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De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
De tout temps, l’homme a cherché à reproduire de la musique ou la
voix humaine par des machines. Des procédés mécaniques aux
procédés électromagnétiques, quelles sont les étapes qui ont donné vie
au mp3 ?
Au
XIXème,
c’est
l’essor
des
instruments mécaniques automatisés.
Les tabatières musicales font fureur.
C’est seulement en 1866, à Leipzig, que
Paul Lochmann eut l’idée de remplacer
le cylindre pointé par un disque
métallique. Ce dernier est garni sur une
face d’aspérités qui sont de fines
lamelles de métal coupées par
emboutissage sur la surface du disque
et recourbées sur elles-mêmes sur
l’autre face. Au départ, l’idée est de
réduire l’encombrement vertical afin
d’intégrer plus facilement des boîtes à
musique dans les montres à gousset.
Naissent alors une nouvelle génération
de machines musicales, appelées
Polyphon ou Symphonion (du nom de
leur marque). Le disque peut être
disposé soit verticalement (machine à
disque en buffet), soit horizontalement
(musique à disque de table). Ces
instruments permettent une attaque
plus franche et donnent des basses
plus profondes. Les disques mesurent
de 10 à 70 cm de diamètre.
I. LE TEMPS DES AUTOMATES
1. Les boîtes à musique
Les premiers automates musicaux
datent du IIIème siècle av. J.-C en
Egypte. A l’époque, les automates
soufflent dans des flûtes, mais sans
essayer de reproduire une mélodie. Le
but est avant tout d’être spectaculaire.
Il faut attendre les années 813-833 et
les trois frères Banu Musa à Bagdad
pour trouver les premiers exemples de
musique programmée à l’aide d’un
cylindre.
En 1796, Antoine Favre invente à
Genève la boîte à musique. C’est un
peigne de lamelles métalliques mises
en vibration par les picots d’un
cylindre. Débute alors l’âge d’or des
automates. Certains personnages
animés jouent désormais réellement de
leur instrument, comme Le Joueur de
Flûte de Vaucanson ou La Musicienne
de Jaquet-Droz. Les boîtes à musique
accompagnent alors des automates, la
musique permettant de masquer les
bruits mécaniques engendrés par leurs
mouvements.
La construction de ces nouveaux
instruments est beaucoup moins
compliquée et demande une précision
moindre que celle des boîtes à musique
à cylindre. Les disques étant fabriqués
par emboutissage, ils pourront être
reproduits
sans
difficulté.
Les
mécanismes et les coffrets des
différents modèles seront fabriqués en
série, ce qui permet de réduire
considérablement
le
prix
d'un
instrument. De plus, le système de
disques
permet
à
l’utilisateur
d’augmenter sa collection, rendant les
boîtes à musique à disques plus
attrayantes que les musiques à
cylindre. Plus robustes, plus sonores et
moins coûteuses, on pourra souvent
1 La joueuse de tympanon, 1784, Inv. 075010001 ; Cette automate peut jouer jusqu’à huit
airs différents sur un véritable tympanon.
1
De la boîte à musique à la musique numérique
trouver dans les cafés des boîtes à
musique de grandes dimensions
munies d'un monnayeur et d’une
grande caisse de résonance, voir même
d’un chargeur de disque automatique.
Libre alors à l’utilisateur de choisir le
disque qu’il souhaite écouter. C’est
l’ancêtre du juke-box.
LE PETIT JOURNAL
La crise des années 30 mettra fin à leur
commercialisation, le piano mécanique
étant plus cher et plus encombrant que
les nouveaux moyens de reproduction
du son.
3 Pianola
Piano,
1905, Inv.
21812-
2 Polyphon, 1892,
Inv. 44228-0001-
2. Les instruments
mécaniques
Apparaissent à cette
période
des
instruments
mécaniques.
L’idée
est
d’utiliser
de
véritables
instruments qui joueraient tous seuls. Il
existe
nombre
d’instruments
mécaniques qui furent créés : pianos,
violons, voir même des ensembles de
plusieurs
instruments,
le
tout
automatisé. Les pianos mécaniques
auront un rôle important dans la
sonorisation du cinéma muet. A
l’époque, les films sont rythmés par une
musique jouée par un pianiste sur
place qui essaie d’adapter son jeu à ce
qui se passe à l’écran. Avec les pianos
mécaniques, un projectionniste peut
désormais jouer du piano pendant le
film, sans l’apport d’un professionnel. Il
est intéressant de noter qu’un piano
mécanique peut aussi être utilisé
comme un piano classique.
II.
Invention
et
progrès
de
l'enregistrement sonore acoustique
de 1877 à 1970
1. Les phonographes (1877-1930)
Le 18 décembre 1877, Thomas A. Edison
dépose en France le brevet du premier
appareil capable d'enregistrer et
reproduire les sons. Il remet le 15
janvier 1878 un certificat d'addition
dans lequel l'appareil est baptisé
« phonographe ».
Le principe de cet appareil est simple.
Le son est une vibration mécanique se
propageant dans un milieu matériel.
Edison imagine donc un dispositif
permettant de convertir ces vibrations
en un sillon, gravé sur un support
solide, dont les variations de
profondeur suivent celles du son. On a
ainsi converti le signal sonore en un
« signal » d'une autre nature, la
déformation du milieu matériel.
