Europe Une meilleure image de la personne âgée pour

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Europe Une meilleure image de la personne âgée pour
Europe
Une meilleure image de la personne âgée pour mieux
traiter son intégration dans la cité
Quelle image de la vieillesse et quel regard porté par la société sur les personnes
âgées ? Les politiques publiques sont largement inspirées par les représentations
alors que les stéréotypes donnent une fausse image de la réalité, et présentent
trop souvent le vieillissement comme un « problème » ou une « charge ».
Dans une société où les plus de 65 ans, sont devenus très nombreux, et où
atteindre 80 ans est presque devenu la norme, quand c’était autrefois l’exception,
il n’est pas inutile de s’interroger.
En Belgique la Fondation Roi Baudouin a publié une étude sur « La vieillesse,
antichambre de l’ennui ou âge d’or ? ». A Villeneuve d’Ascq un groupe d’étude,
soutenu par le CCAS de la ville, a étudié pendant plus de dix ans la place des
personnes âgées dans la vie communale et publié un dossier « les vieux dans la
vie, dans la ville ». L’une et l’autre de ces études démontrent qu’il y a loin de
l’image qu’on se fait de la vieillesse à la réalité et qu’un regard différent est
nécessaire pour conduire à une meilleure intégration des retraités, jeunes et âgés,
dans la société et dans la ville.
Parmi les stéréotypes les plus tenaces figurent ceux de la maison de retraite, dont
l’image est aujourd’hui très négative, à tort et à raison, qu’il convient peut être de
reconsidérer. Sur ce sujet, les expériences étrangères peuvent s’avérer bien
inspirantes.
« Moins de 3,1% des personnes citées dans les journaux flamands et 3,7% des
intervenants dans les programmes télévisés francophones ont 65 ans ou plus ». C’est ce
qu’ont mesuré les chercheurs belges à la demande de la Fondation Roi Baudouin. Or
ajoute la Fondation, « l’image que chacun se fait de la vieillesse détermine notre capacité
à dialoguer ».
Le groupe d’études de Villeneuve d’Ascq a présenté les résultats de ses recherches lors
d’une session de l’Université du Temps libre de Lille. Les médias mettent en valeur deux
portraits opposés de la personne âgée.
« Le premier c’est celui du retraité séduisant aux tempes argentées, { l’allure sportive et
au sourire éclatant, ou la femme aux cheveux teints et à la ligne longiligne. Jane Fonda ou
Clint Eastwood. Ils sont au cœur de ce que les spécialistes appellent le « triangle d’or » :
une bonne santés, un pouvoir d’achat et du temps libre… ». Cette représentation est
naturellement privilégiée par les médias et la publicité qui misent sur l’envie de chacun
de « rester jeune » et d’éviter les stigmates de la vieillesse.
« L’autre image, c’est celle du « vieux », ou du vieillard appuyé sur son déambulateur ou
allongé sur son lit, égaré { la voix chevrotante… Celui dont il faut s’occuper, objet de
toutes les politiques publiques, une charge pour la société… ».
Or, même si ces deux images correspondent à une réalité, elles masquent celles de
l’immense majorité de ceux qui forment la classe des plus de 65 ans, ceux que l’étude
nomme « les retraités invisibles… ». Ni beaux, ni jeunes, ni riches mais nullement
dépendants. Hors la retraite pour laquelle ils ont cotisé, ils ne coûtent pas à la
collectivité et sont au contraire très productifs. « Un retraité sur deux assume une
responsabilité bénévole dans une association. 30% des maires des petites communes
sont des retraités. Une étude de la CNAF a démontré que le total des heures de garde
assurées par les grands parents était équivalent au total des heures assurées par les
services de garde, crèches et nourrices agréées ». « Si tous les papis et les mamies se
mettaient en grève, il en résulterait un grave problème pour la société et nombre
d’entreprises seraient paralysées par l’absentéisme des parents obligés de s’occuper de
leurs enfants ! Et cela aurait un coût que les statistiques ne prennent pas en compte pour
fixer la richesse nationale… »
Les méfaits du « jeunisme »
La Fondation Roi Baudouin a analysé les cadres de référence qui s’appliquent, dans la
littérature et la conversation courante, aux personnes âgées. Presque toutes sont
négatives. On associe la vieillesse à une « utilité moindre », « une victime innocente »,
« le conflit de génération », « la vieillesse une maladie incurable », « la peur du déclin et
de la perte d’autonomie ». « Or ajoute la Fondation, les études démontrent que la
manière dont les personnes âgées sont traitées repose sur des automatismes qui sont
eux même influencés par ces images stéréotypées… On s’adresse parfois de la même
manière à des bébés et à des vieux »
Aussi la Fondation belge préconise-t-elle de développer des images contraires, appelées
« contre-frames », qui mettent en évidence les valeurs spécifiques à la vieillesse : la
sagesse, la solidarité, la générosité, l’expérience, etc…
C’est un travail de longue haleine. Durant l’année européenne du vieillissement actif, la
Commission européenne a pris l’initiative de réunir des journalistes pour un débat sur la
place des personnes âgées. Le constat est identique dans tous les pays européens. Les
médias occidentaux survalorisent le « jeunisme ». Beaucoup redoutent de rebuter leurs
lecteurs par des images de personnes vieillissantes. Les publicitaires utilisent souvent la
peur du vieillissement (les rides, la perte des cheveux…) comme incitation { vouloir
« rester jeune à tout prix ».
