Nozha Smati

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Nozha Smati
La configuration audiovisuelle tunisienne entre monopolisation et libéralisation du secteur
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La configuration audiovisuelle tunisienne entre
monopolisation et libéralisation du secteur
SMATI Nozha
Description :
Mots clés : audiovisuel, Tunisie, mutation, monopole, Transnationalisation, internationalisation, privatisation, chaîne al-Jazeera.
Keywords : audio-visual,
Tunisia, mutation, monopoly, Transnationalization, internationalization, privatization, al-Jazeera channel.
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La configuration audiovisuelle tunisienne entre monopolisation et libéralisation du secteur
La configuration actuelle du paysage audiovisuel tunisien est le résultat de choix et de
stratégies étatiques entreprises depuis les années 90 pour restructurer le secteur confronté à
plusieurs enjeux, et pour assurer son évolution à l'ère de la mondialisation. A partir de cette
date, le paysage audiovisuel dans ce pays a connu plusieurs transformations que nous
résumons en cinq grandes étapes : l'évolution du statut de l'audiovisuel, la
transnationalisation du secteur avec l'arrivée de chaînes étrangères, la poursuite de la
régionalisation et le réaménagement de la radio d'Etat, la création de médias spécialisées et
l'ouverture du secteur aux investisseurs privés et enfin l'internationalisation du paysage,
grâce à l'essor des paraboles. Nous tenterons d'expliciter ces transformations tout en
proposant une analyse de leurs insuffisances. L'étude du paysage audiovisuel tunisien et de
ses mutations nécessite aujourd'hui de prendre en considération les niveaux de circulation de
l'information à l'échelle nationale, transnationale et internationale ainsi que les entrelacs qui
peuvent prendre forme entre ces trois échelles. L'essor des paraboles dans le monde arabe a
changé la donne : il a permis la réception de plusieurs chaînes dites "panarabes" qui
s'imposent comme de nouveaux phénomènes médiatiques participant à la métamorphose du
paysage et à la genèse d'une nouvelle conception de l'information. L'exemple de la chaîne
al-Jazeera, première chaîne d'information arabe en continu, témoigne bien de cette métamorphose.
Nous expliquons les raisons de son succès auprès du public tunisien. Des témoignages collectés
auprès de journalistes arabes et des correspondants des chaînes al-Jazeera et al-Arabiya à Paris
confirment bien l'engouement pour la chaîne al-Jazeera en comparaison avec des scènes
médiatiques arabes encore marquée jusqu'à ce jour par le monopole qu'exerce l'État sur les moyens
d'information et de communication.
I. La transformation du paysage audiovisuel tunisien :
acquis et insuffisances
Après la transition politique de 1987, le paysage médiatique tunisien n'a cessé de se métamorphoser. L'État a en
effet opté pour une politique d'ouverture et de diversité qui a touché particulièrement le secteur audiovisuel. Nous
présentons donc les grands aspects de cette métamorphose tout en nous arrêtant sur ses insuffisances.
1. Une faible évolution du statut audiovisuel
Le régime de radiodiffusion adopté depuis 1957 s'est avéré très centralisé et non conforme aux nouvelles réalités
politiques et culturelles du pays, d'où la nécessité de réformer le statut de la Radio Télévision Tunisienne (RTT) qui
détenait le monopole. Ainsi la loi n°90-49 de mai 1990 a modifié le statut juridique de la RTT qui dépendait
administrativement et financièrement du Ministère de l'information en faisant un établissement public doté d'une
certaine autonomie administrative et financière, dénommé « Etablissement de Radiodiffusion Télévision Tunisienne »
(ERTT).
Cette réforme marque un tournant dans la vie de l'entreprise audiovisuelle, dans la mesure où elle remet en cause la
centralisation poussée de l'ancienne institution. Un nouveau statut de l'ERTT est promulgué, la dotant d'un budget
autonome et d'un régime professionnel spécifique. Sans être totalement indépendant de l'État, L'ERTT acquiert une
relative autonomie de gestion administrative et financière à l'égard du ministère de tutelle (Ministère de
l'information). En fait, cette phase d'évolution du statut audiovisuel a été entreprise de deux manières : premièrement
à travers un effort de révision du régime juridique de l'Etablissement Radiodiffusion Télévision Tunisienne,
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deuxièmement avec une grande réforme en 1997 conduisant à la séparation entre la radio et la télévision, la
production et la diffusion. Cette réforme avait pour buts d'alléger les structures de l'institution en créant une direction
générale de radio et une direction générale de télévision, et de séparer la production de la diffusion afin de mettre en
place une nouvelle dynamique de production confiée de plus en plus à des opérateurs privés. Cependant, malgré «
cet effort de démonopolisation », l'institution reste dépendante du pouvoir exécutif ; le directeur général ainsi que les
principaux dirigeants de l'Établissement sont nommés par décret, et les différentes structures audiovisuelles relèvent
toujours de cette institution.
2. Une transnationalisation du paysage audiovisuel
En Tunisie, l'assouplissement du monopole a commencé par la transnationalisation des moyens audiovisuels qui
vient assouplir, à un certain degré, le monopole de l'Etat sur les médias nationaux. La métamorphose du paysage
audiovisuel a débuté en Tunisie dans les premières années du changement politique du 7 novembre 1987 et a aussi
été accélérée par la révolution technologique dans le domaine de la communication. Cette transformation s'est
imposée comme une conséquence du mouvement de transnationalisation qu'ont vécu les pays capitalistes à travers
de grandes firmes internationales. Ces dernières voulaient étendre ce mouvement aux pays en développement,
qu'elles considèrent comme leur sphère d'influence. Le système transnational des médias recèle ainsi des logiques
de domination. A la fin des années quatre-vingts, les entreprises transnationales considéraient les pays en
développement comme « non seulement un débouché pour les nouvelles industries culturelles, mais également un
espace où ils perpétuent leur contrôle de libre circulation des industries culturelles » (Miège, 1987, p.544). Ainsi, la
transnationalisation qui véhicule des modèles socioculturels embrassant essentiellement les intérêts du centre,
constitue un acteur de la mutation du paysage audiovisuel tunisien à travers la transmission de chaînes étrangères
via le réseau hertzien.
