En-tête de lettre - Institut Charles Peguy

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En-tête de lettre - Institut Charles Peguy
07/12/2011
Le Community-Based Tourism :
un idéal réaliste ?
Étude basée sur le concept thaïlandais
Jérémie Holemans
Remerciements
La réalisation de ce mémoire n’aurait jamais été possible sans le soutien et le professionnalisme d’un
bon nombre de personnes. L’ambiance chaleureuse et unique dans laquelle j’ai eu la chance de m’initier
à la pratique du Community-Based Tourism dans le nord de la Thaïlande en fît une expérience inoubliable, riche en échange, en découverte, en apprentissage et en bon moments.
J’aimerais remercier tout particulièrement les personnes suivantes :
Le Docteur Weerapon Thongma, doyen de la faculté de « School of Tourism Development » de
l’université de Maejo, à Chiang Mai. Je le remercie mille fois pour tout ce qu’il m’a appris et permis de
réaliser.
Ms Winitra leelapatana, assistante du doyen de la faculté de « school of tourism development ».
Sa gentillesse et sa serviabilité furent un apport inestimable.
Mr. Sornchai Prainethitham, responsable de l’association du tourisme du village de Ja Bor et Mr. Prommin Puangmala, responsable du village de Mae Kampong et de son association du tourisme.
Ils ont pris le temps de m’accueillir chez eux et répondre présent à mes interviews.
Je ne remercierais jamais assez les nombreuses communautés où j’ai eu la chance d’être accueilli afin
de m’imprégner du mode de vie extraordinaire de ses habitants et découvrir le CBT sur le terrain.
Entres-autres, je pense à Baan Mae Lana, Baan Pang Kuoy, Baan Chiang Dao, Baan Maeteang.
Le CBT-Institue et son équipe. Ils m’ont fournit beaucoup d’information utiles avec beaucoup
d’amabilité.
Alain Ernotte mon promoteur de mémoire.
Paul Lorsignol pour le temps qu’il m’a concédé pour développer ce mémoire.
1
Prologue
Comme beaucoup de gens, je suis ce que l’on peut appeler un « mordu » du voyage.
Déjà tout petit, «ailleurs» ou «autrement» attisaient ma curiosité. Au fil des ans, cette envie de
découverte ne cessa de croître; je voulais vivre des expériences, toujours plus d’expériences.
D’abord ici, et puis autre part. N’importe où!
Mes envies se sont concrétisées. Je me suis donné les moyens de les rencontrer, j’ai pris mon sac et je suis
parti !
Tout au long de mes pérégrinations, j’ai cherché à vivre un maximum de moments authentiques et
d’échanges, que je voulais passionnants. Que ce soit avec les locaux ou d’autres voyageurs, j’avais envie d’apprendre et de partager. Je voulais remplir ma mémoire de souvenirs uniques et magiques, au
travers d’aventures qui parsèmeraient ma route. Pour moi, le dépaysement est toujours synonyme de
bouffée d’air frais, et les enseignements tirés de ce grand livre du monde me permettent d’en apprendre toujours plus sur autres, et sur moi-même.
Lors de mes voyages, j’essayais dès que possible d’avoir une approche respectueuse et un comportement adapté, que ce soit envers les locaux, ou de l’environnement qui les entoure. Je me suis toujours
intéressé à beaucoup de choses et d’endroits, et ce faisant, il y a eu, inévitablement, des moments où
l’on se sent pour ainsi dire… con! Con et inapproprié. Même pire, parfois, on peut d’emblée constater
l’empreinte que l’on laisse derrière nous. Cet impact propre au tourisme qui met en péril l’essence même
de son existence. Souvent, même avec toute la bonne volonté du monde, cette réalité « d’être touriste
» me dépasse et m’échappe. Des endroits fascinants que l’on a toujours rêvé de découvrir peuvent se
révéler être de pathétiques déceptions… Et inexorablement, nous sommes en partie responsables. Ces
moments-là m’ont très vite fait réaliser à quel point le tourisme, aussi bénéfique qu’il puisse être, est une
machine puissante et dangereuse, dont on néglige souvent la maîtrise des impacts. Elle s’immisce dans
les moindres recoins, au rythme d’une mondialisation effrénée, ne laissant pas d’autre choix aux locaux
et à leur environnement, que d’être brutalement confronté au monde moderne actuel.
Trouver un coin du monde préservé où se sentir vraiment ailleurs et loin de la masse, voilà la quête
du voyageur avide d’expériences uniques. Mais ce même voyageur ne serait-il pas de ce fait l’initiateur d’une possible exploitation touristique de l’endroit? Il est clair que vu l’importance du secteur du
tourisme mondial, la solution pour atténuer les effets indésirables de ce cercle vicieux réside dans des
alternatives appropriées et efficaces. La découverte, de nos jours, pourrait simplement être le fait de
voir le monde au travers d’autres yeux. Être invité à prendre part à la vie locale, en s’imprégnant de sa
réalité, est une manière fabuleuse et extrêmement enrichissante de voyager. Que ce soit s’investir dans
du bénévolat, vivre une expérience de travail à l’étranger, apprendre une langue en immersion ou tout
simplement, rendre visite des amis locaux et participer à leur quotidien. C’est ce partage-la qui fait que
l’on se sent déjà moins « touriste ». C’est ça qui fait en sorte que ces moments n’appartiennent qu’à
nous. Et lorsque l’on reprend sa route, le voyage a déjà pris tout son sens. C’est un peu cette vision que
j’ai du voyage. Je me rends bien compte que voyager et partir en vacances, ce n’est pas la même chose,
mais les deux sont compatibles, et en tant que futur acteur touristique, des approches alternatives
comme celle du Community-Based Tourism éveillent mon intérêt.
2
Table des matières
1.
1.1
1.2
1.3
Introduction générale - page 5
Quelles sont les raisons qui m’ont poussé à faire ce mémoire - page 6
Structure de mon mémoire - page 7
Méthodes utilisées - page 7
2.
2.1
2.2
2.2.1 2.2.2 2.2.3 2.3
2.4
2.5
2.5.1 2.5.2 2.6 2.6.1 Le community-based tourism - page 8
Le contexte dans lequel s’est développé le Community-Based Tourism - page 9
Présentation générale - page 10
Introduction - Page 10
Qu’est ce que le Community-Based Tourism ? - page 10
Les caractéristiques du Community-Based Tourism - page 12
Community-Based Tourism : Pourquoi ce vocabulaire ? - page 13
Historique du CBT dans le monde - page 15
Quels types de communautés sont susceptibles de s’investir dans le CBT ? - page 15
Qu’est ce qu’une communauté : définitions - page 15
Quel est le profil des communautés qui développent le CBT ? - page 16
Où retrouve-t-on dans le monde ce genre de tourisme ? - page 16
Et chez nous ? - page 17
3.
3.1
3.2
3.3
3.4
3.5
3.6
3.6.1 3.6.2 La Thaïlande - page 18
Une ébauche personnelle du tourisme en Thaïlande - page 19
Introduction - page 21
Situation géographique - page 21
Population - page 22
La Thaïlande pour le visiteur - page 24
Historique du tourisme en Thaïlande - page 24
Contexte dans lequel s’est développé le tourisme en Thaïlande - page 24
Evolution du tourisme en Thaïlande - page 26
4.
4.1
4.2
4.3
4.4
4.5
4.6
4.6.1 4.6.2 4.6.3 Le CBT en Thaïlande - page 28
Une apparition progressive - page 29
Quelques pionniers importants - page 30
Le type des communautés concernées par le CBT - page 31
La situation actuelle du CBT en Thaïlande - page 31
Quelques organisations importantes - page 34
Le concept thaïlandais du CBT - page 35
La vision - page 35
Les objectifs - page 35
La méthode - page 35
3
5.
5.1
5.2
5.2.1
5.2.2 5.2.3 5.3
5.3.1 5.3.2 5.3.3
5.3.4 5.3.5 5.3.6 5.3.7 5.3.8 5.3.9 5.4
5.5
Le développement d’un projet CBT dans une communauté - page 36
Approche - page 37
Les acteurs du CBT et leurs liens avec le tourisme - page 37
Au niveau communautaire - page 37
Au niveau provincial - page 38
Au niveau national - page 39
Les étapes importantes de la réalisation d’un projet CBT - page 40
Analyse des potentialités d’une communauté - page 40
Etude de faisabilité - page 41
Vision et objectifs du CBT - page 42
Planification du projet - page 42
Gestion organisationnelle - page 44
Création des activités et du circuit - page 45
Formation des guides - page 45
Développer un plan marketing - page 45
Lancer un programme d’essai et évaluation - page 46
La commercialisation d’un produit CBT - page 46
Les travers du CBT - page 49
6.
6.1
6.2 6.2.1 6.2.2 6.2.3 6.2.4
6.3 6.3.1 6.3.2 6.3.3 6.3.4 7
Exemple de deux projets CBT : étude sur le terrain - page 50
Introduction - page 51
Baan Ja Bor - page 51
Présentation générale de Baan Ja Bor - page 51
Le CBT à Baan Ja Bor - page 53
Le projet CBT à Baan Ja Bor, vu de l’intérieur - page 55
Avis personnel - page 57
Baan Mae Kampong - page 60
Présentation générale de Baan Mae Kampong- page 60
Le CBT à Baan Mae Kampong - page 63
Le projet CBT à Baan Mae Kampong, vu de l’intérieur - page 66
Avis personnel page 68
Conclusion générale - page 70
8
Bibliographie et sources -page 74
4
1.
Introduction
5
1.1 Quelles sont les raisons qui m’ont poussé à faire ce mémoire :
Les formes de tourisme qui proposent une alternative au tourisme de masse m’ont toujours intéressé. Je
suis profondément convaincu qu’il y a moyen de continuer à faire de cette industrie un secteur fructueux,
tout en limitant les dégâts colossaux qu’il peut engendrer. Il est clair que quand je parle de « limiter » ces
dommages, je rêve plutôt de les « supprimer », mais ne soyons pas naïfs : au-delà du tourisme et de ses
méfaits, le challenge auquel nous devons faire face aujourd’hui dépasse de loin les dispositifs mis en
œuvre actuellement pour ce changement en profondeur tellement nécessaire. Selon moi, pour obtenir
des bouleversements positifs, tout ce que nous pouvons faire, à part mener une véritable révolution,
c’est de passer par des petites actions et des améliorations significatives. Je suis fondamentalement
pour un tourisme vert, respectueux et durable. Et je compte bien en faire une priorité dans mon métier
de demain.
Mais quelle alternative choisir?
Le concept est souvent magnifique, mais la réalité se révèle bien différente. J’ai appris à me méfier des
appellations « éco » ou « vert » utilisées à tort et à travers par certains professionnels du métier. Profiter,
à des fins commerciales, d’une tendance positive comme celle qu’il y a pour le moment, en maquillant
grossièrement son produit pour attirer des voyageurs naïfs, est pour moi un beau gâchis et de l’opportunisme. Etant optimiste de nature et ne stigmatisant tout de même pas la situation, je me suis mis en
quête d’un stage qui pourrait satisfaire mon envie de m’investir dans un tourisme durable.
Je n’avais jamais entendu parler du Community-Based Tourism auparavant. C’est dans le Nord de la
Thaïlande que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance avec ce concept unique de tourisme. J’ai travaillé
plus de 6 mois à l’université de Maejo, à Chiang Mai dans la section Tourism Development, où j’ai eu
l’occasion de participer à plusieurs projets de Community-Based Tourism dans différentes communautés. Etant moi-même passionné de culture et fasciné par les populations qui ont su garder un mode de
vie authentique, j’ai tout de suite vu dans cette pratique un espoir pour ces peuples menacés et une
possibilité saine de découvrir des endroits magnifiques, à la population fascinante.
Au travers de cette expérience, j’ai appris à mieux connaître ce concept et à l’apprécier, même si parfois
il m’arrive d’émettre certains doutes sur son approche. Le Community-Based Tourism reste du tourisme,
et il n’évite pas certains effets pervers de celui-ci. Mais certaines réussites en la matière et la sagesse qui
se dégage de ces projets m’ont vraiment donné envie d’approfondir le sujet.
Le fait que peu de gens connaissent le Community-Based Tourism, ici en Belgique, m’a poussé
de manière définitive à faire mon mémoire là-dessus. Je voudrais faire découvrir le Community-Based Tourism aux gens, l’expliquer et sensibiliser les professionnels du tourisme à son
potentiel.
6
1.2 Structure de mon mémoire :
La question principale à laquelle je vais tenter de répondre dans ce mémoire est la
suivante:
Le Community-Based Tourism est-il un idéal réalisable ou juste un concept utopique qui, en pratique,
est voué à l’échec? Sa place est-elle envisageable sur le marché touristique de demain?
Pour rédiger ce mémoire, j’ai opté pour une approche en « entonnoir » de mon sujet. Il me semblait
intéressant de commencer par une brève introduction, afin de poser le décor dans lequel s’est développé le Community-Based Tourism.
Le chapitre suivant lui sera entièrement dédié.
J’y introduis de manière générale cette pratique touristique alternative.
Qu’est-ce que c’est? Cette question elle-même représenterait déjà une raison suffisante de faire des recherches approfondies. Est-il possible de traduire cette appellation anglaise de manière appropriée en
langue de Molière, sans pour cela froisser le concept même de cette forme d’écotourisme à dimension
sociale avec laquelle je me suis familiarisé?
Une description globale et complète permettra de cerner ses aspects principaux, son concept, et ses
spécificités.
La deuxième partie de mon mémoire est dédiée à la Thaïlande et son concept du CommunityBased Tourism, dont les communautés et leurs « alliés » constitueront la source principale de mes recherches. Je commence par introduire le pays et son industrie du tourisme. Comment la Thaïlande est
devenu ce pôle touristique régional ? Quel est la situation aujourd’hui ? Vers quel type de tourisme se
tournera-t-elle demain? Le contexte étant posé, j’approfondis le Community-Based Tourism et la place
que celui-ci occupe dans le pays du sourire. J’y aborde son historique et les principes locaux de ce type
de tourisme. Le processus détaillé d’implantation dans une communauté est expliqué sous ses différents angles. J’expose les deux échantillons que j’ai étudiés afin de montrer leur réalité sur le terrain.
Enfin, je termine par ma conclusion et les enseignements que j’ai tirés de ces recherches en tentant de
répondre le mieux possible à la problématique initiale.
1.3. Méthodes utilisées :
Les méthodes utilisées pour ce mémoire sont les suivantes :
Expérience sur le terrain
Interview
Travail de recherche et de documentation
7
2.
Le Communit-Based Tourism
8
2.1 Le contexte dans lequel s’est développé le Community-Based Tourism :
L’évolution du tourisme est indubitablement liée à notre histoire et façonnée par les mutations socioéconomiques et socioculturelles, ainsi que par les améliorations technologiques propres à
chaque époque. Dans nos sociétés occidentales, voyager ou partir en vacances était jadis considéré
comme un privilège. Aujourd’hui, c’est devenu un droit, voire un besoin, et on serait prêt à faire beaucoup
de choses pour le préserver. Se détendre, s’amuser, découvrir d’autres environnements, d’autres peuples,
échanger, apprendre… Voilà les mots qui me viennent à l’esprit quand je pense aux vacances. Et si on
devait n’en choisir qu’un pour résumer ce qu’on cherche à trouver, quand on part en voyage, ce serait le
« rêve ».
Bref, tout le monde tient à ses vacances, et l’industrie du tourisme mondial représente l’un des secteurs
économiques les plus juteux du moment. Déjà énorme, il ne cesse de progresser avec l’entrée sur le
marché des touristes venant des pays émergeants. Son futur semble donc assuré et les possibilités infinies. Avec le nombre d’emplois directs et indirects que l’activité touristique génère, et vu les recettes
qu’elle rapporte, elle apparaît désormais comme vitale pour dynamisme de l’économie mondiale.
Mais dans ce magnifique tableau, l’inégalité dans la répartition des bénéfices du tourisme dénote
considérablement, ainsi que la consommation excessive et la destruction importante des ressources
sur lesquelles celui-ci repose. Force est de constater que, comme tous les secteurs économiques internationaux, il profite malheureusement toujours aux mêmes, et qu’il est aussi tentaculaire que la mondialisation qu’il incarne: il se faufile partout, jusque dans les espaces naturels les plus éloignés, délogeant
les peuples les plus isolés, et les confrontant ainsi à un clash culturel violent.
En effet, ces déplacements massifs et continuels de voyageurs n’ont pas que des avantages. Et on ne
peut plus nier les impacts négatifs colossaux liés à ceux-ci. En s’aggravant au fil du temps, ces conséquences néfastes tirent la sonnette d’alarme et appellent à la modération. Car comme le disait José-Manuel Barroso, lors de la semaine verte 2010, à Bruxelles: « C’est notre monde qui est en jeu. Nous devons
donc veiller par tous les moyens à le préserver, car si nous ne le respectons pas, il n’y aura pas de planète
de rechange. »
Cependant, vu l’ampleur des profits qui se dégagent de cette industrie du loisir, il est difficile d’enrayer la
course effrénée de l’exploitation touristique. Mais tout n’est pas perdu: si un retour en arrière est totalement exclu, un changement de cap est vivement recommandé, et il est de plus en plus à l’ordre du jour.
Le monde a besoin de changement, et de plus de respect envers l’humanité et son patrimoine naturel
et culturel. Dans nos sociétés occidentales, cette idée a fait son chemin, jusqu’à pénétrer dans tous les
domaines, dont la politique. Et la situation touristique reflète bien les tendances internationales: certains professionnels du monde du tourisme prennent cette situation très au sérieux et agissent, selon
leur capacité et leurs compétences, pour un changement des mentalités et de l’offre touristique.
Aujourd’hui, de plus en plus de voyageurs et de professionnels du secteur sont sensibles à cette approche différente, même si la naissance du tourisme alternatif remonte déjà aux années 80. Pour répondre
au tourisme de masse et à ses effets pervers, celui-ci a beaucoup évolué et s’est fort diversifié au cours
du temps. Chacune de ces différentes formes de tourisme alternatif comporte ses propres caractéristiques. On entend parler de tourisme d’aventure, de tourisme solidaire, de tourisme écologique, de
tourisme durable ou encore de tourisme volontaire. Parmi les différentes alternatives, il en existe une
dont on entend moins souvent parler, et qui pourtant séduit de par son idéal et ses valeurs : le « Community-Based Tourism ».
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2.2. Présentation générale :
2.2.1. Introduction
Le concept du community-based tourism (CBT) est récent et il y a de nombreuses manières de le concevoir. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas encore de définition précise et unanime, ni de modèle
exemplaire ou de théories exhaustives sur le sujet. Cette matière n’est pas légiférée sur le plan international et elle ne fait l’objet d’aucune directives réelles. Pourtant, depuis une bonne dizaine d’années,
plein d’associations et d’ONG qui s’y intéressent voient le jour (l’OMT s’y intéresse d’ailleurs aussi). Elles
font des recherches et étudient le terrain afin d’approfondir le concept, d’adapter les méthodes, ou d’en
développer des nouvelles.
Mais leurs actions visent aussi à sensibiliser le public sur ce nouveau concept touristique et à convaincre les partenaires commerciaux et les organisations gouvernementales du bien-fondé des valeurs du
community-based tourism. Celles-ci font d’ailleurs des démarches de plus en plus nombreuses en ce
sens. Tous les acteurs de cette nouvelle mouvance ne cessent d’échanger, qu’ils soient chercheurs ou
praticiens, et de véritables réseaux de contacts se sont formés, tant au niveau national, qu’international.
2.2.2. Qu’est ce que le community-based tourism
Comme dit plus haut, il n’y a pas de définition universelle du community-based tourism sur laquelle tous
les professionnels du secteur se seraient mis d’accord. Et cela n’a rien d’étonnant : il en a été de même
pour l’écotourisme, pendant bien longtemps. Le terme a souvent été sujet à interprétation, menant
même à des abus de la part des secteurs privés, qui utilisait l’appellation écotourisme à des fins purement commerciale. Heureusement, depuis l’année international de l’écotourisme déclaré par l’OMT,
celui-ci commence à être de mieux en mieux codifié et réglementé. Pour cerner le concept de CBT, je
propose trois définitions qui reviennent souvent, et me semblent les plus représentatives et à l’ordre du
jour.
Définition 1 :
« Le community-based tourism est un tourisme social durable qui est créé à l’initiative des populations
locales et géré dans son entièreté par celles-ci. Le partage du «leadership» met l’accent sur le bien-être
de la communauté toute entière et non le profit individuel, il équilibre le pouvoir dans les communautés, promeut la culture et les traditions, la conservation, et une bonne gérance du territoire. »
Version originale: “Community based tourism is socially sustainable tourism which is initiated and almost
always operated exclusively by local people. Shared leadership emphasizing community well-being
over individual profit, balances power within communities, and fosters traditional culture, conservation,
and responsible stewardship of the land.” 1
Définition 2 :
« Le community-based tourism est un tourisme qui prend en compte la durabilité environnementale,
sociale et culturelle. Il est géré et détenu par la communauté, pour la communauté, avec comme objectif de permettre aux visiteurs de se conscientiser et d’apprendre le mode de vie locale de la communauté.»
Version originale : “CBT is tourism that takes environmental, social and cultural sustainability into account. It is managed and owned by the community, for the community, with the purpose of enabling
visitors to increase their awareness and learn about the community and local ways of life.»²
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Définition 3 :
« Le community-based tourism, c’est le fait, pour une communauté locale, de partager ses ressources naturelles et culturelles avec des visiteurs nationaux ou internationaux, pour un bénéfice durable,
invitant la communauté en question à préserver son environnement naturel et à respecter leur mode
de vie. »³
11
2.2.3. Les caractéristiques du community-based tourism
Quand on lit toutes les définitions du commnity-based tourism, on finit par identifier quelques traits
communs. Tout d’abord, celui-ci se conçoit comme une aletrnative au tourisme de masse traditionnel
qu’on connaît aujourd’hui, qui est dominé par des grandes compagnies nationales ou étrangères. On le
rapproche souvent de l’écotourisme, mais il a une dimension plus sociale.
Pour résumer, l’idée de base du community-based tourism, c’est que la communauté locale accueille les
visiteurs et leur fait découvrir la manière dont elle vit, la beauté de son environnement, son artisanat, son
savoir faire et sa richesse culturelle. En pratique, on pourrait décrire cela comme une sorte d’excursion
dans un village, avec au moins une nuit sur place (que ce soit dans un homestay ou dans un Lodge
prévu à cet effet). Généralement, des activités sont organisées et guidées par des locaux, comme un
trekking, une promenade dans les environs, un atelier sur les plantes médicinales de la région, une présentation des différentes traditions, etc.
Chacun peut retirer du positif de cette expérience. En effet, en passant plus de temps avec la communauté locale, le voyageur a une occasion unique de découvrir son mode de vie via un échange culturel
plus direct, et plus authentique. Cela peut s’avérer très enrichissant, tant pour lui que pour la population
qui l’accueille. En même temps, les revenus que cette activité génère contribuent directement au bien
être de la communauté, car ils permettent de préserver son environnement, tout en pérenisant son
héritage culturel.
Un modèle participatif
La grande particularité du CBT, c’est donc qu’il se base sur un modèle participatif, ce qui est assez unique
dans le secteur du tourisme. Il implique la communauté, tant dans l’élaboration du projet, que dans sa
mise en pratique: c’est la population locale qui initie celui-ci, le met en place et le gère par la suite.
Toutes les prestations proposées dans le cadre du CBT sont assurées par les habitants eux-mêmes. Cela
permet donc de générer du travail au sein de la communauté. La construction des infrastructures d’accueil mobilise les entrepreneurs et les ouvriers locaux, la présence des touristes permettent aux fournisseurs d’écouler leurs produits, mais elle nécessite aussi des prestataires de services (des gens pour
préparer les repas, d’autres pour héberger les visiteurs, des guides, etc).
Tout cela fait vivre les petits business gérés par les locaux, et cela a des retombées sur l’ensemble des
habitants, puisque ceux-ci appartiennent souvent à un groupe ou une association locale dont le but est
de développer et de conserver la communauté.
