d`une sténose aortique

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d`une sténose aortique
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Février 2015
n°35
À voir au moins une fois
L’unicuspidie
Mise au point
Surface aortique :
que mesure-t-on ?
À propos des recommandations
Rétrécissement aortique avec
bas débit/bas gradient paradoxal :
quel bénéfice de la chirurgie ?
Et pourquoi pas utiliser... ?
L’index de perte d’énergie
Mise au point
Les critères échographiques
de faisabilité d’une plastie
aortique (partie 1)
FICHE PRATIQUE
Évaluation et classification
D’UNE STÉNOSE
AORTIQUE
Revue réalisée avec le soutien du Laboratoire
N°7
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Éditorial
Février 2015
RA en bas débit
paradoxal : une espèce
en voie de disparition ?
Suite à cette discordance, plusieurs travaux ont été publiés sur ce RA en bas débit paradoxal.
La même équipe québécoise a rapporté, en 2012, une incidence de 28 % de RA bas débit
paradoxal (223 sur 805 patients ayant un RA serré et une FEVG > 50 %). La survie à 5 ans était
de l’ordre de 30 % en cas d’attitude médicale, alors qu’elle était de plus de 70 % en cas de
remplacement valvulaire aortique. L’incidence a continué de décroître en 2013 avec une
série de la Cleveland Clinic qui a rapporté 19 % pour un groupe de 260 patients. Cette étude
a toutefois confirmé le mauvais pronostic de ce groupe (survie de 40 % à 28 mois, 30 % en cas
d’attitude médicale et 70 % en cas de remplacement valvulaire). Le travail de D. Mothy a
également publié en 2013 une incidence de 13 % de RA en bas débit paradoxal sur une série
de 768 patients évalués en hémodynamique (!). Ce chiffre est tombé à 11 % pour l’équipe de
Bruxelles (14/128 patients) avec la même définition que les Québécois. Un travail multicentrique européen, mené par l’équipe de Marseille, a rapporté en 2012 une incidence de 8,8 %
sur 340 patients. Enfin, l’équipe de la Mayo Clinic a publié, fin 2013, une série de 1 704 patients
ayant une SAo < 1 cm² et une FEVG > 50 %. Parmi eux, seuls 3 % des patients (53) entraient
dans le cadre du RA en bas débit paradoxal…
Comment expliquer cette chute vertigineuse ? Tout d’abord par les nombreuses erreurs possibles qui peuvent jalonner le recueil des données pour calculer la surface (cf. Fiche pratique).
L’équipe de la Mayo Clinic a ainsi expliqué que dans leur centre, le flux trans-aortique en
Doppler est recueilli systématiquement par toutes les voies, expliquant probablement que
dans un nombre significatif de cas le gradient et la surface ont pu être sous-évalués dans certaines études. La méthodologie de mesure de la chambre de chasse VG n’est pas forcément
la même dans tous les centres, et le fait de se mettre « au pied des sigmoïdes » augmente
cette mesure de façon non négligeable, à l’origine là aussi de différences entre les centres.
Cette incidence de 3 % reflète notre routine clinique et peut même sembler surestimée dans
la mesure où près de la moitié (47 %) de ces patients étaient obèses (le calcul du VESi prête à
discussion, avec un probable faux bas débit lié au surpoids).
La conclusion est que cette entité de RA bas débit bas gradient avec FEVG préservée (bas
débit paradoxal) existe, mais elle est rare si l’examen est mené de façon scrupuleuse. Par
contre, les séries les plus récentes sont en accord pour dire que cette entité justifie une vigilance particulière, car malgré un gradient faible, l’évolution naturelle est mauvaise et l’option
remplacement valvulaire aortique s’accompagne d’un bien meilleur pronostic. De nouveaux travaux sont attendus pour nous aider à préciser au mieux les indications chirurgicales
dans ce groupe (classe IIa dans les dernières recommandations de l’ACC/AHA 2014).
Sommaire
3
À voir au moins une fois
L’unicuspidie
M.-C. Malergue
6
Mise au point
Surface aortique :
que mesure-t-on ?
P.-V. Ennezat, M.-C. Malergue,
E. Abergel
10
À propos
des recommandations
Rétrécissement aortique
avec bas débit/bas gradient
paradoxal : quel bénéfice
de la chirurgie ?
J.-L. Monin
14
Et pourquoi pas utiliser... ?
L’index de perte d’énergie
E. Abergel, C. Chauvel
17
Mise au point
Les critères échographiques
de faisabilité
d’une plastie aortique
(partie 1)
M.-C. Malergue
FICHE PRATIQUE
Centrale et
détachable
E
n 2007, l’équipe de Québec a publié un article définissant une nouvelle forme de rétrécissement aortique (RA) baptisée : « RA en bas débit paradoxal ». Il s’agissait en effet de
patients présentant une valve aortique calcifiée, le calcul de la surface aortique (SAo)
faisait conclure à une sténose serrée (SAo ≤ 0,6 cm²/m²), mais le gradient était faible
(< 40 mmHg) contrastant avec une fraction d’éjection VG (FEVG) conservée (> 50 %). Il s’agissait plus souvent de femmes, hypertendues avec une cavité VG de petite taille, expliquant un
faible volume d’éjection systolique indexé (< 35 ml/m² par définition) et donc le faible gradient. Dans cette série, ces patients représentaient 35 % (181/512) de ceux présentant un RA
serré avec une FEVG > 50 %. Leur survie était significativement plus faible que pour les RA
conventionnels, possiblement du fait que la majorité d’entre eux n’étaient pas opérés. La pratique quotidienne des uns et des autres ne paraissait pas corroborer cette incidence élevée ;
de plus, la comparaison des diamètres de chambre de chasse VG entre les deux groupes
montrait une différence significative (diamètre plus petit dans le groupe bas débit paradoxal,
alors que les gabarits étaient identiques). Ceci avait fait mettre en doute la réalité de cette
entité par certains.
En 2011, une sous-étude de SEAS (testant l’intérêt des statines dans le RA) a rapporté une série
de 435 patients ayant une surface < 1 cm² avec un gradient ≤ 40 mmHg et une FEVG conservée. Le suivi à 5 ans ne montrait pas de différence en terme d’événements (décès ou remplacement valvulaire) par rapport aux patients ayant un RA modéré (SAo entre 1 et 1,5 cm²).
Les patients ayant un bas débit (VESi < 35 ml/m²) ne différaient pas de ceux ayant un débit
normal. Les auteurs ont donc conclu de façon inverse des précédents.
n°35
Évaluation et classification
d’une sténose
aortique
E. Abergel, C. Chauvel
Rédacteurs en chef
Pour en savoir plus
• Hachicha Z et al. Paradoxical low-flow, low-gradient severe aortic stenosis despite preserved ejection
fraction is associated with higher after after load and reduced survival. Circulation 2007 ; 115(22) : 2856-64.
• Eleid M et al. Flow-gradient patterns in severe aortic stenosis with preserved ejection fraction: clinical characteristics and predictors of survival. Circulation 2013 ; 128(16) : 1781-9. • 2014 AHA/ACC guideline for the
management of patients with valvular heart disease. Circulation 2014 ; 129.
CD
-R
om
Ce pictogramme indique
que des boucles illustrant l’article
sont visibles sur le CD-Rom
collé en fin de revue.
N°7
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À voir au moins une fois
L’unicuspidie
C
R
D-
om
Marie-Christine Malergue
Institut mutualiste Montsouris et Institut Cœur Effort Santé, Paris
Cas clinique
l s’agit d’un jeune homme né en 1983, adressé pour
bilan d’une fuite aortique importante. Il a un morphotype longiligne sans dysmorphie : il mesure 1,86 m
et pèse 76 kg (SC : 2 m²).
La valve aortique paraît peu calcifiée (Figure 1) : un
anneau à 28 mm (A), des sinus à 34 mm, une jonction
sino-tubulaire à 26 mm (B) , une aorte tubulaire à
43 mm (C), la crosse et la descendante sont normales
sans coarctation.
L’analyse de la valve aortique se fait en dynamique
(Boucles 1 et 2) ; en longitudinal grand axe, la valve
I
A
B
reste souple avec une calcification du corps de la
cusp en position postérieure non coronaire, prolabant
sous le plan de l’anneau. En coupe transverse petit
axe, la valve paraît bicuspide de type « classique »
droite/gauche.
Les volumes ventriculaires sont très augmentés avec
un volume télédiastolique VG à 227 ml/m² et une FEVG
à 55 % (Figure 2). La quantification de la fuite confirme
une régurgitation importante (vena contracta, PHT,
reflux dans la descendante) (Figure 3, Boucle 3). Le
gradient moyen transaortique est à 24 mmHg,
C
Fig. 1 A : 2D coupe longitudinale, mesure de l’anneau aortique. B : mesure des sinus et de la jonction sino-tubulaire.
C : mesure de l’aorte tubulaire (un espace intercostal au-dessus de A et B).
A
B
7
C
Fig. 3
Fig. 2
A : 2D couleur coupe 3 cavités apicale, fuite aortique. B : Doppler
continu du flux d’insuffisance aortique. C : Doppler pulsé au niveau de
2D 4 cavités, volume télédiastolique et FEVG. l’isthme aortique.
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À voir au moins une fois
Fig. 4 ETO 2D coupe « 120 ° » longitudinale de l’aorte
ascendante : mesure de l’anneau aortique.
Fig. 6
ETO biplan : fin de procédure de plastie aortique.
Boucles 4 et 5) ne montre qu’une seule commissure
A
B
Fig. 5
ETO 2D coupe transverse. A : systole. B : diastole.
donc peu sténosant, avec un débit sous-aortique à
10 l/min. Le strain longitudinal global est abaissé à
- 11 %.
Une chirurgie est programmée avec comme objectif
de conserver la valve chez ce jeune homme de 21 ans.
L’ETO peropératoire retrouve les éléments suivants :
• sur la Figure 4, on mesure un anneau aortique qui
est large à 30 mm ;
• l’analyse de la valve en coupe transverse (Figure 5,
4
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
avec un raphé antérieur. On note une bonne ouverture
de cette sigmoïde, qui paraît unique avec une seule
commissure fonctionnelle postérieure.
Les constatations anatomiques peropératoire retrouvent bien une valve unicuspide (ou bicuspidie type II,
selon la classification de Sievers), avec deux raphés
(l’un entre cuspide coronaire droite et cuspide coronaire gauche ; et l’autre entre cuspide coronaire droite
et cuspide non coronaire).
Les feuillets coronaires gauche et non coronaires
sont de bonne qualité, souples avec une hauteur géométrique de 25 mm. La commissure postérieure coronaire gauche-non coronaire est normalement constituée. L’opérateur (Dr E. Lansac) reconstruit alors
une commissure antérieure à l’aide de deux patchs en
péricarde triangulaire transformant cette valve unicuspide en bicuspidie symétrique. Puis, il reconstruit
la commissure du feuillet non coronaire avec un petit
patch triangulaire de péricarde, resuspend le feuillet
non coronaire au niveau de la commissure non coronaire-coronaire gauche, remplace l’aorte ascendante
sus-coronaire à l’aide d’un tube, puis resuspend les
feuillets valvulaires jusqu’à avoir une hauteur effective symétrique sur les deux feuillets, et stabilise ce
montage avec une annuloplastie sous-valvulaire externe.
