Dunkerque_L-hygiène-urbaine-et-les-jardins

Transcription

Dunkerque_L-hygiène-urbaine-et-les-jardins
Hygiène urbaine et jardins ouvriers
Communication du Docteur Lancry (Dunkerque)
lors du Congrès de Montpellier
d’Alliance d’Hygiène Sociale
19-21 mai 1905
Transcription et mise en page Jean-Claude Lagrou
Origine :
Annales N° 3 bis – Octobre 1905
Pages 135 à 141
Congrès de Montpellier 19 – 21 mai 1905
Alliance d’Hygiène Sociale
Président : M. Casimir-Perier
Secrétaire général : M Edouard Fuster
Siège social : 5, rue Las-Cases, Paris
Secrétariat : 4, rue Lavoisier, Paris
Prix : 6 francs, franco
Librairie de la Mutualité
10-12, rue Saint-Christoly – Bordeaux
Source :
Gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Avertissement
Les sous-titres en italiques ont été ajoutés au document original.
Une erreur de construction à Dunkerque
Le Jeu de Mail
A Dunkerque, comme dans la plupart des grandes villes du Nord, nous sommes
envahis par le paupérisme. Et je suis précisément le médecin du quartier le plus pauvre ; je le
pratique journellement depuis sept ans. Or ce quartier – le Jeu de Mail – offre ce fait
bizarre, extraordinaire, et peut-être unique par toute la France, de présenter toutes maisons
énormément surpeuplées, partagées en une foule de logements insalubres, et cela précisément
autour d’un immense terrain nu, d’un très difficile accès, et qui n’est utilisé que pour la
culture. Un champ de blé, un vrai champ de blé en plein Dunkerque, dans une ville frontière
étroitement enserrée par une enceinte de remparts, est un fait peu banal, et qui sollicite
singulièrement les méditations de l’observateur !
Que s’est-il donc passé ? Tout simplement ceci : un vaste terrain rectangulaire
de 300 mètres de long sur 250 mètres de large s’est trouvé, tout à la fois, nu de toute
construction et encadré de rues. Les propriétaires ont vendu, pour bâtir, les seules bordures
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du rectangle, espérant utiliser ultérieurement la partie centrale du terrain. Et il est arrivé que
cette partie centrale s’est trouvée enclavée et inutilisable pour la construction. D’où la
nécessité d’y planter du blé ou des pommes de terre comme en pleine campagne.
La cour des miracles
Mais ce n’est pas tout encore. Ce terrain mal distribué et non percé de voies de
communications n’a attiré aucune personne aisée pour l’habiter. Les ouvriers pauvres s’y
sont réfugiés et les propriétaires des bordures ont essayé de pénétrer vers le centre du
quadrilatère au moyen d’étroites impasses ou de « courettes » qui permettent la
multiplication à peu près indéfinie de logements insalubres. Le plan général de ce quartier est
très curieux : il figure un tableau encadré, dont la toile serait vierge de toute construction, et
dont l’encadrement serait perforé de nombreux coups de vrilles. Chaque coup de vrille
marque une impasse ou une courette ; l’une d’elles, la plus grande, a mérité le nom de « cour
des miracles ».
La Basse Ville
Voilà où l’on aboutit quand on oublie de percer des rues. Pour en apprécier
comparativement les inconvénients, il suffit de parcourir le quartier immédiatement contigu
au Jeu de Mail, désigné sous le nom de « Basse Ville ». Celle-ci, comprise dans l’enceinte
fortifiée construite par Vauban vers 1675, a été tracée de larges rues parallèles
judicieusement espacées et convenablement coupées par des transversales. Il en résulte que la
basse ville est peut-être le quartier le plus sain de Dunkerque et que toute maison qui n’est
point à un coin de rue se trouve tout naturellement avoir une belle profondeur qui lui assure
une vaste cour ou un petit jardin.