La maison de retraite comme un « repoussoir » !
S’il est un domaine où les stéréotypes sont tenaces, c’est celui de la maison de retraite :
mouroir, lieu d’enfermement pour les uns, maillon dans la lutte contre la dépendance
pour les autres. Un colloque a réuni à Tours en Mai 2013 de nombreux acteurs de
l’accueil et de l’hébergement des personnes âgées sur le thème de « vieillir chez soi –
vivre en soi ? ».
Des chercheurs ont interrogé les responsables des 500 structures d’accueil pour
personnes âgées en Ile de France. Leur image est bien dégradée et ils apparaissent
vieillots dans leur conception, mal intégrés dans la vie de la cité. Les populations
accueillies y sont de plus en plus âgées avec une paupérisation marquée.
Ce qui est en cause, de l’avis des experts, c’est la tendance forte { la médicalisation des
structures souvent transformées en EPHAD. Les établissements apparaissent dés lors
comme l’ultime lieu d’accueil, le « mouroir », même quand ils sont conçus pour
préserver l’autonomie des plus dépendants.
La médicalisation s’accompagne souvent, note le groupe d’étude villeneuvois, d’une plus
grande spécialisation des personnels qui se succèdent au chevet de la personne âgée, et
à une moindre attention portée aux volontés personnelles et aux conditions
psychologiques.
La maison du XXI° siècle
Après avoir exploré une centaine de maisons d’accueil l’union chrétienne des
pensionnés belges a organisé une cession d’étude sur « comment vivre heureux en
maison de repos ?»
Premier constat : les personnes âgées sont rarement préparées à entrer en maison, et
elles n’y rentrent que par contrainte, pour raison de santé ou poussées par la volonté
des enfants. « Elles ont une image négative et très stéréotypée de la maison de retraite,
car elles ne s’y sont jamais intéressées ».
Les pensionnés belges ont alors listé les éléments qui leur paraissaient essentiels pour
une vie heureuse en hébergement collectif : « être respecté et considéré comme un
individu à part entière avec sa propre histoire de vie ; pouvoir donner son avis dans
l’institution et y être écouté ; rester un acteur de la société ».
La Fondation Roi Baudouin, partant de ces constats énumère une très longue série de
suggestions à faire aux seniors, aux professionnels, aux responsables politiques, aux
architectes et maitres d’œuvre aux familles et aux associations. La publication de l’étude
s’accompagne de la présentation de nombreuses expériences où l’initiative a permis
d’ouvrir la maison sur l’extérieur et de rendre la vie des résidents plus heureuse.
L’habitat groupé comme alternative
De plus en plus de voix se font entendre pour prôner également des « alternatives » à la
maison de retraite. Le groupe d’étude villeneuvois a interrogé une cinquantaine de
seniors en le demandant d’imaginer leur avenir. Si la totalité des personnes interrogées
refusent l’idée d’entrer dans un EPHAD, sinon contraints et forcés, le souhait de rester à
domicile est loin d’être général. Les retraités restent dans des maisons trop grandes et
inadaptées faute d’alternative. Plus qu’{ leur logement elles sont attachées { leur
environnement, leur ville et leur quartier.
La Fondation de France a ainsi lancé un appel à projet pour des « habitats groupés,
alternatives à la maison de retraite ». L’idée n’est pas nouvelle, mais elle se heurte à de
nombreux obstacles techniques et surtout juridiques. Pourtant, note le sociologue
Dominique Argoud, « ces initiatives valorisent l’intégration sociale de la population âgée
dans la vie de la cité…elles sont l’anti-modèle de l’institution collective ».
A Montreuil, en banlieue parisienne, la maison des Babayagas va bientôt offrir une
dizaine de logements sociaux à des femmes âgées dans une maison conçues pour la vie
collective et autonome. A Villeneuve d’Ascq, suite aux travaux du groupe d’études, une
quinzaine de familles ont conçu le projet des « Toitmoinous » pour des logements
adaptés au vieillissement. Le groupe a choisi d’intégrer des familles jeunes pour des
échanges entre générations.
