Chronique de procédures civiles d`exécution

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Chronique de procédures civiles d`exécution
Revues
Lexbase La lettre juridique n˚647 du 17 mars 2016
[Voies d'exécution] Chronique
Chronique de procédures civiles d'exécution — Mars 2016
N° Lexbase : N1767BWD
par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice, et Guillaume
Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon
Lexbase Hebdo — édition privée vous propose, cette semaine, un nouveau rendez-vous d'actualité avec
la chronique de procédures civiles d'exécution réalisée par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de
Nice et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon, directeurs scientifiques de l'Encyclopédie "Voies d'exécution", retraçant l'essentiel de l'actualité juridique en matière de procédures civiles
d'exécution. Les auteurs s'intéressent, à travers différents arrêts, d'une part, aux aspects procéduraux (I)
et, d'autre part, aux aspects substantiels des procédures civiles d'exécution (II).
I — Quelques aspects procéduraux des procédures civiles d'exécution
A — Compétence du JEX
Si le juge de l'exécution est bien "l'homme-orchestre" des procédures civiles d'exécution, il n'est pas pour autant juge
du fond de tous les différends qui opposent le créancier et le débiteur saisi ! La deuxième chambre civile de la Cour
de cassation l'a rappelé le 3 décembre 2015 (Cass. civ. 2, 3 décembre 2015, n˚ 13-28.177, F-P+B N° Lexbase :
A6854NYI ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8242E8R) : à l'occasion de la contestation d'une
saisie immobilière effectuée sur le fondement d'un acte notarié constatant un prêt immobilier, les débiteurs saisissent
le JEX d'une demande de remboursement d'un trop perçu à l'encontre de la banque et ce dernier déclare la demande
irrecevable. Sur pourvoi, la Cour de cassation précise que le JEX ne peut statuer au fond que sur "la validité
et les difficultés d'exécution des titres exécutoires qui sont directement en relation avec la mesure d'exécution
contestée". En conséquence, le JEX n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une demande en paiement portant sur
le remboursement d'un trop perçu, qui relève du fond : la sanction est donc bien une irrecevabilité de la demande,
et non une exception d'incompétence (C. pr. civ., art. 122 N° Lexbase : L1414H47), et le JEX, qui s'attribue des
pouvoirs dont il ne dispose pas, commet un excès de pouvoir (Cass. civ. 2, 26 juin 2014, n˚ 13-15.932, FS-P+B
N° Lexbase : A1557MSH, Bull. civ. II, n˚ 156). Le "fond du droit" visé à l'article L. 213-6 du Code de l'organisation
judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) sur lequel le JEX peut statuer n'est pas toujours aisé à définir, mais celui qui
saisit le JEX doit vérifier qu'il soit "directement en relation avec la mesure d'exécution contestée" (c'est le cas
d'une demande en modération de la clause pénale contenue dans le titre exécutoire : Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n˚
13-16.053, FS-P+B N° Lexbase : A2981MQH, Bull. civ. II, n˚ 127). Si la relation n'est pas directe, la demande sera
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déclarée irrecevable (c'est le cas d'une demande de paiement de salaires non visés par la saisie des rémunérations :
Cass. civ. 2, 1er octobre 2009, n˚ 08-18.478, FS-P+B N° Lexbase : A5912ELK, Bull. civ. II, n˚ 231).