Le tourisme reste donc aux mains des populations locales, qui en deviennent les acteurs principaux. Et
en optant pour le tourisme modéré prôné par le CBT, elles peuvent préserver leurs ressources environnementales et culturelles, tout en générant des revenus qui vont bénéficier à toute la communauté. En
effet, la majorité des bénéfices est partagée de manière équitable au sein de la collectivité ou via une
coopérative. Et le plus souvent, une partie de l’argent récolté est gardé dans une sorte de caisse commune, dont le but est de financer des projets destinés au bien-être et à l’intérêt collectif, ce qui permet
aux populations locales d’améliorer leur qualité de vie. Mais attention, cette activité n’est pas considérée
comme devant être la seule ou la principale source de rentrées financières, elle doit être vue comme
une opportunité de revenu additionnel.
Cette démarche participative est un élément central de cet idéal de tourisme social. Car pour qu’un
projet CBT tienne la route, il faut favoriser la cohésion au sein de la communauté, en impliquant tous
ses membres, en les formants, en les faisant prendre part aux décisions. Ainsi, on les responsabilise, on
les motive et on leur donne les outils nécessaires pour gérer leur projet de manière autonome, tout en
œuvrant à la préservation de leurs coutumes et de la nature qui les entoure.
12
Une démarche qui se veut respectueuse
Dans les démarches qu’il entreprend, le Community-based tourism se veut respectueux et bien-pensant. Celui-ci considère que les locaux ont trop longtemps été écartés du paysage touristique et qu’ils
ont trop souvent bénéficié uniquement des impacts négatifs de ce secteur, voyant les bénéfices leur
échapper. Il entend donc revaloriser les héritages environnementaux et culturels de ces communautés
et les encourager à travailler plus activement à leur préservation, mais aussi à la transmission de leur
culture et de leur savoir-faire aux jeunes générations.
L’objectif est certes, de créer des bénéfices effectifs et durables pour un large spectre d’investisseurs
et de collaborateurs, (stakeholder) à l’intérieur comme à l’extérieur de la communauté. Mais comme le
précise le CBT-Institute dans son manuel (organisme non-gouvernementale étudiant et pratiquant le
CBT en Thaïlande), le CBT n’est pas simplement un business touristique qui vise à maximiser les profits
pour les investisseurs. Celui-ci s’escrime plutôt de gérer au mieux l’impact que le tourisme génère sur
les communautés locales et leurs ressources environnementales. Le CBT ne cherche pas à savoir : «
Comment les communautés peuvent générer un maximum de revenu au travers du tourisme ? » Mais
cherche plutôt à se poser la question suivante : « Comment le tourisme peut-il contribuer à l’amélioration du processus de développement de la communauté ? »
Le tourisme n’est donc pas une fin en soi dans ce schéma-ci, mais bien un moyen/outil de développement communautaire, visant à améliorer les conditions sociales, environnementales, économique et
culturelle des communautés.
Infrastructures et interventions extérieures
Bien entendu, accueillir des touristes, cela ne s’improvise pas. Et si ceux-ci sont là pour vivre une expérience authentique, ils n’en restent pas moins qu’ils restent des touristes : des personnes en vacances
qui attendent un minimum de confort. Le CBT considère donc que les infrastructures et l’hébergement doivent avoir un standing suffisant pour accueillir des occidentaux, même si ceux-ci s’attendent
généralement à des installations rudimentaires. La communauté doit avoir un accès au téléphone
(pour des raisons de sécurité, en cas d’urgence médicale, par exemple), mais aussi à internet. En effet,
étant donné qu’on reste dans un tourisme à taille humaine, les places sont limitées, il est donc indispensable de se doter d’un service de réservation, que ce soit en ligne ou par téléphone. La population
locale doit aussi pouvoir rester en contact avec les opérateurs touristiques. Bref, tout cela demande
une certaine connaissance du secteur touristique et de ses rouages, c’est pourquoi l’implantation d’un
projet CBT exige souvent l’intervention d’acteur extérieurs à la communauté, susceptibles d’aider la
communauté, de l’informer, de la former. Cela facilite la compréhension du concept par les locaux et
leur permet de se préparer à gérer le projet au mieux.
2.3. « Community-based tourism» : pourquoi ce vocabulaire?
Il me paraît important de préciser ce qui me pousse à utiliser la formule anglaise « community-based
tourism » au lieu d’opter pour une traduction en français du genre de « tourisme communautaire
». Après des recherches fastidieuses et quelques tentatives de traduction, que je voulais précise et
exacte, j’ai en effet décidé de garder l’étymologie en anglais pour ce mémoire. Il y a plusieurs raisons
qu’il me parait intéressant d’exposer.
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Ces raisons sont les suivantes :
Tout d’abord, mes recherches ont été faites quasi exclusivement en anglais et principalement en
Thaïlande. Il n’y avait donc aucune trace de documents en français, ni de traduction exacte, me permettant d’avancer avec certitude une appellation francophone concordante.
Les différentes traductions françaises que j’ai trouvées par la suite, comme le «tourisme intégré et diffus», «le tourisme communautaire», «le tourisme participatif», «le tourisme ancré», «le tourisme local»,
se rapprochent toutes fortement du concept du community based tourism, mais révèlent tout de
même souvent des différences subtiles. En gardant la formulation anglaise, mon but était d’éviter une
mauvaise interprétation.
L’application du community-based tourism sur le terrain, -et son concept lui-même-, est encore fort
récente. Par conséquent il n’y a encore aucune législation internationale, ni de formule qui puisse servir
de modèle universel, et encore moins une dénomination précise s’y rapportant. Le community-based
tourism se pratique dans le monde entier avec des principes quasiment, ou complètement similaires,
pouvant aussi parfois porter l’appellation de «rural tourism», de «community-based ecotourism», ou
bien même le nom générique de «sustainable tourism» (tourisme durable). Mais les approches
diffèrent.
Chaque région a ses spécificités, tout comme chaque implantation de projet dans une communauté
est personnalisée et adaptée à celle-ci. Pour faire le lien avec le cas pratique exposé dans la présente
étude, à savoir le CBT en Thaïlande, il importe de considérer la situation par rapport au contexte historique et touristique particulier de ce pays, à ses propres communautés, et sa propre législation en matière touristique. Il faut mettre en lumière le fait que les Thaïlandais disposent d’un institut de recherche
spécialisé dans le domaine, ce qui fait que les acteurs du community-based tourism ont leurs propres
démarches de développement. Il me semble donc judicieux d’employer le terme utilisé là-bas, afin
d’éviter les ambiguïtés et rester fidèle au modèle de développement du community- based tourism
présenté dans ce mémoire.
L’étymologie
En conclusion, la traduction exacte, tout comme les différentes appellations en langues étrangères, l’anglais en tête, ne font manifestement pas encore l’objet d’un accord plurilatéral. Le community-based
tourism semble néanmoins être le terme le plus utilisé et le plus approprié pour définir cette pratique
touristique.
Dans community-based tourism, il y a « based » voulant dire fondé, ou basé et « community ». C’est un
tourisme qui est fondé sur la communauté, basé dans la communauté. Le mot « based » met vraiment
l’accent sur la participation de la communauté, ce pourquoi je préfère cette appellation aux autres.
L’objectif ici n’est certainement pas de trouver un consensus sur une terminologie parfaite et accepté
par tous, définissant au mieux cette pratique touristique, ce qui n’est de plus pas de mon ressort. Le but
est plutôt d’investiguer le concept en lui-même, basé sur mes recherches en Thaïlande, et d’apprécier
sa faisabilité, son efficacité et sa fiabilité.
Je précise également que le « community-based tourism » se fait communément appelé sous son
acronyme anglais « CBT », terme qui sera employé régulièrement tout au long de mon travail.
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2.4. Historique du community-based tourism dans le monde :
Il est difficile de savoir exactement quand et où est apparu le community based tourism. J’ai entendu
et lu beaucoup de choses différentes, mais le manque d’études ou d’articles exhaustifs réalisés sur le
sujet ne me permet en aucun cas d’affirmer quoi que ce soit sur des bases solides. Une chose est sûre,
depuis au moins trois décennies, des associations se créent de par le monde, et beaucoup de projets
communautaires voient le jour. Leur but commun : utiliser le tourisme comme outil de développement social et économique et comme moyen de conservation des modes de vie, des us et coutumes
et de l’environnement duquel ces communautés dépendent. Que celles-ci puissent participer
au tourisme et profiter des bénéfices que ce secteur génère. Le CBT s’est développé parallèlement aux
autres formes de tourisme alternatif, en réponse aux dérives du tourisme traditionnel de masse. Elle
est souvent d’ailleurs considérée comme une forme d’écotourisme, restant pendant fort longtemps
dans son sillage malgré les différences évidentes entre les deux pratiques et leurs objectifs. Le CBT
s’est vraiment affirmé en temps qu’alternative intéressante au tourisme traditionnel, ainsi qu’en temps
que moteur de développement socio-économique et socioculturel lors de la déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement appelé Agenda 21, au terme du sommet mondial de Rio de
Janeiro de 1992, The United Nations Conference on Environment and Development ( UNCED). Les Nations Unis ainsi que les organisations internationales (OMT,…) commencent à s’y intéressé. Cet intérêt
se confirmera lors de
2.5. Quels types de communautés sont susceptibles de s’investir dans le CBT?
Le community-based tourisme ne fonctionne pas partout. Certains profils de communautés se prêtent mieux que d’autres à ce genre de projets. Dans ce chapitre, nous essayerons d’en déterminer les
caractéristiques.
2.5.1. Qu’est ce qu’une communauté: définitions
Définition 1 :
« Ensemble de personnes unies par des liens d’intérêts, des habitudes communes, des opinions, ou
des caractères communs. »
Définition 2 :
« Une communauté, par définition, implique des individus ayant une certaine responsabilité collective, et la capacité de prendre des décisions au travers de corps représentatifs. »
Définition 3 :
« C’est un groupe d’individus partageant des caractéristiques culturelles, religieuses, ethniques ou
autres. »
Définition 4 :
« Une communauté est un groupe social, de taille variée, dont les membres résident dans une localité/ région spécifique, partageant un gouvernement, et ont souvent un héritage culturel et historique
commun. »7
7 -Traduction d’une définition anglaise : http://dictionary.reference.com/
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Conclusion
Si l’on résume ces quatre définitions, en analysant leurs points importants, une communauté est donc:
« Un ensemble d’individus, résidant souvent dans une même localité, unis par des liens d’intérêts et
possédant une responsabilité collective. Elle est capable de prendre des décisions au travers de corps
représentatifs. La communauté partage souvent un héritage culturel, ethnique, ou des caractères et
mode de vie communs. Ce qui veut dire qu’il y a la notion de collectivité et de rattachement à des valeurs communes, entres autres dénominateurs communs. »
Une communauté peut donc être, par exemple: une communauté religieuse, une communauté internationale, une communauté de courant de pensée. Le terme est vaste mais les individus d’une communauté ont toujours un dénominateur commun qui leur est propre et qui les diffèrent des autres. Dans le
contexte touristique, il est clair que lorsqu’on se réfère à une communauté, c’est souvent un village dont
les habitants incarnent une ou des caractéristique(s) qui leur est/sont propre(s). Et c’est dans celles-ci
que résident le potentiel touristique (habitat, environnement, mode de vie, traits culturels,…)
2.5.2. Quel est le profil des communautés qui développent le CBT ?
Toutes communautés présentant des caractéristiques ayant un potentiel touristique, pourraient théoriquement développer ce genre de tourisme, en l’adaptant aux réalités qui les incombent.
D’une manière générale, les communautés où se développe ce genre de tourisme sont des communautés rurales, pauvres, économiquement et socialement marginalisés, dont l’environnement et le
mode de vie sont menacés au contact de la société moderne. Etant peu, ou pas préparé pour faire face
à leur destin, le CBT représente pour eux une alternative, leur donnant l’opportunité d’améliorer leur
situation et de se développer durablement tout en préservant leurs croyances, leurs traditions, et leur
environnement avec fierté.
2.6. Où retrouve-t-on dans le monde ce genre de tourisme ?
Il s’applique surtout dans des pays en développement ou sous-développés à travers le monde entier.
Il y a beaucoup de projets communautaires portant le nom de community-based tourisme, ou un autre
nom similaire, impliquant les communautés traditionnelles, et mettant l’accent sur les valeurs sociales
et culturelles, tout en prenant en compte l’aspect économique et environnemental. Ces projets sont
disséminés :
- En Afrique : ex. Au Swaziland, Botswana, Gambie, Ghana, Namibie, Tanzanie, Uganda
- Asie Australe : ex. Papouasie Nouvelle-Guinée
- En Amérique Latine : ex Equateur, Honduras, Costa-Rica
- Dans les Caraïbes : ex. Jamaïque
- En Asie : ex. Indonésie, Cambodge, Inde, Laos, Kirghizstan, Mongolie, Sri Lanka, Vietnam Thaïlande
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2.6.1. Et chez nous ?
Il existe d’autres formes de tourisme plus basé sur l’échange social et culturel, présentant
2.6.1. Et chez nous ?
Il existe d’autres formes de tourisme plus basé sur l’échange social et culturel, présentant des valeurs
semblable au CBT, dans des pays industrialisés comme le nôtre.
Un bon exemple est le système des « greeters ». Ce concept est originaire de New-York, avec les « Big
Apple greeters ». L’objectif est de proposer au touriste de rencontrer un habitant local, et de découvrir
avec lui son « coin », sa « ville ». Le « greeter » ne se substitue pas aux guides professionnels et ne perçoit aucun revenu ou pourboire, c’est plutôt comme un « ami », une rencontre, qui vous fait visiter son
coin, raconte des anecdotes et des légendes, et vous emmène en ballade hors des sentiers battus. C’est
un bénévole, passionné et fier de sa région, prêt à partager un moment authentique au travers d’un
échange enrichissant avec son « invité ». Généralement, les groupes sont petits, afin que la rencontre
garde ce caractère chaleureux et convivial. Celle-ci ne dure souvent pas plus qu’une après-midi, et les
visites dépendent un peu des envies du visiteur. Il existe un réseau mondial des « Greeters », rassemblant plusieurs destinations en Alaska, Argentine, Chine, Angleterre, Canada, Pays-Bas, Australie, France
et aux Etats-Unis.
Un autre exemple soulignant aussi ce côté sociale et culturel, est le concept du coach surfing.
Depuis 2004, ce réseau international à but non lucratif connecte des voyageurs dans le monde entier,
au travers d’un site internet appelé coach surfing. Le principe est de faire des rencontres et d’offrir son
hospitalité à un des membres du réseau lors d’un voyage, ou inversement. L’objectif est de favoriser
l’échange culturel et de créer des amitiés aux quatre coins de la planète, au travers d’expériences enrichissante, afin de donner une dimension supplémentaire à la découverte d’un pays.
Ces genres de pratiques partagent incontestablement des points communs avec le CBT, comme par
exemple :
La découverte d’autres cultures
L’authenticité des rencontres
La mise en valeur des traditions et mode de vie
Le côté local
Ne favorise pas la masse, rapport très personnel
La dimension économique n’existe pas, dans ces cas-ci. Les gens ne font pas ça pour élever leur niveau
de vie, ni pour sauver leurs traditions. C’est un état d’esprit de rencontre, d’échange, de passion et de
plaisir. Ces concepts ne sont pas des outils de développement économique ou environnemental, mais
bien une approche culturelle et sociale, permettant aux gens d’autres horizons de s’ouvrir l’un à l’autre
en partageant ensemble des moments exclusifs et authentiques.
17
3.
La ThaÏlande
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3.1. Une ébauche personnelle du tourisme en Thaïlande
La Thaïlande… ou plutôt « Amazing Thailand », comme le disait la propagande touristique du « Tourism
autorithy of Thailand » dans les années 1998-1999… C’est sans nul doute un pays magnifique, comme
tous ses voisins de l’Asie du Sud-est, d’ailleurs. Il diffère tout de même fortement de par son incomparable
puissance économique régionale, son évolution transcendante et l’importance de son marché touristique. Il est vrai que son climat tropical, la beauté de ses paysages fertiles, son inestimable richesse culturelle, la gentillesse de ses habitants et leur légendaire sens de l’accueil en font une destination touristique
de premier choix.
Parmi les éléments qui ont contribué à lancer la machine folle de la fréquentation touristique dans ce
pays, on peut citer le développement de l’aéroport international de Don Meuang, à Bangkok, le stationnement des soldats américains au repos, lors de la guerre du Vietnam, et l’évolution des conditions
sociales en Occident. Entre 1985 et 1996, la Thaïlande connut un essor économique incroyable. Les
investissements japonais dans la région ont provoqué une industrialisation rapide, et le tourisme commença à jouer, dès le milieu des années 1980, un rôle déterminant dans la croissance du pays.
La forte personnalité de la culture thaïe, restée vierge de toute colonisation européenne au sens propre,
n’a cependant pas été épargnée par l’idéal capitaliste occidental, que les Thaïlandais se sont approprié
à leur manière. Celui-ci s’est vite transformé, à certains endroits, en un ultralibéralisme sauvage et désordonné, encouragé par des investisseurs étrangers: cela entraîna un développement du secteur du
tourisme et de l’hospitalité sans précédent.
Bien entendu, son incroyable expansion et le nombre toujours grandissant de visiteurs est très rentable.
Mais le problème, c’est que l’impact généré par cette activité sur l’environnement, ainsi que sur le mode
de vie de certaines populations locales, fut malheureusement trop souvent ignoré par cette mouvance.
Pourtant, les ressources naturelles et culturelles constituent l’essence même de leurs fonds de commerce. Ne dit-on pas qu’à force de trop vouloir, on finit par tout perdre?
Ce qui est en tout cas assez remarquable avec la Thaïlande, c’est son inébranlable succès et cette capacité à récupérer très rapidement après les coups durs. Etrangement, les catastrophes naturelles, la corruption rampante, l’instabilité politique ou encore les troubles régionaux et les contentieux récurrents
avec le Cambodge et la Birmanie, n’altèrent que très peu son image auprès des touristes étrangers. Le
voyageur oublie vite, lorsque ça concerne la Thaïlande, contrairement à ses voisins qui ont eu plus de
difficultés à redorer leur blason. La preuve, c’est qu’actuellement les revenus liés aux activités touristiques représentent 7 pourcent du PIB national, celles-ci sont donc essentielles à la stabilité économique
du pays. Et malgré les conflits internes de ces dernières années et les cataclysmes, les statistiques sont
en hausse de manière générale, en 2010. D’ailleurs, je suis persuadé que les tragiques inondations de
cette année 2011 ne seront qu’un lointain souvenir d’ici peu, vu les efforts sans relâche que déploient les
autorités en charge pour rassurer le visiteur, et la promotion assidue des attraits du pays.
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Nous sommes sans nul doute dans un pays très touristique, ce qui lui enlève une certaine authenticité
aux yeux des voyageurs. Et en dépit du profit certain que la Thaïlande génère de par ces activités-là, la
dénaturalisation d’îles comme Kho Pi Pi, le développement de villes comme Pattaya et tout ce qu’elle
représente, ou l’exploitation malsaine des réfugiés « padaung », appelés vulgairement « femmes girafes »,
nous amènent à nous questionner sur les bienfaits et la satisfaction de ces pratiques. Dans un pays ou la
clientèle et les habitants ont si peu en commun, jusqu’à quel point le tourisme de masse peut se révéler
immoral? Quel est le degré de gravité des séquelles sociales, culturelles et environnementales infligées
par celui-ci? Et comment inverser les tendances?
Il est vrai qu’on ne peut s’empêcher de rêver, lorsqu’on écoute les histoires de vieux expatriés passionnés, que la vie de voyage a rendus si sages et fous en même temps. Parfois, cela me fait regretter de ne
pas être né 30 ans plus tôt. Au moment où Phuket n’était qu’un village de pêcheurs, avec ses plages de
sable blanc désertes, situé dans une superbe région, réveillant l’âme d’un Robinson Crusoë. Lorsque le
voyage en bateau vers l’île de Koh Samui était une trépidante aventure qui se poursuivait sur un joyau
de tranquillité aux airs de paradis perdu au milieu de l’océan. Du temps où Chiang Mai était encore
une magnifique petite bourgade à la population nonchalante. Et les montagnes du Nord, recouvertes
d’une épaisse jungle regorgeant de faune, abritaient des villages tribaux coupés du reste du monde, qui
voyaient opérer les hommes du célèbre seigneur de l’opium, « Khun Sa», protégeant, AK47 à la main, des
caravanes de mules chargées d’opium destiné à être transformé en héroïne brut dans des laboratoires
clandestins. Au moment où voyager en Thaïlande laissait un doux parfum d’aventure ensorcelante et
authentique.
Mais le passé, appartient au passé, et je ne veux pas croire ce que certaines personnes disent, tout en
marmonnant des « Autrefois » ou des « Quand j’étais jeune » : que tout est fini, et qu’il faut aller voir
ailleurs. Fort de mes expériences dans ce pays, je peux assurer que, tout en évoluant, la Thaïlande garde
son charme et sa culture et peut se montrer généreuse pour le voyageur un peu curieux et intrépide, en
quête de découverte et d’expériences inoubliables.
Il est vrai que les choses ont évolué trop vite, que certains endroits sont irrécupérables, et continueront
à étancher la soif des partisans d’un « Toremolinos » sous les tropiques, détournant la masse des lieux
encore préservés, et contribuant à la santé de l’économie nationale. Mais ce même pays montre son
vrai visage dès qu’on sort des sentiers battus, qui ne sont pas tous inévitablement voués à se transformer en autoroutes. Car heureusement, les mentalités changent de manière positive: l’écotourisme et le
tourisme durable deviennent une priorité pour les autorités. De plus en plus de gens s’investissent pour
un changement des habitudes et une préservation optimale du patrimoine qui leur reste. On assiste au
développement d’une multitude d’organismes et de tour operateurs qui innovent et s’impliquent pour
un « meilleur », tout en jouant les garde-fous. Généralement, il s’agit là d’une vraie démarche, pas d’une
approche hypocrite qui cherche à vendre ce tourisme plus « accrocheur » pour rester dans l’air du temps.
C’est dans cette optique là que je veux grandir… En n’étant pas naïf mais bien-pensant
Jérémie Holemans
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3.2. Introduction :
Avant d’aborder le chapitre du Community-Based Tourism en Thaïlande, il me semble judicieux de commencer par une présentation plus générale du pays. Cela permettra de le cerner dans sa globalité et de
se familiariser avec lui, pour une approche plus éclairée de ce qui va suivre. Une rapide description du
tourisme, de ses prémices jusqu’à nos jours, me paraît également essentielle. Ceci afin de bien comprendre dans quel contexte l’industrie du tourisme a pris forme, de réaliser son importance, et les challenges
que la Thaïlande se doit de relever pour l’avenir. En même temps, cela permettra de saisir pourquoi les
parties impliquées dans l’industrie touristique thaïlandaise ont tout intérêt à se tourner vers des alternatives plus respectueuses et responsables. Et dans quelles mesures le Community-Based tourism pourrait
jouer un rôle significatif dans l’évolution future du tourisme en Thaïlande, en répondant de manière
adéquate à certaines dérives et abus.
3.3. Situation géographique :
La Thaïlande est un pays au climat tropical, qui se trouve
au cœur de l’Asie du Sud-est, sur sa partie continentale.
Sa pointe sud, appelée l’isthme de Kra, sépare l’océan
indien de la mer de Chine et marque la transition entre
la péninsule indochinoise et la péninsule malaise. Le
pays s’étend sur environ 805 km d’est en ouest, et 1770
km du nord au sud. Sa superficie totale est de 513000
km², soit un peu plus petit que la France et un petit
peu plus grand que l’Espagne.
Les pays qui l’entourent sont :
- au nord et à l’ouest : la Birmanie,
- à l’est : le Laos et le Cambodge,
- au sud : la Malaisie.
Le territoire se divise en 4 régions aux caractéristiques
topographiques différentes. Il y a d’abord la grande
plaine alluviale centrale, qui est une vaste plaine fertile irriguée par le Chao Phraya, le plus grand fleuve
thaïlandais. Le Nord et l’Ouest sont formés de chaînes
montagneuses recouvertes d’une épaisse forêt, qui
s’étendent bien au-delà de la frontière birmano-thaï, et
qui forment des vallées fertiles.