Le phonographe est formé d'un cylindre
métallique horizontal monté sur un axe
fileté. Une manivelle située au bout de
cet axe permet ainsi d'entraîner le
cylindre selon un mouvement hélicoïdal
le long de cet axe. Pour enregistrer, on
enroule tout d'abord une feuille d'étain
sur le cylindre : c'est dans cette feuille
que le sillon est gravé. Ce sillon est
gravé par un stylet relié à une plaque
vibrante disposée au fond d'un pavillon
: lorsqu'on parle dans le pavillon, les
Au début du XXème siècle, le Pianola
Piano constituait avec le phonographe
la principale source de musique au sein
des foyers. Les plus grands pianistes et
compositeurs de ce temps (Debussy,
Joplin, Strauss, Ravel, Stravinsky…)
ont réalisé des enregistrements pour
piano mécanique. Au total, deux
millions de pianolas sont fabriqués
dans les trente premières années du
XXe siècle, avec un répertoire
comprenant plusieurs milliers de titres.
2
De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
procurer des disques préenregistrés
pour l'alimenter.
ondes sonres font vibrer la plaque et
donc le stylet. Il suffit donc de tourner
la manivelle tout en parlant dans le
pavillon pour réaliser l'enregistrement.
La reproduction se fait en ramenant le
cylindre à son point de départ et en
remplaçant la tête enregistreuse par
une tête lectrice.
Le point faible de cette invention avait
été le choix de la feuille d'étain : le son
obtenu était de mauvaise qualité et
disparaissait après quelques lectures,
l'étain étant trop malléable pour garder
longtemps la trace reçue. Edison
absorbé par son invention de la lumière
électrique et délaissant quelque peu
l'enregistrement sonore, il fallut
attendre près de dix ans et le
graphophone de Tainter et Bell
(l'inventeur du téléphone) pour que les
premiers
appareils
soient
commercialisables. D'un point de vue
technique, la feuille d'étain est
remplacée par un cylindre de carton
recouvert d'une couche de cire, le
« récepteur » (tête enregistreuse) et le
« parleur » (tête lectrice) sont encore
différenciés et améliorés. Profitant de
ces améliorations, phonographes et
graphophones furent présentés aux
Expositions de Londres (1888) et Paris
(1889) où ils suscitèrent l'admiration.
A ces variantes d'une même invention,
phonographe et graphophone, s'ajoute
bientôt une troisième, le gramophone
de Berliner, inventé en 1888 mais dont
la
commercialisation
débutera
réellement en 1909 seulement. Le
support d'enregistrement est pour la
première fois un disque. De plus, la
gravure n'est plus en profondeur, c'est
une inscription latérale présentant
l'avantage d'exiger moins de puissance
pour la mise en mouvement du stylet.
Le gramophone inaugure aussi la série
des machines parlantes non réversibles
: il est impossible de réaliser soi-même
ses enregistrements et il faut donc se
1 Phonographe d’Edison, 1878, Inv. 08920
Ces premières machines reproduisent
correctement la parole mais ne
possèdent aucune qualité musicale. Au
début des années 1890, ses promoteurs
songent alors à la mettre en location
(sur le même modèle que le téléphone)
pour faire une machine postale, créant
ainsi la « lettre parlée » : les
enregistrements
sur
cylindre
remplacent les lettres écrites. Mais la
poste parlée est un fiasco. Certains
phonographes servent aussi de
machines à dicter. Cependant, peu à
peu, ces machines de bureau sont
reconverties par leur loueur en
machines à sous débitant les dernières
chansons à la mode. Cet usage musical
du phonographe s'impose alors très
rapidement.
En France, Charles Pathé découvre
ainsi le phonographe d'Edison à la Foire
de Vincennes de 1894 : devant le succès
rencontré par ces Juke-box avant la
lettre, il décide de rassembler les 1800
F nécessaires à l'achat et parcourt les
foires. Les autres forains sont étonnés
du profit que tire Pathé de son
phonographe, ce qui lui donne l'idée
d'importer
de
Londres
des
phonographes achetés à un prix de
gros. Cela lui permet de commencer
une carrière commerciale. En 1896, il
fonde avec son frère Emile une
industrie nationale du disque et du
3
De la boîte à musique à la musique numérique
cinéma, la société Pathé Frères, qui
commercialise
phonographes
et
graphophones importés, édite des
cylindres
puis
fabrique
progressivement
ses
propres
phonographes. En 1906, Pathé lance
ses disques à gravure verticale, ainsi
que les phonographes pour les jouer : le
Pathéphone de 1910 exposé au musée
en est un exemple. Les cylindres sont
ainsi abandonnés au profit du disque
plus rapidement en France (dès 1910)
qu'aux Etats-Unis ou en Angleterre.
LE PETIT JOURNAL
(ou celle de la tête lectrice). C'est
l'enregistrement magnétique qui, le
premier, résoudra ces difficultés.
2. Electrophone et microsillon (19241970)
Les différents types de phonographes
exposés jusqu’ici font uniquement
appel à l’inscription mécanique des
sons :
que
ce
soit
lors
de
l’enregistrement ou de la lecture, aucun
n’utilise l’intermédiaire de l’électricité
(la manivelle permettant de faire
tourner le disque est remplacée par un
moteur
électrique
mais
l’enregistrement et la lecture se font
par
des
procédés
purement
mécaniques).
Dès 1919, les compagnies GramophoneColumbia (en Angleterre) et Bell
Laboratories
(aux
Etats-Unis)
travaillent pour appliquer au disque les
moyens électriques utilisés par la
radiophonie naissante. En 1925, grâce
aux progrès de l’amplification des
signaux
électriques
et
de
la
microphonie,
le
premier
enregistrement électrique sur disque
est réalisé aux Etats-Unis. Le disque
mesure 25 cm de diamètre et permet
d’enregistrer sur une
durée de 5 minutes.
L’électrophone est né.
