La rhumatologie d`ici et d`ailleurs

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La rhumatologie d`ici et d`ailleurs
Hiver 2012, Volume 22, Numéro 4
Le Journal de la Société canadienne de rhumatologie
Le point sur
La rhumatologie d’ici et d’ailleurs
Éditorial
• Un nom de marque pour l’arthrite au Canada
Prix, nominations et accolades
• À l’honneur : Dr Marvin Fritzler, Dr John Esdaile et
Dr Wojciech P. Olszynski
Vœux des Fêtes
• Vœux du président de la SCR, Dr Carter Thorne
• Vœux du vice-président de la SCR, Dr Cory Baillie
Hommage boréal
• Mme Janet Yale, présidente et chef de la
direction de la Société de l’arthrite
• Le moment est venu pour les rhumatologues de
dire adieu à la fibromyalgie : Lignes directrices
canadiennes 2012 pour la fibromyalgie
À la mémoire de...
Arthroscope
• Dr George Edward Price
• Réunion scientifique annuelle de la SCR :
un aperçu
• Le Réseau canadien de recherche sur les
vascularites
Articulons nos pensées
Impression et Opinion
• Recommandations canadiennes pour la PR :
applications pratiques
• De Varsovie aux Prairies canadiennes
• Rhumatologie : Transport en commun extrême
• Traiter, prier, aimer : un médecin à la recherche
de l’Utopie
• Pourquoi j’ai choisi le Canada pour pratiquer la
rhumatologie?
• L’exercice de la rhumatologie sur trois continents
• Règle no 1
• De la Guadeloupe à Calgary
Nouvelles régionales
• Bienvenue à Winnipeg
Dix points essentiels que les rhumatologues devraient connaître à propos…
• Des médecins du travail
Le JSCR est en ligne! Vous pouvez nous trouver à l’adresse : www.stacommunications.com/craj.html
ÉDITORIAL
Un nom de marque pour l’arthrite
au Canada
par Philip A. Baer, M.D.C.M., FRCPC, FACR
« Il en va ainsi comme de toutes choses : les noms sont
vitaux et importants. »
- Algernon H. Blackwood
« Qu'y a-t-il dans un nom? Ce que nous appelons rose /
Par n'importe quel autre nom sentirait aussi bon. »
- William Shakespeare, « Roméo et Juliette »
À
Nous sommes habiles de nos mains : nous avons un Smith
(artisan) qui peut faire une encoche (Dent), fabriquer une clé de
voûte (Keystone) ou travailler comme menuisier (Carpenter) ou
comme tailleur (Ta[i]ylor). Pour un homme (Man), nous connaissons la loi (Law), le prix (Price) de nos traitements et nous
retournons toutes les feuilles (Leaf) à la recherche de chaque
coin et recoin (Cranney) pour aider nos patients. Notre capacité
de maîtriser les maladies rhumatismales ne se mesure pas
uniquement en Watts. Si la PR (polyarthrite rhumatoïde) met le
feu aux articulations, nous avons un pompier (Fireman) et une
alarme (Bell) ou deux. Dans notre lutte contre la maladie rhumatismale, nous disposons aussi d’un Bombardier et nous volons
dans notre propre Lochead-Martin. À part les articulations, nous
nous occupons des maladies de plusieurs autres organes, y compris le poumon (Leung) et le cœur (H[e]art).
Nous ne faiblirons (Wither) pas. Nous resterons éternellement
jeunes (Yeung) et nous valserons (Waltz[ing]) au long des jours.
Nous pouvons nous tourner vers l’ancien testament pour de
l’inspiration et trouver divers grands prêtres (Aaron, Cohen et
Levy) et même une bougie (Nair). Nous connaissons notre valeur
(Edworthy, Ellsworth et Ensworth). Plusieurs d’entre nous sont
membres de la génération zoomer (Zummer), mais avec un
regard perçant de faucon (Hawker) et nous tenons notre rang
avec les Jones (tous les trois). Nous continuerons d’explorer de
nouvelles villes (Villeneuve) et de gravir d’autres montagnes
(Kraags). Nous ne sommes jamais radins (Petty) et sommes
reconnus pour être des étoiles (Starr) de notre domaine; nous
avons atteint des sommets (Topp). Personne n’oserait être une
épine (Thorne) dans notre flanc. En terminant, si vous avez
besoin d’un sapin de Noël (Tannenbaum) cette année, nous pouvons aussi vous l’offrir (Offer).
Personnellement, je ne prévois pas changer mon nom de
famille pour Bear; les gens se trompent si souvent en l’écrivant
que je n’ai pas besoin de le faire moi-même.
partir du milieu des années 1990 jusqu’au début de
l’an 2000, les Comptables généraux autorisés de l’Ontario avaient une campagne publicitaire dont le slogan
disait quelque chose du genre « Nous sommes le nom de marque pour les affaires au Canada ». On y voyait des photos et
des noms de famille de comptables qui portaient bien leurs
noms, Rich, Gold, Silver et autres Money. Un jour de tempête,
alors que mes patients avaient de la difficulté à se rendre à
mon bureau, je me suis amusé à parcourir sur Internet la liste
des membres de la SCR pour voir s’ils portaient bien leurs
noms eux aussi d’un point de vue rhumatologique.
Premièrement, nous sommes des gagnants : car nous avons un
Gagné (et il fait partie du Comité éditorial du Journal de la Société
canadienne de rhumatologie [JSCR]). Nous sommes riches aussi :
nous n’avons pas seulement un Goldsmith et un Goldstein, nous
avons aussi un Silverman, un Rich, une Pe(a)rlin et un Ferrari. Il
y avait aussi d’autres noms de voiture : outre Ferrari, nous avons
un Ford et un Morris. Nous n’avons plus besoin d’attendre que
les sous (Penney) tombent du ciel puisqu’ils sont sur le point
d’être abolis. Nous gagnons des prix (Grant[s]) parce que nous
ne remplissons pas nos demandes dans la précipitation (Rush) et
que personne ne jette rien à la Poubelle.
Nous aimons le nautisme : nous avons un bateau (Boate)
pourvu d’un foc (Jibb) et d'une irremplaçable quille (Keeling),
qui pourrait jeter l’ancre à Digby, Dorval, Hamilton ou Hudson.
Nous pouvons patauger (Wade) dans l'eau ou pêcher (Angle) le
Pollock. Le Golf n'est pas notre Baillie(wick) [domaine] puisque,
triste à dire, mais nous sommes des Duffy(ers) [incapables]. Nous
pouvons toutefois compter sur un photographe célèbre (Karsh).
Nous aimons manger (Chow) [nourriture] et Boire, y compris
la soupe Campbell et toutes sauces faites à partir d'un Roux raffiné, peut-être suivies de trois chopes (Stein[s]) de bière (Bir).
Nous pouvons apprécier le dessert fabriqué par notre propre
pâtissier (Baker), qui utilisera peut-être une grosse (Gross)
d’œufs et un mélange à purée Sheriff.
Nous sommes nobles avec notre Baron, notre Pope et autres
chefs d'état (Roy, Khan). Nous avons des premiers ministres
canadiens (Tupper, M[a]cDonald, Martin et Campbell) et un
gouverneur-général (Léger), de même qu’un président (Adams)
et un vice-président (Humphrey-Murto) américains.
Philip A. Baer, M.D.C.M., FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough, Ontario
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
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PRIX, NOMINATIONS ET ACCOLADES
L
es Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Journal de l’Association médicale
canadienne (JAMC) ont célébré le travail de chercheurs exceptionnels en annonçant les
lauréats des Prix IRSC-JAMC 2011 – Grandes réalisations dans la recherche en santé il y
a quelques mois. Un comité d’évaluation par les pairs composé d’experts canadiens et
internationaux a choisi ces candidats exceptionnels en raison des remarquables retombées de
leurs travaux pour les Canadiens et les autres citoyens dans le monde. Le Dr Marvin Fritzler a
reçu ce prix prestigieux en reconnaissance de ses longues années de recherche sur des
auto-antigènes innovateurs qui faciliteraient le diagnostic et le suivi des maladies autoimmunes. Pratiquement tous les auto-antigènes découverts par le Dr Fritzler ont permis de
mettre au point de nouvelles méthodes diagnostiques ou de trouver des biomarqueurs qui
sont largement utilisés dans les laboratoires de recherche et de diagnostic cliniques du monde
entier. Le Dr Fritzler procède à des épreuves diagnostiques et il collabore fréquemment avec
des rhumatologues canadiens et d’autres chercheurs cliniciens par l’intermédiaire de son
laboratoire, Mitogen Advanced Diagnostics. Ses résultats de recherche revêtent une grande
importance pour le diagnostic précoce et juste des maladies auto-immunes. Le Dr Fritzler est
professeur aux départements de médecine, de biochimie et de biologie moléculaire, ainsi que
membre du McCaig Institute for Bone and Joint Health à l’Université de Calgary.
L
e Dr John Esdaile a récemment été honoré par l’American College of Rheumatology (ACR)
qui lui a décerné le titre de Master. Il a réagi en ces termes en s’adressant au JSCR : « Si une
personne reçoit un tel honneur, c’est qu’elle a eu le bonheur d’être en contact avec des êtres
d’exception. J’ai étudié la médecine à cause d’un grand pédiatre, le Dr Jimmy O’Neil. Durant mes
études de médecine, un groupe remarquable d’immunologistes cliniciens – les Drs Sam Freedman,
Phil Gold, Joe Shuster et David Hawkins – ont suscité mon enthousiasme pour les maladies
rhumatismales et la recherche. Le Dr Alvan Feinstein, le grand-père de l’épidémiologie clinique,
m’a enseigné comment approfondir des idées cliniques et mener des recherches efficaces sur
cette base en vue d’influer favorablement sur la vie des personnes atteintes d’arthrite. Le
Dr Feinstein a été mon mentor le plus important. Mais, j’ai appris tout autant de certains
stagiaires de recherche brillants qui à leur tour influent sur les perceptions des cliniciens au sujet
de l’arthrite : parmi ces femmes et ces hommes, je retiens les noms des Drs Avina, Cibere, Clarke,
Fortin, Frankel, Kopec, Lacaille, Peschen, Marra et Sampalis; et je ne dois pas oublier le
Dr Matt Liang qui forme à lui seul une catégorie à part. Alors, je vous remercie tous et je remercie
les nombreux collègues qui m’ont aidé, stimulé et encouragé à chaque étape. » (Traduction libre)
L
e Dr Wojciech P. Olszynski est un éminent clinicien, enseignant et chercheur clinicien
dans le domaine de l’ostéoporose et des maladies osseuses métaboliques. Après avoir
terminé ses études de médecine à Varsovie, en Pologne, il a plus tard poursuivi et terminé
sa formation en médecine interne et en rhumatologie à l’Université de la Saskatchewan. Il est
professeur clinicien de médecine et il dirige le Saskatoon Osteoporosis and Arthritis Infusion
Centre. Cet automne, le Dr Olszynski a reçu le titre de consul honoraire de la République de
Pologne à Saskatoon.
Prix, nominations et accolades
Le Journal de la Société canadienne de rhumatologie tient à souligner les contributions de ses lecteurs dans le domaine médical et dans
leurs communautés locales.
Pour annoncer des récompenses, distinctions ou nominations dans un prochain numéro, envoyez-nous les noms des récipiendaires,
des détails pertinents et un bref compte rendu des honneurs à [email protected]. L’envoi de photos est fortement encouragé.
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JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
COMITÉ DE RÉDACTION DU JSCR
Mission. La mission du Journal de la SCR est de promouvoir l’échange d’information et d’opinions au sein de la
collectivité des rhumatologues du Canada.
RÉDACTEUR EN CHEF
Philip A. Baer, M.D.C.M., FRCPC,
FACR
Président, Section de
rhumatologie de l’Association
médicale ontarienne (AMO)
Scarborough, Ontario
MEMBRES :
Cory Baillie, M.D., FRCPC
Vice-président, Association
canadienne de rhumatologie
Professeur adjoint,
Université du Manitoba
Rhumatologue, Manitoba Clinic
Winnipeg, Manitoba
Cheryl Barnabe, M.D., FRCPC,
M.Sc.
Professeure adjointe, Division de
rhumatologie,
Département de médecine,
Université de Calgary
Calgary, Alberta
Michel Gagné, M.D., FRCPC
Polyclinique St-Eustache
St-Eustache, Québec
James Henderson, M.D., FRCPC
Président sortant, Société
canadienne de rhumatologie
Chef, Médecine interne,
Hôpital Dr. Everett Chalmers
Professeur, Université Dalhousie
Fredericton, Nouveau-Brunswick
Majed M. Khraishi, M.D., FRCPC
Directeur médical, Nexus Clinical
Research
Professeur clinique de
rhumatologie, Université Memorial
St-John’s, Terre-Neuve
Diane Lacaille, M.D., MHSc, FRCPC
Scientifique senior, Centre de
recherche de l’arthrite du Canada
Titulaire de la Chaire de
rhumatologie Mary Pack – Société
de l’arthrite
Professeure agrégée de
rhumatologie, Département de
rhumatologie, Université de la
Colombie-Britannique
Vancouver, Colombie-Britannique
Janet Markland, M.D., FRCPC
Professeure clinique, Unité des
maladies rhumatismales, Royal
University Hospital
Consultante invitée, Saskatoon
City Hospital
Médecin, Hôpital St. Paul’s
Professeure clinique, Université de
la Saskatchewan
Saskatoon, Saskatchewan
Carter Thorne, M.D., FRCPC, FACP
Président, Société canadienne de
rhumatologie
Ancien président, Association
ontarienne de rhumatologie
Directeur médical,
The Arthritis Program
Chef du service de rhumatologie,
Centre régional de santé Southlake
Newmarket, Ontario
Sylvie Ouellette, M.D., FRCPC
Professeure adjointe,
Université Dalhousie
Présidente, Association des
rhumatologues de l'Atlantique
Rhumatologue,
L’Hôpital de Moncton
Moncton, Nouveau-Brunswick
Lori Tucker, M.D.
Professeure agrégée de clinique
en pédiatrie, Université de la
Colombie-Britannique
Vancouver, Colombie-Britannique
John Thomson, M.D., FRCPC
Professeur adjoint, Département
de médecine, Division de
rhumatologie, Université d’Ottawa
Médecin, L’Hôpital d’Ottawa
Ottawa, Ontario
Michel Zummer, M.D., FRCPC
Professeur agrégé, Université de
Montréal
Chef, Département de
rhumatologie, Hôpital
Maisonneuve-Rosemont
Montréal, Québec
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Communications inc. Il est recommandé que les médecins évaluent l’état de leurs patients avant de procéder à tout acte médical suggéré par les auteurs ou les membres du comité
éditorial. De plus, les médecins devraient consulter les monographies de produit officiellement approuvées avant de prescrire tout médicament mentionné dans un article. Prière
d’adresser toute correspondance au JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE, 6500 Rte Trans-Canadienne, bureau 310, Pointe-Claire (Québec) H9R 0A5
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
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VŒUX DES FÊTES
Vœux du président de la SCR
par Carter Thorne, M.D., FRCPC, FACP
B
ienvenue au Journal de la Société canadienne de rhumatologie
(JSCR). La SCR représente près de 400 spécialistes de
l’arthrite.
