Mathématiques pour l`informatique 3 Ensemble, fonctions et relations

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Mathématiques pour l`informatique 3 Ensemble, fonctions et relations
Mathématiques pour l'informatique
Master ICA/DCISS, Département IMSS, UFR SHS, université de Grenoble
Benoît Lemaire, 2011/2012 (d'après un document de J. Gensel)
3 Ensemble, fonctions et relations
Ensembles : Premières définitions
Définition : Un ensemble est une collection non ordonnée d’objets ou éléments
Notation :
x appartient à A (x est un élément de A) : x A
x n’appartient pas à A : x  A
Deux modes de description :
Description en extension : énumération des éléments de l’ensemble
Description en compréhension : utilisation d’un prédicat
– Soit p(x) un prédicat sur la variable x.
– L’ensemble A de tous les objets rendant vraie la proposition p(x) s’écrit : A = {x|x p(x)}
Exemples :
– ensembles décrits en extension A = {1, 2, 3} = {2, 3, 1} = {1, 2, 3, 3, 1, 2} B = {a, b, c}
– ensembles décrits en compréhension C = {x|x est un entier positif divisant 4} D = {x|x = 2k, k  ℕ}
Définition : L’ensemble vide est un ensemble ne contenant pas d’éléments. Il est noté  ou encore {}.
Propriété : Deux ensembles sont égaux s’ils contiennent les mêmes éléments.
Exemples :
A = {x|(x  ℕ ∧ (x2 < 4)}
B = {-1, 1, 0}
C = {x|(x  ℕ) ∧ (|x| = 1)} où |x| est la valeur absolue de x (si x  0 alors x sinon –x)
On a A = B, mais B  C car 0  B mais 0  C.
Ensembles numériques classiques :
ℕ = {0, 1, 2, 3, ...} est l’ensemble des entiers naturels
ℤ = {..., -2, -1, 0, 1, 2, ..} est l’ensemble de tous les entiers, positifs et négatifs
ℚ correspond à l’ensemble des rationnels i.e., l’ensemble des nombres qui peuvent s’écrire sous la forme d’une
fraction, ℚ = {x|p  Z, q  Z*, x = p/q}
ℝ représente l’ensemble des nombres réels
L’étoile ‘*’ enlève le 0. Par exemple ℕ* = {1, 2, 3, ...}.
Le plus ‘+’ désigne les éléments positifs ou nuls de l’ensemble. Par exemple ℤ+ = ℕ .
Définition : Si un ensemble A contient un nombre fini d’éléments, on dit que l’ensemble est fini et on note ce
nombre |A| ou #A. Ce nombre est appelé cardinal de l’ensemble A.
Représentation graphique des ensembles :
Diagrammes de Venn
Définition : Inclusion : A  B (A inclus ou égal à B)
vrai si tous les éléments de A appartiennent à B
autrement dit : x((x  A) ) ⇒ (x  B))
Exemple : ℕ ℤ, ℤ ℚ, ℚ  ℝ.
Définition : Ensemble des parties d’un ensemble : P(A) = {x|x  A}.
Exemple : A = {1, 2} P(A) = { , {1}, {2}, {1, 2}}
Remarques :
  P(A) et A  P(A), quelque soit A, même pour A =  ;
Si x  A, alors {x}  P(A)
Si B  A, alors B  P(A)
Définition : |X| est le nombre d'éléments de l'ensemble X.
Exercice
si |A|=n, que vaut |P(A)| ?
Suites
Définition : une suite est une liste ordonnée d’objets, non nécessairement distincts.
Une suite peut être finie : si elle s’arrête après un n ième terme n (n  ℕ)
Une suite peut être infinie : si elle ne s’arrête jamais.
Exemple : (0, 2, 5, 1, 2, 1) est une suite formée de 6 termes.
Chaque élément de la suite peut être associé à un indice entier.
Exemple : 0  0, 1  2, 2  5, 3  1, 4  2, 5  1.
On peut donc définir plus classiquement les suites comme des fonctions de ℕ dans un ensemble E.
Exemple :
Attention :
Ne pas confondre  et 
Ne pas confondre a, (a) et {a}
Complexité
On va faire un petit détour ici par la notion de complexité (qui n'est pas la complexité d'un algorithme, mais la
mesure de la complexité d'un objet).
Il est parfois utile de pouvoir mesurer la complexité d'un objet informatique. Par exemple, il peut être intéressant
de trouver la description la plus concise possible d'un ensemble (ou d'une suite) de données.
Par exemple, il existe au moins deux façons de décrire cette suite ds données : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13
Solution 1 : Xi+1 = Xi + Xi-1
Solution 2 : Xi =1144.i6 -41240.i5 +241144.i4 -39548.i3 +153572.i2 -1335i+13
On a tendance à choisir la première solution qui est plus « simple » que la seconde. Il est peut être intéressant de
caractériser cette notion de simplicité (ou de complexité).
