Urinoirs sans eau
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Urinoirs sans eau
LES URINOIRS SANS EAU : UNE SOLUTION ENVISAGEABLE ? par Kim McGrath et Édith Lacroix Collège électoral de la recherche à la Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau - Eau Secours! Novembre 2004 Des urinoirs publics qui laissent l’eau s’écouler continuellement… Qui n’a jamais été outré par le gaspillage d'eau potable généré par l’utilisation de plusieurs de ces appareils ??? Mise en contexte Dans un souci d’économiser l’eau de façon quotidienne, on a repensé la toilette classique pour la rendre moins consommatrice d’eau. Afin de bien faire notre devoir, il fallait également revoir le fonctionnement de l’urinoir classique… et pourquoi pas inventer un urinoir moderne, mais sans eau? La modernisation et l’optimisation de cette invention vieille d’au moins un siècle a permis l’installation de plusieurs milliers d’urinoirs sans eau durant les deux dernières années, dans divers lieux publics des États-Unis. Au Québec, très peu sont installés et ceux qui le sont, sont encore au stade d’essai. Quoi qu’il en soit, les fabricants ne cessent de les louanger et de vanter leurs prérogatives. Mais devant tant d’éloges, on reste un peu sceptique: qu’en est-il réellement des urinoirs sans eau? Ces appareils sanitaires peuvent-ils satisfaire les exigences des utilisateurs et des responsables de leur entretien? Sauront-ils rivaliser avec l’urinoir traditionnel à chasse d’eau au niveau des coûts? Après quelques recherches et consultations, les appréhensions disparaissent : le Québec aurait tout intérêt à investir dans cette alternative intéressante et ce bon moyen d’économiser plusieurs litres d’eau annuellement... Fonctionnement Au point de vue de l’apparence, l’urinoir sans eau est très similaire à l’urinoir traditionnel, outre le fait qu’il est entouré de moins de tuyauterie. En effet, comme il ne nécessite aucun apport en eau, l’urinoir sans eau n’a pas à être raccordé au système de distribution d’eau, seulement au système d’égouts. Cette absence de tuyau peut d’ailleurs procurer à la salle d’eau un style épuré et plutôt futuriste qui saura plaire aux sensibles de l’esthétisme. Malgré quelques détails spécifiques à chaque fabricant, les urinoirs sans eau ont tous un fonctionnement de base similaire et leurs constituants sont presque tous les mêmes. Le principe est somme toute assez simple, comme on peut le voir sur la figure 1. Le système de drainage typique de l’urinoir sans eau est composé d’un liquide occlusif et d’un filtre. Le filtre, aussi appelé siphon ou cartouche selon le fabricant, remplace la grille des urinoirs traditionnels. Le filtre ramasse les dépôts laissés par l’urine. En effet, l’urine étant considérée liquide à 99%, il faut considérer, bien qu’ils soient minimes, les dépôts à recueillir. Dans le filtre, les fabricants déposent un liquide particulier. C’est un liquide souvent bleu et représenté aussi par cette couleur dans les figures 1 et 2. Il est spécifique à chaque fabricant. Certains l’appelleront « huile occlusive » (Falcon), d’autre le « BlueSeal® » (Waterless), mais la fonction de ce liquide reste la même pour chacune des compagnies : bloquer les odeurs d’égouts et d’urine. Cela est rendu possible grâce au caractère occlusif du liquide qui, ayant une densité plus faible que l’urine, flottera donc au-dessus et créera une sorte de clapet liquide. Fig. 1 Détails en coupe de l’urinoir « Uridan Non-Water » et de son système de drainage par la compagnie GDK International Inc. Fig. 2 Vue en coupe du filtre, ici appelé EcoTrap®, et du système de drainage de la compagnie Waterless pour son urinoir sans eau No-Flush™ Une fois passée au travers le filtre et la couche de liquide occlusif, l’urine se rend au système d’égouts par un drain régulier. C’est aussi simple que cela! Il existe évidemment des variantes du système selon les fabricants. Certains n’utilisent pas de filtre mais simplement le liquide occlusif (comme dans la figure 1). D’autres utilisent une membrane de caoutchouc à la place du liquide occlusif et remplacent la membrane une fois l’an (Franke). Entretien L’entretien des urinoirs sans eau semble se faire très rapidement, soit environ en 10 minutes, et les fabricants ont pris soin d’éliminer tout contact bactériologique possible. Par exemple, le personnel d’entretien n’a jamais à toucher le liquide occlusif pour le remplacer et le filtre s’enlève toujours à l’aide d’un outil (une sorte de tige), qui lui aussi élimine le contact de la part de la personne en charge de l’entretien. Par