Le milieu de la rhumatologie au Canada a connu trois époques
de développement et de renouveau professionnel. La première
époque, soit de 1936 à 1946, a été celle de la fondation de
l’Association canadienne des maladies rhumatismales (CRDA
pour Canadian Rheumatic Disease Association) animée par un petit
groupe sous la direction des Drs J.A. Meakins et Almon Fletcher,
entre autres. En 1946 naissait l’Association canadienne du rhumatisme sous la présidence du Dr Wallace Graham; son
acronyme CRA (pour Canadian Rheumatism Association) restera
celui de la Canadian Rheumatology Association, ou Société canadienne de rhumatologie (SCR) fondée à la troisième époque, dite
« moderne ». Sous la direction du Dr Paul Davis, la SCR deviendra
un organisme professionnel autonome qui tiendra son assemblée annuelle indépendamment de celle du Collège royal des
médecins et chirurgiens du Canada.
Comme le savent la plupart d’entre vous, notre Société a
récemment réalisé plusieurs projets, y compris l’acquisition du
Journal of Rheumatology (JRheum), la modernisation du site Web de
la SCR (www.rheum.ca), l’élaboration des normes d’agrément,
l’élaboration de lignes directrices pour la pratique clinique, les
plus récentes portant sur la polyarthrite rhumatoïde (PR). Les
lignes directrices pour le diagnostic et le traitement du lupus
érythémateux disséminé (LED) sont en cours de rédaction.
Au mois de mai, le conseil d’administration, les directeurs, les
présidents des comités et des invités se sont réunis au centre des
congrès Kingbridge, au nord de Toronto, pour la retraite
annuelle du Conseil de planification de la SCR. À la lumière de
ces travaux, nous avons retenu trois besoins impératifs :
1. Améliorer la pérennité de notre organisme reliée au soutien
financier du secteur privé et des relations avec ce secteur.
Nous avons donc élaboré un nouveau modèle de financement
que nous jugeons plus transparent pour toutes les parties
concernées, y compris les organismes de réglementation et
l’Agence du revenu du Canada, et qui est conforme aux
normes en évolution de l’industrie.
2. Soutenir les exigences désormais plus complexes de notre
organisation. Par conséquent, nous améliorerons l’infrastructure de la SCR et nous élaborerons des politiques et des procédures pertinentes aux besoins présents.
3. Élargir le cadre pour l’agrément. Récemment remanié, le
Comité de l’éducation dirigé par le Dr Chris Penney (Calgary)
préparera un programme solide pour faciliter l’élaboration et
la dissémination des pratiques exemplaires, conformément à
notre engagement envers le Collège royal.
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JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
Ces activités sont axées sur l’interne, mais nous nous préoccupons aussi du volet externe de
la SCR. Par exemple, nous travaillons à établir des relations plus
officielles avec l’Association médicale canadienne (AMC), le Collège
royal, l’Alliance sur les temps d’attente, la Direction des services de
santé non assurés (qui gère l’accès aux médicaments pour les
patients issus des Premières Nations) et avec Santé Canada (à
propos des nouveaux médicaments biologiques ou des bioéquivalents). Le Cadre national de l’Alliance de l’arthrite du Canada
(AAC) dévoilé à Calgary en septembre nous aidera à définir nos
nouvelles priorités et à réaffirmer les priorités de l’heure importantes pour nos membres. Le milieu de la rhumatologie accueille
avec grand plaisir la nouvelle présidente et chef de la direction
de la Société de l’arthrite. Certains parmi vous ont peut-être eu
l’occasion de rencontrer madame Janet Yale à la Soirée Canada
organisée dans le cadre de la conférence de l’American College
of Rheumatology (ACR).
Ces activités ne peuvent être menées à bien sans l’ajout de
ressources humaines et financières; nous vous donnerons de
plus amples renseignements à ce sujet dans les mois à venir, y
compris lors de l’assemblée annuelle de la SCR qui aura lieu à
Ottawa en 2013.
Bien entendu, la force de notre organisation repose sur le
nombre de ses membres, et nous sommes fiers de compter des
représentants de toutes les régions du Canada, incluant des rhumatologues pour adultes et pour enfants, ainsi que des rhumatologues qui exercent en milieu universitaire et dans la collectivité.
Nous espérons pouvoir ajouter les membres de l’Association des
professionnels paramédicaux sous le parapluie de la SCR.
Offrez-vous le plaisir de visiter le site Web de la SCR. Si vous
croyez pouvoir contribuer à l’avancement de la SCR, veuillez
communiquer avec un membre du comité de direction, du conseil d’administration ou avec le secrétariat. Nous vous attendons
à l’assemblée annuelle qui aura lieu à Ottawa en 2013 pour
profiter ensemble des réunions scientifiques, des occasions de
réseautage et des plaisirs de la capitale.
Carter Thorne, M.D., FRCPC, FACP
Président, Société canadienne de rhumatologie
Ancien président, Association ontarienne de rhumatologie
Directeur médical, The Arthritis Program
Chef du service de rhumatologie,
Centre régional de santé Southlake, Newmarket, Ontario
Vœux du vice-président de la SCR
par Cory Baillie, M.D., FRCPC
L
es fêtes de fin d’année sont souvent l’occasion d’une
réflexion, et je crois qu’à titre de membre de la SCR et
de son conseil d’administration, je suis encouragé
lorsque je fais le bilan des progrès et des accomplissements
de notre association cette année.
Un des changements les plus encourageants a été de constater les nombres croissants de nouveaux rhumatologues et le
nombre accru de résidents en médecine qui posent leur candidature pour les postes de résidents en rhumatologie. Il est
évident que les efforts du Comité des ressources humaines,
notamment des activités comme les programmes de livres à
l’intention des étudiants et des résidents en médecine, les
bourses d’été en recherche et en clinique et les programmes
comme « La joie de la rhumatologie », ont contribué favorablement à ces changements.
L’Initiative canadienne pour des résultats en soins rhumatologiques (ICORA), dirigée par le Dr Paul Haraoui, a été
accueillie au sein de la SCR comme un de ses comités et elle
compte aujourd’hui parmi les principales sources de financement pour les chercheurs dans le domaine de l’arthrite.
Auparavant tributaire d’un seul commanditaire, l’ICORA peut
désormais compter sur des subventions provenant plusieurs
partenaires du secteur privé.
Le succès du Journal of Rheumatology (JRheum) ne se dément
pas, à la fois sur le plan scientifique pour les rhumatologues
dans le monde entier et sur le plan financier pour la SCR.
Nous sommes également fiers de la croissance du lectorat du
Journal de la Société canadienne de la rhumatologie (JSCR) amorcée sous la direction du Dr Glen Thomson et qui se poursuit
sous celle de notre nouveau rédacteur en chef, le Dr Philip
Baer.
Le Comité des thérapeutiques vient de publier les Lignes
directrices de la SCR pour le traitement de la polyarthrite
rhumatoïde (PR) qui comprennent des recommandations
pour le traitement et les questions d’innocuité. En outre, ce
comité a récemment terminé l’examen des problèmes reliés à
l’innocuité du méthotrexate administré par voie souscutanée. Nous attendons avec impatience le résumé que ce
comité présentera à notre réunion scientifique annuelle à
Ottawa.
À propos de cette réunion scientifique annuelle de la SCR,
soulignons que la Dre Joanne Homik et son Comité scientifique travaillent assidûment pour organiser une autre réunion réussie qui s’avère aussi une excellente occasion de
réseautage et de rencontres entre les membres de la SCR et
avec les professionnels paramédicaux. Le Cours précongrès
des résidents occupe maintenant toute une journée et offre à
nos étudiants des cycles supérieurs de nouvelles occasions
d’approfondir leurs connaissances.
Notre Comité d’éducation se consacre au nouveau rôle de
la SCR, soit d’être l’organisme d’agrément des activités de formation médicale continue (FMC). La SCR souhaite entre
autres offrir des outils de FMC utiles à ses membres. Nous
espérons pouvoir bientôt développer des outils de FMC de
concert avec nos partenaires du secteur privé.
Le site Web redynamisé de la SCR (www.rheum.ca) continue
d’évoluer depuis son lancement il y a un an; le renouvellement de l’adhésion en ligne et l’inscription à la réunion
scientifique sont des ajouts particulièrement appréciés de
nos membres.
Notre Comité d’accès aux soins entame une collaboration
avec l’Alliance de l’arthrite du Canada (AAC). L’AAC
vient de publier son Cadre national pour améliorer la prévention et le traitement de l’arthrite au Canada
(www.arthritisalliance.ca/docs/media/201209171000_
framework_FR_855.pdf). Espérons que ce document aidera à
accroître la sensibili-sation à l’arthrite et à ses conséquences
et, avec le temps, qu’il convaincra les décideurs d’investir
davantage de ressources dans le traitement et la recherche.
Cette année, la SCR s’est engagée à jouer un rôle plus actif
auprès d’autres associations professionnelles afin d’exercer
des pressions et de créer des réseaux pour promouvoir le
bien-être de nos patients. Par exemple, nous avons présenté
des demandes pressantes à la Direction des soins de santé
non assurés pour faciliter l’accès aux médicaments pour les
patients issus des Premières Nations. Nous avons également
créé des liens avec l’Association médicale canadienne (AMC),
la Fédération des sociétés nationales de spécialistes du
Canada (FNSSC) et avec l’Alliance sur les temps d’attente
pour faire des représentations au nom des patients atteints
d’arthrite et des rhumatologues.
J’aimerais exprimer mes meilleurs vœux pour la saison des
Fêtes à tous nos membres. Que l’année 2013 vous apporte à
vous et à vos familles bonheur et santé! J’attends avec plaisir
l’occasion de vous rencontrer à Ottawa en février prochain.
Cory Baillie, M.D., FRCPC
Vice-président, Société canadienne de rhumatologie
Professeur adjoint, Université du Manitoba
Rhumatologue, Manitoba Clinic
Winnipeg, Manitoba
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
7
HOMMAGE BORÉAL
Mme Janet Yale, présidente et chef de
la direction de la Société de l’arthrite
Au cours de votre carrière, vous
avez occupé des postes de direction importants dans des organismes sans but lucratif, dans des
organismes publics et des entreprises privées dans divers secteurs
d’activités, notamment dans les
télécommunications et les arts.
Pourquoi avez-vous choisi de
défendre la cause de l’arthrite?
Mon choix s’explique par deux
raisons principales. La première est
que le secteur des activités sans but
lucratif a été ma première vocation
et qu’il reste le plus cher à mon
cœur. Après tant d’années consacrées à l’entreprise privée, je ne
pouvais tout simplement pas laisser
passer cette chance d’occuper un
poste de direction dans mon
domaine de prédilection. La deuxième raison, primordiale à
mes yeux, est que j’allais pouvoir m’investir dans une organisation qui défend une cause en laquelle je crois profondément. À
l’instar de nombreux Canadiens, je compte dans ma famille des
personnes éprouvées par la douleur chronique. Je connais le
lourd fardeau que cette douleur impose aux personnes atteintes
et à leurs proches et je sais combien d’énergie il faut pour la
combattre. La vision qui inspire la Société de l’arthrite – aider
des millions de personnes à bien vivre avec l’arthrite – a touché
un point sensible. Cette idée m’enthousiasmait, car je considère que c’est une façon positive d’envisager la maladie. Je suis
convaincue que nous saurons faire évoluer radicalement la perception qu’ont la population et les décideurs des problèmes
reliés à l’arthrite et, par conséquent, que nous marquerons des
progrès extraordinaires pour le bien de tous. Les fondements de
notre cause sont solidement établis, un atout remarquable. La
Société de l’arthrite n’a pas eu à m’offrir deux fois la chance de
militer pour cette cause et de l’aider à atteindre ses objectifs.
J’ai sauté sur l’occasion!
Vos expériences passées vous ont-elles enseigné une leçon qui
vous a préparée spécialement à travailler au sein de la Société
de l’arthrite?
8
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
Oui, et cette leçon est très simple :
tout est une question de leadership.
Un grand nombre d’organisations,
peu importe qu’elles relèvent du
secteur privé ou public ou du tiers
secteur, ont défini clairement leur
mission. Elles savent qui elles sont et
elles connaissent leurs objectifs,
mais toutes n’ont pas l’avantage
d’avoir une direction exceptionnelle. En observant autrui, j’ai appris
que les personnes ayant des qualités
de chef hors du commun possèdent
deux atouts, soit de la vision et de
l’inspiration : elles savent définir une
vision et inspirer à leurs collaborateurs le vif désir de la concrétiser.
C’est ainsi que les grands dirigeants
motivent leurs équipes dans l’établissement et le dépassement des
objectifs. Dans ces cas, on constate toujours que les leaders efficaces rassemblent leurs équipes et les amènent à comprendre
non seulement ce qu’il faut faire, mais comment il faut le faire.
C’est ce que j’espère réussir à faire dans mon travail, c’est-à-dire
mobiliser l’équipe composée de nos effectifs et des bénévoles à
travers le Canada, les stimuler en établissant avec cette équipe
des priorités ambitieuses pour la croissance et la démarche pour
atteindre ces objectifs. Je sais que nous pouvons y arriver parce
que je l’ai vu faire ailleurs. J’ai même eu la chance de participer
à ces succès. Je suis bien déterminée à réussir la même chose à
la Société de l’arthrite.
Vous êtes avocate. Comment votre formation en droit influet-elle sur votre manière de diriger une organisation et de
gérer les problèmes qui surviennent au sein des organismes
que vous dirigez?
En fait, je suis à la fois avocate et économiste, et mes amis me
taquinent en me disant qu’on m’a enseigné à être à la fois
agaçante et ennuyeuse! Je crois que ma formation professionnelle m’a appris – dès le début – que la communication est la clé
du succès. Presque immédiatement après la fin de mes études, j’ai
été plongée dans le domaine des affaires réglementaires et j’ai
écouté des avocats débattre de questions techniques très
pointues à propos de politiques devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), en
utilisant souvent des modèles et des arguments économiques
complexes. Qu’ai-je retenu de leurs débats? Que savoir communiquer efficacement est un atout extraordinaire. Rares sont les
mauvais communicateurs qui ont obtenu des résultats positifs
pour les entreprises où ils ont travaillé. J’ai compris cette leçon
dès le début de ma vie professionnelle et j’entends bien l’appliquer à la Société de l’arthrite. Bien expliquer notre mission, convaincre notre personnel et nos bénévoles à travers le pays ainsi
que tout le milieu de l’arthrite que nos meilleurs efforts doivent
être consacrés à cette mission, obtenir un soutien encore plus
grand des parties prenantes et des commanditaires – tous ces
objectifs ne sauraient être atteints sans privilégier l’efficacité des
communications. C’est donc une stratégie née de mes expériences passées que je veux appliquer à titre de présidente de la
Société de l’arthrite.
Pourrez-vous compter sur des ressources inexploitées pour
accroître l’influence de la Société de l’arthrite?
Je ne fais que commencer à découvrir la pleine ampleur des compétences, des connaissances et de l’énergie au sein de notre
organisation. Lorsque nous travaillerons en collaboration et en
partenariat avec d’autres, je pense que nous aurons accès à
d’extraordinaires ressources inexploitées. Je crois, par exemple,
que nous faisons un magnifique travail dans tout le Canada en
offrant des programmes et des services aux personnes atteintes
d’arthrite, mais si nous utilisons ces compétences particulières et
si nous les combinons à des stratégies commerciales et grand
public – et nous avons accès à ce savoir-faire par l’entremise d’un
grand nombre de nos partenaires –, nous découvrirons de nouvelles chances de progresser. Nous pourrions devenir une
autorité en apposant notre signature sur des techniques, des
outils, des instruments et des services qui facilitent la vie des personnes atteintes d’arthrite. Cette définition prestigieuse de notre
marque et cette plus grande visibilité pourraient ouvrir de nouvelles perspectives. Alors, oui, je dirais que nous avons accès
à de nombreuses ressources inexploitées ou insuffisamment
exploitées. C’est une de mes grandes priorités que de faire découvrir la valeur de ces ressources.