B — Voies de recours
1˚ Quel point de départ de l'appel en cas de signification irrégulière ? Selon une jurisprudence constante,
l'acte de signification d'un jugement, qui ne mentionne pas précisément la voie de recours ouverte, son délai ou
ses modalités d'exercice ou qui comporte les mentions erronées la concernant, ne fait pas courir le délai de recours
(C. pr. civ., art. 528 N° Lexbase : L6676H7E et 680 N° Lexbase : L1240IZX). Selon l'article R. 322-19 du Code des
procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2438ITH), l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et
jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril. Si ces précisions
ne figurent pas dans l'acte de notification du jugement, la Cour de cassation considère que l'acte est irrégulier et
que le délai d'appel du jugement ne court pas ! Cette solution a été reprise plusieurs fois par la deuxième chambre
civile de la Cour de cassation, le 24 septembre 2015 (Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n˚ 14-23.768, F-P+B
N° Lexbase : A8203NPI), le 3 décembre 2015 (Cass. civ. 2, 3 décembre 2015, n˚ 14-24.909, F-P+B N° Lexbase :
A6864NYU) et le 28 janvier 2016 (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n˚ 15-11.391, F-P+B N° Lexbase : A3232N7T), à
propos de l'appel contre un jugement d'orientation (cf. l'Encyclopédie "Procédure civile" N° Lexbase : E4660EU7).
Elle peut paraître sévère dans la mesure où le type de procédure d'appel est imposé par le dispositif légal et que
la procédure à suivre n'est pas incluse dans les mentions prévues à l'article 680 du Code de procédure civile de
manière expresse, et que l'annulation de l'acte de signification pour vice de forme suppose la preuve d'un grief qui
selon le demandeur au pourvoi, n'était pas démontré en l'espèce comme l'indiquait l'arrêt attaqué. Il appartient aux
professionnels de rester très vigilants sur le contenu de la signification du jugement d'orientation, même si le degré
de précision des mentions laisse place à certaines incertitudes. Par exemple, il ne faut pas oublier l'adresse de la
cour d'appel compétente pour statuer (Cass. civ. 2, 4 juin 2015, n˚ 14-15.450, F-D N° Lexbase : A2118NKN, à propos
d'un jugement du tribunal d'instance en matière de surendettement). En revanche, il est possible de signifier un acte
intitulé "commandement de saisie-vente", mentionnant qu'il est délivré en vertu d'un jugement réputé contradictoire
assorti de l'exécution provisoire dont la copie est jointe et qui expose notamment les modalités précises de l'appel
et le délai du recours (Cass. civ. 2, 13 mai 2015, n˚ 14-17.891, F-D N° Lexbase : A8785NHT).
2˚ Quelle procédure d'appel ? On sait que l'instance d'appel avec représentation obligatoire peut se dérouler
selon deux modalités différentes. D'une part, selon le droit commun des articles 902 (N° Lexbase : L0377IT7) et
suivants du Code de procédure civile, qui comporte des délais prévus à peine de caducité de la déclaration d'appel
ou d'irrecevabilité des conclusions ; d'autre part, selon la procédure à bref délai prévue à l'article 905 du Code de
procédure civile (N° Lexbase : L0374IGX), sans délai particulier (le projet de réforme de l'appel vise à introduire
des délais pour conclure, sanctionnés par la caducité de l'appel ou l'irrecevabilité des conclusions). Le domaine
d'application de la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile soulève des difficultés, parce que le
texte vise deux hypothèses : en cas d'appel relatif à une ordonnance de référé ou à une ordonnance du juge de la
mise en état, les dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile s'appliquent de plein droit ; au contraire,
dans les autres cas, ces dispositions sont appliquées de manière facultative sur décision du président de la chambre
saisie d'office ou à la demande d'une partie, lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en
état d'être jugée. L'article R. 121-20, alinéa 3, du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2164ITC),
qui régit l'appel des décisions du juge de l'exécution, précise que "la cour d'appel statue à bref délai". Pour la Cour
de cassation (Cass. civ. 2, 21 janvier 2016, n˚ 14-28.985, F-P+B N° Lexbase : A5680N47 ; cf. l'Encyclopédie "Voies
d'exécution" N° Lexbase : E8296E8R), ces termes ne signifient pas que la procédure prévue à l'article 905 du Code
de procédure civile s'applique de plein droit. En conséquence, dès lors que l'appel a été instruit conformément
à l'article 907 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0389IGI), le président n'ayant pas décidé un circuit
à bref délai, les dispositions des articles 908 (N° Lexbase : L0162IPP) à 911 sont applicables. La caducité de
la déclaration d'appel peut alors être prononcée si l'avocat de l'appelant n'a pas signifié directement à la société
intimée ses conclusions dans les délais prévus aux articles 908 et 911 du Code de procédure civile. En conclusion,
statuer à "bref délai" au sens de l'article R. 121-20 du Code des procédures civiles d'exécution n'est pas statuer
automatiquement à "bref délai" au sens de l'article 905 du Code de procédure civile !
