les changements climatiques dans l`arctique : defis pour la

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les changements climatiques dans l`arctique : defis pour la
SCIENCES ET
TECHNOLOGIES
180 STC 05 F
Original : anglais
Assemblée parlementaire de l'OTAN
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS
L’ARCTIQUE : DEFIS POUR LA COMMUNAUTE DE
L’ATLANTIQUE NORD
PROJET DE RAPPORT SPECIAL
PIERRE CLAUDE NOLIN (CANADA)
RAPPORTEUR SPECIAL*
Secrétariat international
*
5 octobre 2005
Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission des sciences et
des technologies, il ne représente que les vues du rapporteur.
Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site web, http://www.nato-pa.int
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i
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION....................................................................................................................... 1
II.
FACTEURS DE RISQUE POUR LA STABILITÉ GÉOPOLITIQUE MONDIALE....................... 2
III.
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : UNE MENACE A LONG TERME ? ........................... 3
IV. LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LE RECHAUFFEMENT DE L’ARCTIQUE............. 5
V.
L’INTENSIFICATION DU RECHAUFFEMENT DANS L’ARCTIQUE AU COURS DU
XXIE SIECLE ............................................................................................................................. 9
VI. LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES BRUSQUES : L’AFFAIBLISSEMENT DE
LA
CIRCULATION OCEANIQUE DANS LA REGION DE L’ATLANTIQUE NORD ..................... 13
VII. CONCLUSION : LA NECESSITE DE MIEUX COMPRENDRE LES DEFIS QUE LES
CHANGEMENTS CLIMATIQUES BRUSQUES POSENT POUR LA SECURITE
DE
L’OTAN ................................................................................................................................... 17
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I.
1
INTRODUCTION
1.
De nos jours, lorsque nous parlons de sécurité, nous le faisons avec un vocabulaire
extrêmement différent de celui utilisé pendant la guerre froide. Il n’est plus question
d’endiguement, de destruction mutuelle assurée, de rivalité entre superpuissances ou d’intérêt des
blocs. Ces concepts décrivaient une époque bien différente de celle que nous vivons aujourd’hui.
2.
Certes, cette époque était plus stable, mais elle était aussi plus dangereuse, car un conflit
nucléaire entre les superpuissances aurait abouti à une destruction mondiale, qui aurait pu être
permanente. Elle était plus stable parce que l’environnement stratégique était plus ordonné;
chacun savait de quel côté il se trouvait et les États protégés étaient contrôlés par leurs
protecteurs.
3.
Aujourd’hui, l’environnement stratégique est moins menaçant, mais il est bien plus instable.
Notre réalité, ce sont des États non viables, le terrorisme international, les conflits tribaux, les
enfants soldats, le trafic d’êtres humains et les organisations criminelles transnationales. Les défis
qui se posent pour notre sécurité et notre bien-être sont multiples. L’aphorisme de Nietzsche selon
lequel «[…] la folie est rare chez les individus, mais elle est la règle dans les groupes, les parties,
les nations et les âges » l’illustre bien.
4.
Pour répondre à ces situations, nous avons adopté un discours inspiré par un ensemble de
concepts plus vastes et plus subtils que nous ne le pouvions auparavant. Nous parlons de sécurité
humaine, de renforcement des capacités, de caractère sacré de l’individu, de multilatéralisme et
de la nécessité de demander des comptes aux chefs d’Etat.
5.
Nous n’estimons plus que la quête d’une véritable sécurité pour chaque être humain soit
nécessairement contraire au fondement de la société internationale. L’intervention au sein des
États dans le but de protéger la population est désormais un principe accepté des relations
internationales. Le génocide survenu au Rwanda, il y a dix ans, nous a montré que cela pouvait
parfois être une obligation. Il s’agit-là de bien plus que de rêveries d’intellectuels dissidents ou
d’utopistes. Ce sont des tentatives d’appréhender une réalité que nous comprenons difficilement et
qui nous met mal à l’aise. Ce dont nous sommes certains, c’est que le terme « sécurité » signifie
aujourd’hui qu’il faut composer avec des formes de domination et d’insécurité sur lesquelles nous
avons longtemps fermé les yeux ou que nous avons sacrifiées sur l’autel de la Realpolitik.
6.
Du fait de la primauté de l’État dans la pensée stratégique, la signification de la sécurité
s’appliquant aux individus n’est plus la même que celle s’appliquant à l’État. Pour que la sécurité
soit un concept sensé au niveau international, il faut qu’elle le soit également au niveau de
l’individu. Ainsi, pour comprendre la complexité des menaces pour la sécurité, nous devons étudier
les données de base non seulement à travers les perceptions et les antécédents des hommes
d’États et des diplomates mais également en prenant en compte les expériences de ceux que
l’ordre international actuel insécurise. L’aide étrangère demeure importante, mais nous avons
aujourd’hui accepté le fait que le principe de la souveraineté des États puisse être violé pour
sauver ceux que l’État et ses agents menacent. La sécurité des personnes comprend au premier
chef la sécurité physique – la sécurité fondamentale de l’individu. Sans elle, l’aide étrangère ne
demeure guère plus qu’une aumône pour ceux qui sont sur le chemin d’un désespoir permanent.
7.
La langue de la Realpolitik cède lentement aux principes plus nuancés et humanitaires du
pouvoir discret et de la sécurité humaine. Grâce à cette nouvelle terminologie, nous avons pu
élargir nos horizons et mettre à l’avant-plan des préoccupations en matière de sécurité qui étaient
auparavant reléguées à l’arrière-plan, quand on daignait s’en occuper. C’est en partie à la suite de
cette nouvelle pensée que nous pouvons sérieusement nous pencher sur les répercussions de la
dégradation de l’environnement pour notre sécurité commune à long terme.
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8.
Même si nos horizons peuvent s’élargir sur le plan intellectuel, il faut se rappeler que les
soi-disant menaces non traditionnelles à la sécurité ont toujours été présentes. La maladie, la
criminalité, la pauvreté, la malnutrition, le terrorisme, la dégradation de l’environnement, etc., ne
sont pas nouveaux. Ils ont toujours fait partie de la condition humaine. Si nous ne nous y sommes
pas véritablement attaqués par le passé, c’est essentiellement en raison de la pauvreté, des
théories antérieures et de notre incapacité de faire face aux réalités de la politique mondiale. Bien
que déconcertant pour certains, l’après-Guerre froide, malgré la myriade de problèmes laissés
dans son sillage, offre de nouveaux horizons prometteurs. Pour en tirer parti, il nous faut recourir à
l’approche intellectuelle appropriée pour que nous puissions retrouver notre chemin dans ces
nouveaux labyrinthes ainsi que la volonté politique de nous attaquer aux enjeux qui se présentent.
9.
La croissance démographique, l’immigration, la rareté des ressources et la dégradation de
l’environnement sont perçues comme ayant deux types de répercussion sur la sécurité. D’abord,
elles peuvent nuire à la sécurité soit directement, comme ce serait le cas d’un accident nucléaire,
soit indirectement, par des modifications négatives de la société. À titre d’exemple, le
gouvernement des États-Unis a récemment décidé de définir le SIDA comme un problème de
sécurité. Ce qui est surtout important, c’est que les préoccupations citées sont transnationales et
de nature mondiale. Dans de nombreux cas, les États ne peuvent s’y attaquer efficacement seuls,
car leur gestion exige une coopération internationale. Certaines, comme le SIDA, sont des risques
immédiats, tandis que d’autres le sont à plus long terme.
II.
FACTEURS DE RISQUE POUR LA STABILITÉ GÉOPOLITIQUE MONDIALE
10. Dans un rapport intitulé : State of the World 2005 : Trends and Facts, le World Watch
Institute décrit les cinq facteurs suivants comme présentant des risques croissants :
•
Ressources naturelles : Elles sont à l’origine de nombreux conflits. Les ressources non
renouvelables comme le pétrole et les minéraux alimentent des rivalités géopolitiques et des
conflits avec les populations indigènes et, parfois, financent les guerres civiles. Des
différends surgissent également au sujet de ressources naturelles renouvelables comme
l’eau, les terres arables et les forêts. Les effets d’une dégradation de l’environnement
renforcent souvent les iniquités sociales et économiques ou exacerbent les fractures
ethniques et politiques.
•
Pénurie alimentaire : La pénurie alimentaire résulte de la conjugaison des facteurs
suivants : pauvreté, manque d’eau, répartition inégale des terres et dégradation de
l’environnement. À peu près 1,4 milliard de personnes, dont la presque totalité vit dans des
pays en développement, vivent dans un environnement précaire en raison de l’aridité, d’une
productivité trop faible, d’une pénurie de terres ou encore de la pauvreté des sols.
•
Maladie : Les maladies peuvent parfois être répandues au point de saper les bases de
l’économie et menacer la stabilité sociale. Les maladies infectieuses et autres pathologies
traversent toujours plus aisément les frontières. La menace actuelle d’une pandémie de
grippe aviaire pourrait avoir, si elle se concrétise, des effets catastrophiques à l’échelle
mondiale. Le SIDA, quant à lui, paralyse les sociétés à tous les niveaux. Il mine aussi la
résilience globale des États d’une part, et la capacité de ces derniers à gouverner les
populations et de répondre à leurs besoins fondamentaux d’autre part.
