons depuis quelques années, de manière ponctuelle, des diagnostics urbains et
sociaux pour des OPAH, des plans de sauvegarde et maintenant, des Popac. Nous avons mis en place des missions de
refonte et de simplification foncière, ce qui est tout sauf simple – je vous en donnerai deux exemples –, des fonds d’aide pour
travaux sur les espaces extérieurs. Ces fonds d’aide existent depuis 1999 et représentent, bon an, mal an, 200 000 à 300 000 €
de subventions, pour aider les copropriétés à entretenir tous les espaces extérieurs d’intérêt général, ce qui, pour un certain
nombre de copropriétaires, correspond à des voiries entières voire, à la limite, des parcs paysagers. C’est très lourd pour les
copropriétés, qui n’ont pas toujours les moyens et qui ne se rendent pas forcément compte que c’est à elles d’assurer
l’entretien. Comme le disait un intervenant, quand tout va bien, il n’y a pas de problème. Dès lors qu’il y a des difficultés, on se
demande qui va payer et on a alors moins envie, voire pas les possibilités de payer. Nous recourons aussi à un cabinet
d’avocats spécialisés qui nous permet parfois de nous éclairer sur les stratégies à mettre en place et nous nous faisons
accompagner par différents notaires.
Pour les copropriétés en devenir, comme dans un certain nombre de villes, je pense, il y a des bailleurs sociaux qui mettent des
immeubles ou des ensembles de pavillons en vente à la découpe. Vu notre expérience passée, nous sommes extrêmement
vigilants, surtout quand ce sont des pavillons où le découpage foncier précède la mise en vente, pour que les choses soient
très claires, qu’il y ait au minimum une ASL et s’il y en a une, qu’elle soit simple et compréhensible et qu’elle ne génère pas de
frais supplémentaires. Auprès de certains bailleurs, nous sommes d’ailleurs vraiment perçus comme des gens pénibles, mais
nous voulons éviter de compliquer la vie aux gens qui vont accéder à la propriété quand dans dix ans, il y aura des travaux ou
des remises en état à faire. Nous veillons donc particulièrement vigilants pour que les choses soient claires, bien découpées,
que le parking soit avec l’immeuble ou la maison… De plus, à Cergy, les ordures sont de plus en plus collectées sous forme de
bacs, de bornes d’apport volontaire. Il faut donc penser où l’on va les mettre : dans les espaces privés, espaces publics, etc.
Nous négocions aussi sur la qualité des travaux, que nous demandons de réaliser avant la vente, là aussi. Enfin, nous formons
et sensibilisons les locataires qui vont devenir copropriétaires et qui vont arriver dans un nouveau statut où quand ils vont
demander le changement de la boîte aux lettres, ils n’appelleront pas le bailleur, mais leur syndic de copropriété et surtout, ils
devront le payer autrement que dans les charges, où ce n’était pas vraiment visible.
Pour les copropriétés à venir, les immeubles neufs, nous travaillons en amont avec les promoteurs pour que les choses soient
simples – nous n’y arrivons pas toujours, mais nous essayons –, pour que les règlements de copropriété soient simples. Nous
nous efforçons de travailler avec leur notaire ou leur géomètre pour que tout soit bien prévu et surtout pour que dans dix ans,
dans vingt ans, on sache que la chaufferie appartient à la propriété X et que donc, ce sera à celle-ci de faire les travaux. Pour
ces nouvelles copropriétés, nous demandons à être présents à la première AG pour, là aussi, mobiliser les copropriétaires sur
la vie de la copropriété à venir.
J’ai choisi deux petites opérations emblématiques qui montrent que le travail est long, très long. La première est celle du Clos
Perrault (diapositive n° 69). Vous voyez un escalier qui va vers l’esplanade de Paris, l’axe majeur. Nous sommes dans la
copropriété, mais c’est un espace qui sert à tout le monde. On peut venir s’y garer… Personne ne sait à qui sont ces espaces
ni qui les entretient. C’est une ASL qui rassemble 228 logements en huit copropriétés, trois horizontales, cinq verticales,
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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construits entre 1983 et 1989. L’ASL n’est pas juste gestionnaire : elle est propriétaire. Il y a un promoteur, mais on ne sait pas
où il est. Or il est propriétaire de certains biens communs. Tout cela est très compliqué, d’autant plus qu’il y a des propriétaires
qui ne s’entendent pas.
Un jour, les copropriétaires sont venus voir les services de la ville dès 1997, à peine huit ans après – l’ASL informe la ville des
difficultés de gestion et de fonctionnement –, parce qu’il y avait des impayés de charges, des déficits de moyens financiers pour
assurer l’entretien commun. Ce sont des espaces énormes… C’est très beau, très agréable de s’y promener, mais les frais
d’entretien sont très importants. La délimitation foncière était « confuse » – pour rester politiquement correct. Il y avait
contestation des comptes et des dépenses : qui devait payer quoi ? Qui faisait quoi ? Et enfin, une importante dette de charges.
Dès 1998, la ville a mis en place un protocole d’intervention avec l’ASL et les copropriétaires pour analyser exhaustivement les
dysfonctionnements et programmer et mettre en œuvre des actions pour les résorber. Nous sommes en 2015 et ce n’est pas
fini… En 1999, nous avons lancé un processus de recomposition urbaine. Nous avons fait une OPAH et nous avons mis en
place une équipe pour assurer le redressement juridique et financier des copropriétés et de l’ASL. Cela a eu des résultats. La
dégradation physique et sociale s’est enrayée, il y a eu des résorptions de dettes.
