Le travail en binôme entre les aides
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Le travail en binôme entre les aides
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTE Centre Hospitalier Régional Universitaire BESANCON Formation Cadre de santé – Option infirmières Le travail en binôme entre les aidessoignantes et les infirmières favorise-il une meilleure prise en soins des patients ? Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme de Cadre de Santé Option infirmière PAREDI Karine Promotion 2014/2015 Sous la direction de Virginie NGAMBA Psychologue Clinicienne 1 « Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences ». Françoise DOLTO 2 REMERCIEMENTS 3 Remerciements : Je tiens à remercier les personnes qui ont permis l'élaboration de ce travail. Merci à Madame NGAMBA Virginie, ma directrice de mémoire, pour ses conseils, son accompagnement et sa disponibilité. Merci aux cadres formateurs de l'IFCS accompagnement durant toute cette année. pour leur soutien et leur Merci aux professionnels de terrain que j'ai interviewés pour avoir accepté de partager avec moi leur expérience professionnelle. Merci à David, mon mari, pour avoir cru en moi dès le début de cette aventure et pour m'avoir encouragée et soutenue à chaque instant. Merci à Valentin, Maxime et Éline, mes enfants, pour leur soutien et leur patience durant cette année studieuse. Merci à mes parents et à ma sœur pour leur aide précieuse. Merci à Sylvaine pour son soutien, son coaching et ses relectures attentives et bienveillantes. Enfin, merci à toutes les personnes rencontrées durant cette année, qui ont participé de près ou de loin, au développement de mes compétences. 4 SOMMAIRE 5 SOMMAIRE INTRODUCTION .................................................................................................9 PARTIE 1-DU CONSTAT DE DEPART A MA PROBLEMATIQUE...................12 1-1-Constat en regard de ma pratique professionnelle.................................12 1-2-Regard sur des entretiens exploratoires.................................................15 1-2-1-Entretiens exploratoires de deux aides soignantes.........................15 1-2-2-Entretiens exploratoires de deux infirmières...................................16 1-3-Constat en regard des entretiens exploratoires......................................17 1-4-Constat en regard des référentiels..........................................................18 PARTIE 2-CADRE CONTEXTUEL....................................................................21 2-1-Historique des professions :....................................................................21 2-1-1-La profession d'aide soignante .......................................................21 Législation..............................................................................................21 La formation aide-soignante..................................................................22 2-1-2-La profession d'infirmière.................................................................23 Législation..............................................................................................23 La formation infirmière ..........................................................................24 2-1-3-La profession de Cadre de Santé....................................................24 Législation..............................................................................................25 Cadre législatif actuel.............................................................................25 Les missions du cadre de santé............................................................26 Activités principales ...............................................................................27 PARTIE 3-CADRE CONCEPTUEL....................................................................29 3-1-Le concept du travail en binôme ............................................................29 3-1-1-Les avantages du travail en binôme................................................30 3-1-2-Les limites du travail en binôme......................................................31 3-2-Le concept de collaboration....................................................................32 3-2-1-Définition..........................................................................................32 3-2-2-La collaboration dans le projet de soins..........................................35 3-2-3-La place du binôme dans la collaboration.......................................36 3-2-4-Le rôle du cadre dans la collaboration............................................37 3-3-Le concept de compétences...................................................................38 3-4-Le concept de l'équipe soignante ..........................................................40 3-4-1-L'équipe...........................................................................................40 3-4-2-L'équipe soignante .........................................................................42 6 3-4-3-Le travail d'équipe et l'esprit d'équipe..............................................44 3-4-4-Le rôle du cadre dans le travail d'équipe.........................................45 PARTIE 4-DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE L'ENQUÊTE......................49 4-1-Choix de la méthodologie et de l'outil.....................................................49 4-2-Choix de la population et de l'établissement...........................................50 4-3-Modalités des entretiens.........................................................................51 4-4-Les points forts et les limites de l'enquête..............................................51 PARTIE 5-ANALYSE DES ENTRETIENS.........................................................54 5-1-Profil des personnes interrogées............................................................54 5-2-Analyse des déterminants sociaux.........................................................56 5-3-Analyse des discours..............................................................................57 5-3-1-Travail en binôme et/ou en collaboration ?.....................................58 La collaboration......................................................................................58 Le binôme..............................................................................................61 Par qui est constitué le binôme ?...........................................................66 5-3-2-Avantages et inconvénients du travail en binôme...........................68 Avantages..............................................................................................69 Inconvénients.........................................................................................70 5-3-3-L'organisation du service.................................................................72 5-3-4-La communication et les transmissions orales................................76 5-3-5-La notion d'équipe...........................................................................78 5-3-6-Le concept de reconnaissance........................................................81 PARTIE 6-SYNTHESE et ENSEIGNEMENTS TIRES.......................................86 6-1-Concernant mon travail de recherche.....................................................86 6-2-Synthèse des discours............................................................................88 6-3-Concernant la fonction du cadre de santé..............................................90 CONCLUSION....................................................................................................93 BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................95 ANNEXES...........................................................................................................98 7 INTRODUCTION 8 INTRODUCTION La réalisation d'un mémoire à la fin de ma formation cadre de santé est pour moi la mise en application du module de recherche débuté dès le début de cette formation. C'est également un moyen de faire une analyse et d'avoir un nouvel angle de vision sur un sujet particulier de ma vie professionnelle. Ce sujet est issu d'une réflexion personnelle face à une situation et deviendra au cours de l'année mon objet de recherche. Cette démarche m'a permis de passer d'un questionnement sur la reconnaissance du travail de l'aide-soignant à l'importance du travail en binôme entre les aides-soignantes et les infirmières dans certains services hospitaliers et extra hospitaliers. Je vais relater au cours de ce travail, les différentes étapes de recherche, depuis ma question de départ jusqu'à la confirmation ou à l'infirmation de l'hypothèse émise. Le choix de cette problématique est lié à mon parcours professionnel. Ayant travaillé pendant quinze ans dans des services techniques en centre hospitalier, j'ai pu observer l'importance pour certaines aide-soignantes de travailler avec les infirmières afin de ressentir une reconnaissance de leur travail. Au cours des guidances de mémoire avec ma directrice, je me suis aperçue que le thème qui me préoccupait était le ressenti des équipes soignantes vis à vis du travail en collaboration et du travail en binôme afin de prendre soin, au mieux, les personnes. Je me suis appuyée sur mon expérience, ainsi que sur des entretiens exploratoires afin d'aboutir à une question de départ puis à une problématique et enfin à une hypothèse. 9 Ce travail sera articulé en quatre grandes parties : le constat de ma pratique professionnelle et l'émergence de mon questionnement, le cadre contextuel, la présentation du cadre conceptuel de la démarche de recherche, nécessaire à la compréhension du thème par des apports théoriques puis l'exposition et l'analyse de l'enquête sur le terrain. Enfin je terminerai par un exposé des pistes de réflexion et d'enseignements que j'aurai pu tirer de ce travail de recherche. 10 PARTIE 1 : DU CONSTAT DE DEPART A MA PROBLEMATIQUE 11 PARTIE 1-DU CONSTAT DE DEPART A MA PROBLEMATIQUE 1-1-Constat en regard de ma pratique professionnelle Infirmière diplômée d'état depuis 1998, j'ai travaillé pendant 10 ans en service de chirurgie digestive et vasculaire puis 5 ans en service d'hémodialyse. J'ai ensuite exercé pendant 18 mois en tant que faisant fonction de cadre de santé en service de réanimation polyvalente. Mon parcours professionnel m'a amenée à travailler essentiellement dans des services techniques, toutefois j'ai pu, lors de mes stages à l'école d'infirmières, intervenir dans des services de médecine, de gériatrie, ou de psychiatrie. Pendant mes années d'exercice en chirurgie, l'organisation du travail de jour comme de nuit s'appuyait sur la sectorisation et sur le travail en binôme entre les aides-soignants et les infirmiers. Lors de mon exercice de nuit en chirurgie, le planning était réalisé avec une infirmière et une aide-soignante roulante, puis avec deux infirmières de nuit, mais sans aide-soignante. Ces rencontres avec des aides-soignantes différentes quasiment toutes les nuits m'ont demandée des capacités d'adaptation, de coopération et de collaboration. Le fait de travailler ensemble m'a permis de constater que les soins étaient de meilleure qualité pour les patients. Pendant ces années travaillées en chirurgie, j'ai eu le sentiment d'avoir beaucoup appris des aides-soignantes. En effet, du fait de leur expérience et de leur proximité avec le patient, certaines savaient reconnaître certains signes de douleur ou tout autre malaise et ensuite les transmettre rapidement aux infirmières ou aux médecins. De nuit, j'ai appris également l'observation, le partage, les échanges, tant avec le personnel qu'avec les patients. 12 En intégrant le service d'hémodialyse, j'ai découvert une prise en charge et une approche des patients différentes des autres services, que ce soit pour les infirmières ou pour les aides-soignantes. En effet, la dialyse étant un service de passage court pour les patients, très peu de soins d'hygiène y sont réalisés. Le travail des aides-soignantes consiste principalement à accueillir les patients, à s'occuper de l'entretien des salles en fin de séance, et à gérer les stocks de matériel. L'organisation du service mise en place contribue à un travail sectorisé mais indépendant les uns des autres. Dans ce service technique, les infirmières travaillent en binôme entre elles. Quand je suis partie du service, il était question de réorganiser les tâches des aides-soignantes afin de les intégrer plus aux soins, notamment aux temps de « branchements »1 des patients en binôme avec l'infirmière. Après 5 ans passés en hémodialyse, j'ai intégré le service de réanimation polyvalente en tant que faisant fonction cadre de santé. Les patients sont pour la plupart dans le coma, intubés et sédatés. Ils ne se mobilisent pas ou très peu. La prise en soins consacrée à ces malades est très importante, et selon l'organisation du service, se réalisent en binôme entre une aide-soignante et une infirmière afin de prendre en charge le patient dans sa globalité. Quand je suis arrivée dans ce service, ne connaissant pas le travail de chacun et chacune, j'ai décidé d'intégrer pendant quelques jours chaque catégorie professionnelle afin de m'approprier le fonctionnement du service. Cela m'a permis d'observer, de comprendre l'organisation du service et l'importance de la collaboration dans l'équipe et du travail en binôme. Pendant ces temps passés avec les aides-soignantes, certaines m'ont confiée quelle était l'importance du travail en binôme en service de réanimation et quel impact il avait sur la qualité du travail auprès des personnes soignées. 1 « branchement » : acte infirmier permettant de débuter une hémodialyse 13 Un fait marquant durant les années 2013/2014 a été l'absentéisme concernant le personnel aide-soignant, avec des remplacements ponctuels effectués par des étudiants infirmiers. Quelques fois des aides-soignantes réalisaient les soins d'hygiène seules car les infirmières étaient occupées à réaliser des soins techniques. La fatigue, le surmenage et le manque de communication aidant, des conflits corporatistes et relationnels sont apparus. En tant que cadre dans ce service, mon rôle était de rétablir la communication entre les agents afin de garantir la qualité des soins auprès des patients et de leur entourage. J'ai organisé une réunion avec les aides-soignantes et les infirmières afin de trouver des solutions pour réduire la charge de travail des aides-soignantes en sous effectif, en attendant le recrutement d'un nouveau personnel. J'ai ressenti de la solidarité de la part de certaines infirmières et un soulagement au sein de l'équipe aide-soignante. Des propositions ont été faites, principalement le travail en binôme entre deux infirmières. Ces expériences, m'ont permis d'observer que les agents de la plupart des services de soins, tant les infirmières et les aides-soignantes aiment travailler en binôme et collaborer. Selon l'organisation de chaque service, un binôme se crée. Ce mode de fonctionnement permet aux aides-soignantes de se sentir plus valorisées. La question de départ de mon travail suite à ma pratique professionnelle et qui pourrait initier ma recherche serait donc celle ci : Si le travail en binôme entre les aides-soignantes et les infirmières améliore la qualité du travail, comment le cadre de santé par son management (et la mise en place d'une organisation) peut-il accompagner les équipes aides-soignantes et infirmières afin de travailler en binôme ? 14 1-2-Regard sur des entretiens exploratoires 1-2-1-Entretiens exploratoires de deux aides soignantes Afin de commencer une analyse la plus pertinente possible, je complète mon expérience professionnelle par des entretiens exploratoires auprès de deux aides-soignantes et de deux infirmières. L'objectif de ces entretiens est de connaître leurs expériences sur le travail en binôme. ➢ La première aide-soignante se prénomme Jacqueline et est âgée de 56 ans. Elle a débuté sa carrière en clinique privée puis a travaillé vingt et un ans en centre hospitalier dans différents services. Cela fait maintenant dix ans qu 'elle exerce en centre de soins à domicile. Elle ne différencie pas le travail en binôme du travail en collaboration. Pour elle, les deux termes signifient travailler ensemble, entre une infirmière et une aide-soignante. Jacqueline m'explique qu'elle a beaucoup travaillé en binôme, notamment avec ses pairs dans les services de médecine, mais également avec les infirmières en réanimation. Depuis qu'elle exerce à domicile, elle travaille souvent seule mais cela ne la dérange pas. Elle se sent plus « libre », et demande de l'aide ponctuelle à ses collègues si besoin. Jacqueline retient surtout que le travail en binôme qu'elle exerçait avec les infirmières était bénéfique autant pour elle (par rapport au relationnel, notamment dans des moments difficiles psychologiquement) que pour les patients dans la qualité des soins (mobilisation des personnes appareillées par exemple). 