C — Mesure d'exécution et procédures collectives
Si la liste des titres exécutoires est fixée limitativement par l'article L. 111-2 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5790IRU), son interprétation est parfois sujette à hésitations. Une saisie des rémunérations
a donné lieu à une fort utile précision : un jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire ne constitue
pas un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (Cass. civ. 2, 7 janvier 2016, n˚ 14-24.508, FD N° Lexbase : A3907N34 ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8756E8S), rendu après avis de
la Chambre commerciale (C. pr. civ., art. 1015-1 N° Lexbase : L1249H4Z). L'article R. 3251-1 du Code du travail
(N° Lexbase : L0907H9H) permet la saisie de la portion saisissable des rémunérations à condition que le créan-
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cier soit muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible : en cas d'ouverture d'une procédure
collective, de nombreux créanciers sont tentés de saisir les rémunérations du débiteur. Néanmoins, les enjeux des
procédures collectives, l'organisation de la survie des outils de production et des emplois, interdisent d'accorder à
un créancier un avantage par le biais du recouvrement forcé de sa créance, tant que la liquidation judiciaire n'est
pas clôturée : en ce sens, il a déjà été jugé que l'état des créances, même visé par le juge commissaire, n'est
pas un titre exécutoire au sens de l'article R. 3251-1 du Code du travail (Cass. com., 2 mai 2001, n˚ 97-19.536
N° Lexbase : A3381ATE, Bull. civ. IV, n˚ 82, procédures, 2001, comm., 151, Laporte). Il est vrai que le jugement qui
prononce une liquidation judiciaire emporte des conséquences particulières : notamment, il ouvre une période de
liquidation de l'entreprise, emporte dessaisissement du débiteur... Ce jugement ne contient pas de condamnation
susceptible d'être mise à exécution forcée et n'est donc pas une "décision des juridictions de l'ordre judiciaire" au
sens de l'article L. 111-3-1˚ du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2012KGM). Le jugement
d'ouverture d'un redressement judiciaire a pour effet d'arrêter toute procédure d'exécution, tant sur les meubles que
les immeubles, de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L. 622-17-I du Code de
commerce (N° Lexbase : L8102IZ4) (C. com., art. L. 622-21-II N° Lexbase : L3452ICT) : le juge de l'exécution ne
peut qu'ordonner la mainlevée de la procédure de saisie des droits d'associés, dès lors qu'à la date du jugement
d'ouverture, cette procédure d'exécution n'a pas, par la vente des droits d'associés, produit ses effets (Cass. civ. 2,
28 janvier 2016, n˚ 15-13.222, F-P+B N° Lexbase : A3397N7X ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase :
E9351E8T).
D — Prescription de l'exécution forcée
Aux termes de l'article L. 111-4 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5792IRX), l'exécution
forcée d'un jugement se prescrit par 10 ans, à moins que l'action en recouvrement de la créance se prescrive par
un délai plus long. Dès lors que la condamnation résulte d'un jugement, les attributs de ce titre exécutoire particulier (autorité de la chose jugée, force probante d'un acte authentique) justifient un délai suffisant pour la mise à
exécution forcée. C'est ce que rappelle l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 janvier
2016 (Cass. civ. 2, 7 janvier 2016, n˚ 14-28.088, F-D N° Lexbase : A3916N3G ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8180E8H) à propos d'un jugement de condamnation d'un débiteur à rembourser une dette
prescrite par 2 ans sur le fondement de l'article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3).
