Cancer épidermoïde de l`anus - Chirurgie

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Cancer épidermoïde de l`anus - Chirurgie
SOMMAIRE
Cancers épidermoïdes du canal anal : bilan, classification et indications
thérapeutiques.
T. BOISSERIE, E. TOUBOUL
Résultats de la radiothérapie et de la radio-chimiothérapie
Des cancers épidermoïdes du canal anal
E. TOUBOUL, T. BOISSERIE
Indication opératoire et suivi après radio-chimiothérapie.
Y. PARC
Carcinome épidermoide de l’anus : technique d’amputation abdominopérinéale et de colostomie périnéale
N.ABBES ORABI, A.KARTHEUSER
Techniques de reconstruction périnéale par lambeaux
M. CHAOUAT
Résultats du traitement chirurgical du carcinome épidermoïde du canal anal
J. LEFEVRE
CANCERS EPIDERMOÏDES DU CANAL ANAL : BILAN, CLASSIFICATION ET
INDICATIONS THERAPEUTIQUES.
T. Boisserie, E. Touboul
Oncologie-Radiothérapie, hôpital Tenon A.P.-H.P.
Epidémiologie, histologie et histoire naturelle
Le cancer du canal anal est une tumeur relativement rare, 1,5 % des cancers digestifs. Il touche avec une nette
1, 2
prépondérance le sexe féminin, avec un pic de fréquence vers la septième décennie . Les habitudes sexuelles
et la transmission d'une infection à papillomavirus humain de type 16 constituent, actuellement, les facteurs de
risque les plus importants3-8. En France, son incidence est de l’ordre de 1 pour 100 000 habitants, avec une
prédominance chez la femme et la personne âgée9. Il faut noter que l’inflammation, les microtraumatismes
locaux ou les antécédents de pathologie anale bénigne (hémorroïdes, fissures) anciennement considérés
2
comme des facteurs de risques, ne le sont pas .
L’histologie principale est le carcinome épidermoïde. Deux variantes histologiques auraient un moins bon
pronostic : le carcinome épidermoïde avec microkystes mucineux et le carcinome verruqueux (équivalent du
condylome géant ou tumeur de Buschke-Lowenstein)10.
L'évolution est dans la grande majorité des cas locale, de proche en proche par contiguïté, et lymphatique
régionale, soit vers les ganglions péri-rectaux et le pédicule hémorroïdaire supérieur, soit vers les ganglions
inguino-cruraux et plus rarement les ganglions iliaques internes, iliaques externes et lombo-aortiques. Les
métastases à distance sont, en revanche, rares et ne sont observées que dans 10 à 12 % des cas11. Cette
évolution explique l'importance des thérapeutiques à action locorégionale à visée curative.
Examen initial et bilan d’extension
Les principaux signes cliniques faisant suspecter un cancer du canal anal sont : les rectorragies, la douleur
anale, une lésion anale persistante et l’incontinence anale. Lorsque ce diagnostic est évoqué, un examen
clinique complet, une confirmation anatomopathologique et un bilan d’extension sont nécessaires à la prise en
charge thérapeutique.
Interrogatoire
Il doit préciser les troubles fonctionnels en termes d’intensité et de fréquence : nombre de selles par jour,
émissions glaireuses, présence de sang, douleur anale et la continence anale. Leur évaluation permet de coter
les signes fonctionnels et d’établir un score fonctionnel sphinctérien préthérapeutique12.
Examen clinique initial
Il doit être effectué idéalement par le gastro-entérologue, le chirurgien et l’oncologue pour aboutir à la
réalisation d’un schéma précis, orienté et coté de l’extension de l’extension tumorale sur lequel reposent la
stratégie thérapeutique et la technique de radiothérapie. L’examen sous anesthésie générale n’est pas
indispensable et dépend des difficultés rencontrées pour effectuer un examen ano-rectal de bonne qualité.
L’examen en position genu-pectorale et/ou décubitus dorsal explore la marge anale et la totalité de la
circonférence du canal anal et du bas rectum. Chez la femme, le toucher bidigital apprécie l’état de la cloison
recto-vaginale. Il est complété par un examen gynécologique au spéculum et au moindre doute, par un frottis
cervico-vaginal avec recherche d’une infection à papillomavirus. Il faut préciser sur le schéma la longueur
centimétrique de la lésion tumorale, la distance entre le pôle inférieur de la tumeur et la marge anale,
l’extension circonférentielle en mentionnant la topographie en termes de quadrants horaires, le caractère
infiltrant, bourgeonnant ou ulcérant et, dans une forme sténosante, l’importance de la sténose en termes de
pourcentage de réduction de la lumière du canal anal. Chez la femme le toucher pelvien recherche une
extension éventuelle dans la cloison recto-vaginale et dans ce cas, apprécie l’état de l’épithélium de
recouvrement de la muqueuse vaginale postérieure. Chez l’homme, le toucher pelvien évalue une extension
relativement rare vers l’axe vésico-prostatique.
Lors du toucher rectal, il est essentiel de rechercher un nodule pararectal ou pelvien présacré, évoquant une
adénomégalie métastatique.
L’examen des aires ganglionnaires inguinales et rétrocrurales est systématique. En cas d’adénomégalies
palpables, leur diamètre est mesuré et leur état précisé par une cytoponction ganglionnaire sous échographie.
Biopsies tumorales
Elles sont réalisées lors de l’examen endoscopique ano-rectal, avec recherche conseillée d’une infection à
papillomavirus sur les prélèvements. Elles doivent être profondes, multiples, effectuées à la fois au centre de la
tumeur et à sa périphérie. Elles doivent être répétées en cas de résultats négatifs et de doute persistant. Les
formes d’aspect trompeur ont imposé la règle d’un examen histopathologique systématique de toute pièce
d’exérèse proctologique, particulièrement devant une forme pseudo-vénérienne ou une forme fissuraire,
notamment lorsqu’elle ne siège pas dans l’une des commissures de 6 à 12 heurs ou qu’elle évolue vers la
chronicité malgré un traitement bien conduit.
Echo-endoscopie ano-rectale
Elle est considérée comme un examen essentiel et le plus fiable pour évaluer, d’une part, l’épaisseur
millimétrique de la tumeur et l’éventuelle extension tumorale vers les muscles sphinctériens et, d’autre part,
l’extension ganglionnaire périrectale et présacrée13, 14. Une image ronde, hypo-échogène, à contours nets de 5
à 10 mm, péri-rectale ou de plus de 10 mm de diamètre est considéré comme pathognomonique d’une
extension tumorale ganglionnaire.
Autres examens
Les clichés radiologiques standards du thorax de face et de profil et l’examen tomodensitométrique abdominopelvien paraissent suffisants pour apprécier le bilan d’extension métastatique à distance. La place du TEP au
18-FDG reste discutée15, elle est notamment utile pour l’exploration ganglionnaire inguinale16, très sensible si
négative17. Si la TEP au 18α-FDG est positive, une cytoponction d’un ganglion inguinal sous échographie
permettra de différencier une adénopathie inflammatoire d’une adénopathie métastatique17.