Vous espérez aider la Société de l’arthrite à atteindre quels
objectifs?
Les objectifs et la mission de la Société de l’arthrite sont déjà
clairement définis. Notre raison d’être est d’apporter le leadership et le financement nécessaires à la recherche et à la défense
des droits, et de trouver des solutions pour améliorer la qualité
de vie des Canadiens atteints d’arthrite. La nature de notre mission est donc bien établie. Par conséquent, mes objectifs doivent
être axés sur les moyens : comment atteindre nos objectifs, voire
les surpasser et faire en sorte que les bienfaits s’étendent à
encore plus de gens. Je viens tout juste de prendre mes fonctions,
mais j’ai déjà quelques idées. Je suis par ailleurs persuadée que
nous pouvons et que nous devons accroître nos activités de
financement pour augmenter les ressources que nous consacrons à notre mission. Notre plus grande priorité est de déterminer et de prioriser des projets clés à l’échelle nationale et
locale qui sauront intéresser les gens et avoir un impact significatif. En résumé, je me consacrerai à mobiliser l’équipe autour de
quelques objectifs bien précis et axés sur les moyens de mieux
réaliser notre mission. J’ai pleinement confiance que nous possédons tous les ingrédients du succès.
Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de nouveaux
projets intéressants en cours ou sur le point de débuter à la
Société de l’arthrite?
Dans la foulée de son importante stratégie de recherche mise en
œuvre l’an dernier, la Société de l’arthrite a récemment procédé
à une évaluation approfondie des besoins. Les résultats de cette
étude orientent déjà nos programmes et nos services futurs et je
compte bien poursuivre sur cette lancée. J’aimerais vous donner
un exemple concret : pour mieux venir en aide aux millions de
Canadiens atteints d’arthrite, la Société de l’arthrite a récemment inauguré un site Web redynamisé à www.arthrite.ca pour
offrir encore plus de ressources. « Nous sommes atteints
d’arthrite! L’arthrite n’atteint pas notre courage. » Voilà notre
nouvelle devise! Elle vise à accroître la sensibilisation à l’arthrite
et à mieux faire connaître la Société de l’arthrite, une de mes
grandes priorités.
Les entreprises de télécommunications, par exemple TELUS
où vous avez déjà travaillé, semblent manifester un intérêt
croissant pour le domaine des soins de santé, et en particulier
pour les applications électroniques reliées à la santé. Quels
seraient les avantages de cet intérêt pour l’ensemble du
système de santé au Canada ainsi que pour les consommateurs et les fournisseurs de soins de santé?
L’utilisation et l’intégration des nouvelles technologies peuvent
avoir d’innombrables avantages. Par exemple, l’accès à des outils
diagnostiques plus rapides et plus précis, la transmission plus
rapide des résultats des examens de laboratoire, des bases de
données plus efficaces et plus faciles à consulter sur les antécédents médicaux et pharmacologiques. Tous ces avantages et
d’autres encore auront un retentissement direct sur la qualité de
vie des personnes atteintes de maladies chroniques, y compris
l’arthrite et la douleur. Je voudrais inclure la Société de l’arthrite
dans ce propos. Notre site Web redynamisé s’avère une véritable
mine de renseignements et d’explications sur l’arthrite, une
source d’information inégalée. En plus de toute l’information
que recueille et collige la Société de l’arthrite, le site propose un
accès facile à un éventail presque illimité de ressources externes.
Ces nouveaux outils de communication expliquent pourquoi
nous sommes sur le point de connaître de grands changements.
Je ne peux que me sentir privilégiée d’occuper ce poste à ce
moment précis dans notre histoire.
Janet Yale, présidente et chef de la direction, Société de l’arthrite
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
9
HOMMAGE BORÉAL
Le moment est venu pour les
rhumatologues de dire adieu à la
fibromyalgie : Lignes directrices
canadiennes 2012 pour le diagnostic et
la prise en charge du syndrome de
fibromyalgie
par Mary-Ann Fitzcharles, M.B., Ch.B., et Peter A. Ste-Marie, B.A.
Pourquoi avait-on confié la fibromyalgie exclusivement aux
rhumatologues?
Les professionnels de la santé, les patients et les tiers payeurs se
tournent depuis toujours vers les rhumatologues pour le diagnostic et, souvent, pour la prise en charge des patients atteints
de fibromyalgie (FM), et ce, pour diverses raisons. Premièrement,
il y a très longtemps, on croyait que la FM était causée par une
atteinte des tissus mous et qu’elle relevait par conséquent de la
compétence des rhumatologues. En effet, dans les ouvrages de
cette époque, la FM était classée dans la catégorie des troubles
des tissus mous, comme le fait encore aujourd’hui l’American
College of Rheumatology (ACR). Cette explication a semblé
encore plus plausible après que des études eurent démontré que
les patients manifestaient une sensibilité à la palpation durant
l’examen de certaines parties du corps appelées « points sensibles », une observation qui renforçait le concept d’une pathologie des tissus mous. Ainsi, depuis vingt ans, les rhumatologues
« imposent les mains », ou plutôt les pouces, avec une pression de
4 kg exactement et posent le diagnostic de FM.
Deuxièmement, étant donné que la FM est une affection
quelque peu nébuleuse sans anomalie qui la caractérise spécifiquement, les patients voulaient être rassurés en faisant confirmer le diagnostic par un « expert ». Maintenant qu’il est établi
que la pathogénie de la FM est localisée principalement dans le
système nerveux et qu’il existe des preuves d’une régulation anormale des voies de la douleur transmettant les signaux des nerfs
périphériques vers la moelle épinière ainsi que dans le cerveau,
le moment est peut-être venu pour les rhumatologues de mettre
fin à leur responsabilité de diagnostiquer et de traiter ces
patients.
Troisièmement, on demandait souvent aux rhumatologues
d’expliquer la signification d’une faible concentration d’anticorps antinucléaires ou du facteur rhumatoïde chez un patient
qui manifeste de vagues symptômes de douleur physique et de
10
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
fatigue. Le rhumatologue devait donc affirmer qu’aucune maladie du tissu conjonctif ne couvait chez le patient et que le
diagnostic évoquait la FM.
Moment propice pour un changement de paradigme?
Plusieurs raisons justifient que la communauté médicale et la
société acceptent un changement de paradigme en ce qui concerne la fibromyalgie; les préoccupations au sujet du manque
d’effectifs en rhumatologie et du grand nombre de patients
atteints de maladies rhumatismales viennent au premier rang.
Étant donné que les études démographiques indiquent que la
FM touche au moins 2 % de la population, une estimation par
ailleurs conservatrice, il est inconcevable que tous les patients,
ou même seulement une partie d’entre eux, soient examinés par
un spécialiste ou par un rhumatologue en particulier. Les rhumatologues sont des spécialistes des soins aux patients atteints
d’arthrite inflammatoire et ils devraient pouvoir approfondir ces
compétences spécialisées, mais sans négliger pour autant un
patient atteint de FM comparativement à un patient atteint
d’arthrite inflammatoire. Les personnes atteintes de FM sont bel
et bien souffrantes et par conséquent, il importe de trouver pour
elles le meilleur contexte pour recevoir des soins de santé.
La FM est un syndrome douloureux polysymptomatique et il se
manifeste par de la douleur, des troubles de l’humeur et du sommeil, des symptômes qui sont clairement hors du domaine usuel
des maladies rhumatismales. Les rhumatologues ne sont pas des
spécialistes du diagnostic ou du traitement des nuances des
troubles de l’humeur, tout comme ils n’ont pas les connaissances
spécialisées pour expliquer les principes de l’hygiène du sommeil
ni pour instaurer un traitement par des somnifères. Étant donné
que le modèle de soins idéal pour la plupart des patients atteints
de FM est fondé sur une approche intégrée supervisée par
l’équipe de soins, une consultation individuelle chez un seul rhumatologue est moins utile. La prise en charge de ces patients par
une équipe multidisciplinaire regroupant une infirmière et
d’autres professionnels de la santé s’est avérée optimale, mais la
plupart des patients n’ont pas accès à de tels services. Par conséquent, le rôle du médecin de premier recours dans la prise en
charge de la FM apparaît de plus en plus logique et on devrait en
faire vigoureusement la promotion. Les nouveaux modèles de
soins primaires multidisciplinaires, comme les équipes de santé
familiale en Ontario et d’autres modèles semblables adoptés
dans d’autres provinces, pourraient répondre aux besoins de
soins de santé des patients atteints de FM.
Les concepts sociaux de la santé et de la maladie devraient
également être soumis à un changement de paradigme, car les
patients s’attendent désormais à ce que le diagnostic, et souvent
le traitement, soit toujours confié à des spécialistes. Enfin, l’idée
selon laquelle les symptômes s’expliquent par une anomalie
physique reste profondément ancrée, ce qui a contribué à faire
grimper les coûts des soins de santé de ces patients.
L’essentiel des lignes directrices
En gardant ces concepts à l’esprit, un groupe multidisciplinaire
de professionnels de la santé ont préparé des lignes directrices
pour la prise en charge rationnelle des patients atteints de FM au
Canada, en y intégrant des recommandations pour le diagnostic,
le traitement et le cheminement des patients. Ces lignes directrices sont entérinées à la fois par la SCR et par la Société canadienne pour le traitement de la douleur; par conséquent, la communauté médicale devrait, nous l’espérons, aborder avec une
plus grande confiance les divers aspects de la FM. Nous
décrivons ci-après quelques principes fondamentaux des lignes
directrices, mais le document intégral des lignes directrices et
des recommandations peut être consulté librement sur le site
Web de la SCR (www.rheum.ca/fr/publications/cra_fm_guidelines).
La fibromyalgie est une entité clinique dont le diagnostic
définitif devrait être établi dans le contexte des soins primaires,
sans faire appel à un spécialiste pour confirmer le diagnostic ou
s’occuper du suivi, sauf dans de rares cas où l’opinion d’un spécialiste est requise. Le diagnostic est clinique et requiert peu
d’examens de laboratoire; il n’est pas nécessaire de procéder à un
examen des points sensibles, cette évaluation étant subjective et
sans fondement scientifique. Étant donné que le médecin de
premier recours est le professionnel tout indiqué pour bien
connaître son patient, tant sur le plan sanitaire que sur le plan
psychosocial, la prise en charge optimale devrait rester dans le
contexte des soins primaires, et il convient d’éviter les demandes
excessives de consultations et d’épreuves de laboratoire, ce qui
ne fait qu’amplifier l’importance de la maladie.
Sur le plan thérapeutique, la prise en charge de chaque
patient devrait inclure des interventions non pharmacologiques,
avec l’objectif de développer un fort locus interne de contrôle
par des stratégies de prise en charge autonome. Il importe de ne
pas entretenir la passivité du patient en lui prescrivant seulement des médicaments qui, en général, n’ont qu’un effet modeste
et entraînent des effets indésirables qui miment parfois les symptômes de la FM. Bien que leur emploi ne soit pas appuyé par des
données probantes dans la littérature, mais qu’elles soient
fréquemment utilisées en pratique clinique, les combinaisons
médicamenteuses peuvent être prescrites à des doses plus faibles
de chaque agent en vue de réduire les effets indésirables. L’idée
généralisée que les personnes atteintes de FM sont incapables de
travailler est aujourd’hui contestée, et un changement de la
mentalité sociale serait souhaitable : l’accent doit être mis sur la
motivation des patients et sur la conservation d’un mode de vie
normal, tout en reconnaissant que les symptômes sont susceptibles de persister et de fluctuer.
Croyez-vous que ce changement de paradigme se fera ou que
les patients atteints de FM resteront les Cendrillons de la
rhumatologie clinique?
Les rhumatologues devront jouer un rôle essentiel dans l’avènement d’un nouveau paradigme de soins; ils devront participer à
la formation des médecins de premier recours pour accroître
leur confiance dans le diagnostic et la prise en charge de la FM.
La FM demeure entourée de nombreux mythes qu’il faudra faire
disparaître grâce à la connaissance et à l’empathie. La perception
que les patients atteints de FM ont de plus grands besoins que
ceux des autres patients ou qu’ils sont plus difficiles à traiter doit
être remplacée par une empathie empreinte de fermeté. Ces
patients ont certes des besoins connus, mais nous devons
induire un changement du paradigme social pour que ces personnes cessent d’être des malades passifs et qu’avec l’assistance
requise, elles participent à la société et assument des responsabilités sociales. Le marketing social, qui a probablement contribué à l’impression d’invalidité, devrait maintenant être utilisé
pour projeter une perception plus positive de la FM.
Mary-Ann Fitzcharles, M.B., Ch.B.
Professeure agrégée, division de rhumatologie,
Unité de gestion de la douleur Alan Edwards,
Centre universitaire de santé McGill
Montréal, Québec
Peter A. Ste-Marie, B.A.
Faculté de droit, Université de Montréal
Unité de gestion de la douleur Alan Edwards,
Centre universitaire de santé McGill
Montréal, Québec
C’est avec une grande tristesse que nous partageons la nouvelle du décès
du Dr Hugh Smythe, 1927-2012, et du Dr Duncan Gordon, 1930-2012.
Un texte afin de leur rendre hommage sera publié dans le numéro du printemps 2013 du JSCR.
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
11
À LA MÉMOIRE DE...
George Edward Price
par Kam Shojania, M.D., FRCPC
L
e Dr George Edward Price est décédé à l’Hôpital
général de Vancouver le vendredi 19 octobre 2012. Il est
né à Winnipeg et lorsqu’il avait neuf ans, sa famille s’est
installée à Victoria. Diplômé du Victoria High School, il a
poursuivi ses études au Victoria College, puis à l’Université
de Chicago et il a obtenu son doctorat en médecine à
l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) en 1959.
Après avoir terminé ses études supérieures en médecine
interne, George a commencé à exercer comme interniste et
rhumatologue à Vancouver. Il a été l’un des premiers rhumatologues en Colombie-Britannique, et il a surtout été le premier à traiter des patients atteints de lupus érythémateux disséminé (LED), de vascularite et d’affections rares. Clinicien et
enseignant, George éprouvait une grande fierté à l’égard de
son travail. Dans les années 1960, la division de la rhumatologie à l’UBC était composée des Drs Harold Robinson et
Denys Ford. George a été leur premier boursier de recherche
en 1964! Le Dr Robert Offer se rappelle que George faisait
preuve d’une grande audace dans les débats scientifiques et,
ajoute-t-il, « j’ai beaucoup appris en écoutant George et
Denys débattre de questions cliniques, car ni l’un ni l’autre
ne craignait d’affirmer ses opinions haut et fort! »
George a été chargé de cours à l’UBC de 1965 à 1975, puis
professeur agrégé de 1975 à 1989, année où il a été nommé
professeur honoraire alors qu’il exerçait au King Fahd
National Guard Hospital, à Riyad, en Arabie saoudite. Il a été
le premier directeur médical de l’UBC Health Sciences
Centre Hospital, poste qu’il a occupé durant 10 ans; il a
ensuite été directeur médical du King Fahd Hospital durant
trois ans. Pendant son séjour en Arabie saoudite, il a aussi
collaboré avec le personnel médical militaire des États-Unis
durant l’Opération Tempête du désert. À son retour à
Vancouver, George a repris son cabinet médical jusqu’à sa
retraite en 2000.
George a contribué de manière importante à la vie collective, notamment par son engagement au sein de la Société de
l’arthrite, de l’organisme Boys and Girls Clubs de la région de
Vancouver et de la B.C. Rehabilitation Foundation. À la fois
ami et médecin de nombreux juges et avocats, il était membre
actif de la Medical Legal Society.
