les emeutes en banlieues
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les emeutes en banlieues
LES EMEUTES EN BANLIEUES Villiers-le-Bel récemment, plusieurs quartiers dans toute la France en novembre 2005, certaines banlieues françaises s'enflamment régulièrement et les situations dégénèrent en émeutes. Il s'agira dans le dossier d'expliquer les circonstances de ces émeutes (partie 1), puis d'en rechercher les raisons (partie 2). Comme nous avons plus de recul sur les événements, privilégiez des recherches sur les émeutes de novembre 2005. Faites un dossier en suivant le plan suivant : INTRODUCTION PARTIE 1 : Les circonstances des émeutes : QUOI ? Précisez ce dont il s'agit, et notamment les circonstances des émeutes, leur dérourement... Quand ? Retrouvez une chronologie des émeutes de l'automne 2005 Qui ? Qui étaient les émeutiers ? Où ?Cartes (quels quartiers s'enflamment ? Où en France ?...) Combien ? Quleques chiffres sur le nombre d'émeutiers, le montant des dégats... PARTIE 2 : Pourquoi ? Il faut ici s'interroger sur les raisons des émeutes. Nombreuses ont été les interprétations de la part des journalistes, des politiques. Depuis les émeutes, des travaux de sociologues ont aussi été effectués. Ils permettent d'entendre le point de vue des habitants des quartiers touchés, émeutiers ou pas... C'est la pluralité des points de vue qui est intéressante et pourrait déboucher sur un débat. CONCLUSION : Donnez votre point de vue, évoquez les solutions envisageables pour régler ce problème récurrent... BIBLIOGRAPHIE, SITOGRAPHIE quelques références sur le web : Pour un accès à des sources d'informations généralistes, reportez-vous à la page Cdi du site du lycée : http://www.jeanvilar.net/cdi04a.asp Sur l'identité des émeutiers : http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/educationcivique/Pa ges/2006/77_Quietaientlesemeutiersde2005.aspx sur le cas marseillais : http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/pedago/ecjs/paro_001.htm deux exemples de banlieues qui ont flambé (deux documents assez longs mais dans lesquels vous pouvez aller piocher des informations grâce au sommaire) http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/EtudeAulnaysousbois.pdf (quelques conclusions reprises dans le texte ci-dessous) http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/EtudeStDenis.pdf Les émeutes de 2005 à Aulnay-sous-Bois : le point de vue de sociologues http://sociologies.revues.org/document267.html À Aulnay, le plus difficile a été d’obtenir des entretiens auprès de jeunes. Les interpellations qui ont eu lieu, la rumeur d’après laquelle des policiers en civil auraient investi les cités pour enquêter sur ces émeutes installent un climat de défiance, de soupçon généralisé à l’égard de ceux qui souhaitent « enquêter » sur ces événements. Deuxième difficulté, l’analyse des entretiens montre une difficulté à reconstruire les faits eux-mêmes, tant au niveau de la chronologie des événements, des rapports internes aux quartiers qu’au niveau des raisons qui ont poussé ces jeunes à passer à l’action, à prendre à partie telle ou telle cible. [ …] Si le contexte dans lequel vivent ces jeunes forme un univers relativement homogène d’expériences de vie au quotidien, le rapport qu’ils construisent aux émeutes est pluriel et témoigne en filigrane de la diversité de leurs aspirations et de leurs projets . Trois « figures interprétatives » ont alors été distinguées, qui renvoient chacune aux rapports entre ces émeutes et, dans l’ordre, la délinquance, la protestation, la dimension ludique. L’émeute déviante Dans ce premier cas de figure, les jeunes considèrent que les émeutes ont été l’affaire d’une minorité agissante dont ils souhaitent plus ou moins se démarquer. Il s’agit, pour les interviewés, de savoir jusqu’où la délinquance dans laquelle vivent habituellement les jeunes de leurs cités, et qui préexiste aux émeutes, peut permettre de comprendre la dynamique de ces événements (tout du moins en partie car d’autres causes, plus sociales et politiques, sont également évoquées). Si l’emprise de la bande est soulignée, s’il est également admis qu’elle est dirigée par des leaders, les interviewés rejettent avec force l’existence de caïds, estimant qu’il ne s’agit pas de groupes liés au grand banditisme, mais plutôt à la petite délinquance. « Finalement, il y en a pas mal qui se sont impliqués et qui se sont dit, il faut qu’on casse le truc. On pouvait pas vraiment compter sur la police parce qu’elle n’était pas là. […] Je pense que ça les a calmés. Ça a tout de suite montré qu’ils n’étaient pas soutenus. Et là, s’ils étaient attrapés, c’était pas la police, ils risquaient vraiment quelque chose ». (Sophie, 22 ans) « Je me suis dit que de toute façon, ça menait à rien. Moi, mon objectif professionnel implique que je dois garder un casier vierge mais c’est vrai que je me suis dit que s’il y a une minorité qui peut représenter la majorité, représenter mon cas, pourquoi pas ? Mais personnellement, je pourrais pas m’impliquer parce que je sais que face aux forces de l’ordre, c’est perdu d’avance. […]. Ils ont des flash-balls, ils ont des matraques, et nous, on n’a rien. Juste des cocktails Molotov, des bouts de bois, voilà. […] Je sais que quand je parlais avec des camarades de la fac, ils disaient « c’est bien ». Il y en a beaucoup qui étaient pour. Moi personnellement, j’étais vraiment pour. Parce qu’il faut savoir dire stop un moment. Là, c’est vraiment une situation qui se dégrade de plus en plus ». (Mehdi, 22 ans) L’émeute protestataire Dans ce deuxième cas de