Le dosage du SCC TA4 (squamous cell carcinoma tumor antigen 4) est un marqueur tumoral intéressant qui
participe à la surveillance pendant et après le traitement lorsque le taux sérique initial avant traitement est
élevé18. La recherche d’une pathologie virale associée n’est effectuée qu’après l’accord du patient : sérologie
VIH, VHC et VHB. La coloscopie est fréquemment proposée dans le but d’éliminer une pathologie colique
associée (rectorragies).
Lorsqu’une chimiothérapie est envisagée, le bilan est complété par un électrocardiogramme, un hémogramme,
le dosage de la créatininémie et le calcul de la clairance rénale de la créatinine, un ionogramme sérique, un
bilan biologie hépatique complet.
Classification
L’ensemble de ce bilan aboutit aux deux classifications tumorales complémentaires les plus utilisées (tableaux
1 et 2), indispensables à l’initiation d’une stratégie thérapeutique adaptée. La première est clinique selon la
19
13
classification TNM de l’UICC de 2009 et la deuxième écho-endoscopique . En revanche, la classification par
19
stade est peu utilisée (tableau 3). Enfin, l’établissement d’un score fonctionnel anal sphinctérien
préthérapeutique12 est élément déterminant dans la conduite d’un traitement conservateur et l’évaluation des
résultats post-thérapeutiques (tableau 4).
Tableau 1 : classification TNM de l’UICC de 200919
Tumeur primitive
T1 : tumeur ≤ 2 cm dans sa plus grande dimension
T2 : tumeur > 2 cm mais ≤ 5 cm dans sa plus grande dimension (de 21 mm à 50 mm)
T3 : tumeur > 5 cm dans sa plus grande dimension
T4 : tumeur, quelle que soit sa taille, qui envahit un ou plusieurs organes adjacents (vagin, urètre, vessie) à
l’exception du rectum, de la peau périnéale, du tissu cellulaire sous-cutané et du sphincter.
Adénopathies régionales (N)
Nx : ganglions non évalués
N0 : pas de métastase ganglionnaire
N1 : ganglions périrectaux
N2 : ganglions iliaque interne et/ou inguinal unilatéraux
N3 : ganglions périrectaux et inguinaux et/ou iliaques internes bilatéraux et/ou inguinaux bilatéraux.
Métastases à distance (M)
MX : non évaluées
M0 : pas de métastase
M1 : métastases à distance
Tableau 2 : écho-endoscopique13
usT1 : atteinte de la muqueuse et de la sous-muqueuse sans atteinte du sphincter interne
usT2 : atteinte du sphincter interne sans atteinte du sphincter externe
usT3 : atteinte du sphincter externe
usT4 : atteinte d’un organe pelvien de voisinage
usN0 : pas d'adénopathie suspecte
usN+ : adénopathie péri-rectale de 5 à 10 mm de diamètre ayant les caractères de malignité (rond,
hypoéchogène, contours nets) ou mesurant plus de 10 mm de diamètre.
Tableau 3 : classification par stade19
Stade 0 : TisN0M0
Stade I : T1N0M0
Stade II : T2-3N0M0
Stade IIIA : T1-2-3N1M0 ; T4N0M0
Stade IIIB : T4N1M0 ; tous T, N2-3M0
Stade IV : tous T, tous N, M1
Tableau 4 : Score fonctionnel sphinctérien anal selon la classification de Tenon12
Fréquence de Emissions
Score
Saignement
Douleur
selles
glaireuse
0
1-2 /j
1
3-4 /j
1-2 / sem
1-2 / sem
Occasionnelle
2
5-8 /j
Intermittente
3
<8 /j
Permanente
1 /j, apport de
fer
Persistant,
transfusion
GR
4
Colostomie
Colostomie
Colostomie
et/ou AAP
et/ou AAP
et/ou AAP
AAP : Amputation abdomino-périnéale ; GR : globules rouges.
de
Régulière,
antalgique
usuel
Intense,
morphinique
Colostomie
et/ou AAP
Incontinence
Occasionnelle,
minime
Intermittente
Persistante
Colostomie
et/ou AAP
Stratégie thérapeutique
D'une manière générale, les cancers du tractus digestif sont moyennement ou peu radiosensibles. Le
carcinome épidermoïde du canal anal échappe à cette règle. Jusqu'aux années 1970, le traitement du cancer du
canal consistait en une chirurgie radicale dominée par l'amputation abdomino-périnéale20-22. Cependant, au
cours des années 1970 et début 1980, les travaux de l'école française23-26 et du "Princess Margaret Hospital" de
27
Toronto ont pu montrer l'action curative et conservatrice d'une radiothérapie de première intention et ont
fait progressivement régresser les indications chirurgicales mutilantes de première intention28-30. A partir de la
fin des années 1980 et le début des années 1990, de nombreuses études rétrospectives et non randomisées
semblaient montrer qu'un traitement par association radio-chimiothérapie concomitante exclusive avec la
combinaison 5-fluorouracile et mitomycine puis 5-fluorouracile et cisplatine était capable d'augmenter les taux
31de conservation sphinctérienne et de contrôle tumoral local, sans élévation importante du risque de toxicité
37
. A partir des années 90, les études prospectives randomisées ont montré que l’association radiochimiothérapie concomitante avec 5-fluorouracile et mitomycine38-40 est capable d’améliorer significativement
le taux de survie avec conservation de la fonction sphinctérienne.
Après une première série d'irradiation externe pelvienne et inguino-crurale de 45 Gy en 5 semaines suivie d'un
repos de 4 semaines il est proposé en cas de réponse tumorale supérieure à 50 % un complément de
radiothérapie localisé au volume tumoral de 15 Gy, soit par irradiation externe, soit par curiethérapie
interstitielle périnéale, selon le volume tumoral initial et sa topographie.
Pour les tumeurs classées T1N0  1 cm, la dose totale d'irradiation peut être limitée à 45-50 Gy pour des
tumeurs infra cliniques après biopsie exérèse et à 50-60 Gy en l'absence d'exérèse41.
Le traitement systématique des aires ganglionnaires inguinales reste discuté dans les tumeurs de petit volume
T1N0M0. Certains auteurs recommandent de se contenter d'une irradiation inguinale unilatérale en cas de
tumeur bien latéralisée42. D’autres auteurs préconisent l’utilisation du prélèvement du ganglion sentinelle
inguinal après double détection associant le bleu patenté et un radio-colloïde43.
La toxicité aiguë non négligeable et le taux de décès toxique de l’ordre de 2 à 3%39, 40, 44 incitent à proposer
l’association radio-chimiothérapie concomitante avec prudence et à peser l’indication au cas par cas, selon le
terrain physiologique du patient et le bénéfice attendu45.
L’intérêt du traitement combiné n’est pas démontré pour les tumeurs classées, selon l’UICC 2009, T1 et T2 de
moins de 4 cm, N0 et classées écho-endoscopiquement uT1-2 N0. Bien que l’ensemble des auteurs s’accordent
pour considérer qu’une tumeur classée T1N0, uT1-2N0 doit être traitée par radiothérapie exclusive à visée
curative et conservatrice12, 27, 41, le traitement des tumeurs classées T2 de moins de 4 cm, N0, uT1-2N0 reste
discuté. En effet, le taux de survie à 5 ans sans colostomie après radiothérapie exclusive ne dépasse pas 70%12
et certains auteurs proposent une association radio-chimiothérapie concomitante, lorsque le terrain
physiologique le permet, afin d’améliorer le contrôle tumoral local sans colostomie.