Le résultat au déclampage est parfait : sans fuite, ni
élément sténosant (gradient moyen transvalvulaire à
9 mmHg, anneau mesuré à 23 mm, hauteur de coaptation à 10 mm) (Figure 6, Boucle 7).
Commentaires
L’unicuspidie est une malformation congénitale rare
mais probablement sous-estimée, souvent diagnostiquée comme bicuspidie. Son incidence est évaluée
à 0,02 % de la population adulte(1). Sur une série de 504
patients opérés pour insuffisance aortique congénitale,
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Fig. 7
© Dr Lansac
Unicuspidie,
vue chirurgicale.
Présence de
2 raphés avec
une seule
commissure
fonctionnelle.
A
Fig. 8
ETO 3D.
A : valve
unicuspide.
B : même patient
après plastie
aortique
et reconstruction
d’une valve
bicuspide.
B
l’unicuspidie ne représente que 1 % des cas avec deux
formes principales classiquement décrites : une forme
unicommissurale la plus fréquente (Figure 7) (comme
dans ce cas clinique) et une forme plus rare acommissurale, proche de la sténose dite en dôme avec une
ouverture centrale en gicleur(2) ; les autres causes congénitales sont dominées par les bicuspidies. L’unicuspidie est la résultante d’un défaut embryologique de formation des trois commissures, chaque commissure
étant liée à une sigmoïde. L’évolution vers une sténose
aortique et la calcification de la valve semblent plus
fréquentes qu’en cas de bicuspidie. Les unicuspidies,
au même titre que les bicuspidies, sont exposées au
risque de dilatation du culot aortique et de l’aorte ascendante (40 à 50 % de dilatation de l’aorte > 40 mm(3)).
D’autres anomalies associées ont été décrites (anomalies d’implantation coronaire, CIV, coarctation).
La classification des bicuspidies de Sievers est déter-
minée par le nombre de raphé : type 0 : bicuspidie
sans raphé ; type 1 : bicuspidie avec 1 raphé ; type 2 :
bicuspidie avec 2 raphés (4). Ce dernier type correspond en fait à une unicuspidie, comme dans notre cas
clinique, si l’on considère non pas le nombre de raphé
mais le nombre de commissure effective. Il peut ne
pas y avoir du tout de commissure, c’est alors l’unicuspidie acommissurale, avec la présence de 3 raphés
fusionnés et un orifice central sans commissure fonctionnelle. Cette forme rarissime est souvent dépistée
précocement dans l’enfance en raison du caractère
rapidement sténosant de l’orifice aortique.
Il faut « l’avoir vu au moins une fois » pour en faire
le diagnostic, celui-ci reposant sur la présence d’une
seule commissure effective ou l’absence de commissure fonctionnelle dans la forme acommissurale.
L’ETO est très supérieur à l’ETT pour le diagnostic(4). L’amélioration de l’imagerie et, en particulier
l’écho 3D transœsophagien, permet de mieux identifier les différents raphés et commissures(5,6,7) (Figure 8,
Boucles 8 et 9).
Dans le cas présent, la valve avait gardé une certaine
souplesse, avec peu de calcification et un anneau
large permettant une plastie conservatrice associée à
une annuloplastie externe sous coronaire. L’aspect
final est celui d’une bicuspidie avec deux commissures fonctionnelles parfaitement symétriques, non
fuyantes et sans obstruction.
Les progrès de la chirurgie conservatrice en cas d’insuffisance aortique justifient désormais une étude
précise de l’anatomie et du mécanisme des régurgitations aortiques. En fonction des constatations échographiques, le chirurgien pourra anticiper les possibilités techniques de plasties de ces valvulopathies le
plus souvent congénitales, s’adressant à des sujets
jeunes et leur évitant la mise en place de prothèses
mécanique ou biologique.
■
Références
1. Novaro GM, Mishra M, Griffen BP. Incidence and echocardiographic
features of congenital unicuspid aortic valve in an adult population. J Heart
Valve Dis 2003 ; 12(6) : 674-8. 2. Roberts WC, Ko JM. Frequency by decades
of unicuspid, bicuspid, and tricuspid aortic valve in adults having isolated
aortic valve replacement for aortic stenosis, with or without associated aortic
regurgitation. Circulation 2005 ; 111(7) : 920-5. 3. Chu JW et al. Diagnosis
of congenital unicuspid aortic valve in adult population: the value and limitation of transesophageal echocardiography. Echocardiography 2010 ; 27(9) :
1107-12. 4. Sievers HH, Schmidtke C. A classification system for the bicuspid aortic valve from 304 surgical specimens. J Thorac Cardiovasc Surg
2007 ; 133(5) : 1226-33. 5. Nakao T et al. The efficacy of real-time threedimensional transoesophageal echocardiography in detecting unicuspid aortic valve. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2012 ; 13(11) : 966. 6. Anwar
AM et al. Incremental utility of real time three-dimensional transthoracic
echocardiography in the assessment of congenitally malformed aortic valve.
Echocardiography 2012 ; 29(8) : 978-83. 7. Brantley HP et al. Three-dimensional echocardiographic features of unicuspid aortic valve stenosis correlate
with surgical findings. Echocardiography 2012 ; 29(8) : E204-7.
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
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Mise au point
Surface aortique :
que mesure-t-on ?
Pierre-Vladimir Ennezat*, Marie-Christine Malergue**, Eric Abergel***
*Pôle cardiovasculaire et thoracique, Service de cardiologie, CHU de Grenoble
**Institut mutualiste Montsouris, Paris ***Clinique Saint-Augustin, Bordeaux
es principales causes du rétrécissement valvulaire
L aortique
(RAo) sont la dégénérescence progressive des cusps aortiques (processus physiopathologique similaire à l’athérosclérose) survenant sur une
valve tricuspide, ou sur une bicuspidie, souvent associée alors à une fuite, ainsi qu’à une aortopathie. Le
rhumatisme articulaire aigu, devenu exceptionnel
dans les pays industrialisés, cause en général une
maladie aortique fuyante et sténosante associant calcifications et fusions commissurales et le plus souvent combinée à une maladie mitrale. Le RAo touche
environ 1 % des patients de plus de 65 ans. L’indication de remplacement valvulaire aortique est portée
lorsque le RAo est devenu serré et symptomatique.
Pour le clinicien, deux questions essentielles se posent :
– qu’est-ce qu’un RAo serré ?
– les symptômes sont-ils en rapport avec le RAo ?
La deuxième question est fondamentale car le RAo
se développe essentiellement chez des sujets âgés qui
ont le plus souvent d’autres comorbidités pouvant
être à l’origine de symptômes, indépendamment de la
sténose valvulaire. Ces raisons incluent la dysfonction diastolique, la coronaropathie et la rigidité artérielle associées à l’âge, l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénale, l’obésité, le diabète et la sédentarité. Les réponses à la deuxième question ont déjà été
développées dans un autre numéro. Le test d’effort
(avec ou sans échographie cardiaque, avec ou sans
mesure des échanges gazeux) a une place privilégiée
lorsque les patients sont (ou se disent) asymptomatiques.
Définir la sévérité d’un RAo peut apparaître simple
de prime abord lorsqu’on se réfère aux recommandations (vélocité maximale transvalvulaire > 4 m/s ;
gradient moyen > 40 mmHg, surface fonctionnelle
< 1 cm² ou 0,6 cm²/m² ; indice de perméabilité < 0,25).
6
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
Fig. 1 Illustration de la conversion de l’énergie potentielle
en énergie cinétique à travers l’orifice sténosant, puis de
la reconversion de l’énergie cinétique en énergie potentielle.
PVC : pression au niveau de la vena contracta.
(schéma emprunté à Philippe Pibarot).
En revanche, lorsqu’on est confronté à la pratique clinique, dans au moins 30 % des cas, on observe une
discordance entre ces différents paramètres(1). Avant
de réconcilier ces discordances, il est important de
revenir sur quelques points fondamentaux.
Que mesure-t-on ?
Le rétrécissement géométrique de la valve aortique
(surface géométrique de l’orifice) provoque une résistance au flux transvalvulaire, qui va se traduire par
une augmentation de la pression (énergie potentielle)
en amont, c’est-à-dire dans le ventricule gauche (PVG
systolique). La transformation (ou conversion) de
l’énergie potentielle en énergie cinétique se traduit
par une accélération (énergie cinétique) de la masse
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Fig. 2 Illustration de la discordance entre surface géométrique
(SG) et surface fonctionnelle (SF) et du calcul du coefficient
de contraction (Cc) .
sanguine à travers la sténose orificielle. Immédiatement après avoir franchi la sténose, les globules rouges
(c’est leur vitesse de déplacement que l’on capte avec
la sonde Doppler) convergent au niveau d’une zone
étroite (vena contracta) où la vélocité est maximale
(Vmax mesurée par l’enregistrement Doppler continu)
et la pression minimale (Figure 1). La localisation de
cette vena contracta se situe plus ou moins en aval de
l’orifice géométrique et sa surface (surface fonctionnelle ou surface valvulaire effective dérivée de l’équation de continuité) est souvent inférieure à celle de
l’orifice anatomique (Figure 2). L’anatomie de la sténose valvulaire est un déterminant important de cette
discordance entre la surface fonctionnelle (SF) et la
surface géométrique (SG) ; on peut l’estimer par le
coefficient de contraction (Cc = SF/SG)(2). Ce coefficient de contraction (Cc) peut diminuer jusqu’à 0,6
sur des données expérimentales ou 0,71 sur des données cliniques lorsque la sténose est serrée, calcifiée
et s’apparente à un mur (géométrie plate) ; ce qui
signifie que la différence entre l’orifice géométrique
et l’orifice fonctionnel peut atteindre 29 % (Figure 3).
En revanche, lorsque la sténose a la forme d’un entonnoir, le coefficient de contraction se rapproche de 1
(SF = SG). L’autre conséquence est que pour une
surface orificielle donnée (par exemple, 1 cm²), l’énergie dépensée par le VG est plus importante pour un
Fig. 4
Fig. 3 Relation entre le coefficient de contraction orificielle et
l’angle d’ouverture de la valve(2).
RAo avec géométrie plate (vena contracta plus petite
et gradients plus élevés) que celle dépensée pour une
géométrie de type entonnoir.
La surface de l’orifice géométrique peut également
être approchée par la planimétrie mesurée par échographie transœsophagienne, scanner ou résonance
magnétique. Outre les difficultés (surtout en échographie) liées aux calcifications et aux divergences entre
le plan de coupe et le plan valvulaire, mesurer une
surface maximale instantanée au moment où l’ouverture des cusps est maximale ne reflète pas une surface moyenne au cours de l’éjection ; c’est l’intégrale
des multiples surfaces en proto-, méso-, puis télésystole au cours de l’éjection qui reflète la « vraie » surface géométrique (Figure 4). La cinétique d’ouverture est d’autant plus lente que la sténose est serrée(3).
Plus la sténose est serrée, plus la surface maximale
(l’ouverture des cusps calcifiées) est retardée au cours
de la période d’éjection.
Au-delà de la vena contracta, une partie de l’énergie
cinétique est reconvertie en énergie potentielle lors
de la décélération des globules rouges dans l’aorte
ascendante, et la pression minimale enregistrée au
niveau de la vena contracta augmente progressivement au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’orifice
Planimétries successives au cours de la systole par échographie transœsophagienne(3).