Malgré tout, si les espaces extérieurs ont été traités grâce au fonds d’aide dont je vous parlais et donc, mieux entretenus, tout
n’est pas fini. Le projet de recomposition urbaine peine à aboutir. Tous les propriétaires ne sont toujours pas clairement
identifiés. Certains copropriétaires ne se sont jamais approprié le projet de restructuration urbaine. Par contre, certains se sont
approprié des espaces de l’ASL pour en faire des espaces vraiment privés. Cela pose des problèmes de relations entre les
copropriétaires, ceux qui respectent le règlement et les autres. En 2011, nous avons donc lancé et financé une mission
d’expertise juridique et foncière confiée à un cabinet d’avocats. Ce sont des budgets très conséquents. En 2012, nous avons
décidé de simplifier l’ASL et de réduire son patrimoine pour que chaque copropriété paie vraiment et que chacun sache
exactement ce qu’il a. Dans tous les exemples que nous avons vu aujourd'hui, le plus compliqué, même pour de petites cours,
est le fait que chacun paie en se demandant pourquoi il paie puisque de toute façon, cela ne lui appartient pas vraiment, c’est
dilué, etc., au lieu de se dire que c’est un bien commun, qui doit être entretenu et payé en commun.
Vous voyez les étapes du projet (diapositive N° 73). Aujourd'hui, en 2015, nous avons établi les tableaux de cessions à
réaliser. Tout cela sera porté par la ville. Le service foncier accompagne largement toutes ces ventes. Si cela ne donne pas de
résultats, nous proposerons une mise sous administration judiciaire, parce qu’il faut que le projet continue d’avancer, sachant
que la ville prend en charge les frais d’enregistrement et de publication. Mais nous ne le ferons pas partout.
L’autre opération très emblématique de la ville est la Bastide. Ces deux opérations et un certain nombre d’autres sont la
conséquence d’une construction très rapide. Aujourd'hui, dès que l’on veut intervenir sur un quartier, le réflexe est de se
demander ce qui se passe en matière foncière. Il y a un autre quartier où nous voudrions récupérer un certain nombre
d’espaces qui servent de parkings pour les commerces. Ils appartiennent à une ASL gérée quasiment à 100 % par un bailleur
social. Chaque projet de recomposition urbaine nécessite d’abord un diagnostic poussé du foncier. C’est très intéressant, mais
c’est compliqué.
La Bastide, à l’origine, en 1985, comptait 335 logements : 154 logements locatifs, 157 appartements et 24 maisons. Il y a une
vraie mixité sociale, fonctionnelle. Le quartier est très bien situé. On veut en faire le centre de ville et même le centre de
l’agglomération. Il sera le centre de ville, mais pas le centre de l’agglomération. En tout cas, il est très bien situé. Mais il est
organisé en neuf syndicats de copropriétés, sept immeubles HLM, six ASL et une AFUL (association foncière urbaine libre). Le
quartier est construit en 1985. Dès 1991, soit à peine six ans après, un premier diagnostic de difficultés est établi. Il était prévu
que la gare RER arrive au moment de la construction du quartier. Or elle n’arrive qu’en 1988, trois ans après. Tout le public qui
était attendu dans ce nouveau quartier n’est donc pas venu. Nous attendions des jeunes cadres, etc. Les promoteurs ont donc
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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bradé en mettant à disposition un PAP progressif, ce qui fait que dès le début, étant donné que c’était déjà très complexe, les
charges n’ont pas été payées et comme en outre, il s’agissait de prêts à taux progressif, d’énormes difficultés s’en sont suivies.
De plus, le foncier était illisible.
Les immeubles se sont donc dégradés très vite. Cela m’embête de donner autant de sentiments négatifs sur ce quartier. Je
pense qu’il ne faut pas critiquer toute cette volonté urbaine. Il y avait de très beaux principes : la mixité, les espaces ouverts…
Mais nous aurions dû être plus clairs sur le plan du foncier, des espaces publics… Nous n’aurions pas dû laisser des espaces
aussi grands devenir la propriété de copropriétés, d’ASL, avec des superpositions, sans parler du grand volume qui se greffe
dessus.
En 1991, nous avons fait une convention de quartier (ville, État, département) par le biais de L’EPA, qui était encore là – à
l’époque, nous étions encore une ville nouvelle –, pour mettre en évidence les premières difficultés. En 1995 – le quartier avait
dix ans –, les premières coupures de chauffage sont survenues, parce que les copropriétés étaient en dette de charges. En
1996, nous avons décidé d’instaurer un DPU renforcé et de classer le quartier Saint-Christophe, périmètre un peu plus large,
en ZRU (zone de réalisation urbaine). La ville a mis en place une MOUS. Depuis 1996, ce quartier continue d’être sous
vigilance. C’est le quartier central de la ville, mais il est sous vigilance. Les problèmes se résolvent peu à peu, mais n’ont pas
disparu.