Il s’agit dans les deux cas de développer la solidarité et de maintenir l’autonomie des
personnes, pour retarder, et peut être éviter, l’hébergement collectif. Ce type de
logement, encore exceptionnel en France, s’appuie sur des modèles très classiques à
l’étranger. Ils sont nombreux en Suisse, en Allemagne au Danemark et aux Pays Bas.
Aux Pays Bas : développer la « culture du Oui »
Aux Pays Bas, Mme Hetti Willemse Zorgvisite a ouvert un site web destiné aux
pensionnaires et aux gestionnaires des maisons de retraite : www. zorgvisite.nl ?
Présentez nous la maison « Humanitas Akropolis » à Rotterdam ?
C’est un exemple unique en son genre. Une partie de l’établissement est ouverte à des
résidents qui peuvent encore vivre de manière autonome. A l’extérieur, dans le jardin,
des chemins enchantant, de l’art, une ferme pour les enfants… Tout y est pensé pour
offrir aux pensionnaires et leurs visiteurs un séjour agréable malgré leur handicap
physique ou mental. Il y a un excellent restaurant, un bar ouvert de 9 à 23 heures, une
cafétéria digne des meilleurs salons de thé, un salon de musique, etc. Partout on a veillé
au respect de la personne et son imaginaire.
Une exception malgré tout ?
Oui. Hans Beck qui en fut l’initiateur dans les années 90 fut un précurseur lorsqu’il
introduisit la culture du « Oui » dans les maisons de soins. Il avançait qu’il valait mieux
toujours répondre oui plutôt que de se perdre en négations. Les gens heureux
nécessitent moins de soins : Vous voulez que votre chaton vienne en résidence avec
vous ? Voyons ensemble avec vous, votre famille et nous, soignants, comment rendre
cela possible dans la pratique. L’institution ne dicte pas ses règles mais voit avec le
pensionnaire et son entourage comment au mieux répondre à vos désirs et réaliser
ensemble votre bien-être.
D’autres exemples ?
Au Hogeweyck à Weesp, on a bâti sur un terrain de 1,4 hectares un quartier réservé
exclusivement { l’accueil de personnes âgées et déments. Il y a des maisonnettes, des
rues et ruelles, des jardins… Dans chaque maison cohabitent 4 { 7 locataires. Ils peuvent
aller librement où ils veulent dans le domaine qui est entouré d’une clôture avec une
seule entrée gardée.
Il y a aussi une initiative privé à Arnhem, « De Herbergier » qui offre une place à 28
personnes démentes pouvant vivre de manière personnalisé leurs dernières années.
Tout cela est accessible par le biais des soutiens offerts dans le cadre de la loi AWB sur la
sécurité sociale pour les soins aux malades. Chaque personne et/ou sa famille peut
disposer d’un budget personnel pour pourvoir aux soins nécessaires liés à la maladie.
Qu’en est-il des maisons générationnelles ?
Une grande attention est portée au maintien à domicile et nous développons le concept
du « Mantelzorg wonen » qui consiste à vivre assisté de ses proches dans une maison
adapté aux besoins des gens âgés avec une mobilité réduite. On parle également de
« Aanschuifkamers » (chambres attachées) chez les enfants.
Pourquoi un site web ?
L’idée du site web nous est venue après avoir écrit des livres (Thuis wezen, Thuis
voelen, Thuis zijn) sur les manières de créer un « chez soi » dans une maison de soins.
Notre philosophie est que cela procure des avantages pour les soignants et que cela
diminue la dépendance et rend les soins plus faciles et plus agréables à procurer. Quand
on se sent bien dans sa peau et qu’on profite durant la journée d’un climat agréable qui
offre la possibilité de se promener, de sortir et de se divertir cela a un effet positif sur
votre condition physique et mentale et diminue votre besoin de soins.
Très vite, nous avons eu beaucoup de réaction de la part des soignants et leurs
organisations professionnelles…
Pour en savoir plus
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Le dossier « la maison de repos du XXI° siècle » est disponible sur le site de la
Fondation roi Baudouin : http://www.kbs-frb.be
Le dossier du groupe d’études citoyennes de Villeneuve d’Ascq est disponible
sur : http://lesvieuxdanslaville.over-blog.com
Le dossier « l’habitat groupé alternative { la maison de retraite » est disponible
au CLEIRPPA : www.cleirppa.fr
Les actes du colloques de Tours « vieillir chez soi-vivre entre soi, les habitats
intermédiaires en question » sont disponibles sur le site : http://citeres.univtours.fr/spip.php?article1538