L’association radio-chimiothérapie concomitante est un standard thérapeutique dans les tumeurs classées,
selon l’UICC 2009, T2 de 4 cm ou plus, T3-4 N0 ou pour tout T, N1-3 et/ou classées écho-endoscopiquement
uT3-4 N0 ou tout T, N+, avec un bénéfice en termes à la fois de contrôle tumoral local et de survie sans
colostomie38-40.
Cependant, le traitement conservateur par radiothérapie exclusive ou par association radio-chimiothérapie
concomitante a ses limites. L’amputation abdomino-périnéale programmable avec épiplooplastie 5 semaines
après la première série d’irradiation de 45 Gy en 5 semaines est indiquée lorsque la tumeur est classée T4 selon
l’UICC 2009 et écho-endoscopiquement uT4, associée à des troubles sévères non régressifs de la fonction
sphinctérienne, dominés par l’incontinence anale ou une fistule recto-vaginale persistante, rendant illusoire
tout traitement conservateur avec un bon résultat fonctionnel.
L’amputation abdomino-périnéale doit être discutée au cas par cas avec le patient, en indiquant les avantages
attendus et les inconvénients, dans les tumeurs de gros volume classées T3-4 ou uT3-4 dont la réponse
tumorale après la première série d’irradiation est inférieure ou égale à 50%46-48.
L’amputation abdomino-périnéale de rattrapage avec lambeau musculo-cutané pédiculé périnéal de fermeture
est proposée en cas de rechute tumorale locale ou de progression tumorale locale, malgré un traitement à
visée conservatrice bien conduit, à condition que le bilan d’extension tumorale laisse prévoir une chirurgie
carcinologique et confirme l’absence de toute évolution métastatique, chez un patient en bon état
physiologique48-56.
Enfin, l’amputation abdomino-périnéale avec lambeau musculo-cutané pédiculé de reconstruction périnéal est
parfois nécessaire en cas de séquelles post-radiques sévères à type de fibrose ou de nécrose douloureuse
anale, d’incontinence sphinctérienne ou de rectorragies abondantes persistantes malgré un traitement
spécifique local bien conduit, responsables d’une anémie ferriprive sévère nécessitant des transfusions de
culots de globules rouges itératives.
Dans les formes rares métastatiques, synchrones ou métachrones, ou en cas de rechute ou de progression
locorégionale non opérable, chez une patiente présentant un état général conservé, une chimiothérapie avec
le 5-fluorouracile et le cisplatine est un traitement palliatif qui permet d’obtenir un taux de réponse objective
de 30 à 60%, avec une médiane de survie de l’ordre de 12 à 35 mois57. Chaque fois que possible, en cas de
maladie métastatique synchrone, une radiothérapie pelvienne peut être effectuée, lors des deux premiers
cycles de chimiothérapie, afin d’agir sur les troubles fonctionnels anaux, de contrôler la maladie locorégionale
et d’améliorer la qualité de vie. De manière exceptionnelle, dans une forme avec métastase unique
ganglionnaire ou hépatique, avec une maladie localement contrôlée, ayant bien répondu à une chimiothérapie,
il est possible de réaliser une exérèse de la lésion métastatique et d’obtenir une survie prolongée de plusieurs
58
années .
L’ensemble des résultats publiés a abouti à des recommandations qui peuvent être, pour certains stades de la
maladie, sensiblement différentes selon les sociétés savantes14, 59, 60. Ci-dessous est cité les recommandations
de la Fédération Francophone de Chirurgie Digestive14 (tableau 5).
Tableau 5 : Fédération Francophone de Chirurgie Digestive14 :
T1N0 : radiothérapie exclusive 50 Gy (25fr/5semaines) + complément localisé
T2N0 : radiothérapie exclusive 50 Gy (25fr/5semaines) + complément localisé
T3 ou T1-T2, N1-N3 : Radio-chimiothérapie concomitante exclusive (5 FU-Mitomycine C + 45 Gy/25 fr/5
semaines puis complément localisé). Chirurgie de rattrapage en l’absence de réponse tumorale
T4 : Pas de standard : RTCT exclusive ou RTCT et chirurgie
M+ : Chimiothérapie exclusive. Alternatives : Radiothérapie pelvienne fonctionnelle ou Chirurgie fonctionnelle
Conclusion
La radiothérapie à visée curative et conservatrice reste le traitement fondamental des carcinomes
épidermoïdes du canal anal. La radiochimiothérapie est un standard thérapeutique dans les formes localement
avancées. La place des thérapeutiques ciblées, l’intérêt dosimétrique de la RCMI (Radiothérapie
Conformationnelle par Modulation d’Intensité) sont en cours d’évaluation.
Stratégie thérapeutique : synthèse
UICC T > 2 cm et/ou tous T,
N palpable (cytoponction +)
UICC T  2 cm, N0
Echo-endoscopie ano-rectale
US T3 et/ou US N+
ARCC exclusive
à visée curative
ou pré opératoire
US T1-2, N-
RTE exclusive à visée curative
- T1 : pas d'irradiation inguinale
ou irradiation inguinale unilatérale
en cas de tumeur bien latéralisée.
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RESULTATS DE LA RADIOTHERAPIE ET DE LA RADIO-CHIMIOTHERAPIE
DES CANCERS EPIDERMOÏDES DU CANAL ANAL
Emmanuel TOUBOUL
Thomas BOISSERIE
Service d'Oncologie-Radiothérapie,
Hôpital Tenon A.P.-H.P., Cancerest
Groupe hospitalier StARTT,
Université Paris VI Pierre et Marie Curie.
1. Radiothérapie
La radiothérapie à visée curative et conservatrice, de première intention, a une place fondamentale dans le
traitement du carcinome épidermoïde du canal anal. En France et en Europe, le schéma d'irradiation le plus
souvent proposé comprend une première série d'irradiation externe pelvi-inguinale de 45 Gy à raison de 1,80
Gy par séance, cinq séances par semaine, à l'aide de Rx d'un accélérateur linéaire de 10 à 15 MV. Après un
intervalle de repos de 4 à 5 semaines, nécessaire pour observer une réponse tumorale maximale et une
régression des réactions aiguës per radiques sur les tissus sains de voisinage, un complément de radiothérapie
localisée au volume tumoral initial est effectué jusqu'à la dose de 15 Gy en 1,5 semaine. Ce complément
d'irradiation peut être réalisé soit par irradiation externe soit par curiethérapie interstitielle selon le volume et
la topographie tumorale initiale.
