Notes sur Bayard Presse et Milan EDR

Transcription

Notes sur Bayard Presse et Milan EDR
Notes d’Emmanuel de Rengervé sur les contrats
de Bayard Presse et Milan presse
A votre demande, j’ai donc pris connaissance de l’intégralité des documents les plus récents
nous ayant été remis concernant d’une part, Bayard Presse et d’autre part, Milan.
I / Bayard Presse
o La lettre signée Sylvaine Hartout
« Comme il y a eu jadis l’invention du roman édité par voie de presse, l’édition au format de
poche ou au format club, nous sommes en train d’ajouter à toutes ces propositions, une mise à
disposition numérique par téléchargement payant ».
Le projet industriel de Bayard est clair, il est respectable en termes de stratégie d’entreprise.
Est-il acceptable pour les auteurs compte tenu des conditions qui leur sont faites ?
Le développement commercial est mis en avant ainsi qu’un accès plus direct vers un public
plus large et la publication de plus de contenus en France et à l’étranger en liens avec les
filiales et les partenaires de Bayard. Par cette lettre, Bayard, manifeste son souhait d’améliorer
la communication à l’égard des auteurs en expliquant, en justifiant et en argumentant.
La démarche est salutaire et méritante. Elle était indispensable au regard des
incompréhensions qui se sont manifestées compte tenu de l’attitude et du fonctionnement
dans les derniers mois.
La lettre explicative de Bayard clarifie, mais elle renforce aussi le sentiment que certains
auteurs pourront avoir que l’ambition de Bayard ne se traduit pas dans les propositions faites
qui ne sont pas forcément totalement à la hauteur des attentes.
Lorsqu’il est question sur le plan juridique de l’adaptation numérique, terminologie retenue
par Bayard Presse, il est clair que la question du droit moral de l’auteur se pose et que ne pas
en parler est source d’une grande ambigüité et incertitude.
Lorsqu’il est question d’adaptation multimédia, les précisions sont utiles mais pas essentielles.
Il n’est pas suffisant de rappeler aux auteurs que Bayard sera attentif au respect du droit moral
des auteurs. Surtout lorsqu’il est indiqué que toutes modifications portant sur le contenu des
œuvres des auteurs devront être soumises pour approbation alors qu’à d’autres endroits, il est
dit le contraire. Et que par ailleurs, le contenu n’est pas tout, la forme d’une œuvre est aussi
importante et met en jeu le droit moral.
Sur les mesures techniques de protection (MTP, autrement appelées en anglais DRM), il
faudra que l’auteur en fasse la demande s’il veut être informé des mesures techniques de
protection qui seraient associées à son œuvre.
« Les contenus proposés forment une offre globale issue d’une « multitude de
contributeurs » ». Les auteurs n’apprécieront pas forcément cette terminologie. Être qualifiés
de contributeurs n’est guère valorisant, pas plus qu’il n’est satisfaisant de lire que les œuvres
seront fondues dans une « offre globale ».
On peut être inquiet lorsque Bayard assure qu’il n’a pas la possibilité d’individualiser les
recettes issues des abonnements, c'est-à-dire en fait de suivre la consommation effective des
œuvres au titre des abonnements souscrits. C’est la justification pour laquelle Bayard propose
un forfait aux auteurs, mais un forfait qui est proportionnel à la rémunération perçue lors de la
commande initiale en presse. Cette proposition n’est toujours pas respectueuse des règles
normales de rémunération des auteurs.
La rémunération proportionnelle exige un calcul qui tienne compte des recettes ou à tout le
moins de l’importance de la consommation faite de l’œuvre ou reposant sur une durée. Une
rémunération proportionnelle calculée par rapport à un forfait initial, surtout sur une base
minimale, ne correspond pas à la nécessité légale du caractère proportionnel. La meilleure
solution dans une hypothèse de ce genre est de transformer le forfait par une limitation à une
durée dans le temps.
Nous comprenons parfaitement l’impossibilité actuelle pour Bayard de fixer des règles alors
qu’ils pensent ou savent ne pas pouvoir s’engager à les respecter systématiquement pour le
moment en l’état de la situation. La raison aurait voulu alors de remettre ou de reporter les
décisions au moment opportun plutôt que de vouloir anticiper les situations et figer celles-ci.