Pénurie d’emploi, incertitude économique et croissance démographique rapide : Il
s’agit là d’un mélange parfois explosif. Le chômage des jeunes connaît une flambée jusque
là inconnue. Et, lorsque des quantités de jeunes hommes sont frustrés dans leur quête de
position sociale et de moyens de subvenir à leurs besoins, ils peuvent constituer une force
•
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déstabilisatrice si leur mécontentement les pousse vers la criminalité ou vers des milices ou
groupes extrémistes.
11. Le dernier facteur de risque identifié par le World Watch Institute est la dégradation de
l’environnement, qui constituera le principal sujet du présent document. Cette dégradation
combinée à d’autres actions humaines risquent de précipiter des catastrophes naturelles et
sociosanitaires plus meurtrières. Selon plusieurs observateurs, leur fréquence devrait s’accélérer à
mesure que les changements climatiques se traduiront en tempêtes, ouragans, inondations,
vagues de chaleur et sécheresses plus intenses. Il pourrait en résulter un nombre croissant de
réfugiés pour cause écologique et une prolifération de certaines maladies graves comme la
malaria.
III.
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : UNE MENACE A LONG TERME ?
12. L'atmosphère joue un rôle vital dans le maintien des températures terrestres à des niveaux qui
permettent la vie sur terre. Ce mécanisme régulateur est ce que l'on appelle l'effet de serre, par
lequel certains composants de l'atmosphère, les gaz à effet de serre, retiennent la chaleur. Les
gaz à effet de serre les plus répandus sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane et l'oxyde
d'azote. Ils sont le résultat de processus naturels et de beaucoup d'activités humaines, notamment
la combustion des combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz ainsi que les
activités agricoles telles que l'élevage du bétail et la culture du riz. L'existence de l'effet de serre
est incontestable; sans lui, la Terre serait trop froide pour être habitée.
13. Au cours des dernières années, plusieurs études scientifiques ont fait état des conséquences
néfastes des changements climatiques provoqués par une augmentation des émissions de gaz à
effet de serre, non seulement pour les divers écosystèmes terrestres, mais aussi sur l’économie,
l’agriculture et les politiques sociales de plusieurs pays. Les médias rapportent souvent, à l’aide
d’images ou de récits sensationnalistes, des catastrophes météorologiques attribuées
automatiquement au réchauffement de la planète.
14. Bien que les bases scientifiques sur lesquelles repose la théorie des changements
climatiques soient d’une extrême complexité, que l’avis des scientifiques soit coloré d’incertitudes
vu l’existence de nombreux modèles de prévisions météorologiques et, enfin, que plusieurs
groupes d’intérêts aux idées divergentes exercent des pressions importantes auprès des
décideurs politiques afin de faire reconnaître leur point de vue dans les politiques
gouvernementales de nombreux États, une chose demeure : depuis le début de la révolution
industrielle, au XIXe siècle, le climat de la Terre s’est réchauffé et ce phénomène est
particulièrement imputable aux activités industrielles des humains.
15. Déjà, en 1998, la Commission des sciences et des technologies de l’AP-OTAN avait étudié
dans un rapport spécial cette question ainsi que les options qui s’offraient aux décideurs politiques,
notamment le Protocole à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques, relatif à une réduction des émissions de gaz à effet de serre (le Protocole de Kyoto),
pour réduire les effets du réchauffement des températures.1
16. Or, de nouvelles données publiées au cours des dernières années sur les changements
climatiques ont provoqué une prise de conscience, voire une grande inquiétude auprès des
scientifiques et de nombreux gouvernements. Jusqu’à tout récemment, la plupart des études
climatologiques présentaient leurs effets à long terme de façon linéaire et graduelle, s’étendant sur
1
Voir Ibrügger, Lothar. De Kyoto à Buenos Aires : L’accord sur les émissions de gaz à effet de serre.
Bruxelles. Commission des sciences et des technologies – Assemblée parlementaire de l’OTAN.
1998.
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plusieurs décennies au gré de l’influence naturelle et humaine. Aujourd’hui, elles n’écartent plus la
possibilité que, passé un certain seuil critique difficilement déterminable, le réchauffement des
températures pourrait entraîner des changements climatiques brusques et irréversibles engendrés
par un refroidissement des températures dans l’hémisphère Nord.
17. En 2002, la National Academy for Science définissait de la façon suivante ce phénomène qui
pourrait avoir des conséquences majeures environnementales, économiques, politiques et
géostratégiques pour tous les pays de la communauté de l’Atlantique Nord :
« Les changements climatiques brutaux se réfèrent généralement à une
modification importante du climat qui perdure pendant plusieurs années, avec des
effets sur la température moyenne. Ils peuvent altérer les modèles climatiques qui
provoquent les tempêtes, les inondations ou les sécheresses. Ils se produisent sur
une superficie géographique qui peut atteindre la dimension d’un pays, voire d’un
continent. Ils surviennent tellement rapidement et soudainement que les humains
ou les écosystèmes peuvent difficilement s’y adapter. Lorsqu’on mentionne les
changements climatiques brusques survenus par le passé, le terme « rapidement »
signifie habituellement qu’ils s’étalent sur une période d’une décennie. »2
(Traduction)
18. En 2001, le Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) – créé
conjointement, en 1988, par l’Organisation météorologique mondiale et le Programme pour
l’environnement des Nations Unies – a publié son Troisième rapport d’évaluation sur les
changements climatiques.3 Ce groupe a pour mission de fournir une évaluation des connaissances
relatives à tous les aspects de l’évolution du climat, et notamment de la façon dont les humains
peuvent à la fois causer de tels changements et en subir les effets.4
19. Après avoir présenté divers scénarios de réchauffement climatique, le GIEC mentionnait que
de nombreux pays devaient s’attendre, au cours du XXIe siècle, à une instabilité climatique accrue
et une augmentation en intensité et en fréquence d'événements météorologiques comme El Nino
dans l’océan Pacifique Sud. Ils devaient aussi envisager des changements brusques dans certains
écosystèmes dont plusieurs pourraient être irréversibles.5 Enfin, le groupe d’experts précisait aussi
que la communauté internationale pourrait assister à l’affaiblissement de la circulation océanique
notamment dans la région de l’Atlantique Nord.
20. En 2002, une autre étude importante réalisée par un groupe d’experts, cette fois-ci, pour le
compte de la prestigieuse National Academy for Science, évoquait un scénario semblable.6 Selon
d’importantes recherches paléoclimatologiques menées au cours des dernières années, le rapport
concluait que le climat a parfois évolué très rapidement, de façon brusque, au cours des
100 000 dernières années et qu’un tel phénomène pourrait se reproduire prochainement dans
2
3
4
5
6
Collaboration. Abrupt Climate Change: Inevitable Surprises – Report in Brief. Washington. National
Academy Press. 2002. p. 1.
Collaboration. Climate Change 2001 : IPCC Third Assessment Report. Cambridge University Press,
Cambridge, 2001, 398 p.
Le GIEC est composé de trois groupes de travail. Les attributions de ces groupes sont les suivantes : le
Groupe I doit étudier les aspects scientifiques du système climatique et de son évolution; le Groupe II
s’intéresse aux incidences des changements climatiques et aux moyens de s’adapter à ces
changements; enfin, le Groupe III examine les diverses possibilités d’atténuer les changements
climatiques. Le GIEC a produit un premier grand rapport d’évaluation en 1990 et un deuxième en 1996.
Collaboration. Climate Change 2001: Synthesis Report – Summary for Policymakers. 2001. pp. 14-15.
Collaboration. Abrupt Climate Change: Inevitable Surprises. Washington. National Academy Press.
2002, 244 p.
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5
l’hémisphère Nord.7 Encore une fois, le rapport affirmait que l’affaiblissement, voire l’interruption
complète, de la circulation océanique dans la région de l’Atlantique Nord, pouvait être responsable
de ces changements.
21. Une telle possibilité semble avoir inquiété les autorités gouvernementales américaines au
plus haut point. En effet, au moment même où le terrorisme international était perçu comme étant
la plus grande menace à la sécurité nationale des États-Unis, le Département américain de la
Défense a publié, en 2004, un rapport sur les effets possibles d’un changement climatique
brusque engendré par un refroidissement des températures dans l’hémisphère Nord, les
conséquences politiques et économiques régionales et mondiales d’une telle situation et,
finalement, ses implications pour la sécurité nationale des États-Unis.8
22. Cela dit, avant d’approfondir les changements climatiques brusques et leurs conséquences
pour la communauté de l’Atlantique Nord, il est important d’expliquer brièvement les mécanismes
qui peuvent les engendrer. Dans ce domaine, les recherches scientifiques tendent à démontrer
que le réchauffement présentement en cours dans l’Arctique pourrait être l’un des éléments
déclencheurs de ce phénomène.
IV.