Pour interrompre ce délai de 10 ans, "un acte d'exécution forcée" doit être accompli (C. civ., art. 2244 N° Lexbase :
L4838IRM, ou une mesure conservatoire). La détermination du contenu précis des actes d'exécution forcée soulève des questions parfois malaisées à trancher, notamment s'agissant des saisie ventes des meubles corporels
(le commandement de payer prévu à l'article R. 221-1 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase :
L2246ITD est-il un acte interruptif ?). En outre, lorsqu'une mesure d'exécution forcée est engagée, et qu'elle ne permet pas l'exécution effective de la condamnation, il faut définir la fin de l'interruption de la prescription de l'exécution
et le point de départ de la nouvelle prescription de l'exécution. Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de
cassation du 3 décembre 2015 (Cass. civ. 2, 3 décembre 2015, n˚ 14 -27.138, F-P+B N° Lexbase : A6977NY3 ;
cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8180E8H) tranche cette difficulté : l'exécution de la saisie des
rémunérations, engagée le 5 décembre 1997, avait donné lieu à la transmission par le greffe du tribunal d'instance
d'un dernier chèque de l'employeur tiers saisi au créancier saisissant le 31 décembre 2002 ; en conséquence, la
procédure de saisie des rémunérations avait interrompu le cours de la prescription, et un nouveau délai de prescription de l'exécution forcée du jugement de condamnation avait commencé à courir à compter du 3 décembre
2002. Cette solution, rendue sous l'empire de l'ancienne rédaction de l'article 2244 du Code civil (N° Lexbase :
L1509C3B), peut conserver toute sa valeur...
Natalie Fricero
II — Quelques aspects substantiels des procédures civiles d'exécution
A — La procédure d'astreinte
Dans trois arrêts prononcés le 3 décembre 2015 (Cass. civ. 2, 3 décembre 2015, trois arrêts, n˚ 14-26.656
N° Lexbase : A6906NYG, n˚ 14-26.657 N° Lexbase : A6926NY8 et n˚ 14-26.658 N° Lexbase : A6987NYG, F-D), la
Cour de cassation apporte des précisions sur le régime juridique de l'astreinte définitive (cf. l'Encyclopédie "Voies
d'exécution" N° Lexbase : E8342E8H). Dans ces affaires, un conseil de prud'hommes avait condamné -sous astreinte journalière— un groupement d'établissement de santé de l'Assurance maladie à régulariser la situation de
ses assurés. Ces derniers avaient assigné l'Assurance maladie devant le juge de l'exécution compétent aux fins
de liquidation de l'astreinte provisoire et d'obtenir le prononcé d'une astreinte définitive. Or, ledit juge de l'exécution
a prononcé une astreinte définitive de 50 euros par jour de retard, passé une période de 30 jours à compter du
prononcé de la décision, sans fixer le terme du délai à prendre en considération. Cette omission constitue, pour la
deuxième chambre civile de la Cour de cassation, un motif de cassation. Une telle solution est parfaitement justifiée
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non seulement par la lettre de l'article L. 131-2, alinéa 3 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase :
L5816IRT) -aux termes duquel une "astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte
provisoire et pour une durée que le juge détermine"-, mais également par la rigueur des effets des astreintes définitives et, singulièrement, le fait que le taux de l'astreinte définitive ne puisse pas être modifié lors de sa liquidation
(C. proc. civ. exécution, art. L. 131-4 N° Lexbase : L5818IRW).