Fervent amateur de plein air, George a connu certains de
ses plus beaux moments lors de randonnées pédestres avec
John Boone et, plus tard, avec son fils Bryan; il aimait aussi les
activités nautiques, la pêche à la mouche avec Ray, le ski et la
descente en eau vive sur les rivières nordiques. Médecin militaire au sein de la 19e Escadre de l’Aviation royale canadienne (aux.) durant ses jeunes années, il a apprécié la camaraderie des membres de son escadron pendant plus de 50 ans.
12
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
1934 - 2012
George laisse dans le deuil son épouse Dianne, son fils
Bryan (Lori), ses petits-fils pleins de vie Colin George et Scott
Roderick, ainsi que sa fille Megan.
Les proches de George tiennent à remercier le Dr Tom
Gibson, ami et médecin de la famille, pour ses soins attentifs
et sa compassion, ainsi que le Dr Joseph Connors, à qui
George vouait un immense respect pour la sagesse, l’appui et
la franchise dont il a fait preuve alors qu’il l’accompagnait
dans sa lutte contre la leucémie. La famille souhaite également remercier le Dr Callum Reid (fils du Dr Graham Reid,
rhumatologue) pour son dévouement et son appui durant les
derniers jours de la vie de George. Merci aussi au personnel
de soins infirmiers de l’Hôpital général de Vancouver : personne n’aurait pu recevoir de meilleurs soins. Un merci tout
particulier à Helga et Sarah (Community Healthcare
Nursing). Vous avez tous allégé son fardeau.
Une célébration à la mémoire de George a eu lieu le
2 novembre 2012 au NCSM Discovery, à Stanley Park,
Vancouver.
Pour ceux qui désirent offrir un don à la mémoire de
George, la famille éprouverait une grande reconnaissance si
vous faisiez un don à la fiducie familiale (Dr. G.E. Price Family
Trust) au bénéfice des Boys and Girls Clubs of South Coast
B.C., ou un don à la Société de l’arthrite ou à la B.C.
Rehabilitation Foundation.
Dr Kam Shojania, au nom de la famille du
Dr George E. Price et de la communauté
des rhumatologues de la Colombie-Britannique
Afin d’en savoir plus sur les contributions du Dr Price au
JSCR : http://bit.ly/WbyGtQ
ARTHROSCOPE
Réunion scientifique annuelle
de la SCR : un aperçu
par Joanne Homik, M.D., M.Sc., FRCPC
N
ous sommes satisfaits du travail accompli à ce jour
pour la planification de notre réunion scientifique
annuelle de 2013 qui aura lieu dans la capitale canadienne, à Ottawa, du 13 au 16 février. Dans la foulée du succès de la réunion tenue à Victoria en 2012, qui avait accueilli
367 participants et présenté 13 conférences et 139 séances
d’affiches, nous espérons faire encore mieux à Ottawa!
Nous avons des conférenciers d’honneur particulièrement
intéressants, entre autres le Dr Joel Kremer, un des nôtres, qui
prononcera la conférence Dunlop-Dotteridge. La conférence
sur l’état des connaissances sera présentée par le Dr Jan Dutz,
qui discutera de cas dermatologiques complexes en rhumatologie. La Mise à jour nationale portera sur les nouvelles
lignes directrices pour la pratique clinique pour le diagnostic
et le traitement de l’arthrite juvénile idiopathique, de la
fibromyalgie et de la polyarthrite rhumatoïde. Nous avons par
ailleurs accru le nombre de groupes de travail pour que notre
réunion conserve son ambiance conviviale; vous pourrez
aussi assister à trois excellents symposiums parrainés par le
secteur privé sur diverses questions reliées à l’immunisation,
à la rhumatologie gériatrique et à la spondylite.
La réunion commencera le mercredi par le Cours précongrès à l’intention des résidents et des étudiants des cycles
supérieurs; suivront la soirée d’ouverture de la réunion et
l’allocution du récipiendaire, encore inconnu, du Prix du
rhumatologue émérite. Nous avons reçu plus de 200 résumés intéressants et les meilleurs feront l’objet d’exposés lors
des séances plénières à l’intention des stagiaires et des
membres. Les autres résumés choisis seront présentés sous
forme d’affiches lors de deux séances subséquentes. Nul
doute que ces présentations susciteront de nombreuses
interactions entre collègues.
Nous avons hâte de vous rencontrer à Ottawa!
Joanne Homik, M.D., M.Sc., FRCPC
Professeure agrégée de médecine
Directrice, Division de rhumatologie,
Université de l’Alberta
Présidente, Comité scientifique,
Société canadienne de rhumatologie
Edmonton, Alberta
Assemblée générale annuelle
La prochaine assemblée générale annuelle de la SCR
aura lieu le vendredi 15 février, à 11 h 30, à l’Hôtel
Château Laurier.
La réunion est ouverte aux membres en règle de la SCR
seulement.
Veuillez visiter le www.rheum.ca pour plus
d’informations concernant l’inscription à cette réunion.
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
13
ARTHROSCOPE
Le Réseau canadien de recherche sur
les vascularites
par Christian Pagnoux, M.D., M.Sc., MPH
L
e Réseau canadien de recherche sur les
vascularites (CanVasc) est un réseau
national de recherche scientifique et
clinique. Il a été créé à Toronto en novembre 2010 par les Drs Christian Pagnoux
et Simon Carette (Clinique de la vascularite, Département de rhumatologie,
Hôpital du Mont Sinaï, Réseau universitaire de santé de Toronto) et le Dr Nader
Khalidi (Département de rhumatologie,
St. Joseph’s Healthcare, Hamilton), respectivement. Les buts principaux de CanVasc sont
d’aider à optimiser la prise en charge de la vascularite
et de réaliser des études au Canada sur le sujet ou d’y
collaborer pour améliorer les résultats chez les patients.
Le Réseau et ses centres
La première tâche des fondateurs de CanVasc a été de
faire appel aux médecins canadiens qui s’intéressent à la
recherche et qui ont une expertise clinique en matière
de vascularite pour qu’ils fassent partie de CanVasc. Une
liste complète des centres de référence a été dressée
(Tableau 1) et on peut y accéder en se rendant sur le site
Web de CanVasc, à l’adresse www.canvasc.ca.
Initiatives pour la formation et la sensibilisation
L’équipe centrale de CanVasc a lancé des programmes de
formation et de sensibilisation à l’intention des professionnels de la santé, ce qui inclut des ateliers tenus dans
le cadre de congrès (par exemple, à l’occasion des réunions scientifiques annuelles de la Société canadienne de
rhumatologie [SCR]), de la documentation (telle que le
Programme REVISIT [Recent Evidence in Vasculitis
Science and Treatment]) et un site Web mis à jour
régulièrement. CanVasc tient également une réunion
annuelle durant laquelle on aborde les résultats d’études
récentes sur la vascularite et on passe en revue les essais
en cours et à venir. La première conférence a eu lieu en
juin 2011 à Toronto; la prochaine se tiendra en novembre
2012. Pour des renseignements sur le programme et les
inscriptions, consultez l’adresse www.canvasc.ca.
14
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
Lancer, réaliser et promouvoir les études
sur la vascularite
Comme la vascularite est une maladie rare,
les études de CanVasc et du VCRC
(Vasculitis Clinical Research Consortium) nord-américain doivent être multicentriques et/ou multinationales. Le
VCRC n’exploite que deux centres au
Canada à l’heure actuelle (Toronto et
Hamilton) et ne prévoit pas s’adjoindre
d’autres centres canadiens pour l’instant.
CanVasc fait la promotion des essais thérapeutiques internationaux et y participe; cela inclut des
études sur l’échange plasmatique et la corticothérapie
dans le traitement de la vascularite associée aux anticorps
antineutrophiles cytoplasmiques (PEXIVAS), dirigées
au Canada par le Dr Michael Walsh, un membre associé
de l’équipe CanVasc (Département de néphrologie,
St. Joseph’s Healthcare, Hamilton, Ontario). Le réseau vise
aussi la création d’un registre canadien des cas de vascularite chez l’adulte; les responsables du projet sont les
docteurs Lillian Barra, Nataliya Milman, Christian
Pagnoux et Marinka Twilt. Ce registre sera relié à un registre de la vascularite chez l’enfant : deux bases de données
pédiatriques continues (ARCHiVe) et BRAINWORKS, pour
les enfants qui souffrent de vascularite systémique et
cérébrale, dirigées par la Dre Susanne Benseler (Hospital
for Sick Children, Toronto) et le Dr David Cabral (B.C.
Children's Hospital, Vancouver), et InterSPACE, une
récente base de données internationale sur la vascularite
du système nerveux central, coordonnée par le Dr Sylvain
Lanthier (Département de neurologie, CHUM, Montréal).
Lignes directrices et consensus nationaux
En plus des objectifs précités, CanVasc vise à développer
des recommandations consensuelles pour le diagnostic et
la prise en charge de la vascularite au Canada, à commencer par les vascularites associées aux anticorps antineutrophiles cytoplasmiques (ANCA). L’étape initiale consistait
à faire le relevé des principales questions selon les spécificités canadiennes. Les Drs Leilani Famorca et Marinka
Tableau 1
Liste des centres CanVasc et de leurs principaux membres
Province
Colombie-Britannique
Alberta
Saskatchewan
Manitoba
Ontario
Québec
Terre-Neuve
Nouvelle-Écosse
Ville
Vancouver
Edmonton
Calgary
Saskatoon
Winnipeg
Toronto
Hamilton
Ottawa
Kingston
London
Newmarket
Sherbrooke
Montréal
Québec
St. John’s
Halifax
Principaux membres
Dr Kam Shojania, Dr David Cabral
Dre Elaine Yacyshyn
Dre Aurore Fifi-Mah
Dre Regina Taylor-Gjevre
Dr David Robinson
Dr Simon Carette, Dre Susanne Benseler
Dr Nader Khalidi
Dre Nataliya Milman
Dr Tanveer Towheed
Dre Lillian Barra
Dr Carter Thorne
Dr Patrick Liang
Dre Michelle Goulet, Dr Christian Pineau
Dre Judith Trudeau, Dr Paul Fortin
Dr Majed Khraishi
Dr Volodko Bakowsky, Dre Christine Dipchand
Twilt ont préparé un questionnaire d’évaluation des
besoins sous la supervision des Drs Christian Pagnoux et
Patrick Liang. Ce questionnaire a été envoyé par courriel
en juillet 2012 aux membres des sociétés canadiennes de
rhumatologie, de pneumologie et de néphrologie.
La vascularite n’est pas plus rare au Canada qu’aux
États-Unis ou en Europe. Le Canada compte de nombreux
médecins et chercheurs réputés qui travaillent sur la
vascularite et qui appartiennent maintenant à CanVasc. À
ce titre, le réseau est sans contredit appelé à devenir un
joueur clé à long terme dans le domaine de la vascularite
et un partenaire de taille du VCRC.
Christian Pagnoux, M.D., M.Sc., MPH
Fondateur et vice-directeur de CanVasc
Professeur agrégé, Division de rhumatologie,
Département de médecine, Hôpital du Mont Sinaï
Toronto, Ontario
Le JSCR...en route!
Vous sortez de la ville? Pourquoi ne pas apporter un peu de lecture légère!
Envoyez-nous une photo de vous en vacances lisant une copie du JSCR et
nous vous présenterons nos clichés favoris dans le prochain numéro.
Veuillez envoyer vos photos à [email protected].
Bon voyage!
Loin d’Edmonton, le Dr Tony Russell passe un bon moment avec le JSCR sur le canal de Su-Zhong,
hors de Shanghai.
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
15
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ARTICULONS NOS PENSÉES
Recommandations
canadiennes pour la PR :
applications pratiques
par Philip A. Baer, M.D.C.M., FRCPC, FACR
L
a SCR a récemment émis ses nouvelles recommandations thérapeutiques pour le traitement
de
la
polyarthrite
rhumatoïde
(PR),
disponibles
en
ligne
sur
son
site
Web
(www.rheum.ca/fr/publications/cra_ra_guidelines). Dans ce
numéro, la rubrique Articulons nos pensées a voulu savoir de
quelle façon les membres de la SCR ont accédé à ces
lignes directrices et si ces nouvelles recommandations ont
influencé leur pratique.
Plus de la moitié (56 %) des membres ont répondu
qu'ils ont lu les parties I et II des lignes directrices sur le
traitement de la PR; quelques membres n'ont lu, à ce jour,
que la première partie (16 %), et ce, peut-être en raison
des dates de publication espacées des deux articles. Pour
les membres qui ne l’ont pas encore fait (28 %), la SCR
vous encourage à consulter les lignes directrices lorsque
vous en serez capables.
Parmi les différents supports disponibles pour accéder
aux lignes directrices, près de la moitié des répondants
(45 %) ont indiqué avoir lu les recommandations dans
une édition imprimée du Journal of Rheumatology (JRheum).
L’accès numérique se classe en deuxième position, avec
un peu moins du quart des membres (24 %) qui ont lu les
recommandations en ligne sur le site du JRheum. Le
numéro d'automne du JSCR et l’assemblée générale
annuelle de la SCR ont également permis d’accéder à
cette information, avec respectivement 29 % et 21 %.
Interrogés afin de savoir comment l’introduction des
lignes directrices de la SCR pour le traitement de la PR a
entraîné des changements dans leur pratique, une
majorité notable des membres (65 %) a avoué qu’aucun
changement n'a été apporté. Un lecteur a mentionné
que même avant la publication de ces lignes directrices,
les normes de pratique étaient déjà en place.
Tableau 1. Avez-vous lu les nouvelles lignes directrices de la SCR pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR)?
J’ai lu la Partie I : Le traitement
16 %
J’ai lu la Partie II : L’innocuité 0 %
56 %
J’ai lu les Parties I et II
Je n’ai pas lu ces lignes directrices
28 %
Tableau 2. Où avez-vous pris l’information concernant les lignes directrices de la SCR pour le traitement de la PR?
24 %
En ligne, sur le site Web du JRheum
45 %
Dans un numéro imprimé du JRheum
29 %
Dans le numéro d’automne du JSCR
Sur le site Web de la SCR
17 %
J’en ai entendu parler à la réunion générale
annuelle de la SCR
J’en ai entendu parler dans un événement d’EMC
parrainé par l’industrie
16
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
21 %
13 %
Manifestement, ces lignes directrices sont ancrées dans
la pratique canadienne de la rhumatologie et elles continueront de soutenir et de guider la pratique de tous les
médecins. Une approche axée sur l'atteinte des objectifs
du traitement (19 %) et l'utilisation accrue des indices
composites d'évaluation d'activité de la maladie (17 %)
sont parmi les changements favorables appliqués à la
pratique, le tout stimulé par ces lignes directrices.
Vos commentaires sur ces recommandations sont
grandement appréciés; si vous avez des questions spéci-
fiques sur les lignes directrices de la SCR pour le traitement de la PR, celles-ci peuvent être adressées à la
SCR et seront répondues dans un prochain numéro.
Veuillez transmettre vos questions à l’adresse suivante :
[email protected] et nous les ferons parvenir aux experts
concernés.
Philip A. Baer, M.D.C.M., FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough, Ontario
Tableau 3. Compte tenu de l'introduction des lignes directrices de la SCR pour le traitement de la PR, quels
changements avez-vous apportés à votre pratique?
