DÉCISION de la Deuxième Chambre de recours du 17 octobre 2006

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DÉCISION de la Deuxième Chambre de recours du 17 octobre 2006
OFFICE DE L’HARMONISATION DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR
(MARQUES, DESSINS ET MODÈLES)
Les Chambres de recours
DÉCISION
de la Deuxième Chambre de recours
du 17 octobre 2006
Dans l’affaire R 58/2006-2
Celine Dion
c/o Feeling Productions Inc.
2540 Boulevard Daniel-Johnson, # 755
Laval, Quebec H7T 2S3
Canada
Requérante/Demanderesse
représentée par Murgitroyd & Company, Scotland House, 165-169 Scotland Street,
Glasgow, G5 8PL, Royaume-Uni
contre
M. X.
France
Défendeur au recours/Opposant
représenté par SCP Ménard – Marion – Ménard, 13, Boulevard Guist’hau, F-44000
Nantes, France
RECOURS concernant la procédure d’opposition numéro B 708 711 (demande de
marque communautaire numéro 2 999 282)
LA DEUXIÈME CHAMBRE DE RECOURS
composée de T. de las Heras (Président), G. Humphreys (Rapporteur) et D.T. Keeling
(Membre)
Greffier: E. Gastinel
rend la présente
Langue de procédure: français
DÉCISION DU 17 OCTOBRE 2006 – R 58/2006-2
CELINE DION (MARQUE FIGURATIVE) / C. Dion (MARQUE FIGURATIVE)
2
Décision
Résumé des faits
1
Le 30 décembre 2002, Mme Celine Dion (ci-après « la demanderesse ») a
sollicité l’enregistrement de la marque figurative :
pour distinguer les produits suivants en Classe 3 : « Parfums, fragrances, eau de
cologne, produits après-rasage, antisudoraux, shampooings, après-shampooings,
produits de soin pour la peau, crèmes pour la peau, lotions pour la peau, masques
gommants pour le visage, baumes pour les lèvres, hydratants, huiles essentielles à
usage personnel, cosmétiques et maquillage, produits de maquillage pour les
yeux, crayons à sourcils, eye-liners, démaquillant pour les yeux, brillant à lèvres,
rouge à lèvres, poudre pour le visage, produits pour les soins des ongles, vernis à
ongles, nail polish ».
2
La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 14/2004 du
4 avril 2004.
3
Le 5 juillet 2004, M. X. (ci-après « l’opposant ») a formé opposition à
l’enregistrement de la marque susmentionnée, en se basant sur le droit antérieur
suivant :
- Marque française nº 3 005 993, représentée ci-dessous, enregistrée pour des
« cosmétiques » en Classe 3.
4
L’opposant fondait son opposition sur l’ensemble des produits couverts par la
marque anterieure.
5
L’opposition était dirigée à l’encontre de tous les produits désignés par la
demande de marque communautaire contestée, à savoir les produits en classe 3.
6
Les motifs de l’opposition étaient ceux de l’article 8, paragraphe 1, points a) et b)
du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque
communautaire (le « RMC ») (JO CE 1994 nº L 11, p.1 ; JO OHMI 1/95, p. 52).
7
Le 31 octobre 2005, la division d’opposition a rendu sa décision (ci-après « la
décision attaquée»), statuant sur l’opposition nº B 708 711, par laquelle elle
accueillait l’opposition pour l’ensemble des produits contestés, rejetait la
demande d’enregistrement nº 2 999 282 dans son intégralité et condamnait la
demanderesse aux dépens.
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CELINE DION (MARQUE FIGURATIVE) / C. Dion (MARQUE FIGURATIVE)
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8
Dans la décision attaquée, la division d’opposition a suivi le raisonnement
suivant :
-
La demanderesse soutient qu’elle est une artiste mondialement connue, et la
notoriété de son nom serait suffisante pour écarter le risque de confusion.
-
Les produits contestés de la demande sont des « parfums, fragrances, eau de
cologne, produits après-rasage, antisudoraux, shampooings, aprèsshampooings, produits de soin pour la peau, crèmes pour la peau, lotions
pour la peau, masques gommants pour le visage, baumes pour les lèvres,
hydratants, huiles essentielles à usage personnel, cosmétiques et maquillage,
produits de maquillage pour les yeux, crayons à sourcils, eye-liners,
démaquillant pour les yeux, brillant à lèvres, rouge à lèvres, poudre pour le
visage, produits pour les soins des ongles, vernis à ongles, nail polish » en
Classe 3.