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LE RECHAUFFEMENT DE L’ARCTIQUE
23. En 2001, le troisième rapport du GIEC démontrait que la décennie des années 90 avait été
la plus chaude jamais enregistrée depuis 1861 – année où l’on entrepris de consigner les
températures enregistrées à divers endroits du globe dans des registres – et que l’année 1998
était celle où les températures furent les plus élevées. Ces changements ne se sont toutefois pas
produits de façon uniforme et varient selon les régions et les différentes parties de la basse
atmosphère. À titre d’exemple, entre 1910 et 1945, le réchauffement était principalement
concentré dans la région de l’Atlantique Nord. Par la suite, de 1945 à 1975, les températures dans
cette même région, tout comme celle de l’hémisphère Nord, se sont légèrement refroidies alors
qu’elles augmentaient dans l’hémisphère Sud. La période de réchauffement la plus récente (19761999) a concerné la presque totalité de la planète, bien que les hausses les plus marquées aient
été enregistrées aux latitudes moyennes et élevées de l’hémisphère Nord. 9
24. En somme, le GIEC établit l’augmentation mondiale de la température à +0,6 degré Celsius
(°C) tout au long du XXe siècle.10 Le rapport souligne que cette augmentation résulte d’un
accroissement rapide des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, notamment de CO2. En effet,
les recherches paléoclimatologiques récentes ont évalué les concentrations de CO2 dans
l’atmosphère à 280 parties par million (ppm) pour la période s’étalant de l’an 1000 à l’an 1850. En
2000, ce taux est passé à 368 ppm, soit une augmentation de 31 % depuis le milieu du
XIXe siècle! À cet égard, le GIEC affirme : « La concentration actuelle de CO2 n’avait encore
jamais été atteinte au cours des 420 000 dernières années et probablement pas non plus au cours
des 20 millions d’années précédentes. Le taux d’augmentation actuel est sans précédent depuis
7
8
9
10
La paléoclimatologie analyse les données historiques comme celles qui proviennent de carottes de
glace prélevées dans les régions polaires, particulièrement dans le but de mieux comprendre les effets
des activités humaines sur les processus climatiques. Les meilleurs exemples de variation climatique
sont illustrés par les périodes de glaciation et de réchauffement. Les mécanismes sous-jacents à de
tels changements incluent les courants marins, la dérive des continents liée à la tectonique des
plaques, mais aussi les variations cycliques de l’orbite annuelle de la Terre autour du Soleil et de
l’inclinaison de son axe par rapport au plan de cette orbite dite écliptique.
Randal, Doug et P. Shwartz. An Abrupt Change Scenario and Its Implications for United States National
Security. Washington. United States Department of Defence, 2003. 22 p.
Collaboration. Bilan des changements climatiques 2001 : Les éléments scientifiques – Rapport du
Groupe de travail 1 (GIEC). Cambridge. Cambridge University Press. 2001. p. 25.
Ibid., p. 25 (supra, Note 9)
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au moins 20 000 ans. »11 En février dernier, l’Institute for Public Policy Research du Royaume-Uni
a publié une étude établissant à 400 ppm le seuil critique de concentration de CO2 au-delà duquel,
le réchauffement de la température mondiale pourrait entraîner des changements climatiques
brusques et, parfois, irréversibles. Selon cette dernière, il pourrait être franchi au cours des
prochaines décennies et provoquerait une augmentation de la température mondiale moyenne
d’au moins 2oC.12 Cela dit, bien que plusieurs scientifiques aient publié, au cours des dernières
années, diverses hypothèses afin d’établir ce seuil, il n’existe aucun consensus sur cette
importante question.
25. Le rapport du GIEC précise également que la majeure partie du réchauffement climatique
provoqué par l’augmentation des émissions de CO2, depuis 1950, est causée par des facteurs
anthropiques, c’est-à-dire par le biais d’activités humaines. Ainsi, toujours selon le groupe
d’experts onusiens, près de 75 % de ces émissions sont provoqués par la combustion de
combustibles fossiles. Le reste est imputable essentiellement aux modifications dans l’utilisation
des sols et, plus particulièrement, au déboisement dans les pays en voie de développement.13 Ce
réchauffement a eu plusieurs effets sur les écosystèmes, dont :
•
•
•
•
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•
•
•
une élévation du niveau des océans de 1 à 2 millimètres annuellement au cours du
XXe siècle, soit entre 10 et 20 centimètres au cours de cette période14;
une augmentation du nombre d’événements de type El Nino dans l’océan Pacifique Sud au
cours des 30 dernières années, événements qui s’étalent sur une plus longue période et
dont l’intensité est plus forte qu’auparavant15 ;
une hausse, entre 1950 et 1993, d’environ 0,2°C tous les dix ans des températures
quotidiennes minimum de l’air relevées de nuit à la surface. Cela représente environ le
double du taux d’augmentation des températures journalières maximum de l’air relevées
pendant la journée, soit 0,1°C toutes les décennies pour la même période;
une diminution de plus de deux semaines de la période de gel des lacs et rivières dans
l’hémisphère Nord16 ;
un allongement de la saison de croissance biologique d’un à quatre jours par décennie au
cours des 40 dernières années dans cette même région17;
une augmentation des précipitations de 0,5 à 1 % toutes les décennies sous la plupart des
latitudes moyennes et élevées de l’hémisphère Nord, comparativement à seulement 0,2 à
0,3 % dans les zones tropicales18;
une réduction importante du nombre de glaciers situés dans les montagnes à l’extérieur des
régions polaires notamment dans les Alpes et en Europe;19
une diminution, d’après les données recueillies par satellite, de la couverture de neige
d’environ 10 % depuis la fin des années 60.20
26. Comme on peut le constater, plusieurs des effets susmentionnés se sont produits dans
l’hémisphère Nord principalement dans la région de l’Arctique, largement reconnue comme étant
l’habitat des Inuits et des ours polaires. À cet égard, le GIEC affirme : « L’Arctique est
extrêmement vulnérable aux changements climatiques et des incidences physiques, écologiques
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
Ibid., p. 6. (supra, Note 9)
International Climate Change Task Force. Meeting the Climate Challenge. Londres. Institute for Public
Policy Research. 2005. p. 4
Ibid., p. 6 (supra, Note 9)
Ibid., p. 6 (supra, Note 9)
Ibid., p. 6 (supra, Note 5)
Ibid., p. 6 (supra, Note 5)
Ibid., p. 6 (supra, Note 5)
Ibid., p. 28 (supra, Note 9)
Ibid., p. 29 (supra, Note 9)
Ibid., p. 29 (supra, Note 9)
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7
et économiques majeures devraient être observées rapidement. Une variété de mécanismes de
rétroaction entraînera une réponse amplifiée, avec des effets sur d’autres systèmes et populations
[ailleurs dans le monde]. »21 En 2001, le groupe d’experts inter-gouvernemental mettait davantage
l’accent sur les conséquences du réchauffement global en Arctique qu’en Antarctique puisque,
mise à part une augmentation de la température dans la péninsule antarctique, les données
scientifiques disponibles combinées aux prévisions climatiques pour le XXIe siècle, démontraient
que les incidences d’un tel phénomène s’étaleraient sur une plus longue période au pôle Sud.
27. Contrairement à ce que les scientifiques ont observé sur la majeure partie du territoire de
l’Arctique, plusieurs régions de l’Antarctique ne se sont pas réchauffées au cours des dernières
décennies. De plus, aucune évolution significative de la surface des glaces de mer n’y a été
enregistrée depuis 1978, date à laquelle a commencé la période des mesures fiables par satellite.
Selon le GIEC, la masse de la calotte glacière de l’Antarctique devrait augmenter, dans son
ensemble, au cours des prochaines décennies, mais après un réchauffement continu, elle pourrait
diminuer sensiblement, et contribuer de plusieurs mètres à l’élévation du niveau de la mer prévue
au cours des 1 000 années à venir.
28. Plusieurs scientifiques expliquent ces prévisions différentes pour les deux pôles par le fait
que la majeure partie de la calotte glaciaire antarctique est située sur un continent où les
températures dépassent rarement le point de congélation plutôt que sur l’océan comme c’est le
cas au pôle Nord où les températures sont plus clémentes lors de la période estivale, influençant
ainsi davantage la couverture de neige et de glace et l’évolution du climat.22
29. Cela dit, en novembre 2004, le Conseil de l’Arctique – un forum intergouvernemental qui
regroupe les pays ayant une frontière avec cette région polaire – a publié une importante étude
réalisée au cours des quatre dernières années par plus de 300 scientifiques provenant de 15 pays
ayant trait aux conséquences des changements climatiques sur cet important et fragile
écosystème.23
30. Les constats de cette étude sont troublants et confirment certaines observations du GIEC.24
L’Arctique se réchauffe plus rapidement que d’autres régions du monde et les effets de ce
réchauffement seront ressentis à travers le monde au cours du XXIe siècle. Trois raisons
expliquent l’influence de l’Arctique sur le climat mondial. D’abord, grâce à l’importante couverture
de neige et de glace qui s’y trouve, la majeure partie de l’énergie solaire est réfléchie vers
l’espace, contrairement à ce qui se produit dans les régions tropicales. Ce phénomène se nomme
l’albédo. À titre d’exemple, la glace marine réfléchit près de 90 % de l’énergie solaire. De surcroît,
cet écosystème joue également un grand rôle dans la circulation océanique de l’Atlantique Nord.
Enfin, toute augmentation de la température du pergélisol (qui contient du méthane) et toute
modification de la végétation arctique combinée à la diminution de la couverture de neige et de
glace pourrait réduire l’albédo de la région arctique, contribuer davantage au réchauffement global
et augmenter la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
31. Par ailleurs, l’étude du Conseil de l’Arctique a révélé que la température moyenne dans cette
région, malgré certaines variations locales, a augmenté deux fois plus rapidement que celle de la
21
22
23
24
Collaboration. Bilan des changements climatiques 2001 : Conséquences, adaptation, vulnérabilité –
Rapport du Groupe de travail II (GIEC). Cambridge. Cambridge University Press. 2001. p. 65.