Début ou accentuation de l’utilisation des critères
composites d’activité de la maladie
(par exemple, DAS28, CDAI, SDAI)
17 %
Mise en œuvre de l’approche par traitement ciblé
(treat-to-target)
Modification de l’utilisation des ARMM, des
corticoïdes ou des agents biologiques afin de
répondre aux directives
Modification des pratiques de surveillance des
traitements de fond et des agents biologiques
afin de répondre aux directives
19 %
10 %
9%
Modification de la gestion des ARMM et
des agents biologiques dans la période périopératoire en fonction des lignes directrices
Je n’ai pas appliqué de changements à ma pratique
11 %
65 %
Concours de
photos 2013
Avez-vous immortalisé un de vos collègues
rhumatologues par une photo prise à l’improviste?
Ou un paysage particulièrement pittoresque?
N’oubliez surtout pas les piles ou le chargeur de votre
appareil photo pour votre séjour à Ottawa, en Ontario,
afin de participer au 8e Concours annuel de photos
de la SCR . Soumettez vos meilleures photos
de paysages ou de moments saisis à l’improviste
par voie électronique d’ici le 1er mars 2013 et vous
aurez la chance de gagner un sac à dos de la SCR!
Veuillez soumettre vos photos à Katia Ostrowski, à
l’adresse [email protected].
Les photos gagnantes seront publiées dans le numéro
d’été du JSCR.
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
17
IMPRESSION ET OPINION
De Varsovie aux Prairies canadiennes
par Wojciech P. Olszynski, M.D., Ph.D., FRCPC, CCD
C
’est en 1974 que nos rêves sont devenus réalité. Les étudiants de la promotion de 1974 venaient de terminer
leurs études à la faculté de médecine de Varsovie et ils
avaient hâte de se mettre au boulot. Après quelques difficultés,
j’ai eu la chance d’obtenir un stage, puis un poste d’adjoint, au
prestigieux Institut d’hématologie. L’hématologie n’a jamais été
ma passion, mais je voulais profiter de l’occasion de travailler
dans un établissement de recherche : mes collègues étaient
exceptionnels et le professeur avait la réputation d’être très
exigeant. Un professeur exigeant peut vous rendre la vie difficile,
mais plus tard, cela peut s’avérer providentiel. Personnellement,
j’ai subi des pressions pour commencer une spécialité en
médecine interne et entre mes deux premiers diplômes de
médecine interne, j’ai commencé et achevé des études de doctorat. Notre professeur s’attendait en outre à ce que nous perfectionnions notre anglais, à ce que nous publiions des articles et
que nous prononcions des conférences.
Tout cela se déroulait alors que ma femme, rencontrée à la
faculté de médecine, était aussi très sollicitée par les attentes de
son mentor au Département de cardiologie du Centralny Szpital
Kolejowy, à Miedzylesie, en Pologne.
C’est difficile à imaginer maintenant, mais en quelque sorte, à
travers tout ça, nous avons réussi à avoir notre premier enfant,
notre merveilleuse petite Magdalena, née en 1976. Ma femme
s’est absentée très peu de temps et avec l’aide précieuse de notre
famille, Magda a grandi pendant que nous continuions à travailler et à étudier. Ceux qui se rappellent des années 1970 en
Pologne savent bien que pour joindre les deux bouts, ma femme
et moi devions tous les deux occuper cinq ou six emplois. Mais,
quand on est jeune, on arrive même à avoir une vie sociale et à
s’amuser de temps à autre.
Je ne savais pas quels bouleversements dramatiques nous guettaient. D’abord, en 1980, nos adorables jumeaux, Martin et Paul,
sont nés et ma femme a décidé de rester à la maison avec les
enfants. J’étais occupé avec mes spécialités et mon diplôme de
doctorat et j’attendais la récompense classique : une bourse pour
effectuer une année de recherche à Londres, en Angleterre. Or,
après que la Welcome Borough Foundation de Londres m'ait
accepté et que le Royal Free Hospital m’ait décerné ma bourse de
recherche, la Pologne a plongé dans l’enfer de la loi martiale. Ses
règles cruelles ont fracassé nos rêves, du moins au début. Puis, je
me suis demandé : « Pourquoi ne pas aller en Angleterre? » Nous
devions continuer d’étudier, de travailler, de faire de la
recherche, malgré les luttes politiques et la loi martiale.
Il m’a fallu un mois pour soumettre de nouveau mes documents et à la surprise de tout le monde, j’ai reçu l’autorisation de
18
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
partir, mais sans ma femme et mes enfants. Après de longues
heures de discussion, nous avons décidé que j’allais quitter
d’abord et que nous allions réévaluer nos options au besoin. Les
premiers mois ont été très difficiles. La recherche était intéressante et occupait toutes mes journées, mais ma famille me manquait énormément (surtout à Noël, mon premier Noël passé seul,
en 1982, loin des miens). Entre temps, ma femme a demandé à
plusieurs reprises l’autorisation de me rejoindre. La réponse était
toujours la même : « Autorisation refusée ».
Puis, quelque chose est arrivé. Quelque chose que je considère
encore aujourd'hui comme un miracle. En février 1983, le Pape a
insisté pour qu’on suspende la loi martiale en Pologne pendant
une semaine. Cette fenêtre de cinq jours a permis à ma femme et
à mes enfants d'obtenir l’autorisation de me rendre visite en
Angleterre. Je me suis promis que s’ils venaient, nous allions
trouver le moyen de vivre une vie de famille « normale » et de
poursuivre nos carrières médicales.
Nous avons donc pu être de nouveau réunis! J’étais extrêmement heureux, même si simultanément, j'étais très dérouté par
une invitation que j'avais reçue pour compléter au Canada le
projet de recherche que j'avais amorcé en Angleterre. Nous
étions loin d'être prêts à prendre ce genre de décision, même si
la proposition était tentante, voire un rêve pour plusieurs. En
même temps, une paroisse catholique de Saskatoon célébrait ses
25 ans d’existence et a décidé de commanditer la venue d’une
famille polonaise au Canada. Un de mes collègues de l’Institut
d’hématologie de Varsovie était déjà au Canada et durant un
quart de nuit aux urgences, il a admis un membre de la fabrique
de cette paroisse. C'était la première fois, mais ça n'allait sûrement pas être la dernière, que la « filière polonaise » venait en
aide à notre famille, et mon collègue lui a mentionné une famille
polonaise vivant en Angleterre qui pourrait se montrer intéressée
à venir à Saskatoon. Pendant des semaines, lorsque nos enfants
dormaient, ma femme et moi sommes restés éveillés à discuter de
notre avenir. Laisser tout derrière nous, y compris nos familles,
n'allait pas être facile. La communication avec la Pologne était
encore très ardue et le refus d’y retourner ferait de nous des
parias. Aux aspects pratiques de cette décision se mêlaient les
émotions, mais finalement, nous sommes tombés d’accord. À la
fin de mes travaux de recherche, j’ai présenté notre plan au chef
du Département d’hématologie du Royal Free Hospital. On nous
a organisé une chaleureuse fête d’adieux et nous sommes partis
vers l’inconnu, avec les bons vœux de tous.
Nous avons atterris à Saskatoon en octobre 1983. Un accueil
inoubliable a énormément adouci nos premiers jours dans notre
nouvelle terre d’adoption. Rapidement, il a de nouveau fallu que
je réfléchisse à ma carrière. Ma femme restait à la maison avec
nos enfants et je devais étudier pour mon premier examen :
l’examen d’évaluation du Conseil médical du Canada (EECMC).
La réussite de cet examen permettait aux diplômés étrangers de
faire une demande d’internat ou de résidence en médecine.
L’examen avait lieu en février 1984, mais les résultats n’étaient
disponibles qu’en mai. À ce moment, ma femme et moi avons
changé de rôle. Je suis resté à la maison avec nos enfants et ma
femme a étudié l’anglais et s’est préparée elle aussi pour
l’EECMC.
J’étais heureux d’avoir réussi l’examen, mais il n’y avait aucun
poste à combler et peu d’espoir jusqu’au semestre suivant; il fallait attendre presque toute une année. Notre patience a toutefois
payé puisqu’éventuellement, on m’a offert de commencer un
programme de résidence à Regina, quoique pour un poste de six
mois seulement. Ayant à la mémoire un proverbe qui dit —
« Quand la chance frappe à ta porte, invite-la à dîner », j’ai accepté ce poste immédiatement. J’ai pris la décision un vendredi et le
lundi suivant, j’étais assigné au Service de neurologie du Plains
Health Centre, à Regina. Les premiers mois n’ont pas été de tout
repos pour moi, tant au plan professionnel (les systèmes de santé
polonais et canadien sont assez différents), qu'au plan personnel.
Encore une fois, je devais laisser ma femme seule avec notre fille
de sept ans et nos garçons de trois ans. À nouveau, cependant,
nous avons eu la chance qu’une tante vienne de Pologne pour
nous aider, alors que j’étais promu au programme de résidence
de troisième année à Saskatoon.
Un autre point tournant dans ma carrière allait survenir : le
chef du Département de rhumatologie de Saskatoon m’a appelé
pour parler de mon avenir. Il a consulté mon CV et s’est dit prêt
à m’aider à devenir rhumatologue. J’allais travailler avec lui à
l’Université de la Saskatchewan.
J’allais choisir la rhumatologie comme premier stage. Comme
je l’ai mentionné plus haut, l’hématologie n’avait jamais été ma
passion et j’étais très attiré par la possibilité de travailler avec un
rhumatologue, et particulièrement avec un mentor de cette
trempe (le Dr Earle DeCoteau). À partir de là, mon objectif a été
de réussir les examens nécessaires, de terminer mon programme
de résidence, puis de faire un stage de monitorat clinique en rhumatologie et finalement, de devenir professeur adjoint dans cette
spécialité. Tout allait bien, je terminais mon stage en rhumatologie (avec une bourse de la Société de l’arthrite) et ma femme
avait réussi les examens nécessaires pour la médecine familiale.
Puis, un jour, mon mentor m’a appris que l’Université attendait
une année de plus de monitorat avant qu’un poste ne me soit
offert.
Ce moment a été déterminant dans ma carrière. Même si
j’avais exercé dans un milieu universitaire toutes ces années,
quelque chose me disait qu’il était peut-être temps que j’explore
d’autres horizons. Ce jour-là, je suis entré en contact avec les propriétaires d’un nouvel édifice médical au centre-ville de
Saskatoon et j’ai commencé à négocier. Entre temps, mon mentor avait quitté la pratique rhumatologique, mais même si un
poste s'ouvrait à moi, j’avais pris ma décision d’exercer en pratique privée. J’ai très tôt réalisé que ce contexte me convenait
Unis à travers les générations : La famille élargie Olszynski.
bien. Une affiliation avec l’Université me permettait de maintenir
certaines tâches professorales et très rapidement, un programme
de recherche communautaire a débuté, avec la création du
Centre d’ostéoporose de Saskatoon, affilié à ma clinique de rhumatologie générale.
Les années qui ont suivi ont été très gratifiantes et très
occupées, avec la pratique clinique, les cliniques d’injection dans
les hôpitaux, l’enseignement aux étudiants et aux diplômés et les
projets de recherche qui très tôt inclurent des essais en rhumatologie. Quand on me demande si j’aime être le patron, ma
réponse est toujours la même : « Non, ce n’est pas important pour
moi d’être le patron, mais c’est très important de ne pas avoir de
patron. »
Au cours de la dernière décennie, l’avènement des nouveaux
agents biologiques pour le traitement des maladies rhumatismales m’a donné l’occasion d’offrir un service unique en
Saskatchewan, un centre de perfusion communautaire pour la
rhumatologie (tous les services regroupés en un seul endroit). La
pratique, avec tous ces services, est au même endroit depuis
23 ans et, récemment, un nouveau partenaire s’est joint à nos
associés en rhumatologie, ce qui me donne l’espoir que nous
pourrons continuer de desservir notre population de patients
tout en poursuivant des tâches de recherche et d’enseignement.
En relisant cette histoire, on aurait tendance à conclure que
des incidents sur lesquels on a très peu de contrôle peuvent avoir
un impact significatif dans nos vies, à moins que tout cela n'ait
été télécommandé de quelque part.
Wojciech P. Olszynski, M.D., Ph.D., FRCPC, CCD
Professeur de médecine clinique
Directeur, Saskatoon Osteoporosis and
Arthritis Infusion Centre
Consul honoraire de la République de Pologne à Saskatoon
Saskatoon, Saskatchewan
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
19
IMPRESSION ET OPINION
Rhumatologie : Transport en commun
extrême
par Avril Fitzgerald, M.D., FRCPC
C
’est un jour de juin nuageux et venteux à Powell
River, sur la Sunshine Coast, dans le Nord de la
Colombie-Britannique et je monte à bord d’un
Beech 1900 avec 10 autres passagers pour une envolée de
20 minutes qui nous amène à l’aéroport de Vancouver
Sud. Le vol suivant me déposera chez moi, à Sidney, près
de l’aéroport de Victoria. Je viens de terminer trois jours
de clinique ambulante de rhumatologie organisée par le
Programme d’arthrite Mary-Pack de Vancouver, un service
que j’offre à Powell River, trois fois l'an.
Le mois prochain, je m'envolerai pour Cranbrook, en
Colombie-Britannique, dans les montagnes East
Kootenay, où j’offre le même genre de clinique quatre fois
l’an, avec l’aide d’une équipe de physiothérapeutes. La
rhumatologue de l’endroit, la Dre Karen Pont, qui offre
des soins en rhumatologie et médecine interne à
Cranbrook depuis plusieurs années, fait le triage en vue
de cette clinique.
J’ai commencé ces cliniques ambulantes durant l’été de
2010, à l’invitation de la Dre Alice Klinkhoff, directrice
(De gauche à droite) : Dre Avril Fitzgerald, Kim Mayer (secrétaire médicale),
Cathy Brandt (ergothérapeute) et Shannon Ryley (physiothérapeute).
20
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
médicale du Programme d’arthrite Mary-Pack à
Vancouver. Cet organisme m’a fait vivre tout plein d'expériences; il m'a permis de découvrir des régions reculées
de la Colombie-Britannique en plus de me donner l’occasion de rencontrer des professionnels de la santé dévoués
et des patients arthritiques merveilleux que j'ai la chance
de soigner. Quand ces petits coucous volent en pleine
tempête venue de la mer, par contre, je suis moins enthousiaste.
En 2010, après avoir été directrice du programme de
rhumatologie de l'Université de Calgary pendant 9 ans et
malgré les importantes gratifications associées à ce poste,
j’avais d’autres aspirations. Mon mari et moi souhaitions
passer plus de temps à notre résidence au bord de la mer,
à Sidney, en Colombie-Britannique. Mon mari a pris un
congé sabbatique de six mois et nous avions alors tous les
jours rendez-vous sur notre plage avec des hérons, des
loutres de mer, des phoques, des aigles et des balbuzards.
La constante profusion de fleurs de notre jardin et l’intense végétation verdoyante à longueur d’année m'ont
remplie de paix. Sans compter que j’ai pu m’adonner à des
cours de gymnastique tous les jours à une heure qui me
convenait. Quelle belle vie!
Mais en décembre 2010, comme mon mari s’apprêtait à
reprendre le travail à Calgary, mes collègues de
l’Université de Calgary m’ont encouragée à m’y rendre
une semaine par mois pour travailler. Des cliniques ont
été créées pour les listes d’attente en rhumatologie, en
supposant que mes patients n’auraient pas besoin de mon
suivi. Je vois en consultation les patients du Sud de
l’Alberta que le centre de triage classe parmi les problèmes musculosquelettiques chroniques de « basse priorité »
puisqu’ils attendent déjà depuis des mois. À l’occasion, si
leur état requiert des soins rhumatologiques continus, je
les adresse à un de mes collègues. Cet arrangement fait
bien mon affaire de semi-retraitée à « Sidney-les-bains »; il
fait aussi l'affaire de mes patients et... de WestJet.