15 ➢ La deuxième aide soignante, prénommée Pascale a 54 ans, a travaillé en centre hospitalier dans différents services puis à domicile. Pascale ne différencie pas les termes de collaboration et de travail en binôme. Pour elle, c'est travailler à deux. Elle me parle de son travail en binôme avec les infirmières en service de soins intensifs de chirurgie mais explique que dans beaucoup d'autres services, elle travaillait seule ou en binôme avec une autre collègue aide-soignante. En ce qui concerne son exercice professionnel à domicile, Pascale me dit qu'elle travaille la plupart du temps seule et que « cela ne lui pèse pas ». Elle a trouvé dommage de ne pas avoir plus travaillé en binôme avec les infirmières et s'est sentie quelques fois exclue en tant qu'aidesoignante. Elle aurait aimé que le cadre de santé de l'unité réorganise les tâches de chacun afin de favoriser un travail en binôme et ainsi un meilleur travail d'équipe. 1-2-2-Entretiens exploratoires de deux infirmières ➢ La première infirmière interrogée se prénomme Ingrid et a 39 ans. Elle est diplômée depuis onze ans. Concernant son expérience professionnelle, Ingrid a travaillé en service de soins de suite et de réadaptation pendant six ans, puis pendant quatre ans en mission transversale en service d'hygiène. Depuis un an, elle est faisant fonction cadre de santé en hygiène. Pour elle, le travail en binôme, c'est faire ensemble certains soins. Cela permet d'échanger sur les pratiques professionnelles de chacun. Cela permet aussi de dire les mêmes choses aux patients. Ingrid fait la différence avec le travail en collaboration car pour elle collaborer c'est travailler séparément puis échanger sur ce qui a été fait auprès des patients. Pour Ingrid, le travail en binôme permet la reconnaissance du travail de l'autre car chacun 16 intervient dans son propre domaine de compétences. Cela permet également la valorisation du travail de l'autre. ➢ La seconde infirmière interviewée se prénomme Christine et a 38 ans. Cela fait treize ans qu'elle est diplômée et a travaillé en service de réanimation, en médecine, en chirurgie de jour puis pendant quatre ans de nuit. Pour elle, travailler en collaboration c'est travailler ensemble, en équipe pluridisciplinaire (c'est à dire avec les médecins, infirmières, aides-soignantes, diététiciennes, ergothérapeutes...), dans le même but qui est de fournir des soins de qualité au patient et à son entourage. Christine parle du travail en binôme comme un travail à deux. Pour elle, la collaboration et le travail en binôme permettent l'apport de différentes connaissances, et pense que c'est une façon de progresser dans son savoir-faire. Néanmoins, Christine reconnaît que l'aide-soignante est plus proche du patient et pense que celle-ci détient certaines informations que ne possèdent pas les infirmières. Elle a toujours travaillé en collaboration et en binôme et pense que c'est indispensable afin de procurer des soins de qualité. Christine m'explique également que travailler en binôme permet la reconnaissance du travail de l'autre. 1-3-Constat en regard des entretiens exploratoires En regard des entretiens exploratoires réalisés j'ai pu constater l'importance du travail en binôme pour chacune des catégories professionnelles. En effet pour les quatre personnes interrogées, travailler en binôme est un moyen de mieux connaître le travail de l'autre. Le binôme permet la reconnaissance et la valorisation du travail de chacun. Il permet également une cohésion d'équipe dans la prise en soins et l'accompagnement des 17 patients. Chaque personne parle aussi de travail en collaboration et les infirmières font la différence avec le travail en binôme. Pour elles, la collaboration n'est pas obligatoirement travailler avec une autre personne. La collaboration permet l'échange d'information entre tous. Mais afin de reconnaître le travail de l'autre, il est déjà important de connaître les champs de compétences de chacun ainsi que ses limites. Le cadre de santé est présent auprès des équipes afin d'être garant du travail de tous et ainsi d'éviter les glissements de tâches. 1-4-Constat en regard des référentiels Dans le décret n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier 2, l'article 4 aborde la possibilité d'une collaboration entre l'infirmière et les personnes qu'elle encadre (aides soignantes, auxiliaires de puériculture ou aides médico-psychologiques) et dans les limites de la qualification reconnue à ces dernières du fait de leur formation. Cette collaboration se fait sous la responsabilité de l'infirmière et ne concerne que les champs de son rôle propre. De même, cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles infirmiers. En regard des ces constats, je me rends compte que le travail en binôme ainsi que la collaboration sont importants dans les services de soins. Ce sujet m'intéresse tout particulièrement car mon souhait est de retourner dans un service de soins et j'aimerais mettre en place un management adapté qui favorise le travail en binôme. De plus, je m'en suis rendue compte au cours de mes lectures et des entretiens exploratoires réalisés que le travail en binôme est différent du travail en collaboration. 2 www.legifrance.gouv.fr 18 De ma question de départ, la collaboration et le travail en binôme sont au cœur du travail entre l'infirmière et l'aide-soignante afin de mieux prendre en soins les patients. De ces faits, en découle ma problématique qui est la suivante : Quelle stratégie managériale le cadre de santé doit-il mettre en place pour favoriser le travail en binôme entre les différentes catégories professionnelles ? Suite à cette étape aboutissant à la formulation de ma problématique et à partir des premières lectures et des entretiens exploratoires réalisés, j'émets l'hypothèse suivante : Le travail en collaboration et en binôme entre les infirmières et les aides-soignantes devrait permettre une meilleure prise en soins des patients. 19 PARTIE 2 : CADRE CONTEXTUEL 20 PARTIE 2-CADRE CONTEXTUEL Pour débuter ce cadre contextuel et afin de comprendre au mieux les relations aides-soignantes/infirmières, il me paraît important de s'intéresser à l'histoire des professions. De plus, mon expérience et les entretiens exploratoires que j'ai menés me conduisent sur le rôle du cadre de santé dans cette relation de travail au sein d'une équipe soignante. 2-1-Historique des professions : 2-1-1-La profession d'aide soignante3 ➢ Législation La législation actuelle ne reconnaît pas à l'aide-soignante un exercice responsable et autonome. Selon l'arrêté du 22 octobre 2005 4 relatif à la formation conduisant au diplôme d'état d'aide-soignant modifié, le référentiel de formation dit que : « L'aide-soignant exerce son activité sous la responsabilité de l'infirmière, dans le cadre du rôle propre dévolu à celui-ci, conformément aux articles R.4311-3 à 4311-5 du code de la santé publique 5 ». La profession aide-soignante est née de l'impératif d’hygiène réclamée par l'institution hospitalière et de l'incapacité pour les patients à assumer leurs besoins élémentaires comme se laver, s'habiller et manger seuls. 3 www.aidesoignant.com 4 www.legifrance .gouv.fr 5 www.legifrance.gouv.fr 21 La création de cette nouvelle catégorie permet de protéger la profession d'infirmière et son diplôme créés en 1946. Il est précisé que l'aide-soignante se situe au sein d'une équipe, qu'il contribue à la prise en charge des personnes et qu'il participe aux soins dans le cadre du rôle propre de l'infirmière, en collaboration avec elle et sous sa responsabilité. On ne peut donc pas parler d'autonomie. C'est en janvier 1996, qu'apparaît le premier texte officiel sur la fonction aidesoignante.6 ➢ La formation aide-soignante Le référentiel relatif à la formation d'aide-soignante donne une définition où il est bien spécifique que l'activité exercée est sous la responsabilité de l'infirmière. Le référentiel identifie huit compétences qui doivent être acquises pour obtenir le diplôme d'état : « Chaque compétence est constituée d'un ensemble de savoirs faire et de connaissances mobilisées pour réaliser des activités et comporte un niveau d'exigence identifié ». Chaque compétence débute par une même phrase : « Dans le cadre du rôle propre de l'infirmier, en collaboration avec lui et sous sa responsabilité, être capable de ... ». On ne peut donc pas parler d'autonomie concernant le métier d'aide-soignante. 6 A.M.Arborio, Un personnel invisible-Les aides-soignantes à l'hôpital 22 2-1-2-La profession d'infirmière7 C'est en 1901 que la première définition de l'infirmière apparaît. En 1938, un décret formalise la création du diplôme d'état d'infirmier, et en 1946 apparaît une loi imposant l'obtention de ce diplôme d'état (DE) pour exercer cette profession. A partir des année 1970-1980, une évolution tend à instaurer une relation de collaboration en partenariat avec la médecine et les autres disciplines de la santé. En 1971, un texte stipule que l'aide soignant exerce sous l'autorité et la responsabilité de l'infirmière. C'est en 1978, que la collaboration naît officiellement avec la reconnaissance du rôle propre infirmier. Il existe un lien de subordination entre ces deux professions, et il n'existe pas de soins propres à l'aide soignant. Le nouveau référentiel de la formation d'infirmière a une compétence bien spécifique pour la collaboration : la compétence 9 (organiser et coordonner les interventions soignantes). Cette compétence est dite transverse, elle correspond à des activités de coordination et d’organisation des activités de soins. ➢ Législation L'article L.4311-3 du code de la santé publique 8 concernant l'exercice de la profession d'infirmière, détermine notamment les actes professionnels : « Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a compétence pour prendre des initiatives et accomplir les soins qu'il juge 7 Revue de l'infirmière, n°103, septembre 2004 8 www.legifrance.gouv.fr 23 nécessaire conformément aux dispositions des articles R.4311-5, R.4311-5-1 et R.4311-6. Il identifie les besoins de la personne , pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins , met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l'équipe soignante des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers ». A partir de ce référentiel on voit que l'infirmier possède un rôle propre avec une compétence spécifique qui dit qu'il a compétence pour prendre des initiatives. Il a un rôle de responsabilité dans la prise en charge du patient et a une certaine autonomie dans la démarche de soins en lien avec les personnes soignées. ➢ La formation infirmière Le nouveau référentiel relatif à la formation infirmière ne parle pas de travail en binôme mais de collaboration. Dans la compétence 9 dite transverse il est dit que l'étudiant doit connaître les différents partenaires de soins et des organisations qui prennent en compte la répartition des activités dans un travail en collaboration. 2-1-3-La profession de Cadre de Santé Selon le répertoire des métiers, la profession de cadre de santé 9 est définie comme suit : « Organiser l'activité paramédicale, animer l'équipe et coordonner les moyens d'un service de soins, médico-technique ou de rééducation, en veillant à l'efficacité et à la qualité des prestations ». 9 www.cadredesante.com 24 ➢ Législation Avant les ouvertures des écoles de cadres, les religieuses assuraient «l’encadrement ». Elles effectuaient essentiellement des fonctions d’intendance. Ce n’est qu’à partir du début du XX ème siècle, après la laïcisation des hôpitaux que les infirmières peuvent prétendre à un poste de surveillante. A l’initiative de la Croix Rouge Française, la première école de cadres infirmiers est fondée en 1951. Deux programmes sont proposés : un plutôt centré sur la gestion, l’autre sur la pédagogie. En 1995 les écoles de cadres infirmiers deviennent Institut de Formation des Cadres de Santé. La formation a pour objectif de préparer les étudiants cadres à différentes fonctions comme la gestion, le management, la formation et la pédagogie). ➢ Cadre législatif actuel10 Le métier de cadre de santé est régit par le décret n° 95-926 du 18 août 1995 portant création du diplôme de cadre de santé, version consolidée le 20 août 2008 par le décret n° 2008-806 publié au J.O. N°195 du 22 août 2008. La fonction est légiférée, récemment avec la loi HPST 11 (Hôpital Patient Santé Territoire) et la mission de Singly. Elle donne une place centrale au cadre avec le développement de la politique managériale des établissements hospitaliers avec la clarification de ses missions et l'insistance de la loi pour le travail en réseau. Le rôle du cadre devient alors complexe et se diversifie. Le cadre de santé a un rôle à jouer pour favoriser au sein des unités de soins les compétences des professionnels 10 www.legifrance.gouv.fr 11 www.sante.gouv.fr 25 ➢ Les missions du cadre de santé La mission du cadre de santé est complexe tant vis à vis de l'individualité de chaque membre de l'équipe que de l'environnement. « Le management participatif et celui de type coopératif peuvent aider à gérer la complexité des établissements de santé ».12 On peut définir le management participatif comme « permettant à l'équipe de s'impliquer collectivement. Il favorise l'autonomie, l'implication et l'adaptation ». Le management coopératif est lui définit comme « un partage de valeurs communes. Il entraîne confiance et entraide des collaborateurs et développe le sentiment d'appartenance ». Les principales missions du cadre de santé sont : ➢ Encadrer des équipes dans des unités fonctionnelles, services, pôles ou fédérations d’établissements. ➢ Remplir des missions communes à plusieurs services ou de chargé de projet au sein de l’établissement. ➢ Exercer des fonctions d’encadrement correspondant à leur qualification dans les instituts de formation et écoles relevant d’établissements publics de santé qui préparent aux différentes branches des professions infirmières, de rééducation et médico-techniques. La qualité du soin est le moteur de la mission du cadre de santé, avec en parallèle une logique d'efficience. Le cadre joue un rôle pour faire émerger au sein des unités de soins les compétences de chaque professionnel. 12 Soins Cadres, supplément au n°64, décembre 2007 26 ➢ Activités principales Le Cadre de Santé a pour principales activités : ➢ Le contrôle et le suivi de la qualité et de la sécurité des soins et activités paramédicales, dans son domaine. ➢ L'encadrement d'équipe(s), la gestion et le développement des personnels. ➢ L'organisation et le suivi de l'accueil (agents, stagiaires, nouveaux recrutés), ainsi que l'encadrement et l'accompagnement pédagogique. ➢ La planification des activités et des moyens, contrôle et reporting. ➢ Le contrôle des connaissances et des compétences des personnes formées. Le cadre de santé doit permettre la construction et l'encadrement des équipes ; celles-ci étant composées de personnes différentes, tant par la formation que par les valeurs et les trajectoires. 27 PARTIE 3 : CADRE CONCEPTUEL 28 PARTIE 3-CADRE CONCEPTUEL Mon travail de recherche sur le travail en binôme s'inscrit également dans le travail en équipe à l’hôpital. Il est donc important d'aborder plusieurs définitions et plusieurs concepts. 3-1-Le concept du travail en binôme Le travail en binôme peut se définir comme l'association de deux personnes ayant des compétences complémentaires dans le but d'atteindre un objectif commun (réanimation du centre hospitalier de Dreux) 13. La notion du travail en binôme apparaît dans la fonction soignante avec l’arrêté de 1994 relatif à la formation d'aide soignante. Selon le magasine « Soins cadres », n°107 de mai/juin 2014, le terme binôme est décrit « comme un ensemble constitué par deux personnes considérées en bloc, en duo, en tandem ». « Le binôme s'applique à la réalisation des tâches nécessitant la contribution simultanée de deux personnes exerçant des métiers différents ». Le binôme nécessite une organisation et une répartition des tâches négociées collectivement en toute confiance et connaissance des compétences et des limites de chacun. On peut noter que le principal bénéficiaire du travail en binôme est le patient, mais que cette méthode de travail n'est pas suffisamment appliquée. Lors de la réalisation de son mémoire de fin d'études, Olivier Guégan 14, IDE, s'est questionné sur la volonté de certains cadres à mettre en place cette organisation. Il pose le problème lié au manque d'effectifs, s'interroge sur le manque de motivation des professionnels concernés, les a priori et les problèmes d'affinités qui existent entre les personnes. 