figure, les jeunes considèrent que les émeutes ont été l’affaire d’une majorité (un peu tout le monde, disent-ils) car les causes qui les ont engendrées (le chômage, la discrimination, les rapports très tendus avec la police, l’indifférence des politiques, l’exclusion sociale) concourent à dégrader depuis des années les conditions de vie de tous les jeunes des cités. Évidemment, cela ne veut pas dire que tout le monde ait participé mais plutôt qu’une grande partie d’entre eux avait des bonnes raisons de le faire et que tous auraient pu le faire. Les interviewés se montrent prolixes sur cette explication socialement légitime des émeutes. L’explication du « ras le bol », déjà présente ailleurs, acquière ici sa connotation pleinement protestataire. « Ils ont cramé Renault, c’est normal. Tu vois, ils ne prennent pas les gens d’ici, ils prennent les gens d’ailleurs. C’est pour ça qu’après les jeunes, ils vont cramer… Ils ont des boulots sous contrat et quand tu veux travailler, ils t’acceptent pas, ils te répondent pas, ils t’envoient pas de courrier. Maintenant la seule façon pour les jeunes, c’est de cramer des voitures. « Ouais, y a rien, y a jamais de boulot. Il y a des périodes creuses et des périodes… C’est pour ça que j’ai commencé à faire des conneries, à traîner à gauche, à droite, à brûler des voitures ». (Kamel, 25 ans) L’émeute ludique Les interviewés classés dans cette figure interprétative insistent sur le fait que les émeutiers seraient des adolescents incontrôlables en raison de leur jeune âge. […]Mais, plus précisément, pour comprendre la spécificité des émeutes de novembre 2005, l’effet d’âge est écarté au profit d’un effet de génération. Autrement dit, l’expression d’une violence déchaînée accomplie par des très jeunes (« les petits » dans le langage des interviewés) déterminés à pousser leur révolte aussi loin que possible, était inconnue de la génération de nos interviewés plus âgés. Un interviewé fait même référence à un effet période : en réfléchissant sur le fait que cette nouvelle génération a connu précocement des émeutes aussi violentes, l’avenir ne peut qu’être sombre. Il prévoit alors d’autres occasions de révolte, même plus brutales. […] On souligne alors plutôt l’aspect ludique des actions menées, les jeunes recherchant d’abord un plaisir, une jouissance. On ne parle plus de petite minorité ni de majorité des jeunes des banlieues mais d’une génération particulière : les adolescents. Le groupe des pairs joue un rôle fondamental, le comportement pendant les émeutes, et en dehors de celles-ci, se calque sur son fonctionnement. C’est avec les amis qu’on voit et revoit les photos prises lors des affrontements, on vante ses exploits, on raconte les gestes des uns et des autres, on entretient la logique de la surenchère. D’ailleurs, est introduite l’idée de la concurrence entre les cités et les quartiers pour obtenir la première place. Les confrontations avec les policiers sont moins considérées comme le moyen pour protester ou justifier une action contre l’État qu’une fin en soi. Extraits tirés d’un entretien collectif réalisé auprès de trois filles et deux garçons (âgés de 16 à 18 ans) : « On va pas parler de racailles, mais il y en a qui ont fait ça pour le fun, mais ils se disent “oh, on a rien à faire, allez viens, on va brûler des voitures”, on suit les autres, parce que eux croient qu’ils ont raison de brûler les voitures. S’ils le font, on le fait aussi, pourquoi rester les bras croisés. Il y en a d’autres, ils le font pour les deux jeunes en fait. Mais qu’est-ce que ça peut leur faire sincèrement ? Ils les connaissent les mecs ? ». « Ça sert à rien de parler en fait parce que les jeunes de cette cité, dès qu’ils sont déterminés, il y a rien qui peut les arrêter. Vous pouvez leur mettre 15 flics devant eux, ils vont traverser les flics ». – Et pourquoi ? relance l’enquêteur. « Je sais pas, ils ont un problème au cerveau, ils ont pas conscience ». Conclusion D’une part, nous avons choisi de considérer les jeunes interviewés comme des acteurs « compétents », pouvant donc nous renseigner sur les raisons qui à leurs yeux étaient susceptibles de rendre compte des émeutes. De ce point de vue, la multiplication des versions produites, la non-linéarité des récits ne sauraient discréditer leur parole. Au fond, et comme nos interlocuteurs le disent eux-mêmes, en fonction de leur point de vue et de l’emplacement de leur poste d’observation au sein du quartier, ils n’ont pas vécu et vu les « mêmes » émeutes. C’est pour cette raison que les versions fournies par les jeunes sont dans la grande majorité des cas vraisemblables : elles sont trop riches en détail pour avoir été seulement le fruit de propos rapportés par d’autres. Par ailleurs, nous avons certes affaire à une pluralité des versions, en raison du fait que les jeunes ont intégré les événements dans un cadre interprétatif personnel ; pourtant, il a été possible d’agréger ces versions en un nombre fini de figures interprétatives ayant une portée plus générale. De ce point de vue, la question de savoir laquelle de ces versions est la plus juste est stérile. D’autre part, nous avons fait nôtre cette grande diversité des récits en renonçant sciemment à une explication mono-causale de ces évènements. Insistons sur le fait que si l’un des principaux résultats de notre travail monographique a été de montrer la grande diversité des formes et des motifs d’engagement, c’est que cela renvoie à la diversité des profils des jeunes des cités eux-mêmes. Vincenzo Cicchelli, Olivier Galland et Séverine Misset - 23 août 2007