Intérêt général et intérêts particuliers
Je sais bien que nos règlements actuels de voirie pourraient s’opposer, du moins
dans une certaine mesure, à ce qu’on reproduise ailleurs la faute commise au Jeu de Mail ;
oublier de percer des rues. Mais les règlements de voirie sont nécessairement soumis au
caprice des municipalités, tant l’action des conseils d’hygiène est limitée dans la pratique. Et
je crois pouvoir affirmer qu’en fait, la disposition des rues, leur largeur au-delà d’un certain
minimum, leur écartement, tout cela est la résultante des intérêts particuliers des
propriétaires de terrains sans aucune vue d’intérêt général ; j’en ai la preuve manifeste
dans toute la banlieue de Dunkerque, qui s’est couverte depuis trente ans de cinq ou six
communes florissantes, et dans lesquelles des fautes très graves ont été commises dans la
judicieuse disposition des rues, des espaces libres et des terrains bâtis.
Jardins ouvriers et espaces libres
L’astylogie et l’écologie comme solutions ?
Evidemment, je ne veux pas sortir du domaine exclusivement médical qui est le
mien pour m’aventurer dans celui de la législation, mais je me demande, après le non accueil
fait par la médecine aux « jardins ouvriers » au Congrès de l’habitation et aux « espaces
libres » du professeur Letulle, s’il n’y aurait pas autre chose à faire ? Je me demande s’il
n’y a pas toute une science nouvelle à créer, à étudier et à fixer : celle de distribuer
judicieusement les villes pour avoir des habitations saines et pour éviter aux propriétaires
toute tentation d’édifier des maisons mal ordonnées. Déjà, au temps de Périclès, les
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Athéniens avaient dix Astynomes chargés du soin des rues et du règlement des constructions ;
pourquoi n’y aurait-il pas une branche de l’hygiène, l’astylogie (ville), pour la bonne
disposition des villes, avec une écologie (foyer) pour la judicieuse construction et répartition
des cours et jardins ? Il y a bien une économie chargée de préciser les lois du foyer ?
Regards sur l’urbanisme à l’étranger
Que de choses à dire, que de documents à recueillir, que de règles hygiéniques à
formuler au sujet de la disposition générale des villes pour arriver à la salubrité générale et à
la facile construction des maisons !
Quelle opposition et quel contraste, par exemple, entre les anciennes villes de
l’Orient, Jérusalem, Constantinople, aux ruelles étroites, tortueuses, escarpées, aux maisons
sans cesse renouvelées sur les ruines des maisons antérieures, et les villes de l’Amérique
géométriquement tracées en damier, aux rues toujours pareilles, toujours semblables,
toujours également espacées, au point que le plan d’une vaste cité comme Montevideo,
Buenos-Ayres ou Rosario tient sur une simple carte de visite ! Et dans les villes du NouveauMonde, quelle opposition encore entre la ville de New-York, aux maisons de dix-huit étages,
et celle de Buenos-Ayres, où le nombre des étages est limité à un ou deux, de telle sorte que,
de la toiture en terrasse de sa maison, toute personne peut avoir la libre vue de la mer.
Quid de nos allées, jeux de paume, mails et riez ?
Qui de la notion de centre de la ville ?
Paris, Rouen, Malo, Coudekerque-Branche, Bray-Dunes
Et, chez nous, que sont devenues nos anciennes « allées » plantées de peupliers
ou de platanes, nos anciens « jeux de paume », nos anciens « mails », nos anciens « riez »
que le professeur Letulle veut faire revivre et qu’on retrouve encore si fréquemment dans la
Flandre belge ?
Sait-on suffisamment que tout monument, que tout édifice d’intérêt public est un
centre d’agglomération de population ; que beaucoup de nos cités, Paris, Rouen, se sont
bâties autour d’une église qui sert de centre d’appel au point que, dans la plupart des villes,
il suffit de s’enquérir de l’endroit où se trouve la cathédrale pour l’emplacement de la ville
primitive ? Or, de cette donnée, ressortent des conclusions pratiques du plus haut intérêt,
surtout à notre époque où l’indication générale est de diminuer les villes en hauteur pour les
étendre en surface. Pourquoi ne pas construire en pleine banlieue nos hôpitaux, nos casernes,
nos écoles, sauf à les relier au centre de la ville par des tramways électriques ? Il a suffi ici,
aux environs de Dunkerque, de construire un Casino dans les dunes pour faire éclore la
commune de Malo, une usine à pétrole en plein champ pour voir surgir la commune de
Coudekerque-Branche, une église près la frontière belge pour créer la commune de BrayDunes. Et notez que cette transformation des villes pourrait se faire dans d’excellentes
conditions pécuniaires en agissant avec quelque prévoyance. Exemple : en 1868, l’Assistance
publique de Paris créait de toutes pièces la plage de Berck en y édifiant, au prix de quatre
millions, l’hôpital maritime. Pourquoi, à ce moment, n’avoir pas acheté la totalité de la plage
qui valait, en 1867, l’année immédiatement antérieure, quelques milliers de francs, et qui a
rapporté plus de cent millions à la spéculation, c’est-à-dire des fonds qui eussent suffi pour
bâtir l’hôpital et pour l’entretenir à perpétuité.