Il est assez contestable de mettre en avant la gratuité de certains accès à Bayard Kid sans se
préoccuper de l’avis de l’auteur sur la mise à disposition gratuite de ses œuvres. La
philanthropie, la générosité ou la stratégie de Bayard repose sur des intérêts commerciaux ou
sur des retombées en termes de communication qui ne sont pas forcément celles de l’auteur. Il
serait normal, lorsque l’on brade ou que l’on dévalorise l’œuvre d’un auteur, en la proposant
gratuitement, que cet auteur soit associé à la prise de décision, voire indemnisé pour la
diffusion faite de son œuvre.
Sur le téléchargement de l’œuvre : référence à une rémunération de 9 %. En cas de pluralité
d’auteurs, 9 % répartis au prorata des contributions respectives : situation inquiétante car on
ne sait qui déterminera qui seront les coauteurs de l’œuvre téléchargée. Dans tous les cas, les
auteurs des différentes œuvres exploitées n’auront sans doute pas leur mot à dire sur « avec
qui ils seront associés » et « comment la manne sera répartie ». Ils n’auront de plus aucun
moyen de contrôler la réalité du pourcentage sur l’assiette ainsi mentionnée.
Il est mis en avant le développement de certaines animations ou jeux entrainant de lourds
investissements pour justifier que le taux de base proposé aux auteurs soit divisé par trois (3
%). Cette argumentation est assez inacceptable. En quoi les investissements commerciaux que
l’éditeur prendrait la décision de prendre devraient-ils avoir (sans aucune justification) de
diminuer la rémunération convenue directement entre l’auteur et l’éditeur au regard de
l’exploitation de son œuvre. L’auteur peut avoir l’idée que si son œuvre est utilisée pour aussi
peu d’intérêts financiers, alors mieux vaut encore qu’elle ne le soit pas. Que reste-t-il alors à
l’éditeur à adapter s’il n’a pas l’œuvre d’origine pour le faire ?
Promotion aux activités de Bayard : la rémunération forfaitaire qui est envisagée semble être
imposée à l’auteur et non pas discutable. Ce n’est pas normal. La règle devrait demeurer un
accord contractuel négocié et négociable et une rémunération librement convenue entre les
parties.
En conclusion si la note préparée par Bayard a le mérite de clarifier certains points qui étaient
obscurs et de préciser les intentions d’exploitation de la part de Bayard, en revanche elle ne
permet pas à l’auteur d’être totalement rassuré et garanti sur la situation pour « tenter
l’aventure avec Bayard ». Il serait bien que les auteurs bénéficient d’un filet de sécurité avant
de se jeter dans le vide...
o Lettre du 20 septembre signée Sylvaine Hartout
La lettre d’accompagnement datée du 20 septembre montre une évolution à la suite des
mouvements de « grogne » des auteurs (augmentation des taux de rémunération). C’est
intéressant mais sans doute pas encore suffisant malgré les explications données. Les efforts
en termes de rémunération sont loin d’être totalement convaincants. Le 9 % au lieu de 6 %, le
3 % au lieu de 1 %, le 30 % au lieu de 15 % sont la démonstration que c’était notablement
insuffisant auparavant, mais c’est encore insuffisant !
o Sur la lettre accord Bayard
Au point 1, page 1, avant-dernier paragraphe, « par plus-produits » les parties présentes
entendent des produits de faible valeur issue de l’œuvre (objets divers, peluches, jeux, etc.),
exploités à des fins promotionnelles avec le magazine. Il me semble que ce membre de phrase
devrait être enlevé purement et simplement.
Dans le point 2 : « 25 % des sommes brutes forfaitaires dans les supports édités par Bayard
Presse », « 30 % des sommes brutes hors taxes lorsque c’est réalisé par des filiales de Bayard
ou par des tiers ».
C’est bien parce que c’est mieux que dans les premières versions, mais ce n’est pas encore
assez. Pourquoi pas 50 % ? L’argument des frais supérieurs pour le replacement dans la
presse n’est pas pertinent.