Remarque : on rejoint ici l'idée du rasoir d'Occam : lorsqu'on cherche à décrire quelque chose, il convient de
préférer la description la plus simple.
On va considérer que les données sont des suites de nombres binaires, pour simplifier (on peut toujours se
ramener à ce cas). Le mathématicien Kolmogorov a donné une mesure de la complexité d'une suite binaire : c'est
la longueur du plus petit programme permettant de regénérer ces données. Par exemple, la suite
10101010101010101010101...10 est très « simple » parce que le programme est très court :
for(i=1;i<10000;i++)
System.out.println("10") ;
C'est parce qu'il y a une structure forte que l'on peut compresser les données. Un objet simple est un objet que
l'on peut compresser ! En revanche, si les données ne possèdent pas de structure et qu'elles sont aléatoires (par
exemple : 1000101101110100101111001011010110010110....00111), le plus petit programme ne pourra rien
faire d'autre que de répéter les données : on ne peut rien compresser :
System.out.println("1000101101110100101111001011010110010110....00111") ;
Le programme est aussi long que les données... Un objet complexe est donc un objet que l'on ne peut pas
compresser. Le problème est que la technique de Kolmogorov est incalculable. En revanche, comme on a fait le
lien entre la complexité et la notion de compression, on peut donc approximer cette valeur.
Pour compresser, on a de nombreuses techniques, mais l'une d'entre elles consiste à recoder les lettres en
donnant des codes courts aux lettres fréquentes (cf. chapitre « Graphes » ).
Une application de cette idée est une mesure de similarité, appelée similarité informationnelle (Delahaye, 2004).
On utilise un algorithme de compression sans perte (gzip par
exemple) qui compresse X en un fichier de taille c(X).
On compresse A, B et A.B (la concaténation de A et B). La
mesure de similarité informationnelle est c(A)+c(B)-c(A.B).
On peut en faire une mesure de distance normalisée :
d(A,B) = 1 – {c(A) + c(B) – c(A.B)} / max(c(A),c(B))
Cette mesure a été utilisée par l'équipe de Delahaye à Lille pour
mesurer des distances entre morceaux de musique, ADN d'espèces
animales, romans, etc.
Opérations ensemblistes
On peut définir diverses opérations ensemblistes. On suppose d’abord l’existence d’un univers E qui contient
tous les éléments de l’espace de travail que l’on considère.
Soit A et B des ensembles dans E. On peut alors définir :
– le complémentaire de A dans E : Ā = {x|x  A}
– l’union de A et B : A  B = {x|x  A ∨ x  B}
– l’intersection de A et B : A  B = {x|x  A ∧ x  B}
Exemple : A = {a, b, c} et B = {b, c, d, e}
– union : A  B = {a, b, c, d, e}.
– intersection : A  B = {b, c}.
– Si on suppose que A est égal à l’ensemble des voyelles de l’alphabet, Ā = {d, e, f, g, ..., z}.
Exercice
Représenter par un diagramme de Venn un ensemble E. A l'intérieur, dessinez 3 ensembles A, B et C dont les
intersections deux à deux ne sont pas vides. On note X le complémentaire de X dans E. Coloriez le sous-ensemble A ∩ B ∩ C.
Propriété algébriques
– Commutativité
o AB=BA
o AB=BA
– Associativité de  et de 
o A  (B  C) = (A  B)  C
o A  (B  C) = (A  B)  C
– Double distributivité
o A  (B  C) = (A  B)  (A  C)
o A  (B  C) = (A  B)  (A  C)
– Idempotence de  et de 
o AA=A
o A A=A
– Neutralité
o A =A
o AE=A
– Absorption
o A =
o AE=E
– Complémentarité
o AĀ=E
o AĀ=
o Ē=
o ¯=E
o Ā¯=A
– Lois de Morgan
o (A  B) = Ā  B
o (A  B) = Ā  B
Définition : Différence de deux ensembles A et B, notée A - B ou A \ B
A - B = {x|(x  A) ∧ (x  B)}
Définition : Différence symétrique, notée A  B
A  B = {x|((x  A) ∧ (x  B)) ∨ ((x  A) ∧ (x  B))} = (A – B)  (B – A)
Définition : Produit cartésien, noté A × B
A × B = {(x, y)|(x  A) ^ (y  B)}
Cas particulier :
On définit A2 = A × A
De même on peut généraliser à An = A × A × ... × A (n fois)
Définition par récurrence : E1 = E et En = En-1 × E
Définition : Soit E un ensemble, soit une application de I (ensemble d’indices) dans l’ensemble des parties de E,
P(E), qui à chaque indice i de I on associe un élément unique de P(E) ,, noté Ai, La partition d’un ensemble E est
une famille (ensemble de) parties qui vérifie :
1. Ai  pour tout i  I
2. Ai  Aj =  pour tous i, j distincts de I
3. E =  i  I Ai
Exemple :
Les trois ensembles A0 = {n  ℕ | n est multiple de 3}, A 1 = {n+1 | n  A0} = {(multiples de 3) + 1}, A 2 = {n+2
| n  A0} = {(multiples de 3) + 2} forment une partition de ℕ.