Mon but n’est pas de tracer les premiers éléments d’une science que je ne
connais pas, et qui ne pourra être établie que par les longues et laborieuses recherches des
observateurs ; j’ai voulu simplement essayer de lui donner un nom qui précise exactement
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l’idée, qui la propage, qui lui assigne une place bien définie dans l’hygiène sociale.
Jardins ouvriers à louer pour bâtir
(Baux emphytéotiques)
L’extrême bienveillance que l’Alliance d’hygiène sociale a témoignée aux jardins
ouvriers, l’assistance si généreuse, si dévouée, si délicate que nous a donnée la parole
éloquente de M. Dubron dans mainte et mainte conférence, m’enhardissent à vous soumettre
ce que j’ai eu l’occasion de faire à Dunkerque depuis le Congrès d’Arras.
Dans le cours de l’hiver dernier, M. Lucien Choquet mettait à ma disposition
5000 francs pour m’aider à donner corps aux idées que j’avais développées dans une
conférence. J’allais enfin pouvoir acheter du terrain, car les 14 jardins ouvriers que j’ai
créés à Rosendaël dans l’hiver 1896-97, et qui sont donnés à titre absolument gracieux aux
bénéficiaires, sont établis sur une terre appartenant à l’Hospice de Dunkerque.
Après divers échecs, je me décidai à agir tout seul. Du reste, en 1896, quand j’ai
fondé mes jardins avec mon père, j’ai essayé ( ? Peut-être hérité) d’une société qui n’exista
que sur le papier et même s’est dissoute spontanément après un an, les sociétaires ayant
quitté la ville.
Je me mis à la recherche d’un terrain. Celui de mes jardins ouvriers était tout
désigné, mais il est fort éloigné de Dunkerque et surtout il appartient à l’Hospice. Je finis
trouver à 1200mètres des portes de Dunkerque un terrain à 3 francs du mètre carré (tous
frais faits). Je me résolus – je dirai pourquoi tout à l’heure – à acheter deux jardins de
chacun cinq cent mètres. Ces jardins ont chacun 35 mètres de profondeur sur 14 mètres 30 de
front à rue. Le terrain en est excellent, leur front à rue regarde le soleil levant. Enfin, leur
prix de revient est vraiment avantageux dans une région où la spéculation sur les terrains se
fait à outrance dans un périmètre de 5 à 6 kilomètres de rayon autour de Dunkerque.
Deux jardins chacun de 500 mètres, à 3 francs du mètre, font 3000 francs. Il me
restait donc 2000 francs disponibles sur les 5000 francs de M. Lucien Choquet.
Or nous avons dans la Flandre Maritime une maisonnette ouvrière qui est le fruit
de l’expérience accumulée par cinquante générations successives, qu’on retrouve de
Gravelines à Ostende et de la mer jusqu’à la région du pays au bois. Nous avons le tort de
vouloir imposer au peuple notre mentalité, nos besoins factices et nos habitudes bourgeoises ;
la maison qui me convenait était toute indiquée.
(Le Dr Lancry, qui l’a décrite sous le nom de La Mardyckoise, explique, dans
un dialogue animé, le caractère de cette maison) :
La Mardyckoise
-
Madame, voudriez-vous nous raconter comment vous avez bâti votre maison ?
Monsieur, après dix ans de séjour à Dunkerque, je n’avais rien économisé et mon mari
et moi avions perdu presque complètement notre petit avoir ; il nous restait, en tout et
pour tout, sept cents francs et une fillette je me décidai à retourner à la campagne. Il me
fallait une pièce de terre et, naturellement, je n’avais pas le moyen d’en acheter.
Comment faire pour avoir une terre à soi quand on ne peut pas en acheter ?