New, Mark. « Arctic Climate Change with a 2oC Global Warming ». p. 8. Dans L. Rosentrater. 2o is too
much: Evidences and Implications of Dangerous Climate Changes in the Artic. Norvège. LDR
Consulting for World Wildlife Fund. 2005. 70 p.
Les membres du Conseil de l’Arctique sont le Canada, le Danemark (Groenland et Îles Faroe), les
États-Unis (Alaska), la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède, ainsi que les
communautés autochtones habitants le territoire de ces pays.
Collaboration. Impacts of a Warming Arctic: Arctic Climate Impact Assessment. Cambridge.
Cambridge University Press. 2004. 144 p.
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planète au cours des dernières décennies. À titre d’exemple, elle s’est accrue de 3°C à 4°C en
Alaska et dans l’Ouest du Canada au cours des 50 dernières années!25 Fait important à noter, ce
réchauffement est plus marqué lors de la saison hivernale. Les scientifiques expliquent cette
augmentation inhabituelle, sans commune mesure avec le passé, par l’augmentation des gaz à
effet de serre causée principalement par des facteurs anthropiques.
32. Cette hausse marquée des températures combinée à d’autres facteurs comme les vagues et
les courants marins ont eu pour effet de réduire (comme le démontrent les images 1 et 2)
l’étendue annuelle moyenne de la glace de mer de près de 8 % ou de plus d’un million de
kilomètres carrés au cours des 30 dernières années, une superficie plus grande que les territoires
réunis de la Norvège, la Suède et du Danemark.26 Non seulement la superficie de la calotte
glacière recouvrant l’océan Arctique diminue rapidement, mais son épaisseur est aussi affectée
par les changements climatiques. Depuis 1960, son épaisseur moyenne a diminué de 10 à 15 %,
certaines régions démontrant une réduction de 40 %.27 Du côté de la couverture de neige sur la
partie continentale de l’Arctique, cette dernière a diminué de 10 % au cours des 30 dernières
années.28 Une étude publiée récemment par le Fonds mondial pour la nature (WWF) démontrait
un allongement de la période de fonte de la glace marine et de la neige de l’ordre de 13 jours pour
la calotte glaciaire située sur l’océan Arctique, de quatre jours pour celle située sur le Groenland,
et de cinq jours pour le Nord du Canada et de l’Alaska.29
Image 1 : Étendue de la glace marine, 1979
Source : NASA (2003)
Image 2 : Étendue de la glace marine, 2003
Source : NASA (2003)
33. Les auteurs de l’étude du Conseil de l’Arctique, tout comme ceux de celle réalisée pour le
compte du WWF, soulignent que ces changements sont irréversibles et qu’ils menacent déjà la
survie de nombreuses espèces animales telles que les ours polaires, les éléphants de mer, les
phoques et certaines espèces d’oiseaux qui dépendent de la glace marine ou de la neige pour leur
nourriture, leur reproduction ou leur habitat. Dans le cas des ours polaires, la réduction de
l’étendue de la glace marine combinée à sa formation tardive à l’automne ainsi qu’à sa fonte
prématurée au printemps dans la baie d’Hudson, au Canada, ont déjà des effets significatifs. Ainsi,
entre 1981 et 1998, les ours polaires ont subi une diminution de 15 % tant au niveau de leur poids
que du nombre de naissances. Plus les femelles sont maigres, plus leurs nouveau-nés risquent
d’être en mauvaise santé ou de mourir prématurément. 30
25
26
27
28
29
30
Collaboration, Impacts of a Warming Arctic: Arctic Climate Impact Assessment – Supporting Evidence
for the Key Findings. Cambridge. Cambridge University Press. 2004. p. 23.
Ibid., p. 25 (supra, Note 24)
Ibid., p. 25 (supra, Note 24)
Ibid., p. 31 (supra, Note 24)
Comiso, Josefino O. « Impact Studies of a 2oC Global Warming on the Arctic Sea Ice Cover ». p. 50.
Dans L. Rosentrater,. 2o is too much: Evidences and Implications of Dangerous Climate Changes in
the Artic. Norvège. LDR Consulting for World Wildlife Fund. 2005. 70 p.
Ibid., p. 58 (supra, Note 24)
180 STC 05 F
9
34. Bien que certaines incertitudes scientifiques persistent quant aux moyens de mesurer
efficacement les précipitations dans un environnement aussi froid que celui de l’Arctique, ces
dernières ont également augmenté de 8 % au cours du XXe siècle. Fait inquiétant, la majeure
partie de cette augmentation s’est produite sous forme de pluie, notamment au cours de l’hiver et,
dans une moindre mesure, de l’automne et du printemps. Dans certaines régions comme l’Ouest
de la Russie, les épisodes de précipitations liquides ont augmenté de 50 % au cours des
50 dernières années.31
35. L’augmentation des températures dans l’Arctique a également eu des effets sur les
différentes zones de végétation de la région qui comprend, du nord au sud, le désert polaire, la
toundra et la forêt boréale. N’oublions pas que les étendues forestières et boisées situées dans
l’Arctique constituent près de 30 % de la totalité des forêts de la planète et que la forêt boréale, à
elle seule, couvre 17 % de la superficie terrestre. Comme nous le verrons plus loin, les effets les
plus dommageables et irréversibles surviendront, dans ce domaine, au cours du XXIe siècle.
36. Tous ces changements sont bien perceptibles pour les communautés autochtones qui vivent
dans l’Arctique. À titre d’exemple les Inuits qui habitent le Nord du Canada depuis des centaines
d’années affirment que la hausse des températures menace l’environnement dont découle leur
mode de vie ancestral. Ainsi, au fil des ans, ils ont remarqué une diminution du nombre d’ours
polaires, une augmentation du nombre de tempêtes estivales, un dégel important du pergélisol qui
provoque l’érosion des côtes et des dommages significatifs aux infrastructures routières et
économiques vitales au développement du Grand Nord, l’arrivée de nouvelles espèces animales et
marines provenant du Sud du pays et, enfin, l’inefficacité croissante, vu l’instabilité climatique, des
méthodes traditionnelles de prévisions météorologiques pour organiser les excursions de chasse
et de pêche. Ces observations sont confirmées entre autres par les autochtones vivant en Alaska,
une région où les côtes formées par le pergélisol de la mer de Barents (située au Sud-Ouest de
l’océan Arctique) ont subi une forte érosion en raison de l’accroissement du nombre de tempêtes
violentes.32
V.
L’INTENSIFICATION DU RECHAUFFEMENT DANS L’ARCTIQUE AU COURS DU
XXIe SIECLE
37. Malheureusement, les prévisions climatiques pour le XXIe siècle ne sont pas optimistes tant
pour l’ensemble de la planète que pour l’Arctique. En 2001, le rapport précité du GIEC prévoyait,
selon six modèles de prévisions climatiques, une augmentation moyenne des températures
mondiales de 1,4°C à 5,8°C d’ici l’an 2100. Ces hausses sont fondées sur une augmentation des
concentrations de CO2 dans l’atmosphère, pour la même période, de 540 à 970 ppm.33 Ainsi,
l’augmentation des températures moyennes susmentionnée serait, selon les divers scénarios, de
deux à dix fois plus importante que celle enregistrée au cours du XXe siècle et, en tenant compte
des données paléoclimatologiques, sans précédent depuis 10 000 ans.34 Le GIEC précise que,
malgré une stabilisation des émissions de CO2 au cours du XXIe siècle, les températures
continueront tout de même d’augmenter puisqu’il faudra plusieurs années pour que les
concentrations atmosphériques de ce gaz diminuent.
31
32
33
34
Ibid., p. 22 (supra, Note 24)
Ibid., pp. 78-81 (supra Note 24); Crowler, Paul, T. Fenge et S. Watt-Cloutier. « Responding to Global
Climate Change: The Perspective of the Inuit Circumpolar Conference on the Arctic Climate Impact
Assessment ». pp. 58-60. Dans L. Rosentrater. 2o is too much: Evidences and Implications of
Dangerous Climate Changes in the Artic. Norvège. LDR Consulting for World Wildlife Fund. 2005. 70
p.
Ibid., p. 8 (supra Note 5)
Ibid., p.8 (supra Note 5)
180 STC 05 F
10
38. Toujours selon les six scénarios de prévisions climatiques, le rapport du GIEC prévoit,
malgré certaines variations régionales, une augmentation des précipitations annuelles de l’ordre
de 5 à 20 %. Elles augmenteront notamment au cours des périodes estivales et hivernales dans
l’hémisphère Nord. Toujours selon ces mêmes modèles, le niveau des océans – sous l’effet
combiné de la fonte des glaces et de la neige et de la hausse à la fois des précipitations et de la
température de l’eau – augmenterait de 9 à 88 centimètres, ce qui menacerait les populations
habitant sur les côtes de nombreux pays comme le Bangladesh, le Sénégal ou celles des États de
la Floride et de la Louisiane, aux États-Unis.35
39. Tout comme les changements climatiques observés dans l’Arctique au XXe siècle, ceux qui
s’y produiront d’ici 2100 seront plus importants que ceux observés à l’échelle mondiale.
