Hommes-dieux du Kerala
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Hommes-dieux du Kerala
photographie Hommes-dieux du Kerala [ Dominique Frétard | photos Marion Gronier ] Hommes le jour, dieux la nuit. Au Kerala, cet Etat du sud-ouest de l’Inde, les danseurs des théâtres sacrés – le kathakali est le plus connu –, une fois maquillés et habillés, se transforment en divinités hindouistes dont le mythe remonte à la nuit des temps. La photographe Marion Gronier a capté les moments fragiles qui accompagnent cette métamorphose. I Ci-dessus : un interprète de theyyam, à Kannur, Kerala. Le theyyam est une danse sacrée du nord du Kerala, bien plus localisée et ancienne que le kathakali. Page de droite : danseurs de kathakali, à Palakkad et à Chettikulangara, Kerala. 54 LE MONDE 2 20 OCTOBRE 2007 l en faut du cran pour résister à la splendeur scénique du kathakali. Et même un certain culot pour carrément lui tourner le dos. Car ce théâtre dansé, originaire de la province du Kerala, en Inde, n’a rien d’une quelconque faribole : il narre une épopée chaotique et grandiose, celle du Ramayana, pleine de crimes et de métamorphoses, qui fonde la civilisation du sous-continent, son origine spirituelle,métaphorique,où les hommes et les dieux vivent en intelligence magique avec les animaux. Tout y est « hypertrop ». Mais, ô combien fervent, infiniment populaire, et très actuel. Face à ce monstre merveilleux, la photographe Marion Gronier, non pas par prudence, mais par instinct de survie, on la comprend, choisit donc de laisser le spectacle hors champ. La métamorphose, la possession, la peur, la passion, l’épuisement, elle va tenter de les surprendre hors scène. Sur le visage même des acteurs, sur leurs muscles. Elle met en scène son propre théâtre, cherchant à saisir d’autres identités, d’autres illusions, dans ces instants fragiles où les comédiens ne sont pas encore des divinités mais déjà plus tout à fait des humains. En train de disparaître sous la couche épaisse du maquillage ou pris au sortir de scène, quand la tension relâche les nuques, les épaules. Marion Gronier sait ce qu’elle VOIR fait. Car progressivement le À « FIGURES », portraits spectacle invisible affleure de danseurs sacrés et surgit de ces portraits qui du Kerala de Marion mêlent le vrai au faux, le mas- Gronier. Hudson 21, rue culin au féminin, le trivial au éditions, Las Cases, Paris-7 , spirituel. Les regards sont les samedis de habités par la force de ce qui 11 heures à 19 heures se joue sur scène. Par des et sur rendez-vous légendes que chaque Indien au 06-87-61-47-87, jusqu’au 3 novembre. porte en lui de génération en génération. Des acteurs comme arrachés à la nuit des temps. Et si brutalement nos contemporains. b e 20 OCTOBRE 2007 LE MONDE 2 55