13 Soins Cadres n° 107 de mai/juin 2014 14 Soins Cadres n° 107 de mai/juin 2014 29 Selon le magasine « L'aide-soignante » de mars 2014, « travailler en binôme, c'est organiser un soin en collaboration avec un autre professionnel dont les compétences sont complémentaires. Le travail en binôme nécessite de la collaboration et de la coopération, mais également de l'organisation et de la planification ». Ainsi, le travail en binôme se définit comme l'association de deux personnes ayant des compétences complémentaires dans le but d'atteindre un objectif commun. La structure du binôme peut varier en fonction du statut du soignant mais aussi de ses qualités professionnelles et personnelles, de son expérience et de ses connaissances. Dans le milieu médical, le binôme le plus courant est le binôme infirmière/aide soignante ou aide-soignant/aide-soignante. Mais dès lors que l'association de compétences est bénéfique, le binôme se crée selon la particularité de la prise en charge. Une collaboration avec le médecin, le kinésithérapeute, l'éducateur spécialisé, la secrétaire médicale, etc. renforcera l'approche globale du patient. 3-1-1-Les avantages du travail en binôme15 Le travail en binôme permet à l'aide-soignante et à l'infirmière d'être au cœur du système d'information du service et elles doivent donc communiquer efficacement. Grâce à l'entraide, il renforce l'esprit d'équipe et permet de partager les connaissances de chacun et peut aider à l'amélioration des compétences. Il favorise une prise en charge rapide et efficace du patient et permet d'apporter des réponses en favorisant un discours unique, évitant la transmission d'informations erronées. De plus, le travail en binôme permet de responsabiliser l'aide-soignante en la faisant participer à des soins plus techniques ou à une prise en charge autre que des soins de nursing. L'aide-soignante peut dès lors, assister l'infirmière 15 Soins Cadres n° 107 de mai/juin 2014 30 lors des soins stériles, permettant à cette dernière de mieux respecter les règles d’asepsie. Enfin, il aide à diminuer la charge émotionnelle des soignants lors de situations difficiles. 3-1-2-Les limites du travail en binôme Le travail en binôme a certes des avantages, mais également des limites. La mise en place du travail en binôme demande une certaine organisation du service afin de rendre les membres de l'équipe disponibles au même moment pour coordonner les soins. Le manque d'effectif dans certains services, peut réduire le temps de travail en binôme et peut rendre les soins moins efficients. Également, il convient d'être attentif aux propos que l'on peut tenir en présence du patient. En effet, l'objectif n'est pas de discuter avec sa collègue au dépend de la relation soignant/soigné. A noter qu'une équipe de soins est par nature pluridisciplinaire. Chaque profession est réglementée dans son activité. Chaque professionnel doit donc respecter les limites de ses compétences et de son savoir. Dans la revue Soins Gérontologie n° 107 de mai/juin 2014, Anna Marie Bonnery parle de conditions de mise en œuvre du binôme qui sont les suivantes : ➢ D'évaluer les compétences des professionnels à une fréquence régulière. ➢ De proposer les formations spécifiques car le dispositif nécessite de bonnes connaissances des pathologies prises en charge. ➢ De veiller à planifier les binômes en toute équité et de faire valider par le cadre de santé. ➢ De coordonner les plannings, par exemple, le binôme peut être identifié par des « cavaliers » sur la planification murale. 31 ➢ De prévoir des temps de concertation : avant les soins et lors des transmissions ciblées. ➢ De travailler en interaction avec les autres partenaires de soins. Elle explique l'importance de passer par la reconnaissance des rôles et des tâches de chacun dans le respect des compétences individuelles, dans un climat de confiance mutuelle. Le travail en binôme infirmière/aide-soignante suppose donc une organisation différente des soins. Le cadre de santé, créateur de lien, en responsabilisant les différents acteurs, en leur apprenant à respecter les spécificités et le travail de chacun, à partager des données, des actions et des résultats, puis à les évaluer, fédère l'équipe autour de ce projet. La pratique du binôme comme mode de fonctionnement et comme atout en gérontologie nécessite de l'intégrer dans le quotidien en vue de renforcer la qualité et la continuité des soins. Le positionnement de l'aide-soignant au regard de ses compétences permet à l'infirmier de consacrer plus de temps à ses missions. Enfin le dispositif de travail en binôme est un excellent indicateur qualité participant à la certification et à l 'évaluation externe des structures. 3-2-Le concept de collaboration 3-2-1-Définition Voici tout d'abord quelques définitions qui permettrons de comprendre ce qu'est la collaboration. Ce mot est dérivé du latin collaborare au sens de « travailler en commun pour gagner des bénéfices ». 32 La définition proposée par D.D’Amour16 (1997) sur la collaboration interprofessionnelle est la suivante : « Fait d’un ensemble de relations et d’interactions qui permettent ou non à des professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances, leur expertise, leur expérience, leurs habiletés pour les mettre, de façon concomitante au service des clients et pour le plus grand bien des clients ». Elle consiste aussi en «la structuration d’une action collective à travers le partage de l’information et de la prise de décision dans les processus cliniques. Elle résulte d’un processus d’interaction entre les acteurs (…) ». Le mot « collaboration » trouve ses racines dans l'expression latine « cum-labor » : un même travail ensemble. Ce terme est retrouvé dans les textes professionnels régissant les professions infirmières et aides-soignantes. Existence du décret du 11 février 2002 relatif à la possibilité de collaboration entre l'infirmière et l'aide soignante. Pour le CEFIEC17 (Comité d'Entente des Formations Infirmières et Cadres), la collaboration infirmière/aide-soignante vise la mise en œuvre du projet de soins permettant la prise en charge globale de la personne soignée. L'infirmière est responsable de la conception, de la réalisation et de l'évaluation du projet de soins. L'aide-soignante participe à ce projet de soins par l'observation clinique, la réalisation des soins délégués par l'infirmière et les transmissions orales et écrites de ce qu'elle a réalisé. Cette finalité amène à un préalable : la collaboration infirmière/aide-soignante nécessite de reconnaître la place de chacun et de prendre en compte les différents points de vue. 16 Cours de Mr Revillot, IFCS, Février 2015 17 www.cefiec.fr 33 Le magasine Soins n°689 d'octobre 2004 fait une différence entre les termes collaboration et délégation. Dans un article d'Isabelle Génot-Pok 18, il est souligné qu'il existe des textes réglementaires qui déterminent précisément le mode relationnel de travail existant entre l'infirmier et l'aide-soignant. Au delà des textes professionnels, la sécurité et le professionnalisme dus au patient que l'on prend en charge doivent aussi dicter le comportement et l'application des règles professionnelles par l'ensemble de la communauté soignante. Dans le magasine Soins, la collaboration est définie par « travailler avec », et déléguer signifie « charger quelqu'un de faire à sa place, transmettre son pouvoir ». De plus, lorsque l'on lit attentivement les textes régissant la profession infirmière et aides-soignant, on ne retrouve aucune référence à la notion de délégation. La relation entre l'infirmier et l'aide-soignant ne s'analyse qu'au travers de la notion de collaboration, laquelle ne se met pas en œuvre dans n'importe quelle situation. Collaborer dans le domaine des soins c'est faire avec et sous la responsabilité de celui qui sollicite le professionnel dans le cadre de ses compétences. Dès lors, l'infirmier ne peut solliciter la collaboration de l'aide-soignante que dans le cadre de ses compétences, eu égard à la formation qu'il a reçue et en assurant son encadrement. Aussi il est clair que les conditions de la collaboration infirmier/aide-soignant sont strictement réglementées et limitées. D'une part il doit s'agir d'un acte relevant du rôle propre de l'infirmier et d'autre part, d'un acte pour lequel l'aide-soignant a reçu une formation. Ces deux conditions sont dites « cumulatives », c'est à dire que l'on ne peut pas les dissocier. Il n'appartient donc à personne de déroger à cette règle et il ne s'agit donc en aucune manière de délégation. La loi HPST19 ne parle pas de collaboration mais utilise le terme de coopération avec de multiples et diverses situations professionnelles complexes à gérer dans un contexte de restriction de personnel en regard des retours à l'équilibre que chaque hôpital essaie de réaliser. 18 Soins, n°689, octobre 2004 19 Loi Hôpital Patients Santé Territoire, n°2009-879 du 21 juillet 2009, Ministère de la santé 34 Cette loi envisage de nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé. « L'articulation des différentes interventions et compétences professionnelles autour du patient est un déterminant fondamental pour la qualité des soins... Les processus de coopération sont des processus dynamiques qui modifient le contenu même de la prise en charge des soins, c'est à dire la fonction de production des soins ». La coopération et la collaboration apparaissent donc dans le projet de soins des patients hospitalisés. Il me semble donc intéressant de traiter ce sujet. 3-2-2-La collaboration dans le projet de soins 20 On ne peut concevoir la collaboration s'il n'existe pas un outil, un moyen qui permette de rassembler les énergies, de pouvoir avancer dans un même sens, vers un but fixé et identique pour l'ensemble de l'équipe. Cet outil est le projet de soins. Il favorise une coopération d'équipe avec une logique d'interaction et de négociations. Cet outil va aider les acteurs à donner du sens à leur travail dans une vision plus globale de la prise en charge. Dans ce contexte où les informations sont écrites, échangées, utilisées, l'aidesoignante intervient en tant que collaborateur à tous les niveaux et participe au recueil complet d'informations permettant les décisions de soins en rapport avec le diagnostic infirmier. La collaboration est donc une relation à établir entre aide-soignant et infirmier, pour construire la démarche de soins du patient, en travaillant ensemble sur le terrain. Également, la collaboration est menée par l'infirmier et permet d'atteindre un but commun, en donnant du sens au travail effectué par chaque membre de l'équipe. 20 Soins Cadres n°49, février 2004 35 Françoise Acker21 identifie le travail en collaboration au travail de coopération. Elle explique que la coopération porte sur tous les aspects de la prise en charge du patient. Infirmières et aides-soignantes peuvent travailler séparément ou aller ensemble s'occuper d'un patient fatigué, douloureux, afin de ne pas multiplier les moments de mobilisation. La coopération porte sur l'engagement commun dans un accompagnement des patients, dans des discussions pour réajuster les projets qui s'y rattachent, pour dire les difficultés rencontrées dans l'établissement de relations, la gestion du refus de soins … et apprendre les uns des autres. Travailler ensemble dans une équipe qui s'entend bien et partage les mêmes objectifs et les mêmes façons de travailler, les mêmes valeurs, est le résultat d'un travail dans la durée. Il apparaît que le travail en binôme a sa place dans la collaboration en équipes de soins pluridisciplinaires. 3-2-3-La place du binôme dans la collaboration 22 Olivier Guégan pense que les méthodes basées sur le travail en binôme infirmier/aide-soignant amènent à une collaboration effective favorisant l'optimisation de la qualité de soins pour le malade. Par contre les méthodes basées sur une délégation « brute » du rôle propre infirmier aux aidessoignants amènent peu de retour d'informations concernant les soins effectués et les informations recueillies auprès du malade. Concernant les bénéfices de la collaboration dans un travail d'équipe, la revue « Soins Cadres » explique que les études sur la collaboration sont faibles en nombre mais démontrent que celle-ci est perçue comme un mode efficient d'organisation du travail. La collaboration est associée à une amélioration des soins aux personnes soignées, à une augmentation de la satisfaction au travail du personnel, à une réduction des coûts. Il y a donc des bénéfices majeurs pour les organisations qui soutiennent le travail en équipe. 21 Soins Cadres n°49, février 2004, « Travailler ensemble » 22 Soins Cadre n°49, février 2004 36 Dans ce mouvement continu, tous les soignants sont intégrés dans l'équipe soignante, travaillent les uns avec les autres, plutôt que les uns à coté des autres. C'est le paradigme de collaboration : ce positionnement est , en règle générale accepté sur le terrain, dans les faits. 3-2-4-Le rôle du cadre dans la collaboration23 Selon R.Pinet, la relation humaine avec le lien affectif qu'elle crée est au centre de la collaboration. Elle est interdépendante entre les partenaires de soins. Elle nécessite de l'altérité, du respect mutuel, de l'expression de chacun, une prise de parole, une décision commune, une écoute, de la confrontation, de l'ajustement mutuel et un partenariat où il n'y a plus de dominant/dominé. Le rôle du cadre est transversal dans la collaboration car il s'agit de créer, d'adapter une organisation qui permette une auto-régulation. Il travaille dans la rigueur et fixe les règles pour faciliter le travail en commun, sécuriser l'équipe et permettre de garder le cap sur l'objectif. Il est garant du maintien des valeurs communes qui animent l'équipe et l'institution par rapport à l'observation des comportements des soignants entre eux et dans leur approche des patients. Il garde un regard distant des situations et peut ainsi amener les professionnels à se questionner. Selon Françoise Acker « Le cadre a pour rôle de veiller à certains aspects, comme éviter les rejets ou les exclusions de certains, rassurer, favoriser les initiatives, les discussions, les échanges ». Le cadre doit être capable d'anticiper les besoins de ses collaborateurs afin d'assurer la fluidité et la temporalité du traitement et de la prise en charge des patients. Je choisis de définir le concept de compétence car celui-ci est nommé dans beaucoup d'autres concepts. 23 R.Pinet, Soins Cadres n°49, février 2004 37 3-3-Le concept de compétences Dans le concept du travail en binôme, le centre hospitalier de Dreux parle de compétences. Il me paraît donc important de définir ce terme. Pour G.Le Boterf24 une compétence est « un mixe de savoirs, savoir-faire et de savoir être qui sont directement utiles et mis en œuvre dans le contexte particulier d'une situation de travail ». La compétence est désignée à travers quatre orientations : individuelle, professionnelle, organisationnelle et sociale. Ainsi la compétence n'a de valeur et de réalité que par le regard qu'autrui porte sur elle. Pour se sentir compétent, il faut être reconnu. Une compétence représente la mise en œuvre de savoirs et de savoir-faire pour la réalisation d'une tâche. De même, G.Le Boterf définit le terme de compétences collectives : « La compétence des équipes ne peut se réduire à la somme des compétences individuelles qui les composent. Elle dépend largement de la qualité des interactions qui s'établissent entre les compétences des individus. Elle se forge dans l'expérience, l'épreuve du réel et l’entraînement collectif ». Selon Mr Vuillemenot25, la compétence collective s'organise autour des composantes suivantes : -une élaboration de représentations partagées -une collaboration efficace -une coopération efficiente entre les membres de l'équipe -un savoir apprendre collectivement de l'expérience. La compétence collective est donc essentiellement un problème de management de ressources humaines. 24 Construire des compétences individuelles et collectives, G.Le Boterf. 