Fonctions
Définition : Intuitivement, une application f d’un ensemble E dans un ensemble F est un procédé pour associer à
chaque élément x de E un unique élément de F, appelé f(x).
Définition : Soient E et F deux ensembles. On appelle correspondance de E vers F tout triplet f = (E, F, ) où 
est une partie de E × F. On dit que E est l’ensemble de départ, F l’ensemble d’arrivée, et  le graphe de f.
L’ensemble Dom(f) = {x  E |  y  F, (x,y)  } est le domaine de définition de f.
L’ensemble Im(f) = {y  F |  x  E, (x,y)  } est l’image de f.
Soit x  E, on appelle image de x par f tout élément y de F tel que (x, y)  .
Soit X  E, on note f(X) = {y  F |  x  X, (x,y)  } l’ensemble des images par f des éléments de X.
On appelle antécédent par f d’un élément y  F, tout élément x  E tel que (x, y)  .
Pour Y  F, on note f-1(Y) = {x  E |  y  Y, (x,y)  } l’ensemble des antécédents par f des éléments de Y.
On a donc Dom(f) = f-1(F) et Im(f) = f(E).
Définition : On dit qu’une correspondance f = (E, F, ) est une fonction si tout élément de E a au plus une image
par f. Pour tout élément x de E cette image est notée f(x).
La fonction f est notée f : E  F
On dit qu’une fonction f : E  F est une application si son domaine est l’ensemble E tout entier : Dom(f) = E.
L’ensemble des applications de E dans F est noté F E.
Exemples
– On appelle idE : E  F l’application identité de E définie par f(x) = x, pour tout x de E
Définitions : Une application f : E  F est injective (resp. surjective, bijective) si tout élément y  F a au plus
(resp. au moins, exactement) un antécédent par f.
On a donc :
– f est injective si et seulement si x, y  E, f(x)=f(y)  x = y
– f est surjective si et seulement si y  F,  x  E, y = f(x)
– f est bijective si et seulement si y  F, ! x  E, y = f(x), c’est-à-dire f est injective et surjective
Exercice
Soit la fonction qui, étant donné une personne de la population française, retourne sa date de naissance. Cette
fonction est-elle injective ? surjective ? bijective ?
Exercice
a) La fonction f(x) = x2-2 est représentée ci-contre. Est-elle injective ? Surjective ?
Justifier vos réponses.
b) Même question avec la fonction f(x)=x 3
Exercice
Soit une voiture d'un TGV circulant entre deux villes. Soit la fonction qui associe à chaque passager son numéro
de place. Pourquoi la SNCF aimerait que cette fonction soit surjective ? Pourquoi les passagers aimeraient que
cette fonction soit injective ?
E
F
Une injection de E vers F
E
F
Une surjection de E vers F
E
F
Une bijection de E vers F
Cardinaux
Pour tout entier n, on note [n] l’ensemble {1, …, n} des entiers compris entre 1 et n.
Proposition : Si n < m alors, il n’existe pas d’injection de [m] dans [n].
On déduit de cette proposition que deux entiers n et m sont égaux si et seulement si il existe une bijection de [n]
vers [m].
Un ensemble E est fini s’il existe un entier n et une bijection de E vers [n]. Cet entier n est alors unique et
s’appelle le cardinal de E et se note |E|.
Soient E et F des ensembles finis, et f : E  F une application avec ces notations, on a :
1. f injective  y  F, |f-1(y)|  1
2. f surjective  y  F, |f-1(y)|  1
3. f bijective  y  F, |f-1(y)| = 1
De plus, si E est fini et |E| = |F| alors f injective  f surjective  f bijective
Propriétés : Soient E et F deux ensembles finis
1. Si E et F sont disjoints alors | E  F | = |E| + |F|
2. Si (Ai)i [n] est une partition de E alors |E| = |A1|+ … + |An|
3. | E  F| = |E| * |F|
4. |FE| = |F||E|, où FE désigne l’ensemble des applications de E dans F
5. |P(E)| = 2|E|
Relations
Définition : Une relation binaire d’un ensemble E vers un ensemble F est une partie R de E×F. Si (x,y) R on dit
que x est en relation avec y et on note xRy. Si (x,y)R on dit que x n’est pas en relation avec y et on note xRy.