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Le plus haut sommet de la Thaïlande est le Doi Inthanon, culminant à 2595 m, qui est situé dans la province de Chiang Mai. A l’est de la plaine centrale se trouve une chaîne montagneuse bordée, au nord
et à l’est, par un vaste plateau aride relativement peu élevé et au sol pauvre: le plateau de Khorat, qui
représente un tiers du pays Isaan. Celui-ci s’étend jusqu’aux abords du Mékong, puissant fleuve formant
la frontière naturelle entre la Thaïlande et le Laos. Enfin, il y a le Sud du pays, qui baigne, à l’ouest, dans
la mer d’Andaman, et à l’est dans le golfe de Thaïlande. Il constitue un paysage littoral comptant près de
2500 km de côtes et il regroupe aussi quelques centaines d’îles, pour la plupart inhabitées. Les paysages
de cette région sont variés, passant d’un relief montagneux et de jungles denses à de larges plaines
côtières. On y trouve aussi des reliefs accidentés, comprenant de magnifiques formations karstiques,
surtout sur la côte occidentale du pays. Etant donné cette grande variété topographique, doublée d’un
climat clément, la faune et la flore du royaume sont d’une grande diversité, en dépit de la menace
perpétuelle et de la disparition progressive de beaucoup d’espèces. Pour pallier ce problème, certains
espaces naturels sont protégés, et le territoire compte plus de 25 parcs nationaux, comprenant des parcs
maritimes et des parcs terrestres, soit 23 pourcent du territoire.
3.4. Population :
L’ancien royaume du Siam, appelé, depuis 1939, royaume de Thaïlande, ou Muang Thai pour les
Thaïlandais, comprend une population de plus de 66 millions d’habitants. Il se place donc à la 20ème
position dans le classement mondial des pays les plus peuplés. La plus grosse partie de la population
vit dans la vaste plaine alluviale du fleuve Chao Praya, située au centre du pays, et constituant le berceau historique du royaume de Thaïlande. Selon un recensement de 2010, Bangkok représenterait, à
elle seule, une population de 11.500.000 habitants (nombre considéré comme très sous-estimé, si l’on y
ajoute la population officieuse).
Le pays est constitué à 75 pourcent de l’ethnie thaïe. Au sein de celle-ci, il existe des spécificités culturelles propres aux différentes régions et à l’histoire qui s’y rapporte, même si une certaine uniformisation
des mœurs peut être observée. Dans le Nord, qui faisait jadis partie intégrante du royaume indépendant
Lanna, dont l’ancienne capitale était Chiang Mai, on parle encore un dialecte appelé Kham Meuang.
En outre, la population possède un héritage et un mode de vie caractéristique de cette partie de la
Thaïlande. Dans le Nord-Est du pays, appelé Isaan, les habitants parlent le lao. Ils sont très proches culturellement des laotiens. De fait, historiquement, cette région appartenait au Laos, avant le traité francothaï de 1900, qui attribua ce territoire aux Thaïlandais. Le Sud est plutôt d’influence malaise, on y parle un
dialecte proche du malais et cette partie présente la concentration musulmane la plus importante du
pays. Les Thaïlandais de la plaine centrale et de Bangkok parlent le thaï, langue officielle imposée dans
tout le pays. Elle est utilisée dans les médias, à l’école, dans les films… et sert de langue véhiculaire aux
habitants des différentes régions du royaume.
22
Le dernier quart de la population est à 14 pourcent d’origine chinoise. En effet, dès le 20ème siècle, les
Chinois commencèrent à affluer en Thaïlande. Bien intégrés dans la société thaïe, bon nombre d’entre
eux occupent d’ailleurs des fonctions économiques importantes. Concernant le reste de ces habitants
qui ne sont pas issus de l’ethnie thaïe, 3,5 pourcent sont d’origine malaise. Le reste est composé de Môns
et de Khmers, des populations d’origine qui occupaient le territoire bien avant le peuple thaï et intégré
depuis bien longtemps dans sa population, mais aussi de Vietnamiens, et de nombreuses autres minorités ethniques. Le « Tribal Research Institute », à Chiang Mai, en a répertorié 39. Mais les plus nombreuses
et les plus connues sont les tribus montagnardes composées de 6 ethnies principales, les Akhas, les
Lahus, les Karens (formant le groupe le plus large), les Hmong, les Miens et les Lisus.
Les thaïlandais sont à 90 pourcent de croyance bouddhiste, plus précisément le bouddhisme theravada,
ou hinayana, dit du petit véhicule. Mais ceux-ci ont gardé certaines croyances et rituels païens datant
d’avant l’introduction du bouddhisme (on pense, notamment à la maison des esprits, et aux croyances
animistes).
Située au carrefour des civilisations indienne et chinoise, la Thaïlande est, malgré les influences extérieures, toujours parvenue à garder un caractère et une identité qui lui sont propres. Tout cela lui vaut ce
magnifique héritage qui, malgré la rapide modernisation, a su traverser le temps en s’adaptant, et rester
présent dans quotidien des Thaïlandais.
23
3.5. La Thaïlande pour le visiteur :
Destination peu onéreuse, offrant cependant un confort et des infrastructures de bonne qualité, la
Thaïlande dispose d’énormément d’attraits et de possibilités pour le visiteur. Elle jouit de paysages aussi
magnifiques que variés, d’un climat tropical de rêve et d’une culture riche et raffinée, mais elle séduit
aussi par l’incomparable sens de l’accueil du peuple thaï, son savoir faire et son savoir vivre.
Ce pays aux multiples facettes offre un large panel d’activités différentes et d’opportunités de visites.
Des prix d’hébergement intéressants, une cuisine fine et savoureuse, des vestiges architecturaux, des
temples, des infrastructures de thérapie et de spa, des possibilités de sorties nocturnes, des marchés,
des plages exotiques,… La Thaïlande à de quoi satisfaire un large public: des familles, des voyageurs
solitaires, des groupes. Des fortunés et des moins fortunés. Des adeptes du sport, de la farniente, ou de
la culture, des amoureux des villes, des fans de nature ou de spiritualité… Tout le monde y trouve son
compte.
3.6. Historique du tourisme en Thaïlande
3.6.1. Contexte dans lequel s’est développé le tourisme en Thaïlande :
Dans les années 1950, la fréquentation touristique telle que nous la connaissons était très faible en
Thaïlande, voire inexistante.
Son augmentation fut provoquée par une corrélation de facteurs qui sont apparus dès le début des
années 60.
La guerre du Vietnam
Parmi les éléments qui favorisèrent l’éclosion du tourisme en Thaïlande, il y a sans nul doute le stationnement de troupes américaines dans le pays, lors de la guerre du Vietnam (1957-1972). En effet,
le royaume thaïlandais permit aux Etats-Unis d’implanter leur base arrière principale sur son territoire
(comme la base de Udon Thani à l’est du pays, ou encore celle de Sattahip, près de Pattaya), favorisant
l’alliance militaire entre les deux pays et confirmant leurs bonnes relations diplomatiques et économiques. Les soldats américains mis au repos, commencèrent à affluer en Thaïlande dès 1962, dans le cadre de Rest and Recuperation (R&R). Ceux-ci représentaient près de 54.000 individus en 1967. Etant en
permission, ils en profitaient pour se détendre, dépenser et prendre du bon temps, ce qui incitera des
investisseurs à créer des infrastructures d’accueil et de divertissement tels que des hôtels, des bars,
des restaurants et des lieux de prostitution, dans des villes comme Bangkok ou Pattaya. Les médias
qui couvraient le conflit ont indirectement contribué à faire la promotion du potentiel touristique de
cette nation lointaine de l’Asie du Sud-est, qui sera baptisée plus tard : « le pays du sourire ».
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Il est donc indéniable que la guerre du Vietnam a eu un impact significatif sur l’économie thaïlandaise,
et le pays en général. L’alliance nouée avec les Etats-Unis, pour contrer la propagation du communisme
dans la région, fût bénéfique au royaume de par les investissements réalisés par les Américains en termes
d’infrastructures (routes, bases militaires, support de l’armée thaï…) et d’aides sociales (soins de santé,
éducation, agriculture,…), mais aussi de par les dépenses liées au stationnement de l’armée américaine
dans le pays. Cette conjoncture fut un moteur de développement des industries de la construction et
du service. Elle contribua à l’augmentation des exportations et favorisa les investissements étrangers.
Pour information, entre 1965-1972, les dépenses militaires américaines représentaient l’équivalent de 4
pourcent du PNB, ou encore 26 pourcent de la valeur totale des exportations.
Le développement de Bangkok
La conséquence frappante de cette montée économique est sans nul doute le développement sans
précédent de la ville Bangkok, au cours des années 1960. Celle que l’on appelait la Venise de l’Est, et qui,
dans les années 1950, faisait figure de modeste capitale à l’atmosphère nonchalante, où la population
d’un million d’habitants vivaient au rythme des klongs (canaux), verra son paysage urbain se métamorphoser et s’étendre: aménagement d’infrastructures routières, création de nouveaux quartiers et de
nouvelles habitations, construction d’immeubles, de centres commerciaux, de bars, de restaurants, et
d’hôtels pour les fonctionnaires de l’armée américaine, mais aussi pour le nombre croissant de touristes.
Très vite, la ville deviendra un pole régional important, abritant un nombre grandissant de représentations internationales et de siège de compagnies commerciales. Jouissant d’une situation géographique
stratégique, elle deviendra un carrefour important de transport aérien international (le premier Jumbo
jet commercial atterit à Don Meuang international airport, en 1970), ce qui, une fois pour toute, ouvrira
le pays au reste du monde.
Le climat politique
En outre, la Thaïlande bénéficie d’un climat politique relativement stable, comparé à la plupart de ses
voisins, ce qui fût aussi un facteur déterminant de son émergence précoce sur le marché touristique et
économique mondial.
L’évolution du tourisme de masse
Parallèlement à tous ces éléments, la montée du tourisme de masse dans les pays occidentaux, qui
coïncide avec l’amélioration de la qualité de vie et l’augmentation du temps libre disponible pour voyager, constituera un bon potentiel-clientèle pour la Thaïlande. De plus, le perfectionnement des technologies de transport permettent aux voyageurs de se déplacer plus rapidement, plus loin, en plus grand
nombre et pour moins cher. La Thaïlande possède de nombreux attraits pour le visiteur, constituant un
potentiel touristique considérable
Bien sûr, d’autres facteurs continueront, par la suite, à augmenter de manière considérable la fréquentation touristique du pays, et à entretenir cette croissance constante au travers des décennies.
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3.6.2. Evolution du tourisme en Thaïlande :
Au début des années 1970, le tourisme commence à s’implanter plus solidement en Thaïlande. Il s’agit
d’un tourisme d’agrément, de congrès ou d’affaires. Ce secteur jouera vite un grand rôle dans la croissance économique thaïlandaise, le tourisme international étant devenu le premier pourvoyeur de devises du pays, engendrant aussi un grand nombre d’emplois directs ou indirects (services, artisanat). En
1979, cette évolution mena à la création de la « Tourism Authority of Thailand».
Les années 1980 représentent le début de la fièvre touristique dans le pays. Sous le gouvernement de
Prem Tinsulanonda (1980-1988), le pays commence à s’ouvrir aux investisseurs étrangers.
La machine folle du tourisme se mit en marche: frénésie de constructions hôtelières, aménagement des
sites, création de nouveaux produits touristiques adaptés à la demande internationale, développement
de l’artisanat et efforts pour accueillir avec le sourire les millions de visiteurs étrangers. Le problème, c’est
que tout est rapidement devenu hors de contrôle et anarchique, et que le secteur restait majoritairement contrôlé par les pays «émetteur» (ceux qui envoyaient les touristes).
Dans les années 1980 et 1990, des pays comme le Laos, le Cambodge et le Vietnam, ainsi que l’Indonésie, s’ouvrent aussi au tourisme international. Cela a entraîné une concurrence directe avec la Thaïlande,
qui jusque là, avait le monopole du tourisme dans cette partie de l’Asie. Pour pallier ce problème, le pays
cible plus ses marchés en misant sur la promotion de tourismes tels que le « golf holidays », des voyages
combinant des vacances avec des traitements médicaux et de bien-être, ou encore, en faisant de la
Thaïlande une destination phare du tourisme bouddhique.
La crise asiatique de 1997 touche de plein fouet l’économie thaïlandaise. Le pays sera en proie à des difficultés jusqu’en 2001, et misera sur le tourisme pour redresser la barre. L’office du tourisme thaïlandais
(TAT) met tout en oeuvre pour attirer les voyageurs, par exemple, la campagne « Amazing Thailand»
(1998-1999) vend à l’étranger l’image d’un pays «sans pollution, sans crime ni épidémie», et avec plein
d’opportunités de shopping. En 2003, la Thaïlande montrera déjà des chiffres de croissance de 6,9.
Actuellement, L’industrie du tourisme en Thaïlande contribue à l’économie du pays comme dans aucun
autre pays d’Asie. Pourtant, celui-ci a subit pas mal de revers ces dernières années. Les épidémies de
SARS en 2003, le Tsunami en 2004, le coup d’état en 2008, les troubles qui persistent dans les trois provinces du sud, l’instabilité politique en 2009 et 2010, les tensions répétitives avec ses pays voisins (la
Birmanie, et plus récemment le Cambodge) et les inondations de 2011. Le pays connaît certes à chaque
fois une récession, mais celui-ci dispose d’une incroyable capacité à surmonter ses difficultés. Rien ne lui
colle à la peau, et le voyageur semble oublier très rapidement les ennuis de la Thaïlande.
Aujourd’hui :
La ville de Bangkok draine le tiers des visites touristiques annuelles à destination de la Thaïlande. D’autres
endroits font aussi la réputation du pays, comme les sites balnéaires de Pattaya et Phuket, qui ont une
renommée internationale. Kho Samui, Kho Samet et Krabi occupent eux aussi, une position confortable
sur le marché touristique thaïlandais. La plupart des touristes viennent pour les plages, le repos et la
farniente. Pourtant, il y a une forte augmentation du tourisme culturel dans d’autres régions plus à l’intérieur du pays, dont Chiang Mai et ses montagnes environnantes qui constituent incontestablement
le pôle le plus important.
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Le tourisme est passé de 336.000 visiteurs étrangers (en plus des 54.000 soldats américains au repos)
en 1967, à près de 16.000.000 touristes en 2010: soit 40 fois plus. La clientèle d’abord malaise, puis japonaise, devient ensuite européenne et enfin, américaine. En 2011, le nombre d’arrivée internationale
atteint les 19.500.000 touristes ! Soit une augmentation de 22 %. Les nationalités qui visitent le plus le
pays, sont dans l’ordre : les malais, les chinois, les japonais et les anglais. La fréquentation russe est en
nette augmentation. Avec ses nombreux attraits, la Thaïlande se positionne en 4ème place des pays les
plus visités d’Asie, et se classe 16ème au niveau mondial. Bangkok fût déclarée en 2010, la 3 ème ville la
plus visitée de la planète.
La Thaïlande connait donc une croissance touristique indéniable, et ce malgré les difficultés rencontrées, mais elle ne peut plus continuer à ignorer la destruction massive de l’environnement causé par
le tourisme de masse. Elle doit en plus faire face au réchauffement climatique, aux problèmes de déforestation, à la surpêche, aux inondations, à la pollution des eaux ou encore aux dégâts causés par une
industrialisation trop rapide. Sur le plan social et économique, la redistribution des richesses entre les
centres urbains et les zones rurales est inégale, et il y a une demande pressante de la part des populations des campagnes à accéder à un meilleur niveau de vie. Il est temps pour la Thaïlande de prendre
les choses en main, et elle en est consciente. Dans cette problématique, le tourisme a un rôle à jouer, et
une approche plus écologique et durable ne peut que contribuer favorablement à ce changement nécessaire. Des actions sont prises par le gouvernement en faveur d’un développement touristique futur
plus vert, celui-ci se rendant bien compte de la situation écologique alarmante dans laquelle le pays se
trouve. Des mesures sont prises par la TAT pour vendre un « tourisme de luxe abordable et respectueux
». Le livre « Ecotourisme en Thaïlande, un voyage différent », écrit par Richard Werly, explique bien cette
situation dans laquelle se trouve le pays, le besoin de prendre un autre cap et le rôle clef que les touristes
européens peuvent jouer dans la promotion d’une Thaïlande plus écologique au travers de leur choix
de produit.
La Thaïlande est selon moi, un bon « laboratoire d’étude » pour le CBT. Elle dispose d’une richesse culturelle et naturelle incroyables qu’il faut absolument préserver pour éviter sa disparition. Bon nombre de
communautés rurales souffrent de cette situation à deux vitesses. Si l’utilisation du CBT parvient à améliorer les choses dans ce pays ultra touristique, c’est que ce concept présente un réel avenir.
27
4.
Le CBT en Thaïlande
28
4.1. Une apparition progressive :
Le Community-based tourism (ou le Community-Based ecotourism- CBET), dans ses prémices, apparaît
au cours des années 1990, encouragé par quelques ONG locales qui introduisirent le concept dans le pays.
Celui-ci connaîtra un essor avéré dans les années 1998-1999, lors de la campagne «Amazing Thailand»
que le Tourism Authority of Thailand (TAT) mettra sur pied afin de promouvoir le pays. Mais il faut savoir
que des contacts touristiques avec des communautés rurales existaient déjà bien avant ça.
En effet, des villages de minorités ethniques habitant les montagnes du nord de la Thaïlande, accueilleraient des randonneurs étrangers depuis les années 1960.
Le service proposé fût longtemps limité, rudimentaire et aléatoire. D’une simple possibilité d’hébergement chez l’habitant, l’offre s’est étoffée avec le temps, et les villageois ne tardèrent pas à proposer
d’autres services comme des excursions, des activités diverses, du tourisme d’aventure et de l’écotourisme. Dans certaines communautés, le CBT s’est développé de manière très naturelle grâce à la participation des habitants, qui étaient de plus en plus nombreux à s’impliquer dans le projet.
Considérant ces initiatives locales comme un espoir d’améliorer la situation des économies rurales, le
gouvernement commença, à son tour, à investir dans le CBT: d’abord en s’y intéressant de plus près,
ensuite en mettant des moyens à sa disposition. Parallèlement à ça, le contexte touristique international devenait de plus en plus favorable à une forme plus durable et respectueuse du tourisme, qui
se soucie davantage des impacts que celui-ci génère. Cette nouvelle tendance commençait à susciter
un tel intérêt auprès des voyageurs et des professionnels du secteur, que cela incita les Nations Unies à
déclarer l’année 2002: « The International Year of Eco Tourism », encourageant ainsi le développement,
en Thaïlande, de l’éco-tourisme au sens large, dont fait partie le CBT. De l’état d’embryon, celui-ci n’eût
de cesse d’évoluer et de se peaufiner. Il ne cessera de se développer aux cours des années qui suivront,
grâce au travail assidu des communautés, avec l’aide d’ONG, du secteur de la recherche académique,
d’organisations gouvernementales, d’agences et de TO spécialisés. Le concept, en se forgeant à force de
pratique, de recherche et d’échanges, deviendra plus affiné et mieux défini, et son implantation plus
adaptée et performante.
Afin de saluer ces actions pour le peuple, à l’occasion des 80 ans de Sa Majesté le Roi Buhmibol, la TAT
inaugura un prix appelé «The Most Outstanding Community-Based Tourism Award» pour le «Thailand
Tourism Award 2007». Ce prix est un label de qualité décerné aux villages reconnus pour la réussite de
leur projet CBT et la qualité de leurs services.
Je terminerais par une petite parenthèse, qui me paraît tout de même importante, pour peaufiner ce
bref exposé du contexte dans lequel est né de CBT. Il faut savoir que, sur l’initiative du Roi de Thaïlande,
Sa Majesté Bhumibol, de nombreux projets agricoles avaient déjà été menés à bien. Ceux-ci visaient à
améliorer la qualité de vie des communautés rurales, et en particulier, celle des tribus montagnardes.
Le but était de fournir les moyens nécessaires à ces communautés, afin qu’elles puissent améliorer leurs
conditions de vie et prendre part à l’économie nationale, tout en créant une culture de substitution à
celle de l’opium, qui à l’époque était la principale source de revenus de ces villages montagnards tribaux.
Ses efforts furent maintes fois salués par la communauté internationale, qui lui décerna notamment le
prix « The Human Development Lifetime Achievement Award», en 2006. Bref, ces précisions permettent
de mettre en évidence l’implication du Roi, au travers de ses actions pour les plus démunis et de sa politique d’économie de suffisance, et de mieux comprendre l’état d’esprit favorable au développement
du CBT en Thaïlande. Sa Majesté Bhumibol bénéficiait du respect inconditionnel de son peuple, et sa
philosophie inspira un mode de pensée basé sur la tolérance et l’entre-aide, qui est bien visible dans la
multiplication des projets de recherches, d’aides au développement,... Le CBT s’inscrit très bien dans sa
vision des choses: l’idéal de développement est le même, mais le moyen pour y arriver est différent. Dans
ce cas-ci, le tourisme remplace l’agriculture.
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4.2. Quelques pionniers importants :
The Responsible Ecological Social Tours Project (REST) est une ONG thaïlandaise qui aide des communautés à développer leur propre projet CBT. Forte de plus de 15 ans d’expérience et de pratique sur le terrain,
elle a beaucoup contribué au développement du CBT en Thaïlande. Elle est plus que jamais une référence
dans le domaine.
REST offre son expertise aux communautés en tant que consultant et soutient l’évolution du projet à
chacune de ses étapes, jusqu’à la commercialisation du «produit». L’organisation dispense aussi des formations aux équipes de consultants, à d’autres ONG, ainsi qu’aux agences gouvernementales concernées. Elle travaille en étroite collaboration avec certains partenaires du secteur du tourisme, avec le domaine universitaire et avec les médias.
The Community based Tourism Club of Koh Yao Noi Island est une communauté musulmane de pêcheurs qui vit sur la magnifique petite île encore préservée de Koh Yao Noi, dans la baie de Phang Nga.
Située à proximité des destinations hautement touristiques de Phuket et de Krabi, la communauté de
l’île a voulu prendre une toute autre voie que ses voisins, en contrôlant son flux touristique, et en développant un tourisme communautaire durable et écologique dont elle deviendra un précurseur.
En fait, depuis des générations, son mode de vie est intimement lié à la mer. Face aux menaces de la
surpêche industrielle qui vide les réserves de poissons et détruit l’écosystème, dont ils dépendent, les
villageois se sont battus pour faire respecter les principes d’une pêche durable, et protéger leur environnement marin. Leur combat fut récompensé par une belle victoire: reforestation des mangroves, recrudescence de la biodiversité marine, déclaration de zones protégées... Suite à cela, des visiteurs, intéressés
par ce qui a été réalisé, ont commencé à venir découvrir l’endroit, ce qui donna l’idée aux habitants de
développer une forme de tourisme responsable.
Avec l’aide du REST, cette communauté deviendra un modèle de réussite du CBT, mais aussi un centre
d’apprentissage et d’échange pour d’autres communautés désireuses de se lancer dans un projet similaire, et un lieu de voyage d’étude.
Maintes fois reconnue pour son succès, « The Community based Tourism Club of Koh Yao Noi Island »
reçut le « 2002 World Legacy Awards for Destination Stewardship » décerné par le Conservation International et le National Geographic Traveler.
Baan Huay Hee est un village Karen, établi depuis plus de 170 ans à l’intérieur du parc national de
Doi pui, dans la province de Mae Hong Son, dans le nord-ouest du pays, près de la frontière birmanothaïe. C’est l’un des premiers villages à concrétiser un projet CBT et c’est aussi l’un des plus réussis.
Tous les habitants sont impliqués de près ou de loin par les activités liées au projet touristique.
C’est en 1996 que les villageois commencèrent à s’intéresser au CBT comme source de revenu complémentaire à l’agriculture et comme moyen de faire de la sensibilisation aux problèmes environnementaux que connaît la région, dûs au manque de régulation du tourisme. L’une de leurs autres motivations,
c’est que les autorités locales les accusaient de détruire l’environnement avec leur procédé de culture
par brûlis, et les menaçaient d’expropriation. Ils voulurent alors montrer au monde extérieur que leurs
techniques traditionnelles d’agriculture Karen peuvent être compatibles avec la protection de la forêt,
dont ils sont devenus les gardiens.
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Ils se tournèrent vers une ONG locale appelée Project For Recovery of Life and Culture (PRLC), pour les
aider dans le processus d’implantation du CBT. En collaboration avec REST, le projet fût une réussite et
un exemple pour d’autres communautés. Le CBT a permis aux villageois de prouver qu’ils étaient tout à
fait capables de protéger leur environnement et de vivre en harmonie avec la forêt, indispensable à la
pérennité de leur mode de vie. Le CBT a ravivé leur fierté culturelle grâce, notamment, à la transmission
de celle-ci aux benjamins du village. Le tourisme engendre des revenus, ce qui motive les plus jeunes
à rester dans le village afin de travailler comme guides locaux, et peut être un jour comme «ranger ». La
caisse de fonds communautaire a servi à financer des projets locaux, comme un « hôpital » pour orchidées sauvages.