-
Les produits de la marque antérieure sont des « cosmétiques » en Classe 3.
-
Les produits cosmétiques sont définis comme des produits propres aux soins
de beauté (de la peau, des cheveux).
-
Les produits de la marque contestée, à savoir les « produits après-rasage,
antisudoraux, shampooings, après-shampooings, produits de soin pour la
peau, crèmes pour la peau, lotions pour la peau, masques gommants pour le
visage, baumes pour les lèvres, hydratants, huiles essentielles à usage
personnel, cosmétiques et maquillage, produits de maquillage pour les yeux,
crayons à sourcils, eye-liners, démaquillant pour les yeux, brillant à lèvres,
rouge à lèvres, poudre pour le visage, produits pour les soins des ongles,
vernis à ongles, nail polish » sont identiques aux produits de la marque
antérieure. Tous ces produits ont pour objet le soin et la beauté du corps. Ils
sont commercialisés dans les mêmes magasins (parfumeries) ou dans les
mêmes rayons des grands magasins et supermarchés et sont souvent
fabriqués par les mêmes entreprises.
-
En ce qui concerne les produits restants de la Classe 3 de la demande de
marque communautaire, à savoir les « parfums, fragrances, eau de cologne »,
ils peuvent tous être considérés, en général, comme étant des produits de
toilette. Ils sont donc très similaires aux « cosmétiques » de la marque
antérieure.
-
La marque antérieure est une marque française. Le territoire pertinent est
donc la France.
-
La marque antérieure est composée du patronyme DION, précédé de la lettre
C. La demande de marque est composée du prénom CELINE et du
patronyme DION. Dans la combinaison que constitue un prénom et un nom
patronymique, ce dernier apparaît en général comme l'élément prépondérant
permettant l'identification de façon relativement précise d'une personne. Cette
constatation est d’autant plus exacte en l'espèce que le prénom CELINE est
très courant en français. Le terme DION apparaît donc comme l'élément
dominant des deux signes.
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4
-
Visuellement, les signes en présence ont en commun le nom patronymique
DION. Les différences visuelles existant entre ces signes résultent du prénom
CELINE placé en attaque dans la demande de marque et de la calligraphie
particulière utilisée dans la marque antérieure. Le terme CELINE en attaque
dans la demande de marque aura un impact visuel sur le consommateur.
Cependant, le consommateur ne procédera pas à un examen détaillé des
marques en présence.
-
En outre, le consommateur a rarement en même temps les deux marques sous
les yeux. Il les verra à des moments différents dans le temps de façon rapide
et globale. Ce que le consommateur retiendra en général sont les éléments
communs existant entre les deux signes plutôt que les différences, sauf si ces
dernières sont de nature à attirer tout particulièrement l'attention du
consommateur. Dans le cas présent, le fait que la demande contestée reprenne
l'élément dominant de la marque antérieure, à savoir, le nom patronymique
DION, ainsi que la lettre C, lettre initiale du prénom CELINE, est un élément
dont le consommateur se souviendra, malgré la présence en attaque du
prénom CELINE dans la demande de marque et de la calligraphie particulière
utilisée dans la marque antérieure, laquelle n'empêche pas une lecture claire
du nom DION.
-
Des arguments similaires doivent être pris en compte lors de l'analyse
phonétique des signes. En effet, malgré la présence en attaque dans la
demande de marque du prénom CELINE, le consommateur aura tendance à
mémoriser les éléments communs et dominants des deux signes, à savoir le
nom patronymique DION.
-
Ces ressemblances visuelles et phonétiques sont, en outre, renforcées par la
similitude intellectuelle existant entre les deux signes en cause. En effet, le
consommateur français percevra la demande de marque comme étant le
prénom et le nom de famille d’une personne. De même, la marque antérieure
sera perçue comme étant un prénom commençant par C, suivi par le même
nom de famille.
-
Etant donné que les produits désignés par la marque antérieure sont des
produits de consommation courante, le public est composé des
consommateurs moyens.
