Hommes/Femmes, R-évolutions du droit dans la famille

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Hommes/Femmes, R-évolutions du droit dans la famille
Hommes/Femmes,
R-évolutions du droit dans la famille et dans le couple
Martine COSTES PEPLINSKI, formatrice « violence » - METANOYA
La plus belle histoire de violence conjugale : les mille et une nuits…
Le roi de Perse est trompé par sa femme. Persuadé de la perfidie de toutes les femmes, il
épouse chaque jour une vierge qu'il tue au matin de la nuit de noces. Il sème la terreur dans
toutes les familles qui cachent leurs jeunes filles espérant les faire échapper au mariagemassacre. Pour délivrer son pays de cette tyrannie, Shéhérazade, la fille aînée du grand vizir,
se porte alors volontaire pour épouser cet homme furieux. Malgré la terreur de son père, elle
épouse donc le roi.
Le soir venu, elle commence à raconter une histoire palpitante au sultan. L’heure de vaquer à
ses affaires est venue, l’histoire n’est pas terminée. Son époux veut alors tellement connaître
la suite qu'il lui laisse la vie sauve pour la journée prévoyant de la retrouver le soir pour
entendre la fin. Shérazade répète son stratagème pendant mille et une nuits au bout desquelles
le sultan abandonne enfin sa résolution de l tuer demain et décide de la garder auprès de lui
pour toujours.
Ce conte nous dit tout de l’histoire des rapports hommes/femmes : le contrôle de
la descendance passe par le contrôle de la vie sexuelle des femmes.
Oui, seules les femmes peuvent êtres sûres de leur descendance… Toute
femme peut, à tout moment dire combien d’enfants elle a mis au monde, combien
elle en a perdu, ou refusé de mettre au monde en avortant. Et dire éventuellement
qui est le père.
Les hommes, eux, ne peuvent ni être sûrs, ni vraiment les compter… N’en
n’ont-ils pas semé un ou deux au cours d’une soirée festive ou d’une expédition
moins festive (la guerre). À l’heure où la biologie nous promet l’utérus artificiel
pour l’an 2050, nous risquons fort d’oublier que, hommes et femmes ont vécu
jusqu’ici avec cette grande inégalité fondamentale : les femmes donnent la vie
« consciemment ». Pas les hommes. Et quand une femme leur dit « c’est ton
enfant », la confiance en soi et en l’autre sont bien mises à l’épreuve chez
monsieur.
Aujourd’hui, les stars américaines exigent des contrats de mariage précisant
qu’en cas de divorce, on fera des tests génétiques sur les enfants avant d’accepter
de payer une pension alimentaire – mais avant d’en arriver à cette possibilité de
contrôle génétique a posteriori, il s’est passé des millions d’années dans
l’incertitude et dans l’inégalité NATURELLE : hommes et femmes : nous n’avons ni
le même rôle, ni la même fonction quand à la reproduction de l’espèce. Les
femmes en portent la plus large part, en temps, en santé et en conscience, en
éducation.
Oui. Les dieux auraient pu être plus « paritaires » en permettant aux
femmes de faire les filles et aux hommes de faire les garçons. Mais non. L’homme
doit depuis toujours s’accommoder de cette réalité: il sort du ventre d’une femme,
et doit passer par le ventre d’une femme pour transmettre la vie.
La femme a dû - avec ou sans le soutien des hommes - nourrir et élever les
enfants qu’elle a mis au monde. Sinon, l’humanité aurait disparu.
Mais plus encore : on sait aujourd’hui que les humains ont mis très
longtemps à comprendre la part du masculin dans la reproduction, attribuant
pendant des milliers d’années la naissance des enfants à la magie du ventre
féminin.
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Au paléolithique récent (-30 000 av JC)
Aucune représentation d’accouplement humain dans l’art paléolithique mondial.
Seulement des représentations de sexes féminins et masculins isolés.
Le modèle de compréhension du monde, c’était la nature, les plantes, les arbres.
La représentation de la capacité à mettre au monde a donc été interprétée par
l’analogie directe avec ces observations : les enfants poussaient dans le ventre des
femmes comme poussent les fruits sur les arbres. Comme on priera pour que la
nature soit généreuse et on priera pour que le ventre des femmes soit fertile.
On a retrouvé de nombreuses statuettes aux formes généreuses. On les appelle
déesse mère. Mystère et pouvoir magique : d’où vient la vie ? Ce secret est
longtemps resté scellé dans le ventre des femmes.
Le néolithique (-10 000 av. J.-C.)