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Dame ! On peut en louer une !
Pour être mis à la porte au bout de neuf ans. Qu’est-ce que vous voulez faire avec un
bail de neuf ans ? Je demandai donc un bail emphytéotique, c'est-à-dire un bail à long
terme, qui me permettrait de garder ma terre toute ma vie.
Et après vous ?
Après moi, ma fille sera aussi « débrouillarde » que sa mère : elle fera come moi.
Vous avez un bail emphytéotique ?
Oui, de soixante ans ; mais ça n’a pas été seul.
Pourquoi ?
Mon terrain a 44 ares de surface : ça valait 60 francs en location ordinaire. Or, le
propriétaire a exigé 80 francs de location annuelle, plus tous les impôts à ma charge.
Le propriétaire a sans doute tenu compte que vous ne présentiez guère de garantie,
puisque vous ne possédiez rien ?
Mais non, puisque le propriétaire a la garantie de la maison que je devais bâtir. Notez
bien qu’une des clauses de mon bail est la suivante : « Le preneur s’engage à bâtir une
maison qui servira de garantie pour le paiement du bail, et qui ne peut avoir, en cas de
rachat par le propriétaire, d’autre valeur que celle des matériaux par terre ». Vous
voyez que mon propriétaire me loue plus cher et se trouve plus garanti pour le
paiement de son loyer que si je loue pour 9, 18, 27 ans.
Il n’a que l’inconvénient d’immobiliser son terrain ?
Il l’immobilise en titre de rente à 4% ; ce n’est pas une mauvaise opération pour lui.
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Et si vous veniez à mourir, ou tout simplement, si vous vouliez quitter le pays ?
J’ai le droit de sous-louer ou de céder mon bail à la personne à qui je vendrais ma
maison.
Alors vous êtes devenue une « véritable propriétaire » de votre terrain ?
Oui et non. Je ne suis pas propriétaire pour le receveur des contributions, puisque je
suis inscrite sur son livre comme « locataire ». Mais j’ai mon terrain pour toute ma vie,
attendu que personne ne peut me le prendre.
Votre propriété est insaisissable ?
Parfaitement, à la seule condition de payer 80 fr de loyer tous les ans. Mais si j’avais
acheté mon terrain, n’aurais-je pas dû emprunter 2000 fr et n’aurais-je pas dû payer
l’emprunteur 80 fr d’intérêt annuel ?
Très bien. Mais vous n’aviez que 700 fr, sur lesquels vous avez dû payer le bail et les
frais. Comment vous êtes-vous « débrouillée » ?
Vous voyez que ma maison a quatre pièces ou si vous voulez « quatre
compartiments », sans compter deux appentis. J’ai commencé par bâtir un seul
compartiment, c’est-à-dire le corps de logis où je vous reçois.
Cette pièce-ci ? Elle a 5 mètres de long sur 4 m 70 de large et 2 m 40 de hauteur ?
C’est bien cela. Elle m’a coûté 500 fr, pas plus : les murs n’ont qu’une brique
d’épaisseur. Comptez ce qu’il faut de maçonnerie, ajoutez le bois du plafond, la porte,
les deux fenêtres, le bois de la toiture et les tuiles. J’ai donné 400f ; on m’a fait crédit du
reste que j’ai payé en quelques mois.
Mais le carrelage, mais la peinture, mais la tapisserie … ?
Ca n’existait pas quand j’ai commencé, j’ai fait tout cela petit à petit.
Une brique d’épaisseur ; ce n’est pas très solide !
Et c’est humide quand le pignon reçoit la pluie. Aussi j’ai fait un appentis qui fortifie le
pignon et le protège contre la pluie.
Et vous avez logé ici avec votre mari et votre fille ?
Oui. Nous n’étions pas très bien, mais nous étions encore mieux qu’en ville. Aussi nous
avons travaillé d’arrache-pied, nous avons économisé, et, après quelques mois, nous
avions une maisonnette très gentille…
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Solution préconisée par le Docteur Lancry
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Voilà donc la solution que je me propose de donner au don de 5000 fr de M. Lucien
Choquet :
J’achète, partout où je le puis, des lots de 500 mètres carrés dans la banlieue des villes,
lots propres à bâtir, et ayant au moins 12 mètres de front à rue ou à chemin.
