48. Le lien particulier unissant le garçon et sa mère Le problème de
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48. Le lien particulier unissant le garçon et sa mère Le problème de
48. Le lien particulier unissant le garçon et sa mère Le problème de l’amour-transfert prend chez Eugen Drewerman (DE) une position clé. Ce dont il s’agit ici est le transfert de l’amour parental. À qui l’être humain se liera-t-il en « quittant son père et sa mère » ? (Gn 2,24). C’est l’un des enjeux majeurs dans la vie de l’homme qui part de chez ses parents pour devenir adulte et indépendant. Avant de naître, l’enfant est exclusivement lié à sa mère, physiquement et psychiquement. Sans elle il ne peut devenir un être humain physiquement indépendant, et pendant plusieurs mois encore après la naissance il ne peut survivre sans l’aide maternelle. L’amour, le don de soi de sa mère permettent à l’enfant de devenir un adulte qui un jour se sentira assez fort pour prendre son destin en main. Non pas que le rôle du père soit négligeable mais il interviendra plus tard. L’amour maternel est le premier et le plus fondamental des liens. Sans cet amour inconditionnel, on observe dès les premières années des troubles graves du comportement qui, à l’adolescence mais surtout plus tard, peuvent conduire aux problèmes les plus divers s’ils ne sont pas reconnus, compensés ou dominés par le sujet. Sans l’amour de sa mère, l’enfant ne peut devenir un adulte confiant qui saura évoluer dans un environnement social, familial et professionnel, et qui sera capable aussi de s’engager sur le chemin du soi. Il est démontré que l’environnement familial est beaucoup plus important que le statut social de la famille. L’enfant est entièrement conditionné par l’énergie du lien qu’il a connu dans ses toutes premières années. L’ambiance familiale et plus encore l’amour attentionné et omniprésent de sa mère est sa première fenêtre sur le monde. Il est livré pieds et poings liés à sa mère, bonne ou mauvaise. Une future mère reçoit en cadeau des qualités particulières : elle les découvre en elle sans y être préparée ni formée, elle en prend conscience au fur et à mesure de l’avancement de sa grossesse. Elle note que son corps change, que son psychisme évolue, que tout en elle se tourne vers ce nouvel être. Le père, (s’il vit avec la mère), est stupéfié de cette métamorphose qu’il doit accepter sans vraiment la comprendre. Ainsi naît, apparemment sans l’aide de personne, un petit être qui requiert toute l’attention de sa mère et ne cesse d’étonner son père. Il plonge ses parents dans un bonheur indicible et eux feront tout pour qu’il grandisse dans les meilleures conditions. Le « scénario » le prévoit ainsi. Rien d’étonnant à ce que cet enfant voie le monde et se voie par les yeux de son père et de sa mère : ils lui offrent tout ce qui constitue son essence, son devenir et son espoir. Cette dépendance de l’enfant par rapport à ses parents, cette attention focalisée sur ces deux êtres crée un lien d’une telle force que l’homme qui, à un moment ou à un autre de son existence, tenterait de le détruire se mettrait en péril. De la qualité ou des défauts de ce lien dépend le développement ultérieur de l’enfant, positif ou négatif. Le lien parental jouera plus tard un rôle décisif, il déterminera l’évolution psychique de l’être. « Tout amour entre adultes est aussi la poursuite et le prolongement de l’amour parental ». C’est de leurs parents que les enfants apprennent l’amour et en conséquence, l’amour ressenti par quelqu’un qui n’est pas encore affectivement mature est marqué par l’amour que ses parents lui ont porté. C’est en fonction de la ressemblance avec sa mère qu’un homme trouvera une femme fascinante ou « inquiétante » (au sens freudien) car sa mère continuera d’agir dans son inconscient ; et c’est par le souvenir qu’elle a des traits de son père qu’un homme paraîtra « charmant » ou « détestable » à une femme. L’amour ou la haine, conditionnés par l’imago parental, peuvent être considérés selon Freud et Drewermann comme un amour ou une haine de transfert, sorte de répétition inconsciente de l’amour ; l’individu fera tout pour éviter un « amour » heureux ou traumatisant vécu pendant l’enfance. L’amour de transfert renvoie l’adulte à son enfance. L’angoisse de ne pouvoir se libérer d’un amour parental tentaculaire est aussi puissante que la peur de devoir vivre sans lui. « Dès la genèse de l’amour de transfert, l’angoisse est le facteur le plus prégnant » (DE). La haine de transfert conduit également à une impasse. Dirigée contre le père ou la mère, elle contraint l’adulte à mettre tous les moyens en œuvre pour éviter que l’imago parental n’apparaisse chez son partenaire : il exige alors de celui-ci des comportements excluant l’apparition de situations chargées de douleur et de tristesse qui lui rappelleraient son enfance. Son partenaire, ne se doutant de rien, se voit confronté à un problème pratiquement insoluble. Dans les deux cas de transfert, l’individu est victime de son enfance : son comportement face à autrui est déterminé par des forces psychiques inconscientes. Lorsque l’éros se manifeste, la capacité à aimer se développe en fonction du schéma vécu. Au sortir de l’ivresse amoureuse, état de griserie émotionnelle prévue par la nature, le réveil est brutal. La majorité des « heureux » mariés se retrouvent dans cette position car pour la plupart, au moment du mariage, ils n’ont pas ni ne peuvent avoir déjà atteint leur majorité émotionnelle, ils ne sont pas encore « libres ». La situation n’est pas sans issue si tous deux font preuve de tolérance mutuelle dans leur difficile quête de soi. Néanmoins, cette crise est à l’origine de la séparation de nombreux couples. Si le processus de maturité n’a pas lieu, la liaison suivante ne sera pas plus heureuse. Le risque d’un égarement émotionnel est particulièrement important lorsqu’au moment de la séparation, les partenaires sont très jeunes ou que le couple est récent. En cas de comportement régressif de l’un, la liaison ne peut durer parce que le « travail » psychique de l’autre ne peut s’accomplir tranquillement.