des etudiants dans la tourmente : les

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des etudiants dans la tourmente : les
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DES ETUDIANTS DANS LA TOURMENTE :
LES AMBULANCIERS AMERICAINS DANS
LES VOSGES ET EN ALSACE EN 1915
Eric MANSUY
ORIGINES ET FORMES DE L’AIDE SANITAIRE AMERICAINE
Au déclenchement des hostilités, en août 1914, l’Armée Française disposait de deux
sections d’ambulances motorisées de 20 automobiles chacune. Aussi l’évacuation sanitaire de
la majorité des blessés se fit-elle de manière plus conventionnelle et rudimentaire, à savoir sur
des charrettes hippomobiles. Devant l’accroissement de ses pertes et leur ampleur, l’Armée
Française se trouva rapidement dans l’obligation d’améliorer ses services d’évacuation
sanitaire1 . La logique lui imposait d’augmenter le parc de ses ambulances motorisées mais cet
impératif présentait un double écueil : où trouver les véhicules, sachant que la France ne
produisait des automobiles qu’en nombre réduit, et où trouver des conducteurs puisque les
hommes valides servaient dans des unités combattantes ?
La solution à ces deux problèmes résidait aux Etats-Unis. Les fabricants américains,
qui produisaient déjà quantité de Packards, Cadillacs et autres Fords, verraient dans cette
possibilité de fournir des véhicules aux services sanitaires une lucrative expansion de leurs
marchés. D’autre part, l’engouement pour l’automobile aux Etats-Unis s’était vite mué en
véritable frénésie chez de nombreux jeunes Américains. Ces derniers n’aspiraient plus qu’à se
mettre au volant de n’importe quel véhicule, et à conduire à n’importe quelle destination sous
n’importe quel prétexte. Dès le début du conflit, les volontaires au service sanitaire
automobile en Europe affluèrent, la plupart d’entre eux proposant même de conduire leur
propre voiture au front !
Les hommes qui répondirent à l’appel furent principalement de trois types variant
d’une extrême à l’autre : des pacifistes, des humanistes, ou des va-t-en-guerre. Les
motivations étaient au moins aussi variées que les volontaires. Cependant, la plupart des tous
premiers bénévoles cherchaient l’aventure ; servir la cause de la France fut un autre motif
d’engagement (très présent dans les lettres et journaux de ces jeunes Américains) ; enfin,
rembourser une dette historique à Lafayette fut également un argument de poids des
organisations pour attirer des volontaires. Ces motivations, aussi diverses fussent-elles, se
cristallisèrent dans les universités américaines, où régnait un fort sentiment pro-Alliés.
Lorsqu’ils eurent vent du travail des organisations recrutant des conducteurs, de nombreux
professeurs, malgré la politique américaine de neutralité, s’impliquèrent au point de recueillir
des fonds et de recruter eux-mêmes parmi leurs étudiants. A ces professeurs se joignirent
bientôt des directeurs de département et des présidents d’université qui incitèrent leurs
étudiants à partir pour la France, allant jusqu’à leur garantir les acquis de leur cursus et des
possibilités de réinscription facilitées à leur retour d’Europe. Il n’en fallut pas plus pour
convaincre des centaines d’étudiants -de la côte Est surtout- à rejoindre les organisations
nouvellement créées : leur avenir universitaire était assuré ; issus des milieux les plus opulents
de la société américaine et idéalistes à souhait, ils ne s’engageaient pas pour de l’argent mais
pour secourir un peuple oppressé qui leur était autrefois venu en aide.
Le transport sanitaire consista rapidement en deux activités distinctes : l’une avait pour
but de convoyer des blessés d’un hôpital à l’autre, de trains sanitaires vers des hôpitaux ou,
dans les Flandres, vers des navires-hôpitaux ; l’autre activité amenait les conducteurs à servir
au front et consistait à évacuer les blessés d’un poste de secours vers l’hôpital le plus proche,
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un parcours d’une durée de 45 minutes en moyenne. Pour participer à l’une de ces deux
activités, la plupart des volontaires américains rejoignirent l’une des trois organisations qui
virent rapidement le jour aux Etats-Unis.