2 Phonographe Pathé, 1910, Inv. 20704
De nombreuses améliorations seront
apportées aux phonographes : la
galvanoplastie (procédé permettant de
réaliser par électrolyse un moule en
métal du disque) et le pressage des
disques, les dispositifs d'amplification
du son permettront d'améliorer la
qualité de l'enregistrement et de la
reproduction. Les premiers appareils à
pavillon intérieur (et donc plus
facilement
transportables)
apparaissent en 1913. Leur prix
diminuant, les phonographes se
répandent dans de nombreux foyers de
1906
à
1930.
Mais un problème demeure, celui de la
longue durée : la durée maximale
d'enregistrement n'excède pas quatre
minutes par disque. Cela pose
notamment
problème
pour
la
radiodiffusion, en plein essor au début
des années 1930 : les opérateurs
doivent changer les disques très
fréquemment. De plus, le problème de
l'usure du support d'enregistrement est
insoluble : le contact mécanique
nécessaire entre le stylet et le disque
engendre nécessairement son usure
3 Microphone à charbon
Voxia, 1925, Inv. 20812
Le principe de cet
enregistrement électrique est simple. Le
but est toujours de graver un sillon
dans un disque de cire. Mais, au lieu de
faire
vibrer
le
stylet
graveur
directement grâce aux ondes sonores,
on passe par l’intermédiaire d’un
microphone. Ce microphone convertit
les ondes sonores en oscillations
électriques. Celles-ci sont amplifiées
puis transmises à un graveur
4
De la boîte à musique à la musique numérique
fonctionnant
sur
le
principe
électrodynamique (le même principe
que les microphones). Ce graveur est
donc constitué d’un aimant entouré
d’une bobine dans laquelle circule le
courant
variable
provenant
du
microphone. Ce courant variable induit
un champ magnétique variable à
l’intérieur de la bobine, ce qui fait
osciller l’aimant. En plaçant le burin
graveur au bout de cet aimant, on a
réalisé un graveur électrodynamique. A
la lecture, le processus est inversé : les
oscillations de l’aiguille (reliée à un
dispositif bobine-aimant) dans le sillon
sont
transformées
en
courant
électrique variable amplifié ensuite
pour alimenter un haut-parleur
restituant le son enregistré.
LE PETIT JOURNAL
4 Electrophone 78 tours « La voix de son
maître », vers 1950, Inv. PR067
Dans les années 40, l’apparition de
nouveaux matériaux, en particulier le
PVC (polychlorure de vinyle), va
permettre de remplacer la cire et
d’améliorer grandement la qualité de
l’enregistrement : le vinyle est bien plus
souple et résistant à l’usure, et surtout
sans
« grain »
ce
qui
réduit
considérablement le bruit de fond. Il
devient alors possible de réduire la
taille du sillon pour augmenter la durée
de l’enregistrement.
Bien que l’électrophone fasse son
apparition en 1925, son coût élevé le
réserve dans un premier temps à un
usage professionnel : c’est seulement
lors de l’enregistrement que ce procédé
est
utilisé.
Cet
enregistrement
électrique permet ainsi d’augmenter le
spectre des fréquences enregistrées.
La lecture du disque se fera encore
pendant longtemps à l’aide d’un
phonographe. Ces électrophones ne se
diffuseront dans les foyers qu’après la
Seconde Guerre Mondiale, l’apparition
des transistors en 1948 permettant de
diminuer considérablement la taille et
le coût des dispositifs d’amplification.
En 1947, Peter Goldmark, un hongrois
travaillant pour la Columbia Record,
réussit à mettre au point un système de
gravure où les motifs sont de la largeur
d'un cheveu (environ 70µm soit
0,07mm). La largeur du sillon est ainsi
divisée par trois par rapport au 78
tours. Ce type de gravure, appelé
« microgroove » ou microsillon, est
associé à un lecteur capable de suivre
ces fins motifs ainsi qu'un système
d'égalisation électrique permettant de
compenser la perte de fidélité créée par
ce système.
A cette amélioration du graveur
s’ajoute une amélioration du support
d’enregistrement. Celui-ci est un
disque 78 tours à gravure latérale :
c’est ce format qui s’est imposé
définitivement à la fin des années 20.
En 1948, Columbia présente ainsi un
nouveau produit révolutionnaire, le
Long Playing Record dit « LP »,
permettant un enregistrement de 23
minutes par face pour un disque de 30
cm de diamètre. Le disque vinyle tourne
à une vitesse de 33 tours 1/3 par
minute. La grande force de Columbia
Record est que, en plus de présenter ce
système révolutionnaire, elle avait,
depuis des années, enregistré des copie
des « masters » (originaux) de chaque
5
De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
sonorité si particulière, ainsi que
l'emploi de ces disques par les DJ
(mixant
plusieurs
morceaux
enregistrés sur différents disques pour
en créer un nouveau), le maintiennent
toujours en vie.
session d'enregistrement et donc était
prête à presser en masse de très
nombreux disques dénués de tout bruit
parasite.
L’année suivante la compagnie RCA,
concurrente directe de la Columbia,
présente une évolution du 33 tours pour
les durées d’audition inférieures à 10
minutes : un disque de seulement 17 cm
de diamètre tournant à 45 tours par
minute. Le succès de ce format fut
donc basé sur le fait que les disques
étaient presque deux fois plus petit que
les LPs : associés à un lecteur au
format lui aussi réduit, la musique
devient
encore
plus
facilement
transportable.
Les microsillons 33 tours et 45 tours
vont connaître un énorme succès
jusqu’à la fin des années 70. Les
électrophones sont capables de lire les
deux formats ainsi que le format 78
tours (il suffit de changer la vitesse de
rotation à l’aide d’un curseur). La
production et commercialisation des 78
tours
seront
définitivement
abandonnées en 1957.