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7
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Mise au point
sténosant (restitution ou recouvrement de pression)
(Figure 1)(4). L’autre partie de l’énergie va se dissiper
en turbulences avec la formation de vortex dans la
racine aortique (chambre réceptrice). La restitution
de pression est d’autant plus importante que l’aorte
ascendante est de petite taille. En effet, un petit conduit
en aval de la sténose diminue les turbulences poststénotiques (et donc réduit la dissipation de l’énergie)
et favorise une décélération « en ordre » des globules
rouges avec reconversion de l’énergie cinétique en
Fig. 5 Illustration sur un enregistrement hémodynamique
par sonde de Millar du décalage entre le pic de pression ventriculaire gauche et le pic de pression aortique, du gradient
maximal et du gradient moyen.
Fig. 7 Décalage entre les pics de vélocité sous-aortique
(Doppler pulsé) et transvalvulaire aortique (Doppler continu).
A
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ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
énergie potentielle. À l’inverse, si l’aorte est de grande
taille,le jet se disperse et le recouvrement de pression
est faible ou inexistant.
Comment définir le RAo serré ?
La définition du RAo serré (S < 0,6 cm²/m²) repose
historiquement sur des mesures faites en cathétérisme
cardiaque gauche et comparées à une surface anatomique (évaluées par le chirurgien en peropératoire).
On comprend dès lors qu’une mesure Doppler cardiaque évaluant une surface fonctionnelle ne soit pas
forcément transposable.
Le gradient transvalvulaire (différence entre les pressions intraventriculaire gauche et aortique en systole)
est différent selon qu’il est mesuré par cathétérisme
cardiaque ou estimé par Doppler. Le gradient moyen
transvalvulaire est la différence moyenne de pression
divisée par le temps d’éjection. On comprend d’emblée que lorsque la systole se raccourcit (exercice,
dobutamine, etc.), le gradient moyen augmente, excepté
en cas de diminution importante du volume transvalvulaire (dysfonction VG). La mesure Doppler du gradient sera maximale au niveau de la vena contracta (si
on prend le soin, bien sûr, de s’aligner au mieux en
explorant toutes les voies : parasternale droite, etc.),
alors que la mesure invasive de la pression aortique est
réalisée en pratique à distance de la vena contracta
(aorte sus-tubulaire à un niveau où une partie de l’énergie cinétique est reconvertie en énergie potentielle). En
mesurant les pressions à proximité de la vena contracta
(ce qui n’est pas toujours aisé !), les gradients (G)
maximal et moyen (PVG-PAorte) se rapprochent de ceux
estimés par Doppler selon la formule de Bernoulli
( P = 4 x V²). Mais même dans ce cas, le fameux gradient pic-à-pic n’est ni une mesure du gradient maximal, ni une mesure physiologique : les pics de pression
VG et aortique ne sont pas simultanés et sont d’autant
plus décalés dans le temps que le RAo est critique
(Figure 5). Le gradient maximal invasif devrait être
mesuré lorsque la différence de pression est maximale
entre les deux courbes. Sur le flux transvalvulaire en
Doppler continu, une sténose serrée se traduit par un
sommet arrondi (pic retardé dans la systole) alors que
pour une sténose modérée, le flux sera triangulaire (pic
précoce) (Figure 6). Le pic de vélocité du flux sousA : flux Doppler continu avec
pic de vélocité précoce (sténose
modérée).
B : pic de vélocité retardé dans
la systole (sténose serrée).
Fig. 6
B
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aortique en Doppler pulsé est d’autant plus retardé par
rapport au pic de vélocité maximale en Doppler continu
que la sténose est serrée (Figure 7)(5).
La mesure invasive de l’aire valvulaire repose sur
l’équation de Gorlin validée initialement sur la sténose
mitrale, puis transposée à la sténose aortique :
Aire valvulaire = débit cardiaque/(C x Fc x TES x Gmoyen)
TES : temps d’éjection systolique ; Fc : fréquence cardiaque ;
C = 44,3 (constante empirique étant le produit d’un coefficient
de vélocité et d’un coefficient de contraction orificielle)
De même que pour les gradients, cette aire valvulaire
est calculée à partir de mesures faites au niveau de
l’aorte ascendante. L’équation de Gorlin démontre par
ailleurs la relation étroite entre le gradient et le flux.
Certains auteurs(6) ont proposé un moyen d’estimer la
différence de pression (DP) Doppler-cathétérisme
(donc la pression restituée) à partir du gradient maximum (Doppler continu), de la surface aortique (SF par
équation de continuité) et de la surface de l’aorte initiale (SAorte calculée à partir de son diamètre mesurée
environ 1 cm en aval de la jonction sino-tubulaire) :
DP = 4Vmax² x 2 x SF/SAorte x (1-SF/SAorte)
Basées sur le même principe, des formules permettant
de calculer une surface valvulaire indexée ajustée pour
la restitution de pression (appelé Indice de perte d’énergie ou Energy loss index [ELI] dans la littérature anglosaxonne) à partir de la SF et de la surface aortique, ont
également été proposées (voir l’article, p.14). C’est ce
type de surface qui serait alors comparable à celle
mesurée par cathétérisme, et le seuil de surface aortique < 0,6 cm²/m² validé au cathétérisme deviendrait
interprétable. L’ELI représente davantage la charge
hémodynamique imposée au ventricule gauche confronté
au RAo(7). Une sous-étude de SEAS montre que le calcul de l’ELI reclasse 47 % des patients ayant un RAo
serré par équation de continuité dans le groupe des
patients avec un RAo non serré(8). La même équipe
démontre la valeur pronostique additionnelle de l’ELI
pour prédire les événements combinant remplacement
valvulaire aortique, insuffisance cardiaque valvulaire
et décès cardiovasculaire(9).
En conclusion, échographie et cathétérisme ne
mesurent pas la même chose ni en terme de gradient, ni en terme de surface aortique. Le gradient maximal dérivé du Doppler est toujours
supérieur au gradient invasif pic-à-pic. L’échographie mesure une surface fonctionnelle d’un
flux ou une surface valvulaire effective : elle
nécessite de s’aligner au mieux sur le flux aor-
tique afin de recueillir les valeurs maximales de
gradient transvalvulaire, et il est indispensable
d’étudier toutes les voies (au minimum voie apicale et voies parasternales droites) ; la mesure
de la chambre de chasse reste difficile, en particulier quand l’orifice est calcifié. De l’autre côté,
le cathétérisme s’appuie sur une constante de
Gorlin empirique, qui varie avec le débit, et qui
surtout a été validée par comparaison aux
constatations chirurgicales. Autrement dit, c’est
une surface anatomique qui est évaluée. La surface anatomique – par cathétérisme – est plus
grande que la surface effective – par échographie ; de plus, le phénomène de restitution de
pression va dans le même sens avec une surface échographique plus petite que la surface
au cathétérisme.
La définition du RAo serré est en réalité complexe et doit être en pratique individualisée. En
dehors de l’évaluation attentive des symptômes,
l’interprétation échographique doit reposer au
minimum sur la mesure des gradients, du volume
d’éjection systolique, de la surface fonctionnelle et de l’ELI en cas d’aorte de petite taille.
Enfin, l’évaluation des prothèses valvulaires par
écho-Doppler est confrontée aux mêmes problématiques que celles du RAo (mesure de l’anneau, enregistrement soigneux en Doppler pulsé
du flux en amont de la prothèse, alignement Doppler sur le flux transprothétique, recouvrement
de pression, coefficient de contraction) d’autant plus qu’il s’agit de prothèse à double ailette
(vélocités maximales entre les deux ailettes) et
qu’un remplacement de l’aorte ascendante
(petite aorte) a été associé.
■
Références
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Kadem L. What do you mean by aortic valve area: geometric orifice area,
effective orifice area, or Gorlin area? J Heart Valve Dis 2006 ; 15(5) : 601-8.
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patients with valvular aortic stenosis evaluated by two-dimensional echocardiographic planimetry: comparison with traditional Doppler data. J Am Coll
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a stenosis: potential cause of gradient «overestimation» by Doppler echocardiography. J Am Coll Cardiol 1989 ; 13(3) : 706-15. 5. Beauchesne LM et al.
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valvular aortic stenosis. J Am Soc Echocardiogr 2003 ; 16(9) : 958-64.
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pressure recovery. J Am Coll Cardiol 1999 ; 33 : 1655-61. 7. Garcia D et al.
Assessment of aortic valve stenosis severity: A new index based on the
energy loss concept. Circulation 2000 ; 101(7) : 765-71. 8. Bahlmann E
et al. Impact of pressure recovery on echocardiographic assessment of
asymptomatic aortic stenosis: a SEAS substudy. JACC Cardiovasc Imaging
2010 ; 3(6) : 555-62. 9. Bahlmann E et al. Prognostic value of energy loss
index in asymptomatic aortic stenosis. Circulation 2013 ; 127(10) : 1149-56.
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9
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À propos des recommandations
Rétrécissement aortique
avec bas débit/bas gradient
paradoxal : quel bénéfice
de la chirurgie ?
Jean-Luc Monin
CHU Henri Mondor, Créteil
article du groupe de Québec qui a « inventé » le
L’
concept de rétrécissement aortique calcifié (RAC)
avec bas débit/bas gradient « paradoxal » date de
2007(1). Cet article repose d’abord sur un malentendu :
on annonce du bas gradient dans le titre, or l’étude est
centrée sur le bas débit, les bas gradients ne représentant que 55 % des patients de la série(1). On pourrait
écrire un paragraphe entier sur les approximations,
limites et extrapolations de ce papier qui, à mon avis,
n’aurait jamais dû être publié tel quel dans Circulation. Toujours est-il qu’il est publié et que la définition du RAC en bas débit/bas gradient paradoxal est
maintenant largement diffusée : surface aortique < 1 cm2
(0,6 cm/m2) malgré un gradient moyen < 40 mmHg
avec un volume d’éjection systolique (VES) indexé
< 35 ml/m 2 et une fraction d’éjection ventriculaire
gauche (FEVG) > 50 %(1). La nouvelle classification
des RAC avec FEVG préservée, qui comporte quatre
groupes selon le niveau de gradient moyen (> ou
< 40 mmHg) et le VES indexé (> ou < 35 ml/m 2 )
a, elle, aussi été acceptée. En appliquant cette clas-
sification, plusieurs études récentes retrouvent une prévalence de RAC en bas débit/bas gradient paradoxal de
3 à 13 %(2-5) (Tableau 1). Il est rassurant de constater que
dans ces mêmes études, la plupart des patients ayant un
RAC sévère en termes de surface valvulaire ont également des paramètres hémodynamiques concordants, à
savoir des gradients élevés et un VES indexé normal
(Tableau 1)(2-5). Cette nouvelle classification est-elle
réellement utile ? Quelle doit être la prise en charge de
nos patients en cas de bas débit/bas gradient paradoxal ?
Le remplacement valvulaire aortique chirurgical ou par
cathétérisme (TAVI) est-il bénéfique dans ce cas ? Nous
allons tenter de répondre à ces questions en examinant
trois études récentes publiées sur ce sujet.
Étude 1 : grandeur et décadence
du cathétérisme diagnostique
Dans les années 1970, avant l’avènement de l’échocardiographie, le cathétérisme était la méthode de référence
Tableau 1. Classification des RAC avec préservation de la FEVG (> 50 %)
selon quatre groupes en fonction du débit cardiaque et du gradient transvalvulaire.