4.3. Le type des communautés concernées par le CBT :
Selon les dires du Docteur Weerapon Thongma: «Théoriquement, toute communauté, ou tout village,
qui comporterait des attraits pour le visiteur pourrait développer un projet de Community-based Tourism. Même si en pratique, il y a un certain profil qui prédomine». Il est vrai que lorsqu’on regarde d’un
peu plus près les communautés développant le CBT, la plupart d’entre-elles partagent des caractéristiques communes. Elles sont généralement en marge de la dynamique du pays et des sociétés urbaines.
Elles sont toujours situées en région rurale, et bénéficient souvent d’un environnement magnifique
et d’un mode de vie encore préservé. Elles ont beaucoup de mal à s’acclimater au monde moderne,
leur identité culturelle et leur patrimoine se trouve alors menacé, et leur niveau de vie se précarise face
aux besoins actuels et à la mondialisation. Le CBT est avant tout un outil de développement durable
permettant aux populations les plus défavorisées d’améliorer leurs conditions de vie, de préserver leur
culture et de conscientiser les étrangers à leur situation, en participant de manière active et saine au
monde du tourisme.
Les communautés qui pratiquent ce type de tourisme sont, pour la plupart, issues des minorités ethniques qui habitent la Thaïlande, comme les fameuses « tribus montagnardes » du nord du pays, ou alors
ceux que l’on appelle les « gitans des mers » ou Molken. Il y a aussi des villages ruraux thaïlandais comme
à Isaan, dans le Nord-Est, ou alors des petites communautés de pêcheurs musulmans ou bouddhistes
dans le Sud. Elles disposent toutes d’une richesse culturelle et naturelle incroyable, mais sont en proie
à des difficultés d’adaptation face à cette modernisation trop rapide que connaît le pays. Ces communautés représentent ce que l’humanité doit protéger bec et ongles pour conserver ce qu’il nous reste
encore de notre patrimoine mondial. Pour beaucoup, le CBT est devenu un cheval de bataille censé
optimiser cette préservation et donner les armes suffisantes à ces communautés pour participer à la
société actuelle, tout en plaçant des garde-fous.
4.4. La situation actuelle du CBT en Thaïlande :
Aujourd’hui, il y a une bonne promotion du Community-based Tourism en Thaïlande. Cette dernière
adhère bien au concept, qui continue à se répandre dans le royaume. Il existe maintenant depuis une
bonne quinzaine d’année, et plus de 70 communautés développent le CBT, à travers le pays. Tous ne
connaissent malheureusement pas le même succès, mais des projets intéressants ont vu le jour. Certains
ont même reçu des prix nationaux et internationaux pour récompenser de leur réussite dans l’utilisation
du tourisme comme outil de conservation des ressources, d’affirmation culturelle et de lutte contre la
pauvreté.
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De fait, la Thaïlande dispose aujourd’hui d’une réelle infrastructure destinée à informer et épauler les
communautés intéressées par la mise sur pied d’un projet CBT. Il existe de plus en plus d’ONG capables
de faciliter sa réalisation avec un professionnalisme avéré. Des instituts de recherches étudient le bienfondé du CBT, et des universités développent le concept de manière académique et l’adaptent aux réalités du terrain. Des réseaux de communication et d’échanges tant locaux que nationaux apparaissent,
créés par les communautés elles-mêmes, avec l’aide d’organisations extérieures.
Au niveau gouvernemental, beaucoup d’efforts ont été réalisés, les autorités en charge du développement touristique apportent des moyens pour favoriser l’essor du CBT et faciliter sa réalisation. Il est
maintenant plus aisé pour les communautés qui le veulent de s’informer convenablement, de participer
à diverses formations, de joindre des voyages d’études, de recevoir un soutien économique, technique
et logistique, ou encore d’adhérer à des réseaux de contact et d’échange. On doit cet accomplissement
à la coopération fructueuse et pleine d’optimisme entre toutes les parties impliquées.
Dans son manuel le « Community-Based-Tourism Handbook », publié en 2003, le REST a tenté une ébauche d’estimation du nombre de voyageurs choisissant le CBT, en Thaïlande. Selon la TAT, le nombre de
touristes internationaux atteindra les 25 millions d’ici quelques années. L’écotourisme concernerait 2,2
millions de ces visiteurs. Rest estime que 25 pourcent d’entre eux sont à approprier au CBT, c’est-à-dire
550.000, soit un cinquième des voyageurs. À ça, il faut encore ajouter les touristes thaïlandais, qui représentent une part majeure du marché touristique.
Pour être honnête, il n’y a pas encore vraiment de données précises disponibles qui permettraient de
confirmer cette évaluation. Mais une chose est sûre, c’est que la plupart des professionnels du secteur
s’accordent pour dire que, sur base des tendances actuelles, le CBT et les autres formes de tourisme durable pourraient avoir de beau jours devant eux, et surpasser plus que probablement les chiffres avancés.
En effet, une certaine partie de la clientèle touristique aspire à participer à un tourisme plus responsable
et authentique, à réduire un maximum son empreinte négative lors de son passage, et à contribuer
au bien-être des locaux. En corrélation avec ça, de plus en plus de tour-opérateurs tentent de répondre à cette demande grandissante. Les défis environnementaux, culturels et socio-économiques que la
Thaïlande se doit de relever, mais aussi la vision plus verte et respectueuse avec laquelle les autorités en
charge regardent le futur touristique du pays, nous laissent certainement imaginer un climat favorable à
l’épanouissement d’alternatives comme le CBT.
En plus de cette infrastructure de réseaux et de ces collaborations nationales, la Thaïlande a créé des
liens solides avec une multitude d’autres pays avec qui elle collabore pour une amélioration des conditions de vie des communautés rurales par le biais du CBT. Elle travaille notamment en coopération avec
l’Union Européenne, afin de promouvoir le rôle important que pourrait jouer le tourisme pour préserver
l’écologie et diminuer le réchauffement climatique. Des projets de recherches ont été financés par le «
European Center for Eco and Agro Tourism (ECEAT) afin d’améliorer la capacité des PME thaïes et européenne à travailler ensemble pour un tourisme durable.
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On peut dire que le CBT n’est pas en reste en Thaïlande, et que celle-ci est même plutôt bonne élève en
la matière. Il y a plusieurs exemples qui confirment un certain succès du CBT dans le pays. Des réussites
comme le Leeled CBT group, près de Surathani, dans le sud du pays, où plus de 1000 hectares de forêt
de mangroves ont été replantés grâce aux bénéfices du tourisme, ou encore comme l’incroyable travail
de conservation de la culture Akha (tribu montagnarde) à Huay Kee Lek.
Les principes de ce concept sont reconnus et salués par une grande majorité des professionnels, mais
il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, et sombrer dans une euphorie béate. Le CBT
est loin d’être parfait et il reste du tourisme, avec tous les dangers qu’il représente. Il a même déjà causé
des dégâts encore plus profonds au sein de certaines communautés, et des déviances ont été relevées
par certaines études. Il est vrai que seulement une minorité d’entre elles parvient à aboutir à de bons
résultats tout en restant fidèles au concept même du CBT.
Les problèmes auxquels sont confrontées ces communautés sont bien plus complexes et délicats que
ça. Il n’existe malheureusement encore aucun produit miracle. Résoudre complètement leur situation
est souvent au-delà des capacités qu’on peut attribuer au CBT.
Cela n’empêche pas celui-ci d’être en perpétuelle évolution et de tendre à s’adapter aux réalités du
terrain. Il reste un allié précieux et une alternative très intéressante autant pour les communautés ellesmêmes, qui en bénéficient directement, que pour les touristes qui peuvent, encore plus que jamais,
rêver à des expériences de voyages authentiques et enrichissantes.
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4.5. Quelques organisations importantes
Quelques organisations occupent une place importante dans le monde du Community-Based Tourism
en Thaïlande.
- Parmi celles-ci, le CBT-Institute (CBT-I), vu son importance, mérite une rapide description. Le CBT-I est
une ONG basée à Chiang Mai, spécialisée dans le CBT. Elle est née en 2006, de la collaboration entre le
REST, mentionné plus haut, et le TRF, « The Thailand Research Fund ». Ce dernier est en fait un organe
gouvernemental destiné à financer et optimiser la recherche, tous domaines confondus, en Thaïlande.
Le CBT-I occupe une place centrale dans le développement du CBT en Thaïlande. C’est l’organisation
de référence dans le pays. Son rôle est assez varié. L’institut donne, entre autres, des formations, mais
elle fait aussi de la recherche, crée des réseaux de contacts entre les différents intervenants, assiste les
communautés dans le développement de leur projet, plaide pour des politiques favorables à celles-ci,
etc. Il existe bien sûr bon nombre d’autres ONG qui contribuent de près ou de loin au développement
du CBT, comme « The Mirror Foundation », ou encore “Project For Recovery of Life and Culture”.
- Certaines universités s’engagent dans le domaine, c’est le cas par exemple de Maejo University, situé à
Chiang Mai. En plus de former de futurs professionnels avisés, sa section « School of Tourism Development » s’investit dans la recherche et sur le terrain, et réalise des études pertinentes sur le CBT dans les
communautés. Elle soutient aussi certaines d’entre elles lors du processus de développement du projet,
en apportant son expertise et des moyens techniques adaptés.
- Il existe des réseaux CBT destinés à informer, à échanger et à faire la promotion des membres affiliés. Ils
servent également à assurer la coordination entre les communautés membres et les partenaires commerciaux, et quiconque serait intéressé de rentrer en contact avec eux (ONG, touristes, académies, gouvernement,…). Le CBT-Network (CBT-N) par exemple, regroupe des communautés du nord du pays.
- Les TO et autres fournisseurs jouent un rôle primordial dans le développement du CBT. Parmi les plus
actifs, on peut citer Chiang Mai Adventure, NS. Travel, Nutty’s Adventure, Tour Merng Tai ou encore
Andaman Discoveries. Ceux-ci, et bien d’autres encore, sont engagés dans un tourisme durable et donnent la possibilité aux alternatives comme le CBT d’aboutir et d’avoir accès au marché. Beaucoup d’entre
eux ont même été récompensés par différents prix, afin de saluer leurs efforts.
- N’oublions pas toutes les associations qui ont énormément contribué à faire bouger les choses, comme le « Thai Ecotourism and Adventure Travel Association » (TEATA), regroupant des agences du secteur privé, avec comme mission de soutenir l’éco-tourisme et le tourisme durable en Thaïlande. Il y a
également la «Green Leaf Foundation », qui allie le secteur privé et le secteur public avec aussi comme
objectif de développer des pratiques écologiques responsables dans le tourisme.
- Et pour finir, il y a bien sûr les agences gouvernementales, sans qui peu de choses seraient vraiment
réalisables. Il faut savoir que le tourisme en Thaïlande (et donc le CBT) dépend du Ministère du Tourisme
et du Sport pour la législation, les directives, le support, et le développement touristique. La Tourism
Authority of Thailand, plus connu sous l’appellation de TAT, s’occupe du volet promotion et marketing.
Mais d’autres départements gouvernementaux sont aussi concernés, comme The Office of Tourism Development, The Royal Forestry Departement, The Ministry of Natural Resources and environment, ou
encore One Tambon One Product Information Center (OTOP).
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Ce dernier promeut le savoir faire local et les produits typiques des différentes localités, Tambon signifiant village. Le tourisme et l’OTOP Information Center sont étroitement liés, car ces produits peuvent
représenter un attrait touristique qui optimiserait les ventes des artisans. Bien sûr, ceci n’est pas une
liste exhaustive de tous les acteurs qui sont liés, de près ou de loin, au community-based tourism: ceux
qui sont exposés ci-dessus représentent les organisations ressources inévitables du CBT en Thaïlande.
Ceci afin de montrer qu’il y a un grand nombre de personnes impliquées dans le CBT et ce, à tous les
niveaux.
4.6. Le concept thaïlandais du CBT :
4.6.1. La vision :
Il s’agit, au travers d’un tourisme responsable et adapté, de permettre à la communauté toute entière de
se développer durablement et d’avoir les ressources nécessaires à son épanouissement et à son autonomie.
4.6.2. Les objectifs :
Reconnaître, supporter et promouvoir l’appartenance du tourisme à la communauté.
Impliquer les membres de la communauté dans le projet, du début à la fin.
Promouvoir la fierté de la communauté.
Améliorer le niveau de vie.
Assurer une durabilité environnementale.
Préserver les spécificités, le caractère unique et la culture de la région.
Favoriser l’échange interculturel et l’apprentissage de l’autre.
Respecter la différence culturelle et la dignité humaine.
Partager les bénéfices équitablement entre les membres de la communauté.
Réserver un pourcentage fixe des bénéfices à la réalisation de projets communautaires.
4.6.3. La méthode :
La méthode qui caractérise le CBT est le «Participatory Development Process ». C’est une méthode participative, c’est-à-dire que la communauté toute entière participe à l’intégralité du projet, en s’investissant
dans chaque phase de son évolution et sous tous ses aspects. Cette approche donne aux habitants un
sentiment de responsabilité et de fierté. En tant que propriétaires exclusifs, gérants et prestataires de services, ils se sentent directement impliqués, deviennent les gardiens attitrés de leur patrimoine et veillent
au bon déroulement des pratiques durables du CBT.
4.6.4. Les caractéristiques:
Le CBT est une alternative durable du tourisme, visant à préserver les habitants locaux et leur
environnement.
Le CBT appartient à la communauté.
Le CBT demande la participation de TOUS les membres du village.
Les membres de la communauté sont les prestataires de services exclusifs (homestay, guide locaux, transports locaux,…).
Le tourisme est ici un moyen de développement, pas une fin en soi.
Le CBT apporte un revenu additionnel, ce n’est pas l’activité première des membres de la
communauté.
Il existe un système de rotation ou des queues, pour une répartition équitable entre les
différents prestataires de service.
La communauté EST le produit touristique.
35
5.
Développement d’un projet CBT dans une communauté
36
5.1. Approche :
Bien entendu, il y a toujours la possibilité qu’une communauté développe le CBT ou un tourisme similaire toute seule, sans l’assistance d’une équipe de consultants et d’experts en la matière, ni l’aide
d’organismes spécialisés dans le domaine, comme ce fut déjà le cas. En étant déterminé et motivé, il
est possible de se former à la tâche en s’appuyant sur toutes les ressources qui existent aujourd’hui et
de mener le projet à bien. De plus, l’évolution des moyens de communication (internet, média, guides)
facilite la visibilité et la promotion d’une destination, ce qui, en plus du bouche-à-oreille rend l’aventure
plausible.
Mais d’une manière générale, les communautés travaillent toujours en partenariat avec des professionnels et des praticiens du développement touristique. Soit ce sont des ONG qualifiées, soit des équipes
de spécialistes en consultance, ou encore le secteur de la recherche académique. Leurs expertises à but
non lucratif et leurs compétences dans le domaine sont, sans nul doute, des atouts considérables pour
la réussite d’un projet CBT.
Deux cas de figures initient la possible alliance. Dans le premier, c’est la communauté qui s’adresse aux «
développeurs du CBT ». Dans le second c’est une organisation extérieure qui approche la communauté
avec une proposition de projet. Selon que ce soit l’un ou l’autre, il peut y avoir une influence ultérieurement dans le rendement et la motivation. Dans ce même schéma classique, une étroite collaboration
avec les administrations gouvernementales régionales et le bureau du TAT local, ainsi qu’une coopération effective avec des TO ou des agences de voyages responsables, sont primordiales au bon fonctionnement d’un projet CBT.
Nous allons approfondir les rôles des différents acteurs du tourisme dans le point suivant afin de bien
comprendre sa structure organisationnelle.
5.2. Les acteurs du CBT et leurs liens avec le tourisme :
5.2.1. Au niveau communautaire :
1. Organisation locale de tourisme : C’est le groupe principal développant le
Community-Based Tourism. Il gère le tourisme et veille à son bon déroulement.
Cette organisation regroupe aussi les prestataires locaux, comme les guides locaux, les propriétaires de homestays, le personnel d’un lodge communautaire éventuel,…
2. Magasins locaux, restaurants locaux et boutiques de souvenirs : Ils bénéficient des ventes réalisées grâce au tourisme.
3. Transport local (bateaux et pick-up) : Ils bénéficient des frais de service réalisés grâce au tourisme.
4. Temples, écoles, centres de production locale, cliniques et autres institutions importantes de la communauté : Peuvent constituer des attractions touristiques. Fournissent aussi des informations ou des services aux visiteurs (ex : services médicaux, aide en cas de
problèmes,…).
5. Organisation administrative du sous-district : Elle dispose des pleins pouvoirs, confiés par le Ministère du Sport et du Loisir. Elle est l’autorité compétente en matière d’administration et de réglementation, et apporte un support budgétaire.
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6. Resorts, hôtels, guesthouses : Soit ils coopèrent en offrant des options d’hébergement aux touristes, mais aussi en participant au projet et à la caisse commune de la communauté. Soit ils entrent en compétition avec la communauté, dans le cas où celle-ci dispose également de lieux d’hébergement dans la même région.
7. Parc Nationaux : Si la communauté jouxte un parc national, celui-ci présente un intérêt touristique.
8. ONG : Elles interviennent en tant que facilitatrices et conseillères en développement communautaire.
9. Organisation gouvernementale locale (comme l’organisation du développement local de l’agriculture et le département de « hilltribe welfare ») : Elle fournit une assistance au développement, supporté par le gouvernement central.
5.2.2. Au niveau provincial
1. Le réseau de contact (CBT Network) : Ce réseau permet aux communautés et aux parties i
mpliquées dans le CBT d’échanger leurs connaissances, leurs expériences, et de partager les ressources mises à disposition des communautés.
2. Administration provinciale : Elle met des politiques en place, subventionne et encourage le développement touristique.
3. Office du tourisme régional ou provincial (TAT) : Elle soutient le tourisme et les différentes destinations, au niveau promotionnel et commercial.
4. Les entreprises touristiques (comme les infrastructures d’hébergement et les voyagistes) : Soit elles coopèrent en offrant des options d’hébergement aux touristes, mais aussi en participant pleinement au développement du CBT dans la communauté. Soit elles entrent en compétition avec la communauté, dans le cas où elles offrent également des possibilités d’hébergement et des tours dans le même secteur.
5. Guides locaux, transports publics, et agences de location : Ils fournissent des transports ou des informations pour les touristes qui visitent la communauté.
6. Medias locaux : Ils diffusent des informations sur la communauté.
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5.2.3. Au niveau national
1. Tourism network : C’est un réseau de partage des connaissances, des ressources, et des expériences. Il promeut également la mise en place de méthodes de planification et de règles de ommercialisation du tourisme.
2. Turism Authority of Thailand (TAT) : Il agit en matière de promotion, de marketing, et de financement.
3. Les entreprises touristiques: Soit elles coopèrent en offrant des options d’hébergement aux touristes, soit elles entrent en compétition avec la communauté, dans le cas où elles offrent également des possibilités d’hébergement et des tours dans le même secteur.
4. Les medias: Ils diffusent les nouvelles et des informations sur la communauté.
5. Les touristes : Ils sont là pour apprendre et comprendre le mode de vie des locaux, et leur présence permet d’augmenter les revenus de la communauté.
6. Les instituts de recherche : Ils étudient la communauté et les impacts générés par le
tourisme sur celle-ci et permettent de centraliser l’information pour la recherche.
7. Les institutions d’éducation: D’un point de vue théorique, elles étudient la communauté, échangent des idées et des connaissances académiques, d’un point de vue pratique, elles
agissent sur le terrain pour appuyer le tourisme et le développement, tout en tenant compte de l’environnement.
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5.3. Les étapes importantes de la réalisation d’un projet CBT :
5.3.1. Analyse des potentialités d’une communauté
Lorsqu’une communauté décide ou accepte de se lancer dans le Community-Based Tourism, avant
toute chose, il est important de se demander si celle-ci dispose du potentiel nécessaire et des ressources suffisantes pour mener à bien ce genre d’entreprise.
Potentiel touristique
Il faut s’assurer que la communauté dispose bien d’attraits culturels et naturels pour solliciter l’intérêt
chez le voyageur et lui donner l’envie de venir. Comme des traditions et des coutumes uniques, un
mode de vie authentique, des spécialités locales reconnues, un charme propre à la région et ses habitants, ou encore un environnement exceptionnel.
D’autres questions plus pratiques sont aussi utiles à analyser. Est-ce que la communauté est difficile
d’accès? Est-elle à proximité d’axes touristiques importants? Y a-t-il d’autres sites d’intérêt touristique
dans la région? Est-il possible de combiner les activités du village avec d’autres attractions touristiques
des alentours?
Potentiel de la communauté
Une bonne cohésion de la communauté est aussi un facteur déterminant, quand il s’agit de s’investir
dans un projet tel que le CBT. Son bon déroulement réside dans le respect mutuel, la capacité des
membres à prendre des décisions ensemble, une structure sociale solide et une bonne synergie de
groupe dans le travail. Si des conflits internes, des divisions ou des tensions existent déjà au sein de la
communauté, il vaut mieux ne pas commencer. P
Potentiel des ressources
Les ressources sur lesquelles reposent la communauté doivent être scrupuleusement observées. Ceci
afin d’évaluer la capacité de celles-ci à subvenir aux besoins des habitants et des visiteurs, durablement et sans causer de dégradation. Les questions suivantes doivent se poser: quels sont les moyens
de subsistance de la communauté? Est-elle autosuffisante, ou dépend-t-elle d’aides économiques
extérieures? Utilise-t-elle ses ressources de manière durable?
Potentiel financier
Même si ceux-ci ne sont pas astronomiques, des fonds de départ sont indispensables au lancement
du projet. Les formations, les déplacements, les repas, les infrastructures,… Tout ça coûte de l’argent.
Il est important de savoir où l’on peut trouver des aides financières et à quelles conditions. Et aussi, ce
que les habitants sont prêts à investir. Il faut s’assurer de la volonté de l’administration locale de participer financièrement au développement du CBT dans la communauté et trouver d’autres sources de
capitaux d’investissement (bureau local d’aide sociale, partenaires du secteur privé, TRF,…), ou alors, se
débrouiller au mieux avec les moyens disponibles.
Potentiel Marketing
Avant de développer le produit, une étude des tendances et du marché permettra de se rendre compte des possibilités de commercialisation, des partenaires commerciaux adaptés, et du profil touristique
qui sera ciblé par la communauté. Ceci afin de s’assurer que le produit offert trouvera sa place dans
une certaine catégorie de l’industrie du tourisme.
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5.3.2. Etude de faisabilité
Une fois qu’on est assuré qu’il y a suffisamment de potentiel pour envisager le CBT dans la communauté,
une étude de faisabilité plus détaillée peut commencer. Ce n’est que quand celle-ci est terminée qu’il est
possible de déterminer si la communauté est apte à réaliser le projet, ou si elle désire ou non continuer le
processus d’implantation. Lors de cette étape, il est vivement recommandé de faire des voyages d’études
dans d’autres communautés pratiquant le CBT, ainsi que des réunions d’information avec des experts.
Objectifs et motivation de la communauté pour le développement du CBT
Il est important que l’ensemble de la communauté soit partie prenante, motivée et intéressée, afin de
s’assurer de leur pleine participation au développement et au bon fonctionnement du projet. Il faut
qu’elle réfléchisse aux raisons qui l’animent et aux objectifs qu’elle cherche à atteindre au travers du
CBT. Augmenter les revenus et améliorer la condition de vie? Conserver et réhabiliter les ressources naturelles? Préserver la culture et les traditions? Sensibiliser le monde extérieur aux problèmes auxquels la
communauté doit faire face? Favoriser une bonne participation et l’unité de la communauté?
Compréhension du concept par la communauté
Il faut s’assurer que la communauté comprenne bien le concept même du CBT, et la manière dont celuici peut être bénéfique aux habitants. Pas seulement aux responsables du village, mais aussi aux jeunes,
aux femmes et aux aînés. Il faut préciser ce que signifie le CBT, et ce qu’il n’est pas. Après l’avoir bien
étudié et apprivoisé, il est également important de l’adapter aux besoins et aux caractéristiques propres
de la communauté.