III. L’ENREGISTREMENT
MAGNETIQUE : DU TELEGRAPHONE
DE POULSEN A LA CASSETTE
AUDIO DE PHILIPS
1. Les phénomènes magnétiques
Les phénomènes magnétiques sont
connus depuis l'antiquité mais ce n'est
qu'aux XVIIIè et XIXè siècles que furent
formulées
les
lois
de
l'électromagnétisme : une variation de
courant
électrique
peut
rendre
magnétique un morceau de fer, les
variations d'un champ magnétique
induisent un courant dans un circuit
voisin.
C'est Oberlin Smith qui, en 1878, eut
l'idée d'utiliser ce phénomène afin
d'enregistrer un son. Il avait constaté
que des particules d'acier dispersées
dans un fil textile pouvaient acquérir
des états magnétiques variables le long
du support, et ce de façon permanente.
Cette aimantation locale pouvait être
produite par un électroaimant devant
lequel le fil se déplaçait. L'application à
l'enregistrement du son découle
naturellement de cette observation : si
l'électroaimant est relié à un
microphone dans lequel on parle, les
variations de l'aimantation du fil
constitueront le signal enregistré.
Avant de poursuivre l'histoire de
l'enregistrement magnétique, nous
allons nous attarder sur son principe
théorique.
A partir de 1958, les premiers
enregistrements stéréophoniques sont
commercialisés. On utilise deux
microphones distants l’un de l’autre à
l’enregistrement. Le signal sonore est
alors partagé en deux canaux qui, lors
de l’audition, correspondent à deux
haut-parleurs. Une tentative de
quadriphonie sera faite en 1971 par
plusieurs constructeurs mais son coût
important,
ainsi
que
la
crise
économique naissante, la réduiront à
néant.
A partir de 1978, Philips commence le
développement
du
compact-disc
audionumérique
qui
sera
commercialisé en 1983. Il supplante
rapidement le microsillon, bien que
celui-ci ne disparaisse pas totalement :
des amateurs nostalgiques de sa
2. Principe de l'enregistrement
magnétique
Pour enregistrer le son, on commence
par
transformer
les
vibrations
acoustiques d'une membrane en un
6
De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
courant électrique variable : les
variations du courant électrique
suivent celles du son, c'est le principe
du microphone, nous n'y reviendrons
pas ici. L'enregistrement magnétique
consiste donc à convertir ce signal
électrique en un signal « magnétique »,
puis à « graver » ce signal magnétique
sur
un
support
matériel.
Pour convertir le signal électrique en un
signal magnétique, on utilise un
électroaimant.
Un
électroaimant
élémentaire est tout simplement
constitué d'une bobine de cuivre dans
laquelle on fait circuler un courant
électrique : les variations du courant
électrique
créent
un
champ
magnétique
dont
les
variations
retranscrivent celles du courant. Un
noyau de fer doux est ajouté dans la
bobine pour augmenter l'intensité du
champ créé. Si l'électroaimant est
parcouru par le courant provenant du
micro, les variations du champ
magnétique suivent donc celles du son.
Pour
mieux
comprendre
cet
enregistrement par aimantation de la
bande, quelques précisions sur les
propriétés magnétiques de la matière
s'imposent.
Les électrons sont en mouvement
orbital autour du noyau. De plus,
chaque électron se comporte comme
s'il tournait sur lui-même à la manière
d'une toupie : c'est le spin de l'électron.
Chacun de ces mouvements, orbital et
de spin, est assimilable à la circulation
d'un courant électrique dans une
boucle microscopique : ils produisent
donc chacun les effets d'un dipôle
magnétique,
c'est-à-dire
qu'ils
constituent chacun un aimant. Leurs
effets combinés peuvent résulter en un
magnétisme global de l'atome, c'est le
cas pour la plupart des atomes (ce n'est
pas le cas pour l'atome d'aluminium :
les effets combinés du mouvement
orbital et du spin s'annulent, l'atome
d'aluminium
est magnétiquement
neutre).
Il faut maintenant «graver» ces
variations du champ magnétique sur
un support possédant des propriétés
magnétiques. Ces variations du champ
magnétique vont se traduire par une
variation de l'aimantation de la bande
(ou fil) support défilant devant
l'électroaimant. Ce sont ces variations
d'aimantation qui constitueront le
signal « gravé ».
Pour lire l'enregistrement, il suffit de
refaire défiler la bande devant un
électroaimant relié à un haut parleur.
La bande crée un champ magnétique
variable
en
défilant
devant
l'électroaimant, ce qui crée dans celuici un courant variable. Ce courant
alimente le haut-parleur qui restitue le
son.
Si la majorité des atomes sont des
dipôles magnétiques, les matériaux
constitués de ces atomes ne le sont pas
7
De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
forcément. Si ces dipôles sont alignés
en sens opposé (fig 1), les effets
s'annulent et à l'extérieur d'un tel
ensemble le champ résultant est nul :
c'est
le
cas
des
matériaux
antiferromagnétiques (le chrome par
exemple). Au contraire, si les dipôles
sont alignés dans le même sens (fig 2),
leurs effets se renforcent et on observe
un champ magnétique résultant : ce
sont les matériaux ferromagnétiques
(fer, le cobalt ou nickel).
Lors de l'enregistrement; on fait donc
défiler un fil ou ruban constitué d'un
matériau ferromagnétique dur devant
un électroaimant relié au microphone
(cet électroaimant constitue la tête
enregistreuse).
Ces
matériaux
ferromagnétiques
présentent
donc
des
zones
d'aimantation
à
l'échelle
microscopique : chaque petit domaine
magnétique est assimilable à un petit
aimant.