40. Ainsi, se basant sur cinq modèles de prévisions tenant compte de différentes variables
pouvant influencer le climat de cette région, les auteurs de l’étude publiée par le Conseil de
l’Arctique prévoient que la température moyenne annuelle augmentera, d’ici l’an 2100, de 3°C à
5°C près de la surface terrestre et de 4 à 7°C au-dessus de l’océan. Cette hausse sera plus
prononcée au cours de la période hivernale avec des augmentations respectives de 4°C à 7°C et
de 7°C à 10°C. Au niveau régional, les températures augmenteront, de façon importante, dans le
nord de la Russie et du Canada.36
41. Les incidences du réchauffement important des températures seront multiples. D’abord, les
précipitations, principalement sous forme de pluie, augmenteront de plus de 20 % d’ici la fin du
XXIe siècle à la suite de l’évaporation accrue de l’eau provenant de la fonte de la glace et de la
neige. Elles seront concentrées dans les zones côtières au cours de l’automne et de l’hiver.
L’accroissement des précipitations lors de ces deux saisons pourrait atteindre, à lui seul, près de
30 %.37
42. Du côté de la glace marine, les cinq modèles utilisés par le Conseil de l’Arctique prévoient,
toujours d’ici 2100, une réduction additionnelle de son étendue de l’ordre de 10 à 50 %. Ce
phénomène inquiétant sera accentué au cours de l’été puisque les données des chercheurs
prévoient une réduction de plus de 50 % de l’étendue de la glace marine estivale pour la même
période. Certains modèles prédisent même la disparition presque complète de la calotte glaciaire
de l’océan Arctique au cours de l’été!38 Du côté du Groenland, les données précisent que le
réchauffement local des températures sera de 3°C au cours du XXIe siècle, ce qui enclenchera la
fonte à long terme et de façon irréversible de l’épaisse couche de glace qui recouvre la majeure
partie de ce territoire danois. Depuis 1979, la superficie affectée par la fonte de glace s’est accrue
de 16 %, une étendue comparable au territoire de la Suède. Les auteurs de l’étude affirment que,
même si les conditions climatiques se stabilisent au siècle prochain, la hausse aura été telle
qu’elle provoquera, au cours des prochains siècles, la disparition complète de la calotte glaciaire
continentale du Groenland, entraînant ainsi une hausse du niveau des océans de plus sept
mètres.39
35
36
37
38
39
Ibid., p. 9 (supra Note 5)
Ibid., pp. 26-27 (supra Note 24)
Ibid., p. 29 (supra Note 24)
Ibid., p. 30 (supra Note 24)
Ibid., p. 33 (supra Note 24)
180 STC 05 F
11
Image 3 :
Superficie projetée de la glace marine au cours du mois de septembre
tout au long du XXIe siècle selon la moyenne des cinq modèles
43. Le même phénomène affectera la couverture de neige sur la partie continentale de l’Arctique.
La superficie de cette dernière pourrait être réduite de 10 à 20 % d’ici 2100. Ainsi, avec le
réchauffement de la température, la neige fondra prématurément au printemps, augmentant le
débit d’eau douce des rivières qui se jettent dans les océans Arctique et Atlantique Nord.40
44. Dans un autre ordre d’idées, la composition de la végétation dans l’Arctique pourrait être
sérieusement modifiée, comme nous l’avons déjà mentionné. En effet, une étude publiée par le
WWF, en janvier dernier, précise qu’une augmentation de la température mondiale de 2°C, qui
pourrait survenir entre 2026 et 2060, provoquerait, d’ici la fin du XXIe siècle, une réduction des
zones abritant la toundra de 42 %, une augmentation de plus de 55 % des zones de forêt boréale
et la disparition complète de celles où se trouve actuellement le lichen.41 Ainsi, les limites de la
forêt boréale seraient repoussées plus au nord. Toutefois, l’étude réalisée pour le Conseil de
l’Arctique précise qu’une augmentation rapide des températures pourrait compromettre ce
scénario puisque la période de transition serait trop rapide, provoquant la mort des arbres et
l’apparition de nouveaux écosystèmes jusqu’alors inexistants dans l’Arctique.42 À titre d’exemple,
la forêt boréale en Sibérie pourrait disparaître dans certains endroits plutôt que de migrer vers le
nord. Autrement dit, les territoires abritant la savane côtoieraient directement la toundra.
45. De surcroît, l’étendue du pergélisol pourrait être grandement réduite et compromettre le
déplacement vers le nord de la forêt boréale. Ce type de sol qui recouvre la plupart de la surface
continentale de l’Arctique est constitué principalement de terre, de roches ou de sédiments dont la
température demeure sous 0°C pendant plus de deux années consécutives. Il existe deux
catégories de pergélisol. La première concerne le pergélisol continu, c’est-à-dire qui occupe la
totalité d’un territoire donné et dont la profondeur peut atteindre 1 500 mètres. On le retrouve
principalement en Alaska, dans le Nord du Canada, plus particulièrement dans les Territoires du
Nord-Ouest et du Nunavut, et en Sibérie. La deuxième catégorie englobe le pergélisol dit
sporadique ou discontinu. Ce dernier n’occupe que de dix à 90 % d’une surface terrestre dans
l’Arctique et sa profondeur n’atteint, tout au plus, que quelques mètres.
46. Habituellement, la partie supérieure, dite active, du pergélisol dégèle durant l’été. Or, au
cours des dernières décennies, les scientifiques et les communautés autochtones ont remarqué
40
41
42
Ibid., p. 31 (supra Note 24)
Kaplan, Jed O. « Climate Change and Arctic Vegetation ». p. 25. Dans L. Rosentrater. 2o is too much:
Evidences and Implications of Dangerous Climate Changes in the Artic. Norvège. LDR Consulting for
World Wildlife Fund. 2005. 70 p.
Ibid., p. 52 (supra Note 24)
180 STC 05 F
12
que la température de ce type de sol dans les zones sub-arctiques a augmenté de plusieurs
degrés Celsius pour atteindre +2oC, accentuant ainsi la profondeur du dégel. Dans certaines
régions, la portion active ne gèle plus au cours de l’hiver, ce qui provoque des dégâts
considérables aux infrastructures routières et économiques de l’Arctique.43 Ainsi, au cours des
30 dernières années, le ministère des Ressources naturelles de l’Alaska a dû réduire de 200 à 100
jours la période où des équipements lourds peuvent être utilisés pour l’exploration et l’exploitation
pétrolières et ce, à cause du dégel important du pergélisol.
47. A cet égard, le réchauffement des températures aura deux conséquences au cours du
XXIe siècle. Dans un premier temps, la zone de dégradation du pergélisol atteindra de 10 à 20 %
de la superficie totale où l’on trouve ce type de sol. Dans un deuxième temps, la frontière
méridionale où s’arrête le pergélisol reculera de plusieurs centaines de kilomètres notamment en
Alaska, au Canada et en Russie.44
48. Certains affirment qu’un tel changement sera bénéfique à long terme puisqu’il permettra à la
forêt boréale de se déplacer au nord d’une part, et qu’il favorisera l’exploitation de nouvelles terres
agricoles d’autre part. Pour que ces scénarios optimistes se réalisent, les changements
climatiques doivent se produire de façon linéaire et prévisible.
49. Or, comme dans le cas de la végétation, les auteurs de l’étude du Conseil de l’Arctique
affirment qu’un dégel rapide du pergélisol pourrait provoquer la mort des arbres et d’autres formes
de végétation qui s’y trouvent puisqu’ils seraient littéralement noyés par les importantes quantités
d’eau provenant du dégel du sol. Une fois complètement dégelée, l’eau contenue dans le
pergélisol pourrait tout simplement s’égoutter vers les réseaux d’eau souterrains, asséchant ainsi
les lacs et rivières dont dépend la survie de la population, des animaux, des poissons et des
oiseaux. Finalement, cela provoquerait la désertification partielle de certains territoires.45 Comme
nous le disions plus tôt, le dégel du pergélisol accroîtra aussi les émissions de gaz à effets de
serre puisqu’il contient du méthane provenant de la décomposition d’arbres et de la toundra
lorsqu’il est dégelé. Bien que présent en moins grandes quantités, ce gaz à effet de serre capture
23 fois plus de chaleur dans l’atmosphère que le CO2.
50. Ainsi, si les scénarios précités ayant trait à l’augmentation des températures, à la fonte de la
glace marine et de la neige, aux changements dans la végétation et au dégel important du
pergélisol se concrétisent, le réchauffement climatique s’accentuera dans l’Arctique, ce qui créerait
une forme de cercle vicieux dont il sera difficile de briser la dynamique.
51. À vrai dire, tous ces facteurs expliquent pourquoi l’Arctique se réchauffe plus rapidement que
tout autre endroit sur la planète. Premièrement, au fur et à mesure que la glace marine et la neige
fondent, le sol ainsi que l’océan absorbent davantage d’énergie solaire puisque le processus
d’albédo est grandement réduit, ce qui, combiné aux effets du dégel du pergélisol, augmente
davantage les températures dans l’Arctique. Deuxièmement, la réduction de la superficie
océanique recouverte de glaces marines fait en sorte que l’énergie solaire absorbée par l’océan au
cours de la période estivale est plus facilement transférable à l’atmosphère, ce qui explique, en
partie, la raison pour laquelle la température augmente plus rapidement en hiver qu’en été dans
cette région du globe. Enfin, les modifications des courants, tant océaniques qu’atmosphériques,
observées au cours des dernières décennies, influencent également le réchauffement de cette
région polaire.46
43
44
45
46
Ibid., p. 87 (supra Note 24)
Ibid., p. 87 (supra Note 24)
Ibid., pp. 91-92 (supra Note 24)
Collaboration. Impacts of a Warming Arctic: Arctic Climate Impact Assessment –Summary.