Prise de connaissance des impacts du tourisme
La communauté doit être consciente des impacts positifs et négatifs que le tourisme peut amener. Il est
primordial que les membres du village saisissent l’importance de ces impacts, afin de les gérer au mieux.
Ceux-ci doivent aussi savoir quelles sont les principales causes d’échecs du CBT, afin d’éviter de les reproduire. Quelles sont les opportunités qui se présentent à la communauté et les menaces potentielles
dont elle doit se méfier ?
Points forts et points faibles de la communauté
Pour analyser ces points, une méthode de recherche appelée « participatory research method » est très
souvent utilisée. Le principe est de faire participer la communauté toute entière, afin qu’ils apprennent à
travailler ensemble et qu’ils se sentent être le moteur de ce projet qui leur appartient.
Séparés en différents groupes de recherche, ils exposeront le résultat de leur travail et les compareront
entre eux. Les résultats permettent aussi d’avoir une vision claire du territoire de la communauté et de
ses environs, des routes touristiques possibles, des rôles de chacun, des traditions et coutumes, des statuts sociaux de tous, des spécificités de la communauté, des changements que la communauté connaît
au fil du temps …
L’analyse de ces points doit être minutieusement exécutée, pour évaluer ce qui caractérise la communauté, ce qu’il est possible de faire, les améliorations à apporter, mais aussi pour se rendre compte de son
réel potentiel et de son environnement.
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5.3.3. Vision et objectifs du CBT
La communauté doit établir une vision claire et à longs termes du CBT dans son village et bien définir
quelles sont ses raisons d’être et la mission qu’il sous-tend. Elle doit essayer de s’imaginer le projet dans
le futur. Une ligne de conduite et des objectifs précis doivent être mis en vigueur, afin de garder le cap
et d’arriver à un aboutissement positif. Pour ça, il faut établir une stratégie et dresser un plan d’action
adapté.
5.3.4. Planification du projet
Une fois que le potentiel de la communauté a bien été analysé, que l’étude de faisabilité est terminée,
qu’on sait vers quoi on veut aller, et que les objectifs sont fixés, on peut enfin se mettre à l’oeuvre et chercher à se donner les moyens de réaliser le projet. Pour cela, il faut planifier celui-ci dans son entièreté,
établir des étapes de travail, et plancher sur des stratégies qui permettront d’arriver à ses fins.
Éléments importants de la planification
1) Il faut que toutes les informations soient actualisées et pertinentes, afin que le projet repose sur des bases solides, et que sa bonne évolution de ne soit pas menacée.
2) La participation des locaux est une condition sine qua none du développement de ce type de tourisme: il est essentiel qu’ils s’impliquent dans la collecte d’informations, dans l’analyse de la situation et dans la planification du CBT.
3) Il est nécessaire d’aborder les choses dans l’ordre et de faire preuve d’organisation, un plan d’action réaliste et complet doit donc être mis sur pied.
4) Une fois qu’on a toutes les données nécessaires en main et qu’on a un planning qui tient la route, on peut passer à l’implantation concrète du projet.
5) Au cours du développement du projet CBT, on planifie des évaluations et des études de résultats.
Établir une marche à suivre précise pour réaliser les objectifs
Avant de commencer la planification proprement dite, il faut d’abord bien examiner les points forts et les
faiblesses de la communauté, ainsi que les opportunités et les menaces. Sur base de la conclusion, il faut
développer les stratégies adéquates.
Exemple de marche à suivre :
1) Développement d’infrastructure :
Développer des routes pour les circuits et des attractions touristiques, créer des logements, aménager des espaces publiques comme des toilettes, ou encore un centre pour visiteurs.
2) Gestion des ressources naturelles :
Patrouiller dans la forêt pour éviter les incendies ou le braconnage, gérer les déchets, ou organiser un camp environnemental pour la jeunesse.
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3) Gestion des ressources culturelles : Récolter la sagesse locale, rassembler le savoir traditionnel, ou organiser des activités pour enseigner le folklore local aux plus jeunes.
4) Développement de l’organisation communautaire :Transmettre les bases du développement d’un esprit de leadership, créer des ateliers,destinés à renforcer la capacité organisationnelle, faire des voyages d’études, ou encore, former les membres responsables en comptabilité et en audit.
5) Développement des ressources humaines : Former des guides, proposer des cours d’anglais, ou organiser des sessions de team building.
6) Marketing : Faire la promotion de la communauté en faisant de la publicité, ou alors en invitant des journalistes dans la communauté.
Planification du renforcement des capacités communautaires :
Il faut définir le type de tourisme qui correspond le mieux à la capacité d’accueil de l’endroit, dans l’optique d’éviter que cette activité ne soit néfaste pour les ressources naturelles et culturelles.
Il sera alors possible de déterminer la durée des séjours proposés, l’importance de la fréquentation touristique, le type de circuit approprié, les activités possibles, les codes de conduite pour le touriste, le type
d’infrastructures et de services qu’il faudra fournir, etc.
Planification de la commercialisation du produit touristique:
Pour planifier la commercialisation du produit, il faut s’assurer que la communauté comprenne bien la situation extérieure et les enjeux. Ceci afin qu’elle puisse gérer au mieux les négociations avec les différents
partenaires commerciaux, et rester compétitive.
La stratégie de commercialisation ne sera pas la même si la clientèle est étrangère ou thaïlandaise. Les
comportements touristiques et les intérêts sont relativement différents. De plus, il faut déterminer si la
vente est directe ou si la communauté travaille en partenariat avec un TO.
Le CBT est susceptible d’intéresser une multitude de profils de clients. Pour répondre à cette
diversification, trois types de programmes peuvent être mis sur pied :
1) Un programme standard pour tous les âges et sexes, qui est réalisable tout au long
de l’année.
2) Un programme standard comprenant, en plus, des activités optionnelles pour les groupes à intérêt spéciaux, ou tout simplement limité dans le temps.
3) Un programme sur mesure, basé sur les intérêts spécifiques du touriste.
Même si ces programmes doivent être compétitifs et correspondre à la demande du marché, le plus
important reste d’éviter que l’activité touristique ne génère des impacts négatifs sur la communauté, son
mode de vie et son environnement. Pour l’épanouissement de pratiques telles que le CBT, il est essentiel
d’arriver à trouver le juste équilibre entre ces deux objectifs.
Comme ce dernier est fragile, les membres de la communauté doivent créer eux- même un système de
surveillance performant et faire des évaluations très régulièrement, pour voir si les objectifs sont toujours
atteints (par exemple, tous les trois mois).
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5.3.5. Gestion organisationnelle
Pour bien fonctionner, le CBT a besoin d’une organisation locale pour gérer le tourisme et pour représenter la communauté dans le monde extérieur. Elle est, notamment chargée des négociations avec les
touristes ou les TO.
Si une organisation n’est pas clairement établie, il y a de grands risques de confusion, ce qui peut être
source de problèmes. De plus, le tourisme repose sur les ressources que possède l’ensemble de la communauté, il est donc primordial qu’une instance définisse des règles (quant à l’usage, la répartition, etc)
et les fasse respecter.
Pour former cette organisation, il faudra voir qui désire l’intégrer et s’assurer qu’une majorité des membres de la communauté accepte la répartition des rôles, afin d’éviter tout conflit. Il est important de
préciser ici que ces différentes fonctions doivent représenter l’ensemble de la communauté, c’est-à-dire
que les femmes, les jeunes et les aînés ont tous un rôle à jouer et sont importants.
Participation et répartition des profits
Dans la réalisation d’un projet CBT, il y a toujours une partie des membres qui sont plus enthousiastes
que les autres. Parfois, certains villageois sont même passifs et désintéressés. Bref, il est visiblement difficile de s’assurer la participation de tout le monde. Mais contrairement au tourisme traditionnel, dans un
projet CBT, les profits doivent bénéficier à l’ensemble de la communauté et pas seulement aux membres
de l’organisation CBT du village. Deux types de bénéfices sont dès lors observés :
1. Les bénéfices directs :
Les bénéfices directs profitent aux membres de l’organisation administrative du CBT. Ceux-ci proviennent des prestations de services qu’ils font (gestion, homestay, guide locale,…).
2. Les bénéfices indirects :
Ceux-ci profitent à l’ensemble des habitants du village. Les gens qui participent de loin, ou pas du tout,
font donc aussi partie du produit touristique: en fait, le produit et la communauté sont indissociables.
Une sorte de caisse pour projets communautaires existe, et un certain pourcentage des bénéfices directs
doivent y être versés (le pourcentage dépend des communautés, mais varie souvent entre 5 et 10%).
Il y a aussi d’autres bénéfices indirects liés au tourisme. Les magasins du village et des alentours, les
boutiques de souvenirs et les transports locaux bénéficient aussi d’une optimisation des ventes, grâce
à cette activité.
Le CBT - et les touristes qu’il amène-, favorise également le développement d’infrastructures, publiques
ou pas (comme des routes), tout en façonnant la bonne réputation de la communauté à l’extérieur et
en entraînant des coopérations (avec des NGO, des GO, …) qui peuvent être bénéfiques à toute la communauté.
Pour gérer correctement ces bénéfices, il faut créer un système de comptabilité transparent, basique, et
donc simple à utiliser. Pour faciliter et encourager cette transparence, il y a plusieurs solutions, comme
des comptes-rendus quotidiens, un système de reçus, un rapport mensuel, un bilan tous les 3 à 6 mois ou
l’instauration d’un système équitable de rotation pour les prestataires de services (homestays, guides,
transports, repas,…).
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5.3.6. Création des activités et du circuit
Après ça, il faudra tout mettre en œuvre: utiliser les techniques et les stratégies développées, et mobiliser
les connaissances, pour créer un programme bénéfique, sain, fun, interactif, etc. Il est aussi intéressant de
lister les attentes des différents touristes, afin de déterminer des critères pour l’élaboration des circuits et
des activités. Et ensuite, on consigne tout dans des plannings dotés d’horaires.
5.3.7. Formation des guides
Pour les balades et les visites du village, il faut former des guides, afin que les personnes qui s’occupent
des touristes soient aptes à représenter la communauté, à montrer les points d’intérêts du village, à
expliquer les choses, etc. En outre, il est nécessaire de dresser des cartes, ou des plans et d’organiser un
système de fléchage et de panneaux, pour orienter et informer les visiteurs.
5.3.8. Développer un plan marketing
Normalement, le but du marketing, c’est d’optimiser les ventes. Dans ce cas-ci aussi, mais en ayant toujours pour objectif de maîtriser les impacts négatifs générés sur la communauté. Comment? En évitant
certains types de marchés ou en informant bien les partenaires commerciaux éventuels, avant qu’ils
n’achètent le produit.
Le CBT est encore un nouveau concept mondial, il est donc important de bien préparer les touristes,
tout comme les communautés. Ici, le but du marketing est de mettre le tourisme durable au-dessus de
la question de profit maximum.
Les différents types de touristes :
A) Celui qui cherche une nouvelle expérience :
Ce genre de touriste voyage « économique », en préparant lui-même son circuit à l’aide de guides de
voyage (Routard, Lonely Planet,…), et non de guides locaux.
Ce type de visiteur arrive souvent sans intermédiaire, un peu à l’improviste, ce qui n’est pas toujours facile
à gérer. Il faut s’assurer que la communauté puisse communiquer et donner les prix adéquats.
B) Celui qui cherche à apprendre et à soutenir les efforts de conservation et la communauté locale :
C’est un touriste qui s’est bien préparé. Il s’informe avant de partir, ou choisit un tour opérateur responsable et respectueux des communautés. Il préfère les services d’un guide local et prend le temps d’apprécier chaque expérience. Il aime voyager seul, ou en groupe réduit (maximum 8 personnes).
Les touristes de cette trempe cherchent à découvrir de nouvelles choses, la communauté doit être apte
à lui transmettre des informations, surtout si le tour opérateur n’en fournit pas. Le type de programme
qui leur correspond le mieux doit mettre l’accent sur la façon dont la communauté gère ses ressources
culturelles et naturelles de manière durable. Les activités proposées doivent aider les visiteurs à mieux
comprendre le mode de vie local.
C) Celui qui cherche la facilité et le confort :
Ce touriste-là aime voyager dans les hauts lieux touristiques et est prêt à payer le prix pour le confort et le
service. Ils sont parfois intéressés de visiter des communautés locales, mais pas de vivre une expérience
parmi eux. Prendre des photos et acheter des souvenirs leur suffit souvent. La communauté peut retirer
des bénéfices certains de ce type de visiteurs, parce qu’ils restent peu longtemps et voyagent généralement en grands groupes.
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Promotion : Bien entendu, une communauté doit essayer de trouver des façons de dépasser le simple
bouche-à-oreille, pour faire parler d’elle et attirer les touristes.
Plusieurs choix sont possibles, pour faire la promotion de leurs projet touristique :
Passer par des réseaux de promotion comme les médias ou les organisations gouvernementales.
Recourir au support publicitaire, comme les brochures, les vidéos, les affiches, et internet.
Profiter de leurs caractéristiques uniques, qui les différencie des autres destinations.
Trouver d’éventuels partenaires, comme des TO ou des organisations intéressées par le fait de sponsoriser la communauté en la commercialisant et en faisant sa promotion.
5.3.9. Lancer un programme d’essai et évaluation :
La communauté lance souvent des programmes pilotes, soit avec des touristes volontaires, ou alors avec
des TO, des agences gouvernementales, ou des étudiants. Il est très important d’avoir des « feedback «
pour pouvoir évaluer leur produit, voir le degré de satisfaction des gens et apporter des améliorations.
5.4. La commercialisation d’un produit CBT :
La commercialisation du produit est une étape épineuse de la réussite du processus d’implantation
du CBT. La fréquentation touristique est bien évidemment essentielle à son succès. Mais elle peut par
ailleurs se révéler être la cause de son échec si la communauté n’atteint pas les objectifs qu’ils se sont
fixés. Il est important de rappeler ici que le marketing, par définition, vise à maximiser les ventes et les
profits.
Dans le cas du CBT, l’objectif prioritaire est d’éviter à tout prix les impacts négatifs et de favoriser un développement positif du tourisme durable dans le village. La productivité doit être certes rentable, mais
adaptée aussi à la capacité d’accueil de l’endroit et en accord avec le règlement établi par les membres
de la communauté en la matière. Trop de touristes peut se révéler être une menace pour le bien-être
des habitants, et l’environnement dont ils dépendent. Par contre, trop peu de visiteurs vouent le projet à
une mort certaine. Sur le long terme, il n’est pas toujours facile de maintenir cette harmonie fragile mais
nécessaire à la durabilité et au bon fonctionnement du CBT et de préserver la philosophie qui l’anime.
Il existe beaucoup de possibilités pour parvenir à promouvoir et amener le tourisme dans sa communauté sans l’aide d’un TO ou d’un « facilitateur ». Mais pour une efficacité optimale et une durabilité
effective, se limiter aux « walk in» des voyageurs routards passant dans le coin guide à la main ou autre
visiteur inopiné suivant les recommandations d’un ami n’est pas suffisant. L’inconstance nuit à la qualité
des services proposés et s’avère difficile à gérer, ce qui peut avoir des conséquences négatives. Bien sûr,
il existe des villages qui se porte très bien comme ça, et qui font le plaisir des « backpackers » voyageant
hors des sentiers battus. Mais dans une optique plus sérieuse et professionnelle, le schéma traditionnel
composé de partenaires commerciaux et de stratégies touristiques est essentiel pour que le Community-Based Tourism se développe en temps qu’alternative réelle et crédible. Pour savoir avec qui il serait
judicieux de travailler, il est impératif de savoir quel type de touriste serait adapté au CBT.
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Profil touristique :
Pour une bonne harmonie entre toutes les parties impliqués et un bon fonctionnement du CBT, la communauté doit scrupuleusement choisir avec qui elle va travailler. Pour ça, elle doit bien définir le type de
visiteur. Celui-ci doit être bien informé sur sa destination et ses habitants. Il doit avoir un profil adéquat
et des attentes en concordances avec ce que la communauté est capable d’offrir.
D’après une enquête du CBT-I auprès de 20 communautés différentes, ces dernières ont définit le touriste idéal comme suit :
Il est Intéressé dans la culture locale, et la nature. Il apprécie l’échange culturel et désire décou
vrir et participer aux activités locales.
Ses attentes correspondent à ce que la communauté peut offrir, c’est-à-dire un service propre, sûr accueillant, mais pas les standards des hôtels.
Il est poli, flexible, amical et responsable.
Il est prêt à suivre quelques règles de base afin de contribuer à la protection de l’environnement de la communauté et sa culture locale.
Il est prêt à payer un prix équitable.
Toujours selon l’enquête du CBT-I, plusieurs catégories de profil touristique correspondant bien au CBT
se dégageraient.
1) Les touristes culturelles :
Ceux-ci sont souvent âgés entre 30 et 50 ans et voyagent en petit groupe. Ils sont intéressés par des
expériences authentiques et vraies. Ils apprécient la nourriture locale, la culture, les découvertes et la
nature. Ils sont sensibles à la préservation du lieu et l’impact qu’ils génèrent de par leurs passages. Ils ont
des attentes modéré quant au service fournit et sont enthousiaste d’interagir avec les locaux.
2) Les familles aventureuses :
Pour les familles un peu aventureuses à la recherche d’expériences enrichissantes et ludique, autant
pour les enfants que pour les parents, le CBT se révèle être une bonne option. Les thaïlandais sont très
« famille » de nature, ce qui les rends enthousiastes et curieux à l’idée d’accueillir une famille étrangères
chez eux. L’interaction est souvent jovial et complice et les activités dynamiques et intéressantes permettent aux familles de passer un moment inoubliable ensemble, d’ouvrir leurs horizons et de passer
un séjour profitable.
3) Les voyageurs âgés :
Les thaïlandais ont à la base un grand respect pour les anciens. Les voyageurs plus âgés apprécient l’ambiance décontractée et le rythme de vie paisible des villageois. Souvent plus sage et plus mature, celui-ci
s’intéresse profondément au mode de vie et à la culture locale des habitants et se réjouit de partager des
moments avec ses hôtes, de discuter et d’apprendre des nouvelles choses. Ils ont un regard positifs sur
des initiatives positives telles que le CBT et contribuent souvent au bien-être de celle-ci en supportant
les différents projets de conservation et de développement.
4) Les étudiants :
Les étudiants présentent un profil idéal pour le CBT. Le séjour ici comporte un caractère éducatif et
permet à ces derniers de mettre la théorie en pratique et de sortir de leurs quotidiens. Diverse sujets
ou problématiques peuvent être étudié : la culture, la conservation, le tourisme, le développement,…Le
processus d’apprentissage et les résultats obtenus de cette rencontre bénéficient autant aux étudiants
qu’aux membres de la communauté. Les villageois sont fières que des étudiants s’intéressent à leur
mode de vie.
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5) Les Volontaires :
Les volontaires sont les bienvenus dans les communautés. L’échange est sain et bénéfique aux deux
parties. Ils participent à la vie commune et assiste les habitants dans des projet divers avec une réelle
envie de contribuer au bien commun. Les volontaires sont flexibles, ouverts, enthousiastes et désireux
d’en apprendre plus sur la communauté et le mode de vie des habitants.
6) Les groupes à intérêts spéciaux :
Des trips sur mesures sont possibles. C’est l’occasion pour les membres de la communauté de discuter
et d’échanger des idées avec des gens motivés ou des experts extérieurs. Des programmes intéressants
peuvent être créés autour de sujet tels que les modes de vie traditionnelles, l’art et le savoir faire local, la
cuisine, la sagesse locale,…. Les participants sont motivés, intéressés, et intéressants.
7) Les voyages d’études :
Beaucoup de problématiques liées au développement et aux ressources naturelles peuvent être analysées et étudiées dans régions où se pratique le CBT. Les participants travaillants sur le terrain peuvent
profiter aussi d’une ambiance chaleureuse et accueillante. Ce genre de séjours prouve que les initiatives
des communautés locales ont de la valeur et offre la possibilité aux locaux de partager leur travail et
d’améliorer leurs connaissances. Les enseignements tirés de ces voyages d’études sont bénéfiques pour
les participants ainsi que pour les villageois.
Ces catégories sont représentatives des différents types de visiteur avec lesquelles les communautés travaillent ou aimerais travailler. Cela n’exclut bien sûr pas d’autres profils qui conviendraient parfaitement à
ce genre de tourisme. Une chose est certaine, si le visiteur s’attend à des vacances plus classiques, avec
des standards internationaux et le confort et l’intimité qui va avec, le CBT ne fera certainement pas son
bonheur. Le touriste doit être adapté au produit, c’est-à-dire la communauté. Le cas contraire pourrait
amener à des conflits et des situations déplorables.
Sa commercialisation
Des collaborations saines avec des TO intéressés par le concept sont primordiales à la bonne réussite du
CBT. Il existe des agences de voyage et des tours operateur locaux et internationaux spécialisés dans
le CBT, mais ceux-ci ne représentent malheureusement encore qu’une infime partie de l’industrie du
tourisme.
Comment faire pour que le CBT soit plus crédible pour intéresser le marché ? Il reste pour le moment
l’apanage de passionnés, trouvant pour la plupart seuls leur chemin vers la communauté, soit grâce aux
guides, soit parce qu’ils se sont minutieusement renseigné avant leur départ. Les groupes d’étude ou
d’intérêt spéciaux désireux d’apprendre à connaître la communauté ou de l’étudier, forment aussi une
clientèle fidèle. Quand est-il des autres ?
Le produit CBT ne doit pas être proposé tel quel. Peu de gens irait passer deux semaines de vacances
à dormir chez l’habitant, dans un village, certes magnifique, mais tellement éloigné de tout. Même si
on est alléché par l’authenticité de l’expérience, beaucoup ne traverserait pas la moitié de la terre pour
passer à côté des « incontournables » du pays.
Il est évident que l’offre du CBT, doit s’adapter en répondant à la demande du marché et séduire sa
clientèle potentielle avec une proposition adéquate. Il serait donc plus intéressant d’inclure les services
d’une communauté investie dans le CBT dans des « packages » diversifiés et complets.
Un manuel destiné aux acteurs du tourisme durable et ses partisans, réalisé conjointement par The
European Center for Eco and Agro Tourism (ECEAT), The Green Leaf Foundation, le CBT-I et la TEATA en
collaboration avec plus de 200 fournisseurs thaïlandais, présente 4 exemples d’itinéraires complets, afin
de montrer comment inclure le CBT dans un voyage culturel durable, varié et agréable.
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Outre la visite d’un village CBT, on peut par exemple découvrir une région d’une manière écologique
(ballade en vélo, à pied, tricycle,…), loger dans de magnifiques hôtels ou « resorts » écologiques, se relaxer dans un spa respectueux de la nature,…Il est donc envisageable de découvrir le pays de manière
autant responsable qu’intéressante. Toujours dans ce même manuel, 20 principes fondamentaux sont
mis en lumière afin de favoriser une collaboration saine et effective entres les différentes parties désirant
travailler ensemble pour un tourisme durable. Les TO européens intéressés peuvent donc se rendre
compte de toutes les combinaisons possibles.
Il est certain que si le tour operateur veut inclure une expérience CBT dans un de ses tours, le guide
accompagnateur doit être formé, doit préparer son groupe à l’expérience et lui-même se faire accompagné d’un guide local.
Travailler avec des villages pratiquant le CBT en tant que TO nécessite donc de la compréhension et du
respect. Ce n’est pas un produit touristique ordinaire. Les locaux ne sont pas des professionnels et les
standards, même si ils sont corrects, ne sont pas internationaux. Les TO doivent être patients, flexibles, et
impliqués ce que peu sont, c’est probablement l’une des causes de son manque de succès actuellement
auprès des TO étrangers. C’est seulement au travers d’une approche mutuelle qu’une coopération positive peut se développer. Cette forme de tourisme contribue à la conservation des ressources et pourrait
également répondre à la demande grandissante d’une partie des voyageurs pour un tourisme différent
et plus respectueux. Il y a donc beaucoup à gagner pour les professionnels du tourisme à s’investir dans
cette voie.