Au néolithique, c’est par l’élevage devenu possible avec l’apparition d’animaux
plus petits (cheval, chien) que les hommes vont observer la reproduction animale.
Ils comprennent alors le lien entre accouplement et grossesse. Apparaissent alors
les représentations phalliques dans l’art, le taureau, par exemple. Le sperme
devient « essence de vie » (qu’il ne faudra plus gâcher en se masturbant). Et c’est
le concept de paternité qui émerge.
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Un savoir scientifique lent à émerger
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Pendant les 12 millénaires écoulés, les explications les plus diverses du mystère de
va vie vont être fournies par les sciences et par les religions. Cela ira de la graine
que Monsieur doit arroser tous les jours dans un ventre-réceptacle, à Adam et Eve
ou la cuisse de Jupiter, ou le St Esprit.
Mais ce n’est que vers 1850 que l’on a compris ce qui se passe dans le ventre des
femmes.
Incidences de ces connaissances-croyances sur les relations hommes/femmes
Il est évident que connaissances et croyances autour de cette répartition
biologique inégalitaire vont induire une répartition des rôles sociaux sexués – de
genre diraient certains et des modalités de structuration familiale. On peut en
tracer deux structurations familiales que l’on trouve dans le monde entier,
séparément ou plus ou moins entremêlés selon les lieux et les époques :
- la filiation par les ventres :
- fondéee sur la filiation sûre :
- certifiée par la grossesse et l’accouchement
- pérenne car incontestable
- indestructible même par la mort
- pose la fratrie axe des devoirs d’entraide et d’assistance
- la filiation du nom du père
Un enfant doit être reconnu par un père pour faire partie de la famille. Comment identifier ce
père ? Il faut que cet homme reconnaisse publiquement sa part dans cette naissance.
Or, contrairement à toute attente, le droit écrit – notre droit écrit - a fondé le droit du
père à ne pas reconnaître cet enfant. Le père va pouvoir ne reconnaître qu’un fils aîné
héritier – et même le renier pour se choisir un héritier qui lui convienne mieux.
La capacité des femmes à mettre au monde va devenir une calamité et le modèle esthétique et
érotique nous le rappelle à chaque instant : plus de ventre, plus de hanches – et des seins
…des bombes oui - mais plus des mamelles !
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Dans les deux structures familiales, la question de la prise de contrôle des
comportements sexuels de F se pose : soit pour qu’elles restent liées au groupe et
n’aillent pas faire des enfants qui profiteraient à un autre groupe, soit pour
empêcher qu’elle ne permette à un enfant de capter un héritage alors qu’il aurait
été fabriqué avec un autre homme que le père qui l’a reconnu. Autrement, la
liberté sexuelle des femmes est dangereuse car elle détruirait autant le système
clanique (ou groupal/ communautaire), soit le système patrimonial.
Les stratégies pour contrôler les femmes
- par la force
- par la dépendance économique
- par la dépendance civique et civile qui les obligent à se mettre sous la
protection d’un homme pour survivre et élever leur enfants
mais aussi par des moyens plus subtils comme
- faire croire aux filles qu’elles ne sont pas capables de s’auto-contrôler ni
se défendre seule
- l’exigence de virginité au mariage puis de fidèlité
- l’enferment physique des femmes adultes (harem, gynécée)
- le marquage : quand on ne peut par enfermer les femmes (alliance, point
de tatouage, excision)
- la stigmatisation des femmes « de mauvaise vie »
-
et la mise en rivalité des femmes entre elles puisque sans réel pouvoir
social et économique, elles doivent obtenir la protection d’un homme
pour survivre et élever leurs enfants.
-
faire croire aux garçons qu’une fille n’est pas capable d’auto-contrôle
faire croire aux garçons qu’être un homme, c’est n’avoir peur de rien
exiger des garçons le sacrifice de leur vie pour la patrie ou pour « la
cause »
Tant que nous ne serons pas assez mâtures pour regarder en face nos différences
incontournables, et nos dépendances, les hommes resteront terrorisés par l’origine
du monde :
Photo l’origine du monde
Paradoxalement, ils obligeront les femmes à développer le fameux pouvoir sur
l’oreiller : habilités, coucounage, nursing pour les rassurer et les consoler de leur
triste sort de mâles incapables de fabriquer leurs propres fils.
Et tant que les femmes ne se seront pas ressaisies de ce pouvoir d’être une femme,
elles continueront de se croire inférieures et incapables alors qu’elles portent
l’origine du monde.