La première de ces organisations fut la Harjes Formation, regroupant cinq Packards
et fondée par Herman Harjes, principal collaborateur de la banque Morgan-Harjes de Paris
(aussi fut-elle également désignée sous le nom de “ Morgan-Harjes Section ”). La seconde fut
l’Anglo-American Volunteer Motor-Ambulance Corps de Richard Norton, originellement
financée par la Croix Rouge Britannique et soutenue par la Saint-John Ambulance
Association de Londres. En 1916, les formations d’ambulances de Harjes et Norton
fusionnèrent sous les auspices de la Croix Rouge Américaine et devinrent les “ Sections
Norton-Harjes ” ou “ Sections de la Croix Rouge ”. La troisième organisation tira son origine
d’un service de campagne issu de l’Hôpital Militaire Américain de Neuilly. L’initiative en
revint à A. Piatt Andrew, âgé de 40 ans, ancien Professeur d’Economie à Harvard et Assistant
au Secrétaire du Trésor. Grâce à sa persévérance, l’American Ambulance Field Service
(bientôt plus connu sous le nom d’American Field Service ou “ A.F.S. ”) devint la plus
importante organisation d’ambulanciers volontaires américains en France, possédant son
propre atelier de réparation, son camp d’entraînement, et son réseau de recrutement et de
souscription.
Au fil de la poursuite du conflit, ces trois organisations prirent chacune de l’ampleur
et, à la fin de l’année 1915, la Harjes Formation comptait 50 brancardiers-skieurs norvégiens
et américains servant dans les Vosges et 40 ambulances, le Motor-Ambulance Corps de
Norton, 60 ambulances et l’American Field Service, 80 ambulances. Lorsque les Etats-Unis
déclarèrent la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917, les Sections Norton-Harjes étaient au
nombre de 13, et l’American Field Service comptait 30 sections. L’une de celles-ci, partie
depuis sur les champs de bataille de Verdun puis des Balkans, avait servi dans les Vosges et
en Alsace tout au long de l’année 1915.
L’AMERICAN FIELD SERVICE DANS LES VOSGES ET EN ALSACE
Au cours des huit premiers mois de la guerre, l’A.F.S. nourrit l’espoir de pouvoir
étendre ses activités à un service d’évacuation sanitaire agissant de concert avec les forces
armées sur le champ de bataille. Au début du conflit, 10 ambulances Ford entrèrent en
service, auxquelles s’ajoutèrent rapidement d’autres véhicules groupés par sections de cinq et
utilisés au sein des services sanitaires de l’arrière. Les équipes de cinq véhicules furent
rattachées à des formations françaises ou anglaises basées dans le Nord de la France, à SaintPol, Amiens, Paris Plage, Abbeville, Merville et Hesdin.
En avril 1915, grâce aux efforts et aux relations d’Andrew, désormais Inspecteur du
Field Service, les autorités françaises permirent à une section d’ambulances américaine
d’opérer au front pour une période d’essai. Une première équipe de 10 ambulances fut
expédiée dans les Vosges, où la qualité de ses services donna une telle satisfaction qu’elle fut
bientôt augmentée de 10 autres véhicules et devint une Section Sanitaire autonome. Deux
autres sections furent créées à la même époque et basées à Pont-à-Mousson pour l’une et dans
le Nord de la France pour l’autre. A la fin du mois d’avril 1915, l’existence de l’American
Ambulance Field Service prit réellement forme : cette organisation regroupa alors trois
sections composées chacune de 20 ambulances, un véhicule de commandement et une voiture
de ravitaillement. La Section Sanitaire n°1 fut basée à Dunkerque, la Section n°2, à Pont-àMousson, et la Section n°3, à Saint-Maurice-sur-Moselle.
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A. Piatt Andrew quitta l’Hôpital Américain de Neuilly le 3 avril 1915 avec 16
hommes et 12 Fords T converties en ambulances. Ce convoi, formant la Section Z, prit la
direction des Vosges et se trouva rassemblé à Saint-Maurice-sur-Moselle le 14 avril. Le parc
automobile fut établi sur la place du village, les véhicules étant alignés le long du mur de
l’église. L’astreinte quotidienne de cette Section consistait à consigner la moitié des
conducteurs à Saint-Maurice, sur la place auprès des véhicules, à l’hôtel où se trouvait le
mess, ou dans leur chambre. Ces hommes, constituant la réserve de la Section, devaient être
prêts à partir à tout instant. Pendant ce temps, l’autre moitié des conducteurs était en service
sur les routes d’Alsace, par détachements d’un à huit véhicules, pour une durée de 24 heures à
une semaine, rattachés à un poste de secours, un poste de triage ou un hôpital de campagne.
Les hommes de la réserve étaient à l’occasion appelés à renforcer le personnel de ces postes
ou hôpitaux, à embarquer des blessés à bord de trains sanitaires ou à apporter une aide rapide
dans les villages alsaciens bombardés. En cas d’activité intense (et elle fut incessante en
Alsace en 1915), aucun homme ne se trouvait plus à Saint-Maurice, ayant dû prendre le volant
du moindre véhicule disponible, y compris la voiture de dépannage, pour aider aux
évacuations.