B — La saisie immobilière
Dans un arrêt du 7 janvier 2016 (Cass. civ. 2, 7 janvier 2016, n˚ 14-26.908, F-P+B N° Lexbase : A3899N3S ; cf.
l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0250E97), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation
apporte des précisions sur la bonne articulation à opérer entre le déroulement de la procédure de saisie immobilière et les dispositions protectrices du Code de la consommation en matière de surendettement des personnes
physiques (C. consom., art. L. 330-1 N° Lexbase : L6173IXW et s.). En l'espèce, un tribunal d'instance, statuant en
tant que tribunal de l'exécution forcée immobilière, a prononcé l'adjudication forcée de l'immeuble par une ordonnance délivrée en août 2013. Le propriétaire de cet immeuble interjeta appel et obtint qu'il soit sursis à la procédure
d'adjudication dans l'attente du traitement de sa situation de surendettement qui avait donné lieu à une décision de
recevabilité rendue en septembre 2013 par une commission de surendettement. Pour la cour d'appel, en effet, la
suspension de la procédure découle de cette décision de recevabilité, en application de l'article L. 331-3-1 du Code
de la consommation (N° Lexbase : L5242IXG). La Cour de cassation, saisie par l'établissement bancaire créancier,
ne fait pas sienne cette analyse et casse sans renvoi l'arrêt attaqué. Elle juge que la cour d'appel a violé l'article
précité aux motifs que la vente forcée a été ordonnée avant que la commission de surendettement ne se prononce
sur la recevabilité de la demande du débiteur et que, dès lors, seule ladite commission de surendettement pouvait
saisir le juge de la saisie immobilière d'une demande de report de l'adjudication pour causes graves et dûment
justifiées.
Toujours à l'égard de la procédure de saisie immobilière, dans un arrêt également prononcé le 7 janvier 2016
(Cass. civ. 2, 7 janvier 2016, n˚ 14-26.442, F-D N° Lexbase : A3871N3R ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution"
N° Lexbase : E9625E8Y), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence à l'égard
de la recevabilité des voies de recours -et, singulièrement, du pourvoi en cassation— à l'encontre du jugement
d'adjudication. On le sait, lorsqu'il ne tranche aucune contestation, ce jugement n'est pas en principe susceptible
de recours. Il en va ainsi de la voie d'appel (C. proc. civ. exécution, art. R. 322-60, al. 2 N° Lexbase : L2479ITY), de
la tierce-opposition (Cass. civ. 2, 6 janvier 2011, n˚ 09-70.437, F -P+BN° Lexbase : A7479GNC, Bull. civ. II, n˚ 1) ou
encore du pourvoi en cassation (Cass. civ. 2, 31 mars 2011, n˚ 09-70.920, F-P+B N° Lexbase : A3931HMK, Bull.
civ. II, n˚ 81). Cela s'explique par sa nature, en l'occurrence : un jugement non contentieux dépourvu de l'autorité
de la chose jugée. Toutefois, s'agissant du pourvoi, la Cour de cassation a admis une exception en cas d'excès de
pouvoir du juge de l'exécution (Cass. civ. 2, 24 juin 2010, n˚ 08-19.974, FS-P+B N° Lexbase : A3231E33, Bull. civ.
II, n˚ 120). C'est ce qu'elle confirme dans le présent arrêt. Elle déclare irrecevable le pourvoi dont elle est saisie, en
jugeant que le juge de l'exécution a pu prononcer, sans excéder ses pouvoirs, l'adjudication de l'immeuble désigné
au cahier des conditions de la vente, sans mentionner les formalités de publicité effectuées et leur date.
