AU LARGE - Œuvre du Marin Breton

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AU LARGE - Œuvre du Marin Breton
Almanach 1903 : P. 106
AU LARGE
COMMENT LE MARIN TROUVE SON POINT
Quelques mots sur le sextant.
Au large, quand on ne voit
plus la terre, il n’y a plus que
le soleil et la mer qui puissent
servir à des observations.
En vue de terre, le marin peut facilement savoir où il est, et, par suite, savoir quelle
route il doit faire, car il se sert pour cela des alignements et des relèvements qu’il
prend avec son compas.
Au large, hors de vue de toute terre, il faut employer d’autres moyens car, on a
beau être très pratique, on a souvent grand besoin de pouvoir connaître sa position
avec exactitude...
Sur la demande de plusieurs marins de la côte Ouest, nous allons exposer ici les
principes qui permettent au marin de déterminer sa position au large, en un mot, de
« faire son point ». Ne vous inquiétez pas : nous n’allons employer aucun mot scientifique ; vous allez voir que c’est tout à fait simple et facile à comprendre.
Au large, quand on ne voit plus la terre, il n’y a plus que le soleil et la mer qui
puissent servir à des observations.
C’est bien peu de chose ou plutôt c’est bien vague et bien lointain. Pourtant cela
suffit. Vous allez voir.
C’est la comparaison des positions du soleil avec l’horizon de la mer qui permet de
déterminer le point où l’on est.
C’est la comparaison des positions du soleil avec l’horizon de
la mer qui permet de déterminer le point où l’on est.
Vous avez appris à l’école ce que c’est que l’horizon et aussi ce que c’est que la
longitude et la latitude ainsi qu’un degré ; nous ne l’expliquerons donc pas ici afin
d’abréger. Ceux qui voudraient revoir ces explications n’ont qu’à consulter les « Eléments de Navigation » des écoles. Ceux qui, de plus, voudront compléter les indications des pages suivantes pourront lire et étudier les ouvrages cités à la fin de ce
chapitre.
En 2 mots, déterminer le point, c’est chercher la longitude et la latitude du lieu où l’on est.
Voici comment l’on s’y prend.
Longitude. - Vous savez qu’on a adopté maintenant la même heure pour toute la
France ; c’est l’heure de Paris.
Je suppose qu’à Paris le soleil se lève à 5 h. du matin ; dans un endroit à l’Ouest de
Paris, à Brest par exemple, le soleil se lèvera plus tard, vers 5 h. 30, et, à ce moment-là,
à Paris le soleil sera à une certaine hauteur au-dessus de l’horizon, 10° par exemple.
A 8 h. du matin, le soleil aura monté sur l’horizon ; il sera à 35° à Paris, 27° à Brest
; et 15° par exemple à un endroit dans l’Ouest de Brest, c’est-à-dire au large.
Vous voyez donc, qu’à une certaine heure, la hauteur du soleil varie suivant que
vous êtes plus ou moins dans l’Ouest, c’est-à-dire plus ou moins au large.
Or, l’heure, vous l’avez au moyen de montres, aussi parfaites que possible, qu’on
appelle chronomètres. La hauteur du soleil, vous l’observez avec un instrument appelé sextant ; et, avec l’heure et la hauteur vous faites un calcul qui vous indique si
vous êtes plus ou moins au large, c’est-à-dire qui vous donne la longitude.
Latitude. - La latitude peut se calculer beaucoup plus simplement, en choisissant
bien son moment.
Vous avez remarqué que le soleil monte d’abord sur l’horizon quand il se lève ;
puis, il cesse de monter pour commencer à descendre et enfin il se couche.
Or, le moment où a lieu ce changement de sens, se produit précisément à midi vrai,
et au moment où le soleil est juste au Sud, c’est-à-dire dans le méridien ; aussi, si on
observe à ce moment la hauteur du soleil, cela s’appelle la hauteur méridienne.