25 Mr VUILLEMENOT, Cours IFPS, septembre 2014 38 Pour Mr Vuillemenot, la gestion des compétences consiste à faire en sorte que les ressources humaines soient en permanence au niveau des besoins de l'entreprise afin répondre aux attentes actuelles ou prévisibles. Pour G.Le Boterf, dans le concept de compétences, l'employé doit « savoir quoi faire » et quand. Il doit procéder à des arbitrages. On attend de lui qu'il soit capable d'agir de façon efficace dans des situations où il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires. Être compétent, c'est agir avec autonomie, c'est à dire être capable d'auto réguler ses actions, de savoir compter sur ses propres ressources, mais également de rechercher des ressources complémentaires, d'être en mesure de transférer c'est à dire de réinvestir ses compétences dans des contextes distincts. C'est en effet en comprenant comment l'on s'y prend pour agir efficacement dans un contexte particulier que l'on se prépare à agir dans un contexte différent. Pour être reconnu compétent, il ne suffit plus seulement d'être capable d’exécuter le prescrit, mais d'aller au delà. La définition de la compétence requise et la nature des compétences qui peuvent effectivement être mises en œuvre, dépendent donc étroitement des situations et des organisations du travail. De ce point de vue, il n'existe donc pas une seule définition pertinente. La compétence d'un professionnel se reconnaît à sa capacité à gérer efficacement un ensemble de situations professionnelles. Une personne peut avoir acquis des connaissances et des capacités, elle ne pourra pas être reconnue comme compétente si elle ne sait pas les combiner et les mobiliser en situation de travail. De plus, elle sera reconnue comme compétente que si elle est capable non seulement de réussir une action, mais aussi de comprendre pourquoi et comment elle s'y prend pour agir. Ce n'est pas seulement être capable de faire ou d'agir, mais c'est aussi pouvoir analyser et expliquer sa façon de faire ou d'agir. 39 Chaque compétence comporte deux dimensions, l'une individuelle et l'autre collective, qui sont indissociables. Ainsi, pour agir avec compétence, un employé devra de plus en plus combiner et mobiliser ses propres ressources, mais également les ressources de son environnement. Selon lui, « une personne compétente est quelqu'un qui sait agir … »? 3-4-Le concept de l'équipe soignante 3-4-1-L'équipe Mon travail de recherche sur le travail en binôme s'inscrit principalement à l'hôpital. Ainsi le travail en binôme fait partie du travail en équipe. Tout d'abord, qu'est ce qu'une équipe, quel est son sens ? Selon le dictionnaire Larousse, « Une équipe est un groupe de personnes unies dans une tâche commune, solidaire, caractérisé par l'unité, la cohésion et l'esprit d'équipe. C'est un petit ensemble de personnes compétentes et complémentaires impliquées dans l'atteinte d'objectifs communs et dont ils se sentent responsables à la fois solidairement et individuellement ». Le dictionnaire Petit Robert rajoute ceci : « Esprit d'équipe animant une équipe dont les membres collaborent en parfait accord ». Voici la définition du professeur Lafon 26, praticien ayant beaucoup réfléchi sur le sujet des équipes : « Le mot équipe viendrait du vieux français esquif, qui désignait à l'origine une suite de chalands attachés les uns aux autres et tirés par des hommes (tels les bateliers de la Volga) ou des chevaux en attendant l'époque des remorqueurs. Est-ce l'image des bateliers tirant sur la même corde ou celle des bateaux attachés ensemble, ... toujours est-il qu'on a parlé un jour d'équipe 26 Les mécanismes des relations humaines dans le travail en équipe 40 de sportifs pour gagner un match. Il y a donc dans ce mot un lien, un but commun, une organisation, un double dynamisme venant aussi bien de la tête que de l'ensemble, une victoire à gagner ensemble ». Roger Mucchielli27 parle lui de 7 caractéristiques qui constituent une équipe : ➢ Le petit nombre : imposé par l'exigence d'efficacité. Le danger des grosses équipes en se complexifiant, devient paralysante. ➢ La qualité du lien interpersonnel : l'équipe est un réseau de liens vivants. Elle s’arrête là où l'équipier ne la suit plus, ne la perçoit plus, se reconnaît incapable d'y exercer une action. ➢ L'engagement personnel : il produit une participation d'une qualité spécifique (chaque membre de l'équipe y participe à part entière ce qui implique qu'aucun membre de l'équipe ne doit être considéré comme de seconde zone) ➢ Une unité particulière en découle ➢ Une intentionnalité commune vers un but collectif accepté et voulu : la coopération est une coresponsabilité. Pas d'équipe sans orientation de tous vers un but. ➢ Des contraintes en découlent pour les membres : « se mettre à plusieurs pour atteindre en commun un même objectif, c'est renoncer à un certain degré de liberté, c'est accepter une tactique commune, une coordination des efforts, une discipline ». ➢ Une organisation existe donc : la structure de l'équipe est variable selon le type d'action et le contexte de ses objectifs, ais une organisation des rôles est requise ainsi qu'une distribution du travail. Il faut garder à l'esprit qu'une équipe de travail est constituée de personnes qui ont des fonctions différentes et qui sont amenées à travailler ensemble sans l'avoir forcément choisi. 27 Le travail en équipe, Roger Mucchielli, éd esf 41 Ainsi, selon le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers, une équipe soignante est : « (...) un groupe composé des personnels soignants : infirmiers en soins généraux ou spécialisés, aides-soignants ou autres personnels auxiliaires de soins, étudiants infirmiers et élèves aide-soignants, sous la responsabilité du cadre de santé du service de soins. Ces professionnels œuvrent ensemble auprès d'un même groupe de patients et assurent ainsi la continuité des soins ». 3-4-2-L'équipe soignante Selon le dictionnaire des soins infirmiers et de la profession infirmière, l'équipe soignante est : « Un groupe de professionnels ayant des qualifications différentes dans le domaine de la santé et qui collaborent à la réalisation d'un projet de soins individualisé commun. Notes : il s'agit de l'ensemble des soignants, notamment les médecins, les personnels issus des filières infirmières, de rééducation et médico-technique ». Une équipe soignante est un groupe de personnes pouvant avoir des qualifications différentes et qui collabore pour réaliser un projet de soins commun. L’équipe soignante se compose de médecins, d’infirmiers, d’aidessoignants, diététiciens, etc. ... ayant la responsabilité de dispenser des soins à un groupe de malades, afin d’assurer le bon maintien de la vie. Voici une autre définition de l'équipe de soins donnée dans une conférence présentée le 21 novembre 2013 par P.Robert, Directrice des soins à Châlons en Champagne et P.Schneider, directrice des soins à Charleville Mézières28 : 28 Conférence ANFH du 21/11/2013 sur le thème « Comment travailler ensemble ? » 42 « Une équipe de soins est un ensemble de personnes ayant des identités différentes, avec un désir de collaborer au travail collectif. L'équipe de soins à une cause commune, une éthique et des valeurs partagées. Les membres de l'équipe de soins travaillent pour des individus qui sont des citoyens usagers, des patients et leur entourage ». Madeleine Estryn-Behar29 (cadre supérieur de santé), a écrit un article sur le travail en binôme en gériatrie et donne une définition de l'équipe soignante : « Une équipe n'est pas un simple côtoiement hiérarchique de personnes œuvrant dans différentes disciplines pour délivrer des soins aux patients. Une équipe soignante est le fruit d'un fonctionnement collectif et de travail effectué ensemble ». En gériatrie, le binôme est déterminé par l'état de santé ou d'autonomie de la personne âgée. Ainsi, il est souhaitable que les personnes nécessitant les soins les plus importants soient prises en soins par un binôme infirmière/aidesoignante. Ce binôme est attribué sur la planification murale de façon temporaire et est réactualisé lors des transmissions. L'analyse de la pratique lors des réunions spécifiques, en interaction avec les membres de l'équipe pluridisciplinaire, renforce le partage et la complémentarité des interventions de soins. Outre les transmissions orales ou écrites relatives à l'état des personnes, des réunions abordent le projet de soins individualisé et le projet de vie de chaque patient dans une démarche dynamique. Ainsi, l'occasion est offerte de pouvoir construire des compétences collectives. 29 Soins gérontologie n°7 de mai/juin 2014 43 3-4-3-Le travail d'équipe et l'esprit d'équipe « Quel travail pour quelle équipe ? » « Une équipe ça se construit, l'esprit d'équipe ça se cultive ». « Savoir travailler en équipe n'est pas inné. C'est une compétence qui se travaille car l'efficacité collective n'est pas seulement affaire de cohésion et d'organisation. Elle s'appuie sur des principes, des règles, une dynamique qui doivent être maîtrisés pour conduire à la réussite de l'équipe sur le terrain ». (R.Mucchielli, Le travail d'équipe) Bernard De Paepe, cadre supérieur de santé 30, parle d'évolution de notion d'équipe vers l'équipe pluridisciplinaire. Il explique que faire travailler ensemble des professionnels différents demande du temps, de la stratégie, de l'écoute et des connaissances sur les spécificités de chacun. Il faut avoir pour objectif de rassembler des compétences, de fédérer des intérêts parfois individuels pour arriver à les recentrer sur des objectifs ou des projets communs. Cela suppose d'avoir une vision très générale des soins, du service et de ce qui peut l'améliorer, en tenant compte des particularités de chacun,de leurs aspirations et valeurs, le cadre devenant le « référent » de l'équipe. Dans tous les cas, il est impossible de travailler avec une équipe pluridisciplinaire si les règles de base ne sont pas identiques pour tous. Également, le processus de construction d'une équipe doit être effectué sur des bases solides. En effet, il est important de réaliser un véritable travail en collaboration, d'établir un mode de relation basé sur la confiance et le respect pour favorise un échange de professionnels venus d'horizons différents. 30 Soins Cadres n°49, février 2004 44 Dans son livre, Roger Mucchinelli dit : « L'équipe, comme tout groupe de coopération, a fatalement ses problèmes humains. Ils ne sont dépassés que par et dans la cohésion d'équipe ». L'esprit d'équipe est une mentalité caractéristique d'un groupe de travail ou de sport, solidaire et orienté vers l'efficacité ; cette mentalité consiste pour chaque coéquipier à s'identifier à l'équipe, à sacrifier son jeu personnel ou ses intérêts égocentrique au succès de l'équipe, à adopter des attitudes d'entraide et de dévouement au groupe. De ce fait, l'esprit d'équipe est, en chaque coéquipier, un centre de diffusion de valeurs, une exigence morale de loyauté et d'abnégation. Elle est le sentiment de faire corps avec un groupe de personnes, ayant un intérêt pour l'objectif partagé, et une implication dans la réussite collective plutôt que dans la réussite individuelle. L'esprit d'équipe est la qualité nécessaire pour qu'une équipe de travail progresse et soit efficace. De plus, l'esprit d'équipe se gagne difficilement, mais se perd très facilement si la confiance et la fiabilité d'un seul de ses membres n'est plus là. 31 L'équipe et le travail d'équipe se trouvent aujourd'hui valorisés. La volonté de groupe, la participation, la décision collégiale, sont des valeurs qu'il devient inconvenant de discuter. En multipliant les équipes, on multiplie la formation à la dynamique de groupe, les groupes de travail, les réunions de commissions et comités. 3-4-4-Le rôle du cadre dans le travail d'équipe Le cadre de santé est un être humain avec ses qualités et ses faiblesses. Il est une personne ressource, doit savoir s'adapter à chaque situation, donner du sens au travail et valoriser l'équipe soignante et son travail. 31 Esprit d'équipe = www.psycho-travail.com 45 Dans l'article intitulé « Encadrement et travail d'équipe pluridisciplinaire »32, Bernard De Paepe, parle du rôle du cadre qui consiste surtout à être aidant, même si la notion de contrôle existe. Ainsi, le management d'équipe pluridisciplinaire repose sur quelques règles : ➢ Utiliser des leviers permettant d'asseoir les bases de ce travail. ➢ Faire accepter des repères institutionnels identiques pour tous. ➢ Être crédible. Ce n'est pas possible de manager une équipe sans crédibilité ni visibilité. ➢ « Faire autorité », c'est à dire faire en sorte que chacun soit reconnu comme compétent dans le domaine qu'il exerce. ➢ Savoir se positionner sans entrer dans le conflit. ➢ Savoir écouter, reformuler, prendre en compte les aspirations, les valeurs de chacun et s'engager dans une démarche participative. ➢ Reconnaître les similitudes et les différences des différents membres de l'équipe, connaître la spécificité des exercices et les textes auxquels ils sont soumis. Le travail en pluridisciplinarité s'impose de plus en plus, dans l'intérêt du patient. Il est délimité par l'identité professionnelle de chacun. Dans l'équipe, le cadre est en fait, un facilitateur qui peut « aider à ... » en cas de besoin de moyens matériels par exemple, ou répondre à des questions plus administratives, ou encore mettre en relation ou bien orienter chaque membre. Le rôle du manager est de motiver l'équipe, c'est à dire qu'il doit être à son écoute, savoir donner du sens, expliquer, entretenir la motivation, permettre à l'équipe de s'exprimer. Pourquoi ce rôle ? Afin d'éviter les risques de souffrance de chaque membre de l'équipe. 32 Soins Cadres n°49, février 2004 46 Comment la motiver ? En travaillant ensemble sur des valeurs pour retrouver le sens du soin. Les valeurs étant la bienveillance, et reconnaître la personne soignée comme un homme. 47 PARTIE 4 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE L'ENQUETE 48 PARTIE 4-DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE L'ENQUÊTE L'objectif de ce mémoire est de mieux cerner une problématique à laquelle je serai confrontée dans mon quotidien professionnel en tant que cadre de santé. Le but de ma recherche est de comprendre comment s'instaure un travail en binôme infirmier/aide-soignant dans une équipe de soins. A ce stade, je vais sur le terrain, dans différents services de soins afin de recueillir des témoignages de professionnels. Cette étape est inhérente à ma réflexion et me permettra de me questionner afin d'avoir un autre regard sur ma pratique professionnelle. 4-1-Choix de la méthodologie et de l'outil L'Institut de Formation des Cadres de Santé du CHRU de Besançon nous demande d'employer la méthodologie de l'enquête qualitative basée sur la réalisation d'entretiens semi-directifs. Cette méthode interactive permet aux personnes interrogées de s'exprimer librement à partir de questions ouvertes et de questions de relance qui servent à se recentrer sur les thèmes de recherche du mémoire. Il s'agit pour moi de collecter des faits vécus, et de comprendre « le pourquoi et les raisons » des pratiques utilisées. Il est garanti à chaque personne interviewée l'anonymat des échanges. Les canevas d'entretiens (annexes 1 et 2 pages 99 et 100) ont été réalisés en concertation avec ma directrice de mémoire et ont été adaptés à chaque catégorie de professionnels. Dans le soucis d'un croisement des données pour mon analyse, les questions adressées aux cadres de santé, aux infirmiers et aux aides-soignantes sont proches et formulées de façon adaptée. 49 4-2-Choix de la population et de l'établissement Le choix de la population ainsi que des établissements s'est fait de manière réfléchie. J'ai ciblé plusieurs catégories de professionnels dans le but de diversifier et d'enrichir les données. De même, il m'a semblé important de choisir des professionnels issus de milieux de soins différents les uns des autres car tous n'ont pas le même ressenti et le même niveau d'analyse. L'échantillon a été limité à 9 personnes, réparties de manière égale entre les aides-soignantes, les infirmières et les cadres de santé. J'ai choisi d'interviewer une aide-soignante, une infirmière, et un cadre de santé issus de la même équipe. Ma préoccupation concernant ces personnes est de savoir s'ils ont la même notion, dans leur équipe, du travail en binôme et de la collaboration. Il me semble intéressant d'avoir des avis différents sur un même service. Les personnes interrogées ont été choisies au hasard. Elles ont été contactées par téléphone après avoir obtenu l'autorisation des directeurs d'établissements. Toutes les personnes sont volontaires et ont été interviewées sur leur lieu de travail. Afin de respecter la confidentialité et de faciliter la rédaction, j'ai choisi d'identifier chaque personne interrogée par les abréviations suivantes : • Aides-soignants : AS1, AS2, AS3 • Infirmières : IDE1, IDE2, IDE3 • Cadres de santé : CDS1, CDS2, CDS3 La numérotation correspond à la chronologie des entretiens effectués, menés dans les services 1, 2, et 3. Lors de l'entretien réalisé en EHPAD, je me suis rendue compte que l'aidesoignante interrogée était une ASHQ c'est à dire un Agent de Service Hospitalier Qualifié. Cette ASHQ a la même fonction que l'aide-soignante et fait partie du même planning. 