Par ailleurs, dans un autre arrêt rendu le 7 janvier 2016 (Cass. civ. 2, 7 janvier 2016, n˚ 14-26.887, F-P+B N° Lexbase : A3904N3Y ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9664E8G), la deuxième chambre civile se
prononce en faveur de la recevabilité d'une déclaration de surenchère formée après la réitération de la vente. Dans
cette affaire, un bien immobilier a été adjugé à une société sur seconde réitération de la vente. Par la suite, deux
autres sociétés ont déclaré former une surenchère du dixième et une nouvelle date d'adjudication sur surenchère
fut fixée, ce que conteste sans succès le demandeur au pourvoi. Pour la Cour de cassation, après avoir rappelé que
l'article R. 322-71 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2490ITE) -relatif à la réitération des
enchères— ne concerne que les conditions de déroulement des enchères et considéré que le fait que cet article
n'opère pas de renvoi aux dispositions régissant la surenchère ne saurait s'analyser en une exclusion de la faculté
de surenchérir -cette faculté n'étant susceptible d'intervenir que postérieurement aux enchères-, la cour d'appel de
Nîmes (CA Nîmes, 1ère ch., sect. A, 23 octobre 2014, n˚ 14/01 304 N° Lexbase : A0108MZZ) a pu en déduire qu'à
défaut de disposition contraire la déclaration de surenchère est recevable après la réitération de la vente.
En outre, dans un arrêt datant du 28 janvier 2016 (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n˚ 14-27.129, F-P+B N° Lexbase :
A3446N7R ; cf. l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9487E8U), la deuxième chambre civile a été
amenée à se prononcer sur les règles régissant la procédure de saisie immobilière lorsqu'elle est mise en œuvre
en Alsace-Moselle. On le sait, les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle n'ont pas été concernés
par l'importante réforme de la saisie immobilière de 2006 et demeurent soumis au "droit local" (en ce sens, C. proc.
civ. exécution, art. L. 341-1 N° Lexbase : L5896IRS). Entre autres particularités, le commandement de payer n'y est
qu'un acte préparatoire à l'exécution forcée immobilière, il n'est pas publié au livre foncier et n'entraîne pas saisie du
bien. De même, de façon dérogatoire au droit commun, les dispositions de la loi du 1er juin 1924 -applicables dans
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ces départements— ne prévoient pas la caducité de ce commandement, notamment pour sanctionner le fait que
cet acte ne soit pas suivi d'une publication valant saisie. Pour la cour d'appel de Colmar, ce caractère dérogatoire
s'analyse en une atteinte au droit du débiteur à un procès équitable. Selon elle, telle que prévue en droit commun,
la prévision de la caducité du commandement constitue en effet une protection du débiteur, en ce qu'elle évite que
ce dernier soit exposé à une procédure d'adjudication immobilière réalisée sur la base d'un commandement ancien,
susceptible de ne plus correspondre aux montants réellement dus. Elle estime, en conséquence, qu'il convient de
retenir la caducité du commandement de payer, en soulignant que près de deux ans se sont écoulés à compter
de sa signification avant que ne soit prononcée l'ordonnance d'exécution forcée immobilière. Bien que séduisant,
ce raisonnement n'est pas partagé par la Cour de cassation. Pour conclure à la cassation de l'arrêt attaqué, cette
dernière adopte un raisonnement en deux temps. Tout d'abord, elle s'appuie sur la lettre de l'article L. 341-1 du Code
des procédures civiles d'exécution pour affirmer que le livre III de ce code relatif à la saisie immobilière ne modifie
nullement les dispositions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et en
déduit que les dispositions relatives à la caducité du commandement valant saisie insérées dans les articles R. 31111 (N° Lexbase : L7882IUH) et R. 321-6 de ce même code ne trouvent pas application dans ces départements.
Ensuite, elle juge que cet article L. 341-1 n'est pas contraire au droit à un procès équitable et au principe d'égalité
des armes qui s'en déduit, tels que garantis par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR).