Auteurs
Débit normal/
haut gradient
Débit normal/
bas gradient
Bas débit/
haut gradient
Bas débit/
bas gradient
63 %
15 %
13 %
9%
P. Lancellotti et coll.
(n = 150)
52 %
31 %
10 %
7%
D. Mohty et coll.
(n = 768 [KT])
50 %
22 %
15 %
13 %
73 %
21 %
3%
3%
J. Adda et coll.(2)
(n = 340)
(4)
(5)
M.-F. Eleid et coll.
(n = 1 704)
(3)
VES indexé supérieur (débit normal) ou inférieur (bas débit) à 35 ml/m2 ; gradient moyen supérieur (haut gradient) ou inférieur (bas gradient) à 40 mmHg.
10
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100
Haut gradient/CHIR
RAC modérés/CHIR
Survie globale (%)
80
BD-BG/CHIR
rappellent que le cathétérisme présente également certaines limites, malgré le fort volume annuel d’examens
pratiqués dans ce centre(5).
60
RAC modérés/MED
40
BD-BG/MED
Haut gradient/MED
20
0
0
2
4
6
Étude 2 : bas débit paradoxal
ou insuffisance cardiaque
à FEVG préservée ?
8
Durée de suivi (années)
Fig. 1
RAC avec FEVG préservée : bénéfice de la chirurgie
(remplacement valvulaire aortique) selon le profil hémodynamique. Les flèches verticales matérialisent l’écart entre
les courbes de survie après chirurgie (CHIR) ou sous traitement
médical (MED). Figure adaptée d’après M. A. Clavel MA et coll.(10).
pour l’évaluation des valvulopathies. En 2014, les recommandations internationales (des deux côtés de l’Atlantique) insistent sur le fait que l’échocardiographie Doppler est non seulement la méthode de référence, mais
surtout la pierre angulaire de l’évaluation des valvulopathies(6,7). Ces mêmes recommandations insistent également sur le fait que le cathétérisme doit être réservé
aux cas de discordances entre les données hémodynamiques non invasives et la clinique, compte tenu notamment du risque d’embolie cérébrale inhérent au franchissement d’un RAC(6,7). Sachant cela, cette première
étude (rétrospective) est basée sur 1 813 cathétérismes
cardiaques pratiqués sur une période de 10 ans (20002010) dans un centre universitaire où la majorité des
patients évalués pour un RAC a vraisemblablement un
cathétérisme(5). Dans cette étude, le taux de bas débit/bas
gradient paradoxal est l’un des plus élevés parmi les
séries récentes (13 %, Tableau 1) avec un pronostic très
péjoratif à moyen terme, y compris après remplacement
valvulaire aortique, dont le bénéfice semble limité de ce
fait(5). Autre résultat troublant : 22 % des patients sont
dans la catégorie débit normal/bas gradient avec une
mortalité plus élevée que dans le groupe débit normal/haut
gradient(5). Ce résultat est en contradiction avec la plupart des études qui montrent que le profil débit normal/bas
gradient est très en faveur d’un RAC modéré, de bon
pronostic à moyen terme sous traitement médical(2-4,8).
En effet, la seule explication possible à une diminution
du gradient moyen transvalvulaire est une baisse significative du débit cardiaque ; en d’autres termes en l’absence de bas débit, un faible gradient moyen est très en
faveur d’un RAC modéré(9).
Finalement, cette première étude ne démontre pas réellement de bénéfice de la chirurgie en cas de bas débit/bas
gradient paradoxal ; les auteurs admettent volontiers
que l’analyse statistique manque de puissance et que
les méthodes d’ajustement utilisées ne permettent pas
de compenser les différences importantes entre les
patients opérés et ceux traités médicalement(5). De plus,
malgré l’intention louable de s’affranchir des limites de
l’échographie cardiaque, ces résultats discordants nous
Pour cette 2 e étude, 187 patients correspondant au
profil bas débit/bas gradient « paradoxal » ont été
appariés, d’une part, avec 187 patients ayant le même
niveau de gradient moyen et un RAC modéré et, d’autre part, avec 187 patients ayant la même surface valvulaire et des gradients élevés (Tableau 2) (10) . Les
résultats montrent un taux de remplacement valvulaire aortique plus faible en cas de bas débit/bas gradient (44 %) par rapport au groupe ayant un RAC
sévère et des gradients élevés (80 %) ; noter que 40 %
des patients ayant un RAC modéré ont également
bénéficié d’un remplacement valvulaire, en partie du
fait de sténoses coronaires significatives(10). Le groupe
RAC sévère/gradients élevés tire le plus grand bénéfice de la chirurgie avec une réduction de mortalité de
82 % (risque relatif [RR] = 0,18 ; IC 95 % : 0,070,48 ; p = 0,001) (Figure 1). Le groupe bas débit/bas
gradient bénéficie également de la chirurgie avec une
réduction de risque de 50 % (RR = 0,50 ; IC 95 % :
0,25-0,99 ; p = 0,04) ; noter au passage que la significativité est limite. De plus, il existe une tendance non
significative en faveur d’un bénéfice de la chirurgie
dans le groupe RAC modéré (RR = 0,44 ; IC 95 % :
0,17-1,12 ; p = 0,09)(10). Dans la discussion, les auteurs
énoncent clairement le fait que le groupe bas débit/bas
gradient comporte une plus forte prévalence de femmes
hypertendues, avec une petite cavité ventriculaire
gauche et une forte hypertrophie VG, dont il est difficile de savoir si elle est majoritairement due au RAC
ou à l’hypertension. En d’autres termes, le mauvais
pronostic de ces patients est probablement lié à une
insuffisance cardiaque à FEVG préservée, combinant
une cardiopathie hypertensive et un RAC, souvent
aggravée par une fibrillation atriale et des comorbidités extracardiaques(10).
Une fois de plus, le bénéfice de la chirurgie ne semble pas évident pour ce groupe de patients hétérogène, tous n’ayant probablement pas un RAC sévère
au premier plan.
Étude 3 : mauvais pronostic
du bas débit/bas gradient paradoxal,
y compris après chirurgie
Pour cette 3 e étude, la base de données de la Mayo
Clinic a permis d’identifier 1 704 patients consécutifs
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À propos des recommandations
(2006-2011) sur les critères suivants : âge > 18 ans,
surface aortique < 1,0 cm2 en l’absence d’autre valvulopathie significative et une FEVG > 50 %(3). La répartition des patients selon les différents groupes hémodynamiques est donnée dans le Tableau 2. Dans cette
étude, le groupe débit normal/bas gradient (21 % de
l’effectif) est caractérisé par une forte présence féminine, de petits gabarits et de petits anneaux aortiques,
une faible impédance aortique et un faible volume de
l’oreillette gauche par comparaison aux autres groupes(3).
Ces patients sont également moins symptomatiques
(53 % des cas versus 74 à 80 % dans les autres groupes ;
p < 0,001) et leur pronostic à moyen terme est le meilleur des quatre groupes (Figure 2) (3) . Ces données
confirment que ce groupe débit normal/bas gradient
correspond majoritairement à des RAC modérés, les
discordances hémodynamiques étant liés à des erreurs
de calcul de surface aortique ou des petits gabarits. À
l’opposé, le groupe bas débit/bas gradient, qui ne
représente que 3 % de la cohorte globale, est caractérisé par une FEVG plus basse et une plus forte prévalence de fibrillation atriale et d’insuffisance cardiaque par rapport aux autres groupes. La survie à
2 ans est la plus faible dans ce groupe : 60 % versus
80 % dans le groupe débit normal/haut gradient
(p < 0,001). L’analyse multivariée montre que le profil bas débit/bas gradient est le facteur prédictif de
mortalité le plus puissant (RR = 3,26 ; IC 95 % : 1,716,22 ; p < 0,001 par rapport au groupe débit normal/haut
gradient). Le remplacement valvulaire aortique est
associé à une réduction de mortalité de 69 % (RR =
0,31 ; IC 95 % : 0,25-0,39 ; p < 0,0001) dans les groupes
bas débit/bas gradient et débit normal/haut gradient à
l’opposé des deux autres groupes. Cependant, même
après le remplacement valvulaire, la mortalité à moyen
terme reste la plus élevée dans le groupe bas débit/bas
gradient, ce qui suggère que l’obstacle valvulaire
aortique n’est pas à 100 % responsable du mauvais
pronostic, probablement lié en partie à une dysfonction myocardique intrinsèque ou à des comorbidités
extracardiaques(3).
Que disent les recommandations ?
Intérêt du score calcique valvulaire
Qu’elles soient européennes ou américaines, les recommandations actuelles stipulent que chez un patient
symptomatique ayant une valve aortique calcifiée
avec une ouverture diminuée et un profil de bas débit/bas
gradient paradoxal, si l’ensemble des explorations est
en faveur d’un RAC sévère, il existe une indication
opératoire de classe IIa(6,7). De quelles explorations
parle-t-on ? En plus d’une échocardiographie complète et rigoureuse, l’évaluation du score calcique valvulaire aortique semble très prometteuse(11,12). Cette
technique, initiée par D. Messika-Zeitoun et coll.(13),
permet une quantification semi-automatique de la
masse calcique présente dans la valve aortique de
manière rapide et non invasive, grâce à l’acquisition
d’un volume cardiaque par scanner multi-coupe, sans
injection de produit de contraste et au prix d’une irradiation minime (2 à 3 mSV) (12) . D’après une étude
multicentrique regroupant 646 patients de la Mayo
Clinic (Rochester, États-Unis), de l’hôpital Bichat
(Paris, France) et de l’Institut universitaire de cardiologie (Québec, Canada), les seuils en faveur d’un
RAC sévère sont un score calcique > 1 300 unités
Agatston (UA) chez les femmes et 2 000 UA chez les
hommes(12). On peut également utiliser des valeurs
indexées à la surface de l’anneau basal virtuel aortique (chambre de chasse) : > 300 UA/cm 2 et
Tableau 2. Données de l’étude de M.A. Clavel et coll. (Tableau adapté d’après (10)).
Variable
Haut gradient
SAo ≤ 0,6 cm2/m2
GM ≥ 40 mmHg
(appariés : SAo)
BD/BG paradoxal
SAo ≤ 0,6 cm2/m2
GM < 40 mmHg
VES indexé < 35 ml/m2
RAC modéré
SAo > 0,6 cm2/m2
GM < 40 mmHg
(appariés : GM)
Valeur de p
Âge (ans)
66 ± 15
74 ± 12
67 ± 13
< 0,0001
Sexe féminin, n (%)
59 (31)
96 (51)
67 (36)
< 0,001
4,5 ± 0,5
3,0 ± 0,5
3,0 ± 0,5
< 0,0001
Vmax (m/s)
Gradient moyen (mmHg)
50 ± 10
22 ± 8
22 ± 8
< 0,0001
Sao (cm2)
0,8 ± 0,2
0,8 ± 0,2
1,3 ± 0,2
< 0,0001
67 ± 7
62 ± 8
65 ± 7
< 0,0001
47 ± 8
30 ± 4
46 ± 8
< 0,0001
FEVG (%)
VES indexé (ml/m )
2
BD/BG : bas débit/bas gradient ; GM : gradient moyen transvalvulaire aortique ; SAo : surface valvulaire aortique ; Vmax : pic de vitesse transvalvulaire aortique.
Colonne centrale : 187 patients correspondant au profil bas débit/bas gradient « paradoxal », appariés avec 187 patients ayant le même niveau
de gradient moyen et un RAC modéré (colonne de droite, RAC modéré) et d’autre part avec 187 patients ayant la même surface valvulaire et des
gradients élevés (colonne de gauche : haut gradient).