La diffusion de la chaîne de Télévision italienne Rai Uno sur le territoire tunisien à partir de 1961 constitue le point de
départ de la transnationalisation de la télévision en Tunisie. Rai Uno a acquis une grande notoriété jouant un moyen
d'information crédible auprès des téléspectateurs tunisiens concurrençant ainsi la chaîne nationale créée en 1966. A
partir de la fin des années 80 la chaîne italienne n'occupe plus la place privilégiée d'unique diffuseur européen en
Tunisie. En juin 1989, la deuxième chaîne de télévision française Antenne 2 (devenue France 2 en 1993) entame la
diffusion de ses programmes par voie hertzienne sur le territoire tunisien. Depuis, le paysage audiovisuel n'a pas
cessé de se transformer accueillant de nouvelles chaînes selon des stratégies bien définies. Pour diffuser sur le
territoire tunisien, un accord entre les deux gouvernements (tunisien et français) a été conclu selon lequel la partie
française s'est engagée de financer la modernisation de l'infrastructure de la RTT en échange d'une autorisation
pour diffuser les programmes d'Antenne 2. Le gouvernement français s'est engagé à ne diffuser aucune émission en
direct et a aussi accepté l'exigence de la partie tunisienne de disposer d'une plage de deux heures quotidiennes
d'antenne au cours desquelles la RTT peut interrompre la diffusion des programmes de France 2 pour les remplacer
par des programmes de son choix. Selon l'accord, cette disposition ne devait concerner que le journal télévisé de 20
heures et certaines émissions jugées par les responsables de la télévision tunisienne « contraires aux moeurs et aux
normes sociales et culturelles du pays ». Cependant, l'interruption de la diffusion s'est généralisée et cet espace est
devenu selon R. Ferjani (1995, p. 45), « une forme de censure très peu respectueuse du téléspectateur tunisien ».
Nombreux sont les gouvernements des pays en développement qui font appel à la sauvegarde de l'identité et de la
souveraineté culturelles comme prétexte légitimant certaines de leurs politiques de censure. Les journaux télévisés
de France 2 ont joué un rôle important dans la démonopolisation de l'information télévisée tunisienne, cependant
depuis le 25 octobre 1999, les programmes de France 2 ne sont plus transmis par voie hertzienne. Désormais
l'antenne parabolique est devenue nécessaire pour la réception de cette chaîne. L'expérience de France 2 en
Tunisie a révélé, selon l'expression de R. Ferjani (2002, p. 171), des stratégies d'une « internationalisation contrôlée
de l'espace hertzien » tunisien qui se sont vouées à l'échec. En fait, l'adoption des antennes paraboliques pour la
réception de cette chaîne a mis fin aux interruptions de certaines émissions et par conséquent a limité le contrôle
qu'exerçait la radio télévision tunisienne sur la réception et la diffusion de chaînes étrangères. D'ailleurs, ce contrôle,
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comme nous le verrons, s'estompera de manière significative avec la multiplication des chaînes en l'occurrence
"panarabes" qui sont largement reçues en Tunisie grâce aux paraboles.
Un autre événement marque la transnationalisation de l'espace audiovisuel tunisien avec l'avènement d'une
première chaîne privée cryptée en Tunisie, baptisée Canal Horizons Tunisie, le 7 novembre 1992. Canal Horizons
est une société privée filiale de Canal+ diffuse en arabe et en français. C'est la première fois que l'État tunisien
autorise une entreprise privée à créer une chaîne privée et à diffuser des programmes télévisés suite à la signature
d'un cahier des charges fixant les modalités de diffusion. C'est une chaîne consacrée uniquement au cinéma, au
sport et à la musique. Aucun programme d'information ne peut être prévu dans sa grille (Clause n°5 du cahier des
charges). De plus, pour que cette chaîne voie le jour, l'Etat tunisien a imposé ses conditions. Ainsi, le capital de
Canal Horizons Tunisie est détenu en majorité par des capitaux tunisiens et les sièges du conseil d'administration
sont occupés par des Tunisiens. La chaîne diffusait 21 heures par jour dont trois heures de programmes en clair. Par
ailleurs les autorités tunisiennes ont imposé, entre autres contraintes, la diffusion de programmes en langue arabe
ou le cas échéant sous-titrés en arabe dans la tranche de diffusion en clair (clause n°5 du cahier des charges de la
chaîne). Ces restrictions révèlent les limites de la volonté de démonopolisation du secteur, l'Etat ne semble pas
disposé à se désengager de son monopole.
D'ailleurs ces restrictions correspondent à une volonté étatique de contrôle menée chaque fois que l'État cède une
partie de son autorité. Après 9 ans de diffusion Canal Horizon Tunisie a arrêté d'émettre de manière définitive en
octobre 2001, pour des raisons économiques ; « C'est une sanction du marché, le produit culturel proposé par la
chaîne n'est plus rentable » [1], explique le directeur de la société SEDAT qui gérait Canal Horizon Tunisie. De fait le
nombre des abonnées tunisiens à la chaîne a baissé allant de 65.000 à 35.000 abonnés, soit 50% de moins que le
pic atteint durant ses années de succès. Ce recul est dû essentiellement à l'invasion des paraboles qui permettent
de capter des centaines de chaînes par satellite.