-
En l’espèce, l’opposant n’a pas apporté la preuve que sa marque avait acquis
un caractère distinctif accru du fait de son usage ou de sa renommée dans le
territoire concerné, à savoir la France. Par conséquent, l’évaluation du
caractère distinctif de la marque antérieure se fera per se. L’Office considère
que la marque antérieure C. DION jouit d’un degré moyen de distinctivité car
elle n’est pas descriptive ni allusive des produits protégés.
-
La comparaison de la marque antérieure et de la demande de marque a fait
ressortir des ressemblances sur le plan visuel, et surtout, phonétique et
conceptuel.
-
D’autre part, les produits sont en partie identiques et en partie très similaires.
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5
-
Compte tenu des éléments qui précèdent, l’Office considère qu’il existe un
risque de confusion entre les deux marques en cause dans le chef des
consommateurs en France pour tous les produits contestés.
-
En réplique à l’opposition, la demanderesse a soulevé l’argument selon
lequel elle jouit d’une très grande notoriété et selon lequel son nom est d’une
exceptionnelle renommée en France, en Europe et au niveau international.
Cette notoriété permettrait au consommateur de retenir et reconnaître
facilement le patronyme CELINE DION. A ce propos, elle mentionne les
arrêts du Tribunal de Première Instance dans les affaires T-311/01 AstérixStarix et T-185/02 Picasso-Picaro.
-
L’Office ne partage pas cette opinion. Premièrement, il faut noter que, dans
l’arrêt Astérix/Starix, la Cour confirme la décision de la Chambre de recours,
rejetant l’opposition sur la base des différences visuelles, phonétiques et
conceptuelles entre les signes ASTERIX et STARIX, et que « dans ces
circonstances, l'appréciation de la Chambre de recours selon laquelle la
marque antérieure est «intrinsèquement très distinctive» et «largement
connue par le célèbre héros français de bandes dessinées et de dessins
animés» (point 29 de la décision attaquée) ainsi que les allégations de la
requérante quant à la renommée de cette marque n'ont aucune incidence sur
l'application de l'article 8, paragraphe 1, point b), du règlement n° 40/94 dans
le cas d'espèce » (voir arrêt précité, paragraphe 60).
-
Dans l’affaire PICASSO/PICARO, la Cour se réfère à une claire différence
conceptuelle entre les signes en cause, en considérant la renommée du signe
antérieur PICASSO, particulièrement bien connu comme étant le nom du
célèbre peintre Pablo Picasso. Le signe contesté, le mot PICARO, par contre,
a été considéré dépourvu de contenu sémantique pour le public non
hispanophone. Dans le cas en question, néanmoins, les deux signes C. DION
et CELINE DION ont une claire signification conceptuelle, car il s’agit dans
les deux cas d’une combinaison de prénom et d’un nom de famille, ce dernier
étant identique.
-
L’Office considère, donc, que les deux cas mentionnés ne sont pas pertinents.
-
Deuxièmement, il faut noter que, quant à la renommée de la demanderesse,
elle ne peut pas être considérée comme un élément capable de réduire le
risque de confusion entre les signes. La protection contre le risque de
confusion ne comprend pas seulement les cas où dans le consommateur
pourrait acheter un produit couvert par la marque postérieure en croyant
injustement qu'il appartient au propriétaire de la marque antérieure. Le risque
de confusion inclut aussi les cas où le consommateur pourrait acheter un
produit couvert par la marque antérieure, en croyant qu’il s’agit d’un produit
protégé par la marque plus récente.
-
Quelle que soit la notoriété de la marque contestée, l’Office considère qu’elle
ne peut pas servir à éliminer un lien existant. Ainsi, contrairement à
l’intention du législateur communautaire, la protection de la fonction
d’origine de la marque antérieure ne serait pas assurée, bien que les marques
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aient été considérées similaires et que les produits soient identiques ou
similaires au produits contestés.
9
Le 30 décembre 2005, la demanderesse a formé un recours contre la décision
attaquée. Le mémoire exposant les motifs du recours a été présenté le 22 février
2006.
10 L’opposant a présenté ses observations en réponse le 12 mai 2006.
Moyens et arguments des parties
11 La demanderesse sollicite l’annulation de la décision attaquée. A l’appui de sa
demande, elle fait valoir notamment ce qui suit :
-
La décision attaquée n’indique pas pourquoi le nom patronymique est
généralement perçu comme l’élément prépondérant permettant
l’identification de façon relativement précise d’une personne.