contre, comme il n’y a pas d’eau pour rincer l’ensemble de l’urinoir, il est impératif de nettoyer ceux-ci tous les jours à l’aide d’un chiffon et d’un produit nettoyant. Le filtre et le liquide occlusif doivent être changés à différents intervalles selon le fabricant et surtout, selon la fréquence d’utilisation des urinoirs. La plupart des fabricants suggèrent un remplacement du filtre de deux à quatre fois par année et le remplacement du liquide occlusif à tous les mois, ce qui devrait empêcher l’apparition des odeurs. Les coûts1 Les coûts d’un urinoir sans eau et de ses produits dérivés sont évidemment différents d’un fabricant à l’autre. Dans notre recherche des coûts, nous avons pris l’exemple de l’urinoir sans eau No-Flush™ de la compagnie Waterless, notamment à cause de sa grande présence sur le marché américain et de l’accessibilité de l’information le concernant. Le filtre du No-Flush™, l’EcoTrap®, coûte 7,32$ et sert pour 7000 utilisations. Le liquide occlusif du No-Flush™, le BlueSeal®, coûte 0,68$ par onze (30 ml), soit pour 500 utilisations. L’appareil No-Flush™ lui-même coûte 636,41$ et vient avec un EcoTrap®, une quantité inconnue de Blue Seal® et l’outil pour retirer l’EcoTrap® usé. Cet outil, en cas de bris, coûte 24$. Prenons par exemple une salle d’eau à un seul urinoir qui serait utilisé par 53 hommes. En considérant que chaque homme utilise l’urinoir deux fois par jour, 260 jours par année, l’urinoir servirait 27 560 fois. Arrondissons à 28 000 utilisations par an. Par conséquent, cela correspond à une consommation annuelle de quatre EcoTrap®, donc un coût de 29,28$ et de 56 onzes (1,68 L) de BlueSeal®, soit 38,08$. On considère qu’un urinoir traditionnel coûte environ 250$. On constate donc une grande différence pour le prix de l’urinoir lui-même 2. Par contre, on note une économie notable en ce qui concerne la tuyauterie, puisque le système sans eau requiert beaucoup moins de raccordements. On économise aussi sur les dépenses reliées à l’eau. Un urinoir traditionnel gaspille environ trois gallons, soit presque 12 L d’eau par utilisation. Si on réparti les 28 000 utilisations citées plus haut sur quelques urinoirs, cela fait tout de même une économie de 336 000 L d’eau par an pour une seule salle d’eau (utilisée 28 000 fois). Au Canada, on estime que 1000 L d’eau usée (soit 1 m3) coûte entre 0,50$ et 0,70$ à traiter (Ville de Montréal, communication personnelle, 23 août 2004). À 0,50$, cela fait une économie de 168$ par an pour les contribuables pour une seule salle d’eau à 28 000 utilisations par an. Ce chiffre n’est à priori pas très énorme, mais une fois multiplié par toutes les industries, commerces et institutions qui seront éventuellement facturés grâce à un compteur d’eau, il représente une économie monétaire qui en concerne plusieurs, et surtout une économie d’eau qui nous concerne tous. Le remplacement de l’eau par un liquide occlusif est en ce sens plutôt avantageux... Même si Waterless Co. considère qu’il ne faut que quelques heures pour l’installation d’un No-Flush™ et qu’il n’en coûte qu’entre 65 et 95$ pour ce faire, les commentaires portent à croire que plusieurs jours sont requis pour l’installation de chaque urinoir et donc que les frais sont plus élevés que ceux escomptés. Lorsqu’il s’agit de remplacer des structures déjà existantes, la facture augmenterait donc de manière significative. Afin de rentabiliser rapidement l’installation des urinoirs sans eau, il vaudrait mieux les 1 2 Les prix, sauf si mentionné, sont tous indiqués en dollars canadiens. L’urinoir sans eau coûtant un peu plus de deux fois le prix de l’urinoir traditionnel. installer dans de nouvelles constructions puisqu’aucune tuyauterie (ou presque) n’est à installer, alors que remplacer des urinoirs traditionnels semble plutôt onéreux. « Environnementalement » parlant... Qu’en est-il des produits utilisés dans les urinoirs sans eau? Chaque compagnie dit de son liquide occlusif qu’il est biodégradable. Waterless va même jusqu’à dire de son filtre, l’EcoTrap®, qu’il est recyclable! Nous avons jeté un regard sur la composition du BlueSeal®. Il est écrit dans la section « composants à risque » de la feuille de spécifications que ce liquide est concentré à 50 ppm d’un mélange de surfactants 3 et d’alcools aliphatiques. Ce sont justement les propriétés du surfactant qui permettent au liquide occlusif de former une couche protectrice qui n’est que très légèrement miscible dans l’eau. Puisque nous ne connaissons pas le type de surfactants utilisés, nous ne pouvons pas nous prononcer sur leur toxicité. Mais, en