Après radiothérapie exclusive à visée curatrice, le taux de survie spécifique à 5 ans, le taux de contrôle tumoral
local avec ou sans chirurgie de rattrapage et le taux de contrôle tumoral local avec une fonction sphinctérienne
anale conservée et de bonne qualité sont, respectivement, de l'ordre de 70 à 85 %, de 85 à 95 % et de 70 à 90
% selon les séries, pour les tumeurs de petit volume classées T1 ou T2 de moins de 4 cm de longueur et de
l'ordre, respectivement, de 50 à 60 %, de 60 à 75 % et de 25 à 60 % selon les séries, pour les tumeurs plus
évoluées classées T2 de plus de 4 cm de longueur, T3 ou T4 [1-7]. Alors que le taux de contrôle tumoral en fin
de radiothérapie est significativement influencé par la taille de la tumeur, le taux de rechute tumorale locale
observée après une réponse tumorale clinique considérée comme complète deux mois après la fin de la
radiothérapie est de l'ordre de 10 %, quelle que soit la taille initiale de la tumeur [6]. Les séquelles postradiques avec troubles trophiques du canal anal à sanction chirurgicale surviennent dans 3 à 11 % des cas selon
les séries [1-7]. Cependant, avec l'amélioration des techniques d'irradiation, ce risque ne dépasse pas
actuellement 3 %. Au-delà d'une période de 2 ans après la fin du traitement, le risque de rechute tumorale
locale ou de complications post-radiques sont faibles. En effet, 80 % des échecs locaux et des troubles
trophiques sévères surviennent dans les 2 ans qui suivent le traitement [2, 5, 6].
Après une radiothérapie exclusive, les facteurs capables d'influencer la survie sans rechute sont la taille
tumorale avec un seuil significatif à 4 ou 5 cm selon les séries [2, 4, 6, 8], l'extension tumorale anale
circonférentielle [2], l'épaisseur tumorale et la profondeur d'invasion pariétale [6], la classification T de
l'U.I.C.C. 2001 [3-8], la classification N [3, 4, 6], le score fonctionnel sphinctérien pré-thérapeutique [6] et une
réponse tumorale supérieure ou égale à 50 % [5, 6, 8] ou à 80 % [9] après la première série d'irradiation
externe. Cependant, l'envahissement ganglionnaire, l'extension tumorale circonférentielle, l'épaisseur
tumorale, le score fonctionnel sphinctérien pré-thérapeutique sont des facteurs étroitement corrélés à la taille
tumorale [2, 5-7]. L'impact sur le pronostic d'autres facteurs comme la topographie tumorale recto-canalaire, la
différenciation histologique, une sérologie VIH positive, ou une résection chirurgicale première conservatrice,
est discuté [2, 4, 6, 10-13]. Pour les tumeurs classées T1N0 ≤ 1 cm, la dose totale d'irradiation externe peut être
limitée à 45-50 Gy lorsque la lésion est infra clinique après une biopsie exérèse à visée diagnostique et à 50-60
Gy en l'absence d'exérèse dans un volume pelvien réduit au canal anal et au premier relais ganglionnaire périrectal inférieur avec exclusion des aires ganglionnaires inguinales [14-16]. Le taux de contrôle local et de survie
spécifique à 5 ans sont, respectivement, de l'ordre de 95 à 100 % et de 98 à 100 % [6, 8, 14].
2. Association radiothérapie et chimiothérapie
De nombreuses études rétrospectives non randomisées ont montré qu'une association par radiochimiothérapie concomitante exclusive à visée curative et conservatrice, avec le 5-fluorouracile et la
mitomycine [4, 17-19], puis le 5-fluorouracile et le cisplatine [20-24], était capable d'augmenter le taux de
contrôle tumoral local et le taux de conservation sphinctérienne, sans élévation importante du risque de
toxicité sévère. Deux études randomisées de phase III ont comparé une radiothérapie exclusive seule et une
association radio-chimiothérapie concomitante avec le 5-fluorouracile et la mitomycine pour des formes avec
envahissement ganglionnaire loco-régional ou localement avancé (T3-4 et/ou N1-3). Les résultats de ces deux
essais sont concordants [25, 26]. Un bénéfice significatif a été observé en termes de réponse tumorale
complète après traitement et de survie sans rechute. La survie sans colostomie passe de 40 à 72 % à 5 ans (p =
0,002) dans l'essai européen [26] et de 34 à 57 % dans l'essai anglais [25]. La survie spécifique à 3 ans était
meilleure dans l'essai anglais après association radio-chimiothérapie (28 contre 39 %, p = 0,02). Dans ces deux
essais, le traitement combiné augmentait la toxicité aiguë, avec des réactions muqueuses plus intenses, des
diarrhées plus sévères et des neutropénies fébriles plus fréquentes. Le taux de décès toxique était de 2 % après
radio-chimiothérapie concomitante contre 0 % après radiothérapie seule. Une troisième étude nordaméricaine [27] a comparé les résultats après une association radio-chimiothérapie concomitante combinant le
5-fluorouracile et la mitomycine à ceux d'une mono-chimiothérapie concomitante avec le 5-fluorouracile. Le
taux de réponse tumorale complète après traitement, le taux de survie sans colostomie à 4 ans et le taux de
survie sans maladie étaient significativement supérieur après l'association 5-fluorouracile et mitomycine
concomitante. Le taux de survie globale était comparable dans les deux bras de randomisation. Les taux de
toxicité aiguë et tardive sévère de grade 4 et 5 (létale) étaient significativement plus élevés avec l'association 5fluorouracile et mitomycine, respectivement, 23 % et 3 % contre 7 % et 0,7 % (p < 0,001). De plus, la toxicité
sévère hématologique était significativement plus élevée dans le groupe traité par 5-fluorouracile et
mitomycine (3 % contre 18 %, p < 0,001 dont quatre décès toxiques par neutropénie contre un dans le bras
sans mitomycine). Ces trois études randomisées ont montré l'impact d'une chimiothérapie concomitante à la
radiothérapie avec le 5-fluorouracile et la mitomycine sur le contrôle local et la survie sans colostomie dans les
formes N+ ou localement avancées, avec un risque de décès toxique de 2 à 3 %, sans amélioration de la survie
globale.
Dans deux études prospectives randomisées, la radio-chimiothérapie avec 5-fluorouracile et mitomycine a été
comparée à celle avec 5-fluorouracile et cisplatine [27, 28]. Aucune différence n'a pu être constatée en termes
de survie sans rechute et de survie globale. Le taux de colostomie à 5 ans était supérieur dans le groupe traité
par 5-fluorouracile et cisplatine dans une étude [27]. Dans l'étude randomisée multicentrique française de
phase III (Accord 03), une chimiothérapie d'induction avec 5-fluorouracile et cisplatine n'a pas amélioré le
pronostic vital et le contrôle tumoral local [29], de même qu'une chimiothérapie de maintenance avec 5fluorouracile et cisplatine après une association radio-chimiothérapie exclusive à visée curative n'a pas modifié
le pronostic, dans l'étude ACT II, UKCCCR [28]. Dans l'étude Accord 3, après une association radiochimiothérapie avec 5-fluorouracile et cisplatine jusqu'à la dose de 45 Gy en cinq semaines, l'escalade de dose
totale d'irradiation avec un complément compris entre 15 Gy et 20 à 25 Gy selon la réponse tumorale n'a pas
eu d'impact significatif sur la survie et le contrôle tumorale local [29]. En revanche, dans quelques études
rétrospectives, l'association radio-chimiothérapie concomitante n'autorise pas à abaisser la dose totale
d'irradiation au-dessous de 55 Gy, ni d'allonger l'intervalle de repos entre la première série d'irradiation et le
complément d'irradiation au-delà de 35 jours, sans risque de réduire significativement le taux de contrôle
tumoral local [6, 30-32].