Cambridge. Cambridge University Press. 2004. p. 20.
180 STC 05 F
VI.
13
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES BRUSQUES : L’AFFAIBLISSEMENT DE LA
CIRCULATION OCEANIQUE DANS LA REGION DE L’ATLANTIQUE NORD
52. A première vue, le réchauffement de l’Arctique, outre certains avantages que nous avons
mentionnés quant à la végétation, pourrait favoriser, à condition que les changements se
produisent graduellement, le développement des communautés nordiques, dans le nord de la
Russie, en Alaska et au Canada dans les domaines de l’exploration minière et pétrolière. La fonte
des glaces marines pourrait également ouvrir de nouvelles voies maritimes hautement lucratives.
Si cela se produit, certains pays de la communauté de l’Atlantique Nord comme le Canada, les
États-Unis, la Norvège et la Finlande risquent d’être confrontés à de nouveaux défis économiques
et géostratégiques. Ils s’exposeront aussi à de possibles catastrophes environnementales dans un
écosystème déjà grandement fragilisé par les changements climatiques.
53. Cela dit, nous avons évoqué au début de cette étude un autre problème tout aussi inquiétant
susceptible de toucher la plupart des pays de l’hémisphère Nord. Nous avons mentionné que,
passé un certain seuil critique difficilement identifiable, le réchauffement global pourrait enclencher
des changements climatiques brusques tel un refroidissement marqué des températures dans
certaines régions du globe. Comment cela pourrait-il se produire et quel rôle joue l’Arctique dans
ce phénomène?
54. L’hémisphère Nord, plus particulièrement l’est de l’Amérique du Nord, l’Islande et l’Europe,
jouit d’un climat tempéré accompagné d’hivers doux. À cet égard, l’Europe est particulièrement
choyée. Alors que les villes de Londres, Paris et même Moscou bénéficient d’hivers où les
températures sont relativement clémentes et où il y a peu d’averses de neige, des villes situées à
des latitudes comparables au Canada doivent affronter des saisons hivernales où les
températures diurnes ne dépassent pas les -15oC pendant plusieurs jours et où les tempêtes de
verglas et de neige se succèdent laissant plusieurs dizaines de centimètres de glace et de neige
au sol entre les mois de novembre et mars.
55. Cette situation résulte de la circulation océanique planétaire qui traverse à la fois les océans
Atlantique, Antarctique, Indien puis Pacifique. Ce que certains appellent le Grand convoyeur des
océans transporte la chaleur provenant des zones équatoriales jusqu’aux latitudes nordiques.
Sans cette circulation, les températures seraient plus élevées dans la région de l’Équateur et plus
froides dans l’hémisphère Nord.
56. L’eau de surface des océans bénéficie d’un apport important de chaleur sous les tropiques
lui permettant d’atteindre des températures entre 25oC et 30oC alors que dans les régions polaires,
elle ne dépasse guère la température de congélation de l’eau de mer, soit -2 oC. Ainsi, il se forme
une couche d’eau chaude atteignant parfois une profondeur de plusieurs dizaines de mètres qui
est transportée vers le nord grâce au courant de l’Atlantique Nord, mieux connu sous le nom de
Gulf Stream. Près des côtes de l’Europe, du Groenland et de l’Islande, la température de l’eau se
refroidit puisque la chaleur s’évapore dans l’atmosphère. La chaleur est ensuite reprise par les
vents provenant de l’Ouest et soufflée vers l’Europe. Une fois libérées de cette chaleur, les eaux
de surface possèdent un taux de salinité élevé faisant en sorte qu’à mesure qu’elles se
refroidissent, elles s’enfoncent profondément dans l’océan pour rejoindre les eaux plus denses et
froides provenant de l’Arctique par le biais des courants du Labrador, du Danemark (Groenland) et
des Îles Faeroe, situées à l’ouest de l’Islande. Elles s’écoulent ensuite vers le sud, garantissant
l’apport constant d’eau chaude dans les latitudes nordiques.
57. Ce mécanisme marin illustré par l’image 4 est en perpétuel mouvement et, en conséquence,
joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Son fonctionnement dépend d’un fragile
équilibre entre l’eau douce et l’eau salée. Il porte le nom de « circulation thermohaline », thermo
qui signifie « chaleur » et haline qui représente la « salinité de l’eau » et permet d’amoindrir les
180 STC 05 F
14
différences de températures entre les régions équatoriales et les zones polaires.47 À cet égard,
l’Arctique joue un rôle important puisque la formation de glace marine permet de maintenir le taux
de salinité des eaux de mers, garantissant la formation d’eau plus dense qui alimente la circulation
thermohaline.48
58. Selon le Ocean and Climate Change Institute (OCCI) affilié au Woods Hole Oceanographic
Institution du Maryland aux États-Unis, l’influence décisive du courant de l’Atlantique Nord ne doit
pas être négligée puisque ce dernier permet de transporter deux fois plus de chaleur que ne le
feraient les courants marins engendrés par les vents. Or, selon les relevés de données
paléoclimatologiques réalisées par ce même institut, le courant de l’Atlantique Nord constitue
également le plus instable des chaînons de la circulation thermohaline mondiale.49
Image 4 :
Circulation thermohaline dans l’Atlantique Nord
Source: United States National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA)
59. Cette instabilité historique s’explique notamment par l’influence du réchauffement climatique
dans l’Arctique, quoique des recherches plus approfondies soient nécessaires au cours des
prochaines années pour confirmer cette théorie. Comme nous l’avons mentionné, l’augmentation
des températures fait fondre la glace marine ainsi que la neige beaucoup plus rapidement,
provoquant ainsi un afflux toujours plus grand d’eau douce dans l’océan Arctique qui s’écoule
ensuite vers l’océan Atlantique Nord. Combinée à l’augmentation des précipitations prévue par le
GIEC en 2001, l’accroissement du taux d’eau douce n’a pas seulement pour effet d’élever
légèrement le niveau des mers. Il brise également le fragile équilibre entre les masses d’eau
douce et celles plus salées. En d’autres mots, plus il y a d’eau douce dans l’océan Atlantique
Nord, plus le taux de salinité de l’eau située à basse latitude sera élevé, ce qui fait en sorte qu’une
fois franchi un certain seuil critique que les scientifiques ne peuvent pas établir à l’heure actuelle,
les eaux de surface ne seront plus assez denses pour plonger dans les profondeurs de l’océan et
perpétuer la circulation thermohaline. Suivant l’augmentation du niveau d’eau douce, la circulation
47
48
49
Ibid., pp. 35-36 (supra Note 24); Joyce, Terrance et Lloyd Keigen, Abrupt Climate Change: Are we on
the Brink of a New Little Ice Age? Wood Hole. Woods Hole Oceanographic Institution (Ocean and
Climate Change Institute), 7 p.
Ibid., p. 36 (supra Note 24)
Ibid., p. 4 (supra Note 46)
180 STC 05 F
15
thermohaline peut soit s’affaiblir ou complètement s’arrêter pour une période s’étalant sur plusieurs
décennies, voire plus d’un siècle.50
60. Les modèles utilisés par le OCCI précisent qu’un affaiblissement marqué ou une interruption
totale du courant de l’Atlantique Nord provoquerait une baisse de température dans l’hémisphère
Nord de 3 à 5oC, soit au moins le tiers des refroidissements climatiques recensés au cours des
périodes de glaciation majeures qu’a connues la Terre au cours des millénaires.
61. Ces modifications climatiques sont loin d’être négligeables. Selon l’OCCI, elles sont deux
fois plus importantes que celles observées lors des pires hivers dans l’est de l’Amérique du Nord.
Il est toutefois important de préciser qu’un refroidissement des températures dans l’hémisphère
Nord n’affectera pas la planète entière. En effet, les changements survenant dans les hautes
latitudes sont moins susceptibles, selon les climatologues, d’influencer le climat mondial que ceux
qui se produisent à basse latitude comme ceux engendrés par El Nino.51
62. Les données paléoclimatologiques utilisées non seulement par le OCCI, mais également par
les scientifiques de la National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA) des
États-Unis et par ceux qui ont réalisé l’étude précitée pour le compte du National Academy for
Science sur les changements climatiques brusques, tendent à démontrer qu’un affaiblissement
important du courant de l’Atlantique Nord aurait provoqué, il y a 12 700 ans, un refroidissement à
la fois brusque et marqué des températures dans l’hémisphère Nord, et ce pour une période de
1 300 ans. Ce phénomène se serait produit à la suite d’un réchauffement important des
températures à la fin de la dernière grande ère glaciaire, il y a 14 500 ans. Après un réchauffement
climatique rapide de plus de 10oC, les températures chutèrent brutalement, en l’espace de
quelques décennies, de plus de 5oC au Groenland. Cette période plus froide accompagnée d’un
climat sec est connue comme étant celle du Dryas Récent, du nom d’une fleur qui poussait en
Europe à cette époque. Ce refroidissement est survenu au moment même où les afflux d’eau
douce étaient très élevés dans l’océan Atlantique Nord. À l’époque, il n’était pas rare de trouver
des glaciers près des côtes du Portugal. Cette période s’est brusquement terminée, il y a 11 400
ans, par une augmentation de la température, toujours au Groenland, de 10oC en une seule
décennie !52
63. Un refroidissement de moindre envergure s’est produit dans l’hémisphère Nord, il y a
8 200 ans, après une période de réchauffement climatique semblable à celle que nous vivons
actuellement. Cet épisode où la température au Groenland a chuté de 5oC aurait également été
provoqué par un affaiblissement important du courant de l’Atlantique Nord.53 Plus récemment, des
données paléoclimatologiques suggèrent que le Petit Âge glaciaire qui a durement frappé l’Europe
de 1300 à 1850 aurait été causé à la fois par un affaiblissement du courant de l’Atlantique Nord,
des éruptions volcaniques et une baisse momentanée de l’énergie provenant du soleil. Au cours
de cette période, la température dans l’ouest de l’hémisphère Nord a baissé de 1oC, entraînant
une réduction des précipitations qui a durement affecté l’agriculture et l’économie européenne. La
rareté de la nourriture et d’autres ressources a également provoqué de nombreux problèmes
politico-militaires, de grandes famines – notamment au pays des Vikings entre 1315 et 1319 et en
Irlande où un million de personnes sont décédées - et des épidémies de pestes dévastatrices.