Face à cette dégradation, la ville a défini trois axes d’action : copropriétés, forme urbaine et foncier. La Bastide est une
structure enclavée, une énorme cour fermée par des immeubles, à la façon des bastides provençales, mais ouverte à tous, y
compris les escaliers des immeubles, que l’on peut emprunter librement : il n’y avait pas de portes d’immeubles. L’idée est très
sympathique, mais dans la pratique, cela ne fonctionne pas toujours très bien. Il n’y a aucune limite physique. Mais c’est une
caractéristique des villes nouvelles. À Cergy, il y a des écoles qui n’avaient pas de clôture, à la base. C’était l’espace public.
Cela partait d’une conception de la ville qui était très intéressante. En 1997, un premier protocole a été établi. En 1998, les
dettes ont été apurées et surtout, la ville a fait appel à Antoine Grumbach pour définir un projet urbain global. Certaines parties
de ce quartier, qui avait 13 ans, sont appelées à être démolies pour créer autre chose. Un plan de sauvegarde sur les
différentes copropriétés a été mis en place. C’était le premier. Il n’était pas parfait. Ce quartier n’a vraiment pas eu de chance
parce que l’entreprise n’a pas donné satisfaction, il y a eu des problèmes avec elle…
Vous pouvez voir sur la diapositive n° 79 ce que nous avons tout de même fait sur ce quartier depuis 1999. Il a la forme d’une
grande cour, une bastide. Nous avons démoli à plusieurs endroits, nous avons créé une halle, nous avons restructuré l’îlot de la
mairie, qui n’est plus située là aujourd'hui, et nous avons essayé d’individualiser les îlots en retournant les halls vers la rue. Les
halls étaient ouverts et à l’intérieur. Entre 1999 et 2011, il y a eu plus de 3 M€ de travaux, uniquement sur les copropriétés.
Cela ne comprend pas l’espace public, la Hallette…
En 2015, nous avons décidé de poursuivre les interventions sur cet îlot et ce quartier, avec le soutien de l’ANAH. Ce sont de
petites copropriétés qui ne font pas plus de vingt lots. L’une d’elles est intéressante parce qu’elle a perdu des lots, qui ont été
démolis, mais que ses charges sont restées les mêmes. Comme c’est le quartier central de la ville, nous essayons de continuer
sa mue. Trois dispositifs sont relancés sur les huit copropriétaires. Elles ne seront pas toutes en plan de sauvegarde, selon le
degré d’assainissement. Certaines seront en Popac simplement pour qu’elles soient accompagnées et qu’elles ne connaissent
pas de nouveau cette spirale du désinvestissement de la vie de la copropriété. Celles qui sont en moins bon état seront en
OPAH et deux autres seront de nouveau en plan de sauvegarde. Les travaux, pour ce quartier, s’accompagnent d’un ensemble
d’investissements de la ville : construction d’immeubles neufs en périphérie, travaux sur l’ancien hôtel de ville, requalifié en
commissariat et en foyer de jeunes travailleurs, réflexions sur les équipements socioculturels, qui sont nombreux au sein de ce
quartier. C’est un quartier qui a beaucoup de potentiel. Mais nous réfléchissons tout de même à la mise en place d’une nouvelle
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DUP (déclaration d’utilité publique) parce qu’il y a un certain nombre de pavillons que nous n’arrivons pas à acheter à l’amiable
et qui bloquent la réhabilitation foncière et urbaine de l’ensemble.
Voici une photo (diapositive n° 82) qui vous montre que nous aussi, nous avons un port… Sur la diapositive n° 83, vous voyez
le plan de la Bastide avant et après. Les zones en kaki sont celles où nous sommes intervenus. Nous avons essayé de créer
des voies plus structurantes, avec la place du Marché, nous avons cassé des immeubles… Sur la Bastide, nous avons une
AFUL, six ASL, huit copropriétés et quatre maisons de ville qui sont des copropriétés, sept immeubles HLM et une petite
copropriété qui est toute seule. L’objectif final est de n’avoir plus que quatre ASL, deux copropriétés, trois immeubles. On aurait
donc des entités indépendantes. C’est notre rêve le plus fou. Nous allons y arriver, mais cela fait tout de même quinze ans que
nous y travaillons. Il est très important de faire les montages fonciers avant parce que sinon, c’est compliqué. Cela génère très
rapidement la nécessité de faire des travaux. De plus, à Cergy comme dans toutes les villes nouvelles, les gens ne disent pas
qu’ils sont de Cergy. Ils disent qu’ils sont de la Bastide, de Saint-Christophe, des Plants… Il y a une forte appropriation du
quartier. En moins de vingt ans, ce quartier a connu une mue très importante. Sur la diapositive n° 85, vous voyez que nous
avons démoli un immeuble pour faire la hallette et sur la diapositive n° 86, que nous en avons démoli d’autres pour créer des
axes traversants afin d’ouvrir le quartier. Les pointillés sur la photo en haut à droite de la diapositive n° 87 signalent l’endroit où
l’on a démoli. Maintenant, il y a un passage, une vraie rue. Avant, on passait par l’immeuble. Sur la photo en haut à gauche de
la diapositive 88, on voit que la circulation dans les immeubles était libre : c’était ouvert à tout le monde. C’était très
sympathique : vous pouviez sans problème au cœur d’îlot. Ce n’était pas juste pour aller à un parking. Vous alliez au cœur
d’îlot en passant dans l’immeuble. Sur la photo en haut à droite, vous voyez la cage d’escalier ouverte, avec l’utilisation plus ou
moins propre du hall.