3. La régionalisation et le réaménagement de la radio
d'Etat
Dès le changement politique de 1987, les pouvoirs publics ont poursuivit la régionalisation de la radio, entamée dans
les années soixante-dix, en créant trois nouvelles radios régionales. La radio a continué à se décentraliser avec
l'émergence de Radio Gafsa en 1991 (région Centre-ouest), Radio Kef à la même année (région Nord-ouest) et
Radio Tataouine en 1993 (région Sud). Ces stations régionales sont publiques, généralistes et diffusent en langue
arabe. L'un des objectifs qui leur est assigné est de contribuer à faciliter la participation des régions aux activités
nationales. Elles servent de relais pendant les grandes heures d'éditions d'informations (14h et 20h). Après le
changement politique, les deux radios régionales de l'époque de Bourguiba (celles de Sfax et de Monastir) ont connu
des réaménagements avec l'installation de studios de production télévisuelle, la modernisation des équipements et
l'augmentation de leur volume de diffusion. Les pouvoirs publics ont décidé aussi d'accorder l'autonomie financière à
l'ensemble des radios régionales afin qu'elles assument leur gestion générale. Les directeurs de ces différentes
stations sont désignés par le président de l'Etablissement (ERTT), selon la dernière restructuration de l'ERTT en juin
1997. Les deux stations radiophoniques nationales ont aussi connu des réaménagements concernant leur diffusion
et leur contenu. Depuis 1987, la radio nationale Radio Tunis diffuse 24h sur 24, mettant un terme à l'exploitation du
vide, entre minuit et six heures du matin, par les radios étrangères et depuis 1997, la station s'est installée sur le
Web. Quant à Radio Tunis Chaîne Internationale (RTCI), elle a commencé une programmation de 18 heures par
jour. Initialement francophone, elle tend à devenir une véritable chaîne internationale en diffusant en cinq langues
(français, anglais, italien, allemand et espagnol).
4. La création de médias spécialisés et la privatisation
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du secteur
L'autre aspect de diversification du champ médiatique s'est manifesté par la création de médias spécialisés et privés
tant télévisuels que radiophoniques.
4.1. De nouvelles chaînes télévisées
Une nouvelle chaîne de télévision destinée particulièrement à la jeunesse tunisienne [2] (15-29 ans) a vu le jour le
20 mars 1994. Nommée Canal 21 (21 pour 21ème siècle), ses programmes sont diffusés sur le réseau de la chaîne
française France 2. Dans un premier temps, elle ne diffuse ses programmes qu'entre 17h40 et 20h15 à la place de
ceux de France 2. Puis, suite à l'arrêt définitif des programmes de France 2 sur le réseau hertzien tunisien en
octobre 1999, l'horaire de diffusion de Canal 21 [3] a été élargi en émettant tous les jours de 14h à minuit. Sa
programmation est caractérisée selon le premier directeur de la chaîne par un rythme rapide, une vocation
thématique et éducative afin de compléter la mission éducative de l'école. Elle diffuse un bulletin d'informations
quotidien qui ne dépasse pas les 7 minutes avec commentaire off à l'instar des 6 minutes de M6. La création de ce
média qui s'adresse spécialement à la jeunesse représente un moyen de lutter contre un certain flux médiatique
étranger. Nous pouvons donc voir dans la création de Canal 21 une volonté de limiter l'influence culturelle
occidentale.
Puis en février 2005, une chaîne de télévision privée Hannibal TV a été lancée par un grand investisseur tunisien,
Arbi Nasra, qui est propriétaire et directeur de la chaîne. Cette chaîne vient concrétiser l'engagement de l'État de
privatiser le secteur, elle vient aussi concurrencer la chaîne nationale Tunis 7 puisqu'elle se place première selon
l'enquête MEDIASCAN Tunisie mars 2007 avec une part d'audience s'élevant à 29,1% dans la région du Grand
Tunis ainsi que dans la région du Sahel avec 32,4%. Cette chaîne bénéficie aussi de la diffusion satellitaire ce qui lui
permet d'augmenter le nombre de ses téléspectateurs.
Enfin, le 16 mars 2007 une deuxième chaîne de télévision privée de divertissement appelée Nesma TV a été créée
par l'agence de communication Karoui and Karoui, dirigée par les deux frères Karoui avec un budget de 30 millions
de dollars. Elle a démarré ses programmes en Tunisie le 16 mars 2007 avec une émission phare « Star academy
Maghreb ». Une nouvelle étape dans le paysage audiovisuel tunisien même si l'impact sur l'audience est encore
limité puisqu'elle diffuse depuis Paris sur les Satellites Arabsat et NileSat et qu'elle est concurrencée par la diffusion
de la Star Academy Moyen Orient sur la chaîne libanaise LBC.
4.2. De nouvelles stations radiophoniques
Une année après la création de Canal 21, le 7 novembre 1995, une station radio, Radio Jeunes, a également été
lancée émettant 18h par jour. Ses émissions sont essentiellement divertissantes, d'animation et de service. Toujours
dans l'optique de médias spécialisés, le chef de l'État a ordonné à l'occasion de la journée nationale de la culture le
27 mai 2006, le démarrage des émissions de Radio Culturelle FM qu'il avait déjà annoncé en 2005. Cette radio
publique tunisienne émet sur ondes moyennes (AM) et par satellite, couvre 60% de la population tunisienne (la
couverture s'est généralisée en 2008), avec une diffusion quotidienne de 12 heures (à partir de midi). Les émissions
portent sur tous les domaines de la culture (littérature, théâtre, cinéma, arts plastiques, musique, sciences et
technologies, édition, etc.) avec 25% de diffusion en direct. En réalité, l'Etablissement de la Radiodiffusion Télévision
Tunisienne cherche à conforter son audience qui a régressé depuis la privatisation du secteur audiovisuel et le
lancement des radios privées Mosaïque FM et Jawhara FM.