5.5 Les travers du CBT et les causes de son échec :
Le concept est réfléchi, méthodique, bien intentionné et plein d’espoir. Mais aussi magnifique qu’il
puisse être dans sa théorie, la pratique n’en reste pas moins un processus laborieux et délicat. Une étudiante de Bangkok a démontré que sur 15 communautés observées, seulement un tiers d’entres-elles
parvenait à un résultat. Une autre étude internationale démontre le peu de succès que rencontrent les
communautés qui s’essayent au CBT à travers le monde. Il est certain que ces échecs montrent bien la
difficulté que représente l’implantation d’un projet CBT.L’ équilibre fragile entre rentabilité et durabilité et
les nombreux paramètres à prendre en compte rendent son entreprise épineuse. Pour le CBT-Institute,
une communauté doit attendre minimum deux ans avant de pouvoir tirer des conclusions. Malheureusement, certaines de ces communautés n’arriveront jamais jusqu’à ce stade.
Quelles sont les raisons de ces piètres résultats?
Les plus fréquentes sont le manque de formation, d’organisation et de professionnalisme de la communauté, rendant difficile la gestion des touristes et les négociations avec les TO.
La démotivation, les conflits internes à la communauté, le manque de promotion ou tout simplement le
peu d’attraits pour le visiteur sont autant de causes d’échec.
Une étude réalisée dans plusieurs villages expose l’inégalité des chances qu’ont au départ les membres
d’une même communauté à fournir des services touristiques au visiteur, et donc de profiter des bénéfices directs qui s’en dégagent. Il est par exemple impossible pour les membres les plus défavorisés du
village d’offrir une possibilité de homestay aux visiteurs dû à la précarité dans laquelle ils vivent. Si le CBT
est supposé élever le niveau de vie de la population, pourquoi ne leur allouer un prêt pour améliorer
leur foyer, permettant ainsi d’accueillir des visiteurs et d’en profiter directement. Mais, il ne faut pas que
le tourisme amène à négliger l’activité agricole dont les moins nantis vivent. Il faut aussi tenir compte du
favoritisme existant dans chaque village ne laissant pas une chance égale à chacun.
Néanmoins dans toutes mes recherches je n’ai pas rencontré d’exemples de dégâts irrémédiables.
49
6.
Exemples de deux projets CBT : étude sur le terrain
50
6.1. Introduction
Après avoir analysé les différentes étapes de l’implantation d’un projet CBT dans une communauté, j’ai
choisi de présenter deux échantillons afin d’expliquer la réalité sur le terrain. Les deux communautés choisies se situent dans le nord de la Thaïlande : Baan Mae Kam Pong, dans la province de Chiang Mai. Et
Baan Ja Bor dans la province de Mae Hong Son (Baan signifie dans ce cas-ci : village). Ces deux villages
sont, selon moi, représentatif de deux situations assez différentes, ce qui permet de se faire une meilleure
idée des différentes alternatives.
6.2. Baan Ja Bor
6.2.1 Présentation générale de Baan Ja Bor
Fiche d’identité :
La communauté de Baan Ja Bor se situe dans le district de Pang Ma Pha, dans la province de Mae Hong
Son. Le village est accessible par une petite route de montagne, à quatre kilomètres de la route principale reliant Chiang Mai à Mae Hong Son. Le village est perché sur une crête, surplombé par une impressionnante falaise de calcaire. La région présente un magnifique paysage accidenté, contenant un large
système de grottes. Mis à part les parcelles de terrains défrichés pour les cultures, le village est bordé par
de vastes territoires forestiers. La communauté fait partie de l’ethnie des Lahus, ou plus précisément, des
Lahus noirs. Tous les habitants ont des liens de parenté plus ou moins éloignés. La population du village
est estimée à 250 personnes, réparties en 53 ménages.
Historique du village :
Les résidents de la petite communauté de Baan Ja Bor ont émigré du Myanmar en 1952. À partir de
1957, ils ont occupé plusieurs emplacements dans cette région avant de se fixer dans leur village actuel.
Il y a de ça plus de trente ans, ils ont été forcés de quitter leur village précédent appelé Huay Yao, à quelque 800 mètres de là, à la suite de la propagation d’une épidémie. Sous l’autorité de Mr Jabo Prainetitham, la communauté s’est enfin installée en 1978 à Baan Ja Bor, le nom provenant du premier chef de
la communauté. Ce n’est finalement qu’en 1989 que la communauté de Ja Bor s’élève officiellement au
statut de village. Il est répertorié comme étant le village numéro 4.
Caractéristiques économiques :
Les moyens de subsistance des locaux sont principalement basés sur l’agriculture et l’élevage d’animaux.
Ils cultivent, entre autres, du riz, du piment, des haricots, de la laitue, du persil, et des citrouilles. Tout est
destiné à la consommation des ménages de la communauté. L’éventuel surplus est vendu.
Concernant l’élevage, se sont surtout des cochons, des buffles domestiques, et des poules. Ils cultivent
du maïs pour nourrir le bétail. La récolte terminée, ils plantent des haricots rouges dans la même parcelle
de terrain.
Ils disposent aussi de vergers. Les fruits cultivés sont : le jacquier, le « santol », la banane, le pomélo, le
tamarin, et la goyave. Ils possèdent aussi des caféiers. Ils revendent occasionnellement des produits de la
forêt. On ne peut pas vraiment parler d’économie dans cas-ci, car ils vivent presque en autosubsistance.
Ils revendent ce qu’ils peuvent, ou ce qu’ils ont en trop et consomment le reste. Certains d’entre eux
trouvent du travail rémunéré en dehors de leur village.
Les habitants de Baan Ja Bor sont marginalisés et pauvres, et représente un contraste frappant avec les
populations thaïes des zones urbaines.
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Caractéristiques culturelles :
Appelé Musur en Thaïlande, les lahus sont originaires du Tibet et du Sud-Est de la Chine. Ils ont commencé à arriver dans le pays par la Birmanie, dès 1870. Leur dialecte est de la branche tibéto-birmane.
Ils sont entre 80.000 et 100.000 en Thaïlande et vivent pour la plupart dans le nord du pays, près de la
frontière birmane.
Les Lahus se divisent en différents groupes. En Thaïlande, on en retrouve 6: les Lahus rouges, les Lahus
noirs, les Lahus Shehleh, les Lahus Laba, les Lahus Phu et les Lahus Shi. Ceux-ci sont, pour la plupart,
animistes. Ils vénèrent les ancêtres et croient aux esprits de la nature. Cependant, 30 pourcent d’entre
eux ont été convertis au christianisme par des missionnaires. De ce fait, ils ont malheureusement perdu
certaines de leurs traditions.
Les villages Lahus, composés généralement de 15 à 30 foyers, se trouvent habituellement à une altitude
se rapprochant des 1000 mètres. Lahu signifie chasseur dans leur langue. Ils sont effectivement connus
pour leur habilité à la chasse et célèbres pour leurs connaissances des herbes médicinales.
Les habitants de Baan Ja Bor parlent toujours leur dialecte local et portent leurs vêtements traditionnels
au quotidien. Ils pratiquent encore un grand nombre de leurs rituels et célèbrent leurs fêtes traditionnelles tout au long de l’année (le Nouvel An Lahu, le Grand Merit Ritual, etc..). Le village est connu pour sa
connaissance de la médecine traditionnelle.
Caractéristiques environnementales :
Les territoires forestiers des alentours leur ont été assignés par le gouvernement, désignés comme forêt
communautaire. Ils en ont la responsabilité, et doivent veiller à ce que l’on n’empiète pas sur ces zones.
Les autorités ont pris cette décision pour plusieurs raisons, d’abord pour permettre aux habitants d’utiliser les ressources essentielles à la subsistance de la communauté, ensuite pour favoriser la conservation
de la forêt.
Les territoires ont été séparés en quatre zones.
Une vaste étendue de forêt qu’ils protègent et conservent, en collaboration avec le village de Baan MaeLana, situé plus bas dans la vallée.
Une forêt protégée, où il est interdit de couper des arbres, de tuer des animaux sauvages, etc.
Une partie fait office de cimetière, c’est un endroit extrêmement sacré pour les Lahus, où il est interdit de pénétrer.
Et une partie exploitable par la communauté, pour des produits de nécessité, comme de la nourriture, des plantes médicinales, du bois pour construire leurs habitations, etc… La règle veut que si l’on coupe un arbre pour une construction quelconque, il faut en replanter un.
Caractéristiques sociales :
Il y a un très bon rapport social à Baan Ja Bor, car tous les habitants ont des liens de parenté. Ils s’entraident lors de la plantation du riz, et s’organisent ensemble lors des récoltes. Ils peuvent compter les uns
sur les autres pour tous les aspects de leur quotidien. L’esprit de communauté et de coopération est très
fort. L’homme médecine est très respecté dans le village. Ces soins sont gratuits, il ne veut pas faire de
distinction entre les riches et les pauvres. Mais généralement, plus tard, lorsqu’un malade est rétabli, il le
52
6.2.2. Le CBT à Baan Ja Bor 8 :
Historique du CBT à Baan Ja Bor :
Entre 2000 et 2002, avec le support du bureau régional de l’Office national des fonds de recherche, le
Project for Recovery of Life and Culture (PRLC) s’est investi dans un projet « action-recherche » pour renforcer la capacité d’action des organisations communautaires impliquées dans la gestion des ressources
naturelles et du CBT.
Ce projet action-recherche visait plus particulièrement le district de Pang Ma Pha, dans la province de
Mae Hong Son. Cette région se trouve dans un environnement magnifique qui présente de superbes formations karstiques, abrite un réseau souterrain impressionnant, et regorge de grottes de qualité. Celles-ci
attirent depuis longtemps de nombreux touristes.
Le PRLC a sélectionné 3 communautés cibles de la région, Baan Mae La Na, Baan Baw Krai, et Baan Ja Bor.
L’objectif était de créer un réseau de collaboration pour une cogérance efficace de l’écotourisme, et du
CBT dans la région.
C’est en 2001 qu’une association en charge du CBT s’est formée au sein de la communauté de Baan Ja
Bor. Son objectif au travers du CBT était, bien sûr, d’améliorer ses conditions de vie, mais aussi de faire
connaître sa culture au monde extérieur, en partageant ses modes de vie et son savoir ancestral avec les
visiteurs. Pour que les gens aient une meilleure compréhension de leur culture, et de leurs traditions.
Par le passé, pas mal de villages ont été évacués par les autorités et relocalisés en dehors des parcs
nationaux, car le gouvernement thaïlandais accuse les tribus des montagnes de la destruction de l’environnement. Celles-ci s’en défendent, et c’est pour cette raison que la communauté de Ja Bor, par l’intermédiaire de ses projets touristiques, entend montrer comment les lahus vivent en harmonie avec la forêt.
Ils veulent prouver qu’ils savent en tirer bénéfices tout en la respectant. Pour démontrer ce fait, ils ont créé
des activités d’observation destinées à expliquer aux visiteurs leur technique de culture par rotation et
à montrer qu’ils ne pratiquent plus la culture destructrice par brûlis, comme le croient souvent les gens
des plaines. Le CBT Institute est toujours là pour suivre l’évolution du projet, mais aussi pour encadrer
les habitants, et pour les aider, notamment via des formations, à mettre en valeur la manière dont ils
travaillent et à améliorer la façon dont ils accueillent les touristes
53
Activités proposées :
Bien sûr, il y a des excursions qui ont pour but la visite des grottes des alentours avec un guide local.
Certaines possèdent des formations géologiques incroyables, d’autres sont des sites archéologiques importants, contenant des cercueils préhistoriques datant de plus de 3000 ans. La grotte de Pee Man, considérée par les locaux comme un endroit abritant de puissants esprits, est l’exemple le plus connu.
Il y a des « trekking » en forêt, où le guide local fait découvrir aux touristes la richesse de son environnement, la connaissance de la nature que les lahus possèdent, et la relation harmonieuse qu’ils entretiennent avec elle. C’est l’occasion de contempler de magnifiques points de vue, de rechercher les herbes
médicinales ou de rejoindre le village de Baan Baw Krai.
Mais le tourisme à Ja Bor ne se limite pas à l’aspect naturel et environnemental, il y a un côté culturel que
les villageois se font un plaisir de partager. Les visiteurs sont invités à découvrir la vie traditionnelle des
habitants dans un homestay, la musique et la danse traditionnelles, les instruments typiques, les techniques de tissage et de couture, de tressage des paniers en bambous, etc. Ils apprennent aussi à cuisiner
des plats lahu avec la famille qui les accueille. À certains moments de l’année, il y a des festivités, des
cérémonies et des rituels traditionnels auxquels les touristes sont invités à assister. Comme le Kin Waw
Festival (Nouvel An), ou la tradition du New Rice.
Les habitants sont aussi disposés à montrer aux visiteurs leur mode de vie traditionnel, et notamment
leurs techniques d’agriculture: système d’irrigation, de récolte, etc. Il est même possible de travailler avec
eux, de préparer les terrains, de faire la cueillette ou la récolte, de s’occuper du bétail (surtout des cochons), etc. Les lahus sont également d’excellents chasseurs, et ne manquent pas d’impressionner le
visiteur en lui montrant ses techniques de chasse à l’arbalète.
Via toutes ces activités, le touriste découvre une culture et est sensibilisé au fait que les habitants font
tout pour vivre en harmonie avec leur environnement, et les ressources dont il regorge. Il apprend, tout
en passant un moment authentique et inédit au sein d’une communauté.
Enfin, n’oublions pas l’aspect commercial.Le touriste peut observer la manière de faire des artisans locaux, mais il a aussi la possibilité d’acheter des objets d’artisanat: des paniers en bambou, qui servent à
réaliser diverses tâches de la vie courante, des sacs tissés, des instruments de musiques, des objets du
quotidien.
Résultats :
En ce moment, suite à un excellent processus de préparation de la communauté et un programme de
qualité, Baan Ja Bor séduit un nombre de plus en plus important de visiteurs étrangers. Cela a entraîné
une amélioration des lieux d’accueil, notamment du point de vue de l’hygiène, et davantage d’aménagements spécifiques aux alentours. L’intérêt accru pour la préservation de l’environnement qui les entoure
affecte de manière positive la santé des habitants. Les villageois sont de plus en plus ouverts aux visiteurs,
ils sont plus expressifs, et ont développé d’habiles techniques pour communiquer avec les étrangers. Ils
ont gagné en confiance et sont plus fiers de leur culture locale. Par ailleurs, la communauté s’est mis en
lien avec un Eco tour opérateur basé à Mae Hong Son, Tour Merng Tai 9 . Celui-ci est spécialisé dans les
trekkings et les séjours dans des CBT de la région. Il est donc possible d’obtenir des informations et de
réserver des tours incluant un passage à Baan Ja Bor à partir de Mae Hong Son. En outre, Tour Merng Tai
dispose d’un site internet qui peut être considéré comme un plus en ce qui concerne la visibilité et la
promotion.
54
6.2.3. Le projet CBT à Baan Ja Bor, vu de l’intérieur :
Entretien avec Mr. Sornchai Prainethitham, 23 ans, responsable de l’association du tourisme du village de
Ja Bor. Propos recueillis par Jérémie Holemans.
Pourquoi êtes-vous si impliqué dans le projet touristique de Baan Ja Bor?
J’aime ma communauté et je suis fier de ma culture, je me suis donc impliqué pour elles dès l’âge de 16
ans. Je suis le petit-fils de Ja Bor (qui a donné son nom au village), et j’ai toujours eu envie de continuer
son projet, de respecter ses idées, c’est la raison pour laquelle j’ai pris le leadership dans le développement du tourisme, dans l’espoir que cela permette à notre communauté de survivre et de préserver ses
traditions. En fait, je fais partie de la 3ème génération de personnes qui œuvre au développement touristique dans le village. Cela a commencé avec le chef du village qui nous dirigeait, il y a de cela 10 ans.
Comment a commencé l’aventure du CBT à Ja Bor?
Un jour, une organisation est arrivée dans le village, le PRLC. Elle est venue pour étudier le terrain et faire
des recherches. Ensuite, ils nous ont demandé si ça nous intéressait de nous lancer dans le tourisme.
Quelques habitants du village et moi-même avons été intéressés, nous avons trouvé cela motivant pour
l’avenir de la communauté. Nous avons formé une équipe et nous avons essayé de développer le projet, en faisant notre possible pour attirer les touristes, tout en continuant à collaborer avec le PRLC et le
CBT-I.
Est-ce que tout le village était emballé par le projet?
D’abord, il a été difficile de convaincre les habitants de l’intérêt d’un projet CBT. Ils ne comprenaient pas.
C’est la raison pour laquelle nous avons organisé une réunion, afin de tout expliquer clairement, et de
répondre aux questions des villageois. Ce n’est qu’après ça que ceux-ci ont compris l’intérêt que cela
pouvait représenter pour le village, sa culture et l’environnement.
À ce moment-la, tout le village s’est donc joint au projet, mais aujourd’hui, il n’y a plus que 29 maisons sur
53 qui accueillent des visiteurs. Certains villageois ont été découragés par le manque de touristes, et ont
abandonné. Cependant, tout n’est pas perdu, car l’an dernier (2010), il n’y avait plus que 19 maisons qui
proposaient des homestays, il y a donc une amélioration, une sorte de regain de motivation.
Quoi qu’il en soit, tous les habitants sont impliqués dans le projet CBT de près ou de loin, car ils sont tous
parents, à quelque degré que ce soit, et qu’il n’y a pas que le homestay. Dans notre communauté, nous
avons pour habitude de nous entraider, que ce soit pour les cultures, ou tout le reste. En ce qui concerne
le CBT, c’est pareil: si quelqu’un n’a pas la possibilité de faire le guide, ou de préparer les repas comme
prévu, quelqu’un d’autre s’en chargera. Et ce qui est motivant, c’est que chacun sait qu’il œuvre pour le
bien être de tous, car 10% des revenus d’un homestay, et des prestations touristiques en général est reversé à la caisse commune.
Et ce qui est beau, c’est qu’on assiste vraiment à une passation de la culture entre les générations. Pour
développer les activités censées attirer et intéresser les touristes, les jeunes s’intéressent de nouveau au
savoir-faire ancestral et les vieux du village leur apprennent à le maîtriser. Cela revalorise notre culture aux
yeux des plus jeunes.
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Bénéficiez-vous encore de soutiens extérieurs?
Cela dépend des organismes. Nous avons obtenu facilement l’aide du CBT, mais par contre, l’Oo-bor-tor
(l’administration du district de Pang Ma Pha) ne nous soutient pas beaucoup. Chez eux, ils ne voient pas
vraiment l’intérêt de tout ça.
Pour le moment, j’essaye de créer une sorte de synergie entre les villages CBT du coin, et d’y envoyer le
staff de Baan Ja Bor afin que nous puissions partager nos expériences. Nous aimerions créer un réseau
de trois autres communautés : Ja Bor, Maelana, et Pha Dang. Mais tout cela est difficile, car nous recevons
peu de soutien de la part du Oo-bor-tor. Aujourd’hui, c’est surtout le PRLC et le CBT qui sont là pour nous
soutenir, quels que soient les projets que nous mettons sur pied.
Et comment cela se passe avec les touristes?
Les touristes que nous accueillons sont pour moitié des étrangers, et pour moitié des Thaïs. Nous leur
proposons des repas à seulement 70 baths et le riz comme les légumes proviennent des cultures du
village. Les touristes aiment notre communauté car ils s’intéressent à notre culture et à notre mode de
vie et apprécient notre simplicité.
Que pensez-vous du CBT et de ses impacts?
Pour moi, le CBT est une bonne chose. Mais j’avoue ne pas m’intéresser plus que ça à l’argent, et je ne
considère le tourisme que comme un boulot sur le côté. Pour moi, ce qui importe vraiment, c’est la
communauté, le fait qu’elle comprenne les enjeux et qu’elle s’implique pour défendre sa culture et son
environnement. Comme c’est vraiment la communauté qui travaille et qui gère les choses pour le bien
de ses propres membres, le projet de CBT a resserré encore plus les liens au sein du village. Il a en outre
favorisé la construction de réseaux solides, et a fait en sorte que les touristes respectent plus les populations locales.
Avec l’arrivée des visiteurs étrangers, les maisons sont aussi mieux entretenues et plus propres. Par contre,
je constate que de plus en plus d’habitants délaissent les costumes traditionnels pour s’habiller comme
des étrangers, ils cherchent à avoir des téléphones mobiles, etc.
56
6.2.4. Avis personnel :
Je me suis rendu à Baan Ja Bor, et il me semble que ce lieu constitue un échantillon représentatif des
potentialités et des réalités liées à l’implantation d’un projet de CBT en Thaïlande, dans une petite communauté en marge.
C’est un village qui fût pendant longtemps difficile d’accès et donc replié sur lui-même, la communauté
n’ayant de contacts qu’avec d’autres ethnies vivant, comme elle, dans les montagnes et vallées environnantes. La création d’une route liant Chiang Mai à Mae Hong Son entraîna une soudaine ouverture de
la communauté sur le monde extérieur. Surtout que, non loin de là, l’implantation d’un camp militaire
thaïlandais censé sécuriser la frontière birmano-thaïe a facilité l’accès du village à la route principale.
Les choses ont terriblement changé, pour ces communautés aux modes de vie ancestraux. Le contact
de ces peuples aux traditions séculaires avec la réalité du monde moderne est toujours un choc violent,
entraînant une multitude de répercussions, souvent négatives. La petite communauté de Ja Bor ne fait
pas exception à la règle: la réalité des locaux est souvent difficile, et la pauvreté bien réelle. La menace
qui pèse sur leur identité culturelle ne cesse de se faire sentir.C’est notamment un effet pervers des
tentatives d’homogénéisation du gouvernement, qui, par exemple, oblige les enfants des tribus à aller à
l’école dans des villages plus importants du coin et à apprendre le thaï. Le problème, c’est que les enfants
des tribus sont parfois mal considérés par les habitants des villes. Certains d’entre eux finissent par avoir
honte de leurs origines, ils sont tentés de se tourner vers une autre vie, en dehors de la communauté, et
d’accéder à un niveau de vie plus élevé.
Heureusement, le mode de vie en toute simplicité de ces communautés et leur éloignement des centres urbains les préservent un tant soit peu d’une ruée vers le matérialisme.Or celui-ci peut représenter
(et représente déjà!) un danger, car ces populations n’ont pas les moyens financiers qu’il nécessite, cela
pourrait donc les tenter de développer des activités aux impacts négatifs : prostitution, braconnage,
trafics illégaux, ou autres. Mais jusqu’à quand seront-ils préservés? Les enfants ont l’obligation d’aller à
l’école en dehors de leurs villages, reviendront-ils?
Dans le cas de Baan Jar Bor, c’est un organisme extérieur qui a approché la communauté. Le PRLC, fût à
l’initiative du projet, et le CBT-I l’a épaulé lors de sa réalisation. La communauté a un profil correspondant
très bien aux normes et au concept du CBT. Si l’initiative ne vient pas tout à fait d’elle, il n’empêche que
cette communauté s’intéresse depuis plus de 10 ans aux possibilités offertes par le tourisme. Elle avait,
notamment, déjà mis des homestays en place en 1999, mais le projet n’avait pas vraiment pris.
Le fait que ce soit le PRLC qui soit venu vers cette communauté implique, selon moi, une approche particulière, car l’état d’esprit des membres de la communauté est différent de celui qu’ils auraient s’ils étaient
véritablement à la source du projet. Leur motivation n’est pas la même (il s’agit même de les convaincre
de l’intérêt de ce projet) et leurs capacités à entreprendre un tel projet sont réduites: ils partent de rien,
ou presque, et ont tout à apprendre.
Pourtant, Baan Ja Bor dispose d’un réel potentiel et d’atouts considérables. Un de ceux-ci me semble
être primordial, car il représente les fondations mêmes d’un possible succès du CBT : la cohésion de la
communauté. De par les liens de parenté qu’il y a entre ses membres, il existe une bonne cohésion du
groupe, avec un esprit de compréhension mutuelle, d’entraide, et une vraie dynamique. Dans le village,
tous les membres sont impliqués de près ou de loin dans le tourisme. La communauté est soudée et
capable de prendre des décisions collectives, ce qui est essentiel au bon déroulement d’un projet tel
que le CBT
57
La population de Baan Ja Bor dispose aussi d’une richesse culturelle impressionnante. Les rituels et les
traditions sont plus que jamais vivants, les habitants portent encore leurs habits traditionnels au quotidien, et gardent une certaine authenticité.
On sent qu’il leur tient à coeur de partager leur culture et leurs traditions avec les visiteurs. Ils font
d’ailleurs ça très bien, et font preuve d’enthousiasme. Leur accueil est excellent et le programme d’activités qu’ils ont élaboré est riche en découvertes, ce qui est nécessaire pour attirer le profil de touriste
habituellement ciblé par le CBT.