général, même si les surfactants sont considérés comme des polluants, ils sont tout de même traitables par les installations de traitement d’eaux usées. Également, il semblerait que le liquide occlusif ne soit pas non plus dangereux pour la santé humaine. En ce qui concerne les filtres supposément recyclables, il n’a pas été possible de trouver de l’information sur leur composition, ni sur la façon de les recycler. Économie d’eau réalisée Comme nous l’avons vu plus haut, les urinoirs sans eau permettent d’éviter le gaspillage d’une grande quantité d’eau potable. Car, comme on le sait, l’eau des toilettes et des urinoirs au Québec, comme dans beaucoup d’autres endroits du monde, est une eau potable et traitée au même titre que l’eau que nous buvons. Elle engendre donc les mêmes frais. On estime qu’environ 30% de l’eau potable disponible dans le monde est utilisée pour « l’alimentation » des toilettes et urinoirs (Environnement Canada, 1995)! Pour la plupart des urinoirs sans eau, il faudra tout de même utiliser environ 20 L d’eau pour nettoyer les conduits jusqu’au drain et l’urinoir à chaque remplacement du filtre (deux à quatre fois par année). Mais cette quantité, même en changeant le filtre tous les mois, est évidemment très minime comparée à la surconsommation d’un urinoir traditionnel. Au banc d’essai : les utilisateurs parlent Nous avons cherché à recueillir des commentaires au sujet des urinoirs sans eau. Tout d’abord, nous nous sommes tournés vers les États-Unis, où les urinoirs sont utilisés depuis plus longtemps. Au Québec, l’urinoir sans eau n’en est encore qu’au stade d’essai. On sait que le Pavillon des Sciences Biologiques de l’UQÀM, l’Université de Montréal, l’aréna de Rivière-du-Loup et le Zoo de Granby s’en sont dotés. CHEZ NOS VOISINS DU SUD Dans notre petite enquête, nous avons consulté les résultats d’un sondage mené par l’organisme américain Greenroundtable auprès de divers utilisateurs américains des urinoirs sans eau. La plupart de ces utilisateurs essayaient les produits de trois compagnies principales (dont Waterless Co.) délivrant les 3 Un surfactant est une substance qui, utilisée à de faibles concentrations, réduit considérablement la tension de surface de l’eau. urinoirs sans eau aux États-Unis. Les résultats détaillés de cette enquête sont disponibles sur le site Web suivant : http://www.greenroundtable.org/newsletters/GRTnews4=03.pdf Certains commentaires font l’unanimité chez tous les utilisateurs : la facilité d’entretien, l’absence d’odeur, l’absence de vandalisme. Les filtres semblent aussi être faciles à remplacer. Par contre, pour quelques utilisateurs, il semblerait que les filtres doivent êtres changés très régulièrement - à chaque mois au lieu d’une fois tous les six mois, comme le prétendent certains fabricants. On note aussi que la valeur de ces filtres semble être très différente selon le fabricant : entre 5$ US à 35$ US. Il semble également important, pour la durabilité de l’installation, de choisir un urinoir en céramique et non en plastique. Au niveau des commentaires des fabricants, beaucoup mentionnent le côté plus hygiénique de l’urinoir sans eau. D’abord parce qu’il est sans contact pour l’utilisateur mais aussi parce qu’il diminuerait la prolifération des bactéries. Théoriquement, l’urine est stérile au niveau bactériologique. C’est la présence d’eau et de zones humides sur l’urinoir qui permettrait la prolifération des bactéries. Il y en aurait donc beaucoup moins avec les urinoirs sans eau. Aucun commentaire à ce sujet n’a été recueilli de la part des utilisateurs. Nous avons aussi remarqué que les fabricants mentionnent régulièrement sur leur site de vente le sujet de la corrosion et de l’entartrage des conduites de drainage. Ils semblent vouloir démentir le « oui-dire » selon lequel, les problèmes de corrosion et d’entartrage seraient plus intenses et plus fréquents dans les urinoirs sans eau puisque l’urine n’est pas diluée dans l’eau comme dans un urinoir traditionnel,. Bien qu’aucun des commentaires recueillis chez les utilisateurs ne fasse mention de ces problèmes, nous pensons qu’il serait important de vérifier cela à plus long terme avec des utilisateurs. DANS NOTRE BELLE PROVINCE Nous avons contacter M. Guy Vachon, coordonnateur du département construction et entretien, au Zoo de Granby afin de recueillir ses impressions. Mais comme les urinoirs sans eau n’y sont installés que depuis le début de l’été, il a été difficile d’obtenir l’heure juste sur leur efficacité et leur facilité d’entretien. Par contre, on pouvait déjà nous dire