64. Dans son rapport publié en 2001, le GIEC affirme que, malgré le relevé de températures plus
chaudes au cours du Moyen Âge, les données paléoclimatologiques démontrent que, du XIe siècle
jusqu’au milieu du XIXe siècle, au début de la Révolution industrielle, la température de
50
51
52
53
Ibid., p.4 (supra Note 46), Ibid., p. 2 (supra Note 2), Ibid., pp. 8-10 (supra Note 9)
Ibid., p. 4 (supra Note 46)
Collaboration. Mechanisms that Can Cause Abrupt Climate Change. National Atmospheric and
Oceanographic Administration. United States Government, 3 p.
Ibid., p. 6 (supra Note 9), Ibid., (supra Note 2)
180 STC 05 F
16
l’hémisphère Nord affichait une tendance lourde à la baisse, tendance qui s’est brutalement
renversée comme le démontrent les données que nous avons déjà citées.54
65. Cela dit, le courant de l’Atlantique Nord pourrait-il de nouveau s’affaiblir au cours des
prochaines décennies au point que des épisodes comme le Petit Âge glaciaire ou, pire, le Dryas
Récent se reproduiraient, menaçant ainsi la stabilité économique, politique et géostratégique de
l’hémisphère Nord, notamment en Europe ? Au cours des dernières années, le magazine Nature a
publié une série d’études scientifiques fondées sur des observations récentes et des données
paléoclimatologiques qui confirment un certain affaiblissement du courant au cours des
40 dernières années, plus particulièrement depuis le début des années 90.55 En résumé, elles
affirment que le taux de salinité de l’eau dans l’Atlantique Nord, surtout celle qui provient des
courants profonds du Labrador, du Danemark et des Îles Faeroe, a légèrement diminué alors que
plus au sud, près de l’Équateur, il a légèrement augmenté, attaquant ainsi l’équilibre sur lequel
repose la circulation thermohaline dans cette région. D’ailleurs, plusieurs de ces études, tout
comme celle réalisée pour le Conseil de l’Arctique, constatent que la partie ouest de l’Atlantique
Nord s’est refroidie au cours des dernières années alors que l’Arctique s’est grandement
réchauffé.
66. Le 16 juin 2005, le magazine Science a publié une étude inédite financée par le Woods Hole
Oceanographic Institution et le Norwegian Research Council qui confirmait les constats
susmentionnés.56 Pour la première fois dans l’histoire scientifique, des experts ont évalué qu’une
quantité d’eau douce supplémentaire de 19 000 kilomètres cubes (km3) s’était écoulée de
l’Arctique vers l’Atlantique Nord, entre 1960 et 1995, par le biais des courants profonds situés à la
fois à l’ouest et à l’est du Groenland. Habituellement, 5 000 km3 d’eau douce s’écoulent
annuellement dans ces profondeurs marines. L’étude précise que près de la moitié de ce débit
supplémentaire s’est ajoutée, à la fin des années 60, à celui normalement enregistré faisant ainsi
augmenter ce dernier de plus de 40 %, soit à 7 000 km3.57 Malgré l’existence de plusieurs
incertitudes scientifiques qui devront être éliminées au cours de recherches subséquentes, les
auteurs de cette étude affirment tout de même que ce processus inquiétant devrait se poursuivre.
Ils précisent également que, au-delà d’un seuil critique difficilement identifiable qui pourrait être
franchi au cours du XXIe siècle, la circulation océanique dans l’Atlantique Nord pourrait être
perturbée d’ici 2200.
67. Les auteurs de toutes ces études ne disposent pas de données suffisantes pour confirmer
s’il s’agit d’un phénomène momentané ou d’une tendance lourde, annonciatrice de changements
climatiques importants à long terme pour l’Europe et l’Amérique du Nord, semblables à ceux
survenus dans le passé. Ils s’entendent toutefois pour dire qu’il s’agit peut-être là des
conséquences du réchauffement global des températures, de la fonte de la glace marine et de la
neige et, enfin, de la hausse des précipitations dans l’Arctique.
54
Ibid., (supra Note 20)
Voir Hansen, Bogl, S. Osterhus et W.H. Turrell. « Decreasing overflow from the Nordic seas into the
Atlantic Ocean through the Faroe channel since 1950”. Nature. Vol. 411. 21 juin 2001. pp. 927-930;
Dickson Bob, Stephen D., J. Holfort, J. Meincke, W.R. Turrell et I. Yashayaev. “Rapid Freshening of
the deep North Atlantic Ocean over the past four decades”. Nature. Vol. 416. 25 avril 2002. pp. 832837; Curry, Ruth, B. Dickson et I. Yashayaev. “A change in freshwater balance of the Atlantic Ocean
over the past four decades”. Nature. Vol. 426. 18-25 décembre 2003. pp. 826-829; Häkkinen et P.B.
Rhines. “Decline of Subpolar North Atlantic Circulation During the 1990s”. Science Magazine. Vol.
304. 23 avril 2004. pp. 555-559.
56
Curry, R et C. Mauritzen. « Dilution of the Northern North Atlantic Ocean in Recent Decades”. Science.
Vol. 308 No. 5279. Juin 2005. pp. 1772-1774
57
À titre de comparaison, le débit du fleuve Mississipi aux États-Unis est de 500 km3 par an et celui du
fleuve Amazone, le plus important de la planète, est de 5 000 à 6 000 km3.
55
180 STC 05 F
17
68. En 2001, le GIEC mentionnait dans son rapport que les modèles de simulation de
réchauffement climatique pour le XXIe siècle laissent entrevoir un affaiblissement du courant de
l’Atlantique Nord. Toutefois, au-delà de 2100, ces modèles prévoient que ce même courant
pourrait s’interrompre complètement, de façon irréversible, si le réchauffement se poursuit à un
rythme accéléré tout au long du XXIe siècle.58
69. Les auteurs de l’étude réalisée pour le compte du Département américain de la défense sur
les conséquences d’une interruption de la circulation thermohaline dans l’Atlantique Nord ont
fondé leur scénario sur l’épisode du refroidissement survenu il y 8 200 ans. Ils ont simulé un
affaiblissement marqué de cette dernière entre 2010 et 2020. Selon leur scénario, une telle
situation entraînerait une chute des températures dans l’hémisphère Nord de près de 5oC, une
diminution des précipitations de 30 % et une augmentation de la force des vents de 15 % au cours
de cette décennie.
70. Les auteurs affirment d’emblée que leur scénario ne repose sur aucune étude scientifique
spécifique qui prévoit sa concrétisation d’ici les 15 prochaines années et que, dans le cas
contraire, il se produirait plutôt sur plusieurs décennies ou siècles. Or, leur étude a le mérite de
simuler les effets sur l’homme, l’économie, la politique et la géostratégie qu’un tel refroidissement,
et plus particulièrement la baisse des précipitations aurait sur la communauté de l’Atlantique Nord.
71. Certains diront que cet événement ne se concrétisera peut-être jamais ou que les
nombreuses incertitudes entourant les résultats d’études paléoclimatologiques et scientifiques
citées dans ce rapport doivent inciter les décideurs politiques à la plus grande prudence et à
concentrer leur efforts sur les mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous
estimons avoir agi avec discernement et honnêteté intellectuelle afin de décrire de façon
rigoureuse un phénomène ne constituant, pour l’instant, qu’une simple menace théorique. Les
données présentées dans ce rapport démontrent toutefois qu’il risque peut-être de se produire de
nouveau et que ses répercussions pourraient être plus graves que dans le passé vu le degré
d’avancement économique et technologique des sociétés vivant dans l’hémisphère Nord. Comme
le rappelait Richard B Alley, responsable du comité de recherche qui a piloté les travaux de la
National Academy for Science dans ce domaine : « Les modèles utilisés pour prévoir les
changements climatiques futurs et leurs effets ne sont pas toujours efficaces pour simuler
l’envergure, la vitesse et l’ampleur des changements antérieurs, provoquant ainsi les nombreuses
incertitudes inhérente aux projections sur cette question. Ainsi, il est donc probable que des
surprises climatiques soient au rendez-vous. »59 (Traduction) Il ne s’agit pas d’être alarmiste mais
bien de mieux prévenir des situations chaotiques provoquées par des changements climatiques
brusques importants auxquelles la race humain n’a jamais été confrontée.