Pour avoir cette hauteur
méridienne, l’heure ne vous
est pas indispensable, car avec
le sextant vous pouvez très
bien voir quand le soleil cesse
de monter pour commencer à
descendre.
Pour avoir cette hauteur méridienne, l’heure ne vous est pas indispensable, car
avec le sextant vous pouvez très bien voir quand le soleil cesse de monter pour commencer à descendre.
Cependant si vous voulez savoir quand cela aura lieu, vous n’avez qu’à vous rappeler que 1 degré de longitude vaut 4 minutes de votre montre.
Donc, si vous êtes à peu près par 8° Ouest, le soleil sera dans le Sud quand votre
montre réglée sur l’heure de Paris marquera midi plus 8 fois 4 minutes ou midi 32
minutes, et il sera midi dans l’endroit où vous êtes.
A ce moment-là vous observez la hauteur du soleil ; et je suppose que vous trouviez
: 50° et 35’
Vous retranchez cette hauteur de 90°, en remarquant que 90° peut s’écrire :
89° et 60’ car 60’ valent 1°
- 50° et - 35’
La différence, vous donne: 39’ et 25’
Vous ajoutez à cette quantité la déclinaison du soleil pour le jour où vous êtes ;
vous la trouvez dans l’annuaire des marées. Je suppose que vous ayez observé le 15
avril 1902 ; vous trouvez déclinaison du soleil = 9° et 31’; en ajoutant cette déclinaison à 39° et 25’, vous trouvez
39’ et
25’
+ 9° et + 31’
48° et
56’
Ce résultat, 48° et 56’, est précisément la latitude où vous êtes au moment où vous
avez observé. Vous voyez que le calcul est bien facile ; il suffit de se rappeler que, dans
nos pays, la déclinaison doit s’ajouter, au printemps et en été, et se retrancher, en
automne et en hiver. Dans l’annuaire des marées, vous trouvez d’ailleurs, à côté de
la valeur de la déclinaison, la lettre N. ou S., indiquant si cette déclinaison est Nord
ou Sud, et si elle doit, par suite, être ajoutée ou retranchée.
En résumé, vous avez
Printemps et été
Latitude cherchée = (90° moins la hauteur méridienne),
plus la déclinaison.
Automne et hiver idem
(90° moins la hauteur méridienne),
moins la déclinaison.
De la latitude ainsi obtenue il faudra toujours retrancher 12 minutes représentant
la moyenne des corrections que la hauteur du soleil devrait subir. En pratique, cette
correction moyenne est suffisante.
Il est bien entendu que cette façon de faire n’est exacte que si vous avez mesuré la
hauteur méridienne du soleil, c’est-à-dire à midi (heure de l’endroit où vous êtes) et
quand il est exactement dans le Sud.
Vous voyez donc que les instruments indispensables pour déterminer le point sont :
Une bonne montre et un
sextant
Pour la longitude : une bonne montre ou chronomètre et un sextant.
Pour la latitude : un sextant.
Vous savez tous ce que c’est qu’une montre ; quant au sextant nous allons essayer
de vous en faire comprendre le principe. Vous allez voir qu’il ne faut pas être un
fameux malin pour savoir s’en servir.
Du sextant
Le sextant est un instrument qui sert à mesurer des angles, et par suite des hauteurs d’objets quelconques, et en particulier la hauteur du soleil ou d’une étoile.
Le sextant est un instrument
qui sert à mesurer des angles,
et par suite des hauteurs
d’objets quelconques, et en
particulier la hauteur du soleil
ou d’une étoile.
On a, en effet, l’habitude de considérer non pas la hauteur en m. du soleil au-dessus l’horizon mais l’angle que fait la direction du soleil avec la direction dans laquelle
vous voyez l’horizon. Cet angle s’appelle la hauteur.
Supposons que vous êtes au point 0. (fig. 1) et que vous ayez devant vous une tour
de 100 m de haut. Si vous avez un instrument permettant de mesurer l’angle de la
direction de 0A avec OB, vous trouvez par exemple 42°.