L'association radio-chimiothérapie concomitante à visée curative et conservatrice avec l'association 5fluorouracile et mitomycine, jusqu'à la dose totale de 56 à 60 Gy reste, par conséquent, un standard
thérapeutique dans les tumeurs classées T2 de 4 cm et plus, T3-4 N0 ou tout T, N1-3 et/ou classées à
l'échographie endoscopique ano-rectale UST3-4 ou tout T-N+. Pour certains auteurs, elle peut être proposée à
des tumeurs classées T2N0 de moins de 4 cm de longueur, lorsque le terrain physiologique l'autorise, afin
d'améliorer le contrôle tumoral sans colostomie qui ne dépasse pas 70 % après radiothérapie exclusive sans
chimiothérapie concomitante [6]. Cependant, l'indication d'une association radio-chimiothérapie concomitante
doit être posée de manière réfléchie, en fonction de l'espérance de vie, de pathologies associées, cardiaques
ou rénales, chez des sujets âgés et fragiles et de la formule sanguine, avec le nombre de CD4, chez les sujets
VIH positif. De plus, le traitement conservateur par radiothérapie exclusive ou association radio-chimiothérapie
concomitante a ses limites. L'amputation abdomino-périnéale programmable est indiquée, cinq semaines après
une première série d'irradiation lorsque la tumeur est classée T4 ou écho-endoscopiquement UST4 associée à
des troubles sphinctériens sévères non régressifs, dominés par l'incontinence anale ou une fistule rectovaginale persistante, rendant illusoire tout traitement conservateur avec un bon résultat fonctionnel. De
même, la chirurgie non conservatrice doit être discutée au cas par cas avec le patient, en indiquant loyalement
et clairement les avantages attendus et les inconvénients, dans les tumeurs de gros volume, classées T3-4 ou
UST3-4 dont la réponse tumorale après la première série d'irradiation est inférieure ou égale à 50 % [9].
D'autres schémas thérapeutiques d'association radio-chimiothérapie concomitante visant à augmenter le taux
de survie sans colostomie sont actuellement à l'étude. Une étude prospective randomisée de phase III, EORTC
2011 (European Organization for Research and Treatment of Cancer) propose un schéma d'irradiation dont la
faisabilité avec un taux de contrôle tumoral local élevé de 88 % a été validée dans une étude de phase II [33]. Il
comprend une première série de 36 Gy en quatre semaines suivie, après un intervalle de repos de 14 jours,
d'un complément d'irradiation de 24,4 Gy en trois semaines. La réduction de la dose totale à 36 Gy lors de la
première série d'irradiation permet de réduire l'intervalle de repos entre les deux séries d'irradiation et, par
conséquent, de diminuer l'étalement du traitement sans modifier la dose totale délivrée dans le volume
tumoral. La randomisation porte sur la chimiothérapie concomitante et compare l'association avec le 5fluorouracile et la mitomycine et l'association avec la mitomycine et le cisplatine (drogues capables d'agir
toutes deux sur les cellules tumorales anoxiques et quiescentes peu radiosensibles). Enfin, des essais de phase
I-II sont en cours pour tester l'impact et la tolérance d'une thérapie ciblée inhibitrice de la voie EGF en
association à une radiothérapie avec ou sans chimiothérapie concomitante.
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INDICATION OPERATOIRE ET SUIVI APRES RADIO-CHIMIOTHERAPIE.
Yann Parc
Service de Chirurgie Générale et Digestive,
Hôpital Saint-Antoine, Université Pierre et Marie Curie,
184 rue du faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris.
Si la radio-chimiothérapie est devenue le traitement de référence de première intention des cancers
épidermoïdes de l’anus, la chirurgie reste indiquée dans un certain nombre de cas. Celle-ci peut être proposée
comme seule traitement dans des cas très particulier, mais le plus souvent elle est proposée après radiochimiothérapie. Nous distinguerons alors quatre situations : après la phase initiale de la radio-chimiothérapie
sans qu’un complément d’irradiation ait été délivré, devant la persistance ou la résurgence d’une lésion dans
les 6 mois qui suivent la fin du traitement, devant l’apparition d’une possible récidive plus de 6 mois après la fin
du traitement initiale et devant les conséquences fonctionnelles du traitement par radio-chimiothérapie.
I- Chirurgie avant radio-chimiothérapie
N’est pas discuté, ici, le traitement des lésions intra-épithéliales apparaissant sur les lésions
secondaires à une infection par papilloma virus. Le traitement de ces lésions s’inscrit dans un suivi
proctologique particulier qui permet le plus souvent de prévenir la survenue de cancer épidermoïdes de l’anus
au prix d’une surveillance spécifique et régulière. Les petites lésions, T1 de moins de 1 cm, sans extension
ganglionnaires, basse dans le canal anal et l’infiltrant peu peuvent faire l’objet de résection chirurgicale sans
traitement par radio-chimiothérapie (1). Toutefois, il faut garder à l’esprit que la résection avant radiochimiothérapie est un facteur de risque de mauvais pronostic comme ont pu le suggérer récemment Coquard
et al (2). Ainsi, la sélection des patients pour lesquels une excision peut être proposée doit être
particulièrement rigoureuse.
II- Indication pendant la période d’intervalle
Quatre semaines après la phase initiale du traitement par radio-chimiothérapie, les patients font
l’objet d’une réévaluation afin de déterminer si leur tumeur répond au traitement et peut donc faire l’objet de
l’irradiation complémentaire prévue. Ainsi, si la lésion a régressée de plus de 50% en volume, le complément
de radiothérapie pourra être prescrit. En revanche, si la réponse est insuffisante, une amputation abdominopérinéale devra être proposée. Cette appréciation est principalement clinique. L’utilisation de l’échographie
endo-anale ou de l’IRM à cet instant précis du suivi n’a pas fait l’objet d’étude particulière.
Un sujet d’évaluation futur à ce stade du traitement, concerne la prise en charge des lésions T4. En
effet, leur régression complète peut s’avérer parfois illusoire, le résultat fonctionnel obtenue et le contrôle
locale et générale de ces tumeurs par un traitement par radio-chimiothérapie exclusive n’est pas aussi bon que
pour des lésions moins avancées. Ainsi, pour ces lésions pourrait ce discuter une amputation abdominopérinéale systématique après la phase initiale du traitement par radio-chimiothérapie comme Nigro et al l’avait
initialement envisagé (3).
III Suivi et indication opératoire après radio-chimiothérapie
Le suivi que cela soit sa méthode ou son rythme n’a fait l’objet d’aucune évaluation. Toutefois, il est
généralement proposé de faire un examen clinique avec touchers rectale et vaginale et palpation des aires
inguinales, un dosage du SCC et en alternance un scanner thoraco-abdomino-pelvien et une échographie
hépatique avec une radiographie pulmonaire tous les six mois et ce aussi longtemps que possible.