Arnaud LE MONTAGNER
Merci. Nous allons passer aux questions dans la salle. Je vous livre ce qu’en tant qu’animateur, je retiens.
Comme souvent, dans les questions d’urbanisme, on voit que la question foncière est au cœur du problème. C’est une énième
illustration du fait que c’est le nerf de la guerre. Nous parlons d’objets plutôt anciens, d’objets de la Reconstruction, à l’heure où
l’on parle de plus en plus de la nécessité de construire densément et de s’orienter vers du renouvellement urbain, mais aussi
vers des extensions de programmes un peu denses. La réflexion sur le cœur d’îlot doit se faire tout de suite. Il ne faut pas
rester sur un impensé urbain, mais sur un objet à bien réfléchir et surtout, il faut penser à la manière de gouverner cet objet.
Thomas BOUREAU, responsable des études, Aucame (Agence d'urbanisme de Caen-Métropole)
Quand je vois, à Cergy, les démolitions qui interviennent vingt ans après, je me dis que le patrimoine de la Reconstruction a
plutôt bien tenu le coup pendant cinquante ans.
Ce qui nous intéresse, aujourd'hui, est de trouver le moyen de redonner de l’attractivité à ces quartiers de centre-ville de la
Reconstruction. Vous avez tous parlé des copropriétaires. Or ce n’est même pas la moitié des habitants et ce ne sont pas non
plus tous les usagers, qui ne sont pas uniquement tous les habitants. Comment, dans le cadre des réflexions sur les intérieurs
d’îlot, associer ceux qui vivent dans ces cœurs d’îlot et ces immeubles, en dehors de l’ASL ou des autres structures juridiques ?
Je ne suis pas sûr que l’intérêt du propriétaire pour valoriser son patrimoine soit exactement le même que l’intérêt de l’habitant.
J’ai une autre question. Il m’a semblé comprendre que ces espaces communs étaient souvent indivisibles. Comment retrouver
la charge foncière ? Cela pourrait être une bonne motivation si l’espace est indivisible.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Laurent BLIN
Pour ce qui concerne la question relative au foncier, on en revient toujours au même problème, celui de l’unanimité. On peut
toucher aux statuts dès lors que l’on travaille à l’unanimité. Les statuts qui affectaient les espaces peuvent être modifiés à partir
du moment où l’unanimité est obtenue. On peut les modifier au moment où l’on met en place l’ASL, par exemple.
Arnaud LE MONTAGNER
La première question portait sur la réponse, au-delà des attentes de propriétaires, aux attentes des occupants des immeubles,
qui sont donc des usagers des cœurs d’îlot.
Pierre HAMELIN
Je ne vais pas apporter une réponse définitive, mais il est certain que dans ces situations, comme dans n’importe quel cas de
propriété à finalité locative, les intérêts des propriétaires bailleurs et ceux des locataires ne sont pas forcément les mêmes. Une
fois que j’ai dit cela, j’ai tout dit. Mais cela interroge la manière dont on regarde la propriété immobilière. En France, on regarde
les propriétaires comme s’ils étaient tous des acteurs économiques. Mais un propriétaire n’est pas forcément un acteur
économique. Là est le problème. Évidemment, cela cristallise davantage dans des situations de copropriété par rapport à des
situations de propriété unique – et encore, on voit des immeubles qui se cassent la figure faute de réinvestissement, on voit des
poches d’insalubrité, etc. Il me semble que par rapport à notre sujet des cœurs d’îlot, s’il n’y a pas les acteurs économiques de
la copropriété, c'est-à-dire ceux qui paient, ceux qui sont en capacité de prendre des décisions autour d’une bonne forme
juridique, qui sont capables de payer, qui acceptent socialement les différents usages, qui les favorisent, cela pose les
questions soulevées par les représentants de Lorient : jusqu’où va la collectivité pour intervenir ? Trop loin ou pas trop loin ?
Lorient le règle à sa manière avec une mission, qui depuis presque plusieurs décennies, a mis en place des moyens très
conséquents comme le fonds de financement à 40 %. Il y a aussi la tentation d’aller jusqu’à la maîtrise foncière. Mais les
questions que se pose la collectivité, basiquement, ne portent pas seulement sur un problème de copropriété. La commune qui
doit reprendre la voirie de lotissements sait que si cela va régler des problèmes, cela va en créer d’autres. Cela va générer des
coûts d’entretien, de gestion… Notre réflexion de praticien se fait autour de cela. Il s’agit de bien analyser s’il y a des acteurs
économiques ou non, jusqu’à quel point ils peuvent aller, ajuster le tir par rapport à l’ambition que l’on peut avoir et en fonction
des contextes opérationnels de villes plus ou moins interventionnistes, on aura la nationalisation de la copropriété – je le dis
pour rire – ou bien le partenariat public – privé.
Marie GÉROUDET-DALLE
Pour ce qui concerne Cergy, l’idée n’est pas du tout de reprendre ces espaces aux copropriétés et de phagocyter le foncier
pour réduire. Il s’agit juste d’aider les copropriétaires à comprendre que leur foncier peut être utilisé par l’ensemble du public.
Nous sommes parfois amenés à reprendre du foncier parce que cela les aide, mais il n’est pas question que la ville reprenne
ces espaces parce que cela génère des coûts d’entretien et de gestion qui sont totalement hors de propos aujourd'hui.