Sur le point 3 : extraits dans les livres scolaires ou institutionnels. Cette question devrait faire
l’objet d’un accord préalable de l’auteur. Pourquoi 30 % ? 50 % serait normal.
Sur le point 4 : concernant le droit moral « au titre du présent paragraphe et sans renoncer à
votre droit moral, vous acceptez expressément que votre œuvre puisse être téléchargée et
qu’elle fasse l’objet d’une adaptation multimédia sous forme notamment d’une animation
visuelle et/ou sonore ». Une adaptation est une atteinte à l’intégrité de l’œuvre d’origine, ce
qui devrait nécessiter l’autorisation de l’auteur.
Sur la somme, le montant forfaitaire et unique correspondant à 10 % de la somme brute
forfaitaire précitée pour une durée d’exploitation de 3 ans à compter de la première
exploitation en ligne. Le délai de départ n’est pas satisfaisant et 10 % n’est pas suffisant. 3 ans
à compter de l’exploitation en ligne n’est pas clair, 3 ans à compter de la signature serait plus
satisfaisant.
Le 9 % qui est prévu n’est toujours pas très élevé, même s’il est mieux que le 6 % qu’il y
avait avant. Quant au 3 % en cas d’adaptation multimédia, c’est mieux que le 1 % d’avant
mais ce pourcentage était simplement insultant. C’est toujours beaucoup trop faible et on ne
voit aucune raison pour l’auteur d’être satisfait que son œuvre soit adaptée dans de telles
conditions.
Point 6, dernier paragraphe, l’adaptation au contexte éditorial local me semble être
inacceptable sans un accord et une information préalable de l’auteur.
Point 8, droit de préférence de 5 ans, il me semble que c’est toujours aussi inacceptable dans
les conditions actuellement rédigées (en particulier la procédure de notification et l’intrusion
de Bayard dans le rapport de l’auteur avec un autre éditeur).
II/ Milan.
o Le bon de commande.
J’ai toujours les mêmes réserves ou remarques concernant ce document. Si un bon de
commande est fait œuvre par œuvre, pourquoi ne pas y inclure à chaque fois la cession
comprise dans la lettre accord ? Le pourcentage supplémentaire si le magazine est
exploité à l’étranger entrainant une somme supplémentaire de 25 % du forfait initial,
couvre-t-il également le numérique ou pas ? C’est quoi l’étranger ? Ce n’est pas très
évident de bien savoir comment tout cela s’applique…
o Lettre accord cadre Milan.
Au point 1-1, je ne vois pas pourquoi l’auteur devrait participer en acceptant de ne pas avoir
de rémunération pour la promotion du magazine ou de Milan Presse ou des autres sociétés du
groupe Bayard Presse. C’est de la publicité, cela devrait être payé à l’auteur.
Sur le 1-2, je ne vois pas pourquoi l’œuvre pourrait être considérée comme étant un simple
instrument promotionnel et ce, sans que l’auteur y trouve son intérêt financier légitime et réel.
C’est pourquoi je ne vois pas pourquoi la rémunération prévue au 1-2 ne serait que de 25 %
de la somme forfaitaire initiale.
Sur le 2-1, chaque réexploitation devrait entrainer une rémunération de 25 % de la somme
forfaitaire. Il est indiqué là chaque réexploitation alors que dans le bon de commande, il est
indiqué que si le magazine est exploité à l’étranger, une somme forfaitaire de 25 % serait
versée. Qu’en est-il exactement et comment cela fonctionne-t-il précisément ?
Article 2-2 : l’ensemble des réexploitations de chaque œuvre en Europe, si cela couvre les 29
pays, ce n’est pas terrible. 25% de la somme forfaitaire initiale.
Mes remarques sur le document Milan concernant les pourcentages sont les mêmes que celle
concernant la lettre accord Bayard (voir ci-dessus).
Article 5, 2e paragraphe. Ce paragraphe ne me semble pas utile et surtout bon pour les auteurs,
c’est une atteinte au droit moral.
Article 8 : même remarque que pour Bayard.
Sur l’article 9, le 2e paragraphe n’est pas très clair. On ne comprend toujours pas cette durée
de 10 ans à compter de la date de la lettre accord. Et on ne comprend pas non plus le 3e
paragraphe.