Une IRM pelvienne peut être demandée. Son utilisation pour le suivi à titre systématique ne se justifie
pas. Les images obtenus ne permettant pas de déterminer si celles-ci correspondent à des cicatrices postradiques ou des lésions évolutives. Si une réduction de taille de la lésion et une stabilisation ou une baisse de
l’intensité du signal en T2 se sont avérer des signes radiologiques de bonne évolution, ce n’est que
l’augmentation de taille des lésions observés qui permet d’affirmer l’existence d’une récidive locale (4). Cet
examen ne s’avère donc pas particulièrement utile en plus de l’examen clinique. De même, l’utilisation de
l’échoendoscopie ne s’avère pas particulièrement utile en plus du suivi clinique, aucune récidive en plus de
celles mises en évidence cliniquement n’ayant été rapporté dans l’étude de Lund et al (5).
En cas d’apparition de lésions non observées préalablement, le diagnostic de récidive ne pose que
rarement des difficultés. En revanche devant une ulcération persistante, il est parfois difficile de déterminer s’il
s’agit d’une ulcération post-radique ou d’une lésion ne régressant pas complètement. La réalisation de biopsies
peut alors s’avérer hasardeuse. La surinfection d’un point de biopsie en zone irradié est à craindre. Un abcès
peut se constituer et en cas de localisation dans la cloison recto-vaginale se compliquer avec la constitution
d’une fistule recto-vaginale. L’évolution de ces lésions ulcérées et leur retentissement sur la qualité de vie des
patients doivent alors aussi prise en compte pour déterminer qu’elle attitude doit être adoptée. Si la lésion
s’avère inquiétante ou particulièrement délétère sur la qualité de vie, l’indication d’une amputation abdominopérinéale doit être discutée avec le patient. Pour appuyer une telle indication, la réalisation d’une biopsie peut
s’avérer utile, mais si aucune preuve de récidive n’est apportée, cette possibilité ne peut être écartée sans un
suivi rapproché.
Enfin, l’indication d’une amputation abdomino-périnéale peut-être retenue du fait d’un résultat
fonctionnel après radio-chimiothérapie particulièrement mauvais.
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4.
5.
CARCINOME EPIDERMOIDE DE L’ANUS :
TECHNIQUE D’AMPUTATION ABDOMINO-PERINEALE ET DE COLOSTOMIE
PERINEALE
N.Abbes Orabi et A.Kartheuser
Unité de Chirurgie Colorectale
Service de Chirurgie et Transplantation Abdominale
Cliniques Universitaires Saint-Luc – Bruxelles
Correspondance :
Pr Alex Kartheuser
Unité de Chirurgie Colorectale
Département de Chirurgie Abdominale et Transplantation
Cliniques Universitaires Saint-Luc
10, avenue Hippocrate
1200 Bruxelles
Belgique
E-mail : [email protected]
I. INTRODUCTION
Le cancer de l’anus est rare et représente environ 1,5% des cancers digestifs1. Le carcinome épidermoïde
constitue 80 voire 85% de ces lésions cancéreuses2,3.
Les femmes de plus de 70 ans sont les plus touchées par la maladie avec un rapport femme/homme de 5 sur 1
1,4,5
. Cependant, on observe actuellement un nouveau pic d’incidence chez les hommes jeunes HIV positifs.
Les facteurs de risque sont les MST (HPV, HSV type II), les rapports anaux, les partenaires multiples (>10), les
néoplasies vulvo-vaginales, le tabagisme, l’immunodépression6, ou encore le Crohn à lésions ano-rectales et la
maladie de Verneuil7.
Le carcinome épidermoïde de l’anus peut se présenter sous forme bourgeonnante, sous forme ulcérée ou
encore sous forme de fissure anale à base indurée.
Les symptômes le plus souvent décrits sont une sensation de corps étranger intra-anal, des faux besoins
témoins d’une infiltration pariétale, une tuméfaction, des rectorragies ou un suintement témoin d’une tumeur
8
ulcérée ou extériorisée .
L’extension est essentiellement loco-régionale et son bilan repose sur un examen clinique minutieux. Le
toucher rectal examinera la partie basse du rectum, la cloison recto-vaginale par un toucher bi-digital et on
recherchera également la présence de ganglions inguinaux. L’écho-endorectale lorsqu’elle est possible nous
informera sur le degré d’infiltration tumorale, notamment par rapport au sphincter mais aussi sur la présence
de ganglions. Même si les métastases à distance sont très rarement observées, le scanner abdomino-pelvien
peut mettre en évidence des adénopathies iliaques ou lombo-aortiques. L’intérêt de l’IRM pelvien n’est pas
encore clairement démontré.
TNM clinique UICC 1987 9:
Classification écho-endoscopie :
Tis: in situ
T1: <2cm
T2: 2cm<T<5cm
T3: >5cm
T4: invasion organe voisin
N0: pas de ganglion envahi
N1: Ganglions péri-rectaux
N2: Ganglions iliaques int et/ou ing.homolat
N3: N1+N2 ou bilat.
uT1 : atteinte muqueuse et sous-muq
uT2 : atteinte sphincter interne
uT3 : atteinte sphincter externe
uT4 : atteinte organe pelvien voisin
uN0 : pas de ganglions péri-rectaux
uN+ : ganglion péri-rectal
II. TRAITEMENT
Avant 1970, l’amputation abdomino-périnéale était le traitement de première intention des carcinomes
épidermoïdes de l’anus. Mais, malgré le caractère radical de ces résections, la survie était seulement de 27 à
58%17. C’est en 1974 que le Dr Norman Nigro développa un protocole de traitement combinant radiothérapie
et chimiothérapie. Il s’agissait à l’origine d’un traitement néo-adjuvant, mais étant donné la régression
tumorale complète observée chez la plupart des patients, ce protocole est devenu le traitement de première
intention10,11 prenant par conséquent la place de l’amputation abdomino-périnéale.
Le traitement médical est donc le traitement curatif du carcinome épidermoïde de l’anus et ce traitement est
non mutilant. La radiothérapie seule est réservée aux petites tumeurs T1 et T2 N0, et les tumeurs inférieures à
4cm. Une combinaison radio-chimiothérapie est réservée pour les tumeurs tous stades confondus mais N+, les
tumeurs T3 et T4 et les tumeurs supérieures à 4cm.
Cependant, il est proposé actuellement d’associer la chimiothérapie à la radiothérapie dans le cadre de
12
tumeurs supérieures ou égales à 2cm afin d’augmenter et d’optimiser le contrôle tumoral local. En effet, si les
séries s’accordent sur le fait que les facteurs capables d’influencer la survie en rémission complète sont la
longueur tumorale (avec un seuil significatif à 4cm), l’extension tumorale superficielle, la classification T et la
13,14,15
classification N
, il subsiste encore quelques discordances sur la taille tumorale nécessitant l’adjonction
d’une chimiothérapie au traitement.
Néanmoins, la réponse clinique après la fin de l’irradiation est le facteur indépendant le plus significatif sur la
survie en rémission complète12 , de plus, le contrôle tumoral locorégional est le seul facteur indépendant
capable d’influencer la probabilité de risque de métastase, c’est pourquoi la combinaison radiochimiothérapie
de première intention pour les tumeurs supérieures ou égales à 2cm se justifie car elle permet d’augmenter le
taux de contrôle tumoral local et de conserver le sphincter.