Et je loue chacun de ces lots à une famille ouvrière aux conditions suivantes :
1°
2°
3°
4°
5°
-
-
Vous aurez la terre – jardin ouvrier – en bail emphytéotique pour
autant d’années qu’il vous plaira.
Vous vous engagez à bâtir sur votre terrain une maison d’habitation
qui me donnera toute sécurité pour le paiement de votre loyer. Je veux
bien même vous aider à bâtir, à condition que vous apportiez une
première avance de fonds d’au moins deux cents francs.
Une clause du bail spécifiera que vous aurez toujours le droit – si
bon vous semble – d’acheter le terrain au prix qu’il m’a coûté, mais je
ne vous engage pas, dans votre intérêt, à exiger cette clause.
A défaut de la clause ci-dessus, vous aurez celle de pouvoir céder
votre bail à qui bon vous semblera, mais seulement à partir du moment où
vous serez propriétaire de la maison bâtie sur le jardin ouvrier.
Comme prix de location de votre bail, ce sera trois pour cent du
prix d’achat du terrain (frais compris), plus les impôts.
Mais revenons à votre projet. Vous louez votre terrain à 3%, soit, en l’espèce, chaque
jardin à 45 francs, puisque vous l’avez payé 1500 fr.
C’est bien cela.
Vous me demandez de bâtir un petit corps de logis d’un millier de francs, corps de logis
qui constitue le premier compartiment d’une maison à compléter ultérieurement par
l’ouvrier ?
Nous sommes d’accord.
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Que comptez-vous faire de cette maison ?
Je compte prendre tous les moyens convenables pour que le locataire en devienne le
propriétaire aussi vite que possible.
Oui. Mais, en pratique ?
Prenons un exemple fort simple : celui d’un locataire recommandable mais ne possédant
absolument rien. Voici le langage que je lui tiens : le terrain vous est loué à 3%, soit 45
fr. La maison vous est louée à 5%. Comme elle coûte 1000 fr, elle vous est donnée à bail
pour 50 francs par an, soit un loyer total annuel de 95 fr. Et comme je veux que vous
acquerriez non pas le terrain mais seulement la maison, chaque fois que vous me
verserez 100 francs sur la maison, votre loyer annuel diminuera de 5 francs.
Or, un ménage ouvrier, à Dunkerque, ne peut pas se loger à moins de 200 francs par an.
Je lui donne un loyer total de maison et jardin ne s’élevant au maximum qu’à 95 francs.
C’est un premier avantage.
Mon locataire dispose en outre d’un jardin situé à sa porte. Or, un pareil jardin ne peut
pas rapporter moins de 150 fr de légumes par an, en n’y mettant même que de gros
légumes, pommes de terre, choux, carottes, oignons. Donc le produit du jardin arrive à
payer et la location du jardin et la location avec amortissement rapide de la maison.
Voilà les avantages de la combinaison.
Plus tard, l’ouvrier se débrouillera. Si la maison ne lui plaît pas il l’agrandira, il en fera
tout ce qu’il voudra, ça m’est égal. Quel est mon but ? Faire un propriétaire. Mon but
sera atteint pour l’ouvrier en question ; je n’aurai qu’à recommencer avec un autre. Car
je capitalise tous les intérêts qui me seront versés, et, dès que j’ai une somme suffisante,
je recommence ailleurs. D’ailleurs, croyez-vous qu’il ne m’arrivera pas d’argent, ou
que d’autres personnes n’agiront pas comme moi ? Je connais déjà une dame qui se
propose de copier mes deux jardins à bâtir. Quand, il y a 9 ans, j’ai fait mes premiers
jardins ouvriers, combien y en avait-il dans le Nord ? Pas un ! Il y en a aujourd’hui plus
de 1500 ! Ce sera la même chose pour nos maisons.
Je conclurai donc en émettant les vœux suivants :
Qu’il soit créé, à proximité des villes, des jardins ouvriers,
d’environ 500 mètres à louer pour bâtir des habitations ouvrières
industrielles (baux à long terme) ;
Qu’il soit créé, dans les campagnes, des coins de terre,
2°
d’au moins 24 ares, à louer pour bâtir des habitations ouvrières
agricoles (baux à long terme, système de Fort-Mardyck).
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