Séisme dans le détroit de Gibraltar

Transcription

Séisme dans le détroit de Gibraltar
ENREGISTREMENT DU SISMOGRAPHE DU LYCÉE FERMAT
LE SÉISME DU 25 JANVIER 2016 EN MER MÉDITERRANÉE
Un séisme de magnitude 6,1 s’est produit lundi 25 janvier en mer Méditerranée, entre l’Espagne et le Maroc, a
annoncé l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis (United States Geological Survey, USGS). La secousse a
été enregistrée à 5 h 22 (heure de Paris). Douze minutes plus tard, une réplique de 5,3 a eu lieu. La secousse a
été localisée à 62 kilomètres au nord d’Al-Hoceïma (Maroc) et à 164 kilomètres au sud-est de Gibraltar (Figure 1).
Figure 1 : Localisation du séisme dans le détroit de Gibraltar M = 6,2
(http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/01/25/un-puissant-seisme-frappe-la-mediterranee)
Le sismographe du lycée Fermat a enregistré ce séisme (Figure 2)
Figure 2 : Le sismogramme enregistré par le sismographe du lycée Fermat (http://www.agecodagis.com)
B. AUGÈRE LYCÉE FERMAT 25 JANVIER 2016
Quelques éléments de compréhension de l’enregistrement
Les coordonnées géographique du sismographe sont les suivantes : latitude: 43.60°, longitude: 1.44° et altitude:
148m
Latitude : exprimée en degrés décimaux, elle est comptée positivement vers le nord.
Longitude : exprimée en degrés décimaux, elle est comptée positivement vers l'est.
Profondeur : pour un séisme, la profondeur est comptée en kilomètres, sous le niveau de la mer (10 km ici).
Altitude : pour une station, l'altitude est comptée en mètres, au dessus du niveau de la mer.
Amplitude des sismogrammes : les sismogrammes fournis représentent la vitesse du sol exprimée en unités
arbitraires. Pour convertir ces amplitudes en m/s, il est faut les multiplier par la constante de conversion du
numériseur (par exemple 536nV/unité) puis diviser par la constante de conversion du capteur (par exemple
1400V/m/s). Ainsi lorsqu'on lit une amplitude 100, la vitesse du sol est 100*0.000000536/1400 c'est à dire
38.2nm/s : 0.00000382m/s.
BHZ : enregistrement selon l’axe Z soit un déplacement vertical
BHN : enregistrement horizontal vers le Nord
BHE : enregistrement horizontal vers l’Est
M : magnitude selon l’échelle ouverte de Richter. Elle traduit l’énergie dégagée par le séisme. Sa valeur dépend de
l’amplitude des ondes P, premières ondes sismiques enregistrées.
Les tracés se lisent de gauche à droite. Ils montrent des ondes de faible amplitude mais de fréquence importante
(pics très resserrés) : ce sont les ondes P. Leur font suite des ondes de plus grande amplitude et de fréquence
plus faible (pics plus espacés) qui sont les ondes S puis les ondes L. Ce sont ces dernières qui sont les plus
destructrices. Des dégâts matériels ont été constatés à Melilla, enclave espagnole au Maroc (Figure 3).
Figure 3 : Quelques dégâts matériels à Melilla (https://twitter.com/ondaceromelilla)
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Le contexte géologique
Depuis quelques décennies, les géologues savent que les côtes d'Afrique se rapprochent des côtes sudeuropéennes à un rythme assez soutenu : environ 2 cm/an entre la Libye et la Crète et 0.5 cm/an au niveau du
détroit de Gibraltar (Minster et al., 1974). Ce mouvement s'est amorcé il y a 7 à 8 millions d'années.
D’après les données géophysiques et géologiques, la limite de plaques, entre l’Afrique et l’Europe depuis
l’Atlantique jusqu’en Méditerranée, présente d'Ouest en Est différents contextes géodynamiques (Figure 4):
ü au centre de l’Atlantique, le rift en extension de Terceira ;
ü la faille transformante dextre Açores-Gibraltar (faille de Gloria) qui sépare l’Atlantique Nord et l’Atlantique
centrale à croûte océanique ;
ü une zone intraocéanique de déformation (banc de Goringe-Ampère) avec présence de chevauchement
probable d’échelle crustale, situé en relais de grands décrochements qui peuvent se prolonger jusque
dans le domaine continental ibérique ;
ü une zone très large de tectonique de collision continent-continent (Afrique-Europe) au niveau de l’arc de
Gibraltar et de la mer d’Alboran qui évolue probablement vers l’Est à un contexte de marge active avec
amorce de subduction de la croûte océanique algéro- provençale (Argus et al., 1989 ; Platt et Vissers,
1989 ; Buforn et al., 1995 ; Méghraoui et al., 1996 ; Le Gall et al., 1997).
Figure 4 Le contexte géodynamique de la région : la transformante de Gibraltar
(www.everyoneweb.com/WA/DataFilesmtcherkaoui/SisOuezzane)
Le Maroc est situé en bordure nord-ouest du continent africain, à proximité de la frontière de ces deux grandes
plaques tectoniques. La sismicité dans cette région est essentiellement gouvernée par le rapprochement Afrique
et Eurasie.
Cette situation est d’autre part compliquée par la présence des zones de subduction égéenne et calabraise. Il est
difficile d’y définir une frontière précise entre les deux plaques, mais le jalonnement des plus gros séismes peut
nous aider à y voir plus clair.
Les traits jalonnés de triangles noirs représentent des zones de chevauchement entre deux compartiments. Le
compartiment qui porte les triangles chevauche celui qui n’en possède pas. La pointe du triangle indique le sens du
déplacement et la partie dépourvue de triangles passe au-dessous de l’autre. Ainsi l’Atlas passe sous la mer
d’Alboran en se déplaçant vers le Nord-Est tandis que la péninsule Ibérique passe sous la mer d’Alboran en se
déplaçant vers le Sud-Est.
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La limite entre les deux plaques est représentée par une ligne sismique qui part des Açores jusqu’à l’ouest du
détroit de Gibraltar (Figure 5), cette ligne est le siège de violents séismes de magnitudes qui peuvent atteindre ou
dépasser le degré 7 (séisme de Lisbonne de 1755 : M ≈8.5; 1941: Ms = 8.2; 1969: Ms = 7.3; 1975: Ms = 6.7).
Figure 5 : Sismicité du Maroc et des régions limitrophes entre 1901 et 2006 (Cherkaoui, 2007).
Au niveau du détroit de Gibraltar, la sismicité est faible, alors qu’à l’est du Détroit, l’activité sismique devient
intense et diffuse avec une bifurcation dont une des branches s’étend dans tout le sud de l’Espagne, l’autre
branche traversant le Maghreb d’ouest en est (Kárník, 1969; Beuzart, 1972; Hatzfeld, 1978; Cherkaoui, 1991).
Cette diffusion de la sismicité est une caractéristique des zones de collision continentale où les blocs sont
déformables (Tapponnier, 1977).
Le séisme enregistré aujourd’hui en est probablement une manifestation.
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