Super Marco - B

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Super Marco - B
Super Marco
16 juil. 2013
Il a les yeux brillants de celui qui en a vu plus d’une, qui est heureux de les avoir vues et qui est
persuadé qu’il en verra bien d’autres encore. Marco Pilotto a 53 ans, est franco-canadien (il réside
au Québec) et a été l’un des leader de la fabrication de surf et de ski dans le monde. Il a produit plus
de 10% de la production mondiale, pour toutes les marques (d’Oxbow à Rossignol) : « Je suis
graphiste de formation, mais j’ai quitté l’école jeune. Au début des années 80, le windsurf est arrivé
au Canada, et j’ai créé les premières écoles de planche à voile. Je faisais déjà du ski acrobatique en
hivers. J’ai organisé les premiers championnats du Monde de planche à voile en Floride, sponsorisés
par le Baron Bic, à l’époque. De fil en aiguille, je suis devenu commercial dans le monde de la
glisse en Amérique du Nord. Et puis le snow-board est arrivé, au milieu des années 80 ; je me suis
évidemment investi là-dedans, toujours dans la commercialisation. Et de 1992 à 1997, j’ai créé ma
propre structure à Québec : 90 employés, une vraie usine à gaz ! 10% de la production mondiale
passait par nous. J’ai créé avec mes associés une marque qui a fait le tour de la planète – Surf
Politix. Ce sont les gens du snow board qui ont fait évoluer le ski, qui ont donné l’élan vers une
pratique beaucoup plus fun. Nous avons amené à l’industrie du ski un savoir faire que les Européens
n’avaient pas – nous n’avions pas la barrière de la technologie uniquement venue du ski ; nous
partions d’une page blanche, ce qui nous laissait beaucoup plus de liberté et de créativité. Nos surfs
étaient les meilleurs. »
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où des requins de la bourse
souhaitent racheter la société fondée par Marco Pilotto et la coter en bourse : « j’ai opposé un refus
catégorique à la vente. Je ne voyais pas des golden boys prendre le contrôle. A 35 ans, je ne me
voyais pas non plus être le millionnaire du quartier… Contrairement à mes associés qui eux s’y sont
vus ! ils se sont donc regroupés et m’ont destitué ; résultat des courses, les clients ont déserté la
boîte et cette dernière a coulé ».
Marco fait alors ses valises vers l’Europe où il travaille en Italie et en Suisse, toujours dans
l’industrie du ski, en 1999 et 2000. Il revient au Canada en 2001 : « j’avais des copains qui lançaient
une marque de kite surf à Vancouver ; je les ai rejoint. Ça a été une super époque, où je pouvais
m’occuper de ma famille, être plus zen. »
En 2004, sur le Massif de la petite rivière, Marco fait sa dernière descente de ski valide ; une chute
en avant lui brise les cervicales et le diagnostic est sans appel : il est tétraplégique. « Le monde de
l’industrie du ski et les copains ont été très présents à ce moment-là ; tellement qu’à l’hôpital, le
personnel me disait : « Mais vous êtes qui vous ? On n’est pas une centrale téléphonique ! » ça
appelait de tous les pays. » Marco reprend le boulot en rééducation, puis travaille à distance.
Jusqu’en 2007, où Marco fait une péritonite et manque d’y passer. « Je suis rentré le 12 décembre à
l’hôpital, j’en suis ressorti le 6 juin. J’ai manqué mourir 3 fois…On m’a enlevé une bonne partie de
mes intestins et stomisé ». Marco fit un break dans les affaires et se découvre peintre ; et ça marche
! Un galeriste s’éprend de ses œuvres, l’expose et vend très bien. Mais le démon de la création
industrielle est toujours là, et Marco a une idée derrière la tête : « La première fois qu’on m’a mis
dans un fauteuil roulant, je me suis dit : on a fait évoluer les cadres , de plus en plus léger, les roues,
en composites, les assises mais pas les mains courantes ! C’est là que j’ai réfléchi à un concept de
mains courantes en matériau composite et profilées ». Marco se lance alors dans la réalisation de
prototypes de mains courantes – les « cerceaux » au Québec en 2009. Mais patatra : Marco se prend
une gamelle d’anthologie en fauteuil et se fracasse la D12. « Chaque vertèbre de mon corps est
maintenant vissée à l’autre, d’en bas jusqu’au haut ! Les toubibs m’ont dit : toi tu casseras plus
maintenant » Cette nouvelle période d’inactivité forcée permet à Marco de peaufiner son projet de
main courante et de pousser le concept à fond pour le mettre en marche. Il trouve des financements
avec des fonds d’investissement Québécois et fonde la marque BBraver. Il dépose les brevets, sort
des prototypes et dans le même temps prépare son industrialisation. Chemin faisant, il propose son
projet à des concours d’entrepreneurs. Marco remporte le premier prix du plus prestigieux « le
concours québécois de l’entreprenariat » et réussit à lever 750 000 $ de capitaux pour la production
de ses mains courantes BBraver. En octobre prochain, les « BBranver Handrim » sortiront
mondialement pour le plus grand bonheur de Marco Pilotto.
Marco a d’autres projets, notamment de s’installer en Provence dans les prochaines années : «
j’veux du soleil maint’nant tabernac’ ! »
Mais ça, c’est une autre histoire…
Auteur : Pierre Bardina