-
La décision attaquée ne démontre pas le rapport nécessaire entre le prétendu
caractère courant du prénom CELINE appliqué aux produits désignés.
-
Aucun des deux éléments de la marque demandée CELINE DION n’est
graphiquement présenté de telle sorte que l’un ou l’autre serait prédominant.
Il s’agit d’un ensemble uniforme.
-
Commercialement, la marque CELINE DION est toujours utilisée dans son
intégralité. En aucun cas, les deux parties de la marque sont utilisées
séparément.
-
Du fait de l’exceptionnelle réputation de la personne Céline Dion, la force
distinctive qui est due au prénom Céline est accrue. Par ailleurs, dans le
milieu de la chanson, le prénom des chanteurs, notamment français, revêt un
caractère attractif aussi important que le nom, voire plus, à tel point qu’il est
scandé publiquement par les fans : on entend « Céline » ou « Céline Dion »,
et jamais « Dion » ou « C. Dion ».
-
Le consommateur de produits cosmétiques, habitué à des noms tels que
Chloé, Anaïs Anaïs, Jennifer Lopez, Estée Lauder, Hugo Boss, etc.,
commandera un parfum CELINE DION, et non pas DION ou C. DION.
-
Le prénom Céline évoquera pour le consommateur français le nom du
célèbre écrivain Louis-Ferdinand Céline, ce qui montre que le terme Céline a
aussi vocation à être un nom patronymique.
-
Les éléments figuratifs et l’initiale précédant le nom Dion dans la marque
antérieure donnent une architecture particulière à cette marque, notamment
une certaine hauteur, qui contraste avec la longueur de la marque demandée.
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7
-
L’architecture inhabituelle, présentant un effet brouillon et grossier, de la
marque antérieure, s’oppose à l’architecture linéaire classique, stylisée, fine
et propre, de la marque demandée.
-
Phonétiquement, c’est l’entière prononciation de la marque demandée qui
devra être comparée à celle de la marque antérieure.
-
La conclusion de la décision attaquée sur la notoriété de la requérante laisse à
penser qu’une telle notoriété présenterait en fait un effet pervers lors d’une
procédure d’opposition : un risque de confusion automatique face à une
dénomination sans force distinctive particulière ou n’appartenant pas à une
autre catégorie conceptuelle.
12 L’opposant défend la validité de la décision contestée. Ses arguments peuvent
être résumés de la façon suivante :
-
Même si, visuellement, les marques ne sont pas similaires, il existe un risque
indéniable de confusion du point de vue phonétique, puisque leur élément
attractif, essentiel et caractéristique, est le patronyme DION.
-
Il a déjà été jugé que la marque MAC DOUGLAS est illicitement imitée par
la marque DANY DOUGLAS, car elle reproduit le mot DOUGLAS, élément
« phonétiquement essentiel et caractéristique de la marque ».
-
Monsieur X. possède indubitablement une antériorité sur la marque C. DION
pour des produits en Classe 3, et s’oppose légitimement à ce que la marque
CELINE DION soit déposée dans la même classe de produits.
-
Hors du monde de la musique, Madame Céline DION n’a pas acquis une
notoriété telle qu’elle lui permette de déposer son nom à titre de marque dans
des classes de produits ou de services où une marque similaire existe déjà.
13 Dans sa réplique, la demanderesse explique les raisons pour lesquelles la
référence au cas Mc. Douglas, jugé en 1985 par la Cour d’Appel de Paris, est
dénué de pertinence en l’espèce, et insiste sur les arguments exposés dans son
mémoire exposant les motifs du recours.
Motifs de la décision
14 Le recours est conforme aux articles 57, 58 et 59 du RMC et à la règle 48 du
règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant
modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque
communautaire (le « REMC ») (JO CE 1995 nº L 303, p.1 ; JO OHMI 2-3/95, p.
258). Il est dès lors recevable.
15 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, point b) du RMC, sur opposition du
titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à
l’enregistrement lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la
marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des
services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans
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l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le
risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
16 L’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, point b)
du RMC doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs
pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la
similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée
sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte,
notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (voir arrêt de la
Cour du 11 novembre 1997 dans l’affaire C-251/95 Sabèl BV contre Puma AG,
Rudolf Dassler Sport (« Sabèl ») [1997] Rec. I-6191, points 22 et 23).
