"Il était une voix.... (et chez nous comme ailleurs, une voix n`est pas

Transcription

"Il était une voix.... (et chez nous comme ailleurs, une voix n`est pas
"Il était une voix....
(et chez nous comme ailleurs, une voix n'est pas coutume!)
Il était une voix un géant...
Avant d'être géant et encore tout petit
il avait déjà à la pouponnière l'oeillet du poète...
Très vite, il a trouvé sa voix
et tout le monde l'a connue et surtout retenue...
C'était une voix claire, une voix d'air, un voix d'eau
voie d'eau douce, adagio, allegro...
elle racontait les champs
grimpait les bucollines et sautait les bruisseaux...
Et lui, jour après jour collait son oeil
son grand oeil d'écurieux
aux carreaux de sa chemise
et contentait le monde...
Or un jour de grand vent
lui a soufflé sa plume!
Lui, pour la retrouver s'est mis à voyager
avec pour tout bagage sa compagne enchantée
très complètement d'accord...
Se sont mis à trotter trotter trotter partout
trotter au p'tit bonheur...
et trottent les souliers de semelles en semelles
par tous les temps de lieues en lieux....
Pincant la cordemuse
pince pince le coeur, pince et repince monseigneur
monseigneur enchanteur...
Et jaillissent les songes
et chante le géant
chante sur un radeau
chante pour passer l'étang
chante le château plein de fées diaphines
chante pour passer la nuit... Nuits Saint-Georges...
en ballon....
Chante sur corde raide... chansonneur sansonnet...
Puis viennent les temps durs
tendus
tambours battant les cris des crapauds circonscrits
temps dus... tant tellement attendus
et jamais remboursés !...
Et le géant se fâche et le géant devient
grand ébranleur de cloches
grand sonneur de branle-bas
Il tonne et barytonne... la luette en colère...
Assez!
Tripothéqueurs d'assurance-chaumière !
Notables grignotaires !
Proéminences grises !
Bétonneurs besogneux !
Fâcheux gâcheurs de plages !
Empêcheurs de pêcher !
Assez !
Croques vivants
et cracheurs de pitance pour assistés soucieux !
Fini cueillir la manne des manipulapeurs !
Fini le ramasse-miettes !
Debout, debout la dedans ! et commence la fête !!
Quand on vit à quat' pattes
on ose pas faire la fête....
Quand on vit a quat'pattes on voit rien
que des pieds des pieds encore des pieds
des pieds toute la journée...
(et de la fête aux pieds y a une éternité...
puis à quat'pattes ou même à genoux comment danser ?)
Non !
La fête c'est pas rester
planté comme un p'tit peuplier sans histoire
à se nourrir de miettes et de compote d'espoir...
C'est pas non plus d'attendre... majorette silencieuse
à regarder passer les joueurs de saxons
ceux qui fanfaronronnent passqu'ils ont la grosse caisse
et qu'ils peuvent se payer des chars catégoriques...
Non !
La fête c'est quand ça bouge
quand tout est à l'envers
quand la montagne est plaine plaine plaine à craquer
et quand les amoureux s'aiment comme des tourtières...
Alors là c'est la fête !
On chasse le chien polisson
et on laisse boire le caribou
les corriveaux sortent de leur cage
les bois se mettent à l'ail
et le bûcheron se joue se joue de l'êpinette
les poissons se dépêchent
les p'tits poissons chenaillent chenaillent...
les bigorneaux crevettent de rire
et les goélettes sont en haut
tout en haut du rocher,.. perchées...
Et le ragoût retrouve ses pattes
et la gourgane court à la soupe....
on se cretonne la tartine
on s'arrose de sirop vraiment considérable
on se pourlèche la farlouche
jusqu'à ruine... la ruine-babines !
Alors là c'est la fête !
Et le géant de l'île passe le pont
et tout le monde veut le suivre
sur le pont de l'île
pour faire la ronde
danser carré
et gigoter la gigue du géant...
et devenir comme lui géants de l'air géants de l'eau
et géants du pays...
Mais c'est en le voyant que tout le monde comprend
en le voyant lassé
relacer ses souliers tant tellement fatigués
et foncer
tête de pioche
riant sous cap tourmente
dans la blanquette de neige
qu'on prends pas qu'on prend plus...
mais finalement comprend
que pour être géant
suffit de se tenir
debout grandeur nature
et faire encore la bise la bise aux quatre vents..."
Marc Favreau, extrait du livre Presque Tout Sol, Édition Stanké