12
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Débit normal/bas gradient
Bas débit/bas gradient
Débit normal/haut gradient
Bas débit/haut gradient
100
Survie sans RVA (%)
80
60
40
20
0
0
1
2
3
Durée de suivi (années)
Fig. 2
RAC avec FEVG préservée : survie sans remplacement valvulaire aortique selon le profil hémodynamique.
Figure adaptée d’après M.F. Eleid et coll.(3).
500 UA/cm2 respectivement chez les femmes et les
hommes(12). La bonne valeur diagnostique du score
calcique n’est pas une surprise, sachant que la calcification valvulaire est au cœur de la physiopathologie
du RAC, notamment dans les formes du sujet âgé ou
sur valve bicuspide, à l’opposé des valvulopathies
rhumatismales qui sont d’ailleurs exclues des études
sur le score calcique(12). Des études sur la valeur pronostique du score calcique sont en cours.
Conclusion
Au fil des (nombreux) articles et après 7 ans
de débats sur le sujet, certains points semblent s’éclaircir : d’abord, la faible prévalence des RAC en bas débit/bas gradient
« paradoxal », située actuellement autour
de 5 %(2-5) ; ensuite, un relatif consensus sur
le fait que ce groupe de patients est hétérogène, chaque patient associant à des degrés
divers une insuffisance cardiaque à FEVG
préservée et une sténose aortique plus ou
moins sévère (3,10) . Pour un patient donné,
toute la difficulté reste de faire la part entre
une dysfonction myocardique intrinsèque
(fibrose, séquelle d’infarctus) et la sévérité
de l’obstacle valvulaire aortique. À ce propos, une notion importante figure explicitement dans les dernières recommandations
américaines : quel que soit le niveau de bas
débit cardiaque (ceci est également valable en cas de dysfonction systolique VG),
en présence d’un pic de vitesse transvalvulaire aortique < 3,0 m/s et/ou d’un gradient
moyen < 20 mmHg, il est très peu vraisemblable que le RAC soit serré(6). Le score calcique valvulaire semble d’une aide précieuse : un score calcique > 1 300 UA ou
2 000 UA respectivement chez une femme
ou un homme étant très en faveur d’un RAC
sévère(12). Il est fort probable qu’un petit nombre de patients (< 5% des cas) présentent
effectivement un RAC sévère malgré un faible niveau de gradients, expliqué par un relatif bas débit malgré une FEVG préservée ;
les explications possibles sont de petits
volumes VG et une altération de la fonction
pompe dans sa composante longitudinale(2).
Il est également possible que certains de
ces patients bénéficient d’un remplacement
valvulaire chirurgical ou par TAVI. Seule une
étude randomisée pourrait permettre de
répondre formellement à cette question. À
ceux qui objectent qu’il ne serait pas éthique
de randomiser des patients âgés et fragiles,
cumulant les comorbidités et dont le pronostic à moyen terme est réservé, il est très
facile de rétorquer que cela a déjà été fait :
il s’agit de l’étude PARTNER (cohorte B) qui a
permis de démontrer le bénéfice du TAVI chez
des patients très âgés et fragiles, jugés inopérables(14).
■
Références
1. Hachicha Z et al. Paradoxical low-flow, low-gradient severe aortic stenosis despite preserved ejection fraction is associated with higher afterload and
reduced survival. Circulation 2007 ; 115(22) : 2856-64. 2. Adda J et al. Lowflow, low-gradient severe aortic stenosis despite normal ejection fraction is
associated with severe left ventricular dysfunction as assessed by speckletracking echocardiography: a multicenter study. Circ Cardiovasc Imaging
2012 ; 5(1) : 27-35. 3. Eleid MF et al. Flow-gradient patterns in severe aortic
stenosis with preserved ejection fraction: clinical characteristics and predictors of survival. Circulation 2013 ; 128(16) : 1781-9. 4. Lancellotti P et al.
Clinical outcome in asymptomatic severe aortic stenosis: insights from the
new proposed aortic stenosis grading classification. J Am Coll Cardiol 2012
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longitudinal function distinguishes low flow from normal-flow preserved
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directly affect pressure gradient and valve area estimates in aortic stenosis in
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The complex nature of discordant severe calcified aortic valve disease
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Et pourquoi pas utiliser… ?
L’index de perte d’énergie
Eric Abergel, Christophe Chauvel
Clinique Saint-Augustin, Bordeaux
d’un rétrécissement aortique (RA) se
L’évaluation
base essentiellement sur le calcul d’une surface
valvulaire aortique que l’on indexe en général à la
surface corporelle du patient : en fonction d’une valeur
seuil, en général 0,6 cm2/m2(1), le rétrécissement aortique est considéré comme serré ou non.
Cette stratégie est critiquable puisque cette valeur
seuil a essentiellement été validée en effectuant la
mesure par cathétérisme et en la confrontant aux mesures
du chirurgien (mesure anatomique)(2). Ces valeurs ont
été transposées à notre quotidien, alors que les mesures
sont effectuées aujourd’hui exclusivement en échographie cardiaque, qui mesure une surface valvulaire
effective. Les deux approches ne sont pas comparables : d’une part, la surface valvulaire effective est différente (plus petite) de la surface anatomique ; d’autre
part, les surfaces calculées par cathétérisme et échographie diffèrent à cause d’un phénomène que l’on
appelle la restitution de pression.
Le phénomène de restitution
de pression (Figure 1)
Pour comprendre, il faut se souvenir que l’énergie
dans les vaisseaux se répartit principalement en énergie en pression et en énergie cinétique. À distance
d’une sténose, l’énergie en pression est maximale et
l’énergie cinétique est minimale. Dans la sténose, on
assiste à une accélération du sang (augmentation de
l’énergie cinétique et donc diminution de l’énergie en
pression), si bien qu’immédiatement après la sténose,
l’énergie en pression est minimale (3) . Progressivement en s’éloignant de la sténose, on assiste au phénomène inverse avec diminution de l’énergie cinétique et récupération d’une énergie en pression.
L’énergie en pression est maximale dans le ventricule gauche, elle est convertie en énergie cinétique
qui est maximale dans la sténose (vena contracta).
Dans l’aorte ascendante, l’énergie cinétique va être
soit perdue en énergie thermique (frottements, turbulences, etc.), soit restituée en énergie de pression. La
restitution de pression est plus marquée quand l’aorte
ascendante est de petite taille(4). Le gradient maximal
de pression est la différence entre la pression dans le
ventricule gauche (P 1 ) et la pression dans la vena
contracta (P 2 ) : il est bien corrélé avec le gradient
mesuré en Doppler. Le gradient de pression « net »
est la différence entre le niveau de pression dans le
ventricule (P1) et la pression dans l’aorte ascendante
une fois que la restitution de pression est survenue
(P3) : il est bien corrélé avec le cathétérisme(5).
Concrètement, le gradient maximal échographique est
donc plus élevé que le gradient maximal obtenu au cathétérisme, et la surface évaluée à l’échographie est donc
plus petite que la surface évaluée par cathétérisme.
On dispose actuellement d’équations qui vont approcher la différence P 3 -P 2 , c’est-à-dire la quantité de
Fig. 1
P1
Sonde KT
Sonde KT
AO
VG
14
P1 : pression proximale maximale (dans le VG) ;
P2 : pression minimale dans la sténose ou la vena
contracta ; P3 : pression restituée.
P3
P2
P Echo
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
P KT
Le gradient maximal Echo représente
P1-P2, donc illustre la chute de pression
maximale à travers la sténose. Le gradient
maximal au KT représente P1-P3, donc
représente la chute de pression après
la restitution de la pression en distalité.
E Pression
E Cinétique
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:53 Page15
Fig. 2
Données nécessaires au calcul d’une surface valvulaire ajustée (Energy loss index).
pression restituée, qui devrait correspondre à la différence de valeur de pression maximale entre l’échographie et le cathétérisme(6). On peut donc calculer la
valeur du gradient que l’on trouverait au cathétérisme
(GmaxKT), à partir du gradient maximal écho (Gmax),
de la surface aortique par équation de continuité (Svalve),
de la surface de l’aorte (Saorte) mesurée à partir de son
diamètre D (πD2/4)
P3-P2 = Gmax x 2 x (Svalve/Saorte) x (1-[Svalve/Saorte])
Gmax ajusté = Gmax – (Gmax x 2 x (Svalve/Saorte) x (1-[Svalve/Saorte]))
On peut également calculer, selon le même principe,
une surface valvulaire aortique ajustée pour la restitution de pression (Energy loss index dans la littérature anglo-saxonne ou Indice de perte d’énergie),
donc une surface telle qu’on la trouverait au cathétérisme à partir des données écho.
Svalve indexée ajustée = ([Saorte x Svalve]/[Saorte - Svalve]) x SC
Exemples de mesure
Homme de 78 ans, surface coroporelle (SC) : 1,8 m2,
suivi de RA. Les principales données écho-Doppler
du patient sont montrées dans la Figure 2.
On peut calculer la surface valvulaire aortique (Svalve).
Svalve = (π Dcc2/4 x ITVcc)/ITVAo = (3,14 (2,3)2/4 x 23)/110 =
0,87 cm2 soit 0,48 cm2/m2
On peut calculer la surface de l’aorte à partir du diamètre Dao mesuré en bidimensionnel. Idéalement, le
Dao est mesuré à la jonction sino-tubulaire ou 1 cm
après dans l’aorte tubulaire.
Saorte = πDao2/4 = 3,14 x (3)2/4 = 7,1 cm2
On peut alors calculer un gradient et une surface valvulaire ajustés.
Svalve indexée ajustée =
[(7,1 x 0,87)/(7,1-0,87)]/1,8 = 0,99/1,8 = 0,55 cm2/m2
Gdtmax ajusté =
76 – [76 x 2 x (0,87/7,1) x (1-(0,87/7,1))] = 60 mmHg
Ainsi, ce patient présente un gradient maximal à
76 mmHg et une surface valvulaire indexée à 0,48
cm2/m2 ; en tenant compte de la restitution de pression,
le cathétérisme trouverait un gradient maximal à 60
mmHg et une surface valvulaire indexée à 0,55 cm2/m2.
Implications pratiques
Considérons un patient chez qui la surface calculée à
l’échographie Doppler est de 1 cm2 soit 0,57 cm2/m2
(surface corporelle 1,75 m2), avec une aorte ascendante
à 28 mm (surface 6,1 cm2) ; sa surface indexée ajustée =
[(6,1 x 1)/(6,1-1)]/1,8 = 1,2/1,75 = 0,68 cm2/m2.
Cela signifie que le calcul en écho permet de conclure à
une sténose serrée, alors que la surface ajustée est en
faveur d’une sténose non serrée. De fait, le diagnostic de
sténose non serrée est ici légitime car le seuil de 0,6 cm2/m2
s’applique à la surface mesurée au cathétérisme.
De telles situations sont-elles fréquentes ? La réponse
est oui, si on en croît une étude menée chez 1 563 patients(7)
porteurs de RA de sévérité variée (Figure 3), dans laquelle
la surface a systématiquement été calculée par les deux
méthodes (Svalve équation de continuité et Svalve ajustée).
Les patients ont été classés en 3 groupes :
– 1 : RA non serré concordant : S valve indexée
> 0,6 cm2/m2 par équation de continuité et Svalve indexée
ajustée > 0,6 cm2/m2 ;
– 2 : RA serré concordant : Svalve indexée < 0,6 cm2/m2
par équation de continuité et S valve indexée ajustée < 0,6 cm2/m2 ;
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
15
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:59 Page16
Et pourquoi pas utiliser… ?