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La privatisation du secteur radiophonique a commencé en 2003, lorsque l'État a accepté d'ouvrir l'espace audiovisuel
aux initiatives privées. Le président de la République déclare que l'État tunisien est « persuadé que la diversification
du paysage médiatique se confirmera davantage et que les espaces d'expression gagneront en richesse et en
rayonnement après l'ouverture de nouvelles perspectives aux investisseurs privés de manière à leur permettre de
s'investir davantage dans l'enrichissement du paysage médiatique audiovisuel » [4]. En novembre 2003, Radio
Mosaïque FM est la première radio privée à voir le jour en Tunisie. Située à Tunis, elle émet sur le Grand Tunis, la
banlieue Nord et la région de Hammamet, et sa diffusion s'élargit constamment avec l'espoir de couvrir tout le
territoire tunisien. Toujours dans le cadre de la privatisation du secteur audiovisuel, le 25 juillet 2005, une deuxième
station radiophonique baptisée Jawhara FM est créée. Elle émet à partir de la ville de Sousse dans la région du
Sahel tunisien. Elle couvre par sa fréquence les gouvernorats de Sousse, Mahdia, Kairouan, Monastir, Nabeul et une
partie de Sfax : de grands pôles universitaires sont localisés dans ces zones, accueillant environ cent mille étudiants
que la radio vise comme cible, et elle tend à répondre à leurs attentes.
L'ouverture du secteur audiovisuel témoigne de la volonté politique de mettre un terme au monopole d'état dans le
domaine. L'autorisation de cette privatisation est une étape importante vers le salut des médias nationaux parce
qu'elle crée un nouvel espace de compétitivité capable d'améliorer la qualité des productions dans tous les secteurs.
Cependant, pour réussir cette mission, il est important de réglementer les conditions d'attribution des licences de
création de médias privés selon un dispositif juridique libéral. Concernant les enjeux de la création de la chaîne de
télévision privée Hannibal TV et de radios privées J. Askri, journaliste d'origine tunisienne à Radio Orient (Paris)
nous disait que « pour le moment on ne peut pas dire grand chose sur les enjeux de ces chaînes. Ce qu'on sait pour
l'instant, c'est qu'Hannibal arrive à concurrencer la chaîne Tunis 7 aux émissions de divertissement. A part ça la
chaîne Hannibal est une chaîne privée où il n'y a pas de journaux d'informations, il y a juste un mini journal où on
présente juste les activités présidentielles. C'est pour dire que la chaîne privée Hannibal évite tout ce qui a lien avec
la politique. On ne peut pas se prononcer sur les enjeux de cette privatisation étant donné que aussi bien Hannibal
que Mosaïque FM et Jawhra FM sont des médias privés qui ont été lancés sans un cahier des charges clair et net
qui présente les conditions pour ouvrir ou bien lancer un média audiovisuel privé en Tunisie. Donc, pour le moment,
on attend ce fameux cahier des charges pour que d'autres Tunisiens, qui cherchent à mettre en place ce genre de
projet, puissent se lancer » [5].
En outre, l'Association des Journalistes Tunisiens (AJT) dans son 5ème rapport sur la réalité des libertés de la
presse en Tunisie, a salué l'initiative d'ouvrir le secteur audiovisuel aux investisseurs privés. L'association a exprimé
son souhait de voir accordées des autorisations aux demandeurs pour créer d'autres stations radio ou télévision tout
en donnant la priorité aux professionnels. Cependant, l'association insiste sur la nécessité d'établir un cahier des
charges afin d'organiser le secteur privé et de garantir la diversité. Ceci permettra, selon le rapport, la transparence
en ce qui concerne l'attribution des autorisations et la garantie de médias professionnels ayant une identité bien
définie. Dans cette nouvelle situation, nombre de journalistes de l'association des journalistes tunisiens ont appelé à
la création d'un syndicat tunisien de radios privées. L'association a attiré aussi l'attention sur la situation des
journalistes travaillant pour la chaîne privée Hannibal TV en précisant que les journalistes n'ont pas de contrats de
travail légaux et que la relation de travail n'obéit à aucune loi parmi les lois de travail en Tunisie. Les licenciements
qui sont devenus fréquents n'obéissent à aucune réglementation juridique. D'ailleurs 56% des journalistes ayant
répondu au questionnaire de l'association ont manifesté leur mécontentement concernant la situation dans laquelle
ils exercent leur profession.