Avril Fitzgerald, M.D., FRCPC,
Université de Calgary,
Calgary, Alberta
Traiter, prier, aimer : un médecin à la
recherche de l’Utopie
par Vinod Chandran, MBBS, M.D., D.M.
A
u XIXe siècle, de grands penseurs comme Neumann et
Virchow ont affirmé que la médecine est dans sa nature
intrinsèque et dans son essence une science sociale
(« medicine is a social science in its very bone and marrow1 »). Cette
vision de la médecine sur laquelle on n’insistait pas dans mes
cours de médecine s’est toutefois imposée à mon esprit au fil des
expériences que j’ai vécues en exerçant la médecine dans des
pays qui étaient aux antipodes, au propre comme au figuré.
Je n’avais que 17 ans, âge où l’on est très impressionnable, lors
de mon premier contact avec la médecine; j’étais étudiant en
médecine dans un grand hôpital public en Inde et je voulais faire
disparaître les inégalités et les injustices dans le monde. Ma
formation et ma vie professionnelle en Inde m’ont amené à
travailler dans plusieurs hôpitaux financés par l’État – d’immenses établissements qui accueillaient des milliers de patients
chaque jour (parfois, à moi seul, j’en recevais au moins 100!).
Dans les cliniques externes, souvent, les médecins s’occupaient
de deux ou trois patients en même temps, n’ayant pas le luxe de
se préoccuper de questions de confidentialité ou de rendez-vous;
tout fonctionnait selon le principe du « premier arrivé, premier
servi ». Bien que le médecin fût salarié et par conséquent que ses
soins fussent « gratuits », le patient devait payer tout le reste, y
compris les examens et les médicaments. Notre devise était « d’offrir la meilleure médecine à bas prix ». Puisque le « payeur » se
tenait devant moi en m’implorant du regard (il ne se cachait pas
dans les chiffres d’un budget), chaque consultation imposait une
analyse économique – le coût de l’examen de laboratoire ou du
médicament requis valait-il le bienfait prévu? – sans données
concrètes pour appuyer ma décision. En moins de cinq minutes,
le médecin devait tout savoir au sujet de son patient : il devait
connaître non seulement sa maladie, mais aussi son contexte
socio-économique et savoir s’il avait l’argent pour défrayer le
prochain examen ou le prochain traitement. Je ne prescrivais pas
de médicaments biologiques – je me demandais principalement
si le patient aurait les moyens de payer 200 $ pour le médicament dont il avait besoin, et non s’il pouvait s’offrir un traitement
à 20 000 $. Je passais de longues journées et de longues nuits à
l’hôpital six jours et demi par semaine pour soigner les malades,
tandis que mes amis, mes proches et mes domestiques s’occupaient de tout le reste : l’épicerie, les enfants et les tâches
ménagères. Je poursuivais mes recherches lorsque j’arrivais à
trouver un moment de quiétude entre le sommeil et le chaos.
Je me suis ensuite installé au Canada pour poursuivre de
« vraies » recherches ainsi que pour mieux comprendre la réalité
de l’Occident. Ici, j’ai cru découvrir l’Utopie de Thomas More,
« un royaume où la faim n’existe pas, où les gens vivent dans des
maisons vastes et bien aérées, où le gouvernement inspecte les
aliments et fournit de l’eau potable salubre, et où il existe un système de sécurité sociale pour empêcher les personnes malades
de sombrer dans la pauvreté et les pauvres de devenir malades.
Tous ceux qui sont frappés par la maladie ont le droit d’être
traités dans des hôpitaux publics conformément aux meilleures
normes professionnelles2 » (trad. libre). Un monde aussi merveilleux qu’irréel! Aujourd’hui, je travaille cinq jours (en fait, quatre jours et demi) par semaine et je consacre 75 % de mon temps
à des activités de recherche, et je ne m’inquiète pas de la manière
dont je vais traiter mes patients, mais de questions qui me concernent directement : « Recevrai-je ma prochaine subvention de
recherche? Pourrai-je garder mon personnel de recherche
indéfiniment? Arriverai-je à temps pour le sketch de mon enfant
à l’école? » Bien sûr, je me fais du souci pour mon nouveau pays
qui de l’île d’Utopie est en train de devenir le pays de Cocagne,
une terre d’abondance où coulent le lait et le miel. Au pays de
Cocagne, la nourriture est abondante et, par conséquent, les
troubles de santés liés à l’obésité sont beaucoup plus nombreux
que ceux attribuables à la rareté alimentaire3. Sur le plan social,
l’obésité se caractérise de la même manière que la faim dans
l’Europe du XIXe siècle et dans l’Inde du XXe siècle – elle sévit
davantage dans les classes sociales défavorisées que dans les
classes plus aisées. Je me demande toutefois si j’éprouve le même
sentiment de solidarité avec les personnes obèses qu’avec celles
qui souffrent de la faim. Je ne comprends pas comment le vieillissement est devenu un fardeau pour notre société. Comment se
fait-il que d’une part la société a besoin d’un plus grand nombre
de jeunes et que, d’autre part, les habitants de ce pays sont si
réticents face aux milliers de jeunes immigrants qui arrivent ici
chaque année? Force est de constater que tout est en évolution :
ma vie, ma famille, notre société, notre monde. Les prochaines
décennies s’annoncent stimulantes et imprévisibles.
Références
1) Rather LJ. Rudolph Virchow and scientific medicine. AMA Arch Intern Med
1957; 100(6):1007-14.
2) Mackenbach J. Kos, Dresden, Utopia... A journey through idealism past
and present in public health. Eur J Epidemiol 2005; 20(10):817-26.
3) Pleij H. Dreaming of Cockaigne: Medieval Fantasies of the Perfect Life.
Columbia University Press. New York, New York. 2001.
Vinod Chandran, MBBS, M.D., D.M.
Professeur adjoint, Université de Toronto,
Département de médecine, Division de rhumatologie
Centre d'études pronostiques sur les maladies rhumatismales,
Toronto Western Hospital
Toronto, Ontario
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
21
IMPRESSION ET OPINION
Pourquoi j’ai choisi le Canada pour
pratiquer la rhumatologie?
par Ariel Massetto, M.D.
D
iplômé au Brésil, j’ai profité
d’une expérience de travail de
cinq ans dans ce même pays,
et je vis depuis maintenant cinq ans
au Québec. Depuis mon arrivée à
Sherbrooke en 2006, une question
m’est souvent posée : quelles sont les
différences de la pratique de la rhumatologie entre ces deux parties du
monde?
Ma réponse débute toujours de la
même façon : le contenu est similaire,
tandis que la forme est très différente.
Je m’explique : par contenu, je parle
des maladies et de leur incidence, de
l’investigation diagnostique et du
traitement médicamenteux; par la
forme, c’est plutôt la façon de pratiquer, l’environnement
de travail et le système de rémunération.
Commençons par le contenu. Malgré les différences
géographiques, l’incidence des maladies rhumatologiques
au Brésil et au Québec est équivalente : la plupart des
patients qui ont consulté ou qui sont suivis souffrent de
maladies inflammatoires, notamment d’arthrite rhumatoïde. Les maladies dégénératives, comme l’arthrose et
l’ostéoporose, sont plus fréquentes au Québec, fruit du
vieillissement de la population inhérente au développement économique. En revanche, le Brésil, un pays où la
population de race noire et métisse est significative, les
consultations et suivis concernant le lupus érythémateux
disséminé sont plus fréquents (et aussi, souvent plus
exigeants!).
À propos du traitement médicamenteux, le Brésil a fait
beaucoup d’avancées dernièrement. L’accès aux traitements plus dispendieux, comme les agents biologiques,
est actuellement offert par le gouvernement et les assurances privées, à condition de remplir des critères similaires à ceux des provinces canadiennes.
En ce qui a trait à la forme, il faut d’abord comprendre
la structure administrative du système de santé brésilien.
Il s’agit d’une approche mixte, soit un système de santé
22
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
public et un secteur privé. Immédiatement, une deuxième question
se pose : est-ce un système réussi?
Malheureusement, non. L’accès aux
soins de santé publics est limité et
inefficace, laissant place au secteur
privé supposément complémentaire
au système public, exploité par des
groupes d’assurance privée. Pas plus
de 20 % de la population est en
mesure de payer entre 100 $ et
1 500 $ mensuellement (selon l’âge
de l’assuré et la catégorie de l’assurance) afin d’avoir accès à un répertoire de médecins, à des examens
paracliniques et aux hôpitaux de qualité. À l’élite économique sont réservées des consultations privées avec des spécialistes
renommés, payés à l’acte, coûtant jusqu’à 500 $.
Concernant la rémunération, des différences notables
s’observent : au Brésil, contrairement au Québec, l’offre de
rhumatologues sur le marché du travail est plus grande
que la demande. Les honoraires médicaux reflètent donc
cette réalité : le salaire initial d’un rhumatologue du système de santé public à temps plein est d’environ 2 500 $,
alors que les assurances privées payent en moyenne 20 $
pour une consultation. Résultat : des professionnels surchargés, mécontents et mal payés.
Je suis heureux de conclure que, avérant mes attentes
lorsque j’ai décidé de vivre au Québec, ici nous sommes
fortunés d’avoir l’opportunité d’offrir des services équitables à toute la population, indépendamment de la classe
socioéconomique, de pratiquer une rhumatologie de
pointe, en plus d’être payés adéquatement pour cela!
Ariel Masetto, M.D.
Professeur adjoint, Département de rhumatologie,
Faculté de médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke
IMPRESSION ET OPINION
L’exercice de la rhumatologie sur
trois continents
par Ramin Yazdani, M.D., MRCP(U.K.)
A
près avoir obtenu mon diplôme
de sciences médicales à l’Université de Téhéran à la fin de
1993, j’ai décidé, à l’instar de nombreux amis, d’aller outremer pour
poursuivre mes études de spécialisation. Cette décision a entraîné son lot
de difficultés et allongé la durée de
mes études, mais au final, elle a été
une grande source de gratification et
de satisfaction.
J’ai dû d’abord accomplir mon service militaire et remplir mes
engagements envers le ministère de la Santé pour obtenir l’autorisation d’émigrer, ce qui a exigé quatre années. Durant cette
période, je ne pouvais pas travailler à temps plein, car je devais
consacrer suffisamment de temps à la préparation de mes divers
examens d’anglais et de médecine. Bien que le cursus et les livres
de cours fussent américains, il nous était impossible pour des
raisons évidentes d’obtenir un quelconque visa pour entrer aux
États-Unis à cette époque. Par conséquent, j’ai déposé une
demande pour passer les examens du Professional and Linguistic
Assessments Board (PLAB) au Royaume-Uni en 1998 et j’ai pu
entreprendre mes études de spécialisation à titre de médecin
d’établissement (House Officer) en 1999. J’ai obtenu le poste de
médecin principal (Senior House Officer of Medicine) en 2000 et
j’ai enfin terminé ma formation en rhumatologie et en médecine
interne générale en 2009 au Nottingham Deanery.
Dès septembre 2009, j’ai exercé à titre de rhumatologue consultant au Royaume-Uni jusqu’à mon départ pour St. John’s,
T.-N.-L., au mois d’août 2011 pour occuper les postes de rhumatologue consultant auprès de Eastern Health et de professeur
adjoint de clinique à la Memorial University. Depuis que je suis
rhumatologue consultant, je travaille également comme rhumatologue bénévole en Iran.
Un des avantages d’exercer dans différents systèmes de soins
de santé est de pouvoir reconnaître facilement les aspects des
soins qui doivent être améliorés, tout en comparant les différentes méthodes de traitement. D’une part, vous apportez vos
expériences antérieures et, d’autre part, vous apprenez de nouvelles façons de faire.
Royaume-Uni (R.-U.)
Je vous parlerai d’abord du National Health Service (NHS) du
R.-U., la troisième plus grande organisation dans le monde, après
24
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
l’armée chinoise et les chemins de fer
indiens. En 2011, le budget annuel du
NHS atteignait 120 milliards de livres
sterling (₤). Selon les directives du
Royal College, il faudrait un rhumatologue par 80 000 habitants, et cet
objectif est atteint dans de nombreuses collectivités. Presque tous les
rhumatologues employés par le NHS
travaillent 40 heures par semaine, ce
qui correspond à cinq ou six séances cliniques. Les rhumatologues peuvent abandonner une ou plusieurs de leurs cliniques
pour accepter d’autres responsabilités, par exemple comme gestionnaires, avec l’accord de leurs directeurs. Les temps d’attente
des nouveaux patients constituent un critère très important
pour évaluer la performance des hôpitaux; par conséquent, les
gestionnaires veillent rigoureusement à ce que le délai fixé ne
soit pas dépassé. En général, le délai d’attente pour une consultation en rhumatologie est de quelques semaines seulement. Si
le patient est en mesure de se déplacer un peu plus loin et qu’il
accepte de le faire, il pourra voir un rhumatologue plus rapidement. Les temps d’attente dans les cabinets privés sont beaucoup
plus courts, et le patient peut en général consulter un rhumatologue en moins de quelques jours. Environ 25 % des patients
sont protégés par un régime privé d’assurance, surtout dans les
grandes villes plus affluentes. Un grand nombre de rhumatologues consacrent quelques heures par semaine à recevoir des
patients à leurs cabinets privés. Depuis quelque temps, le gouvernement conservateur incite la population à recourir au
secteur privé comme solution de rechange au NHS dans le but
de réduire les coûts, de stimuler l’amélioration de la qualité des
soins au sein du NHS et d’élargir l’éventail des offres de soins
pour les patients.
Les patients n’ont rien à payer lorsqu’ils consultent les rhumatologues employés par le NHS et ils doivent débourser la somme
symbolique de l0 ₤ pour leurs médicaments, y compris les
antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM) et les
médicaments biologiques. La plupart des examens ordonnés par
les rhumatologues sont habituellement effectués en moins de
quelques semaines, sans frais. Les patients peuvent aussi choisir
de recourir au secteur privé s’ils sont plus pressés. Les honoraires
d’une consultation auprès d’un rhumatologue en cabinet privé
sont d’environ 150 ₤, et ils sont payés par le patient ou par son
régime privé d’assurance. Les coûts défrayés par le NHS sont
couverts par les primes versées par les
contribuables au régime public d’assurance maladie; la contribution maximale est de 14 % du revenu d’une
personne. Ces contributions sont
distinctes de l’impôt sur le revenu, qui
peut parfois dépasser 35 % du salaire.
Iran
En Iran, le système de soins de santé
relève du gouvernement, mais il existe
aussi un système privé en plein essor.
La plus grande partie de la population
est protégée par le régime public, et un
grand nombre d’Iraniens déboursent
des primes additionnelles pour une
meilleure protection en matière de
santé. Les patients peuvent réclamer à
leurs compagnies d’assurance le remboursement des frais additionnels pour des examens diagnostiques réalisés dans le secteur
privé, ce qui leur permet de récupérer la plus grande part de ces
dépenses additionnelles. En général, toutefois, pour les patients
protégés seulement par le régime public, il est très coûteux de se
faire soigner dans des hôpitaux privés.
En ce moment, le gouvernement iranien et les compagnies
d’assurance examinent la question de la couverture des coûts
des médicaments biologiques. Pour l’heure, les patients doivent
défrayer 10 % à 30 % du coût de ces médicaments, et beaucoup
jugent que ces médicaments sont trop onéreux compte tenu de
leurs revenus. Il est rare, voire impossible, de réussir à obtenir
ces médicaments pour des motifs humanitaires ou par la participation à une étude clinique. Malgré la relative pénurie de
rhumatologues dans les grandes villes, on peut obtenir rapidement une consultation chez un rhumatologue. Les honoraires
de consultation d’un spécialiste sont d’environ 25 $ US, mais
les interventions, chirurgicales ou autres, sont assez coûteuses.