Dans la construction des villes nouvelles, les appartements sont de très bonnes constructions, qui ont très bien vécu. C’est
d’ailleurs ce qui nous fait mal au cœur, parce que ce qui n’a pas bien vécu, c’est le mélange des usages privés et publics. C’est
cette utopie que nous voulions, celle de mélanger des usages, l’aire de jeux au pied de l’immeuble, qui pouvait servir à tous les
gens qui l’habitaient, qu’ils soient copropriétaires ou locataires – ces derniers étant en effet plus difficiles à toucher – et aux
gens qui passaient par là. C’est ce qui est difficile et qu’il nous appartient, à nous, collectivités, de faire comprendre, de
dénouer, quand c’est possible, et surtout, de dénouer quand le foncier est un frein – c’est triste à dire, mais il faut commencer
par le foncier –, un frein aux travaux, à l’usage et aux souhaits des habitants, qu’ils soient copropriétaires ou qu’ils soient
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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voisins. Il y a des habitants qui ont envie de se clore, d’autres qui n’en ont pas envie. Certains ont envie de se clore parce que
comme par hasard, il y a un passage, une porte ouverte chez eux, qui n’ont plus envie que les gens utilisent le petit chemin,
mais qu’ils veulent eux-mêmes continuer à utiliser. C’est compliqué, mais il faut en passer par le foncier. Malheureusement,
l’histoire courte de Cergy ville nouvelle nous a appris qu’il fallait en passer par là et qu’aujourd'hui, dans les productions
nouvelles, il faut vraiment oublier les cours telles qu’elles existent dans la fin de la Reconstruction. En tout cas, nous ne
proposerons jamais de la faire parce que nous voyons qu’à l’usage, cela devient compliqué et que de ce fait, on ne gère plus.
Et quand on ne gère plus, c’est fini…
Jean-Damien GUILLOY, directeur du projet de rénovation urbaine, ville de Dunkerque
Je voudrais avoir quelques précisions. D’abord, si j’ai bien compris, l’ASL s’applique uniquement sur les terrains en indivision.
Par conséquent, l’ASL ne s’applique pas au terrain du propriétaire en copropriété qui est au pied de l’immeuble. L’îlot près de la
gare semble très compliqué, puisque l’indivision s’applique sur des parties du terrain. C’est ce que j’ai cru comprendre. Je
voudrais aussi savoir combien il coûte de monter une ASL
Par ailleurs, dans l’exemple de Lorient, nous avons vu une carte verte, bleue et jaune (diapositive n° 59). Pourquoi n’y a-t-il pas
de bleu et de vert mélangé ? Dans le même cœur d’îlot, il n’y a pas une gestion publique et une question privée. Pourtant, on
nous a dit qu’il y avait des servitudes de passage même dans le domaine privé. Je reviens donc à la question plus large qu’a
soulevée Madame : on voit qu’il y a un problème de mixité d’usages, qui n’est résolu que lorsque l’on sait qui fait quoi et où l’on
est dans l’espace urbain. Je me suis attaqué également à la rénovation urbaine des années ANRU. Nous avons le même
problème, dans ces années-là : redonner de la clarté du foncier, de la clarté de gestion, de la clarté des usages. Je pense que
c’est cela, le leitmotiv. Je ne peux pas non plus m’empêcher de constater que contrairement à ce que l’on nous a laissé penser
au début, nos architectes de la Reconstruction avaient tout de même pensé les intérieurs d’îlots : il y a des squares, chez moi, il
y a des amphithéâtres, qui n’ont pas survécu au problème de l’ouverture de l’utopie qu’il y avait dans la pratique des usages. La
remise en ordre de cela est extrêmement complexe. Mais je crois que nous devons vraiment réfléchir à la capacité que nous
avons d’avoir ces mixités d’usages sur des lieux qui sont privés, publics, etc.
Laurent BLIN
En ce qui concerne les pieds d’immeuble, le plan de la diapositive n° 59 montre qu’il y a à la fois un espace public et un espace
privé. Vous demandez si l’ASL ne gère que la voirie qui se trouve ici. Vous avez des immeubles ici et derrière, il y a des
parcelles de terrain. Ces parcelles sont des espaces privés, qui n’entrent pas dans l’ASL. Si la volonté publique est de raboter
les espaces privés, je pense que l’on va se heurter à d’autres problèmes. De plus, nous avons un autre souci sur une cour en
particulier, qui n’est pas propriété de tout le monde : le passage Vandernotte est indivis entre tous les propriétaires que je vous
montre, mais cette cour est uniquement à cette partie-là. Il y a donc deux statuts différents et nous devons gérer de deux
manières différentes avec des intervenants différents.
Arnaud LE MONTAGNER
Est-ce qu’il y a une ASL et une copropriété ou deux ASL ?
Laurent BLIN
Pour moi, il y a presque deux ASL. Quant au coût, je suis persuadé que constituer une ASL coûte moins de 1 500 €.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Katell LE GALL
Notre cartographie est peut-être un peu systématique. Pour les cours communes qui sont en convention avec la ville, il y a
deux types de conventions. La plupart ont été héritées de la Reconstruction, puisque les baux signés avec la ville ont été mis
en place dès la construction des îlots. Ces conventions stipulent bien souvent une prise en charge de l’entretien et de la voirie,
mais pas des espaces verts ou inversement, des espaces verts, mais pas de la voirie, ce que les habitants ne comprennent
absolument pas et qui conditionne un conflit continuel avec les habitants, qui appellent systématiquement la ville pour entretenir
la voirie. Au bout du compte, la ville finit par le faire, mais de manière informelle.