Le vide syndical qu'a connu le métier pendant la première présidence de Bourguiba s'est perpétué longtemps après
le départ de ce dernier menaçant ainsi la protection de la profession. Ce n'est qu'en mai 2004 que le métier s'est
doté d'un syndicat [6] autonome créé par 150 journalistes indépendants. Il s'est donné pour vocation de défendre la
liberté de la presse, les conditions de travail et l'éthique professionnelle des journalistes. Néanmoins, ce syndicat n'a
pas pu s'imposer puisqu'il n'a pas été reconnu par les autorités [7] comme un corps professionnel véritablement
indépendant qui puisse défendre la profession et faire appliquer les critères requis pour y accéder. Ce syndicat
demeure marginalisé et n'a pas pu jusqu'ici tenir son congrès initial. Par ailleurs, le 13 janvier 2008, un syndicat
baptisé l'Union Nationale des Journalistes Tunisiens a vu le jour, déclenchant l'espoir d'un nouveau paysage
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médiatique tunisien. « Quatre cents journalistes ont souscrit à la création de ce syndicat » [8] tant attendu. Le
président de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), Jim Boumelha, a d'ailleurs formulé l'espoir que le
nouveau syndicat « marquera le début d'une ère nouvelle pour le journalisme tunisien » [9]. Quant aux journalistes
tunisiens, ils ont adhéré à ce syndicat, en espérant la concrétisation des promesses du comité syndical dont la
majorité des membres sont réputés pour leur indépendance. Nous n'avons pas aujourd'hui le recul nécessaire pour
juger ce nouveau syndicat, cependant seule l'indépendance de cette structure par rapport au pouvoir politique en
place pourrait la crédibiliser auprès des journalistes et l'imposer comme véritable syndicat capable de défendre en
toute honnêteté la profession.
II. L'internationalisation du paysage audiovisuel grâce
à l'essor satellitaire
Le développement des satellites a accentué le processus d'internationalisation de la télévision tunisienne en donnant
la possibilité pour les téléspectateurs de recevoir la quasi-totalité des chaînes européennes et "panarabes". Cette
réception permet d'échapper à une télévision nationale qui a, pour longtemps, monopolisé l'information télévisuelle
tunisienne jugée peu crédible par les téléspectateurs.
1. La parabole : de nouvelles perspectives pour la
réception
Le public tunisien a pu accéder aux programmes de télévisions étrangères grâce aux antennes paraboliques
autorisées par l'État. En effet, comme le précise G. Pottier (2003, p. 69), « avec l'introduction de la technologie
satellitaire et la popularité croissante des chaînes occidentales ou des chaînes privées du Moyen-Orient, les États
ont perdu une part de leur contrôle sur la diffusion de l'information et ont dû s'adapter aux nouveaux marchés ». Le
31 juillet 1997, au terme de deux conventions signées avec l'État tunisien, deux sociétés de télévisons privées
saoudiennes, en l'occurrence « ART » et « ORBIT », vont fournir à la Tunisie des bouquets de programmes
numériques, cryptés et payants. Les programmes proposés par ces deux chaînes sont à caractère culturel, sportif et
de variétés. En contrepartie les deux sociétés se sont engagées à assurer la diffusion de programmes de la chaîne
nationale tunisienne dans le Golfe et l'Amérique latine. Avec l'arrivée de ces deux bouquets numériques sur le
territoire tunisien, l'espace audiovisuel national s'est diversifié. L'antenne parabolique a fait son apparition sur les
toits tunisiens pour la première fois en 1985 . Depuis, le législateur tunisien a réglementé les modalités de réception
des programmes de télévision transmis par satellite. Le prix d'une parabole est tombé au-dessous de 200 dinars
tunisiens, soit 150 euros, une somme à la portée de larges couches de la société tunisienne, alors qu'il était
supérieur à 2000 dinars au début de 1990, soit 1500 euros.
Une étude sociologique sur les journaux télévisés et leurs publics en Tunisie montre que « cette évolution de
l'équipement des antennes paraboliques correspond aux propres blocages du champ audiovisuel tunisien.
L'insatisfaction à l'égard de l'offre nationale d'information et l'absence de liberté d'expression au sein de la télévision
étatique se conjuguent avec l'abondance de l'offre internationale en information pour faciliter le processus de divorce
entre le téléspectateur tunisien et sa télévision nationale et le détournement de celui-ci vers les chaînes de télévision
étrangères » (Ben Belgacem, 1999, p. 516) Grâce aux antennes paraboliques, le téléspectateur tunisien a pu
exprimer librement sa volonté de regarder autre chose que ce qu'offre leur chaîne nationale. Depuis l'arrivée des
paraboles, le législateur tunisien, comme dans plusieurs Etats arabes, a essayé dans un premier temps de
réglementer les modalités de réception et de limiter la diffusion des programmes de télévision transmis par satellite
en imposant une subordination à autorisation administrative et une redevance forfaitaire annuelle. Cependant, ces
mesures restrictives ont été levées car « l'importance du marché parallèle et les hiyâl (ruses) de toutes sortes
auxquels recourent les individus pour se brancher ou pour se doter d'une antenne ont rendu le contrôle auprès des
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utilisateurs impossible à effectuer » (Guaaybess, 2005, p. 155). Aujourd'hui, la loi du 24 juillet 1995 à propos de
l'acquisition et l'installation d'une antenne parabolique en Tunisie est tombée en désuétude.
2. La chaîne nationale sur le satellite
L'augmentation du nombre de chaînes arabophones [10] diffusées par satellite a incité les responsables tunisiens à
permettre l'accès par satellite à la chaîne de télévision nationale. Depuis le 7 novembre 1992 les programmes de la
chaîne nationale sont diffusés à travers le satellite européen Eutelsat W2 et le satellite ARABSAT 3A, en Europe,
dans le Bassin méditerranéen et dans le Monde arabe. L'internationalisation du paysage audiovisuel tunisien a donc
commencé à travers la diffusion satellitaire de la télévision nationale et par décision présidentielle. Baptisée à
l'occasion Tunis7, appellation qui réfère au 7 novembre ; jour de prise de pouvoir par le président Ben Ali, elle est
destinée en premier lieu aux communautés tunisiennes émigrées jugées mal informées par les médias étrangers.