Par exemple, il faudra débourser de 50 à 100 $ US pour l’injection intra-articulaire d’un corticostéroïde. En revanche, les examens comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la
scintigraphie osseuse et d'autres examens radiologiques peuvent être effectués très rapidement et à frais relativement peu
élevés. En général, je reçois les résultats d’une IRM, d’une
angiographie par résonance magnétique (ARM) ou d’une
scintigraphie osseuse en moins de deux ou trois jours. Une
ARM coûte de 60 $ US à 90 $ US.
En Iran, je n’ai malheureusement pas réussi à trouver de radiologue qui s’intéresse à l’échographie musculosquelettique ni de
thérapeutes portant un intérêt particulier aux troubles de l’appareil locomoteur. Cela étant dit, je n’ai jamais eu de difficulté à
emprunter l’appareil d’échographie musculosquelettique du
service de radiologie pour réaliser les injections dans la hanche
et pour évaluer quelques cas d’arthrite au stade précoce.
Canada
L’exercice de la rhumatologie à TerreNeuve ne diffère pas vraiment de celui
au Royaume-Uni, à l’exception des
temps d’attente qui sont ici effroyables. L’éloignement géographique
entraîne de réelles difficultés; un
grand nombre de mes patients ne
peuvent effectuer les longs déplacements requis pour rencontrer leurs
médecins aussi souvent qu’ils le
voudraient faute de moyens financiers
ou à cause des conditions météorologiques.
Au Canada, les rhumatologues
emploient souvent des médicaments
biologiques que je n’ai jamais utilisés
au R.-U., par exemple l’abatacept pour
le traitement de lA polyarthrite rhumatoïde (PR). Par contre, j’ai
une vaste expérience de plusieurs autres médicaments qui sont
rarement prescrits ici. Par exemple, j’ai obtenu des résultats favorables avec le rituximab dans le traitement de la PR et de la vasculite associée aux anticorps dirigés contre le cytoplasme des
polynucléaires neutrophiles (ANCA) chez mes patients britanniques, et pourtant ces agents sont rarement employés à TerreNeuve.
Fait à souligner, lorsque je compare le prix des médicaments, y
compris ceux des médicaments biologiques, je constate que les
prix sont moins élevés au R.-U. Je soupçonne que l’industrie
pharmaceutique britannique investit moins dans la promotion
auprès des médecins : nous devons en effet nous conformer aux
lignes directrices du National Institute for Health and Clinical
Excellence (NICE) et aux lignes directrices locales en cette
matière.
À la question « Dans quel pays souhaiterais-je vivre si j’étais
atteint de PR? », je répondrais en général « Au Royaume-Uni. ».
En effet, il n’y a pas de système complexe et déroutant de
sociétés d’assurance privées. Il n’existe pas non plus d’honoraires additionnels pour l’exécution des ordonnances, et même
si de nombreux médecins ne sont pas d’accord avec toutes les
décisions du NICE, je crois que cet organisme met tout en
œuvre pour que tous les Britanniques reçoivent des soins
homogènes. Au R.-U., je n’ai jamais entendu aucun patient dire
qu’il n’avait pas les moyens de payer ses médicaments. Même si
j’étais au chômage, mes soins de santé seraient défrayés par le
NHS...à condition bien entendu que l’économie britannique ne
continue pas à se détériorer.
Ramin Yazdani, M.D., MRCP(U.K.)
Rhumatologue consultant, Eastern Health Clinical
Professeur adjoint de clinique, Memorial University
St. John's, Terre-Neuve
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
25
IMPRESSION ET OPINION
Règle no 1
par Laurence A. Rubin, M.D., FRCPC
Chennai, état du Tamil Nadu, Inde
Février 2008
« La première page du Hindu (édition du Tamil Nadu) signalait des troubles inhabituels à la gare d’autobus
principale T-Nagar samedi soir dernier. Un touriste de race blanche, apparemment très perturbé, courait en tous
sens sur la plateforme en criant “Kati, Kati!” ». Selon un témoin oculaire, il a quitté en montant dans l’autobus
numéro 599… »
C
hennai (autrefois Madras) est l’une des quatre mégapoles de l’Inde, les autres étant Mumbai, Delhi et
Calcutta.
Contrairement au brouillard du décalage horaire dans lequel
nous étions en descendant à Mumbai, nous arrivions à Chennai
après quatre semaines en Inde et quelques connaissances des
lieux. Notre liste de priorités incluait quelques arrêts essentiels : soie (Chennai est l’endroit où magasiner en Inde), livres et
cappuccino. Une voiture privée était à notre disposition le premier jour, compliment du gérant de l’agence de voyage.
Même si la circulation est chaotique dans cette ville de
dix millions d’habitants, les rues arboraient des travées. À bien y
regarder, toutefois, on voyait qu’il y avait au moins deux voitures,
un camion et une motocyclette par travée. Heureusement, il n’y
avait pas de vaches.
La visite a été un grand succès : une pile de nouveaux livres à
la librairie Landmark, des cadeaux, et un excellent café à
l’Amethyst, une oasis de paix dans le quartier Gopalapuram.
Finalement, nous avons visité Nalli, le fameux palais de la soie
à Panagal Park. Une fois l’étoffe achetée, on nous avait dit que
des tailleurs pouvaient fabriquer un vêtement en 24 heures,
mais lorsque je me suis informé auprès de notre vendeuse, elle
a d’abord été évasive, prétendant n’avoir jamais rien entendu de
tel. J’étais déçu, mais alors comme c’est souvent le cas en Inde,
elle m’a demandé quelle était ma profession. J’ai répondu
« médecin », puis étonnamment, elle m’a demandé « De quel
type? », j’ai répondu « spécialiste de l’arthrite ». Elle a ouvert
grand les yeux puis elle s’est mise à me raconter ses problèmes
de genoux avant de brandir un papier couvert d’ordonnances.
Elle m’a demandé mon opinion. J’ai hésité, puis j’ai entrepris de
lui répondre, tout en lui rappelant que nous cherchions un
tailleur. La solution à son problème et au nôtre est alors miraculeusement apparue, tout comme le tailleur, puisque sa
mémoire lui était revenue.
Très satisfaite de ma sincérité et de mes réponses détaillées,
elle m’a demandé de consulter un collègue plus jeune. « Peutêtre un nouveau syndrome », ai-je murmuré, « le syndrome de
26
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
Nalli ». Gardant à l’esprit mon statut officieux dans cette juridiction, je lui ai montré quelques exercices simples et je lui ai
donné le meilleur des conseils, celui de perdre du poids!
Notre vendeuse, alors très reconnaissante, nous a aidés
à franchir toutes les étapes jusqu’au résultat final de ce processus d’achat complexe, en disant à tous ses acolytes que le « docteur » allait revenir et qu’ils devaient attendre leur tour pour
recevoir des conseils.
L’après-midi suivant, après avoir visité le Temple du Rivage à
Mahabalipuram, notre guide nous a ramenés en ville, à 50 km de
là. Les vêtements allaient être prêts pour 18 heures, donc, après
un goûter à l’Amethyst, nous avons demandé au personnel du
restaurant comment nous rendre à pied. Ils ont grimacé. Les
touristes ne marchent pas et apparemment, les Indiens non
plus. Prenez un tuk-tuk (cyclo-pousse). Seulement 30 roupies
(environ 0,50 ¢ canadiens). Nous avons insisté. Et ils ont fini par
nous indiquer le chemin.
Mon fils aîné, qui avait déjà voyagé en Inde, nous avait donné
quelques conseils précieux avant notre départ. Règle no 1 : ne
jamais conduire le soir. Il ne nous avait toutefois rien dit pour ce
qui est de marcher le soir. Les voitures avancent lentement et le
personnel nous a confirmé que nous ne risquions pas d’être
harcelés.
Les trottoirs de Chennai servent de prolongement aux boutiques des rez-de-chaussée et à de multiples autres commerces
et installations : étals de fortune ployant sous les aliments, nombreux petits ateliers, boutiques de fleurs et chiens endormis. Les
vaches sont repoussées vers la banlieue. Comme les trottoirs
sont généralement réservés à ces activités, pour marcher, il reste
la rue. Notre dilemme : conduire le soir? Non. Marcher le soir?
Ça nous semblait assez sécuritaire. Il suffisait d’ignorer la circulation et de faire confiance à l’adresse des automobilistes.
Après avoir négocié le viaduc et la rue Alan Salai, nous avons
vu apparaître les lumières de Panagal Park sur fond de soleil
couchant. Après 30 minutes, nous avons atteint le Palais de la
soie de Nalli. Comme promis, la boutiquière nous a accompagnés jusqu’au minuscule petit deux-pièces du troisième étage,
tout près. Plusieurs tailleurs apportaient les dernières touches
aux nouvelles robes de mon épouse, copies exactes du modèle
qu’elle leur avait fourni, jusqu’au défaut d’emplacement du
bouton de manchette! Nous nous sommes excusés d’avoir
négligé de corriger l’original et le tout a rapidement été réparé.
Nous avions déjà décidé d’utiliser le transport en commun
pour retourner à Mahabalipuram, après nous être laissés dire
qu’il s’agissait d’un autobus Volvo, moderne, climatisé, qui passait toutes les heures. Notre guide nous a assurés qu’il s’agissait
d’une excellente option tout à fait sécuritaire et plus conforme
aux paramètres généraux des règles à respecter le soir. Par
hasard, un autre client se dirigeait vers la gare d’autobus principale de T-Nagar et nous a offert de nous accompagner.
La marche jusqu’au terminus a été lente, freinée par de multiples obstacles et un chaos généralisé. Les rues étaient remplies de badauds et d’acheteurs. Une bataille a éclaté à une
intersection. Une motocyclette a écrasé le pied de quelqu’un.
Nous sommes arrivés et je me suis approché du comptoir officiel le plus proche. « Pardon monsieur. À quelle heure est l’autobus climatisé pour Mahabalipuram et combien coûte le billet? »
ai-je demandé, en espérant que nous n’aurions pas trop
longtemps à attendre. « L’autobus climatisé pour Mahabalipuram, c’est terminé pour ce soir. Le prochain est demain matin »,
m’a répondu l’homme derrière le comptoir, de l’air de quelqu’un
qui aime bien annoncer les mauvaises nouvelles aux touristes. Il
se demandait aussi probablement ce que nous faisions au terminus, même si, à mon avis, il n’était pas au courant de la
Règle no 1. « Mais », a-t-il ajouté avant que je puisse poser une
autre question, « il y a l’autobus 599 Deluxe à 20 h 30. » J’ai informé mon épouse qu’il n’y avait pas d’autobus climatisé, mais un
autobus « deluxe », tout de même. Je me suis retourné pour
demander où se trouvait l’arrêt de l’autobus Deluxe 599.
L’homme a vaguement pointé du doigt vers un amas confus du
côté droit. « Combien? », ai-je demandé. « 23 roupies par personne », a-t-il répondu.
Avant de se rendre à l’autobus, il restait un problème; dans ma
hâte habituelle, je n’avais pas clarifié mes plans avec mon
épouse. Or, arrivé au bout de sa course, l'autobus Deluxe 599 se
rangeait en pétaradant. Je suis retourné en courant jusqu’au
guichet, mais oh, horreur, ma femme n’était plus là. Pris de
panique, je me suis mis à courir en criant son nom dans la
pénombre du grand terminus. Pas de chance. Éperdu, je
craignais le pire, et je criais toujours. Puis, sortant de la foule, un
homme m’a tapoté l’épaule et, à ma grande surprise, il a pointé
du doigt l’endroit exact où se tenait ma femme. Je l’ai remercié.
Je me suis approché et après les explications de circonstances,
nous nous sommes dirigés vers l’autobus et avons trouvé des
sièges.
L’heure de départ prévue, 20 h 30, semblait aléatoire. Je me
suis informé auprès d’un autre passager qui m’a confirmé que
c’était bien le bon bus. À 20 h 50 HAI (heure aléatoire de l’Inde),
le véhicule s'est mis en marche et s'est faufilé sur la chaussée
transformée en champ de bataille nocturne par la densité de la
circulation à Chennai. Quelques minutes plus tard, le contrôleur s’est approché de nous pour demander nos billets en
s’informant de notre destination. « Mahabalipuram. Deux billets,
s’il vous plaît. » Il a poinçonné sa machine et une facture de
50 roupies en est sortie. Pourquoi l’écart avec le prix au terminus? Frais de service...
Nous sommes arrivés à Mahabalipuram une heure et demie
plus tard, aucun cyclo-pousse en vue. Je ne m’imaginais pas
marcher encore 5 km dans la pénombre le long de l’autoroute.
Plusieurs passagers, conscients de notre difficulté, se sont adressés au contrôleur de l’autobus et une solution est apparue : le
bus allait nous laisser à notre destination sur son trajet de
retour vers la ville.
Seuls dans l’autobus, nous avons attendu. Finalement, le contrôleur, un homme pompeux, à la propreté douteuse, s’est
penché et nous a demandé l’heure. Étrange qu’il ait été le seul à
ne pas avoir de montre, mais inutile de compliquer les choses
davantage en posant des questions, je lui ai dit qu’il était
presque 23 heures.
Il a alors ajouté : « 10 roupies chacun ». J’ai payé et il est
retourné vers l’avant de l’autobus. Le chauffeur, fatigué après
une longue journée de travail et probablement mieux rémunéré,
lui a donné congé.
L’air de la nuit était frais et l’autobus vide roulait rapidement
sur l’autoroute qui longeait la plage. Peu après, l’enseigne
lumineuse de l’hôtel est apparue et comme promis, on nous y a
laissés.
Il restait un problème. Nous devions traverser l’autoroute. La
nuit.
La bonne nouvelle? Nous ne conduisions pas.
Laurence A. Rubin, M.D., FRCPC
Professeur de médecine, Université de Toronto
Rhumatologue, St. Michael's Hospital
Toronto, Ontario
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
27
IMPRESSION ET OPINION
De la Guadeloupe à Calgary
par Aurore Fifi-Mah, M.D., FRCPC
J
e suis née en Guadeloupe, une île des Petites
Antilles françaises; à 17 ans, j’ai quitté mon
île pour aller étudier la médecine en France
avec l’intention de revenir exercer dans ma ville.
Je n’aurais jamais imaginé vivre à Calgary ni y
travailler à titre de rhumatologue agréée au
Canada. J’ai reçu ma formation en France et j’y ai
exercé la médecine, ainsi qu’en Martinique, en
Guadeloupe et, finalement, à Calgary. Tout au
long de ce parcours, j’ai été exposée à différentes
cultures et à divers systèmes de soins de santé;
j’ai rencontré mon mari canadien durant mes
études à Paris. C’est ainsi que j’en suis venue à
choisir le Canada pour y fonder une famille et
poursuivre ma vie professionnelle.
Il importe d’abord de comprendre le statut des
Antilles françaises par rapport à la France. Les Dre Fifi-Mah et sa famille.