50 J'ai ciblé 3 établissements de santé différents quant à leur activité, c'est à dire un centre de rééducation, un EHPAD et un hôpital psychiatrique. Ce choix s'est fait en fonction de mon expérience professionnelle qui s'est principalement déroulé dans des services techniques. Je ne donnerai pas d'autres informations concernant les établissements afin d'en garder l'anonymat. 4-3-Modalités des entretiens Les 9 entretiens se sont déroulés entre le 18 et le 27 mars. Les enquêtes ont été effectuées sur le lieu de travail de chaque professionnel et pendant leur poste de travail. Leur durée a varié entre 30 minutes et 45 minutes dans le bureau du cadre de l'unité. Les personnes interrogées se sont rendues disponibles, cependant il y a eu des interruptions téléphoniques avec certaines personnes, notamment avec les cadres de santé. Les entretiens se sont déroulés en face à face et j'ai enregistré les conversations grâce à un dictaphone. Aucun des professionnels n'avait eu la trame de l'entretien en amont du rendezvous. Tous ont semblé à l'aise face aux questions posées et intéressé par le sujet abordé. 4-4-Les points forts et les limites de l'enquête Les personnes interrogées ont pu s'exprimer librement et m'ont semblées sincères dans leurs réponses. Concernant les limites de l'enquête, la première fut celle d'obtenir les autorisations d'entretiens par les différents directeurs d'établissement. Toutes ont été obtenues assez tard et de ce fait je n'ai pu commencé les interviews qu'à partir de mi-mars. 51 D'autre part, j'ai pu observé des limites personnelles liées à mon inexpérience. Par exemple, certaines questions de relance ou de reformulation ont parfois coupé la parole à la personne interrogée. La difficulté est de savoir les poser à temps et d'éviter d'orienter les réponses en donnant son opinion. Les entretiens ont été perfectionnés au fur et à mesure de leur déroulement. 52 PARTIE 5 : ANALYSE DES ENTRETIENS 53 PARTIE 5-ANALYSE DES ENTRETIENS Après avoir retranscrit chaque entretien dans son intégralité, j'étudie minutieusement les informations recueillies auprès des professionnels afin d'analyser leurs discours. Ma réflexion sera appuyée sur mes lectures ainsi que sur les témoignages recueillis lors des interviews. Dans un premier temps, je présente sous forme de tableau les déterminants sociaux. Je leur affecte une numérotation afin de préserver l'anonymat de chacun. Cette numérotation est établie en fonction des dates des entretiens : 3 Aides-soignants : soit AS1, AS2, AS3 3 infirmières : soit IDE1, IDE2, IDE3 3 cadres de santé : soit CDS1, CDS2, CDS3 Dans un deuxième temps je présente mon analyse à travers les différents thèmes retenus qui sont : le binôme, la collaboration, l'équipe de soins, la communication et la reconnaissance. 5-1-Profil des personnes interrogées Les 3 tableaux ci-dessous résument les déterminants sociaux recueillis selon leur fonction. Le tableau n° 1 représente les déterminants concernant les aides-soignants (AS1, AS2, AS3), le n° 2 les infirmières (IDE1, IDE2, IDE3) et le n° 3 les cadres de santé (CDS1, CDS2, CDS3). 54 Tableau n°1 : AS1 AS2 AS3 Age 55 ans 38 ans 30 ans Sexe F F F Unité de soins Centre de rééducation fonctionnelle Géronto psychiatrie EHPAD Diplômes CAP, École d'aide soignante BEP, École AS BEP sanitaire et social Ancienneté dans la fonction 3 ans 10 ans 4 ans et demi Ancienneté dans le service 1 an 3 ans 4 ans et demi Cursus CRF Psychiatrie Aide à domicile, EHPAD IDE1 IDE2 IDE3 Age 54 28 50 Sexe F F F Unité de soins Centre de rééducation fonctionnelle Gérontopsychiatrie EHPAD Diplômes CAP + BEP secrétariat + Diplôme AS + Diplôme d'état infirmier Bac + diplôme d'état infirmier Bac + diplôme d'état infirmier Ancienneté dans la fonction 32 ans 6 ans 25 ans 6 ans 15 ans Tableau n°2 : Ancienneté dans le service 6 ans Cursus PolyGéronto traumatisés, psychiatrie neurologie, trauma tisés crâniens Bloc opératoire, EHPAD 55 Tableau n°3 : Age CDS1 CDS2 CDS3 51 ans 46 ans 46 ans Sexe F M M Unité de soins Gérontopsychiatrie Diplômes Bac + Bac + DUT + Diplôme de diplôme d'état cadre de santé infirmier Licence de l'éducation + Diplôme de cadre de santé Bac + 4 → DUT santé au travail + Licence des métiers de la santé + Master 1 en management Ancienneté dans la fonction 3 ans 10 ans 1 an Ancienneté dans le service 1 an 8 mois 1 an Cursus Infirmier dans la marine nationale, cadre formateur pour les forces armées, formateur croix rouge, EHPAD Cardiologie, chirurgie ambulatoire, gastro-entérologie, EHPAD, SSR Gérontopsychiatrie EHPAD Centre rééducation fonctionnelle de 5-2-Analyse des déterminants sociaux La population interrogée est diversifiée de part son âge, son sexe, ou son expérience professionnelle. Sur neuf personnes, sept sont des femmes et deux sont des hommes (deux cadres sur trois). La tranche d'âge de l'ensemble des personnes interrogées se situe entre 28 et 55 ans. Les 3 cadres de santé sont en place depuis 1 an ou moins dans le service dans lequel ils occupent cette fonction. CD1 et CD3 sont diplômés depuis 1 an. 56 L'ancienneté des aides-soignantes dans leur service varie de 1 à 4 ans et demi, les infirmières entre 6 et 15 ans. Concernant les cadres de santé, 1 sur 3 a fait toute sa carrière dans le même établissement (CDS1), les 2 autres ayant un cursus très diversifié, notamment entre les secteurs privé et public (CDS2 et CDS3). A propos des infirmières, seule l'IDE2 a changé d'établissement de santé durant sa carrière et ceci pour un rapprochement de domicile. De même, pour les aides-soignantes, malgré le fait qu'elles aient changé de service, toutes les 3 ont travaillé dans le même établissement depuis le début de leur carrière. Cette première analyse concernant les déterminants sociaux me permet d'observer que les aides-soignantes ainsi que les infirmières ont une certaine stabilité et fidélité concernant leur institution respective. En effet, ces 6 personnes ont fait toute leur carrière au sein du même établissement. 5-3-Analyse des discours Mon objectif par rapport aux entretiens était de corroborer les discours entre la pratique et la théorie concernant le travail en binôme. Je précise à ce stade que le canevas d'entretien des infirmières et aides-soignantes est différent de celui des cadres de santé. C'est pour cela que certaines réponses diffèrent. Rappel de mon hypothèse de départ : Le travail en collaboration et en binôme entre les infirmières et les aides-soignantes devrait permettre une meilleure prise en soins des patients. 57 5-3-1-Travail en binôme et/ou en collaboration ? Au regard des neuf entretiens réalisés, il est important de faire ressortir certains points : De plus en plus, la sectorisation dans les unités de soins amène les soignants à travailler en binôme. Cette pratique est normale puisque les professionnels sont censés collaborer dans le cadre du rôle propre infirmier. Une de mes questions est de savoir si les professionnels interrogés font une différence entre la collaboration et le travail en binôme. De même, je souhaite connaître les bénéfices que cette méthode de travail apporte aux agents. ➢ La collaboration La collaboration est le premier thème que je souhaite traiter. Elle est un mode de pensée qui permet de travailler en équipe et de donner du sens aux soins réalisés pour le patient. D.D'amour définit la collaboration ainsi : « Fait d’un ensemble de relations et d’interactions qui permettent ou non à des professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances, leur expertise, leur expérience, leurs habiletés pour les mettre, de façon concomitante au service des clients et pour le plus grand bien des clients ». La première question : « Pouvez vous me donner une définition du travail en collaboration » ? a pour objectif de connaître les notions de collaboration des agents au sein d'une équipe soignante. Les professionnels interrogés ont une réponse assez juste sur la définition. 58 Au regard des réponses données, je retrouve un sens commun qui est en lien avec mon concept : la collaboration est un travail d'équipe. Pour les neuf personnes interviewées, la collaboration représente un ensemble de personnes qui a des fonctions, des rôles et des compétences différentes. Mais elles disent travailler ensemble. AS1 : « Collaborer ? C'est travailler ensemble ». AS2 : « Collaborer … et bin c'est travailler, euh … c'est travailler en équipe ». IDE1 : « Collaborer, c'est travailler ensemble, partager ensemble, prendre en charge les patients ensemble ». IDE1 introduit dans sa définition de la collaboration la notion de communication. C'est aussi un travail en commun, un échange de compétences et d'informations au profit du patient. CDS2 : « Alors le travail en collaboration, c'est pour moi un travail d'équipe d'abord. On collabore entre nous pour le bien du résident ». CDS3 : « Alors le travail en collaboration, c'est des échanges faits entre les différents professionnels qui sont dans le service, voilà, avec l'ensemble de l'équipe inter-disciplinaire ». La collaboration est un travail commun dans un contexte de pluridisciplinarité. Les cadres de santé mettent en évidence une relation entre la collaboration et le travail en équipe. Pour eux, il s'agit de complémentarité et de pluridisciplinarité. Le but de la collaboration est de mettre en œuvre un projet de soins permettant une prise en charge globale du patient. 59 Cependant les 3 infirmières mentionnent le fait que chacun doit rester dans ses fonctions et évoquent le contrôle. Font elles allusion aux dépassements de tâches ? : IDE1 : « ...prendre en charge les patients ensembles tout en gardant, euh, chacun sa fonction et ses limites ». IDE3 : « On devrait évoluer (vers la collaboration) dans le sens où on aurait le temps un petit peu de faire IDE/AS, c'est mieux, pour un contrôle plus continu sur les soins ». IDE3 suppose que la collaboration IDE/AS ne se fait pas suffisamment dans le service où elle exerce. Les binômes sont souvent constitués soit de deux infirmières soit de deux aides-soignantes. Il y a une notion de délégation du rôle propre de l'infirmière envers ses collègues aides-soignantes. Pour elle, il s'agit de contrôler le travail fait par ses collègues. Peut-on dire ici qu’apparaît la notion de confiance ? Il est important que tous les soignants reconnaissent les compétences de chacun et qu'une relation de confiance s'installe. La confiance mutuelle dépend des compétences, des aptitudes et des connaissances de chacun. Dans mes entretiens, je perçois que certaines infirmières n'accordent pas la même confiance à toutes les personnes qui font partie de l'équipe. C'est en cela qu'elles ont besoin de contrôler le travail de leurs collègues aides-soignantes et qu'elles souhaitent travailler en binôme. La notion de collaboration donnée par le CEFIEC qui est : « La collaboration infirmière/aide-soignante nécessite de reconnaître la place de chacun et de prendre en compte les différents points de vue », est donc décrite comme un travail en commun, où chacun exerce ses fonctions avec ses compétences et où un échange permanent d'informations existe. La collaboration est une évidence dans une bonne prise en charge des patients. Néanmoins elle dépend de la confiance que les agents peuvent avoir 60 entre eux. De même, la collaboration est un travail d'équipe et de complémentarité dans lequel s'investissent souvent deux corps de métier différents, afin de donner du sens au travail. Les personnes interrogées ont conscience de l'importance de ce travail en collaboration et souhaitent le faire principalement pour le patient. La collaboration entre les différents membres de l'équipe suppose un travail en commun ainsi que la reconnaissance du travail de chacun. Le but commun doit être l'efficience de la prise en charge globale du patient. Je me réfère ici au discours de Olivier Guégan qui pense que « les méthodes basées sur le travail en binôme infirmier/aide-soignant amènent à une collaboration effective favorisant l'optimisation de la qualité des soins pour le malade ». ➢ Le binôme Concernant la définition du binôme, la ou les questions posées n'étaient pas adaptées au regard des réponses attendues car je n'ai pas obtenu de réponses claires sur la définition. Les professionnels interrogés ont eu des difficultés à me répondre. Ils sont capables de me donner la définition de la collaboration mais cela devient « flou » en ce qui concerne celle du travail en binôme. Le texte de référence est l'article R4311-4 du code de la santé publique qui rappelle que le travail en binôme induit l'association de deux personnes pour réaliser une tâche commune : « Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico psychologiques qu'il encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation (…). 61 La collaboration et le binôme sont liés et parfois je ressens une hésitation entre les deux définitions. Voici les réponses reprises qui correspondent à la question : « Voyez vous une différence entre le travail en binôme et le travail en collaboration » ? IDE2 répond : « Euh, ben non c'est la même chose. Quand on travaille en binôme je pense qu'on travaille en collaboration ». CDS2 : « Travailler en binôme, pour moi, c'est plus une unité fonctionnelle. C'est deux personnes qui vont travailler, c'est deux personnes qui peuvent être de formation différente, mais c'est également deux personnes qui peuvent être de la même formation ». Dans ces deux cas, le travail en binôme est assimilé au travail en collaboration. Il n’apparaît pas ici la notion du travail en équipe. Néanmoins le binôme permet l'interaction entre les agents et est source d'échanges. De plus les compétences de l'infirmière et de l'aide-soignante sont complémentaires et permettent plus d'efficacité. AS1 : « Le travail en binôme c'est travailler avec un ou une collègue, quel qu'il soit, voilà … faire équipe, enfin, un duo à un moment précis, aller dans le même sens pour que le patient soit bien ». AS1 imagine le binôme infirmier/aide-soignant sur une journée de travail, et plus précisément sur des moments concis. Le binôme existe pour le bien être du patient. AS2 précise que travailler en binôme, c'est un moment qui se passe sur une journée de travail. C'est avec sa collègue pour la journée. Elle évoque la sectorisation. AS2 : « … travailler en binôme c'est pour la journée qu'on va avoir, qui va se passer. (…) Le binôme c'est à deux, c'est notre collègue du jour avec qui 62 on va vivre la journée ». AS3 : « Ben c'est travailler à deux, déjà. Et euh, c'est être sur la même longueur d'ondes, et euh, faire tout à deux et se compléter ». Effectivement, les compétences des infirmières et des aides-soignantes sont complémentaires et permettent plus d'efficacité. AS3 fait cependant la remarque que le travail en binôme est possible en semaine mais moins le week-end à cause du personnel restreint. Les soins de nursing se font à un seul agent ou à deux si possible quand les soins sont « plus lourds ». Dans ce cas apparaît la notion d'effectif dans les unités de soins. Selon AS3 le travail en binôme n'est possible que si le nombre de personnel le permet. En EHPAD comme dans beaucoup de services, le personnel est restreint les weeks-ends et jours fériés ce qui ne permet pas aux agents de travailler à deux. Concernant les infirmières, leur définition du travail en binôme diffère de celle des aides-soignantes. IDE1 : « Alors le travail en binôme ça doit être bien défini. C'est à dire que ça doit exister. On sait que l'infirmière, l'aide-soignante font ça ensemble ». IDE2 et IDE3 quant à elles ne font aucune différence entre les deux termes. En ce qui concerne les cadres, CDS1 et CD3 établissent une différence entre les deux termes. Cependant ils comprennent le terme mais n'arrivent pas à le définir clairement. CDS1 : « C'est 2 personnes qui vont travailler, c'est 2 personnes qui peuvent être de formation différentes, mais c'est également 2 personnes qui peuvent être de la même formation ». 