17 Dans l’appréciation globale du risque de confusion, la perception des marques
qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle
déterminant. Celui-ci est censé être normalement informé et raisonnablement
attentif et avisé. Son niveau d'attention est susceptible de varier en fonction de la
catégorie de produits ou services en cause (voir arrêt de la Cour du 22 juin 1999
dans l’affaire C-342/97 Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co. GmbH contre Klijsen
Handel BV (« Lloyd Schuhfabrik ») [1999] Rec. I-3819, point 26).
18 En l’espèce, étant donné la nature des produits concernés, et le fait que la marque
antérieure est une marque française, le public concerné, par rapport auquel
l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, est constitué par l’utilisateur
moyen des produits cosmétiques en question. Par conséquent, il convient de
prendre en considération l’attente présumée du consommateur moyen de ces
produits, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en France
(voir arrêt de la Cour du 16 juillet 1998 dans l’affaire C-210/96 Gut
Springenheide GmbH et Rudolf Tusky contre Oberkreisdirektor des Kreises
Steinfurt - Amt für Lebensmittelüberwachung (« Gut Springenheide ») [1998]
Rec. I-4657, point 31).
Comparaison des produits
19 La décision attaquée avait considéré qu’une partie des produits concernés étaient
identiques, tandis que les produits restants étaient très similaires aux produits
protégés par la marque antérieure. La Chambre partage cette conclusion, qui n’a
pas été contestée par les parties.
Comparaison des signes
20 La comparaison doit être faite entre les signes suivants :
Marque antérieure
Demande de marque
21 Il est indiqué dans la décision attaquée que le terme DION est l’élément dominant
de la marque demandée, du fait que dans la combinaison d’un prénom et un nom
patronymique, ce dernier apparaît en général comme l’élément prépondérant
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permettant l’identification de façon relativement précise d’une personne, d’autant
plus que le prénom Céline est très courant en français.
22 La Chambre ne partage pas ce raisonnement. En effet, la décision attaquée n’a
pas indiqué les raisons pour lesquelles le principe selon lequel le nom
patronymique apparaît en général comme l’élément prépondérant, s’appliquerait
au cas d’espèce. Au contraire, elle a ignoré le fait que les termes CELINE et
DION identifient une chanteuse très connue au niveau international, dont le nom
sera immédiatement reconnu par le public français. La Chambre considère que,
face à une marque CELINE DION pour des produits cosmétiques, le public ne
donnera pas plus d’importance au nom ou au prénom, mais verra la marque
comme un ensemble qui évoque le nom d’un personnage célèbre, sans considérer
le terme DION comme l’élément dominant. Tout comme, face à des noms tels
que JENNIFER LOPEZ, ANTONIO BANDERAS, ELIZABETH TAYLOR,
CLAUDIA SCHIFFER ou ESTEE LAUDER, le public ne pensera pas que
l’élément dominant puisse être LOPEZ, BANDERAS, TAYLOR, SCHIFFER ou
LAUDER.
23 Du point de vue visuel, les signes ont en commun la lettre « C » et l’élément
« DION ». La marque antérieure est une marque figurative, où les termes « C.
DION » sont écrits entre guillemets, avec une typographie qui semble imiter une
signature, notamment du fait de l’élément figuratif situé en dessous de la
dénomination, tandis que la marque demandée utilise une typographie stylisée, de
lignes propres.
24 La décision attaquée indiquait que le terme CELINE au début de la marque « aura
un impact visuel sur le consommateur », mais elle affirmait que « le
consommateur ne procédera pas à un examen détaillé des marques en présence »,
sans expliquer les raisons menant à cette conclusion. La Chambre ne partage pas
ce raisonnement, qui manque de cohérence dans la mesure où, pour apprécier le
terme CELINE dans une marque figurative composée seulement des éléments
CELINE et DION, il n’est point nécessaire de procéder à un examen détaillé de la
marque. Le consommateur moyen, avec un niveau moyen d’attention, est tout à
fait capable de percevoir le mot CELINE dans le signe demandé CELINE DION.
Il est donc évident que les six lettres du mot CELINE auront un impact visuel
important sur le consommateur, d’autant plus qu’elles se situent au début de la
marque demandée. La Chambre considère que les différences entre les signes en
conflit sont suffisamment importantes pour conclure qu’il y a seulement un faible
niveau de similarité visuelle entre les signes.