Un certain nombre de ces conventions sont sous forme de baux qui sont reconduits tacitement, que nous laissons courir parce
que cela ne pose pas trop de questions. D’autres sont à reconduire de manière formelle. À cette occasion, nous
reconditionnons les clauses et nous les formalisons de manière plus précise, notamment avec un périmètre d’intervention qui
n’était pas fixé dans le cadre des conventions initiales, qui n’étaient que descriptives. Aujourd'hui, l’objectif est de regarder
davantage avec un périmètre sur plan et avec une description très pratique et concrète des actions menées par la ville. Mais
c’est aussi objet de négociations. Parfois, nous revenons sur certaines prestations qui jusque-là, étaient fournies par la ville par
habitude.
Arnaud LE MONTAGNER
Je reviens sur le fait qu’il y a des usagers, des copropriétaires ou simplement des habitants de ces copropriétés. Pour quelle
raison a-t-on oublié à qui appartenaient ces espaces ? À quel moment y a-t-il eu un défaut dans la transmission de cette
information ?
Katell LE GALL
Je ne veux pas jeter la pierre, mais chez nous, par expérience, il y a souvent eu un gros manque d’informations des
propriétaires lors des cessions. Ils n’ont pas été informés qu’ils étaient copropriétaires indivis d’une partie de la cour commune.
Il est fréquent que lors de la première assemblée générale, nous ayons à informer les propriétaires de leurs responsabilités de
propriétaire, parce que ne sont même pas au courant qu’ils le sont.
Laurent BLIN
Dans les cahiers des charges, il était bien indiqué, lors de la Reconstruction, que ces cahiers devaient être mentionnés de
manière automatique dans les actes de vente. Or aujourd'hui, on s’aperçoit, quand on reçoit les actes, que les gens
découvrent, que cela a été oublié pendant des décennies et que cela n’a absolument pas été mentionné. Or aujourd'hui, on
mentionne l’intégralité des clauses du cahier des charges dans l’acte de vente. On ne l’annexe même plus : on le mentionne
directement dedans.
Katell LE GALL
Quand tout va bien et tant que les problèmes d’entretien ne se posent pas, on ne se pose pas la question. C’est une fois que
les choses sont vraiment dégradées que l’on commence à regarder à qui cela appartient vraiment.
Laurent BLIN
De plus, il y a des copropriétaires dont les tantièmes dans la parcelle commune sont des parties communes, c'est-à-dire que
les tantièmes sont attachés à la propriété du sol, et il y a des copropriétaires dans lesquelles les millièmes sont attribués en
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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plus à chacun des propriétaires. Cela ne fonctionne pas partout de la même façon. Il y a des ventes dans lesquelles les
millièmes ont été oubliées, d’où la difficulté de retrouver ensuite les propriétaires.
Jérôme DHOLLAND, Vice-Président de la CARENE en charge de l’habitat
Je voudrais faire un commentaire à propos de ce que j’entends ces derniers temps. Finalement, c’est drôlement pratique,
l’argent public. Je suis un peu gêné d’une telle utilisation, que tout le monde trouve cela normal et que le message ne se
détourne pas. Ma question renvoie aussi à celle qui a été posée par la personne de l’agence d’urbanisme de Caen : comment
nous, en tant qu’élus, pouvons-nous afficher des exigences pour que l’argent que nous mettons sur la table pour faire avancer
ces projets soit une caution pour qu’il y ait un minimum de consultation des utilisateurs, suivie d’un accompagnement
pédagogique permettant de ne pas oublier en route que l’argent est destiné à un certain dessein et que le vrai projet soit
accompagné par les vrais porteurs ? Ce sont les conditions des aides publiques qui sont toujours étudiées dans beaucoup de
sujets et à cet égard, je n’ai pas entendu de réponse à la question de savoir comment les élus peuvent se saisir de ce type de
choses en parallèle des problématiques de requalification et de redynamisation, mais avec certaines garanties de l’utilisation de
cet argent, qui est l’utilisation de l’impôt et qui est de notre responsabilité.
Arnaud LE MONTAGNER
Il n’y a pas d’élu intervenant pour vous répondre. Quelqu’un, dans la salle, a-t-il un avis ou une réponse à apporter à cette
réflexion ?
Perig GOUTTEUX, chargé de mission, Soliha Bretagne
J’interviens sur les copropriétés et une question me brûle les lèvres à l’instant, compte tenu de l’ingénierie déployée, comme
c’est le cas à Lorient, où beaucoup de matière grise est mise à contribution de même que beaucoup d’argent pour finalement,
distribuer quelques centaines d’euros de subventions. Ce n’est peut-être pas une réponse, mais y a-t-il un effet de rebond sur
ces actions ? Est-ce que la mise en place de projets va permettre aux copropriétaires de s’entendre à un moment donné et
seront-ils capables de se gérer par la suite ? Le cas échéant, l’ingénierie mise en place permet d’aller plus loin, de viser plus et
surtout, de mettre en place une gestion pérenne. Nous avons parlé de spirale de dégradation. On prend systématiquement
l’aspect technique, l’urbanisme, le côté social, le côté humain, le côté des utilisateurs. Une copropriété est un système qui se
gère, comme une entreprise, sauf qu’elle ne peut pas mourir. Si la copropriété n’a pas de projet, pas de vision sur l’avenir, si
elle n’a pas de choses à proposer à sa clientèle – puisque finalement, l’utilisateur devient un consommateur –, elle ne peut pas
avancer. Je suis persuadé qu’en mettant de l’ingénierie sur la table telle qu’elle est mise sur ces programmes, sur les Popac,
sur les programmes de prévention ou sur les OPAH, il faut transformer systématiquement et permettre de mettre en place une
gestion pérenne de ces copropriétaires. Dans ce cas, l’argent public a plus d’efficience.