Pourtant,
à
l'échelle
macroscopique, un morceau de ces
matériaux ne paraît pas aimanté : cela
s'explique par le fait que ces domaines
magnétiques
microscopiques,
assimilables à de petits aimants, sont
orientés dans tous les sens. Leurs
effets à l'échelle macroscopique
tendent à s'annuler et le matériau
apparaît comme non magnétique.
La magnétisation globale de chaque
groupe de la bande se produit dans un
sens ou dans l'autre selon le sens du
courant circulant dans l'électroaimant
et donc selon le sens de vibration de la
membrane
du
microphone.
L'amplitude de cette vibration se
traduit par un aimantation plus ou
moins profonde de la bande, la vitesse
de cette vibration par la longueur plus
ou moins grande de la zone aimantée,
le sens de la vibration par le sens de
l'aimantation.
L'enregistrement se fait toujours sur
une bande vierge de tout élément
d'information magnétique, une tête
d'effacement est donc située avant la
tête
enregistreuse.
La lecture se fait par une troisième tête
très semblable à celle d'écriture
(certains appareils possèdent même
une seule tête pour ces deux fonctions).
Le mécanisme est l'inverse de celui
d'enregistrement. Le défilement des
différentes zones d'aimantation devant
Néanmoins, en approchant un aimant
d'un
morceau
de
matériau
ferromagnétique, chaque domaine
s'aligne selon le champ magnétique
extérieur : le matériau s'est aimanté et
on crée ainsi un aimant. Si le matériau
conserve son aimantation lorsque l'on
retire le champ extérieur, on dit que ce
matériau est ferromagnétique dur :
c'est ce type de matériau qui doit être
utilisé
comme
support
pour
l'enregistrement magnétique.
8
De la boîte à musique à la musique numérique
la tête de lecture induit un courant
électrique variable dans le bobinage de
la tête de lecture. Ce courant alimente
le haut-parleur en actionnant sa
membrane vibrante : le son enregistré
est alors restitué.
LE PETIT JOURNAL
industrielle (par la fabrique berlinoise
MIX et Genest) ainsi que l'ajout d'un
courant continu de polarisation
améliorant la netteté de la parole. Cet
appareil restera néanmoins une
machine de bureau (répondeur,
dictaphone...) car de nombreux
perfectionnements, tant dans la
téléphonie (sensibilité du microphone
et
de
l'écouteur),
que
dans
l'amplification électrique du signal, font
défaut. Il est ainsi impossible
d'enregistrer puis de reproduire de la
musique avec une fidélité suffisante.
3. Du télégraphone à la machine
Marconi-Stille (1898-1934)
Ce n'est qu'en 1898 que Valdémar
Poulsen réalise pour la première fois un
enregistrement magnétique de la voix.
Il semble qu'il n'ait pas eu
connaissance des notes de Smith.
Poulsen travaille alors depuis 1893 à la
section technique de la Compagnie des
Téléphones de Copenhague et, tant par
goût que par nécessité professionnelle,
les recherches sur l'acoustique
l'attirent.
En 1907, la mise au point de la lampe à
trois électrodes (dite aussi audion) par
Lee
de
Forest
révolutionne
l'enregistrement et la reproduction du
son en donnant la possibilité
d'amplifier le courant modulé par un
micro ou une tête de lecture.
A partir de 1924, au sein de la fabrique
de matériel phonographique Vox, le
physicien
allemand
Curt
Stille
commence à étudier les moyens
d'améliorer
l'enregistrement
magnétique du son. Il met ainsi bientôt
au point un modèle à fil capable
d'enregistrer et de reproduire de la
musique. La Vox cesse ses activités en
1927. En 1928, Stille rencontre Ludwig
Blattner, homme d'affaires allemand
produisant des films en Angleterre, et
reprend ses travaux. Il modifie
l'appareil musical de la Vox pour
mettre au point le Multitone, bientôt
rebaptisé
Blattnerphone,
appareil
destiné à synchroniser images et sons
dans
les
films
parlants.
La
synchronisation sons et images
prendra rapidement une autre voie et le
Blattnerphone trouvera refuge à la
BBC.
S'associant à la compagnie anglaise
Marconi, ces travaux aboutiront en
1934
à
l'enregistreur-lecteur
magnétique de type Marconi-Stille. Le
fil d'acier est remplacé par un ruban de
3 mm de largeur.
En août 1898, il constate à son tour
qu'une aimantation locale est possible
sur un fil d'acier. Il lui vient alors à
l'esprit de déplacer, le long d'un fil
d'acier, un petit électroaimant relié à
un microphone téléphonique. Lorsque
Poulsen remplace le microphone par
un écouteur téléphonique et qu'il
redéplace l'électroaimant le long du fil,
il peut entendre le fameux mot
« Jacob » qu'il répéta inlassablement
lors de ses essais jusqu'à en exaspérer
son entourage ! Le fil qui parle était né.
Le brevet fut déposé le 1er décembre
1898
à
Copenhague,
Poulsen
présentant comme but de l'invention
l'enregistrement des télégrammes ou
communications téléphoniques (une
variante fut le répondeur téléphonique
en 1899). Il donne ainsi à son appareil le
nom de Telegraphon, ou télégraphone
(qui se traduit par « écrire le son au
loin » : en parlant dans un téléphone,
on peut s'enregistrer à distance).
Avec son associé Pedersen, il
poursuivit le développement de ces
appareils dans les années 1900 avec
notamment une réalisation plus
9
De la boîte à musique à la musique numérique
La machine exposée au Musée, très
proche de la Marconi-Stille (et même
fabriquée par la Marconi's Wireless
Telegrp Co), est antérieure à ce
modèle. Elle fut fabriquée en 1928 et
utilisée par diverses stations de
radiodiffusion entre 1929 et 1933, dont
la Radiodiffusion Française qui l'a
remise au Musée.