RA serré sur équation de continuité, reclassé non serré sur surface ajustée
RA non serré concordant
RA serré concordant
100 %
79,1 %
80 %
56,2 %
60 %
41,8 %
40 %
32,2 %
23,5 %
20 %
6,6 %
Fig. 3
1 563 patients porteurs de RA
de sévérité variée. Pourcentage de
patients ayant un RA serré
concordant, un RA non serré
concordant ou un RA serré discordant
(RA serré avec la surface indexée
classique alors qu’il est non serré
avec la surface ajustée tenant compte
de la restitution de pression) ;
résultats présentés en sous-groupes
selon la valeur de la vitesse maximale
Doppler du flux aortique (Vmax Ao).
25,9 %
20,3 %
14,3 %
0%
< 2,79
2,79-3,33
Vmax Ao
> 3,33
48 % des patients classés RA serré par équation de continuité, reclassés non serré
si restitution de pression prise en compte !!
– 3 : RA serré par équation de continuité (S valve
indexée < 0,6 cm2/m2) mais non sérré par surface ajustée (Svalve indexée ajustée > 0,6 cm2/m2).
Ainsi, chez les patients ayant des Vmax > 3,3 m/s, 26 %
d’entre eux ont un RA serré avec la surface indexée
classique alors qu’il est non serré quand on tient compte
de la restitution de pression !!
Conclusion
Le seuil de 1 cm2 ou 0,6 cm2/m2 a été défini
au cathétérisme comme un seuil à risque
chez le patient présentant un RA. Ce seuil
n’est pas transposable à l’échographie car
la surface mesurée en échographie est plus
basse que celle mesurée au cathétérisme.
Dans les recommandations, aucune solution
n’est officiellement proposée, même si régulièrement il est question d’abaisser ce seuil
de 1 cm2. Seules les recommandations françaises avaient proposé un seuil de 0,5 cm2/m2
qui semble plus adapté(8). L’autre solution est
16
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
de calculer une surface ajustée (ou Indice
de perte d’énergie ou Energy loss index) :
elle permet de personnaliser le calcul et de
tenir compte de la taille de l’aorte ascendante. Cette démarche semble particulièrement pertinente si l’aorte ascendante est
petite (< 30 mm) et pour les sténoses proches
du seuil critique, entre 0,8 et 1,2 cm2.
■
Références
1. Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the
ESC ; EACTS. Vahanian A et al. Guidelines on the management of valvular
heart disease (version 2012). Eur Heart J 2012 ; 33(19) : 2451-96. 2. Frank S
et al. Natural history of valvular aortic stenosis. Br Heart J 1973 ; 35(1) : 416. 3. Laskey WK, Kussmaul WG. Pressure recovery in aortic valve stenosis.
Circulation 1994 ; 89(1) : 116-21. 4. Niederberger J et al. Importance of
pressure recovery for the assessment of aortic stenosis by Doppler ultrasound. Circulation 1996 ; 94(8) : 1934-40. 5. Baumgartner H et al. «Overestimation» of catheter gradients by Doppler ultrasound in patients with aortic
stenosis: a predictable manifestation of pressure recovery. J Am Coll Cardiol
1999 ; 33(6) : 1655-61. 6. Bach DS. Echo/Doppler evaluation of hemodynamics after aortic valve replacement: principles of interrogation and evaluation of high gradients. JACC Cardiovasc Imaging 2010 ; 3(3) : 296-304.
7. Bahlmann E et al. Impact of pressure recovery on echocardiographic
assessment of asymptomatic aortic stenosis: a SEAS substudy. JACC Cardiovasc Imaging 2010 ; 3(6) : 555-62. 8. Tribouilloy C et al. Recommandations
de la SFC concernant la prise en charge des valvulopathies acquises et des
dysfonctions de prothèse valvulaire. Arch Mal Cœur 2005 ; 98 : 1-61(suppl).
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Mise au point
Les critères échographiques
de faisabilité d’une plastie
aortique (partie 1)
C
R
D-
om
Marie-Christine MALERGUE
Institut mutualiste Montsouris et Institut Cœur Effort Santé, Paris
es insuffisances aortiques représentent environ
Lles pays
10 % des indications de chirurgie valvulaire dans
occidentaux. Le remplacement valvulaire est
le plus souvent proposé, associé ou non à une chirurgie de l’aorte ascendante. Les causes rhumatismales
étant en voie de disparition, il s’agit de fuites aortiques
liées à une valvulopathie congénitale de type bicuspidie et/ ou une fuite fonctionnelle sur une valve normale,
secondaire à une dilatation annulaire et associée aux anévrismes de l’aorte ascendante.
La réparation valvulaire aortique s’adresse à une population souvent jeune pour laquelle le remplacement
valvulaire, qu’il soit biologique ou mécanique, est toujours problématique.
Alors que la plastie mitrale est la solution chirurgicale
recommandée et validée pour les valvulopathies mitrales, la plastie aortique reste encore peu pratiquée et
doit être discutée en cas de forme anatomique favorable. Le bilan de faisabilité d’une plastie repose sur
l’échographie.
Rappel des recommandations
de la prise en charge
des fuites aortiques
Les recommandations européennes(1) et nord-américaines(2) s’accordent pour une indication opératoire dans
les cas suivants :
– une insuffisance aortique isolée symptomatique ou
une fuite asymptomatique avec une fraction d’éjection
< 50 % et/ou un diamètre télésystolique > 50 mm (ou
25 mm/m²) et/ou un diamètre télédiastolique > 70 mm ;
– un anévrisme de l’aorte ascendante (qu’il s’agisse
d’une dilatation de la racine aortique ou de l’aorte suscoronaire) dont le diamètre est :
• ≥ 55 mm que la valve soit tricuspide ou bicuspide,
• ≥ 50 mm en cas de bicuspidie lorsque celle-ci est associée à des facteurs de risque (coarctation associée,
HTA, antécédents familiaux de dissection, progression
de plus de 2 mm en 1 an sur la même imagerie),
• ≥ 45 mm en cas de désir de grossesse ou en présence
de haut risque,
• ≥ 45 mm en cas d’indication chirurgicale d’une valvulopathie aortique,
• ≥ 25 mm/m2 en cas de syndrome de Turner.
Le but de la plastie aortique
Le fonctionnement normal de la valve aortique repose
sur un bon fonctionnement de son appareil valvulaire
et sur l’intégrité de son « appareil supravalvulaire » qui
est la racine aortique. La plastie aortique va donc s’intéresser à la correction des anomalies valvulaires et à
la correction de l’appareil de soutien qui est la racine
aortique tout en préservant sa dynamique. La plastie ne
doit être ni fuyante, ni sténosante.
Ce type de chirurgie reste encore réservé à certaines
équipes, l’échocardiographiste y joue un rôle déterminant dans la sélection des patients et dans l’analyse
morphologique et dynamique de la fuite. Le scanner est
associé à l’échographie pour confirmer la présence d’une
dilatation de l’aorte ascendante qui sera corrigée dans
le même temps opératoire. Il permet également de bien
authentifier la présence des triangles sous-commissuraux liés à chaque sigmoïde fonctionnelle. L’utilisation
de l’échographie tridimensionnelle en modifie l’approche, car elle permet d’étudier la relation individuelle
de chaque sigmoïde l’une avec l’autre : relation à trois
en cas de valve tricuspide et relation à deux en cas de
bicuspidie. La 3D est un outil d’exploration indispensable et séduisant, qui s’adapte à l’anatomie spécifique
des sigmoïdes ; elle mérite de bénéficier d’une standardisation de son approche.
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
17
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:53 Page18
Mise au point
Fig. 1
Les phénotypes
de la racine aortique.
Anévrisme
A
Racine aortique
Sus-coronaire
IA isolée
Valsalva 45 mm
Valsalva < 40 mm
Tous Ø 40 mm
Normaux (I)
Mouvements valvulaires
Prolapsus (II)
Rétraction (III)
Jet central
Jet excentré
Jet excentré
B
La faisabilité d’une plastie aortique passe donc par différentes étapes : ETT, ETT biplan, couleur, ETO biplan,
ETO 3D. Ces étapes successives sont nécessaires
pour envisager une solution chirurgicale adaptée au phénotype de l’aorte, aux anomalies valvulaires et au mécanisme de la fuite.
Le phénotype de l’aorte ascendante
On décrit trois phénotypes principaux(3) de la racine aortique (Figure 1) :
– l’anévrisme au niveau des sinus de Valsalva > 45 mm ;
– l’anévrisme sus-coronaire avec des sinus < 40 mm ;
– l’IA isolée avec tous les diamètres < 40 mm.
À chaque type de phénotypes va correspondre une chirurgie spécifique(3).
Le mouvement valvulaire et le mécanisme de la fuite
De façon analogique au mécanisme des fuites mitrales,
on distingue trois types de mécanismes de la fuite aortique (Figure 2).
• Le type I. Le jet est central, la fuite est fonctionnelle
et secondaire à une dilatation de l’aorte (annulaire et/ou
des différents segments de l’aorte ascendante). Les sigmoïdes sont normales. Cet aspect est retrouvé dans une
dilatation isolée des sinus, de la jonction sino-tubulaire
18
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
C
Fig. 2
Mouvements
valvulaires et direction du jet.
A : ETT longitudinal grand axe.
Le jet est central (sigmoïdes
le plus souvent normales, fuite
sur dilatation annulaire ou
du culot aortique).
B : ETO 120 ° : le jet est
excentré de direction
postérieure, vers la valve
mitrale, traduisant
un prolapsus de la sigmoïde
coronarienne droite.
C : valve restrictive avec
défect central : fuite centrale
ou excentrée du côté de
la valve restrictive.
dans les anévrismes de l’aorte ascendante, dans les perforations valvulaires (Figure 2 A , Boucle 1).
• Le type II. Le jet est excentré. Il peut s’agir d’un
prolapsus valvulaire : une partie (prolapsus partiel)
(Figure 2 B) ou l’ensemble de la sigmoïde (éversion
totale ou prolapsus complet) (Boucles 2 et 3) passe en
dessous du plan de coaptation des sigmoïdes. En cas
de prolapsus localisé, on retrouve un aspect en « marche
d’escalier » (Figure 3, Boucle 4). La zone de coaptation est alors réduite (prolapsus partiel), voire nulle. En
cas de prolapsus complet ou d’éversion, il n’y a plus
de coaptation entre la sigmoïde prolabée et les deux autres sigmoïdes. L’asymétrie de coaptation doit être recherchée entre chacune des sigmoïdes. Le prolapsus peut
se voir sur une valve tricuspide ou bicuspide, qu’il soit
dégénératif ou secondaire à un anévrisme aortique, une
rupture de fenestration, une origine traumatique, infectieuse ou une dissection aortique. Il y a alors souvent un excès de longueur du bord libre des sigmoïdes
et/ou une anomalie commissurale. Le jet est alors opposé à la sigmoïde en cause (une fuite postérieure vers
la valve mitrale signe un prolapsus de la coronaire droite
(Figure 2 B, Boucles 2 et 3)).
• Le type III (Figure 2 C). Il s’agit d’une rétraction valvulaire, les sigmoïdes sont restrictives du fait de fibrose
et ou de calcification. On retrouve un défaut de coaptation, souvent central, sur une valve tricuspide. L’ori-
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:53 Page19
Fig. 3
A
B
Prolapsus de
la sigmoïde coronarienne
droite, coaptation asymétrique
en marche d’escalier.