Marie GÉROUDET-DALLE
Je n’ai pas mentionné toutes les actions d’accompagnements et de prévention auprès des copropriétés, les actions de
formation que fait l’ARC, les réunions très régulières des présidents de copropriétés et de leur bureau qui ont lieu tous les ans,
auxquelles ils peuvent venir et discuter. De plus, il y a un élu référent pour ces responsables de copropriétés. Nous avions
aussi mis en place un portail à destination des copropriétés. Nous allons revoir cet outil, parce qu’il ne répond ni aux attentes
des copropriétaires ni à celles de la ville. Ce sont ces actions-là qui permettent aux copropriétaires de développer un projet, ne
serait-ce que celui de bien faire fonctionner la copropriété, d’être présents aux assemblées générales, ce qui est la base du
fonctionnement sain d’une copropriété. Ce sont toutes ces actions que porte la ville de Cergy – mais je pense qu’elle n’est pas
la seule à le faire – qui favorisent le fonctionnement des copropriétaires. Mais allons aussi nous heurter à ces nouvelles
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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copropriétés, dans lesquelles il y a une part importante de propriétaires bailleurs qui ne seront pas investis dans la vie de la
copropriété parce qu’elle continuera de leur rapporter des loyers. Un certain nombre de villes où les dispositifs Borloo, Pinel,
Duflot etc. ont beaucoup été mis en œuvre vont avoir ce type de problème. Il va être compliqué de faire vivre la copropriété et
de lui donner un projet. À Cergy, il y a un service Habitat avec un chargé de mission copropriétés et les différents représentants
de copropriété savent très bien appeler pour faire part de leurs demandes.
Arnaud LE MONTAGNER
Pour reprendre votre question, vous ne remettez pas en cause l’intervention ou l’aide publique. Vous posez plutôt la question
des dispositifs de suivi et d’évaluation de la mise à disposition de cette ingénierie et de ces financements.
Jérôme DHOLLAND
Voire d’une conditionnalité sur une partie des aides, avec un terme de paiement, conditionné à la transformation de l’essai.
Marie GÉROUDET-DALLE
Pour ce qui concerne le fonds d’aide, la ville ne subventionne que si la voirie ou l’espace reste à destination du public. Une
convention est signée dans ce sens.
Katell LE GALL
De même, à Lorient, les subventions ne sont payées que sur justificatif de travaux et en fonction du projet qui a été réalisé. Si le
projet réalisé n’est pas conforme à ce qui a été discuté avec la ville, il n’est pas subventionné. Récemment, nous avons refusé
une subvention sur un îlot parce que les travaux n’étaient pas conformes. Nous assurons ce suivi.
Par ailleurs, les îlots déjà réalisés par la ville sont aujourd'hui tous gérés par un syndic privé. Nous accompagnons les
propriétaires dans la finalisation du projet jusqu’à la désignation de leur syndic. Nous les aidons à trier le contenu des devis
pour les amener à s’engager sur une gestion pérenne de leur îlot.
Enfin, si la ville est intervenue sur ces cœurs d’îlot, c’est parce qu’ils sont généralement ouverts sur l’espace public. On a beau
embellir et améliorer l’espace public, si à côté, il y a une cour commune complètement pourrie, l’image de la ville est de toute
façon désastreuse. Si l’on ne traite pas une partie de l’espace qui est parfois d’usage public parce que c’est de la propriété
privée, le résultat, finalement, n’est pas réussi.
Arnaud LE MONTAGNER
Les projets d’intervention sur les copropriétés sont étroitement liés au maintien de l’attractivité résidentielle des centres villes.
Je voudrais savoir si le temps d’ingénierie est évalué. Savez-vous combien de temps vous consacrez chacun à la fois à
l’assistance à la constitution des ASL et à la réflexion sur les projets ?
Katell LE GALL
Pour la partie technique et aménagement, je suis à 12 % d’un temps plein.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Pascale OBERSON
Pour la partie relative au foncier et à l’administratif, je suis à 25 % d’un temps plein.