VII. CONCLUSION : LA NECESSITE DE MIEUX COMPRENDRE LES DEFIS QUE LES
CHANGEMENTS CLIMATIQUES BRUSQUES POSENT POUR LA SECURITE DE
L’OTAN
72. Inutile de préciser que faire d’une question un « problème de sécurité » lui donne un statut
qu’elle n’aurait pas autrement. La sécurité deviendra un outil politique dans la concurrence pour
obtenir l’attention des gouvernements. Ainsi, les priorités stratégiques pourraient bien refléter les
intérêts de certains par rapport à d’autres. Si le réchauffement planétaire et les changements
climatiques brusques sont véritablement des questions de « sécurité collective », le rapporteur est
d’avis que, tout en continuant d’encourager fermement les efforts de réductions des émissions de
gaz à effet de serre, nous devons aussi prendre soin de ne pas laisser de côté ces intérêts, car
58
Ibid., p. 15 (supra Note 5)
Collaboration. Abrupt Climate Change: Inevitable Surprises – Executive Summary. Washington. National
Academy Press. 2002. p. 5 (Préface).
59
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18
leurs effets sont essentiellement asymétriques; c’est-à-dire qu’ils sont plus problématiques pour le
monde en développement que pour les autres pays. Il faut considérer comme prioritaire de s’y
attaquer.
73. À cet égard, le rapporteur est d’avis que l’OTAN a, dans une certaine mesure, déjà fait le
premier pas. Son Comité sur les défis de la société moderne, mis sur pied en 1969, a pour objet
d’étudier les problèmes influant sur l’environnement des pays membres et la qualité de vie de leurs
populations. Aujourd’hui, le Comité se réunit également avec des pays partenaires. Ses principaux
objectifs sont :
•
•
•
•
•
réduire l’incidence des activités militaires sur l’environnement ;
mener des études régionales, notamment sur les activités transfrontalières ;
prévenir les conflits liés à la rareté des ressources ;
étudier les risques émergents pour l’environnement et la société qui pourraient causer une
instabilité économique, culturelle et politique ;
étudier les menaces non traditionnelles pour la sécurité.
74. Le Comité n’effectue pas lui-même les recherches. Ses travaux sont menés de manière
décentralisée, essentiellement par des études pilotes d’une durée de trois à cinq ans et par des
projets à court terme ne dépassant pas une période de 12 à 18 mois. Ils sont financés à l’échelle
nationale. Le Comité organise également des ateliers thématiques et coparraine des conférences
et des séminaires internationaux. Bien que son travail soit limité, il est au moins la preuve que des
facteurs environnementaux comme les brusques changements climatiques gagnent en importance
dans l’analyse stratégique.
75. En notre qualité d’Assemblée, le rapporteur croit que nous sommes bien placés pour
recenser ces nouvelles préoccupations en matière de sécurité – en raison de leurs répercussions
politiques, militaires, économiques, scientifiques et sociales. Nos diverses commissions peuvent
souhaiter consacrer certains efforts à l’examen de ces répercussions de leur point de vue
particulier; elles nous permettent ainsi de faire œuvre utile collectivement.
76. En ce sens, dans une étude précitée, le National Academy for Science a produit une série
recommandations dont l’Assemblée pourrait s’inspirer pour orienter ses recherches. Le rapporteur
tient à souligner que plusieurs d’entre elles furent reprises par le Woods Hole Oceanographic
Institution dans une brochure distribuée aux grands décideurs politiques et économiques de la
planète qui participaient au Forum économique mondial de Davos, en janvier 2003.60 Ainsi, il
recommande notamment:
•
D’établir des programmes de recherche afin de recueillir des données sur le caractère non
linéaire de l’évolution des écosystèmes. Cela inclut le fonctionnement des courants marins et
atmosphériques, de la glace marine et des réseaux hydrologiques qui constituent tous, comme
nous l’avons déjà mentionné, des facteurs pouvant engendrer des changements climatiques
brusques;
•
D’augmenter le nombre de données paléoclimatologiques et de maximiser l’utilisation de ces
dernières dans le but de mieux comprendre les raisons qui ont engendré de tels phénomènes
ainsi que leurs conséquences néfastes. Un tel exercice doit être pluridisciplinaire.
•
De développer des modèles de prévisions à long terme en ce qui concerne l’évolution de
l’environnement et de ses effets sur l’économie et la société, qui tiennent non seulement
Collaboration. Abrupt Climate Change: Inevitable Surprises – Executive Summary. Washington. National
Academy Press. 2002. pp. 1-9
60
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19
compte des changements climatiques brusques mais aussi des changements graduels et
linéaires; et
•
De mettre en œuvre des politiques préventives pour réduire les effets de changements
météorologiques extrêmes et irréversibles sur l’environnement et la société, c’est-à-dire
stabiliser puis réduire les émissions de gaz à effets de serre, amoindrir les dommages causés
à la biodiversité et renforcer certaines institutions publiques et privées afin qu’elles résistent à
une telle situation. La réalisation de ces objectifs passe obligatoirement par un appui des pays
développés à ceux plus pauvres afin que cet exercice ne se limite pas à certaines régions de la
planète.
77. Les auteurs du rapport publié par le ministère américain de la Défense reprennent la plupart
des recommandations précitées. Ils ont toutefois proposé d’autres pistes de réflexion qui, bien que
destinées principalement aux États-Unis, pourraient s’appliquer à d’autres pays. Ainsi, ils
recommandent:
•
le développement de méthodes par le gouvernement américain afin de mesurer la vulnérabilité
du pays aux changements climatiques brusques dans les domaines de l’agriculture, de l’eau
potable, de la cohésion sociale, des ressources naturelles et des technologies;
•
la réalisation de ce même exercice dans chaque région du pays; et
•
la création d’équipes d’interventions rapides si ce phénomène se concrétise afin de mieux
contrôler les migrations de populations, les pandémies et la distribution d’eau et de nourriture.
78. Ces recommandations démontrent qu’il est nécessaire de rapidement approfondir nos
connaissances dans ces domaines. Cela dit, l’urgence des études proposées est encore, selon le
rapporteur, plus manifeste si l’on considère les résultats des simulations présentées par le
document produit pour le compte du ministère américain de la Défense. Bien que ce dernier soit
extrême, il remet en question « notre sécurité pour des raisons qui devraient être analysées
immédiatement » (Traduction)61. Ce rapport conclut que le réchauffement planétaire « devrait être
considéré non plus comme un débat d’ordre scientifique mais comme une question de sécurité
nationale pour les États-Unis » (Traduction)62. Si ce dossier devait effectivement devenir une
question de sécurité pour les États-Unis, il le deviendrait aussi très certainement pour beaucoup
d’entre nous. À moins que nous ne soyons dûment préparés pour affronter des événements
climatiques extraordinaires, il se pourrait que la planète soit beaucoup moins capable de répondre
aux besoins de la race humaine.
79. Les auteurs du rapport montrent comment de brusques changements climatiques pourraient
déstabiliser le contexte géopolitique et mener à divers types et niveaux de conflits causés par des
contraintes au niveau des ressources. Il pourrait y avoir, entre autres, des pénuries alimentaires,
un amenuisement des sources d’eau potable et des perturbations dans l’approvisionnement en
énergie. À mesure que les capacités mondiales et locales diminueraient, les pays dotés de
ressources suffisantes, comme les États-Unis, le Canada et la plupart des pays européens,
pourraient s’ériger en forteresse, tandis que les moins fortunés pourraient attaquer les pays ou
régimes voisins.
80. Par exemple, toujours selon les auteurs du document, la Russie pourrait adhérer à l’Union
européenne d’ici 2018, lui apportant une bonne partie des ressources énergétiques nécessaires.
Cependant, en raison des luttes intestines générées par la question des flux de réfugiés provenant
des pays scandinaves et par la nécessité pour les pays d’avoir accès à des voies fluviales, à l’eau
61
62
Ibid., p. 1 (supra Note 8)
Ibid., p. 3 (voir Note 8)
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20
et à d’autres ressources naturelles, l’Union européenne pourrait s’effondrer en 2025. En Amérique
du Nord, le besoin d’assurer la sécurité pourrait se traduire, d’ici 2020, par une alliance intégrée
entre les États-Unis, le Canada et le Mexique en vue notamment d’endiguer le flux de réfugiés
provenant des Caraïbes, victimes d’inondations, et d’Europe. Enfin, une pénurie de pétrole,
combinée à des baisses de température dans l’hémisphère Nord, pourrait déclencher un conflit
militaire dans le Golfe Persique, où s’affronteraient la Chine, l’Inde, l’Europe et les Etats-Unis.
81. Ainsi, le rapporteur est convaincu que la probabilité de luttes intestines augmenterait,
alimentées non seulement par les rivalités ancestrales, mais également par les pénuries de
ressources. De nouvelles alliances pourraient se nouer au gré des priorités; leur objectif serait
d’obtenir les ressources nécessaires pour survivre plutôt que de répondre à des impératifs
idéologiques, religieux ou nationalistes sous leur forme plus traditionnelle. Ces nouveaux défis
appelleront de nouvelles approches et de nouveaux mécanismes qui devront être définis au cours
des prochaines années par cette Assemblée.
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