Supposons maintenant qu’à la même distance que la tour de 100 m, il y en ait une
autre de 60 m seulement. Cette fois votre instrument ne vous donnera plus, comme
angle de OA avec OB, que 30° au lieu de 42°. Vous voyez donc que quand la hauteur
diminue, l’angle diminue aussi.
Remplaçons maintenant le sommet A de la tour, par le soleil, et sa base B, par
l’horizon. L’angle de OA avec OB vous donnera ce qu’on appelle la hauteur du soleil
au-dessus de l’horizon et vous voyez que cet angle augmente quand le soleil monte,
absolument comme quand la hauteur de la tour augmente.
Ceci étant bien compris, voyons comment on peut mesurer cet angle du soleil
avec l’horizon.
Quand vous tenez à la main une glace sur laquelle vient taper le soleil, vous voyez
l’image du soleil se refléter par terre : si vous remuez la glace, vous faites promener
l’image dans tous les sens. Et bien, le miroir qui est sur le sextant peut s’orienter aussi
dans tous les sens ; il sert particulièrement à renvoyer l’image du soleil vers l’horizon.
Vous regardez l’horizon par la
lunette du sextant et vous bougez le miroir du sextant pour
amener à l’horizon l’image du
soleil.
Et voici comment vous manœuvrez le sextant. Pour cela, vous regardez l’horizon
par la lunette du sextant et vous bougez le miroir du sextant pour amener à l’horizon
l’image du soleil. Quand elle y est, vous n’avez plus qu’à lire la graduation en face de
laquelle se trouve la pièce mobile qui porte le miroir et qui s’appelle l’alidade. Vous
lirez ainsi un nombre de degrés qui vous représente la hauteur du soleil.
Voyons maintenant à quel endroit de l’horizon vous devez amener le soleil et comment son image doit paraître sur l’horizon.
Soit HH la ligne d’horizon et S le soleil (fig. 2).
Suivant que vous amenez l’image
en I, I’ ou I’’, vous obtenez des hauteurs différentes SI, SI’, SI’’. Ce
qu’on doit observer c’est la plus
petite de ces distances c’est-à-dire SI
; et la direction dans laquelle vous
devez braquer la lunette de votre sextant vous est donnée par la traînée
brillante que le soleil forme sur la
mer.
Quant à l’image, vous devez la placer de façon que son bord supérieur ou son
bord inférieur touche la ligne d’horizon sans la couper, c’est-à-dire dans la position
S’ ou S (fig. 3).
Voilà, en somme, le principe de l’instrument ; quant
aux détails de sa manœuvre, il est difficile de vous les
expliquer en peu de mots ; mais, avec un sextant entre
les mains et les conseils de quelqu’un sachant s’en servir,
vous pouvez arriver tous à vous familiariser avec l’emploi
de cet instrument.
Conclusion
Dans ces quelques lignes écrites à l’intention des marins-pêcheurs, nous n’avons
pas la prétention de leur apprendre à faire le point. Nous avons voulu seulement
montrer combien sont simples les principes qui servent à le déterminer. De ce qui
précède, il résulte que la première chose à faire, pour ceux que ces questions intéressent, est d’apprendre à se servir du sextant. Dès que l’on aura atteint ce résultat, on
se trouvera à même, au moyen d’un sextant et d’un annuaire des marées, de déterminer soi-même la latitude, très facilement.
Quant au calcul de la longitude1 , cela est un peu plus compliqué, mais maintenant qu’il existe dans bien des ports des écoles de pêche et de navigation, on y
trouvera tous les renseignements qui sont utiles à ce sujet et qu’il serait trop long de
réunir dans cet Almanach.
1 La longitude peut s’obtenir d’une façon suffisamment exacte pour la navigation dans le golfe de
Gascogne, par le parallèle de la latitude et la sonde prise à midi vrai, au moment de l’observation de
la hauteur méridienne, ou encore par l’intersection du parallèle de la latitude avec une des lignes de
navigation très fréquentées du golfe.

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