Pour résumer les atouts de Baan Ja Bor, il y a un réel potentiel attractif pour le tourisme (grâce aux attraits
touristiques proches, comme les grottes et la forêt), une identité culturelle forte et authentique, une
transmission de génération en génération de la fierté d’être lahu (c’est d’ailleurs un jeune qui a pris le
leadership du projet touristique dans le village, voir interview), un esprit communautaire et un bon sens
de l’accueil, le tout dans un environnement naturel magnifique.
Bien entendu, la situation n’est pas parfaitement rose non plus. Baan Ja Bor n’attire pas une foule de
touristes, et ce pour de multiples raisons. D’abord, le village est sur la route de Mae Lanna, et les gens
ont donc tendance à le traverser, pour aller séjourner à Mae Lanna qui elle, dispose d’une notoriété plus
affirmée. Baan Ja Bor semble aussi souffrir d’un manque de soutien de la part du gouvernement local.
En outre, l’infrastructure organisationnelle et les formations mises en place ne semblent pas suffisantes,
car les habitants partent vraiment de rien.
D’un point de vue visibilité et marketing, il y a peu de structures qui vendent des séjours à Baan Ja Bor.
On en parle sur le site du CBT-I, sur celui du TAT, ou du Tour Merng Tai, mais personne ne fait vraiment
de commercialisation et de promotion autour de ce village. On n’en parle même pas dans la plupart des
guides touristiques, comme le Lonely Planet. Il n’y a donc presque que le bouche-à-oreille qui lui permet
d’attirer des visiteurs. Surtout qu’il ne bénéficie pas d’infrastructures pour développer sa communication
(il n’y a pas internet, par exemple).
Quels sont les profils de touristes qui nous restent. Car des expériences comme on peut en vivre au sein
de telles communautés n’attirent pas tous les voyageurs et il y a peu de promotion autour de ce lieu.
Les walk in? Les voyageurs indépendants se basent généralement sur leurs guides et les infos puisées
sur le net, donc comment auraient-ils connaissance de l’existence d’un projet touristique à Baan Ja Bor,
si ce n’est de bouche à oreille? Des groupes organisés de plus grande taille? Cette communauté n’a pas
la capacité d’accueillir ce genre de touristes (point de vue standards occidentaux, maîtrise des langues,
etc). De plus l’impact sur les modes de vie causé par la rencontre avec les touristes et le monde moderne
se fait déjà trop ressentir actuellement, il n’est donc peut-être pas souhaitable de voir le tourisme se
développer à plus grande échelle.
Enfin, le comportement de ce genre de voyageurs n’est souvent pas en accord avec les valeurs défendues par le CBT. Il nous reste donc les aventuriers, les gens qui improvisent, qui explorent. Ceux pour qui
l’occasion fait le larron. Il me semble aussi que ce genre de communauté devrait se spécialiser dans les
voyages d’étude d’universités, que ce soit pour des recherches anthropologiques, agraires, environnementales ou autres, c’est un lieu idéal. D’ailleurs, cela s’est déjà passé dans le village, et je trouve que c’est
une piste à approfondir.
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Comme vous avez pu le lire dans l’interview, Baan Ja Bor essaye de se mettre en réseau avec d’autres
villages. Cela me semble une bonne voie, ils devraient collaborer davantage, notamment en matière de
promotion des uns des autres. Car comme dit le dicton: « l’union fait la force », et c’est dans cette optique que de petites entités comme Baan Ja Bor peuvent faire le poids face aux formes de tourismes plus
« classiques » et se faire connaître des voyageurs, tout en s’assurant une meilleure visibilité auprès des
autorités et autres tour opérateurs.
Pour moi, le CBT à Baan Jar Bor représente une réalité et non un idéal, mais l’équilibre nécessaire au maintien de l’esprit CBT est fragile, tout comme la communauté. Cette entreprise doit être gérée de manière
prudente, avec une vision à long terme, une remise en question permanente, et une implication forte et
constante. Il s’agit de maintenir le projet à taille humaine, tout en ayant une constance dans la fréquentation touristique. Et celle-ci doit rester adaptée aux possibilités de la communauté, sous peine de la voir
perdre sa motivation. Un équilibre délicat à entretenir, donc.
En outre, je pense que pour que le CBT fonctionne là-bas, la communauté devrait collaborer avec des
tours opérateurs de niche, qui incluraient un séjour à Baan Ja Bor, mais aussi cibler une action marketing
et promotionnelle efficace et adaptée. Il faudrait faciliter le walk in via des supports comme les sites internet, les guides, et que tout en enregistrant plus de visites, la population reste fidèle à la charte du CBT,
surtout en matière de limitations du nombre de visiteurs, et donc, des possibles impacts négatifs.
Bien entendu, ce ne sont que des impressions et des craintes personnelles, aucune étude n’existe pour
le moment, qui serait susceptible d’analyser l’état du développement du CBTI et les impacts du tourisme
à Baan Ja Bor. Ou du moins, je n’en ai trouvé aucune trace.
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6.3. Baan Mae Kampong :
6.3.1. Présentation générale de Baan Mae Kampong
Fiche d’identité :
Baan Mae Kampong est un des sept villages du sous-district de Huai Kaew, faisant lui-même
partie du district de Mae On, dans la province de Chiang Mai. C’est un village de montagne, situé sur un terrain accidenté, à une altitude variant entre 800 à 1000 mètres, entouré d’une forêt
luxuriante qui possède un système écologique bien préservé. Là bas, l’air est frais et de bonne
qualité. Le climat est agréable tout le long de l’année, et plutôt frais durant les soirées d’hiver,
étant donné l’altitude.
La vallée est irriguée par plusieurs cours d’eau. Une grande portion des terres appartenant au
village se trouve dans le fond de celle-ci, avec quelques parcelles sur les pentes des collines.
Une rivière coule à travers de celui-ci d’orientation nord-sud.
Baan Mae Kampong se trouve à environ 50 kilomètres de la ville de Chiang Mai, sur la route de
Mae On-Huai Kaew. Le village, autrefois unitaire, fût par la suite divisé en six parties distinctes,
couvrant une superficie totale d’environ 6,22 kilomètres carrés.
En 2004, la population totale du village était de 418 personnes (216 hommes pour 202 femmes) réparties en 130 ménages. 70 % de la population est active. Près de 95 % des habitants
sont de croyance bouddhiste.
Historique du village :
Selon les dires locaux, la création du village de Ban Mae Kampong aurait été la conséquence de
la quête d’un vieil homme, appelé Maa Khingkaew. Celui-ci avait comme objectif de trouver un
endroit idéal, propice à la plantation d’une variété particulière de thé (de la famille des Camillia),
qui sert à produire un en-cas que l’on chique, appelé en dialecte du Nord de la Thaïlande: le
« Miang ». Cette prospection, il y a de ça presque deux siècles, se révèlera fructueuse lorsqu’il
fit la découverte d’un lopin de terre fertile, répondant aux critères exigeants de la culture du «
Miang ». Cet endroit se trouvait au beau milieu de la jungle, il possédait un écosystème et une
biodiversité encore intacts, était alimenté en eau par de nombreux ruisseaux, et bénéficiait
d’un bon air : pur et sain. Il décida de s’y installer, et défricha juste ce dont il avait besoin pour
cultiver du thé.
M. Maa était un résident d’un village appelé Baan Dok Daeng. Celui-ci est situé dans le district
de Doi Saket, dans la province de Chiang Mai. Ses congénères ont bien vite reconnu le potentiel de sa découverte, et décidèrent de s’installer avec lui, dans ce nouvel environnement
prometteur. Au fil du temps, de plus en plus de familles suivirent, fuyant le manque de surfaces
cultivables dans leur village d’origine. La petite communauté continua à s’agrandir, de manière
naturelle et de par les migrations, jusqu’à ce qu’un village soit officiellement établi en 1914.
Mis à part pour le riz, le sel, et quelques aliments séchés, les habitants vivaient en quasi-autosuffisance.
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L’origine du nom du village vient de deux composantes de la région. La première est l’abondance de cours d’eau, appelée en Thaïlandais, Mae naam. La seconde composante est une fleur
endémique de la région, que l’on trouvait en abondance dans le village et sur les rives des cours
d’eau, surnommée localement, dok kampong. D’où le nom du village Baan Mae Kampong.
En 1976, d’importants incidents politiques liés à la montée du communisme dans la région
firent trembler le pays, et le village de Mae Kampong fut marqué sur la liste rouge du gouvernement. En effet, durant cette époque, un grand nombre d’étudiants universitaires s’exilèrent dans la jungle. Dans le nord de la Thaïlande, ils venaient pour la plupart d’universités, ou
d’autres établissements d’enseignement, dont notamment l’Université de Chiang Mai. Ils ont
fui les autorités locales, en se cachant dans des camps établis en pleine forêt. Un de ces camps
se trouvait dans les environs de Mae Kampong. La région était alors sous tension, et des combats éclatèrent ici et là, entre les étudiants et les autorités locales, rendant la vie des villageois
pénible et difficile. Au cours de l’année 1979, plusieurs membres de la communauté ont même
rejoint les forces communistes. Pendant cette période, le groupe d’étudiants réfugiés vivaient
en harmonie avec les habitants de Baan Mae Kampong.
Après plus de dix ans d’instabilité politique, les conflits arrivèrent à un terme. Et il n’est pas rare,
de nos jours, que quelques-uns de ces anciens étudiants, qui, auparavant, se cachaient au sein
de la communauté et entretenaient de bonnes relations avec les locaux, viennent rendre visite
à leurs compagnons et hôtes d’autrefois.
61
Caractéristiques économiques :
Baan Mae Kampong, depuis sa création, est une communauté productrice de thé fermenté appelé le
Miang. Cette activité emploie actuellement 97 % des villageois. La récolte se fait quatre fois par an, mais
récemment, le manque de rentabilité des ventes les a poussés à diversifier les cultures en plantant du
café, afin de générer un revenu supplémentaire.
Caractéristiques culturelles :
Les habitants de Baan Mae Kampong sont, pour la plupart, les descendants des « colons » venant du district de Doi Saket, non loin de la ville de Chiang Mai. Par la suite, des travailleurs de l’ethnie montagnarde
des Khamus sont arrivés dans la région pour travailler comme ouvriers agricoles dans les plantations
de thé. Ils seront vite intégrés dans la culture et le mode de vie des Khon Meuang ou encore le peuple
Lanna, habitants du nord de la Thaïlande.
La population de Mae Kampong possède des caractéristiques différentes des Thaïlandais de la plaine
centrale et parle un dialecte appelé kham meuang, dans le Nord. Les habitants de Baan Mae Kampong
sont très fiers de leur identité culturelle, et même si beaucoup d’entre eux se sont accoutumés aux modes vestimentaires modernes, il y a encore des gens qui portent les vêtements traditionnels. Il n’y a que
lors des grandes occasions ou de cérémonies traditionnelles que tous les villageois les mettent.
Les habitants de Baan Mae Kam Pong sont des bouddhistes pratiquants, et sont plus précisément attachés
au bouddhisme Theravada. Donc, la culture locale et les traditions sont similaires à celle des Thaïlandais
du reste du pays. La vie communautaire est simple et nonchalante. Les locaux sont gentils, amicaux et
généreux, et prennent soin l’un de l’autre en s’entraidant, trait de caractère typiquement Meuang.
Caractéristiques environnementales :
Le village et ses alentours ont été classifiés en plusieurs secteurs d’activités :
404 hectares de zone agricole,
148,8 hectares de zone forestière,
69,28 hectares de zone résidentielle.
70% de la surface forestière de Baan Mae Kampong est toujours fertile. Quelques parties de terres stériles
ont été reboisées avec des pins. Depuis, la forêt de cette région est une forêt mixte de feuillus, les périodes de délestage des feuilles des diverses espèces d’arbres dans cette forêt sont différentes. Ce qui fait
que la forêt est verdoyante durant toute l’année.
La forêt abrite une flore et de faune très diversifiées. Les espèces d’animaux sauvages les plus importantes
sont les suivants: la chèvre des montagnes, le sanglier, la civette commune des palmiers, le cerf aboyeur,
le rat de bambou, le blaireau, l’écureuil, le Hon (sorte de porc-épic), le pangolin, l’ours, etc.… Il y a une
grande variété d’oiseaux endémiques et migrateurs. Les plus communs trouvés dans cet endroit sont les
suivants: le barbet lancéolé, le martinet, pivert, la colombe d’émeraude, coq sauvage, la colombe, le bulbul, le passereau (moineau), le loriot, le coucou, la bergeronnette, le coucal, le pigeon biset, la grive, …
Dans la région de Baan Mae Kampong, on trouve aussi une fleur endémique et particulière: la Kaempferia rotunda. C’est une orchidée terrestre qui possède des traits uniques et une beauté qui lui est propre.
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Actuellement, la communauté aide à la propagation de la plante pour répondre à la demande des
marchés.
Elle promeut la propagation, la reproduction et la conservation de cette orchidée dans la forêt.
Enfin, consciente de l’importance des plantes médicinales, la communauté a consacré près de 32 hectares de forêt à l’élaboration d’un herbal garden. Celui-ci abrite différentes variétés de plantes médicinales
endémiques. Des parcelles de multiplication ont été mises en place, et d’autres plantes médicinales ont
été ajoutées aux plantes sauvages endémiques existantes. Parmi les variétés les plus abondantes dans
le herbal garden de la communauté, on trouve la cannelle, L’herbe du Laos Siam, le bitter bush, le ficus
faveolata, et le prunus cerasoides. Mais la principale culture de rente de la communauté reste le Miang
et les caféiers arabica.
6.3.2. Le CBT à Ban Mae Kampong :
Historique du CBT :
Dans ce cas-ci, le CBT, pourrait s’appeler le CBET (Community-Based Ecotourism), car les activités proposées le démontrent bien, le projet de Mae Kampong est fort axé sur l’environnement et les ressources
naturelles dont vit la communauté. La culture joue un rôle primordial dans ce village, ainsi que le maintien de leur mode de vie. Mais l’urgence de la préserver n’est pas comparable au danger d’acculturation
dont les ethnies des montagnes font l’objet. La culture meuang est encore bien présente dans la population du nord de la Thaïlande. Même si à Baan Mae Kam Pong ce sont des puristes et que son niveau de
conservation est exemplaire.
L’écotourisme communautaire à Baan Mae kampong fut initié en 1999. En réponse au déclin de la demande pour la production de thé fermenté, le tourisme est tout naturellement apparu comme étant
une alternative possible, qui pourrait représenter une source additionnelle de revenus pour les villageois.
En effet, selon le responsable du village, la pauvreté reste le problème principal de la région. Si l’on veut
éviter que les populations n’empiètent sur la forêt, il fallait créer des emplois et générer des revenus
supplémentaires pour les habitants.
L’idée originale est venue de l’actuel responsable du conseil du community ecotourism, M. Prommin
Puangmala. Il est aussi l’actuel chef du village, et l’avait déjà été par le passé. A cette époque-là, bénéficiant de sa position, il a assisté à différents programmes de formation, et étudié les tours en écotourisme,
avec le support du gouvernement. Sur base de ses expériences, il a pu voir le potentiel pour l’introduction de l’écotourisme dans son village. Il a tout de suite compris que ce développement impliquait deux
types de ressources: physiques et culturelles.
Pour commencer, il discuta de ses idées avec d’autres chefs de village, dans les alentours. Une fois qu’ils
se sont mis d’accord, un forum a été organisé, rassemblant tous les membres de la communauté, pour
discuter, sonder l’opinion, et voir la motivation du village concernant le développement de l’écotourisme
communautaire.
Avec l’assistance d’organisations extérieures, gouvernementales et non-gouvernementales, l’écotourisme communautaire a été implanté pour la première fois en avril 1999. Mais l’ouverture officielle de
l’écotourisme communautaire a eu lieu le 10 décembre 2000, lorsque le projet a été incorporé dans le
programme du gouvernement « one tambon one product» ( OTOP). Cela a facilité le développement de
l’écotourisme communautaire à Baan Mae Kampong.
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Depuis, différents programmes de formation ont été organisés afin de renforcer la capacité de gestion
et l’organisation de l’écotourisme communautaire. Le TRF (Thailand Research Found) sponsorise un programme de recherches, visant à identifier le modèle approprié pour la réalisation optimale de l’écotourisme communautaire à Baan Mae Kampong. Cette action-recherche aide les villageois à se familiariser
avec le projet.
Activités proposées :
La communauté organise circuits sur mesure. La région se prête parfaitement à des balades en pleine nature, que ce soit à des fins éducatives ou juste pour le plaisir de promener. Des chemins de randonnées
mènent à de magnifiques points de vue sur les montagnes environnantes, ou sur les cascades perdues
en pleine forêt.
Il est agréable de flâner tranquillement dans ce magnifique et paisible petit village. Celui-ci propose notamment un show culturel et des activités permettant de découvrir le mode de vie local et le savoir-faire
de la communauté. Il invite les visiteurs à participer aux cérémonies traditionnelles. Et il est aussi possible
de se relaxer, en se faisant masser dans une bâtisse traditionnelle aux abords d’une cascade. En ce qui
concerne l’hébergement, Baan Mae Kampong offre une multitude de homestays.
Le village peut être visité toute l’année, bien qu’il n’y ait pas de transports qui desservent la communauté.
Pour s’y rendre, le mieux est de prendre contact avec des tour opérateurs travaillant avec le village, ou de
s’adresser directement aux habitants (website, téléphone,…).
La communauté de Baan Mae Kampong vit au rythme des cycles de la nature et des événements culturels, il est donc possible d’y retourner plusieurs fois, tout en découvrant de nouvelles choses.
Cycles de la nature :
De mai à novembre: récolte des feuilles de Miang.
De novembre à janvier: récolte des grains de café.
Du 15 au 30 décembre: floraison des cerisiers.
De mars à avril : floraison de la kaempferia rotunda (orchidée terrestre endémique).
Événements culturels :
Janvier : Deun Si Peng, offrandes pour une bonne récolte.
Avril : Wan Pii Mai Meuang plus connu sous le nom de Songkran festival ou la fête de l’eau, est en fait le nouvel an thaï.
Juillet: offrandes au temple.
Novembre : Loy Kratong festival.
Quelques exemples de circuits:
Circuit de 1 jour:
Visite du village et immersion dans le mode de vie local.
Courte randonnée en forêt.
Visite d’une cascade.
Cours de cuisine locale.
Introduction aux produits locaux.
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Circuit 2 :
Nuit en homestay.
Circuit nature.
Visite des cultures de production du Miang.
Visite des cascades environnantes.
Visite du projet communautaire hydraulique.
Cours de cuisine locale.
Circuit initiant le visiteur au mode de vie local.
Découverte des plantes et herbes locales.
Participation au quotidien de la famille d’accueil.
Offrande aux moines, tôt le matin.
Circuit 3 :
Nuit en homestay.
Circuit initiant le visiteur au mode de vie local.
Randonnée en forêt.
Excursion jusqu’au magnifique point de vue donnant sur la montagne de Doi Mon Lan.
Visite des plantations de thé et de café.
Visite de la cascade de Mae Kampong.
Visite des lieux de production de café, de thé et de fabrication d’oreillers rembourrés avec des feuilles de thé et des herbes locales.
Cours de cuisine locale.
Participation au quotidien de la famille d’accueil.
Offrande aux moines, tôt le matin.
Résultats :
Actuellement, il y a plus ou moins mille touristes qui visitent Baan Mae Kam Pong chaque année. Deux
cents d’entre eux choisissent de passer la nuit dans l’un des homestays mis à disposition par plus de
30 foyers dans la communauté. Et 70 % de cette clientèle de homestays est composé d’étrangers qui
viennent, pour la plupart, des Etats-Unis. Les revenus générés par l’écotourisme représentent annuellement près de 300.000 bath (+/- 7320 euros). Ce chiffre était seulement de 86.000 bath en 2001 (+/- 2100
euros).
Chaque homestay obtient normalement entre 10.000 et 15.000 bath par an (240-365 euros).
10% des revenus générés par le tourisme dans le village sont déposés dans une caisse commune, attribuée au développement général du village.De ces 10 %: 6 % vont au projet Mae Kam Pong Mini-Hydro
Cooperative, 2 % au village development found, et 2 % pour défrayer le comité chargé de gérer l’écotourisme dans la communauté. Les revenus générés par l’écotourisme ont aussi servi à financer différents
community welfare programs, allant du développement d’infrastructures à la conservation de la forêt.
Tous les membres de la communauté jouent une part importante dans le maintien et la protection des
ressources naturelles, de manière directe ou indirecte. Ils sont impliqués dans la plantation d’arbres, dans
l’aménagement d’une ligne tampon pour empêcher les feux de forêt, ils prennent part aux activités de
surveillance afin d’éviter l’exploitation forestière illégale, l’abattage des arbres, et la contrebande d’espèces d’orchidées sauvages. Ils ont aussi développé une communication claire avec les touristes, pour
créer une bonne compréhension des règles et règlement de la communauté. Enfin, les membres de la
communauté aident aussi à gérer leurs propres ordures au niveau des foyers.
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6.3.3. Le projet CBT à Baan Kampong, vu de l’intérieur :
Entretien avec M. Prommin Puangmala, responsable du village de Mae Kampong et de son association
du tourisme. Propos recueillis par Jérémie Holemans.
Comment vous êtes-vous lancé dans le tourisme?
Il y a dix ans, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour améliorer les choses dans le village. Je
savais que si je ne comptais que sur l’aide du gouvernement, cela n’avancerait pas très vite. J’ai donc
décidé de prendre les choses en main. Dans ma tête a commencé à germer l’idée qu’on pourrait développer des activités autour du tourisme, dont le village pouvait apporter des attractions intéressantes et
qu’en même temps, on pourrait travailler à la préservation de notre environnement. Je me suis dit qu’on
pourrait impliquer toute la communauté pour offrir ces activités (des masseurs, des artistes, des guides,
etc). Je voyais cela comme un moyen d’encourager les villageois à travailler main dans la main, à faire de
preuve de solidarité, tout en créant des possibilités d’emplois. Cela permettait aussi d’écouler les produits
cultivés par la communauté, en les vendant aux touristes, ce qui épargnait aux agriculteurs la peine de
chercher des acheteurs potentiels.
Comment en êtes-vous arrivés à développer le homestay à Mae Kampong?
Au début, je ne pensais qu’au tourisme en général. Ce n’est que plus tard que j’ai entendu parler du
concept de homestay. J’ai lu des choses à ce sujet dans un livre, puis, des gens d’une agence de voyage,
Erawan Company 10 , sont venus dans le village, pour voir les moines. J’ai rencontré et discuté avec le directeur de ce tour opérateur, M. Somsak Techaerawan, qui m’a dit que je ne devais pas hésiter à lui poser
des questions à propos du tourisme. Lui aussi m’a parlé du homestay.
Plus tard, il m’a mis en contact avec M. Mam de la fondation Thaï Volonteer Service 11 , de Bangkok. Ce
sont eux qui m’ont fait parvenir des vidéos d’études à propos du homestay et de la manière d’en gérer
un. Ensuite, j’ai formé les villageois (spectacles avec les enfants, guides, traitement des déchets, etc), et
j’ai organisé de nombreuses réunions de coordination avec mon staff. 4 ans plus tard, nous avons ouvert
notre village en tant que communauté offrant des possibilités de homestay. Nous étions en décembre
2000.
Quels sont les atouts de la communauté?
Nous sommes entourés d’une nature superbe, nos guides ont été formés spécialement pour le tourisme
dans notre communauté. Nous avons aussi une culture et un mode de vie susceptibles d’intéresser les
touristes: la vie en harmonie avec la forêt, c’est quelque chose qui leur parle. Nous cultivons plusieurs
produits typiques, comme le thé et le café.
Comment est-ce que ça se passe aujourd’hui?
Aujourd’hui, les choses prennent de l’ampleur, on a vu débarquer pas mal d’organisations, qui ont étudié
le terrain, fait des recherches, analysé notre façon de gérer le tourisme, notre système électrique, etc.
J’ai l’impression que les échanges culturels se passent bien. Les visiteurs semblent apprécier: nous donnons des ateliers cuisine, nous leur montrons nos traditions, les emmenons au temple, etc. Ce qui me fait
dire que c’est plutôt positif, c’est que les étrangers conseillent souvent à des amis ou à des gens croisés
sur le chemin de venir nous rendre visite.