LE PETIT JOURNAL
besoin d'enregistrement de longue
durée
facilement
exploitables,
s'appuiera donc sur l'enregistrement
magnétique. La BBC utilisera ainsi dès
1927 l'appareil musical de la Vox, puis le
Blattnerphone à partir de 1930 pour la
retransmission mondiale de ses
émissions : le décalage horaire entre
les différentes colonies anglaises ne
permet pas de diffuser un même
programme à la même heure, il fallait
disposer d'un moyen technique
permettant de répéter la même
émission à des heures différentes
(ainsi, la radio américaine n'utilisant
pas l'enregistrement magnétique, elle
ne peut diffuser que des émissions en
direct).
Les difficultés rencontrées lors de
l'élaboration de ces machines étaient
nombreuses : amplifier le signal venant
du microphone, créer un champ
magnétique dans un espace très réduit
pour qu'il ne magnétise qu'une partie
très courte du support, choisir
judicieusement l'acier, obtenir une
vitesse de défilement constante,
retranscrire correctement les hautes
fréquences (cela nécessite de pouvoir
aimanter de très courtes zones de la
bande), etc.
1 Enregistreur lecteur magnétique Marconi-
Stille, 1928, Inv. 20822
Ces machines permettent d'enregistrer
le son sur une plus grande durée sans
avoir
à
changer
le
support
d'enregistrement : dans le cas de
l'appareil exposé au Musée, les bobines
contiennent environ 3 km de ruban
d'acier ce qui donne à la machine une
autonomie de 30 minutes. Trois têtes
ont déjà des rôles distincts. Une est
chargée de l'effacement par courant
continu (effacement par saturation). La
seconde exécute l'enregistrement par
un courant continu inverse du
précédent (courant de polarisation de
Poulsen) superposé évidemment au
courant alternatif de modulation (celui
dont les variations retranscrivent le
son). La troisième tête assure la lecture
de l'enregistrement.
Malgré cela, les avantages apportés
par l'enregistrement magnétique pour
la radiophonie sont nombreux : les
disques s'usent mécaniquement ce qui
est impossible dans la lecture
magnétique puisqu'il n'y a plus de
contact (ou, plus précisément, la bande
s'use mais le signal magnétique n'est
pas altéré par cette usure mécanique),
les techniciens ne doivent plus changer
les disques toutes les quatre minutes,
l'effacement de l'enregistrement est
facile et rapide.
Le coût élevé de ces appareils les
réserve dans un premier temps à un
usage professionnel : la radiophonie, en
plein essor à la fin des années 20 et
surtout dans les années 30, et son
4. Du magnétophone à la cassette
audio Philips (1925-1963)
Malgré ces succès, l'enregistrement
sur support magnétique possède un
10
De la boîte à musique à la musique numérique
défaut majeur : les fils ou bandes
d'acier sont des supports lourds et
surtout fragiles. Ainsi, lors du
rembobinage, les techniciens ne
devaient pas rester dans la salle des
machines car la rupture de la bande
pouvait engendrer de graves blessures.
La rupture de la bande en cours de
lecture était aussi fréquente.
LE PETIT JOURNAL
Le développement du magnétophone va
se poursuivre en Allemagne, en
particulier à des fins militaires. La
France, l'Angleterre et les Etats-Unis
s'intéressent peu au développement de
l'enregistrement
magnétique
(les
Marconi-Stille sont utilisées par la
radio mais ne sont plus améliorées).
Les Alliés ne découvriront ainsi qu'à la
fin de la guerre les perfectionnements
apportés au magnétophone.
Cette difficulté est surmontée en 1927
grâce au chimiste et papetier allemand
Fritz Pfleumer : il met au point une
bande de papier recouverte de
particules aimantées, de la poudre
d'oxyde de fer. Cette invention ne
suscite aucun intérêt jusqu'à ce qu'en
1932, la société allemande AEG,
trouvant cette idée intéressante,
engage Pfleumer. En lien avec la BASF,
et après deux années d'expérimentation, la bande définitive est créée :
une bande en acétate de cellulose est
recouverte de poudre d'oxyde de fer.
Cette bande est résistante, légère et
inextensible. En 1935, l'AEG peut ainsi
présenter au public, lors du Salon de la
Radio
de
Berlin,
le
premier
Magnetophon, nommé K1. Cette
marque déposée deviendra ensuite un
nom commun désignant tous les
enregistreurs-lecteurs de son sur
bande magnétique. La bande passante
de ce modèle est comprise entre 50 Hz
et
5000
Hz
:
elle
permet
l'enregistrement musical et c'est sur un
modèle K2 que sera enregistré le
premier
concert
sur
bande
magnétique, le 19 novembre 1936.
De nombreux appareils sont récupérés
mais il n'y quasiment plus de bande
vierge. Ainsi, Eisenhower enregistrera
un message destiné aux auditeurs
allemands et découvrira, lors de la
diffusion, qu'on entend une autre voix
superposée à la sienne : celle d'Hitler !
(ce qui montre la qualité relative de
l'effacement). Eisenhower ordonnera
l'élaboration de bandes vierges
américaines, et c'est d'ailleurs grâce à
l'aide de Pfleumer que débutera la
fabrication des bandes 3M dans le
Minnesota.
Les radios vont alors adopter
rapidement ce support pour remplacer
les fils ou bandes d'acier. En 1947, les
premiers programmes enregistrés sont
diffusés sur les radios américaines et
se multiplient rapidement. La qualité de
l’enregistrement magnétique et sa
facilité
d’utilisation
le
rendent
rapidement
inévitable.