3. L'impact des chaînes panarabes sur les Tunisiens
Définissons tout d'abord ce qu'on appelle aujourd'hui "chaîne panarabe". Il s'agit d'une chaîne satellitaire
d'information télévisuelle de portée mondiale qui diffuse majoritairement en langue arabe à partir du monde arabe ou
de l'extérieur. Elle bénéficie de financements publics ou privés, de pays arabes ou étrangers et recourt à des
compétences journalistiques et techniques de tous les pays arabes, ce qui lui confère le label et la légitimité
"panarabe" (El Oifi, 2005). Le correspondant de la chaîne al-Arabiya [11] à Paris nous a expliqué lors d'une interview
que les nouvelles chaînes panarabes « ont contribué à la création d'une ambiance qui a favorisé la liberté d'opinion.
Les téléspectateurs arabes ne sont plus obligés à se limiter à une seule version des faits qui est celle des chaînes
publiques. Dans les pays arabes comme vous le savez, il n'y a qu'une seule chaîne publique qui présente une seule
version des faits économique, politique et social qui est celle du pouvoir public. Aujourd'hui le téléspectateur arabe a
le choix d'écouter d'autres versions que celle du pouvoir. C'est ça l'avantage aujourd'hui, surtout que la concurrence
entre toutes ces chaînes al-Jazeera, al-Arabiya, MBC, al-'Alam ; la chaîne iranienne en langue arabe, la LBC, chaîne
libanaise et futur TV, chaîne libanaise aussi. D'un côté il y a l'embarras du choix mais il y a la possibilité d'écouter
une autre version que celle du pouvoir public. Aujourd'hui je crois que le pourcentage des téléspectateurs qui
continuent à écouter et à croire ce qui est dit sur les chaînes publiques arabes est un pourcentage très très faible » [
12]. Ainsi, la liberté de recevoir et de choisir a permis de comparer le professionnalisme et le contenu des
programmes des différentes chaînes et d'évaluer la qualité et la quantité d'informations fournies par les chaînes
nationales et étrangères. Le paysage audiovisuel tunisien a été marqué par l'intérêt qu'accorde le téléspectateur
tunisien aux nouvelles chaînes arabophones, en particulier la chaîne al-Jazeera [13].
Cet intérêt s'explique en grande partie par le manque de crédibilité des chaînes nationales. Celles-ci ne répondent
pas aux attentes du public tunisien qui recherche d'autres images aspirant par conséquent à l'ouverture et à la
diversité que proposent les chaînes satellitaires. Cette quête des images de l'autre a été selon R. Ferjani (2002, p.
158), « l'indicateur le plus visible de l'entrée en scène des téléspectateurs comme acteurs de l'internationalisation ».
La chaîne al-Jazeera revêt une signification particulière dans l'évolution du champ télévisuel tunisien dont elle est
l'une des chaînes les plus regardées. Selon la dernière enquête de MEDIASCAN Tunisie effectuée en mars 2007,
al-Jazeera occupe la quatrième position avec 9,0% de pénétration dans les foyers du grand Tunis, la 2ème position
avec un taux de pénétration de 12,8% à Sfax (région du Sud) et la 4ème position avec 12,6% à Sousse (région du
Sahel). Les trois premières chaînes les plus regardées sont : la première chaîne publique Tunis 7, La chaîne privée
Hannibal TV et la chaîne satellitaire Rotana cinéma. Depuis sa création en 1996, al-Jazeera, « la CNN du monde
arabe », a connu un développement rapide dans les foyers tunisiens, devenant même « la chaîne de référence »
pour tout ce qui concerne l'actualité politique et sociale du pays. Les émissions d'al-Jazeera traitant de l'actualité
tunisienne suscitent à chaque fois dans le pays un engouement qui se traduit, dès le lendemain, par des discussions
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passionnées dans les familles et sur les lieux de travail. Ainsi, en quelques années, al-Jazeera a contribué selon V.
Geisser (1999, p. 385) « à recréer un intérêt des Tunisiens pour la " la chose politique ", jouant à certains égards le
rôle de champ politique de substitution, voire même de sublimation ». L'ouverture du paysage audiovisuel tunisien
aux chaînes satellitaires a été, selon J. Askri, principalement bénéfique pour le public tunisien parce que comme il
disait « avec l'arrivée des chaînes arabes, on a la possibilité de regarder des chaînes qui parlent d'abord notre
langue, « l'arabe », et en plus, des fois aussi, ce sont des chaînes qui traitent l'actualité tunisienne et les Tunisiens
adorent ce genre d'émissions qui seront des sujets de discussion dans des cafés, des hôpitaux, des hammams où
les Tunisiens peuvent se voir. Donc cette ouverture, elle est, selon moi, bénéfique pour le public tunisien qui préfère
le pluralisme tombé du ciel, qui vient des autres chaînes arabes » [14].
L'audience de la chaîne tient, comme l'explique G. Paris (2000), à son contenu caractérisé par « un dosage subtil
entre l'information et les débats sur les questions d'actualité, entre le sérieux des reportages, l'exactitude des faits, et
le ton libre des commentaires, voire le goût de la provocation. Al-Jazeera se pose en CNN du Proche-Orient, avec
une différence de taille : l'usage de l'arabe renvoie à une communauté culturelle de fait, une oumma par satellite ».
Avec al-Jazeera, certains tabous sont brisés ; pour la première fois dans le monde arabe, une chaîne d'information a
adopté et mis en place la philosophie de « l'opinion et la contre-opinion ». Elle continue d'appliquer cette philosophie
à travers ses nouvelles, ses programmes et ses débats notamment à travers ces deux émissions phares : « Direction
opposée » et « Plus qu'une opinion ». Les Tunisiens apprécient ces débats et ces talk show à l'américaine durant
lesquels les téléspectateurs découvrent pour la première fois des opposants au pouvoir en place, vivant en exil qui
affrontent les représentants du régime. Selon R. Ferjani (2002, p. 172), la chaîne a pu à plusieurs reprises « pallier
les carences de l'information nationale ». D'un point de vue journalistique, la chaîne a mis en avant la liberté du ton
et le professionnalisme comme éléments indispensables pour réussir sa mission d'information. Selon le
correspondant de la chaîne al-Jazeera à Paris, al-Jazeera a adopté une nouvelle conception médiatique qui a permis
à la chaîne de se distinguer dans le monde arabe et d'attirer l'attention de l'Occident.