La maîtrise de l’anglais reste un problème à Baan Mae Kampong, mais certaines personnes disent que
cela donne un certain charme au village.
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Quelle est l’implication de la communauté?
Il nous faut informer sans cesse la communauté, lui rappeler que nous avons intérêt à opter pour un
développement durable et à préserver notre environnement. Que c’est important pour l’ensemble de
la population du village, car sans la nature et la forêt, nous n’avons pas de travail et nous n’avons pas de
nourriture.
Comment vous y prenez-vous pour garantir les valeurs du CBT?
Nous avons édicté plein de règle pour que nous puissions vivre dans un endroit agréable: on ne peut pas
construire des bâtiments de plus de 10 mètres, si on utilise du ciment, il faut le couvrir avec du bois, tout
nouveau membre de la communauté doit être formé pour pouvoir participer aux activités touristiques,
etc.
Nous avons aussi décidé de nous protéger, de fonctionner en communauté et de ne pas tolérer les gens
qui ne respectent pas les règles qu’elle a fixées. Il y a un étranger, un certain John, que nous avons chassé
pour cette raison, maintenant, il a installé son affaire dans un autre village. Par contre, nous avons accepté
la présence de « The flight of the gibbons »12, une agence qui propose des trekkings et de l’escalade, qui
reverse une partie des bénéfices de ses activités à la communauté, qui reste propriétaire des terres.
Quel est votre avis sur l’état du développement touristique de Baan Mae Kampong?
Pour le moment, les avantages du tourisme se sentent plus que les désavantages. Nous essayons tout
le temps d’évaluer la situation, pour pointer les choses qui ne vont pas, de manière à améliorer sans
cesse les activités et l’accueil aux touristes. Une étude de 2 ans est en cours, menée par l’institut Thailand
Research Found (TRF), en collaboration avec notre communauté. Cela nous permettra sans doute de
proposer de meilleurs services, à l’avenir.
Nous avons réussi à convaincre l’Oo-bor-tor (administration du district) de nous aider, et nous sommes
soutenus par de nombreuses organisations. Cependant, nous devons payer une taxe à l’Oo-bor-tor pour
chaque maison qui propose du homestay.
Dans notre village, le tourisme reste une activité annexe, celle-ci n’a pas exigé une augmentation de la
coopération des villageois, qui gardent un autre travail à côté de ça. Le CBT, c’est juste un extra. Point de
vue visiteurs, nous accueillons plus de Thaïs que d’étrangers, car bon nombre d’entre eux viennent pour
des recherches, envoyés par des organisations ou des universités. Mais pour moi, les vrais touristes sont
les étrangers qui achètent des circuits via les tour opérateurs.
Selon vous, quelles sont les conditions pour qu’un projet CBT tienne la route?
Je pense que le concept de CBT ne peut pas s’appliquer à tous les villages. Pour moi, pour que cela marche, il faut maîtriser 3 postes importants : la gestion, le leadership, le budget. Comme le CBT encourage
le développement du tourisme par la communauté, il faut qu’on apprenne nous-même à maîtriser ces
aspects.
Il me semble aussi essentiel de créer un réseau et d’entrer en contact avec les tour opérateurs. D’un point
de vue promotion et visibilité, nous avons un site internet qui présente le village 13 , mais nous nous sommes aussi mis en réseau avec les villages des 7 autres provinces du Nord. Tous les 2 ou 3 mois, nous avons
des réunions, nous partageons nos problèmes et essayons d’y apporter des solutions. En général, parmi
les difficultés évoquées, il est souvent question de marketing et de promotion.
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D’après moi, la communication est essentielle pour qu’un projet CBT fonctionne. Les villageois ont besoin de comprendre ce qui ne marche pas, et comment ils peuvent s’impliquer pour que les choses
s’améliorent. De ce côté-là, nous n’avons pas de problème, nous avons une réunion par mois avec le
staff, concernant le CBT, et une tous les 3 mois, avec l’ensemble des villageois. Nous en profitons pour
essayer de résoudre les problèmes et nous y évoquons des questions de marketing, de service, etc. Pour
montrer aux habitants l’importance de ces meetings, on retire le droit de vote aux personnes qui les
manquent plus de 2 fois de suite.
Pour conclure, je dirais que le CBT peut être un outil pour gérer la communauté, mais il a ses bons et ses
mauvais côtés, tout dépend de la manière dont on s’y prend.
6.3.4. Avis personnel :
Baan Mae Kam Pong est un village dont j’ai pu voir l’évolution sur plusieurs années. Les gens sont toujours
aussi chaleureux et accueillants, et le village est vraiment magnifique. Situé près de la ville de Chiang Mai
et bénéficiant d’un environnement naturel exceptionnel, ce petit havre de paix à la population nonchalante attire de plus en plus de touristes.
Vu ses potentialités, Baan Mae Kampong a de bonnes prédispositions pour le tourisme. Il dispose de formidables ressources naturelles: une faune et flore endémiques (notamment des oiseaux endémiques),
des plantes médicinales, et de superbes cascades. Du point de vue des ressources culturelles, les villageois suivent toujours les traditions Lanna. Ils peuvent mettre en avant leurs techniques d’agriculture,
leur mode de vie, et montrer leurs moyens de subsistance, comme la transformation des produits agricoles, ainsi que leur maîtrise des traitements à base d’herbes médicinales. Un savoir-faire qui est passé
de génération en génération et est devenu un centre d’intérêt pour les touristes.
Cette communauté est aujourd’hui considérée comme un exemple du CBT en Thaïlande, elle est devenue un modèle pour les autres et un centre d’apprentissage et d’étude national. Ne devant cette réalisation qu’à eux-mêmes, les habitants ne sont pas peu fiers de cette réussite. Beaucoup d’objectifs ont été
atteints durant l’évolution du projet, mais il est impératif de rester attentif à la situation et aux impacts
générés par les touristes. Le village est un peu victime de son succès, et parfois, le nombre de visiteurs
dépasse les normes en matière de capacité d’accueil. Certaines critiques avancent que la communauté
n’est toujours pas assez préparée. Elle ne gère pas suffisamment bien ses ressources et n’est pas toujours
capable d’offrir les services adéquats en réponse à la demande touristique.
En outre, l’augmentation importante du nombre d’activités touristiques a eu des impacts négatifs sur
l’environnement local. Le village a, par exemple, du faire face à un vrai souci de contrebande d’espèces
endémiques d’orchidées, mais aussi de gestion des déchets. Ces événements ont vraiment inquiété les
membres de la communauté, et cela les a encouragés à prendre l’initiative d’organiser une réunion sur
les problèmes engendrés par le tourisme, à leur échelle. Il fallait apporter une solution à ces disfonctionnements, et faire en sorte que cela ne se reproduise pas. Ils ont donc planché sur les moyens de mieux
gérer les activités touristiques, l’aspect financier et la répartition des profits, mais ils ont aussi mis en
avant la nécessité d’une meilleure préparation de la communauté, que ce soit en matière de ressources
humaines ou naturelles.
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L’évaluation du TRF étant en cours, il n’est pas possible d’avoir une analyse globale du projet CBT dans
le village. Celui-ci dispose selon moi de beaucoup d’atouts pour remédier à la situation. Une bonne
popularité, une promotion suffisante, des partenaires commerciaux solides, une bonne organisation, et
des activités intéressantes. Mais le règlement doit être renforcé et respecté afin de ne pas tomber dans
une spirale trop lucrative en pervertissant les principes mêmes du CBT. Il faut éviter que les habitants en
veuillent toujours plus.
Du point de vue de certains professionnels du secteur, comme le Docteur Weerapon Thongma, la communauté présente des bonnes caractéristiques du CBT. Elle a de bonnes pratiques écologiques, un esprit
communautaire, elle préserve ses traditions et possède des objectifs durables… Mais elle tend tout de
même à s’éloigner de l’idéal du Community-Based Tourism. La fréquentation touristique s’est accrue et
les accords avec le secteur privé se multiplient.
Baan Mae Kampong pourrait retomber dans une forme de tourisme plus traditionnel aussi éco et communautaire qu’elle soit. Si c’est par choix, cette dérive ne pose pas de problème. Le tourisme à Baan Mae
Kampong sera de toute façon plus respectueux et durable que dans les villages habituellement visités
par les touristes étrangers, lors de trekkings organisés par des agences traditionnelles. Mais il serait
dommage qu’elle ne représente plus cette réussite de projet communautaire et ne soit plus une source
d’inspiration pour les autres.
Je trouve l’exemple de Baan Mae Kampong très intéressant. Il montre bien les challenges que le CBT
représente à un niveau plus élevé de son développement. Il n’est pas facile de maintenir cette frontière
entre le tourisme comme « moyen de développement » et le tourisme comme « fin en soi ». L’équilibre
entre profit et durabilité, la motivation des habitants et un esprit communautaire sain sont des notions
qu’il ne faut pas perdre de vue pour atteindre les objectifs. Même si des critiques ont été faites, et à raison, dans l’ensemble, on peut dire que le projet a été bénéfique à la population, et a créé de nouvelles
opportunités.
Le niveau de développement du produit est une belle réalisation et permet aux « développeurs » d’étudier le CBT à un stade avancé et d’essayer de trouver des moyens de limiter les effets négatifs et imprévisibles. L’association CBT du village est prête à faire ce qu’il faut pour garder cette dimension durable du
concept. Il est également important de résoudre les conflits internes, de prendre les bonnes décisions et
d’aller de l’avant tous ensemble. L’étude révèlera l’état de la situation, ce qui permettra au village d’entreprendre des actions pour prouver, une fois de plus, qu’il peut être un modèle de réussite.
69
7.
Conclusions
70
Les leçons que je peux tirer de ce mémoire sont multiples et plutôt encourageantes. En réponse aux questions posées lors de mon introduction, voici les constatations que je peux faire.
Est-ce que le Community-Based-Tourism est une réalité ?
Celui-ci l’est certainement! Tout du moins en Thaïlande… Le nombre d’organismes qui planchent sur son
développement, sa réalisation et sa commercialisation, ainsi que les nombreuses communautés qui s’y
essayent avec un succès mitigé, le démontre bien. C’est certain, tout n’est pas parfait, c’est pourquoi on
parle de « succès mitigé », mais il n’en reste pas moins qu’on ne peut nier le fait que le CBT est devenu
une évidence dans le paysage touristique thaïlandais. Les efforts réalisés par toutes ces communautés,
ces ONG, le secteur académique et ces tours opérateurs impliqués sont véritablement soutenus et encouragés par le gouvernement thaïlandais. Le fait même que tous ces organismes reconnus font du CBT
une réalité, lui confère une crédibilité tangible et respectable.
L’existence de plus de 70 communautés disséminées au travers du pays, motivées par la réussite des plus
compétentes d’entre elles, prouve que ce défi de taille peut être relevé. Cela montre qu’en dépit de ses
travers, cet idéal est malgré tout applicable sur le terrain. En outre, de par mes expériences personnelles,
je peux témoigner de cette effervescence qui existe en Thaïlande, autour du tourisme durable et de ses
différentes alternatives. Alors que je séjournais dans le nord du pays, j’ai visité certains de ces villages
tribaux et j’ai constaté l’existence de leurs projets respectifs et leur évolution. J’ai rencontré certaines de
ces personnes passionnées, optimistes et malgré tout pragmatiques, qui constituent le moteur de ces
organismes spécialisés dans le domaine.
J’ai participé à un bon nombre de voyages d’études impliquant les différents acteurs du CBT et ceux-ci
m’ont convaincu de l’intérêt de cette démarche et de la motivation dont font preuve beaucoup de ces
personnes. J’ai assisté à des réunions plus techniques et administratives qui attestent de l’implication
effective du gouvernement à différents niveaux. J’ai également contribué aux différentes étapes du
développement du CBT dans certaines communautés, me rendant compte de la complexité de sa mise
à exécution, teintée d’enthousiasme et de déceptions.
Bref, le fait que le Community-Based Tourism est une réalité ne fait aucun doute pour moi. Il y a 15 ans,
personne ne croyait que des petites communautés locales pourraient développer et gérer leurs propres
programmes touristiques. Force est de constater que la réussite de certaines d’entre elles, parfois récompensée par des prix tant nationaux qu’internationaux, prouve que l’aventure est possible, mais ne doit
pas faire oublier qu’elle est loin d’être facile et que son succès n’est pas donné à tout le monde.
Le Community-Based-Tourism est-il une utopie vouée à l’échec ?
Le CBT a beau être une réalité, sa mise en pratique n’en reste pas moins une opération délicate qui peut
facilement tourner au vinaigre. Les différentes communautés étudiées dans ce mémoire démontrent
bien les nombreux obstacles auxquels ce genre de projet doit fait face, et les difficultés majeures qu’impliquent le CBT et son développement. Il y a notamment deux éléments qui peuvent poser problème :
un profil de communauté peu favorable et des lacunes dans ses connaissances en matière de gestion.
En effet, il faut s’assurer préalablement du profil adéquat de la communauté: c’est une mission aussi
minutieuse qu’essentielle. Une mauvaise évaluation de son potentiel peut mener à un désastre et
empirer la situation existante.
71
Ensuite, il s’agit de transmettre aux membres le savoir nécessaire et les compétences indispensables
pour qu’ils puissent gérer le projet de manière autonome et avec un minimum de professionnalisme.
À ce sujet, il n’est pas toujours facile d’obtenir des résultats, surtout lorsqu’on part de rien.
Pour que le CBT fonctionne, beaucoup d’ingrédients sont donc nécessaires.
De la transparence, de l’équité, de l’enthousiasme, une bonne cohésion de la communauté, une communication efficace, du travail et du courage… Mais surtout, il faut des partenaires adaptés avec qui
travailler en harmonie. Quand on est bien entouré, la moitié du travail est déjà faite. Car l’aboutissement
d’un projet n’est possible que si l’ensemble des participants regarde dans la même direction.
Force est de constater qu’une minorité de projets CBT connaît un succès avéré. En effet, si le processus
d’implantation et la réalité du marché ne tue pas le projet dans l’œuf, il faut encore que ces communautés parviennent à se maintenir dans la durée. Et même dans des communautés qui aboutissent à
de bons résultats, il est toujours possible d’ergoter sur certains dommages collatéraux minimes, et de
pointer du doigt des aspects négatifs. Mais comme on le dit souvent, la perfection n’existe pas!
Un idéal, même s’il est en grande partie réalisable, ne reste pur qu’à l’état de concept. L’imperfection de la
réalité et de l’être humain fait en sorte qu’on ne peut jamais lui donner vie de la façon dont on l’espérait
en théorie.
Malgré toutes ces constatations, le CBT reste pour moi une alternative positive respectable et digne d’intérêt: du moins si les déviances sont minimes et contrôlées, et dans la mesure où les aspects bénéfiques
supplantent largement les effets indésirables. Une méthode qui a su prouver qu’elle pouvait apporter
une amélioration des conditions de vie de ces populations ne mérite-elle pas déjà qu’on lui donne ses
lettres de noblesse?
L’évolution transcendante que connaît la Thaïlande provoque une modernisation effrénée qui ne s’arrête bien évidemment pas à la porte de ces communautés rurales. Mais comme elles ont longtemps
été coupées du monde moderne, le choc est inéluctable et le traumatisme qui s’en suit est difficile à
soigner. Il ne me semble pas naïf d’espérer que des alternatives telles que le CBT puissent jouer un rôle
de modérateur en procurant à ces populations les outils nécessaires pour qu’elles puissent se construire
et devenir maître de leur développement. Les différents exemples de succès du CBT en Thaïlande sont
une confirmation de sa réalisabilité et une invitation à continuer sur cette voie. Ses échecs représentent
eux, des leçons qui nous poussent à évoluer et à grandir.
Le Community-Based-Tourism a-t-il sa place sur le marché touristique de demain ?
Le CBT connaît déjà une commercialisation plus ou moins importante, selon les communautés. Des tour
opérateurs engagés, qu’ils soient locaux ou étrangers, coopèrent avec dévouement aux projets en cours.
Ils font du tourisme durable une priorité, et parfois, le CBT devient même leur cheval de bataille.
Hélas, ces tour opérateurs ne sont pas assez nombreux, et souvent de petites taille. Leur clientèle est
adaptée à ce type de tourisme, mais elle est trop peu nombreuse, ce qui fait que le CBT ne représente,
finalement, qu’une part presque inexistante du marché touristique.
Bien sûr, le but n’est pas de faire son entrée sur n’importe quel marché, et certainement pas de faire
dans le tourisme de masse, mais il serait opportun d’optimiser le potentiel et les capacités du CBT selon
les principes qui l’anime. Bref, le CBT ne peut avoir un réel avenir que si les marchés adéquats s’y
intéressent.
72
Il est certain que, pour un TO, les conditions à rassembler pour une association équilibrée avec un projet CBT sont nombreuses. Les séjours proposés par ces communautés sont différents et authentiques.
La clientèle doit correspondre au produit - qui dans ce cas-ci, est la communauté elle-même, et il faut
que les attentes des voyageurs concordent avec ce que cette dernière a à proposer. Donc si le CBT
veut élargir ses horizons, il doit impérativement ajuster son produit à la demande. Partir en vacances en
Thaïlande, pendant deux semaines, c’est accrocheur.
Mais pour beaucoup, prendre l’avion pendant douze heures, et parcourir la moitié de la planète, pour
rester dormir 15 jours dans une famille d’accueil, au beau milieu d’un petit village de campagne et loin
des « must see », c’est déjà moins attirant. Même si l’expérience de voyage paraît intéressante et bénéfique, le concept « respectable » implique très peu d’intimité, de confort, de farniente, et de repos…
Des éléments qui sont pourtant souvent indissociables de l’idée même des vacances, dans la tête de
nombreuses personnes.
Heureusement, malgré ce fait, la tendance est favorable et de plus en plus de touristes sont demandeurs d’une forme plus respectueuse et équitable de voyage. Pour commercialiser un produit CBT sur le
marché et le vendre aux TO européens ou belges, la meilleure option me semble donc d’inclure celui-ci
dans un package plus global et diversifié, permettant aux touristes de vivre différentes expériences lors
de leur voyage.
Bref, pour pouvoir répondre aux attentes des voyageurs, il faut que les TO et les communautés pratiquant le CBT trouvent un compromis équitable. En Thaïlande, les acteurs du CBT en sont bien conscients
et des choses se font pour protéger ce fragile équilibre entre l’adaptation aux attentes du client et la
préservation des valeurs du CBT au sein de la communauté. Ainsi, conjointement avec l’ECEAT (European Center for Eco and Agro Tourism), des associations et fournisseurs thaïlandais spécialisés dans le
tourisme durable ont mené un projet visant à élaborer une marche à suivre et à établir des principes à
respecter par les gens du métier, afin de préserver un maximum le concept durable lors d’associations
commerciales.
Dans ces recommandations sur la manière de fonctionner, il est notamment conseillé aux communautés de présenter 4 exemples de séjours durables aux TO potentiels. Il s’agit de mettre en évidence la
variété des séjours possibles selon les régions, et d’exposer l’ensemble des activités envisageables: visite
de musées, balades à vélo ou à pied, spas écologiques, hébergement dans des hôtels respectueux de
l’environnement, découverte des points d’intérêts des alentours, présentation du projet CBT…
Selon moi, cette manière de vendre le produit est attirante et intéressante, et tout le monde peut y
trouver son compte.
Alors à la question de savoir si le Community-Based-Tourism a sa place sur le marché touristique de
demain, ma réponse est oui. Non seulement il est envisageable qu’il la trouve, mais en plus il me
semble essentiel de tout mettre en œuvre pour qu’il y parvienne. Nous ne pouvons ignorer plus
longtemps les conséquences néfastes que peut entraîner le tourisme de masse, ni la responsabilité
qui nous incombe, en tant que voyageurs ou professionnels du métier, de faire le maximum pour
changer les choses.
Bien entendu, à la lumière de ce mémoire, d’autres questions se posent, notamment quant à la
possible promotion du CBT en Belgique. Est-ce que le marché belge serait intéressé? Le voyageur
belge a-t-il le profil pour ce genre de tourisme? Quels types de TO belges seraient prêts à travailler
là-dedans? Je n’ai pas pu apporter de réponses à ces interrogations, mais elles mériteraient peutêtre de faire l’objet d’une autre étude.
73
7.
Bibliographie et sources
74
Chapitre 2 : Le Community-Based Tourism :
Sustainable Travel International (STI) - http://www.sustainabletourism.travel/communitybasedtourism.html
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http//:www.responsibletravel.com/
http://www.communitybasedtourism.info/en/community-based-tourism/community
Traduction d’une définition anglaise : http://dictionary.reference.com/
http://www.cbtnetwork.org/commu07BaanJaBo.html et http://www.cbt-i.org/community_history.php?id=12
+ Recherches personnelles.
http://www.tourmerngtai.com/
Erawan P.U.C. Co.,Ltd.- Mr. Somsak Techaerawan Managing Director
211/14-15 Chang Khlan Rd., T. Chang Khlan, A. Muang, Chiang Mai 50100, Thailand
http://thaivolunteer.org/myweb/index.php
http://www.treetopasia.com/thailand-holiday/chiang-mai/
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Chapitre 3 : La Thaïlande
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Tha%C3%AFlande
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http://www.tourismthailand.org/tourismthailand_index/en/
http://www.lonelyplanet.fr/_htm/destinations/index.php?mode=notice&param1=thailand&param2
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http://en.wikipedia.org/wiki/Tourism_in_Thailand
http://thailande-fr.com/tourisme
http://lesvillesdumonde.centerblog.net/5317912-BANGKOK-THAILANDE
http://repository.kulib.kyoto-u.ac.jp/dspace/bitstream/2433/56779/1/KJ00000132246.pdf
http://fromgreen2gold.blog-idrac.com/2011/01/11/thailande-une-destination-de-reve-qui-se-tourne-vers-legreen/
http://www.tourisme-vert.info/la-thailande-se-tourne-vers-un-futur-ecotouristique/#more-10
Guides « Voir Thaïlande », Hachette Tourisme 2010 : p14, 22,23, 206.
« Ecotourisme en Thaïlande, Un voyage différent. » Richard Werly, 2010.
Chapitre 4 : Le CBT en Thaïlande
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http://huaiheevillage.blogspot.com/
http://www.cbtnetwork.org/
http://www.aboriginal-ecotourism.org/spip.php?article417
http://www.iipt.org/3rdglobalsummit/presentations/Potjana_Suansri_presentation.pdf
http://www.tourmerngtai.com/green_cbt_trek.htm
http://en.maehongson4u.com/banhuaihee.htm
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http://www.teata.or.th/
http://www.tourism.go.th/otop_tourism_village/
http://www.mirrorartgroup.org/
http://www.hilltribetour.com/
http://www.yourtravelchoice.org/2010/08/2010-innovation-award-finalist-thai-ecotourism-and-adventure-travelassociation/
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Chapitre 5 : Le développement d’un projet CBT dans une communauté
http://www2.dokkyo.ac.jp/~doky0016/encounters/09/07_Sunaga.pdf
http://www.ecomod.org/files/papers/1302.pdf
http://haroldgoodwin.info/uploads/CBTaSuccessPubpdf.pdf
http://www.seas.at/aseas/3_2/ASEAS_4_1_A7.pdf
“Community-Based Tourism Handbook”, by Potjana Suansri, 2003. Responsible Ecological Social Tours Project. (REST)
“Local Community and sustainable tourism”, 2010. School of Tourism Development. Maejo University, Chiang
Mai.
“Stepping Torward sustainability”. The corporate Social Responsibility and Market Access Partnerships
Project (CSR-MAP). A Manual For Sustainable Tourism Suppliers and Supporters. Co-réalisés par TEATA, The
Green Leaf Foundation, CBT-I, ECEAT.
“Local insight Thai community based tourism”, by Ms. Potjana Suansri and Mr Peter Richards, 2009, CBT-Institute.
Chapitre 6 : Exemple de deux projets CBT : étude sur le terrain
http://www.mae-kampong.com/index.php?lay=show&ac=article&Id=395987
http://www.cbtnetwork.org/commu01baan_mae_kampong.html
http://www.cbt-i.org/community_history.php?id=3
http://www.cbt-i.org/community_history.php?id=12
http://www.cbtnetwork.org/commu07BaanJaBo.html
http://www.sawadee.com/thailand/hilltribes/lahu/index.htm
A toutes ces sources s’ajoute mon expérience personnelle, et de nombreux entretiens que j’ai pu avoir avec
les professionnels du secteur et les membres des communautés développant le CBT.
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