63 CDS3 : « Le travail en binôme, maintenant, il y a de la collaboration mais il implique deux intervenants de compétences différentes, mais qui se complètent. Euh, dans le sens toujours d'une meilleure prise en soins du patient et cela implique toujours une certaine collaboration ». CDS3 parle de collaboration entre deux intervenants de compétences différentes, c'est à dire une aide-soignante et une infirmière. CDS1 n'arrive pas à donner deux définitions distinctes et préfère donner des exemples. Elle évoque le fait que l'organisation du service ne soit pas propice au travail en binôme car il n'y a pas de sectorisation et tout est « décousu », que ce soit les horaires de travail ou encore le travail en lui même. CDS1 : « Euh, bon, alors, la collaboration, euh, euh, oui en faisant la distinction avec le binôme, euh, collaborer ensemble, je sais pas, je vais vous dire, je vais prendre des exemples ». Selon L.Dumais-Picard33, « Le travail en binôme s'inscrit effectivement dans une logique de travail d'équipe dont le faible nombre de ses membres peut favoriser la production de travail et la communication ... ». Il existe plusieurs catégories de binômes qui sont soit formels, informels ou encore fonctionnels. Suivant les entretiens réalisés, je me rends compte que dans le service de psychiatrie les binômes formés sont informels. En effet, le manque de sectorisation entraîne les soignants à faire des binômes spontanément, au fil du temps et des interactions avec les membres, mais rien n'est défini réellement. Concernant le service de réadaptation fonctionnelle ainsi que dans l' EHPAD, la sectorisation existe depuis plusieurs années. De ce fait le binôme est établit soit de façon formelle, c'est à dire que les agents exécutent des 33 L.Dumais-Picard, le concept de binôme, source internet 64 tâches avec des objectifs établis et les valeurs de rendement et le rôle des membres est déterminé par la cadre de santé et validé par le cadre de pôle. Soit de façon fonctionnelle, c'est à dire qu'ils sont structurés par le cadre d'unité en fonction de l'organisation des tâches et des responsabilités. Cependant en EHPAD le binôme est souvent constitué par deux aides-soignantes ou une aide-soignante avec une ASHQ (Agent de Service Hospitalier Qualifié). L'infirmière peut intégrer le binôme lorsqu'il y a des soins techniques. CDS2 : « Alors, elles travaillent en binôme, en secteur. C'est sectorisé, je suis sur deux étages donc il y a deux soignants sur chaque secteur … . Cette organisation était existante, peut être pas assez efficiente, alors on continue encore à travailler, pour améliorer quand même l'organisation ». L'organisation du service est faite sous forme de sectorisation. Il existe deux secteurs avec dans chacun d'eux, des infirmières et des aides-soignantes. CDS3 : « Au sein de l'équipe, quand le travail est organisé, il il est quand même en binôme. Cette organisation était déjà présente au niveau du service et je souhaite la maintenir ». Pour ces deux unités, il existe des binômes formels, les infirmières et les aides-soignantes réalisant les soins de nursing ensemble. Quand le binôme est instauré de façon formelle, l'équipe paraît mieux organisée et plus sereine. La prise en soins des patients est ainsi optimisée. Je remarque cependant qu'à l'EHPAD, les infirmières préfèrent travailler entre elles. Elles prétextent le fait de ne pas avoir suffisamment de temps pour les soins de nursing. A noter que le premier bénéfice recherché du travail en binôme (comme pour la collaboration) est le bien être du patient. C'est le premier avantage avancé par les aides-soignantes. 65 AS1 : « Pour les prises en charges difficiles où le patient est douloureux, c'est mieux d'être à deux. Pour le respect du patient, pour éviter de lui faire mal ... ». ➢ Par qui est constitué le binôme ? L'évidence est que chaque professionnel interrogé ne voit pas le binôme constitué par les mêmes personnes. A la question : « Pour vous, qui constitue le binôme ? », les réponses obtenues diffèrent. Les aides-soignantes voient le binôme AS/IDE le plus souvent. Pour elles, cela dépend de la prise en charge de la personne. AS1 : « Pour moi, qui constitue le binôme ? Ben ça peut être une collègue aidesoignante, ça peut être une collègue infirmière. Ça dépend de la prise en charge … ». AS2 : « Ça peut être avec les ASH (...), ça va être avec l'autre infirmière et avec notre collègue aide-soignante, voilà ». Pour AS1 et AS2 les binômes aide-soignant/infirmier se constituent lorsqu'un soin de nursing est suivi d'un soin technique. AS3 : « C'est deux aides-soignantes, ou ASH. Et en plus il y a les infirmières. « Toutes les formes de binômes sont possibles, tant qu'on s'entend, tant que ça fonctionne ». Ainsi AS3 prend en compte l'autonomie du patient, sa dépendance et le nettoyage de la chambre. Le binôme est réalisé en fonction de l'organisation et de la charge de travail. Comme CDS1 elle prend en compte le médecin dans le travail en binôme et évoque donc la notion d'équipe. Les aides-soignantes ainsi que IDE2 ont un intérêt pour le binôme constitué de la manière suivante : IDE/AS. 66 Dans l'ensemble, pour les aides-soignantes, le travail en binôme est source d'échanges. Les compétences sont complémentaires et permettent plus d'efficacité. IDE2 est investie dans tous les soins, qu'ils soient de nursing ou bien techniques. L'entraide et la communication avec ses collègues sont importantes pour cette soignante. De plus, elle prend en compte le patient dans sa globalité. IDE2 : « … je pense que si on travaille trop les infirmières ensembles et trop les aides-soignantes ensembles, y a quelque chose du travail d'équipe qu'on n'a pas tout compris ». IDE3 préfère le binôme infirmier ou celui aide-soignant, mais font bien une distinction entre les deux. IDE3 : « Euh, les infirmières ensembles et aides-soignantes ensembles. Voilà, parce qu'on ne fait plus les toilettes, on a guère le temps. C'est les infirmières, moi je parle en infirmières, deux infirmières ». IDE3 a une conception du soin différente de ses collègues : le soin technique pour l'infirmière et les soins de nursing pour les aides-soignantes. IDE1 est ambivalente. Elle préfère travailler avec une collègue infirmière, mais pense en même temps que travailler avec une aide-soignante est bien : IDE1 : « On travaille pas beaucoup avec les aides-soignantes, donc si on travaille en binôme c'est avec une collègue infirmière ». Je me rends compte que le binôme peut varier en fonction de sa structure ou de sa spécificité. Il peut être homogène et ainsi favoriser la communication et la coopération ou bien être hétérogène et favoriser les interactions. De même le binôme est formé selon la charge de travail. Je reviens ici sur la notion des soins de nursing et des soins techniques. En effet suivant la charge de travail, l'infirmière viendra ou non travailler avec l'aide-soignante. 67 Pour ces deux infirmières, quelle peut être la notion d'équipe ? Infirmières et aides-soignantes travaillent ensembles pour le patient mais chacune dans son domaine de compétences. Concernant les cadres, quand je demande qui compose le binôme, CD3 parle de compétences, de complémentarité et évoque la composition du binôme : CDS3 : « C'est toujours possible (sous entendu que le binôme soit fait entre deux infirmières ou deux aides-soignantes), même si les compétences sont les mêmes, il y a toujours une complémentarité. Mais à la base, en terme de binôme, on prend par exemple une infirmière et une aidesoignante ». CDS3 conçoit le binôme principalement de façon infirmier/aide-soignant, car pour lui il y complémentarité aux niveau des compétences. Cependant il estime possible que des agents de même formation puissent travailler ensembles. CDS1 inclus le médecin dans le binôme et parle de trinôme : CDS1 « (…) Et du coup on retravaille en binôme sur un autre niveau qui est le médical et le paramédical. Le médecin compte sur moi pour maintenir le cap. Là aussi c'est un binôme ». Ici CDS1 identifie le travail en binôme au travail en collaboration. Le travail en binôme se réalise au sein d'une équipe et tient compte de tous les membres du service. 5-3-2-Avantages et inconvénients du travail en binôme Le travail en binôme permet l'association de deux personnes, afin de réaliser une tâche commune. Dans cette partie je vais développer les avantages et les inconvénients face à cette prise en soin. 68 ➢ Avantages Le travail en binôme est source d'échanges et de dynamisme. De plus les compétences entre les agents sont complémentaires. Selon l'ensemble des personnes interrogées, il apparaît que le travail en binôme est principalement un avantage. AS1 : « Alors, … le travail en binôme est … ben oui très utile pour justement le respect de la personne. Il peut y avoir aussi un coté rassurant ». IDE3 : « (…) ça n'a que des avantages, la communication, euh et être en sécurité. Se sentir en sécurité ». IDE3 parle du travail de nuit et du manque de sécurité : IDE3 : « La nuit, elles sont deux aides-soignantes. Ce qui me semble pas assez... au niveau sécurité je pense que ce n'est pas suffisant ». Je déduis des témoignages de AS1 et IDE3 que le fait de ne pas travailler seul apporte de l'assurance, un coté rassurant. AS2 : « C'est toujours mieux d'être à deux, moi il me semble. Parce que à deux on peut voir des choses différentes, c'est mieux ». AS2 dit qu'il est important de travailler à deux car cela permet d'être complémentaire au niveau des soins et de l'observation du patient. L'un peut voir des choses que l'autre ne voit pas. AS3 : « Parce que c'est plus facile, plus facile pour nous les soignants, et pour le résident aussi ». Ici apparaît la notion de respect de la personne. Des soins « difficiles » ou compliqués sont pris en charge plus aisément que ce soit pour les soignants ou pour les patients. 69 IDE2 : « Alors des avantages, c'est la complémentarité, la solidarité, voilà ». Les soignants voient dans le travail en binôme de la solidarité et de la communication. C'est un bien être pour eux ainsi que pour le patient. CDS1 : « Ça ne peut apporter qu'un enrichissement, une aide, un soutien. Voilà, euh, puis aussi un apport de connaissances supplémentaires. Et puis travailler en binôme, ça favorise la cohésion d'équipe, la solidarité ». CDS3 : « (…) il y a une certaine complémentarité, on échange des connaissances sur la prise en soins du patient. Et en même temps ça met quand même une bonne ambiance, un climat de confiance entre les professionnels ». « Je constate que dans les services où j'ai vu les agents travailler en binôme, ce sont des services qui fonctionnent bien, qui sont très organisés ». CDS2 et CDS3 valorisent la richesse des échanges lors du travail en binôme, grâce à la complémentarité des compétences ainsi qu'une ambiance plus sereine. Il permet d'optimiser la prise en charge du patient et la qualité des soins. ➢ Inconvénients La richesse des échanges favorise l'organisation du travail. Mais la communication entre les personnes peut être complexe. A partir des discours des personnes, je vais cerner les limites du travail en binôme. Le principal relevé est le manque de communication ou la mauvaise entente entre les deux membres du binôme. Mais pour les personnes interrogées, la priorité est le patient et sa prise en soins. 70 Voici les réponses obtenues à la question suivante : « Voyez vous des inconvénients au travail en binôme ? » : AS1 : « Parfois on va tomber sur un tempérament fort, donc il faut savoir, euh ben se taire ». AS2 : « Les inconvénients ce serait peut être de ne pas toujours être d'accord sur certaines choses, voilà, mais ça c'est humain ». AS2 m'explique que en psychiatrie il est important de communiquer avec les patients et de ne rien laisser passer de sa vie privée. Chacun doit être vigilent et ne doit parler que de choses neutres. De ce fait la communication se fait de façon neutre et n'implique en aucun cas la vie personnelle des agents. IDE3 : « Ben le seul inconvénient qu'il y aurait c'est de ne pas s'entendre avec la personne, voilà. La mésentente dans l'équipe, ça agit beaucoup. C'est très difficile ». CDS3 : « Alors les points négatifs c'est que nous sommes tous des êtres humains avec nos caractères. C'est difficile pour certaines personnes de travailler en binôme quand elles veulent travailler seules ou évoluer seules ». La priorité du cadre dans le travail en binôme est la mise en place d'une sectorisation afin que les binômes ne soient pas informels. En effet il pourrait en découler des binômes faits par affinité ou par affect. IDE1,CDS1 et CDS2 ne voient aucun inconvénient au travail en binôme même lorsque je les relance sur ce point. Ils ne l'évoquent pas du tout. CDS1 : « Non, car si on respecte des principes de départ sur la confidentialité des informations, le respect mutuel, vraiment les bases du métier, ça ne peut être que complémentaire ». 71 CDS2 : « Non, hors mis le fait que l'on ne soit plus dans le soin, il n'y a pas de point négatif au travail en binôme. Ça doit être réfléchit, ça ne doit pas être imposé, décrété pour tout ». IDE2 évoque le dépassement de tâches qui pourrait être un risque. IDE2 : « Euh, des inconvénients, euh, il y en a forcément, après … l'inconvénient c'est que parfois, euh disons qu'elles (sous entendu les aides-soignantes) peuvent prendre des initiatives qui ne sont pas appropriées ». Au travers ce témoignage, le glissement de tâches est abordé de manière spontanée par l'infirmière. Cette réalité est incontournable dans beaucoup de secteurs de soins. Ces pratiques sont-elles la conséquence d'une organisation « déficiente » ou dépendent-elles de cette organisation ? Il appartient au cadre de santé de contrôler et de limiter au maximum ces situations. Pour résumer cette partie sur les inconvénients du travail en binôme, je peux dire que le manque d'effectif, un défaut ou un manque de communication peuvent être des facteurs de dysfonctionnement du binôme ou du travail en collaboration. La personnalité de chaque soignant peut être un frein à une bonne coopération. De même, si le service n'est pas organisé de façon à ce que les agents travaillent en binôme alors apparaîtra des notions de binômes non formels. 5-3-3-L'organisation du service Concernant cette partie il m'a semblé judicieux de connaître l'organisation des services afin de voir et de comprendre si les agents travaillent en binôme ou non. Il s'agit également de mettre en avant le rôle du cadre de santé dans l'organisation du travail en binôme dans les équipes soignantes. Je perçois à travers les entretiens que le rôle du cadre se situe entre encadrement et management. Il est transversal dans la collaboration. 72 Selon les entretiens réalisés je me rends compte que la sectorisation mise en place dans les services favorise le travail en binôme. A chaque prise de poste, les agents se répartissent le service en fonction des soins et des tâches à réaliser. Il se peut que soient créées par le cadre des fiches de tâches qui permettent la répartition du travail. Je pense que c'est au cadre d'unité de réaliser des binômes journaliers formels afin que les agents ne choisissent pas leur partenaire de travail selon les affinités. CDS1 explique qu'en psychiatrie le travail n'est pas sectorisé. « De ce fait chacun se disperse dans le service sans trop savoir ce qu'il doit faire et sans faire de transmissions ». Pour elle c'est un inconvénient au travail en binôme et à la cohésion d'équipe. CDS1 me dit que j'arrive à un moment où le cadre supérieur ainsi que la direction ont demandé une réorganisation des tâches afin d'optimiser les soins. Cette réorganisation doit passer par une sectorisation. C'est le cadre d'unité qui est vecteur de cette dynamique. Je peux faire une comparaison avec CDS2 qui travaille en EHPAD et CDS3 qui travaille en centre de rééducation fonctionnelle. En effet, dans leur service respectif l'organisation du travail est sectorisée et les agents travaillent en binôme. Ce sont les cadres qui ont impulsé cette dynamique. CDS2 : « C'est sectorisé. Elles travaillent en binôme en secteur. Cette organisation sera efficiente par moment et par d'autres elles vont travailler seules ». CDS3 : « Quand le travail est organisé, il est en binôme. Les infirmières se répartissent les secteurs et travaillent avec une aide-soignante dans chaque secteur ». CDS3 me dit également que c'est une organisation qui est ancienne et qu'il ne souhaite pas la changer mais plutôt la rendre un peu plus efficiente. 