Le correspondant de la chaîne souligne ainsi qu'al-Jazeera a « choqué le monde arabe puisqu'elle a cassé tout le
rythme habituel et classique des télévisions gouvernementales classiques qui commencent leurs bulletins, leurs
journaux par "Monsieur le Président a rencontré tel ou tel ", alors al-Jazeera a changé la donne. Elle s'intéresse aux
vrais événements qui intéressent les citoyens du monde arabe. Elle a aussi choqué l'Occident parce que celui-ci a
l'habitude de voir uniquement ce genre de télévisions marocaine, algérienne, tunisienne, syrienne ou égyptienne etc.
Comment Al-Jazeera a pu réussir dans des pays habitués à des télévisions gouvernementales ? » [15]. En fait,
Al-Jazeera existe au coeur du monde arabe qui souffre de divers conflits au proche-orient et en Irak, de manque de
démocratie et de pauvreté et « du coup, les journalistes ont tous les ingrédients pour faire un bon plat médiatique ».
La composition du staff d'al-Jazeera a contribué à la réussite de la chaîne ; des journalistes qataris, marocains,
syriens, tunisiens et de d'autres nationalités arabes ont fourni un travail professionnel. Cependant, la raison
principale de son succès demeure la liberté d'expression car « la liberté implique, donne et assure la créativité ;
quand un journaliste à al-Jazeera n'importe où il est, à Paris, au Qatar ou bien en Egypte dans la salle de rédaction,
quand il écrit son papier, il ne pense pas "qu'est-ce qu'il pense tel ou tel gouvernement ? ", il écrit librement et cette
liberté guide vers le bon travail ». La liberté de ton qui caractérise cette chaîne a attiré l'attention du téléspectateur
notamment arabe qui « se trouve lui-même dans al-Jazeera »
Ainsi, la chaîne al-Jazeera s'est imposée dans le monde arabe comme un phénomène médiatique et
politico-médiatique qui a métamorphosé le paysage médiatique de différents pays dont la Tunisie. Nous ne pouvons
donc pas ignorer l'impact de ces chaînes arabes sur les téléspectateurs tunisiens et l'exemple d'al-Jazeera, comme
nous l'avons montré, est assez significatif.
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III. Conclusion
Le paysage audiovisuel tunisien caractérisé par le monopole qu'exerce l'Etat sur la radio et la télévision a connu
depuis les années 90 des transformations en optant pour une politique d'ouverture et de diversité. Ceci s'est
manifesté à travers des mesures d'émancipation mais aussi de contrôle des médias aboutissant de fait à un
assouplissement de la monopolisation. L'internationalisation du paysage grâce à l'arrivée de chaînes télévisées
étrangères a bouleversé la configuration audiovisuelle tunisienne en recomposant de nouveaux horizons de
réception pour les téléspectateurs tunisiens. Ces derniers accordent à la réception de la chaîne panarabe al-Jazeera
un grand intérêt ; la chaîne contribue au sein du monde arabe à l'émergence d'une opinion publique pluraliste en
participant au contournement des monopoles étatiques de l'information.
Nozha Smati, Doctorante en Sciences de l'Information et de la Communication, LARA, Université Toulouse 2 Le
Mirail
Références bibliographiques
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doctorat en sciences de l'information et de la communication, Université Paris II, décembre 1999.
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FERJANI, Riadh. L'Etat et l'internationalisation de la télévision en Tunisie (1988-1993), thèse de doctorat de 3ème
cycle en science de l'information et de la communication, Paris, Université Paris II, février 1995.
FERJANI, Riadh. « Internationalisations du champ télévisuel en Tunisie », in MATTELART, Tristan, (dir.). La
mondialisation des médias contre la censure, Tiers Monde et audiovisuel sans frontières, Belgique, INA et De Boeck,
2002, pp 155-175.
GUAAYBESS, Tourya. Télévisions arabes sur orbite. Un système médiatique en mutation (1960-2004), Paris,
Editions CNRS, 2005.
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du Nord, Vol 38, Paris, CNRS, 1999, pp. 381-387.
KALLEL, Sami. « La législation tunisienne en matière de réception des programmes de télévision par satellite », in
Revue Tunisienne de Communication, n°24, Tunis, Institut de Presse et des Sciences de l'Information,
Juillet-Décembre 1993, pp 61-83.
MIEGE, Bernard. « Les industries audio-visuelles : le renforcement de la domination », in Revue Tiers Monde, 111,
juillet-septembre, 1987, pp.544-545.
OUESLATTI, Slah. La genèse des paraboles en Tunisie, mémoire de fin d'études de maîtrise, Tunis, Institut de
Presse et des Sciences de l'Information, 1994, 133.
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POTTIER, Gaëlle (Le). « Le monde de la télévision satellitaire au Moyen-Orient et le rôle des libanais dans son
développement », in MERMIER Franck (dir.). Mondialisation et nouveaux médias dans l'espace arabe, Paris,
Maisonneuve et Larose, 2003, coll. Orient-Méditerranée, pp.43-72.
PARIS Gilles, « Al Jazira, la télé qui réveille le monde arabe », in Le Monde du 6 mars 2000.