A : ETO coupe 120 °.
B : ETO 120 ° couleur, fuite
directionnelle postérieure.
C : croquis de l’aspect en
« marche d’escalier ».
(Voir Boucle 4).
C
OG
OG
ao
ao
VG
VG
Aspect en marche
d’escalier
Aspect en marche d’escalier
Rupture de fenestration
C
A
Fenestration
Fenestration
OG
D
B
Ao
Les ruptures de fenestration
VG
Fig. 4 Rupture de fenestration. A : coupe longitudinale ETO
120 °. B : schéma explicatif. C et D : vue opératoire avec
présence de fenestrations, dont une large rompue (C) et plusieurs petites fenestrations non rompues (Voir Boucles 5 et 6).
JSTT
Base
de l’anneau
Seules les coupes transverses petit axe peuvent préciser le point de départ de la fuite. Le caractère excentré du jet est visualisé par les incidences longitudinales
grand axe ou à 120 ° en ETO.
Un jet directionnel signe un mécanisme de fuite, prolapsus (direction opposée au prolapsus) ou restriction
(direction associée à la restriction).
Le travail de l’échographiste est de localiser la sigmoïde
et la zone de la sigmoïde qui prolabe pour anticiper un
geste de réparation spécifique.
Triangles sous-commissuraux
Jonction sino-tubulaire
Base de l’anneau aortique
(Figure 4, Boucles 5 et 6)
Constatations fréquentes des chirurgiens, ce mécanisme
de fuite est pourtant peu connu des cardiologues. Le bord
libre des sigmoïdes est souvent le siège de « fenestrations », sorte de faux tendons de part et d’autre de la sigmoïde ; ils peuvent se rompre et être à l’origine de prolapsus valvulaire. Leur diagnostic précis est difficile et
doit être suspecté en cas de prolapsus partiel sur des sigmoïdes apparemment normales. Il est possible de voir
un petit écho vibratile sur le versant ventriculaire de la
sigmoïde, en dehors de tout contexte d’endocardite,
témoin de cette rupture de fenestration (Boucle 5). Elles
peuvent être accessibles à une réparation valvulaire mais
surviennent plutôt chez des patients âgés, ou peuvent être
traumatiques (IA survenant après une coronarographie
par rupture d’une fenestration par la sonde). Elles peuvent également simuler une endocardite.
Fig. 5
À chaque commissure fonctionnelle est rattaché
un triangle sous-commissural (d’après E. Lansac et coll.).
L’analyse des sigmoïdes aortiques(4,5)
gine est dégénérative ou médicamenteuse, plus rarement
rhumatismale. La direction du jet est liée à la rétraction de la sigmoïde atteinte ; elle est centrale en cas de
rétraction homogène des sigmoïdes.
Plusieurs types de mécanismes peuvent s’associer, tel
un type I et un type II, rendant une éventuelle réparation plus délicate.
L’origine du jet doit être différenciée du caractère directionnel, central ou excentré du jet. Un jet peut être
d’origine centrale et de direction excentrée s’il existe
un prolapsus associé.
À chaque commissure effective est rattachée un triangle sous-commissural (Figure 5).
L’analyse des sigmoïdes se fait en coupes petit axe en
analysant les boucles jusqu’en fin de systole (Figure 6).
• La valve est tricuspide. Elle est composée de 3 sigmoïdes symétriques, chaque sigmoïde étant associée par
une commissure aux deux autres et à un triangle souscommissural allant de la base de l’anneau aortique (entre chaque commissure) jusqu’à la jonction sino-tubulaire. La présence de ce triangle sous-commissural signe
l’existence d’une commissure effective fonctionnelle.
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
19
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:53 Page20
Mise au point
Valve bicuspide
Type 0
0 raphé
Unicuspidie
Type 1
1 raphé
Fig. 6
La classification de Sievers.
Type 2
2 raphés
Valves accessibles à une réparation valvulaire aortique
A
B
C
Fig. 7
Unicuspidie.
A et B : ETO 3D.
C : vue anatomique
peropératoire, valve ayant
bénéficié d’une plastie avec
transformation de cette valve
unicuspide en une valve
bicuspide, constituée de deux
sigmoïdes symétriques.
(Voir Boucle 7).
• La valve est bicuspide. S’il s’agit d’un type 0, il existe
deux sigmoïdes, deux commissures effectives et deux
triangles sous-commissuraux. En cas de valve bicuspide avec raphé (type 1 de Sievers), il n’existe toujours
que deux triangles sous-commissuraux, l’absence de
commissure effective au niveau du raphé s’accompagnant de l’absence d’un triangle sous-commissural.
En cas de bicuspidie, l’analyse de chaque sigmoïde en
termes de qualité tissulaire et de calcification est essentielle pour envisager une plastie. Le caractère sténosant et restrictif de la valve est peu favorable à un geste
de conservation. L’orientation commissurale est également importante à analyser : valve bicuspide symétrique ou angle bicommissural < ou > 160 °.
• Enfin, la valve est unicuspide, ce qui signifie qu’il
n’existe qu’une seule commissure fonctionnelle et
donc un seul triangle sous-commissural. Les deux autres triangles sous-commissuraux rattachés au raphé et
fusionnés sont rudimentaires témoignant de l’absence
de commissure effective à ce niveau. Cet aspect est décrit par H. Sievers comme étant une valve de type bicuspide type 2 avec deux raphés. La définition d’uni-
20
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
cuspidie semble mieux adaptée car reposant sur la présence d’une seule commissure fonctionnelle en raison
de la présence d’un seul triangle sous-commissural
(Figure 7, Boucle 7). Ces valves sont susceptibles d’être
réparées, nécessitant la création d’une 2e commissure
qui rend cette valve bicuspide.
• La valve est quadricuspide. Tout à fait exceptionnel, elle a comme particularité d’être une valve souvent
tricuspide, associée à une 4e sigmoïde rudimentaire
(Boucle 8). L’anneau est de taille normale, sans pathologie associée de l’aorte ascendante. Elle est accessible à une plastie valvulaire, plus ou moins à une
annuloplastie dépendant de la taille de l’anneau.
La qualité tissulaire des sigmoïdes
et la faisabilité de plastie
Comme pour la valve mitrale, de la qualité du tissu valvulaire dépend le bon résultat de la plastie(5-9). Un excès
tissulaire est toujours plus facile à gérer qu’une valve
restrictive.
• Dans le type I, où les sigmoïdes sont normales, la fuite
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:53 Page21
est centrale et peut être considérée comme fonctionnelle,
secondaire à la dilatation de l’anneau, ainsi qu’au déplacement externe des commissures. La solution chirurgicale est alors un remodeling de la racine aortique
associé à une annuloplastie sous-valvulaire (remplacement de l’aorte ascendante de type Yacoub, avec remplacement d’un ou des sinus, et réimplantation des coronaires, associée à l’annuloplastie) (Figure 8). Cette
annuloplastie permet de stabiliser la réparation et
d’en maintenir la pérennité.
• Dans le type II, la souplesse des sigmoïdes et l’excès
tissulaire responsable du prolapsus se prêtent bien à une
plastie de reconstruction ; l’analyse du rapport de chaque
sigmoïde l’une à l’autre (cf. mesure de la hauteur effective) permet au chirurgien de reconstruire des sigmoïdes de hauteur suffisante et symétrique pour corriger le prolapsus, sans être restrictif et d’obtenir une bonne
hauteur de coaptation (cf. mesure de la hauteur de coaptation). La plastie sera complétée par une annuloplastie
sous-valvulaire permettant une stabilisation de la réparation(10-12). S’il existe des calcifications localisées (en
particulier au niveau d’un raphé dans les bicuspidies)
mais avec un corps tissulaire de la sigmoïde souple, les
calcifications pourront être ôtées, sans ou avec un patch
péricardique d’extension, afin d’obtenir une symétrie des
sigmoïdes et une coaptation de qualité.
• Le type III reste le cas le moins favorable à une plastie. La restriction tissulaire et/ou l’importance des calcifications doivent faire souvent renoncer à la conservation de la valve au risque d’un mauvais résultat ou
d’un résultat précaire.
La taille de l’anneau
Comparativement à la plastie mitrale qui associe un geste
sur les feuillets et une annuloplastie, certaines équipes
proposent la mise en place d’un anneau sous-valvulaire,
souple, glissé sous les coronaires, afin de maintenir le
montage et de stabiliser la plastie sans être restrictif. La
taille de l’anneau natif est donc importante. Un anneau
trop petit peut être une contre-indication pour un tel geste.
Par contre, il s’avère indispensable en cas d’anneau dilaté, ce qui est le cas dans les bicuspidies. Mettre un anneau souple semble une solution fiable pour maintenir
dans le temps le bon résultat d’une plastie et la dynamique
de l’anneau aortique. La taille de l’anneau est choisie par
rapport à la taille de l’anneau mesuré en ETO ; il sera
habituellement d’une taille au-dessous de l’anneau
(taille 27 pour un anneau mesuré à 28 mm)(10- 12).
■
Dystrophies de l’aorte ascendante à valves souples bicuspides et tricuspides
Références
Anévrisme
de la racine
aortique
Anévrisme
sus-coronaire
IA isolée
Une approche standardisée de la réparation valvulaire selon les phénotypes
Remodeling
+ annuloplastie
sous-valvulaire
Tube sus-coronaire
+ annuloplastie
sous-valvulaire
Double
annuloplastie
sus- et
sous-valvulaire
Réparation valvulaire
+
Resuspension de
la hauteur effective
Alignement des longueurs
de bord libre
Annuloplastie sous-valvulaire aortique
Fig. 8
Retrouvez la suite de ce Cas clinique dans le
prochain numéro d’ÉCHOCardiographie
Les différents types de correction des anévrismes aortiques et des lésions
valvulaires en fonction du phénotype, associés à une annuloplastie sous-valvulaire.
(d’après E. Lansac et coll.).
1. Joint Task Force on the Management of Valvular Heart
Disease of the ESC ; EACTS ; Vahanian A et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version
2012). Eur Heart J 2012 ; 33(19) : 2451-96. 2. Nishimura RA et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the Management of Patients With Valvular Heart Disease: a report of
the ACC/AHA Task Force on Practice Guidelines.
Circulation 2014 ; 129(23) : e521-643. 3. Schäfers H,
Aicher D. Root remodeling for aortic root dilatation. Ann
Cardiothorac Surg 2013 ; 2(1) : 113-6. 4. Sievers HH,
Schmidtke C. A classification system for the bicuspid
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An aortic ring to standardise aortic valve repair: preliminary results of a prospective multicentric cohort of 144 patients. Eur J Cardiothorac Surg 2010 ; 38(2) : 147-54.
7. Boodhwani M, El Khouri G. Aortic valve repair: a
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Surgery: The Biological Solution. Berlin Heigdelberg:
Springer 2010 : 102-32.
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
21
Dans le
prochain numéro
EchoCardio_35-Print_FEV15 15/02/15 20:53 Page22
FICHE PRATIQUE
N°8
COMMENT ÉVALUER
UNE STÉNOSE MITRALE ?
