De l`immigration à l`intégration : des solutions locales à un
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De l`immigration à l`intégration : des solutions locales à un
1. DE L’IMMIGRATION À L’INTÉGRATION : COMPARAISON ENTRE LES PRATIQUES LOCALES Introduction La question de l’intégration locale des immigrés présente un intérêt considérable pour les pays de l’OCDE. Avec le développement de l’économie du savoir, la lutte pour les compétences devient aussi importante que la lutte pour l’investissement étranger, et les immigrés qualifiés peuvent conférer aux marchés locaux du travail un avantage comparatif substantiel dès lors que l’on sait tirer parti de leur potentiel. La demande d’immigrés non qualifiés est également forte : sous l’effet de l’évolution démographique, de nombreuses localités cherchent à attirer de nouveaux travailleurs afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre et d’assurer la prestation des services de base. Néanmoins, pour tirer le meilleur parti des avantages potentiels de l’immigration, il est indispensable qu’elle s’accompagne d’une politique d’intégration, autrement dit des dispositifs efficaces permettant une véritable insertion des immigrés sur les marchés locaux du travail. De tout temps et en tout lieu, les immigrés ont dû s’adapter au pays d’accueil et celui-ci aux immigrés. La nature du processus d’intégration a varié selon les pays et les époques en fonction des antécédents migratoires du pays, des caractéristiques des nouveaux arrivants, des politiques générales en matière d’immigration, des programmes d’assistance aux immigrés existants et de la situation socio-économique générale des pays hôtes. Or, étant donné le grand nombre d’immigrés entrés dans les pays de l’OCDE ces dernières décennies, la question de l’intégration semble aujourd’hui plus pressante car : i) de nombreux pays sont désormais conscients des avantages que ceux-ci peuvent apporter à l’économie nationale et ii) dans plusieurs pays, les résultats de l’intégration ne semblent pas aussi probants que par le passé. Les études portant sur les facteurs favorables à l’insertion sur le marché du travail se multiplient1 ; parmi eux, ceux qui ont trait à la gouvernance locale suscitent l’intérêt grandissant des responsables publics. Si les politiques d’immigration sont souvent définies, formulées et financées à l’échelon national, c’est au niveau local, où une interaction s’exerce avec les autres politiques, que leurs retombées sur les immigrés et la société sont le plus vivement ressenties. À cet égard, l’efficacité de la mise en œuvre locale des politiques nationales ou des mesures adoptées à l’échelon local constitue un élément déterminant de la politique d’intégration. Plusieurs raisons expliquent le caractère spécifiquement « local » de l’insertion des immigrés sur le marché du travail. La première est la 34 DE L’IMMIGRATION À L’INTÉGRATION : DES SOLUTIONS LOCALES À UN DÉFI MONDIAL – ISBN 978-92-64-02897-5 – © OCDE 2007 1. DE L’IMMIGRATION À L’INTÉGRATION : COMPARAISON ENTRE LES PRATIQUES LOCALES répartition géographique relativement inégale de l’immigration. Au sein de la population immigrée, certains groupes sont enclins à émigrer vers des pays particuliers en raison de leurs liens politiques, économiques et linguistiques avec ces derniers et des flux migratoires antérieurs de leurs parents et amis (en Espagne, par exemple, la plupart des immigrés viennent d’Amérique latine). À l’intérieur des pays, si certaines régions agricoles attirent de nombreux immigrants temporaires, les immigrés préfèrent généralement s’installer en milieu urbain, notamment dans certaines métropoles qui sont de véritables « villes-portes », les capitales en particulier. Ce phénomène se traduit par des disparités locales en termes de taille et de structure de la population immigrée. Dans la ville de Toronto, par exemple, 49 % des résidents recensés en 2001 étaient nés à l’étranger contre 18 % environ de la population canadienne totale (Recensement du Canada, 2001). De même, aux Pays-Bas, 60 % de la population immigrée vivait en 2004 dans la conurbation de l’Ouest du pays, et les immigrés et leurs enfants représentaient 47 % de la population d’Amsterdam (Penninx et al, 2004). Dans les villes, les immigrés se regroupent souvent dans certaines communautés, ou « enclaves ethniques », soit qu’ils aient choisi de se rapprocher de parents, d’amis ou de gisements d’emplois connus, soit que les écarts du coût de la vie leur interdisent de s’installer ailleurs. À Etobicoke-Nord, par exemple, banlieue située au nordouest de Toronto, 74,7 % des résidents de plus de 15 ans sont des Canadiens de première génération (Recensement du Canada, 2001), ce qui tient en partie au fait que le quartier est mal desservi ; le prix du logement y est donc relativement abordable. On observe également des disparités locales sur les marchés du travail où les immigrés espèrent s’intégrer. La situation du marché du travail peut varier davantage d’une zone urbaine à l’autre que d’un pays à l’autre2 ; aussi les autorités des capitales jugent-elles souvent plus utile de se comparer à celles d’autres métropoles étrangères qu’à celles de villes plus petites de leur propre pays. Les localités ont beaucoup à gagner d’une gestion efficace de l’immigration et beaucoup à perdre en cas d’échec. Sassen (1994) et Harris (2003) soulignent que dans le contexte d’une économie mondialisée où les compétences sont de plus en plus spécialisées et où le commerce repose sur les échanges internationaux, les immigrés deviennent des atouts essentiels pour les villes. Les entreprises recrutent partout dans le monde, et les pays s’efforcent d’exporter certains types d’enseignement et de formation, ce qui se traduit par un déclin de l’autonomie à l’échelon local, les villes rivalisant pour attirer chez elles les sociétés étrangères et leur technologie, de même que la main-d’œuvre étrangère, et pas seulement la plus qualifiée. Sassen (op. cit.) décrit comment les villes s’efforcent d’attirer des immigrés moyennement et non qualifiés car elles ont besoin de main-d’œuvre et de services moins coûteux pour optimiser la valeur apportée par des travailleurs qualifiés. 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