L'invention
des
transistors
par
Bardeen, Brattain et Schokley en 1947,
qui remplacent les encombrants tubes
électroniques (servant à l'amplification
des signaux), va permettre de
miniaturiser les magnétophones (le
Nagra de Stephan Kudelski est le
premier magnétophone portable) : cela
va ainsi révolutionner le travail des
professionnels du reportage et du
cinéma sonore.
La miniaturisation, la diminution de la
vitesse de défilement, l'élargissement
2 Magnétophone Philips portatif, vers 1950
Inv. 20912
11
De la boîte à musique à la musique numérique
de la bande passante entre 40 Hz et 15
000 Hz grâce à l'amélioration de la
qualité des bandes magnétiques, et
bien sûr la baisse des coûts de
fabrication, rendent peu à peu
accessibles ces magnétophones au
grand public.
La bande est
conditionnée dans une cassette afin de
faciliter son utilisation. C'est Philips
qui, en 1963, parviendra à imposer son
format en abandonnant ses droits à
tous les constructeurs pour la
fabrication de cassettes (c'est d'ailleurs
ce que fera aussi JVC pour imposer le
format VHS).
LE PETIT JOURNAL
et
l'enregistrement
magnétique.
sur
bande
Le principe du numérique est de
stocker l'information sous forme de
nombres dans une base binaire. La
base binaire ne nécessite que deux
chiffres, le 0 et le 1. Nous prendrons
comme exemple le nombre binaire
11010 : combien vaut-il dans la base
décimale
que
nous
utilisons
habituellement?
11010 = 1x24 + 1x23 + 0x22 + 1x21 + 0x20 = 26
Ce système peut paraître peu efficace
puisqu'il faut par exemple onze
symboles pour écrire le nombre 1453 en
binaire. Alors pourquoi utiliser cette
base?
3 Lecteur de
cassette
magnétique
Philips, vers 1970,
Inv. 43570
Tous les nombres peuvent être
représentés avec de 0 et des 1.
L'avantage d'un tel système tient au
grand nombre de situations où seules
deux possibilités existent : ouvert ou
fermé, vide ou plein, blanc ou noir, etc.
Avec une main, en considérant chaque
doigt comme levé ou baissé et en
convenant d'un ordre précis il est ainsi
possible de compter de 0 à 31.
Pour les lettres, il suffit d'établir une
table
de
correspondance
entre
nombres et caractères. Ces tables de
codage sont définies au niveau
international. La plus répandue est la
norme ASCII dans laquelle le caractère
«A» est représenté par le nombre
1000001. En informatique, l'information
élémentaire (0 ou 1) est appelée un bit
(de l'anglais binary digit : «chiffre
binaire»)
L'enregistrement
sur
bande
magnétique ne se limitera bientôt plus
à celui du son. Le premier
magnétoscope est commercialisé en
1956 par la société Ampex. Les
ordinateurs bénéficieront également de
l'enregistrement magnétique qui reste
encore actuellement la principale
méthode de stockage des données
informatiques (le disque dur est un
enregistreur-lecteur magnétique).
IV. L’ENREGISTREMENT
NUMERIQUE
1. Le disque compact : la mémoire
optique
C'est en 1982 que Philips et Sony
proposèrent le premier disque compact
(ou CD) contenant de la musique. Au
milieu des années 80 apparaît ensuite
le CD-ROM dédié au stockage de toutes
sortes d'informations. En une dizaine
d'année, ce support numérique a
révolutionné la manière de stocker
l'information et a supplanté la gravure
sur disque (principe du phonographe)
Un CD préenregistré est une galette de
douze centimètre de diamètre et d'un
peu plus d'un millimètre d'épaisseur.
Elle est constituée de quatre couches
distinctes, dont la principale est le
plastique.
Observée au microscope, la surface du
CD présente une succession de creux
12
De la boîte à musique à la musique numérique
(ou pits) et de bosses (ou lands) qui
contiennent précisément l'information.
Ces pits et ces lands ont une différence
de hauteur de 125 nanomètres et sont
recouverts d'une couche d'aluminium.
Cette couche d'aluminium assure la
réflexion du faisceau d'un laser lors de
la phase de lecture.
LE PETIT JOURNAL
métallique. Le principe de la lecture
consiste à distinguer pits et lands à
l'aide de la réflexion du laser et à
traduire cette information.
Faisons une analogie. Lorsqu’une
voiture roulant sur une route dégradée,
passe sur une bosse, l'un des
passagers crie. L'autre passager note
des 0 sur une feuille de papier toutes
les secondes par exemple, et un 1
lorsqu'il entend un cri. A la fin du
voyage, les passagers peuvent produire
un code binaire susceptible de contenir
une information sur la route
parcourue. De la même manière le
détecteur de lumière du lecteur de CD
reconstruit une séquence de 1 et de 0 à
partir de la différence de réflexion
caractérisant un land ou un pit (le
rayon lumineux parcourant plus de
chemin lorsqu'il réfléchi par un land).
Les pits et les lands d'un CD sont
disposés le long d'une spirale (d'une
façon analogue à la piste des anciens
disques en vinyles). Cette spirale peut
atteindre 5,7 km de long. Les
différentes pistes de la spirale sont
séparées par des distances très petites
(1,67 µm) ce qui conditionne l'espace de
stockage disponible.
Après le CD viendront ensuite les
supports récents tels que le DVD, puis
le Blu-Ray Disc, évolutions naturelles
du CD en terme de technique.