Le traitement chirurgical n’est plus le traitement de première intention mais il reste encore indiqué pour
l’exérèse endocanalaire de petites lésions.
L’amputation abdomino-périnéale de rattrapage est indiquée dans le cadre de réponse tumorale incomplète
ou de récidive tumorale après radiothérapie.
L’amputation abdomino-périnéale reste la seule alternative thérapeutique lorsque la radiothérapie est contreindiquée.
Une colostomie de dérivation est dans de rares cas nécessaire en cours de radiothérapie en cas de mauvais
résultats fonctionnels et de diarrhées incontrôlées.
La survie à 5 ans d’une amputation abdomino-périnéale de rattrapage varie de 24 à 58%1. L’invasion d’un
organe adjacent ne constitue pas une contre-indication chirurgicale mais une sélection des patients est
16
nécessaire dans un but d’obtenir des marges chirurgicales saines. En effet, Akbari et al. avaient montré que la
survie était nulle deux ans après une exérèse chirurgicale dont les marges étaient positives. Hors, un résultat
similaire est observé chez les patients non opérés.
L’amputation abdomino-périnéale (AAP) implique une colostomie abdominale définitive difficilement acceptée
par certains patients, notamment les patients jeunes qui ne peuvent concevoir leur futur avec une poche
définitive, une alternative peut alors leur être proposée, celle de la reconstruction périnéale totale (RPT) avec
colostomie périnéale.
III. TECHNIQUE CHIRURGICALE
L’AAP reste classique, c’est-à-dire une amputation périnéale avec résection radicale et cylindrique.
La technique de RPT utilisée dans le service est la double graciloplastie (DG) électrostimulée avec
appendicostomie de Malone18 (AM).
En effet, le muscle gracilis présente plusieurs avantages. Il est long, superficiel, il a un bon apport vasculaire, sa
portion terminale est essentiellement tendineuse facilitant par conséquent la fixation et son pédicule neurovasculaire est proximal.
Dans la technique de RPT, les deux muscles gracilis seront utilisés, l’un enveloppera le colon en postérieur et
jouera le rôle de nouvelle sangle puborectale ; et l’autre formera une boucle autour du colon et constituera le
néo-sphincter. C’est ce dernier qui bénéficiera d’une électrostimulation continue, grâce à l’implantation d’un
électro-stimulateur, afin de lui permettre l’acquisition d’une fonction tonique, dans le but bien sur d’améliorer
le résultat fonctionnel.
Divers types de configuration de la boucle du néo-sphincter ont déjà été décrits. Nous avons opté pour une
boucle de type gamma en tant que néo-sphincter, c’est-à-dire que la portion distale du gracilis (tendon de la
« patte d’oie ») est fixée à la tubérosité ischiatique contro-latérale, contrairement à la boucle alpha dont la
partie distale du muscle est fixée à la tubérosité ischiatique homolatérale. La boucle alpha a en effet été
19
responsable de nombreuses complications déjà décrites de type sténose « en chicane » du colon et ischémie
colique secondaire.
La colostomie périnéale est effectuée par une anastomose colo-cutanée à l’aide de points séparés de Vicryl 3/0
et la fermeture périnéale de part et d’autre est réalisée sans tension.
Muscle Gracilis préparé pour
plastie
Résection carcinologique
Muscle Gracilis
totalement libéré
Création d’1 boucle
autour du colon pour
confection du néosphincter
Les RPT, toutes techniques confondues, sont associées à un problème majeur, celui des troubles de la vidange
colique20. Ces troubles ne sont que très peu améliorés par les lavements par voie rétrograde et le niveau de
continence atteint est par conséquent sous-optimal après RPT. C’est afin d’éviter ce problème récurrent que
nous avons offert à ces patients la possibilité de réaliser des lavements par voie antégrade en associant
systématiquement à la DG une AM lors des RPT dans le but d’améliorer vidange colique et par conséquent la
continence.
L’appendicostomie, effectuée au niveau de l’ombilic, a l’avantage de respecter l’intégrité corporelle du patient.
La technique nécessite parfois la libération du carrefour iléo-caecal afin de pouvoir amener l’appendice au
niveau de l’ombilic sans aucune traction avec respect du méso-appendice. Une valve anti-reflux est effectuée à
l’aide de points séparés séro-séreux de Vicryl 3/0 au niveau du bas-fond caecal. L’appendice est amené en
trans-ombilical, après section au niveau de sa pointe, une anastomose est effectuée avec l’ombilic et une sonde
de Foley est laissée en place durant trois semaines en trans-anastomotique.
Ombilic
Appendice
Appendice
Résultat final de l’Appendicostomie
selon Malone
La RPT par DG avec AM est une opération complexe dont la morbidité post-opératoire est non négligeable.
Néanmoins, la majorité des complications décrites avec cette technique se produisent durant la première
année post-opératoire. La plupart des complications peuvent bénéficier de corrections chirurgicales et on
observe suite à ces révisions des bons résultats fonctionnels et une qualité de vie satisfaisante et stable au fil
21
du temps .
Pour les patients désirant éviter une colostomie abdominale définitive après amputation abdomino-périnéale,
la reconstruction par double graciloplastie électro-stimulée associée à une appendicostomie de Malone est une
alternative dont la morbidité est comparable aux autres techniques de RPT tout en améliorant les troubles de
vidange colique. Toutefois, les patients doivent être bien informés sur la complexité de l’intervention et la
nécessité de révisions chirurgicales.
IV. REFERENCES:
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TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION PERINEALE PAR LAMBEAUX
M. CHAOUAT
Les reconstructions périnéales en cancérologie ont pour objectifs une cicatrisation rapide et de bonne qualité
limitant les séquelles fonctionnelles et esthétiques et permettent éventuellement la radiothérapie précoce.
De nombreuses techniques ont été décrites pour le comblement des plaies périnéales afin de limiter la
morbidité et les séquelles.
Lorsque la perte de substance pelvi–périnéale est importante et/ou la zone préalablement irradiée, la
reconstruction par lambeau semble admise par tous avec différents lambeaux possibles. Les 3 lambeaux les
plus utilisés sont : le lambeau musculo-cutané de gracilis (droit interne), le lambeau musculo-cutané de grand
glutéal (grand fessier), et le lambeau musculo-cutané de rectus abdominis (grand droit de l’abdomen).
Le lambeau de muscle gracilis est utilisé dans le domaine de reconstruction pelvi-périnéale, et surtout vaginale.
Sa vascularisation est basée sur l’artère circonflexe médiale. Cependant, les limites de ce lambeau
sont multiples. Sa palette cutanée est limitée en surface et peu fiable au niveau vasculaire avec des taux de
nécrose rapportées de 10 à 37%. De plus son arc de rotation, sa longueur et son volume musculaire sont faibles
et parfois insuffisants même avec un prélèvement bilatéral.
Il présente l’avantage de laisser des séquelles minimes sur la cuisse et de permettre une voie d’abord périnéale
exclusive lorsqu’il n’y a pas de laparotomie.