73 Le rôle du cadre de santé vu par les agents est défini suivant les points suivants : -Régulateur -Facilitateur de travail -Sécurité des équipes -Fixe les règles → Vus par les agents Pour tous les agents le cadre est là pour réaliser un planning et écouter les besoins de chacun. Il doit permettre aux agents de travailler dans de bonnes conditions. Il doit fixer des règles tout en laissant de l'autonomie à ses collaborateurs. AS1 : « C'est lui qui va organiser les plannings, les week-end, en fonction de la charge de travail (…). Ensuite, c'est à l'équipe de s'organiser. Notre travail induit à la fois collaboration et le travail en binôme ». AS3 : « Pour moi, il doit connaître ce que l'on fait, enfin l'organisation, pour nous aider à améliorer les choses. Qu'il soit à l'écoute. IDE1 : « Le cadre doit plus fixer notre champ des responsabilités. Qu'est ce qu'on a le droit de faire ou de pas faire. Il doit poser les choses ». IDE2 : «Je pense qu'il doit favoriser au maximum la collaboration. On est quand même pas mal à rester dans ce travail d'équipe ». Le cadre a pour rôle d'organiser les soins selon une planification. De même le rôle du manager est de motiver son équipe : il doit être à l'écoute, doit permettre aux agents de s'exprimer. Pour cela les agents attendent de lui de la bienveillance et de la reconnaissance. 74 → Vus par les cadres de santé Le cadre de santé est présent dans le service afin d'organiser le travail, les tâches journalières et d'accompagner les équipes. Quand une organisation est déjà en place, il essaie de l 'améliorer en collaboration avec l'équipe soignante. CDS1 parle de compétences et pour lui, il est hors de question de mettre la pression aux agents. Il donne du sens au travail : CDS1 : « Le rôle du cadre est de donner du sens. Je suis là pour les accompagner, pour essayer de manager les équipes, pour ne pas créer de mal être ». CDS1 est attentive aux besoins et aux attentes de son équipe. Dans son service sont présentes plusieurs valeurs qui sont confiance, reconnaissance et entente. De plus CDS1 favorise l'autonomie des agents. Dans le service de psychiatrie les soignants sont autonomes. Ils négocient et se répartissent les tâches. Cette façon de manager permet à chaque membre de l'équipe de s'autonomiser. Le cadre de santé favorise la collaboration et organise le service de façon sécuritaire. Il donne du sens au travail et reconnaît les compétences de chacun. CDS3 est vigilent quant aux échanges des agents entre eux et non avec les personnes soignées. Le rôle du cadre de santé dans l'organisation du travail est primordial. Il reconnaît les compétences et les limites de chacun et pose un cadre d'organisation. De même, en fonction du type de management , le cadre de santé se doit de mettre en place des procédures formelles ou informelles concernant la coordination et la répartition des responsabilités et ceci ne peut se faire que par la communication entre les différents protagonistes. 75 5-3-4-La communication et les transmissions orales Les transmissions orales sont importantes dans la collaboration entre les soignants. Elles réunissent les soignants autour du patient et favorisent l'amélioration de la qualité des soins. Cependant j'ai remarqué que dans certains services, elles ne sont pas réalisées collectivement. Une des raisons évoquée par les infirmières est le manque d'implication des aides-soignantes pour les transmissions. Souvent elles y participent par leur présence ou leur écoute mais pas verbalement. Elles sont en retrait et n'osent pas. Le manque de temps est également évoqué par IDE1. A travers une question posée sur les transmissions en équipe, il me semble important de savoir ces moments d'échanges formels ou informels favorisent la collaboration entre les soignants. AS1 : « Ben normalement on a ce temps de transmissions qui a lieu le matin quand on arrive, qui a lieu à chaque changement d'équipe ». AS2 : « Oui, généralement c'est l'infirmière qui va transmettre à sa collègue. Nous nous sommes là pour apporter des éléments en plus. AS1 et AS2 disent toutes les deux que les transmissions orales se font entre infirmières. Elles y sont présentes pour écouter les informations, mais n'y participent pas oralement. Les échanges se font dans la journée, au fur et à mesure que les soins sont réalisés. De ce fait, elles ne ressentent plus le besoin d'échanger lors des transmissions orales formelles. Cependant les transmissions sont importantes dans la reconnaissance du travail de l'aide-soignante. La prise en compte de leur parole leur permet une valorisation de leur travail. A travers les discours de AS1 et AS2 je perçois qu'il existe plusieurs moments d'échanges entre les soignants dans la journée. Il y a les temps formels de transmissions orales pour les changements d'équipe et d'autres 76 moments informels où les aides-soignantes transmettent aux infirmières les moments importants de la journée vécus avec les patients. La compétence du module 7 du diplôme d'aide-soignant met en évidence les transmissions, l'expression et le renseignement. Le module 5 apporte des renseignements sur les techniques de communication. Dans les entretiens réalisés, AS1 et AS2 ne répondent pas à ce qui est attendu. IDE1 semble porter un jugement sur le comportement de ses collègues aidessoignantes. Pour elle, les aides-soignantes sont frustrées. Pour IDE2 et IDE3, les transmissions orales sont un temps d'échanges entre aides-soignantes et infirmières. IDE3 insiste sur la communication présente dans l'équipe. IDE2 : « Oui, oui. Le matin, du coup on a une infirmière et une aide-soignante qui prennent les transmissions de 6 heures à 6h30. On prend la relève de l'équipe de nuit ». IDE3 : « Oui, donc on en a le matin, à 14 heures et puis le soir. Il y a beaucoup, beaucoup de communication entre nous ». IDE3 parle de transmissions entre les agents mais également et surtout de communication tout au long de la journée de travail. La participation de toute l'équipe soignante aux transmissions orales ainsi que les échanges sont importants pour la cohésion d'équipe et permet une meilleure organisation des tâches. CDS1 l'exprime parfaitement bien : « Il faut privilégier des temps d'échanges où l'on est ensemble ». Pour lui il est important de provoquer des temps d'échanges entre tous les membres de l'équipe soignante. Cela permet l'entente et la cohésion d'équipe. 77 Il existe souvent dans l'organisation des services de soins des staffs pluridisciplinaires qui permettent à tous de s'exprimer et de s'écouter. Le fait de prendre en compte la parole des aides-soignantes peut permettre une valorisation et une meilleure reconnaissance de leur travail en équipe pluridisciplinaire. 5-3-5-La notion d'équipe A travers les différents propos je retrouve la notion d'équipe. Les soignants la décrivent comme un ensemble de personnes ayant des compétences différentes. Le concept d'équipe ainsi que celui de la collaboration (cf chapitre 5-3-1) font ressortir la notion de confiance. Selon Michela Marzano34, « la confiance renvoie à l'idée qu'on peut se fier à quelqu'un ou à quelque chose ». Le verbe « confier » signifie qu'on remet quelque chose de précieux à quelqu'un, en se fiant à lui et en s'abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi. De même, un individu peut être considéré comme fiable à partir du moment où il possède un certain nombre de compétences techniques et morales. La confiance en soi relève aussi de la capacité à créer des liens. Pour cela, il faut pouvoir aussi croire aux autres, leur faire confiance et accepter le risque de la dépendance. Faire confiance à quelqu'un signifierait dès lors envisager la possibilité d'une coopération. La coopération devient alors un travail d'équipe. Ainsi le travail en équipe permet à des individus formant un groupe, d'aboutir à un but commun. Il permet l'entraide, l'écoute et la multiplication des compétences, tout cela pour le bien du patient. L'appartenance à une équipe permet le désir de collaborer entre les différents professionnels. 34 Michela MARZANO, « Qu'est ce que la confiance ? » 78 Je me rends compte après réflexion que je n'ai pas de question orientée sur le travail d'équipe en lui-même, mais à travers d'autres questions « détournées », je peux tout de même analyser ce thème. A la question : « Savez vous combien de personnes composent votre équipe ? », je suis étonnée des réponses car ni les infirmières, ni les aidessoignantes ne peuvent répondre à cette question précisément. Toutes les réponses sont vagues et les agents n'ont pas l'air intéressés par la composition de leur équipe. A noter tout de même que le infirmières connaissent le nombre de leur équipe de paires mais pas celui des aides-soignantes. AS1 : « Ben je pense que euh, … pfff, euh, je sais pas, une quinzaine de personnes. En tant qu'aides-soignantes, je sais pas, je pourrais regarder, c'est un manque de curiosité ». AS2 : « Je ne sais même pas, on doit être à peu près, euh, non je ne sais pas, excusez moi, j'ai peur de euh, ... ». IDE3 : « Pas vraiment. L'équipe infirmière, six de sûr ». A chaque fois le principe de diversité est présent. Il existe bien différents acteurs. Malgré le fait que les agents ne connaissent pas la composition de leur équipe, tous disent que travailler ensemble est naturel. Il existe une bonne entente dans toutes les équipes. Tous les agents le font pour le bien être du patient. A la question : « Pour vous la collaboration est-elle naturelle, ou avez vous besoin de faire des efforts pour travailler avec vos collègues ? », les réponses obtenues sont les suivantes : 79 AS1 : « Non pour moi c'est naturel. De toute façon, quand on fait la formation on sait qu'on s'inscrit au sein d'un groupe, au sein d'une équipe ». A travers sa réponse AS1 trouve un sens à son travail, elle participe à la dynamique d'équipe. AS2 : « Pour moi, c'est naturel ». IDE1 évoque le fait que travailler ensemble soit naturel et que c'est une question d'âge. Elle fait une petite comparaison avec ses jeunes collègues. IDE1 : « Je collabore avec tout le monde et je demande, euh, ce que j'ai à demander. J'ai des collègues plus jeunes qui ne vont pas oser ». A une autre question, IDE2 explique qu'il n'y a pas de binôme, mais que tout le monde travaille ensemble : « Je sais pas comment expliquer, euh on travaille seul, …, et euh, on travaille tous ensemble. On travaille tous ensemble tout le temps ». IDE3 : « C'est naturel. Après dix ans de travail au bloc, on a l'habitude de travailler ensemble ». Infirmières et aides-soignantes ont compris l'importance de travailler ensemble. Cela permet échanges et dynamique d'équipe. C'est en service de psychiatrie que j'ai ressenti que la notion d'équipe était la plus forte, et que le médecin était intégré à cette équipe. A la fin de mon entretien avec le cadre, celui ci a eu le besoin de rajouter son ressenti sur le travail en binôme : CDS1 : « Et puis travailler en binôme ça favorise la cohésion d'équipe, la solidarité. Le rôle du cadre est de donner le sens quand les gens commencent à aller dans tous les sens. Et du coup on retravaille en 80 binôme sur un autre niveau qui est le médical et para médical ». CDS1 fait le constat que le binôme favorise la cohésion d'équipe. Il explique que c'est dans son rôle de manager de donner du sens au travail. Le partage de réflexions concernant les décisions liées aux actions de soins favorise l'implication du professionnel qui sera plus à même de prendre ces décisions et donc de développer une estime de soi qui pourra aboutir à l'optimisation de la reconnaissance. « Les individus évaluent en permanence leurs opinions en les situant par rapport aux comportements d'autrui , car chacun cherche à être reconnu par les autres par ce qu'il fait ».35 5-3-6-Le concept de reconnaissance Le concept de reconnaissance est apparu dans deux entretiens. Il m'a donc semblé important de le traiter. Selon le dictionnaire Larousse, la reconnaissance est « l'action de reconnaître quelqu'un ou quelque chose ». La reconnaissance est un des leviers de la motivation au travail et de la mobilisation collective. C'est un lien relationnel qui traduit un retour de l'investissement, du travail fournit et des résultats obtenus. Selon J.F.CHANLAT36, « (…) il n'y a rien de plus frustrant pour toute personne qui travaille de voir son travail méconnu ou ignoré ». 35 DUBAR, La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, Ed A.Colin 36 J.F.CHANLAT, Travailler ensemble un défi, Soins Cadres n°49, février 2004 81 La reconnaissance37 constitue une réaction constructive et authentique, de préférence personnalisée, spécifique, cohérente et à court terme. Elle s’exprime dans les rapports humains. Elle est fondée sur la reconnaissance de la personne comme un être unique, libre, égal, qui mérite respect, qui connaît des besoins, mais qui possède également une expérience utile. Par ailleurs, la reconnaissance constitue un jugement posé sur la contribution du travailleur, tant en termes de pratique de travail que d’investissement personnel et de mobilisation. En outre, elle consiste à évaluer les résultats de ce travail et à les souligner. La reconnaissance se pratique sur une base quotidienne, régulière ou ponctuelle, et se manifeste de façon formelle ou informelle, individuelle ou collective, privée ou publique, financière ou non. Du point de vue de celui qui la mérite, enfin, la reconnaissance peut avoir une valeur symbolique, affective, concrète ou financière. Selon le mensuel Sciences Humaines 38, « la reconnaissance est devenue une demande quasi unanime chez les salariés ». Son analyse montre qu'elle comprend quatre dimensions spécifiques : ➢ Reconnaître la personne : la reconnaissance porte sur l'individu et non sur l'employé. ➢ Reconnaître les résultats : elle suppose implicitement que l’individu agisse en vue de résultats positifs qui sont le moteur de son activité. La reconnaissance au travail est donc considérée comme une récompense. ➢ Reconnaître l'effort : cette conception de la reconnaissance porte sur l’effort, l’engagement et les risques encourus. Elle prend en compte les motivations et l’équilibre psychique de l’individu, ses plaisirs et ses peines. ➢ Reconnaître les compétences : la perspective éthique s’intéresse aux compétences de l’individu, aux responsabilités individuelles, au souci qu’il porte à autrui, etc. La qualité de la relation est mise en avant. 37 J.P.BRUN, La reconnaissance au travail, une pratique riche de sens, site web sbisrvntweb.uqac.ca 38 Sciences humaines, Malaise au travail, grand dossier n°12, automne 2008 82 Ainsi, la reconnaissance représente un besoin fondamental chez tout être humain. La reconnaissance au travail doit s'intégrer aux habitudes de travail des membres de l'organisation, aux pratiques quotidiennes. CDS1 parle de reconnaissance à différents moments, c'est à dire lorsque l'on aborde sa volonté de devenir cadre de santé et lorsqu'elle parle de l'équipe qu'elle manage. A la question « Qu'est ce qui vous a amené à exercer ce métier ? », voici la réponse de CD1 : CDS1 : « C'est un travail difficile, qu'on soit AS, infirmière, euh, y a pas beaucoup de reconnaissance des collègues, euh, c'est la première des souffrances je crois de l'ensemble du milieu hospitalier. Je me suis dit il y a certainement une façon d'apporter un peu de reconnaissance, voilà ». « Moi je travaille avec les compétences. Et je vais vous dire : au niveau de la reconnaissance, c'est tip-top, parce que les gens sont reconnus pour ce qu'ils savent faire ». CDS1 fait ressentir le manque de reconnaissance qu'elle a eu en tant qu'infirmière et donne l'impression de vouloir aider son équipe à ne pas avoir le même vécu qu'elle. Je me pose la question de savoir si le manque de reconnaissance peut avoir un impact sur le soignant ? CDS1 valorise les compétences des professionnels de son équipe. Elle est à leur écoute et devient réellement un cadre de proximité, à proximité de son équipe soignante. IDE3 évoque la reconnaissance à travers les responsabilités. Pour être reconnu à part entière, l'individu se révèle grâce à ses compétences. Ici le cadre de santé reconnaît chez les infirmières des compétences différentes de leur métier d'origine. 83 IDE3 : « Quand le cadre de santé n'est pas là, on gère. On a l'habitude de faire un peu de gestion, on fait beaucoup de travail de base de cadre. C'est à nous de tout gérer quand il n'est pas là. On a des responsabilités et c'est intéressant. Ça nous apprend, ça nous fait évoluer ». IDE3 est valorisée par le cadre de santé. Elle se sent exister aux yeux des ses collègues et du cadre. Dans un cours que nous avons eu à l'IFCS de Besançon, Monsieur Vuillemenot a évoqué le besoin de reconnaissance et de valorisation. Il s'agit de donner une bonne image de soi, une vision positive et être apprécié de ses collègues.. Dans le cas d'IDE3, la reconnaissance a été mise en évidence à travers l'intérêt et la délégation que le cadre de santé lui a porté en lui confiant des missions. Ici la reconnaissance humanise le travail et valorise l'individu. La confiance installée entre le cadre de santé et son équipe ou encore entre les agents entre eux contribue à la reconnaissance. La proximité du cadre devient donc essentielle. Il est important qu'il soit à l'écoute et qu'il soutienne son équipe. Les effets de la reconnaissance du cadre sur son équipe sont multiples. Cela donne du bien être et de la dynamique d'équipe. 