Héloïse DEFFOBIS, DDTM du Calvados
Nous avons parlé des usages des habitants et copropriétaires dans les îlots. Mais il y a des îlots où bien souvent, il y a des
commerces ou des activités commerciales en rez-de-chaussée. Il y a des usages où l’on voit que parfois, dans les manières de
faire, tel commerce a pris l’emprise sur cet îlot à l’arrière de sa boutique. Dans les exemples que vous nous avez montrés, ce
sont souvent des copropriétés où il y a des caves en rez-de-chaussée ou du logement. Avez-vous travaillé sur des cas où il y a
des commerces en rez-de-chaussée ? J’imagine que les besoins des commerces ajoutent de la complexité…
Pascale OBERSON
Dans les îlots de la ville de Lorient, on trouve en effet des commerçants en rez-de-chaussée et la même problématique se
pose : quand on convoque les propriétaires, le commerçant en place n’est pas forcément propriétaire. Mais les mêmes
questions se posent. Certains s’approprient la cour arrière, déposent des détritus… Nous travaillons avec le service Hygiène et
santé. Il y a un pôle de santé à la ville de Lorient. Nous nous appuyons sur nos collègues et nous faisons passer les
informations s’il faut remettre les choses en ordre. Quand ce sont des propriétaires commerçants, ils sont associés et nous
travaillons avec eux, notamment sur les problématiques des déchets. Nous essayons de trouver avec eux des espaces pour
mettre en place leur collecte pour que cela ne gêne pas les copropriétaires de l’îlot.
Christine KOLAN, architecte, Agence K, Nantes
Bonjour à tous… Je suis venue pour essayer de comprendre quelles étaient les problématiques de la maîtrise d’ouvrage pour
pouvoir être le plus ajusté en applicatif par rapport aux besoins de demain. Je vous remercie pour la qualité de vos
interventions parce qu’avant d’arriver là, je ne savais pas de quoi il s’agissait. Il est toujours instructif d’apprendre de nouvelles
choses. J’ai une petite interrogation relative à la ville de Cergy. Mme Géroudet-Dalle a parlé d’une ASL propriétaire. Si c’est le
cas, n’est-ce pas un mode intéressant à développer pour faire participer les copropriétaires privés et les impliquer dans une
forme de gestion nouvelle ?
Marie GÉROUDET-DALLE
L’ASL n’est propriétaire que d’une toute petite portion. Je pense que de toute façon, pour faire participer les habitants – en
l’espèce, on ne fait participer que les particuliers propriétaires –, il faut que le mode de gestion soit clair, défini et surtout,
transmis lorsqu’il y a cession du bien. En promotion neuve ou en cession d’un bien ancien, le problème est que quand les gens
signent leur acte de vente, on leur donne le règlement de copropriété, la signature se fait assez rapidement, avec des notaires
qui ne sont pas tous pressés d’expliquer cela parce que c’est long et complexe. Je ne suis pas pour la disparition des ASL,
mais il faut que le système de gestion soit clair, précis et explicite et quand il y a un appel de charges, quel qu’il soit, il faut que
les gens sachent pour quoi ils vont payer et ce que cela va leur apporter dans la gestion de la voirie en bas de chez eux. Ce
n’est pas à la collectivité publique de faire à la place de.
Christine KOLAN
Mais une ASL peut-elle être propriétaire ?
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Laurent BLIN
On l’a dans les lotissements. Quand un lotisseur constitue des lotissements, il vend ses lots divis et la voirie est gérée par
l’association syndicale. La seule chose est que l’association syndicale s’occupe de la voirie pendant une période variable,
généralement d’une dizaine d’années. Mais il y a des lotissements où les mairies refusent de récupérer les voiries et l’ASL se
retrouve condamnée à gérer sa propre voirie ad vitam aeternam. Les propriétaires n’en sont pas particulièrement satisfaits. Il y
a des voiries qui sont non conformes parce que le lotisseur les a construites de façon non conforme et que la mairie refusera
toujours de prendre en charge.
Jean-Damien GUILLOY
Je ne m’étonne pas complètement, mais nous n’avons pas parlé des syndics et de l’éventuel partenariat avec eux. À
Dunkerque, nous avons eu un grand syndic qui n’a jamais géré les choses. Il n’est pas responsable de tout, mais le problème
que nous avons aujourd'hui vient aussi de ce non-conseil sur les droits, les devoirs, le règlement, etc. Nous nous retrouvons à
reprendre les règlements de copropriété, à remettre les choses d’aplomb. Mais peut-être y a-t-il des exemples où le syndic est
plus partenarial. J’ai entendu aussi qu’il y avait beaucoup de syndics bénévoles. En tout cas, il me semble qu’avec les syndics,
il y a un sujet à travailler.
Vincent DUTEURTRE, architecte et designer
Je souhaite apporter un témoignage parce que je viens du Havre, ville classée au patrimoine mondial. Peut-être que l’une des
raisons de ce classement au patrimoine mondial est l’exemplarité du processus de reconstruction en termes de gestion du
foncier. Les reconstructeurs, à l’époque, les urbanistes architectes ont remis à plat l’ensemble du foncier. Tout le parcellaire
d’avant-guerre a été gommé et les îlots de reconstruction sont définis par des voiries publiques qui correspondent à une
parcelle. C'est-à-dire que l’on a une copropriété et une parcelle. La gestion des cours intérieures, des cœurs d’îlot est donc
beaucoup plus simple. Nous avons la chance d’avoir des cours très agréables d’un point de vue spatial, parce que les
éclairages avec des rapports au soleil sont assez travaillés et qu’il y a des espaces privés et publics assez riches, et en même
temps, une gestion clarifiée par ce statut foncier limpide.
Arnaud LE MONTAGNER
Qu’Auguste Perret soit remercié pour la qualité de son travail.
Je remercie l’ensemble des intervenants, avec qui j’ai pris plaisir à échanger pour préparer cet atelier, et je ne suis pas déçu
par ailleurs de ce que j’ai entendu aujourd'hui. J’espère que vous non plus.
Merci et bonne fin de journée.
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