HISTOIRE DES ARTS : CLANDESTINO DE MANU CHAO
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HISTOIRE DES ARTS : CLANDESTINO DE MANU CHAO
HISTOIRE DES ARTS : CLANDESTINO DE MANU CHAO Présentation : Composée en 1998 par Manu Chao, la chanson : « Clandestino », est une critique des politiques migratoires conduites par les pays du Nord. L'auteur, compositeur et interprète : Manu Chao naît le 21 juin 1961 à Paris. Sa mère, Felisa, est originaire du Pays basque espagnol et son père, Ramon, originaire de Galice, est écrivain et journaliste à RFI Amérique latine ; Ramon Chao a reçu une formation de pianiste classique en Espagne, puis a obtenu une bourse d'étude de musique classique pour venir à Paris. Ainsi, durant l'enfance de Manu Chao, de nombreux écrivains d'Amérique Latine passeront à la maison, dont certains amis proches de son père comme Gabriel Garcia Marquez, Alejo Carpentier et Juan Carlos Onetti. Manu a un frère de deux ans son cadet, Antoine qui jouera avec lui comme batteur dans le groupe La Mano Negra. Leur père les initie très tôt à la musique et Manu opte rapidement pour la guitare. Même s'il écoute des musiques très éclectiques, Manu est très influencé par le rock et les premières formations auxquelles il participe sont des groupes de rock. En 1987, avec son frère et son cousin, Santiago Casariego, ils forment la Mano Negra (du nom d’une organisation de guérilleros sud-américains trouvé dans une BD, qui elle-même tire son nom de l'organisation terroriste andalouse du XIXe siècle La Mano Negra). La Mano Negra devient un groupe français majeur et commence à jouer en Amérique du Sud avec l'aventure de la troupe Royal de Luxe. Après un voyage consistant à traverser la Colombie en train, le groupe se sépare. C'est un grand vide pour Manu Chao. Celui-ci, avouera plus tard qu'il tombera dans une sorte de dépression. Il voyagera près de 8 ans entre Mexique, Sénégal et Brésil. De cette errance, naîtra Clandestino, la renaissance du chanteur qui, avec les succès mondiaux de ses chansons en espagnol et ses engagements, apparaît aujourd'hui comme un porte parole des altermondialistes Le contexte historique : Les migrations sont un phénomène du temps long de l'histoire : elles durent depuis l'antiquité (Hébreux), ont connu des prolongements au Moyen Age (invasions barbares) ou encore à l'aube des temps modernes (conquête et colonisation de l'Amérique). L'Europe fut au XIXème siècle le point de départ de migrations fort nombreuses vers le Nouveau Monde, rappelons qu'entre 1892 et 1924, 12 millions d'européens sont passés à Ellis Island, porte d'or vers la nouvelle terre promise des Etats-Unis. En 2008, on a dénombré 214 millions de migrants internationaux. Si le nombre des migrants était additionné, ils constitueraient réunis le cinquième pays le plus peuplé du monde entre l'Indonésie et le Brésil. Les dirigeants des pays du Nord mettent une partie de la responsabilité de la crise économique et du chômage qu'elle entraîne, sur les flux migratoires et en profitent pour mettre en place des politiques d'immigration très strictes : il devient pratiquement impossible pour un Africain de rentrer légalement en Europe. Ces dirigeants développent un discours de fermeté contre l'immigration, mais sont bien conscients que les contraintes économiques et les réalités démographiques ne peuvent s'affronter sans les migrants. Ces derniers obtiennent d'ailleurs souvent plus vite du travail que des papiers. Main d’œuvre bon marché, ils sont pour certaines entreprises, une alternative à la délocalisation et font vivre des pans entiers de l'économie (bâtiment, restauration , services à la personne). On se souvient de l'opération menée aux Etats-Unis avec succès le 1er mai 2006 du "Great American Boycott" au cours de laquelle les immigrants légaux ou illégaux, latinos très souvent, répondirent à l'appel de nombreuses associations en faisant journée morte (pas d'achat, pas de travail, pas d'école) afin de montrer leur poids économique et social. Cette opération fut imitée en France avec moins de succès le 1 mars 2010 sous le nom "Une journée sans nous". La chanson : 1) Les paroles : Les paroles de Clandestino sont le récit à la première personne d’un immigrant clandestin sans-papiers, seul, l’âme en peine, condamné à courir pour fuir l’autorité car il est hors-la-loi, parti vers le Nord à la recherche d’un travail en laissant toute sa vie derrière lui entre Ceuta (possession espagnole en Afrique du Nord) et Gibraltar (possession britannique en Europe) pour se retrouver perdu au cœur de « la grande Babylone », tel un fantôme errant ou une raie dans la mer (celles-ci y vivent cachées dans le fond). Il est juste appelé « le clandestin » (et non pas par son nom, devenant un anonyme), comme d’autres étrangers (l’Algérien, le Péruvien…). Il est rejeté par la société comme tout ce qui est illégal (la marijuana…). Dans la Clandestino, le nom de l’ancien groupe de Manu Chao, la Mano Negra est évoquée (dans le sens, peut-être, de main d’œuvre qui travaille « au noir »). 2) La musique : Equipé d'un studio d'enregistrement portatif et d'une guitare, Manu Chao a réalisé un enregistrement très éloigné des standards de qualité de l'époque. On entend trois voix mixées, accompagnées par une guitare, une basse et un tambour de basque et sur lesquelles viennent se poser des collages sonores, enregistrement de radio, des bruits de foule, des gens qui parlent dans différentes langues. L'enregistrement assez rudimentaire donne une sensation d'intimité et une chaleur étonnante aux voix et aux instruments qui contrastent avec les collages sonores qui nous plongent instantanément dans un autre univers. L'accompagnement, à mi-chemin entre le reggae et la musique latino, est lancinant. Le jeu en boucle d'une grille harmonique sur trois accords qui varie peu pour les refrains, les répétitions rythmiques de la guitare et du tambour de basque, le jeu de la basse qui marque les temps accentuent la mélancolie et la tristesse générale qui se dégagent de se morceau. On sent une simplicité, une envie d'être proche des gens, de leur vie, qui se voit aussi sur la pochette du CD : Manu Chao est debout, appuyé sur un mur , vêtu d'un pantacourt, une chemise et des baskets. L'image même de beaucoup de ces jeunes maghrébins qui rêvent de quitter leur pays et qui passent leurs journées dehors, appuyés sur les murs des rues à discuter et à attendre une opportunité. On les a surnommés « les hitistes », ceux qui tiennent les murs. Ils avaient inspiré l'humoriste algérien Fellag qui a écrit un sketch sur eux. Place historique de la chanson : Derrière ce "Clandestino" qu'il chante, hors-la-loi, fantôme des villes, dont la vie reste interdite aux yeux des autres, on reconnaît la figure du migrant venu des Suds, pour gagner la ville des Nords dans le cadre de mobilités mondialisées. Souvent instrumentalisé pour les besoins d'un discours politique de haine, le migrant porte sur son dos le poids de la misère, celui des inégalités Nord/Sud creusées au fil du développement de la mondialisation ; paradoxalement, alors que les frontières sont abattues par les échanges, le migrant est celui que l'on traque, que l'on repousse, dont on cherche à bloquer la venue même si l'on sait que des secteurs entiers de l'économie fonctionnent grâce à une main d’œuvre fraîchement arrivée des Suds d'autant plus corvéable si elle est clandestine. La musique et le thème ne sont pas nouveaux, mais cette chanson, tiré d'un album vendu à plus trois millions d'exemplaires, a trouvé un écho auprès des populations espagnole, en première ligne des flux migratoires entre l'Europe et l'Afrique, et latino-américaine qui en ont fait un succès international. Manu Chao est devenu alors, sans le vouloir, une figure emblématique de l' altermondialisme et de la world music.