Les disques compacts sont obtenus par
pressage. Un tampon métallique est
fabriqué spécialement pour chaque CD
et permet alors d'obtenir des dizaines
de milliers de disques en pressant
simplement ce tampon sur une galette
de plastique. Un laser illumine une
résine photosensible à des endroits très
précis qui vont durcir. A l'aide d'un
acide on élimine alors les parties non
durcies afin de produire les pits et les
lands. A l'issue de cette étape, la galette
plastique présente donc les creux et les
bosses voulus et il ne reste plus qu'à
déposer les autres couches.
1 Lecteur DVD de salon Philips DVD 3010, 2005
2. Le disque dur
L'un des organes centraux de
l'ordinateur est son disque dur, dont le
rôle est de stocker des données et de
les conserver une fois l'alimentation
coupée.
Pour transformer les pits et les lands
en langage binaire, il suffit de détecter
le passage de l'un à l'autre. Pour cela,
on envoie un rayon laser entre le visible
et l'infrarouge de longueur d'onde 780
nm est envoyée sur le disque en
rotation. Il est réfléchi par la couche
C'est en 1956 qu'IBM créé le tout
premier disque dur baptisé RAMAC
(Random Access Method Accounting &
Control). Il s'agissait d'un disque dur
13
De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
fer et d'autres métaux comme le nickel.
La compréhension de ce phénomène
est connu depuis seulement quelques
années. La magnétite est un matériau
naturellement aimanté. Ils sont dits
«ferromagnétiques». Un tel matériau
possède la capacité d'aimanter
d'autres objets. Un aimant possède
deux pôles, qu'on appelle pôle nord et
pôle sud. Quand on approche deux
aimants, les pôles de même nom se
repoussent tandis que deux pôles de
noms différents s'attirent.
d'une capacité de 5 Mo (soit l'équivalent
d'une grosse chanson mp3) qui tenait
d'ailleurs plus d'une machine que du
disque dur tel qu'on le connaît
aujourd'hui. L'ensemble pesait plus
d'une tonne, avait la taille d'une
armoire et disposait d'un total de 50
plateaux de 60 centimètres de
diamètre. Le RAMAC se présentait
comme une espèce de jukebox avec une
seule tête de lecture et une tête
d'écriture pour tous les plateaux. À
cette époque IBM mettait à disposition
ses solutions sous forme de leasing. Il
en coûtait 50 000 dollars par an pour
disposer d'un tel disque dur, soit le prix
de 17 voitures entrée de gamme de
l'époque pour un coût de stockage au
mégaoctet de 10000 dollars ! Malgré
tout, IBM a pu installer un parc total
d'environ 1000 systèmes.
Petit à petit, la technologie évolue et
diverses avancées voient le jour : les
roulements à billes font leur apparition
et les matériaux utilisés pour les têtes
de lecture changent également avec
l'arrivée des premières têtes à base de
ferrite. Au fil du temps, le disque dur
continue donc de se développer au
point de supplanter les technologies
d'enregistrement sur cassette de
l'époque. En 1973, IBM sort l'IBM 3340 :
il s'agit d'un coffret en deux parties
avec un plateau fixe et un disque
amovible. Chaque partie avait une
capacité de stockage de 30 Mo et les
ingénieurs faisaient référence au 30/30
pour désigner ce disque. Pour
l'anecdote, un parallèle a été fait à
l'époque avec le fusil dit Winchester
30/30 ce qui a valu à l'IBM 3340 d'être
surnommé Winchester. L'appellation a
la vie dure puisqu'en Russie, un disque
dur s'appelle toujours aujourd'hui
Winchester !
Le principe d'écriture des données sur
un matériau ferromagnétique est le
suivant. Initialement le matériau n'a été
exposé à aucun champ magnétique. La
tête de lecture qui possède un aimant
(avec un pôle nord et un pôle sud) va
aimanter les matériaux dans la
direction du champ imposé, créant des
zones magnétiques où l'aimantation est
unique. Sur le schéma, la direction de
l'aimantation est symbolisée par un
code de couleur. Le pôle nord est
symbolisé en rouge, le sud en bleu.
Pour écrire des données sous forme
binaire, il suffit de disposer d'un aimant
capable de produire un champ
magnétique de direction constante
mais dont on peut modifier le sens.
C'est le principe de l'électroaimant. En
modifiant le sens d'une zone à une
Les aimants naturels sont connus
depuis l'antiquité grecque et chinoise:
la magnétite a la propriété d'attirer le
14
De la boîte à musique à la musique numérique
LE PETIT JOURNAL
très grande, ce qui limite la quantité
d'information que l'on peut stocker.
autre, on y enregistre les données, le 0
correspondant à un sens, le 1 à l'autre.
Pour résoudre ce problème, on utilise
la variation de la résistance de certains
matériaux avec l'intensité du champ
magnétique dans lequel ils sont
plongés. En remplaçant la mesure du
courant par une mesure de résistance
on
a
augmenté
la
densité
d'information.
2 Disque Dur du CDC Model 877, début des
années 1970
Le système de lecture des disques durs
a beaucoup évolué. Initialement, les
têtes de lecture exploitaient l'effet
inverse de celui à l'œuvre pour
l'écriture.
Lorsque deux domaines du support
sont orientés différemment, il y a
création d'un champ magnétique de
fuite qui sera repéré par le passage de
la tête de lecture. Cela correspondra au
1 en langage binaire.
Lorsque deux domaines sont orientés
identiquement, il n'y aura pas de
champs de fuite. Cela correspondra au
0.
On voit qu'en inscrivant 1 puis 0 puis 1,
la tête de lecture enregistre le chiffre 5.
Le problème de cette méthode est que
le courant induit est très faible. La taille
des zones enregistrées doit donc être
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