Post-scriptum :Summary : The present configuration of the Tunisian audio-visual landscape is the result of choice and of state strategies
undertaken since the 1990's to restructure the sector confronting several stakes and to ensure its development in this area of globalization.
Starting from that date, the audiovisual landscape in this country has witnessed many changes that we sum up in five big stages : the development
of the status of audio-visual, the transnationalization of the sector with the arrival of foreign channels, the pursuit of the regionalization and the
conversion of the state radio, the creation of specialized media and the opening of the sector to private investors and finally the internationalization
of the landscape thanks to the expansion of the satellite dishes. We will try to make these transformations explicit while suggesting an analysis of
their inadequacies. The study of Tunisian audio-visual landscape and its mutations requires nowadays to take into consideration the levels of the
circulation of information nationally, transnationlly and internationally as well as the intersecting that can configure between these three levels. The
expansion of satellite dishes in the Arab world has changed the facts : it allowed the reception of several channels called "panarabes" that are
imposing themselves as new media phenomena that take part in the metamorphosis of the landscape and in the formation of a new conception of
information. The example of al-Jazeera, the first Arab channel of continuous news is a best evidence of this metamorphosis. We explain the
reasons behind its success among the Tunisian audience. Collected evidences among Arab journalists and correspondents of the channels
al-Jazeera and al-Arabiya in Paris quite confirm the infatuation of the channel al-Jazeera in comparison to Arab media scenes which are still
marked by the monopoly that the state exerts on the means of information and communication.
[1] Témoignage de Essaïed Raouf, Président directeur général de la Société tunisienne d'exploitation et de diffusion (SEDAT), [en ligne], [réf. du
17 octobre 2001]. Disponible sur : http://www.telesatellite.com/actu/sujet.asp/q/canalhorizons.
[2] Cette tranche d'âge est définie selon l'Observatoire Nationale de la Jeunesse, [en ligne], [réf. du 29 mai 2007]. Disponible sur :
http://www.onj.nat.tn.
[3] Nous soulignons que le 25 juillet 2007, le chef de l'Etat tunisien annonce dans un discours la « reconversion de la deuxième chaîne nationale
de télévision Canal 21 en chaîne satellitaire ». En novembre 2007, Canal 21 est devenue chaîne satellitaire sous le nom de Tunisie 21 et émet
quotidiennement de 12h à minuit.
[4] Message du Président Zine El Abidine Ben Ali à l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, 8 mai 2004 [en ligne], [réf. du 20
mai 2004]. Disponible sur : http: //www.infotunisie.com/2004/archives_mai.html.
[5] Interview de Askri Jalel, journaliste à Radio Orient (Paris), effectuée le 9 mai 2007 à Paris.
[6] La Constitution tunisienne stipule dans son article 8 que : « Le droit syndical est garanti ». Cette affirmation n'est pas suivie de la formule
habituelle « dans les conditions définies par la loi », comme c'est le cas pour « Les libertés d'opinion, d'expression, de publication, de réunion et
d'association ».
[7] Aux termes de la législation tunisienne, un syndicat peut être créé par simple déclaration ; aucune autorisation préalable n'est requise. En
pratique toutefois, les autorités peuvent refuser de reconnaître un nouveau syndicat, comme cela a été le cas pour ce syndicat fondé en 2004.
[8] « Tunisie : premier syndicat de journalistes agrée par le gouvernement », [en ligne], [réf. du 14 janvier 2008]. Disponible sur :
http://tunisiawatch.rsfblog.org/tag/Syndicat%20National%20des%20Journalistes%20Tunisiens
[9] « Tunisie : naissance du premier syndicat des journalistes », [en ligne], [réf. du 13 janvier 2008]. Disponible sur :
http://tunisiawatch.rsfblog.org/archive/2008/01/13/tunisie-naissance-du-premier syndicat-des-journalistes.html
[10] L'Egypte a lancé sa première chaîne publique baptisée Egyptian Space net en 1990, puis les Saoudiens opérant depuis Londres ont lancé
Middle East Brodcasting Compagny (MBC) en 1991.
[11] La chaîne de télévision al-Arabiya est une chaîne panarabe lancée en février 2003 par des investisseurs Saoudiens proches du pouvoir, son
siège est à Dubaï (Emirats arabes-Unis), elle vient concurrencer la chaîne al-Jazeera en matière d'information.
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La configuration audiovisuelle tunisienne entre monopolisation et libéralisation du secteur
[12] Interview de Fayadh Hssine, correspondant de la chaîne al-Arabiya (Paris), effectuée le 3 mai 2007 à Paris.
[13] Première chaîne d'information arabe en continu, al-Jazeera -qui signifie "Péninsule, île" en arabe- a commencé ses émissions pour la
première fois en novembre 1996, depuis Doha, capitale de l'Emirat de Qatar. Les origines de la chaîne par satellite remontent aux émissions
transmises en arabe au Moyen Orient par la chaîne anglaise BBC dans les années 1990, grâce à un accord de coopération avec une société
saoudienne de transmission par satellite, Orbit. Cette coopération fut suspendue en 1996 suite à une émission critiquant le régime saoudien. C'est
alors que l'Emir du Qatar, le Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani, offrit une somme de 150 millions de dollars répartie sur une période de 5 ans
pour lancer une chaîne d'information libre et indépendante. Cette nouvelle chaîne attira certains anciens employés de la B.B.C. et, bien que
financée partiellement par l'Emir, constitua une société de droit privé.
[14] Interview de Askri Jalel, op.cit.
[15] Interview de Derradji Ayache, correspondant de la chaîne al-Jazeera à Paris, effectuée le 2 mai 2007 à Paris.
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