C — La saisie-revendication d'un navire
Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 décembre
2015 (Cass. com., 15 décembre 2015, n˚ 14-12.348, F-P+B N° Lexbase : A8660NZR ; cf. l'Encyclopédie "Voies
d'exécution" N° Lexbase : E0647E97) un litige oppose l'acheteur d'un yacht à la société venderesse. Le premier
reproche à la seconde le défaut de livraison du navire dans les délais prévus. En conséquence, en qualité de
propriétaire, il sollicite et obtient du président du tribunal de commerce compétent la délivrance d'une ordonnance
-rendue sur requête— l'autorisant à procéder à la saisie-revendication du navire. Déboutée par la cour d'appel de
Bordeaux de sa demande visant à la rétractation de ladite ordonnance, la société venderesse forme un pourvoi en
cassation. Elle fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé la saisie-revendication en prenant appui sur l'existence de
règles spécifiques applicables à la saisie des navires (en l'occurrence, l'article 8, § 2 de la Convention de Bruxelles
du 15 mai 1952 sur l'unification de certaines règles en matière de saisie conservatoire des navires de mer et les
articles L. 5114-20 N° Lexbase : L7269INK et suivants du Code des transports). Ce recours sera néanmoins rejeté
par la Cour de cassation qui affirme que les dispositions invoquées dans le pourvoi "n'excluent pas la possibilité
d'une saisie-revendication", privilégiant ainsi une interprétation restrictive du droit spécial applicable aux saisiesexécution et saisies conservatoires des navires. On note qu'elle s'était déjà prononcée dans ce sens dans un
arrêt du 16 septembre 2014 (Cass. com., 16 septembre 2014, n˚ 13 -17.892, F-D N° Lexbase : A8456MW4). En
conséquence, la saisie-revendication d'un navire est possible et doit être réalisée dans les conditions du droit
commun, telles que définies par les articles L. 222-2 (N° Lexbase : L5858IRE) et R. 222-17 (N° Lexbase : L2323IT9)
et suivants du Code des procédures civiles d'exécution.
D — Les sûretés judiciaires
Dans un arrêt du 7 janvier 2016 (Cass. civ. 2, 7 janvier 2016, n˚ 14-29.118, F-D N° Lexbase : A3892N3K ; cf.
l'Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9966E8M) relatif à la dispense de publicité définitive d'une sûreté
judiciaire au profit du créancier hypothécaire inscrit provisoirement sur un immeuble, la deuxième chambre civile
de la Cour de cassation précise la portée du terme "signification " employé dans l'article R. 533-5 du Code des
procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2597ITD) ou, plus exactement, de l'ancien article 264 du décret
n˚ 92-755 du 31 juillet 1992 (N° Lexbase : L9125AG3) qui l'a précédé. Aux termes de cet article, "si, après la
vente du bien, le prix en a été régulièrement versé pour être distribué, la publicité définitive est remplacée par la
signification du titre du créancier à la personne chargée de la répartition du prix, dans le délai de deux mois prévu
à l'article R. 533-4 (N° Lexbase : L2596ITC)". Or, en l'espèce, le titre du créancier avait été transmis par courrier
simple. Après avoir rappelé qu'une "signification" est une notification réalisée par un huissier de justice et, qu'à
peine de nullité, ces professionnels ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits (loi du 27 décembre
1923, relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés, art. 6 N° Lexbase :
L4844KY3 ; Ord. n˚ 45-2592 du 2 novembre 1945, relative au statut des huissiers, art. 1er N° Lexbase : L8061AIE),
la Cour de cassation juge que la cour d'appel de Paris a exactement retenu que l'obligation de signifier le titre, aux
fins de donner rang à l'inscription provisoire en se substituant à la publicité foncière, est opposable aux tiers et doit
donc être opérée de façon à ce qu'une date certaine puisse être retenue. Elle approuve les juges du fond d'en
avoir déduit que la demande de collocation du créancier hypothécaire devait être rejetée, sans qu'il faille relever
l'existence d'un grief, ni rechercher si le courrier simple adressé par l'avocat dudit créancier à l'avocat chargé de la
distribution avait atteint son destinataire. Il est permis d'approuver une telle solution, en ce que l'intervention d'un
huissier de justice satisfait pleinement à l'exigence de sécurité juridique sans laquelle cette dispense de publicité
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définitive ne saurait être conçue.
Guillaume Payan
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