25 Phonétiquement, il y a une coïncidence dans l’élément DION, tandis que le
premier élément des signes diffère : « C » et « CELINE ». Le public aura
tendance à mémoriser l’élément dominant de chaque signe, à savoir « DION »
pour le signe antérieur, et « CELINE DION » pour la marque demandée. Par
conséquent, du point de vue phonétique, il y a un niveau de similarité plutôt
faible.
26 Du point de vue conceptuel, la décision attaquée signalait à juste titre que la
marque antérieure sera perçue comme étant un prénom qui commence par la
lettre C., suivi du nom de famille DION. Cependant, elle signalait l’existence
d’une similitude intellectuelle entre les deux signes, puisque la marque demandée
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serait perçue comme étant le prénom et le nom de famille d’une personne. La
Chambre montre son étonnement quant au fait que la décision attaquée ait ignoré
que CELINE DION n’est pas le prénom et le nom de famille d’une personne
quelconque qui serait méconnue de la plupart des consommateurs. Bien au
contraire, les mots CELINE et DION correspondent au prénom et au nom de
famille d’une chanteuse reconnue au niveau international, et notamment en
France.
Sur le plan conceptuel, le signe verbal CELINE DION est
particulièrement bien connu, par le public pertinent, comme étant le prénom et le
nom de la chanteuse canadienne Céline Dion. Par conséquent, les signes sont
conceptuellement différents, puisque l’un évoque le nom d’une personne
indéterminée, tandis que l’autre se réfère à la célèbre chanteuse canadienne
Céline Dion.
27 La Chambre considère que les similarités visuelles et phonétiques peuvent être
contrebalancées par les différences visuelles et phonétiques, et sont en tout cas
neutralisées par les claires différences conceptuelles entre les signes en conflit
(voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003 dans l’affaire T-292/01 Phillips-Van
Heusen Corp. contre OHMI (« Bass ») [2003] Rec. II-4335, point 54 ; arrêt du
Tribunal du 22 juin 2004 dans l’affaire T-185/02, Succession Picasso contre
OHMI (« Picaro ») [2004] Rec. II-1739, point 56 ; arrêt du Tribunal du 3 mars
2004 dans l’affaire T-355/02 Mülhens GmbH & Co. KG contre OHMI (« Zirh »)
[2004] Rec. II-791, points 49-51, et arrêt de la Cour du 12 janvier 2006 dans
l’affaire C-361/04P, Succession Picasso contre OHMI (« PICARO ») [2006] Rec.
I-643, point 20).
28 Par conséquent, la Chambre considère qu’en dépit d’une certaine similarité
phonétique, les signes ne sont pas suffisamment similaires – globalement – pour
donner lieu à un risque de confusion et ce, même pour des produits identiques. Il
en résulte que le public ne percevra pas qu’ils ont une même origine
commerciale, ou qu’ils sont économiquement liés. En conclusion, il n’existe pas
de risque de confusion, qui comprend le risque d’association, dans l’esprit du
public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée, à savoir la
France.
29 La décision attaquée doit en conséquence être annulée.
Frais
30 L’opposant, en tant que partie perdante, devra supporter les taxes et frais exposés
par la demanderesse (voir l’article 81, paragraphe 6 du RMC, tel que modifié et
règle 94, paragraphe 7 du REMC, tel que modifié). En conséquence, il supportera
la taxe de recours de 800 euros, les frais de représentation professionnelle devant
la Chambre fixés à 550 euros (règle 94, paragraphe 7, point d) du REMC, tel que
modifié), et les frais de représentation professionnelle dans la procédure
d’opposition fixés à 300 euros, ceci étant le montant applicable à l’époque où la
décision annulée a été rendue (règle 94, paragraphe 7, point f) du REMC).
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Dispositif
Par ces motifs,
LA CHAMBRE
déclare et décide que:
1.
2.
3.
La décision contestée est annulée.
L’opposition est rejetée.
L’opposant supportera les frais de représentation professionnelle et les
taxes exposés par la demanderesse dans la procédure de recours et la
procédure d’opposition, à savoir 1650 euros.
T. de las Heras
G. Humphreys
D.T. Keeling
Greffier:
E. Gastinel
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