îles sœurs de la Guadeloupe et de la Martinique
sont des départements français d’outre-mer et si
on simplifie beaucoup, leur statut ressemble un peu à amenée à traiter des patients atteints de pathologies comcelui des provinces canadiennes. Toutefois, le gouverne- plexes, et je me suis intéressée tout naturellement à la
ment régional est en grande partie tributaire de la gouver- rhumatologie. En France, les internistes se spécialisent
nance et des transferts de fonds du gouvernement dans des maladies complexes dans divers domaines, y
français, centralisé à Paris. Chaque étudiant français a compris dans les maladies auto-immunes; une telle pradroit à l’éducation supérieure « gratuite », c’est-à-dire que tique ressemble beaucoup à l’exercice de la rhumatologie
les frais de scolarité à l’université sont très bas, y compris au Canada. Je souhaitais cependant exercer en cabinet et
pour les études de médecine.
il me semblait que dans mon cas, la rhumatologie serait le
Bien qu’il y ait une université à la Guadeloupe, la faculté meilleur choix. Contrairement à ce qui se fait au Canada,
de médecine a été créée seulement en 1998. Par con- toutefois, la spécialisation en médecine interne n’est pas
séquent, les étudiants de 12e année qui envisageaient une un préalable pour entreprendre une formation surspéciacarrière en médecine devaient poser leur candidature lisée. Les connaissances générales sont acquises durant
dans les universités en France. J’ai choisi d’étudier à Paris les trois années de stage hospitalier, y compris des stages
et j’ai été acceptée dans une des facultés de médecine les de trois mois dans les spécialités obligatoires en médecine
plus récentes, soit Paris XII. Les étudiants suivent une et en chirurgie. Mes quatre années de formation spéciaannée de cours scientifiques de base, puis après des exa- lisée comprenaient des stages de six mois dans des unités
mens de sélection, environ 20 % d’entre eux peuvent de soins en rhumatologie dans différents hôpitaux de
entreprendre leur formation médicale; ils voient leurs pre- Paris. À titre de médecin résidente, j’étais responsable
miers patients cliniques durant la troisième année d’un maximum de 16 patients par jour. Après 10 années de
d’étude.
formation, j’ai décidé de poursuivre deux années addiLe programme de résidence commençait après la tionnelles comme chef de clinique, c’est-à-dire de diriger
sixième année et il fallait réussir l’examen de sélection l’unité de soins de rhumatologie et de médecine interne
pour entreprendre une formation spécialisée; l’étudiant sous la supervision des chefs respectifs de ces deux
pouvait aussi devenir omnipraticien par défaut (échec à départements.
l’examen de sélection) ou par choix (ne pas passer cet exaSuite à la page 39.
men). Mes trois mois de stage en médecine interne m’ont
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JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
NOUVELLES RÉGIONALES
Bienvenue à Winnipeg
par David B. Robinson, M.D., FRCPC
A
u moment où vous lirez ces lignes, l’hiver sera arrivé
dans la plupart des régions du Canada. Toutefois,
alors que je rédige ce texte, le Manitoba émerge
d’une tempête de neige hâtive – au début d’octobre – qui
a laissé plusieurs de nos régions sans électricité durant
plusieurs jours. Heureusement, beaucoup d’entre nous
étaient bien à l’abri à l’hôtel historique Fort Garry pour
assister à un symposium international sur la prévention de
la PR dans les populations des Premières Nations
(Rheumatoid Arthritis in First Nations : Defining the Road to
Disease Prevention). Les participants étaient venus de
partout au Canada et aux États-Unis pour assister à ce
symposium de deux jours parrainé par les Instituts de
recherche en santé du Canada (IRSC) afin d’examiner le
phénotype singulier de la PR dans les Premières Nations,
d’explorer des méthodes pour faire participer ces collectivités à la recherche, pour discuter des progrès réalisés
pour mieux prévoir le début de la PR chez les sujets à
risque élevé et pour élaborer des stratégies de prévention
pour ces patients. Depuis environ 12 ans, nous, rhumatologues, avons insisté uniquement sur l’importance du
traitement énergique précoce de la PR et pour cette raison, nous sommes particulièrement ravis d’envisager de
pouvoir un jour prévenir cette maladie dévastatrice.
Sachez par ailleurs que les nouvelles du Manitoba ne
portent pas seulement sur les tempêtes de neige et les
symposiums! Lors d’une conférence de presse organisée
par la Société de l’arthrite (SA), nos plus récentes
diplômées et toutes nouvelles rhumatologues, les Dres
Amanda Patenaude et Daniela Stroescu, ont été présentées par le ministre de la Santé du Manitoba qui les a
félicitées par une chaleureuse accolade. (Avez-vous donné
l’accolade à votre ministre de la Santé dernièrement?) Ces
nouvelles collègues portent à 15 le nombre de rhumatologues au Manitoba, une très nette amélioration comparativement à la situation antérieure, mais un nombre encore
très insuffisant.
En plus de l’arrivée de nouveaux médecins enthousiastes, voici d’autres nouvelles intéressantes : le Dr Tim
McCarthy a décidé de prendre la course à pied au sérieux
et il a participé à plusieurs marathons cette année, il s’est
même qualifié pour le marathon de Boston. Bravo Tim! À
l’université, la Dre Navjot Dhindsa s’est laissé convaincre
d’accepter le poste de Directrice du programme et elle
travaille déjà avec enthousiasme à la mise à jour du programme de formation; elle souhaite plus particulièrement
rendre la rhumatologie attrayante aux yeux des résidents
C’est bien connu, les rhumatologues manitobains ont
l’esprit grégaire. Alors, attendez-vous à voir leurs noms
dans les différents projets nationaux : Canadian Early
Arthritis Cohort (CATCH), le Groupe de recherche canadien sur la sclérodermie (CSRG), le Réseau canadien pour
l’amélioration du pronostic du LED (CANIOS), le Groupe
de recherche canadien sur les vascularites (CanVasc), la
Société canadienne pour l’ultrasonographie en rhumatologie au Canada (SCUR/CRUS) et, bien entendu, la SCR
(veuillez me pardonner si j’ai oublié un acronyme!).
En terminant, je rappelle que nous cherchons sans
cesse à accroître le nombre de rhumatologues au
Manitoba, en particulier en milieu universitaire et en
pédiatrie. Si vous souhaitez vous joindre à un groupe qui
privilégie la collégialité et si vous désirez travailler dans
une région qui, vu le réchauffement global, bénéficiera
bientôt du climat le plus doux au Canada, écrivez-moi à
[email protected].
David B. Robinson, M.D., FRCPC
Professeur agrégé de médecine
Chef, section de rhumatologie
Directeur, Centre de l'arthrite
Université du Manitoba, Winnipeg, Manitoba
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
29
IMPRESSION ET OPINION
Suite de la page 28.
J’avais visité Montréal en 1989 et, en compagnie de
mon futur mari, la ville de Calgary en 1995. J’ai su dès
lors que j’aimais ce pays, la gentillesse de ses habitants,
l’immensité des paysages et j’étais enthousiasmée par
l'idée découvrir un « Nouveau Monde ». Il m’a semblé
que ce serait le meilleur endroit pour élever une famille :
un pays bilingue où nos enfants pourraient parler
français, où le prix des propriétés est abordable et où
nous pourrions avoir une maison près de notre lieu de
travail sans avoir à perdre une heure à l’aller et au retour
(eh oui, cette réalité existe même dans les îles!); en
outre, nous pourrions compter sur le soutien de la
famille de mon mari à Calgary. Malheureusement, j’avais
sous-estimé les embûches à vaincre pour avoir le droit
d’exercer la médecine au Canada. Ce parcours a été
ardu : après une année à travailler comme adjointe au
médecin en médecine interne, trois années de résidence en médecine interne et deux années comme
boursière de recherche en rhumatologie et de nombreux examens, j’ai enfin été autorisée à exercer la
médecine au Canada. J’exerce maintenant comme rhumatologue en milieu hospitalier à Calgary et mon travail
me passionne; je m’intéresse particulièrement à la
vascularite et au lupus. Nous avons cinq enfants qui ont
la chance de fréquenter une école française, située à
distance de marche de la maison. C’est un rêve devenu
réalité, mais comme c’est souvent le cas, il a fallu de
nombreux sacrifices. Mon seul regret est d’avoir été
obligée de refaire toutes mes années de résidence même
si j’étais convaincue d’avoir reçu une excellente formation en France, d’avoir soigné des maladies rares que j’ai
rarement observées durant ma formation au Canada.
Malheureusement, cette formation en France n’a pas été
appréciée à sa juste valeur par le Collège royal des
médecins et chirurgiens du Canada.
Aurore Fifi-Mah, M.D., FRCPC
Université de Calgary
Calgary, Alberta
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
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DIX POINTS À RETENIR
Dix points essentiels que les
rhumatologues devraient connaître
(mais ne connaissent peut-être pas) à
propos des médecins du travail
par Maureen Cividino, M.D., CCFP, FCFP, DOHS, CCBOM, CIC
L
a médecine du travail et de l’environnement (MTE) est une
pratique médicale en milieu de travail axée sur la prévention et le traitement des blessures, des maladies et de l’invalidité reliées au travail et à l’environnement, ainsi que sur la
promotion de la santé et de la productivité des travailleurs, de
leurs familles et des collectivités. Les médecins du travail et de
l’environnement possèdent des compétences particulières pour
s’occuper du bien-être physique, social et mental du travailleur
dans son milieu de travail. Ces médecins fournissent aux entreprises des conseils médicaux spécialisés pour les aider à optimiser la performance du capital humain et à améliorer la productivité dans les milieux de travail.
1) Ce que nous faisons
Examens médicaux préalables à l’embauche et périodiques
(p. ex., pour le personnel d’aviation, les pompiers, les routiers);
surveillance médicale (p. ex., exposition à l’amiante, à la silice, à
la tuberculose); monitorage biologique (p. ex., concentrations
du plomb, du mercure, du cadmium); prise en charge avant et
après l’exposition à des substances (p. ex., immunisation,
pathogènes à diffusion hématogène, cyanure); élaboration de
programmes et de politiques (préservation de l’ouïe, abus de
drogues et d’alcool); analyses des exigences d’un emploi; audits;
gestion de l’invalidité; examens médicaux indépendants (EMI).
2) Les milieux où nous exerçons
Dans les entreprises, les hôpitaux, les ministères (Santé,
Environnement, Travail, Forces armées); dans le milieu des assurances (Commission d’indemnisation des accidents du travail et
Commission de sécurité professionnelle et de l’assurance contre
les accidents du travail); Régime de pensions du Canada (RPC);
régimes privés d’assurance invalidité; en cabinet privé.
3) Doubles responsabilités
Nous portons deux chapeaux – notre première responsabilité est
de faire tout ce que nous pouvons pour aider votre patient et les
nôtres dans leur milieu de travail, et notre seconde est de veiller
à ce que le travail soit accompli de manière sécuritaire pour
toutes les personnes concernées.
40
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
4) Philosophie de travail
Les signes objectifs de la maladie et de l’invalidité ne sont pas
tant reliés à la présence au travail et à la capacité de travailler
qu’au désir de travailler. La capacité de continuer à travailler
avec succès est déterminée par l’interaction complexe de facteurs physiques, biologiques, sociaux et psychologiques. Fait à
souligner, les patients atteints d’arthrite inflammatoire (AI)
sont souvent très motivés au travail et ils s’acquittent très efficacement de leurs tâches, alors que d’autres patients ayant des
signes physiques et biologiques objectifs moins évidents d’une
maladie éprouvent parfois de grandes difficultés à accomplir
leur travail. De nombreux patients atteints d’une AI grave réussissent à aller travailler chaque jour. Malheureusement, le
corollaire est également vrai.
5) Fibromyalgie
Selon les lignes directrices 2012 pour le diagnostic et la prise en
charge du syndrome de fibromyalgie élaborées par la Société
canadienne de rhumatologie (SCR), la responsabilité du diagnostic et de la prise en charge de la fibromyalgie devrait être confiée d’abord aux médecins de premier recours. Étant donné que
les critères à l’appui de ce diagnostic sont entièrement subjectifs,
la prise en charge de la fibromyalgie sera encore plus difficile
dans le milieu de travail. Toujours selon ces lignes directrices, les
médecins doivent encourager les patients à continuer de travailler; en cas de long congé de maladie, les médecins doivent
inciter les patients à participer à un programme de réadaptation
pertinent, axé sur l’amélioration de la capacité fonctionnelle, y
compris sur le retour au travail si possible.
Ce diagnostic suscite de graves difficultés pour nous, car il
signifie en général un pronostic d’invalidité totale ou des demandes de modifications des tâches qu’il est presque toujours impossible de satisfaire (p. ex., travail de jour seulement, aucun travail
durant les fins de semaine, aucun quart de 12 heures, ne jamais
soulever plus de 5 kg, mesures de réduction du stress). Dans
presque tous les cas, d’autres facteurs jouent également un rôle,
par exemple les problèmes familiaux, les relations interpersonnelles au travail, les troubles psychologiques traités de manière
insatisfaisante.
6) Connaissance du milieu de travail
Les médecins de l’environnement connaissent très bien le
milieu de travail du patient et ils sont en mesure de donner de
l’information objective précise à propos des exigences d’un
emploi. Nous vous demandons donc de décrire les aptitudes et
les limites de votre patient et nous pourrons les apparier avec un
emploi donné. Au moment de rédiger vos recommandations
pour le travail de votre patient, soyez réaliste et demeurez le plus
objectif possible. Par exemple, il ne suffit pas de déclarer que
votre patient n’est pas apte à travailler à l’unité de soins X ou
d’occuper le poste Y ou de travailler avec monsieur Z.
7) Nous voulons discuter avec vous
Des voies de communication efficaces jouent un rôle de premier plan dans l’obtention de résultats favorables. Vous pouvez communiquer avec nous par téléphone ou par courriel,
et nous serons heureux de discuter de votre patient avec
vous; si vous exercez en Ontario, un code d’honoraires a
même été créé pour ces interventions. Pour de plus amples
renseignements, vous pouvez m’écrire à [email protected] et à
[email protected].
8) Évaluations des risques pour vos patients
Nous pouvons examiner de concert avec vous les risques
physiques, chimiques et de maladies transmissibles ainsi que les
risques d’exposition pour vos patients; nous pouvons également
vous aider dans la revue des immunisations pertinentes pour
votre patient et des possibilités de placement au travail.
9) Médecine du travail et de l’environnement (MTE)
Le « E » dans l’acronyme MTE revêt une importance croissante
maintenant que les questions environnementales retiennent de
Dre Maureen Cividino et Dr Alfred Cividino : un match parfait!
plus en plus l’attention (craintes au sujet des radiofréquences,
pollutions, éoliennes, présence de substances chimiques dans
l’eau ou les aliments).
10) Des partenariats efficaces
Nous sommes tout simplement faits les uns pour les autres!
Maureen Cividino, M.D., CCFP, FCFP, DOHS, CCBOM, CIC
Présidente, Association canadienne de la médecine du travail et
de l’environment (ACMTE)
Ancienne présidente, Association médicale de l’Ontario (AMO),
section sur la médecine du travail et de l'environnement
Médecin, Prévention et contrôle des infection, Santé publique
de l’Ontario
Médecine du travail, St. Joseph's Healthcare
Hamilton, Ontario
Réservez ces dates
La 12e assemblée générale et scientifique annuelle de l’Association ontarienne
de rhumatologie (AOR) se tiendra du 24 au 26 mai 2013 au JW Marriott
Conference Centre, à Muskoka, en Ontario.
Cette réunion offre un excellent programme académique, des informations
pratiques de gestion de bureau et une excellente occasion de réseauter avec
vos collègues dans un environnement champêtre! Les possibilités d’apprentissage englobent : des mises à jour d’experts sur les nouvelles sciences et des
points pratiques liés à la prise en charge de certaines maladies rhumatismales,
ainsi que des ateliers pour améliorer l’efficacité de la pratique et des soins aux
patients, avec la possibilité d’obtenir toutes les réponses à vos questions.
Pour plus de renseignements, contactez [email protected].
JSCR 2012 • Volume 22, Numéro 4
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