Le chef de la Section Z était Richard Lawrence, assisté de sous-chefs (Graham Carey,
Dallas McGrew, Durant Rice et Henry Suckley), d’un lieutenant et d’un interprète français,
ces derniers ayant pour fonction de maintenir un lien entre la Section Z et le Service
Automobile français. Cette équipe de commandement était quotidiennement absorbée par des
tâches administratives, principalement la rédaction de rapports concernant la consommation
de carburant, le kilométrage parcouru, le nombre de blessés transportés, les besoins en pièces
détachées, les rations utilisées et les rotations de personnel. Il est à noter que chaque
conducteur était responsable de son véhicule, dont il assurait l’entretien et la réparation, et
qu’à ce titre, la Section ne comptait aucun mécanicien.
En juillet 1915, la Section Z était devenue Section Sanitaire Américaine n°3 (SSA3)
ou encore Sanitary Section United States 3 (SSU3), ou plus simplement Section 3, et
dépendait de la VIIème Armée. Lovering Hill succéda à Richard Lawrence à la tête de la
Section. Si les témoignages sont rares sur cette première période de l’existence de la Section 3
d’avril à août 1915, il semble cependant que ses ambulanciers aient alors activement participé
aux soins prodigués aux blessés des combats de l’Hartmannswillerkopf en avril 1915 et de
l’offensive sur Metzeral en juin, prenant à cette occasion une part plus active aux évacuations
de la vallée de la Fecht vers les hôpitaux de la vallée de la Thur par le Treh.
Au début du mois de septembre 1915, la Section 3 comptait 26 ambulances dont le
tiers opérait quotidiennement en Alsace, où elles étaient détachées. Une quarantaine de
conducteurs2 composait l’équipe de volontaires, lesquels étaient logés dans 25 foyers de
Saint-Maurice-sur-Moselle (ces “ foyers ” allaient de la plus modeste grange à de luxueuses
chambres avec électricité !). A cette époque, et jusqu’à la fin novembre 1915, les destinations
les plus fréquentes des conducteurs étaient les postes de secours du Trehkopf, de Hüss et de
Mittlach, d’où ils convoyaient des blessés vers les hôpitaux de Bussang ou du Thillot, ou, si la
gravité de leur état l’exigeait, vers Krüth ou Saint-Amarin. Fin septembre 1915, un nouveau
poste de secours venait d’être créé à Thomannsplatz3 et les ambulanciers américains s’y
rendirent bientôt très fréquemment, surtout à partir de la mi-octobre 1915. En effet, dans la
nuit du 9 au 10 octobre, puis les jours suivants, l’artillerie allemande prit à partie les
organisations françaises du sommet, les rassemblements de troupes et les boyaux d’accès. Le
15 octobre, une attaque allemande brusquée menée par des troupes d’élite prit le sommet au
2ème bataillon du 57ème Régiment d’Infanterie Territoriale et à deux bataillons du 334ème
Régiment d’Infanterie, lors de combats d’une violence soutenue. La reconquête du sommet,
entreprise le 16 octobre par le 15ème Bataillon de Chasseurs à Pied, fut parachevée les 17 et
18 au prix de lourdes pertes, à savoir plus de 500 blessés et tués.
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Le 10 novembre 1915, la Section 3 quitta Saint-Maurice-sur-Moselle pour Mollau.
Tous les hommes, hormis les officiers et Curley, logèrent dans la salle de l’école communale,
dormant sur des brancards. Les ambulanciers américains apprécièrent l’accueil de la
population locale, décrite comme assez germanophobe. Cette nouvelle affectation permit de
disposer d’un plus grand nombre de véhicules à proximité des postes de secours et, le cas
échéant, de réduire les délais d’intervention et de faciliter les rotations des conducteurs et des
véhicules. Le fait que la Section 3 soit alors basée à Mollau ne réduisit pourtant que peu leurs
déplacements vers les hôpitaux vosgiens, et les ambulances de l’American Field Service
repassèrent encore maintes fois le col de Bussang pour évacuer des blessés vers Bussang ou
Le Thillot. Néanmoins, leurs destinations récurrentes restèrent l’hôpital de Moosch lorsqu’ils
transportaient des blessés provenant de Thomannsplatz, Pastetenplatz, Herrenfluh ou des
“ Bains-Douches ”4, et l’hôpital de Krüth quand les blessés arrivaient de Mittlach, de Hüss ou
du Trehkopf. Ce dernier itinéraire amena d’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, des
péripéties tellement dangereuses qu’il fut abandonné en décembre 1915.