84 PARTIE : 6 SYNTHESE ET ENSEIGNEMENTS TIRES 85 PARTIE 6-SYNTHESE et ENSEIGNEMENTS TIRES Concernant la synthèse de mon travail, c'est à travers les concepts étudiés et les propos des professionnels interrogés que je dégage différents points qui vont me permettre d'affirmer ou d'infirmer mon hypothèse de départ qui était la suivante : Le travail en collaboration et en binôme entre les infirmières et les aide-soignantes devrait permettre une meilleure prise en soins des patients. 6-1-Concernant mon travail de recherche Le travail de recherche est un concept nouveau pour moi. Ce fut un plaisir de réaliser les entretiens ainsi que de procéder à certaines lectures. Mais certains livres ont été pour moi difficiles. Une fois les concepts écrits j'ai trouvé très intéressant de réaliser l'analyse des discours car cela m'a permis d'ouvrir ma vision sur des idées que j'avais depuis plusieurs années lors de mon exercice en tant qu''infirmière. J'ai pu m'initier à un processus de recherche et enrichir ma culture générale. Une autre difficulté pour moi a été de ne pas maîtriser l'informatique et donc d'effacer à deux reprises une grosse partie de mon mémoire. Cela a été source d'apprentissage et depuis je suis plus méfiante envers les ordinateurs et les clés USB. 86 De ce travail de recherche, en voici une synthèse : Les thèmes abordés ou développés dans ce mémoire étaient attendus pour certains car les trames de mes entretiens orientaient quelque peu les réponses, et surprenants pour d'autres car sont apparus spontanément dans les interviews : Binôme Collaboration Communication Équipe Reconnaissance Quelques thèmes manquent ou ne sont pas suffisamment développés, par exemple la reconnaissance des compétences ou le rôle du cadre dans l'organisation du service. Ceci est dû à la mauvaise orientation donnée à certaines de mes questions dans le canevas d'entretiens et au fait que je n'ai pas su relancer les professionnels interviewés. 87 6-2-Synthèse des discours Peu importe l'âge ou le sexe des personnes interrogées, il n'y a pas de grand écart entre les différentes réponses données. Il existe une concordance entre les discours mais également des incertitudes par rapport aux définitions. Les professionnels interrogés ne font pas tous la différence entre le travail en binôme et le travail en collaboration. Ils confondent parfois les deux termes. Dans l'ensemble, le travail en binôme se situe dans le « faire », c'est une pratique au quotidien. La collaboration reflète plus les transmissions dans les équipes. C'est un partage sur des pratiques qui permettent une concertation, une réflexion, une « entente » sur les valeurs attendues de chacun. C'est dans cette dynamique qu'une équipe formée de binômes peut optimiser la qualité de ses soins. Cette pratique, ce partage de connaissances et de compétences, permet d'aboutir sur un projet de soin cohérent. C'est dans cette perspective que les actions de soins sont porteuses de sens et renforcent la satisfaction et donc la reconnaissance au travail basée sur la complémentarité. En partageant ainsi entre professionnels sur un même objectif qui est celui de répondre aux besoins du patient, on favorise les liens de confiance dans une équipe. Le terme de collaboration est perçu de la même manière de la part de l'ensemble des personnes interrogées. La collaboration c'est travailler ensemble, en équipe pluridisciplinaire. Il en ressort la notion de coopération, de complémentarité et de partage de compétences. Il existe cependant une confusion chez certains par rapport à la notion du travail en binôme. Ce concept de travail en binôme est différent selon les catégories professionnelles. En effet, les binômes ne sont pas les mêmes selon le lieu de travail et selon les personnes interviewées. 88 Les éléments dégagés par les agents pour qu'un binôme fonctionne sont : ➢ un esprit d'équipe ➢ la confiance entre les différents membres de l'équipe ➢ les échanges et la communication interpersonnelle ➢ les limites posées par le cadre de santé ➢ la reconnaissance du travail par le cadre de santé ➢ une cohérence dans le travail en équipe Suivant les propos des différentes personnes, je peux dire que les agents aiment travailler en binôme pour le bien du patient. C'est le principal avantage avancé par tous. Cependant cela demande de la collaboration ainsi que des échanges, qui peuvent être source de conflit ou de désaccord. Selon les équipes, à cause du manque de communication, il y a un risque de perte d'informations. C'est au cadre de santé d'impulser les transmissions et les moments d'échanges car cela peut permettre l'optimisation des soins pour une meilleure prise en soin du patient. Aussi, je me rends compte que le travail en binôme n'est pas toujours possible sur l'ensemble de la journée. Il n'est pas constant. Il se réalise souvent ponctuellement, quand les soins sont plus difficiles physiquement ou moralement pour le patient mais aussi pour les soignants. De plus, tous les services ne sont pas organisés pour que les agents travaillent en binôme soit par manque de personnel, soit car la planification des soins ne le permet pas (pas de sectorisation). Dans le cas où la sectorisation n'est pas mise en place, il en ressort que l'organisation de l'unité de soins est moins structurée et il existe un risque que le binôme soit informel et se constitue selon les affinités. Le travail en équipe et l'esprit d'équipe sont des concepts acquis par les professionnels interrogés. C'est quelque chose de « normal ». 89 Mon hypothèse est validée : même si le travail en binôme entre aidesoignante et infirmière n'est pas réalisable sur une journée entière de travail, je peux dire qu'il permet la prise en soin des patients de façon efficiente. Le binôme peut être un modèle dans la formation des équipes. Il peut limiter la souffrance au travail et renforcer la réflexion face aux différents questionnements, notamment aux questionnements éthiques. Je rappelle la définition du travail en binôme repris dans la revue « L'aidesoignante » de mars 2014 : « Travailler en binôme, c'est organiser un soin en collaboration avec un autre professionnel dont les compétences sont complémentaires. Le travail en binôme nécessite de la collaboration et de la coopération, mais également de l'organisation et de la planification ». 6-3-Concernant la fonction du cadre de santé Ce travail de recherche m'aidera dans ma future carrière de cadre de santé. J'ai pris conscience de l'importance du travail en binôme dans les équipes de soins mais je sais également que cela peut être difficile. Certains moments y sont plus propices que d'autres. Les enseignements tirés se situent dans l'encadrement et le management de l'équipe : → au niveau de l'encadrement : je souhaite travailler avec une équipe dans laquelle existent de l'entente et de la cohésion. Je pense être présente afin d'impulser ces concepts et d'accompagner les équipes dans ce sens. → au niveau du management : il sera de ma responsabilité de construire un cadre de travail s'il n'est pas déjà existant. Mais le cadre de travail laisse également une partie d'autonomie aux collaborateurs. 90 Je serai présente et à l'écoute et travaillerai dans la reconnaissance des compétences. En conclusion, les enseignements de cette recherche sont nombreux. Mon positionnement de cadre de santé devra s'inscrire autour du travail en éthique dans un but commun de tous qui est le bien être du patient. 91 CONCLUSION 92 CONCLUSION Ce mémoire s'est construit grâce à une méthodologie rigoureuse imposée par l'IFCS et part ma directrice de mémoire. Au fil des mois et des recherches, je me suis intéressée à l'importance du travail en binôme au sein des équipes pluridisciplinaire et à son influence par rapport à la prise en soin du patient. A travers différents concepts étudiés comme le travail en équipe, la communication, ou encore les compétences, j'ai pu évaluer l'importance du rôle du cadre de santé dans la collaboration des soignants au sein des équipes de soins. Puis les différents entretiens réalisés auprès des aides-soignantes, des infirmières et des cadres de santé m'ont permis d'aborder d'autres termes comme la reconnaissance, ou la confiance. Les équipes de soins sont souvent organisées selon une sectorisation. Suivant les discours des personnes interrogées, il n'est pas toujours possible ni opportun de travailler en binôme. Cela peut être fatigant d'être toujours à deux et les échanges avec le patient peuvent être limités. De même, une personne soignée peut avoir envie de se confier à un seul soignant et non pas à deux personnes ensembles. Par l'intermédiaire de ce travail j'ai pu cibler les attentes des agents par rapport au cadre de santé ainsi que son rôle à jouer au sein de l'équipe. Le cadre est responsable de l'organisation de son service.C'est à lui de favoriser des moments de collaboration, d'échanges et de communication afin de rendre le plus efficient possible la prise en soin du patient. En terme de management, comment le cadre de santé peut il mettre en place une telle organisation afin que tous les agents se sentent reconnus et valorisés à travers le travail en binôme et la collaboration ? 93 BIBLIOGRAPHIE 94 BIBLIOGRAPHIE SITES INTERNETS : -www.aide-soignant.com -www.cadredesante.com -www.cefiec.fr -www.legifrance.gouv.fr -www.psycho-travail.com -www.sante.gouv.fr -Le concept de binôme, DUMAIS-PICARD, source internet. -La reconnaissance au travail une pratique riche de sens, source internet, sbisrvntweb.ugac.ca REVUES : -CHANLAT J.F. et ACKER F. Travailler ensemble un défi, Soins cadres, n°49, février 2004, p.18 à p.21. -DEPLANQUE R. Travailler ensemble un défi, Soins cadres, n°49, février 2004, p.17. -EFROS D. Travailler en équipe, de quelle équipe et de quel travail parle- t-on ? Soins cadres, n°49, février 2004, p.26 à p.29. 95 -MACREZ P. Les secrets d'une collaboration réussie infirmière/aide-soignante, La revue de l'infirmière, n°103, septembre 2004, p.24 à p.27. -MACREZ P. La collaboration infirmière/aide-soignante au service du projet de soins, revue de l'aide-soignante n°115, mars 2010, p.24 et 25. -FABREGAS B. Le binôme infirmier/aide-soignant, quelle réalité ?, Soins, °689, octobre 2004, p.29 à p.48. -Soins cadres, supplément au n°64, décembre 2007, p.11 à p.32. -Sciences Humaines, Malaise au travail, grand dossier n°12, automne 2008. -BONNERY A.M. Soins gérontologie n°7, mai/juin 2014. -GUEGAN O. Soins cadres n°107, mai/juin 2014. LIVRES : -ARBORIO A.M. : Un personnel invisible. 2ème édition - Les aides-soignantes à l'hôpital- Économa, 2001, collections sociologues, 334 pages. -CAUVIN P. : La cohésion des équipes, ESF Edition, Paris, 2007, 220 pages. -DUBAR C. : La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, Ed A.Colin, 256 pages. -Le BOTERF G. : Construire des compétences individuelles Éditions d'organisations, 4ème édition mise à jour et complétée et collectives. 2008, 272 pages. -MUCCHIELLI R. : Le travail en équipe. ESF Éditions, 1996, 208 pages. 96 TEXTES LEGISLATIFS : -Décret n°2202-194 du 11 février 2002, relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession infirmière. -Arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d'état d'aide-soignant. -Décret n°95-926 du 18 août 1995 portant sur la création du diplôme de cadre de santé. -Loi HPST -Hôpital Patient Santé et Territoire- n°2009-879 du 21 juillet 2009, relatif à la mise en place d'une offre de soins gradués de qualité, accessible à tous, satisfaisant à l'ensemble des besoins de santé. DIVERS : -Cours de Mr REVILLOT J.M., La relation de proximité du cadre de santé, Cours IFPS, février 2015. -Cours de Mr VUILLEMENOT, Besoins au travail, soutenir la motivation, Cours IFPS, septembre 2014. -Conférence ANFH du 21/11/2013 : Comment travailler ensemble ? 97 ANNEXES 98 ANNEXE 1 Canevas d'entretien Cadre de santé I-Les déterminants : 1. Age : 2. Niveau d'étude, diplôme : 3. Cursus : 4. Qu'est ce qui vous a amené à exercer ce métier ? 5. Dans quel service travaillez-vous ? 6. Ancienneté dans l'établissement : 7. Ancienneté dans le service : 8. Combien de personnes composent l'équipe que vous managez ? II-Organisation du service : 1. Comment définissez vous le travail en collaboration ? 2. Comment définissez vous le travail en binôme ? 3. Comment est organisé le travail au sein de votre équipe ? 4. Cette organisation est-elle récente ou ancienne ? 5. → Si binôme, depuis quand ? Par qui cette organisation a-t-elle été mise en place ? 6. → Si non, pourquoi ? Cette idée a-t-elle déjà été suggérée ? 7. Pensez vous que le travail en binôme soit possible dans tous les services ? 8. Quel est votre avis sur le fait de faire travailler les agents en binôme ? 9. Y-voyez vous des points positifs et des points négatifs ? 10. Pour vous, quels seraient les objectifs de faire travailler une équipe en binôme ? 11. Pensez vous qu'il soit facile de mettre en place une telle organisation dans tous les services ? 99 ANNEXE 2 Canevas d'entretien, AS-IDE I-Les déterminants : 1. Age : 2. Niveau d'étude, diplôme : 3. Cursus : 4. Qu'est ce qui vous a amené à exercer ce métier ? 5. Dans quel service travaillez-vous ? 6. Ancienneté dans l'établissement : 7. Ancienneté dans le service : 8. Combien de personnes composent l'équipe dans laquelle vous travaillez ? II-L'organisation : 1. En général travaillez vous seule ou en binôme ? 2. Qui constitue le binôme ? 3. Pouvez vous me raconter une de vos journée de travail ? 4. L'organisation de votre service vous permet elle de travailler en binôme ? Pourquoi ? 5. L'organisation de votre service met elle en évidence un travail en binôme ? → AS/AS, AS/IDE, autre ? 6. Préférez vous travailler seule ou en binôme ? Pourquoi ? 7. Si oui, pour vous, quels sont les avantages et les inconvénients du travail en binôme ? 8. Dans l'organisation de votre service, existe-il des transmissions entre les AS/IDE ? III-La collaboration : 1. Pour vous, comment définiriez vous le terme de « collaboration » ? 100 2. Pensez vous qu'il puisse exister des facteurs pouvant influencer la collaboration ? 3. Selon vous, quels sont les avantages et les inconvénients du travail en collaboration ? 4. La collaboration est-elle naturelle chez vous ? Devez vous fournir des efforts pour collaborer ? Pourquoi ? IV-Le travail en binôme : 1. Pour vous, qu'est ce que le travail en binôme ? Voyez vous une différence avec le travail en collaboration ? Si oui laquelle ? 2. Par quelles catégories professionnelles peut être formé un binôme ? 3. Qu'en pensez vous ? 4. A quoi sert le travail en binôme et est il indispensable dans l'organisation d'un service ? 5. Avez vous une expérience de travail en binôme, et une expérience du travail seul ? Qu'en pensez vous ? 6. Pour vous quels sont les avantages et inconvénients du travail en binôme. 7. V-Le rôle du cadre de santé : 1. Quel est le rôle du cadre de santé dans l'organisation du service ? 2. Pensez vous qu'il doit organiser le travail en collaboration ou en binôme dans tous les services ? 3. Pour vous quel est l'objectif d'un cadre qui favorise la collaboration dans son équipe ? Pourquoi ? Quels effets cela produit-il ? Sur qui ? Sur quoi ? 101 Résumé : La collaboration et le travail en binôme entre les infirmiers et les aidessoignants contribuent-ils à une meilleure prise en soins des patients ? A travers différents concepts étudiés comme le travail en équipe, la communication, ou encore les compétences, j'ai pu évaluer l'importance du rôle du cadre de santé dans la collaboration des soignants au sein des équipes de soins. Par l'intermédiaire de ce travail j'ai pu cibler les attentes des agents par rapport au cadre de santé ainsi que son rôle à jouer au sein de l'équipe. Le cadre de santé est responsable de l'organisation de son service. C'est à lui de favoriser des moments de collaboration, d'échanges et de communication afin de rendre le plus efficient possible la prise en soin du patient. Même si ce n'est pas possible sur une journée entière de travail, je peux dire que le binôme infirmier/aide-soignant permet la prise en soin des patients de façon efficiente. Mots clés : Binôme, Infirmier, Aide-soignant, Cadre de santé, Collaboration, Équipe, Cohésion, Compétences. 102