CD-Rom réalisé
avec le soutien de
Rédacteurs en chef : Eric Abergel, Christophe Chauvel • Comité de rédaction : Eric Brochet, Bruno Gallet, Gilbert Habib, Marie-Christine Malergue, Jean-Luc Monin
• AXIS SANTÉ sas : 56 bd de la Mission Marchand, 92400 Courbevoie - Tél : 01 47 55 31 31 - Télécopie : 01 47 55 31 32 - E-mail : [email protected] • Pour joindre directement votre correspondant,
veuillez composer le 01 47 55 31 suivi des deux chiffres entre parenthèses • Directeur général : Stéphane Elghozi (95)
• Directeur médical : Michèle Deker • Directeur commercial et développement : Arielle Dubessay (45) • Fabrication : Mikaël Da Silva • Secrétaire de Rédaction : Julie Quesnel.
• Maquette :Twice Daily.
Directeur de la publication : E. Elghozi • Reproduction interdite de tous les articles sauf accord de la Direction • Imprimerie de Compiègne – 1er trimestre 2015 – Dépôt légal : .
22
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
Parce que chaque patient est différent,
il est nécessaire de personnaliser leur prise
en charge en fonction de leurs risques et de
leurs besoins(1).
Le choix d’un anticoagulant oral doit se
faire au cas par cas en tenant compte des
facteurs susceptibles de majorer le risque
thromboembolique ou hémorragique (1-3) :
• Âge,
• Comorbidités,
• Fonction rénale,
• Poids,
• Traitements concomitants,
• Qualité prévisible de l’observance.
La prise en compte des
spécificités des patients
pour une prise de décision
thérapeutique éclairée
Des études spécifiques pour évaluer les effets
des anticoagulants selon le profil de chaque
patient contribuent à améliorer les pratiques et
à vous guider dans vos choix thérapeutiques
pour une anticoagulation au plus proche des
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recherche sur l’ANTICOAGULATION
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L’anticoagulation orale
nécessite la prise en compte des
spécificités de chaque patient
1. HAS. Guide Parcours de Soins. Fibrillation atriale. Les parcours
de soins. Février 2014. 2. HAS. Bon usage du médicament.
Fibrillation auriculaire non valvulaire. Quelle place pour les
anticoagulants oraux non antivitamine K. Juillet 2013. 3. ANSM.
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Évaluation et classification
A
FICHE PRATIQUE
N°7
D’UNE STÉNOSE
AORTIQUE
Principe
B
Fig. 2. Évaluation d’un patient porteur d’un RA. A. voie
apicale : gradient moyen = 28 mmHg. B. voie parasternale
droite (sonde Pedoff) : gradient moyen = 67 mmHg.
➜ La définition d’une sténose aortique ou rétrécissement aortique (RA) évolue au cours du
temps en fonction des connaissances de la maladie et des techniques à notre disposition.
Basée pendant longtemps sur le gradient transvalvulaire, notre évaluation de la surface
aortique s’est complétée grâce au développement de l’échocardiographie. Plus récemment,
de nouvelles données ont montré l’importance du débit pour préciser la situation de certains
patients (que la FEVG soit altérée ou non). Enfin, la mesure de la vitesse maximale à travers
l’orifice sténosé reste une « valeur sûre », son incidence pronostique ayant été largement
démontrée. En 2014, toute sténose aortique doit donc être caractérisée par une approche
multiparamétrique. Elle doit également être « classée » en fonction des différents paramètres
pour permettre une prise en charge clinique adéquate. C’est cette double démarche que
nous vous proposons dans cette fiche.
Paramètres à recueillir
(Figure 1)
➜ Diamètre de la chambre de chasse VG ou diamètre sous-aortique
(incidence parasternale grand axe) en cm (A).
➜ ITV sous-aortique en Doppler pulsé (incidence apicale 5 cavités) en cm (B).
➜ ITV transvalvulaire aortique en Doppler continu (incidences multiples, cf. ci-dessous) en cm (C).
➜ Gradient moyen transvalvulaire aortique en Doppler continu
(même acquisition que l’ITV aortique) en mmHg (C).
➜ Vitesse maximale transvalvulaire aortique en Doppler continu
(même acquisition que l’ITV aortique), en m/s (C).
➜ Fraction d’éjection ventriculaire gauche (méthode Simpson biplan, incidences 4 et 2 cavités
apicales) en pourcentage (D).
A
A
B
B
Paramètres
calculés :
C
Fig. 3. Recueil de l’ITV sous-aortique pour calcul de la surface aortique. A. L’échantillon est un peu loin de la valve
et on mesure l’ITV à 15 cm. B. En descendant l’échantillon
au ras de la valve, on obtient une valeur de 20 cm, soit
25 % d’augmentation dans le résultat de la surface aortique.
Fig. 1. Recueil
des paramètres
nécessaires pour
l’évaluation
d’un RA.
D
➜ Indice de perméabilité :
simple rapport des 2 ITV
(sous-aortique/aortique) ;
➜ Volume d’éjection systolique
indexé (VESi) :
[(π x DiamssAo²/4) x ITV ssAo]/
SC en ml/m² ;
➜ Surface aortique (SAo)
indexée (SAoi) :
[(π x DiamssAo²/4) x ITV ssAo]/
ITVAo en cm² (ou SAoi en cm/m2
si SAo/surface corporelle).
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
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Utilisation clinique et seuils
➜ En pratique, on calcul donc l’ensemble des paramètres et on les
confronte pour définir le caractère
serré ou non du RA. Une surface
critique signe un RA serré, sauf si
le gradient est bas avec un débit
normal (probable sous-estimation
de la surface de la chambre de
chasse et RA modéré).
Limites et pièges
Définitions d’un RA serré selon le paramètre
et la recommandation de référence
Paramètres
Surface aortique
cm²
Seuil
≤ 1 cm² (ACC/AHA, ESC)
≤ 0,6 cm²/m² SC (ACC/AHA, ESC)
≤ 0,5 cm²/m² SC (SFC)
Gradient moyen
mmHg
≥ 40 mmHg (ACC/AHA, ESC)
≥ 50 mmHg (SFC)
Vmax (m/s)
≥ 4 m/s (ACC/AHA, ESC, SFC)
Indice de perméabilité
< 0,25 (ESC)
Recommandations : ACC/AHA 2014, ESC 2012, SFC 2005.
Classification des RA serrés
Paramètres
Surface Ao
Débit
Gradient
FEVG
Type de RA
Bas débit-bas gradient,
FEVG altérée
≤ 0,6 cm²/m² SC
VESi ≤ 35 ml/m²
≤ 40 mmHg
< 50 %
Bas débit,
mauvais VG
Bas débit-bas gradient,
FEVG conservée
≤ 0,6 cm²/m² SC
VESi ≤ 35 ml/m²
≤ 40 mmHg
≥ 50 %
Bas débit
paradoxal
Bas débit-gradient élevé,
FEVG altérée
≤ 0,6 cm²/m² SC
VESi ≤ 35 ml/m²
> 40 mmHg
< 50 %
Désadaptation
à la charge
Débit normal-gradient élevé,
FEVG conservée
≤ 0,6 cm²/m² SC
VESi > 35 ml/m²
> 40 mmHg
≥ 50 %
RA classique
Débit normal-bas gradient,
FEVG conservée
≤ 0,6 cm²/m² SC
VESi > 35 ml/m²
≤ 40 mmHg
≥ 50 %
RA modéré
La surface seuil 0,6 cm²/m² utilisée pour le tableau a été choisie car la plus utilisée dans la littérature.
La stratégie de prise en charge dépend du type de RA :
➜ RA bas débit-mauvais VG : recherche d’une réserve contractile sous faibles doses de
dobutamine (valeur pronostique et recherche d’une sténose pseudo-sévère) ;
➜ RA bas débit paradoxal : éliminer les causes d’erreur +++ (sous-estimation ch de chasse,
sous-estimation ITV ssAo, sous-estimation ITVAo car pas de parasternale droite, etc.). Attitude
discutée, probablement chirurgicale si le diagnostic est formel ;
➜ RA et désadaptation de la charge : URGENCE car la situation peut se dégrader très vite :
chirurgie ou TAVI (éventuellement dilatation au ballon en attente du geste définitif) ;
➜ RA classique : indication d’un geste si patient symptomatique ou si mauvaise tolérance au
test d’effort ;
➜ RA modéré : surveillance.
Conseils et astuces
➜ Recueil de l’ITV sous-aortique : une erreur est directement reportée sur la valeur de la
surface aortique. Il convient de se placer le plus près possible de la valve, juste avant la zone
d’accélération liée à la sténose, en prenant soin d’orienter son incidence pour aligner le flux
sous-aortique avec le capteur (en général en déplaçant la sonde vers l’aisselle du patient)
(Figure 3 au verso).
➜ Mesurer la chambre de chasse VG en plaçant les curseurs au pied des sigmoïdes aortiques
(Figure 1). Ceci correspond plutôt à l’anneau, mais limite la sous-estimation systématique de ce
paramètre si on la mesure plus en aval.
➜ En cas de fibrillation auriculaire, l’évaluation est difficile. Le moyennage sur plusieurs
cycles n’est pas une bonne approche (sauf si on dispose de beaucoup de temps !). On peut
donc choisir des cycles moyens (700 à 800 ms) et effectuer les mesures des 2 ITV sur ce type de
cycle. L’autre possibilité est de recueillir les flux simultanément en Doppler continu.
Ceci n’est fiable qu’à condition que la superposition se produise sur un cliché
enregistrant la vitesse maximale du flux aortique.
ÉCHOCardiographie - N°35 - Février 2015
➜ Ne pas se fier à l’aspect anatomique de
la valve pour conclure au caractère serré ou
non de la sténose (une valve encore mobile
peut être responsable d’une sténose serrée
et inversement).
➜ Ne pas oublier que l’équation de continuité
donne une surface fonctionnelle (donc par
définition inférieure à la surface anatomique
obtenue, par exemple par scanner ou IRM).
➜ Attention au recueil du flux transvalvulaire
(Doppler continu), car il conditionne
les résultats du gradient moyen, de l’ITV
aortique et de la Vmax donc une erreur a
beaucoup de conséquences !!!
Il est indispensable de recueillir ce flux au
moins par voie apicale (sonde couplée) et
parasternale droite (sonde Pedoff). Les
autres voies (suprasternale et sous-costale)
sont surtout utiles en cas d’échec des
précédentes (Figure 2 au verso).
➜ L’équation de continuité ne peut pas
s’appliquer en cas de vitesse sous-aortique ne
reflétant plus le débit (obstruction sousaortique). Le calcul de la surface n’est pas
possible.
➜ L’indexation à la surface corporelle est utile
pour rapporter la surface aortique au gabarit
du patient. Par contre, elle ne doit pas être
utilisée en cas de surpoids important (BMI >
30 kg/m²), car la surface corporelle ne reflète
plus le gabarit réel du patient. Le risque est
alors de trouver des sténoses serrées par
excès (exemple : SAo = 1,2 cm², taille =
175 cm ; poids = 68 kg ; SAo indexée =
0,66 cm²/m² mais si poids = 95 kg ;
SAoi = 0,57 cm²/m²).
De la même façon pour le VESi, le surpoids
amène très facilement à parler de « bas débit »,
alors que ce n’est pas réellement le cas.
Malheureusement ici, c’est la seule définition
validée du bas débit disponible.
➜ Attention à la pression artérielle systolique
qui peut modifier les résultats si elle est très
haute (notamment pour les bas débits
paradoxaux). L’examen doit être refait une
fois la PAS normalisée (recommandations
ACC/AHA 2014).

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