Le lambeau musculo-cutané de grand glutéal est utilisé pour la couverture des escarres sacrées mais
également pour la reconstruction périnéale. Le pédicule glutéal est de gros calibre et envoie de
multiples perforantes musculo-cutanées avec une très bonne fiabilité du lambeau sur le plan vasculaire.
Le volume musculaire du grand glutéal est important et permet de combler de grandes cavités.
Cependant ce volume ainsi que la surface cutanée mobilisable est très dépendante de la conformation
anatomique de la région fessière. C’est le plus souvent le faisceau inférieur du muscle grand glutéal qui
est mobilisé dans les reconstructions périnéales ne laissant généralement aucune séquelle
fonctionnelle.
Les limites de ce lambeau sont la faible plasticité de la peau qui est adhérente au muscle sous jacent et
son rayon d’action ne permettant pas en général d’enfouissement périnéal trop profond ni de
reconstruction vaginale. La morbidité de son prélèvement est supérieure à celle d’un lambeau de
gracilis. Il permet également de réaliser une voie périnéale exclusive lorsqu’il n’y a pas de laparotomie.
Par contre en cas de laparotomie, il nécessite le plus souvent un changement de position opératoire
(décubitus latéral voir ventral) parfois difficile à réaliser.
Le lambeau musculo-cutané de rectus abdominis est un lambeau permettant des reconstructions de pertes
de substances pelvi-périnéales importantes.
Sa vascularisation est basée sur le pédicule épigastrique inferieur. Ainsi il faut s’assurer qu’aucune chirurgie
antérieure n’ait pu sectionner ce pédicule.
Ce lambeau peut être prélevé de façon verticale (VRAM : Vertical Rectus Abdominis Musculocutaneous flap)
ou oblique à la façon de Taylor. Taylor a étudié et décrit en 1983 un lambeau musculo-cutané de grand
droit de l’abdomen avec une palette cutanée à base périombilicale comprenant une extension au delà du
muscle pouvant être très importante (jusqu'à 40 cm de long) taillée obliquement en haut et en dehors.
Le lambeau de Taylor est plus long que le VRAM (limité par le rebord costal et le sein) et permet une suture de
la zone donneuse sous moindre tension car profitant mieux de la laxité abdominale. Nous avons apporté une
modification technique par rapport à Taylor en plaçant la base de la palette cutanée du lambeau au bord
supérieur de l’ombilic, et non à cheval sur celui-ci. Cela nous a permis d’augmenter l’arc de rotation du
lambeau de quelques centimètres facilitant son positionnement périnéal.
Le lambeau cutané est taillé sur mesure en fonction du défect (jusqu'à 30cm sur 12 cm dans notre expérience).
La palette cutanée est soulevée en monobloc avec le muscle grand droit qui est décollé et sectionné au niveau
de son insertion supérieure. Le lambeau est basculé en intra-abdominal pour ressortir au niveau du périnée à
travers l’orifice d’amputation. Le lambeau comble l’espace mort pelvien par le trajet même du muscle et la
palette cutanée permet la reconstruction périnéale et éventuellement vaginale en un seul temps. Le geste
opératoire est réalisé en alternant le décubitus dorsal simple et la position gynécologique.
La longueur et la plasticité du lambeau permettent aisément la reconstruction par la même palette cutanée de
2 plans perpendiculaires que sont le périnée et le vagin si nécessaire. Cependant, par son principe même, ce
lambeau nécessite une laparotomie associée à l’abord périnéal.
Ce lambeau sacrifie la totalité d’un muscle grand droit et une portion de gaine antérieure dans la zone située
au dessus de l’arcade de douglas. De ce fait, nous n’avons jamais fait de reconstruction pariétale prothétique.
Cependant, il nous parait souhaitable d’évaluer en peropératoire la solidité de la gaine postérieure. Si elle
paraît peu solide, il faut alors mettre une plaque abdominale de renforcement avec néanmoins un risque
septique majoré. La peau abdominale est refermée par une cicatrice oblique prolongeant la cicatrice médiane
de laparotomie.
Conclusion
Trois lambeaux sont en concurrence pour les reconstructions périnéales avec cependant des possibilités
techniques, un contexte d’utilisation et une morbidité très différents. Le choix devra se faire en fonction du
contexte général, de la taille et de la localisation de la perte de substance et de la voie d’abord unique ou
mixte.
RESULTATS DU TRAITEMENT CHIRURGICAL
DU CARCINOME EPIDERMOÏDE DU CANAL ANAL
Jérémie LEFEVRE
Service de Chirurgie Digestive et Générale,
Hôpital Saint-Antoine, 184 rue Du Fbg St-Antoine,
75012 Paris.
Mail : [email protected]
Le cancer épidermoïde de l’anus est un cancer rare représentant 6% des cancers colorectaux. Son traitement
est basé sur la radiothérapie ou la radio-chimiothérapie. Le traitement chirurgical est une amputation
abdominopérinéale (AAP) qui comprend un curage mésentérique inférieur, une résection périnéale emportant
l’appareil sphinctérien, le canal anal et l’atmosphère cellulo-graisseuse avoisinante ainsi qu’une colostomie
iliaque définitive. Il est indiqué dans trois situations : persistance tumorale ou récidive après traitement
médical et contre-indication à la radiothérapie. Un délai supérieur à 6 mois est habituellement nécessaire pour
parler de récidive tumorale. On estime entre 30 et 45% le taux de patients en échec après traitement médical.
Le taux d’AAP varie dans les séries entre 20 et 40%, un certain nombre de patients ayant une maladie
métastatique ou refusant cette intervention mutilante. Les séries de la littérature sont assez rares et incluent le
plus souvent moins de 100 patients opérés. Après AAP, les taux de survie à 3 et 5 ans varient entre 70-55% et
40-60%, respectivement. La mortalité post-opératoire est faible (<2%). Les principaux facteurs pronostiques
identifiés sont le stade tumoral, l’envahissement ganglionnaire, l’âge des patients et l’envahissement des
marges tumorales. Ce dernier facteur entraine une survie nulle à 3 ou 5 ans selon les études. Le taux de
résection R1 est d’environ 10% dans les grandes séries et augmente avec le stade tumoral. L’importance de la
résection périnéale est donc fondamentale ce qui conduit à la réalisation d’exérèses larges avec colpectomie
postérieure fréquente (jusqu’à 60% des AAP chez les femmes) induisant une morbidité périnéale avec des
délais long de cicatrisation. Pour certains auteurs les résultats oncologiques des AAP pour récidive tumorale
sont meilleurs qu’en cas de persistance tumorale après radiothérapie. La confection d’une colostomie
périnéale est préconisée par de rares auteurs et ne semble pas modifier les résultats carcinologiques. Le taux
de récidive varie entre 21 et 60%. Il se divise à moitié entre récidive locale et/ou inguinale et métastatique.
Leur traitement n’est actuellement pas codifié et comprend la chimiothérapie, les curages ganglionnaires, la
reprise chirurgicale.
L’amélioration des résultats oncologiques de l’AAP passe par une détection précoce des récidives ou
persistances tumorale afin de réséquer des tumeurs avec un stade T le plus faible possible et par une technique
rigoureuse afin d’obtenir des marges de résections saines.

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