que, pour l’instant, au niveau des odeurs, cela semblait satisfaisant : le liquide occlusif remplissait bien son rôle. On estimait aussi qu’il fallait changer les filtres une fois par deux mois et que ceux-ci, sans nous mentionner de prix exact, étaient assez dispendieux. On nous a mentionné que, puisqu’il n’y a pas de jet d’eau pour nettoyer l’urine, celle-ci laisse plus de taches sur les urinoirs. Il faut donc s’assurer d’un entretien quotidien de ceux-ci. Côté économie d’eau, on pouvait lire, dans un article paru à la mi-octobre dans La Presse, que la quarantaine d’urinoirs installés au Zoo permettraient d’économiser de 5 à 6 millions de litres d’eau par année. Enfin, on nous a mentionné que le prix des urinoirs sans eau a beaucoup baissé depuis que le Zoo en a fait l’acquisition, à la fin du printemps dernier. C’est donc dire que la demande augmente, signe d’un marché grandissant. Du côté de Rivière-du-Loup, les résultats sont aussi encourageants. Dans un article paru dans Le Soleil au mois d’août 2004, Marc-Émile Dionne, le gestionnaire aux équipements sportifs à la ville de Rivière-du-Loup, vantait les mérites des 25 urinoirs sans eau installés dans le nouvel aréna de la municipalité. Les appareils installés sont de même coût que les urinoirs traditionnels (entre 300 et 400$ chaque appareil). En plus d’être plus hygiénique, et de dégager aucune odeur (ou presque), chaque urinoir sans eau permet de réduire annuellement la consommation de 150 litres d'eau potable, ce qui porte l'économie annuelle totale à quatre millions de litres, sans compter les diminutions des coûts de production et de traitement de l'eau. Selon M. Dionne, « Le résultat est vraiment concluant. Une vingtaine de ces urinoirs sans eau seront installés dans le nouvel aréna ». Des résultats surprenants, mais ô combien prometteurs ! On peut résumer, dans le tableau suivant, les avantages et les inconvénients de l’urinoir sans eau : Avantages x x x x x x évite le gaspillage d’eau et les dépenses reliées au traitement de celle-ci; sans odeur (sauf si sur-utilisation du filtre); aucune partie amovible telles les chasses d’eau et les valves; impopulaires auprès des vandales; silencieux; plus hygiénique que l’urinoir traditionnel (puisque l'utilisateur n'entre jamais en contact avec l'appareil). Tableau 1 Inconvénients x x x peut requérir un nettoyage plus assidu que les urinoirs traditionnels; plus onéreux à court terme, surtout lors du remplacement d’urinoirs traditionnels; corrosion et entartrage possiblement plus fréquents. Avantages et inconvénients de l’urinoir sans eau En conclusion À la lumière des renseignements recueillis, il semble que l’installation des urinoirs sans eau soit un très bon investissement dans le cas de nouvelles infrastructures, parce que notamment on sauve beaucoup au niveau du raccordement à un système d’alimentation en eau. Dans le cas du remplacement d’urinoirs traditionnels, il faudra s’attendre à débourser un montant tout de même considérable, mais qui semblerait être rentable à plus long terme. Les fournisseurs d’urinoirs sans eau sont nombreux et il semble important de bien « magasiner » ceux-ci, puisque les prix peuvent varier de manière significative entre chacun. Le prix des urinoirs s’articule autour de 700$, mais c’est principalement le coût des produits remplaçables, tels le liquide occlusif et le filtre, qui diffère selon le fabricant. L’installation au Québec de tels urinoirs est très récente. Il est donc difficile pour l’instant de pouvoir évaluer la satisfaction des clients dans la province. Par contre, en se fiant aux commentaires recueillis chez la majorité des utilisateurs américains, les urinoirs sont très satisfaisants et amènent nombre d’avantages notables. On en retient le principal, soit un moins grand gaspillage d’eau et par le fait-même, des économies sur les coûts de traitement. Références consultées x Environnement Canada, 1995. L’eau, pas de temps à perdre. La conservation de l’eau : guide du consommateur. ISBN 0-662-99776-X, 24 p. x http://www.waterless.com/how.php x http://www.gdkinternational.com/how-does-it-work-uridan.htm x www.falconwaterfree.com x www.kt.franke.ch/f/ktech/Urinal.pdf x http://www.greenroundtable.org/newsletters/GRTnews4=03.pdf x Larouche, M. Des urinoirs sans eau installés à l'aréna de Rivière-du-Loup, On économisera plus de quatre millions de litres d'eau potable annuellement. Article paru dans Le Soleil, le 11 août 2004, p. A8. x Fortin, Jean-Philippe. De l'antique bécosse à l'urinoir sec moderne. Article paru dans La Presse, le 18 octobre 2004, Actuel p.9.