Dans le cas particulier où E=F on dit que R est une relation binaire définie sur E. Selon les cas, on utilise les
notations suivantes (x,y)R, x R y ou R(x, y).
Remarque : Souvent on peut représenter une relation binaire par un diagramme sagittal, par un diagramme
cartésien, par une table ou encore par une matrice.
Diagramme sagittal (d’après http://www.recreomath.qc.ca/am_graphique.htm )
Graphique formé par deux diagrammes de Venn. Des lignes munies d'un sens,
appelées flèches, relie des éléments des deux diagrammes. Par convention,
l'ensemble de départ est celui d'où partent les flèches. Soit A = {2, 5, 6, 9}, B =
{1, 4, 5, 8, 11} et la relation "est plus petit que", le graphique sagittal est indiqué
ci-contre. Le graphe de cette relation est : {(2, 4), (2, 5), (2, 8), (2, 11), (5, 8), (5,
11), (6, 8), (6, 11), (9, 11)}.
Diagramme cartésien
Grille dans laquelle chaque droite est à égale distance l'une de l'autre autant
horizontalement que verticalement. On identifie par un point les couples qui vérifient
la relation. Soit A = {1, 3, 6, 9,11}, B = {2, 4, 7, 9, 12}et la relation "est plus petit
que", le graphique cartésien est :
Le graphe de cette relation est {(1, 2), (1, 4), (1, 7), (1, 9), (1, 12), (3, 4), (3, 7), (3, 9),
(3, 12), (6, 7), (6, 9), (6, 12), (9, 12), (11, 12)}.
Exemple
Sur E = ℕ, les ensembles suivants sont des relations
 L’ensemble {(n,m) | n ≤ m}
 L’ensemble {(n,m) | n ≤ m ≤ 2n}
 L’ensemble {(n,m) | n ≤ m et ∀ k : n2 + m2 = k2}
Quelques propriétés des relations binaires
On dit aussi que la relation R est :
 réflexive si ∀e ∈ E, e R e
 irréflexive si ∀e ∈ E, e R e
 symétrique si ∀e, e’∈ E, e R e’ ⇒ e’ R e
 antisymétrique si ∀e, e’∈ E, e R e’ et e' R e ⇒ e = e'
 transitive si ∀e, e’, e"∈ E, (e R e’) et (e’ R e") ⇒ e R e"
Une relation binaire dans un ensemble E est une relation d’équivalence si elle est réflexive, symétrique et
transitive.
Exemples
L’égalité sur un ensemble E est une relation d’équivalence.
Définition : Soit R une relation d’équivalence dans un ensemble E et x∈E. On appelle classe d’équivalence de x
par R (ou modulo R) et on note [x]R l’ensemble [x]R = {y∈E | xRy}.
Un élément d’une classe d’équivalence est appelé représentant de cette classe d’équivalence. L’ensemble de
toutes les classes d’équivalence est appelé ensemble quotient de E par R. On le note E/R. L’ensemble E/R est
une partition de E.
Exercice : Parmi ces relations sur ℤ, lesquelles sont des relations d'équivalence ? Combien possèdent-elles de
classes d'équivalence ?
- xRy si x est divisible par y (Réponse : non parce que R n'est pas symétrique)
- xRy si x+y est divisible par 2 (Réponse : oui. Il y a 2 classes : les entiers pairs et les entiers impairs)
- xRy si x-y est divisible par 3 (Réponse : oui. Il y a 3 classes : les nombres de la forme 3k, 3k+1, 3k+2)
- xRy si x+y est divisible par 3 (Réponse : non parce que R n'est pas réflexif)
Relations d’ordre
Définition : Une relation binaire dans un ensemble E est une relation de préordre si elle est réflexive et
transitive.
Définition : Une relation binaire dans un ensemble E est une relation d’ordre si elle est réflexive, antisymétrique
et transitive.
Définition : Une relation binaire dans un ensemble E est une relation d’ordre strict si elle est irréflexive,
antisymétrique et transitive.
Les relations d’ordre sont en général notées ≤, et les relations d’ordre strict <.
Définition : Une relation binaire dans un ensemble E est une relation d’ordre total si R est une relation d’ordre
et si elle vérifie ((x,y)∈E2, x ≠ y ⇒ (xRy)∨(yRx). Dans le cas contraire, R est une relation d’ordre partiel.
Exemples
 l’ordre habituel sur les réels est un ordre total
 la relation de divisibilité sur les entiers est un ordre partiel (a div b ssi il existe c tel que b = ac)
 la relation d’inclusion sur P(E) est un ordre partiel si |E| > 1.
Définition : Un couple (E, ≤) formé d’un ensemble E et d’une relation d’ordre ≤ est appelé ensemble ordonné.
Si ≤ est une relation d’ordre total, E muni de ≤ ou (E, ≤) est un ensemble totalement ordonné.

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