Enfin, devant l’imminence d’une attaque française à l’Hartmannswillerkopf, la Section
3 se trouva rassemblée à Moosch le 20 décembre 1915, soit la veille de cette attaque. Les
hommes de l’American Field Service se relayèrent dès lors nuit et jour pour évacuer les
blessés de Thomannsplatz vers Moosch, empruntant une voie uniquement pour la montée et
une autre uniquement pour la descente. Selon toute vraisemblance, les véhicules montaient de
Willer et redescendaient vers Bitschwiller. Situé à une centaine de mètres de la colline où
s’élevait le cimetière militaire, l’hôpital de Moosch était un bâtiment imposant dans la cour
duquel étaient rassemblées les ambulances devant subir des réparations. A une extrémité de
cet hôpital de 150 lits se trouvait la morgue et, en face, la laverie près de laquelle une cabane
était utilisée pour nettoyer les brancards ensanglantés. C’est également à proximité qu’étaient
alignés les cercueils, et c’est de cette cour que partaient les cortèges funèbres en direction du
cimetière. Au plus fort des combats de l’Hartmannswillerkopf en décembre 1915, deux
cérémonies funèbres avaient lieu quotidiennement, emportant d’un à cinq cercueils chacune.
L’une de ces processions résonna d’ailleurs d’un écho tout particulier pour les ambulanciers
américains qui accompagnèrent l’un des leurs à sa dernière demeure, celui-ci ayant été tué en
service le 25 décembre 1915. Peu de temps avant leur départ vers un autre front, cette
douloureuse perte vint clore une période de près d’un an dans les Vosges et en Alsace au
cours de laquelle ces jeunes Américains avaient mené une vie bien singulière.
LA VIE QUOTIDIENNE DES AMBULANCIERS ET LA MORT DE RICHARD
HALL
Le moins que l’on puisse dire à propos de la vie quotidienne des volontaires
américains de la Section 3 est qu’elle fut paradoxale. Comme nous allons le voir, elle s’avéra
très nuancée, mêlant un esprit de plaisanteries estudiantines à un professionnalisme hors-pair
dans l’exécution de leurs tâches d’évacuation.
Des 54 membres de l’American Field Service, Section 3, qui furent présents dans les
Vosges et en Alsace d’avril à décembre 1915, 42 étaient des étudiants, 21 de ceux-ci
provenant de Harvard. Aussi est-ce la raison pour laquelle ces jeunes hommes, pleins de
vigueur, d’idéal et de foi dans l’avenir et dans la victoire alliée, furent-ils quelque peu
facétieux mais surent également s’adapter à la rudesse quotidienne de la vie au front. Une
activité originale, en novembre 1915, consista par exemple pour Graham Carey et Waldo
Peirce à composer un jeu de cartes pour lequel d’autres membres de la Section posèrent,
séance de pose qui fut suivie du traditionnel repas de Thanksgiving (une dinde, deux oies,
airelles, marrons, tarte aux pommes et pudding à volonté !)5. Il semble, et ce ne fut que
5
légitime en ces temps de privations, que les agapes aient eu une importance primordiale,
puisqu’elles permettaient en outre de saluer les aimables serveuses de Saint-Maurice-surMoselle ou de la vallée de la Thur (où officiait une certaine “ Fraülein Anna ”). Plus
sérieusement, obtenir un repas décent et trouver un gîte où le consommer ne fut pas toujours
des plus simples. En effet, les conducteurs en service sur les routes d’Alsace n’étaient pas
autorisés à quitter leur véhicule lors de leurs haltes dans les villages ; de plus, le moment où
ces hommes étaient en quête d’un repas coïncidait fréquemment avec une heure très avancée
de la nuit, période durant laquelle les cafés étaient clos ou les hommes esseulés sur quelque
route de montagne. C’est pour cette raison que les conducteurs faisaient leur possible pour
s’attirer les bonnes grâces du “ Capitaine ”, le cuisinier de l’un des hôpitaux de la vallée de la
Thur (laveur de voitures à Montmartre avant-guerre...), qui s’assurait toujours que les
volontaires américains puissent profiter d’un ordinaire plus élaboré que de coutume. Car les
conducteurs étaient logés à la même enseigne que le “ poilu ” : payés un sou par jour, ils
percevaient des rations composées de pain de guerre, de riz, café, sucre, sel, et de singe.
Cependant, ils préféraient recevoir, au lieu de leur part de vin et de tabac, l’équivalent en
monnaie sonnante et trébuchante, somme qui était utilisée pour consommer des repas plus
conséquents sur leurs lieux de passage.
Mais de toutes les anecdotes cocasses qui peuvent être recueillies sur le séjour de la
Section 3 en Alsace, il en est une qui dépasse les autres de par son originalité et sa brièveté,
celle du “ Harvard Club d’Alsace Reconquise ”. Le 19 novembre 1915, alors que la Section se
trouvait depuis peu à Mollau, Percy Haughton, entraîneur de l’équipe de football américain de
Harvard, reçut ce câble (rédigé en Français) dont le contenu était aussi étrange que
l’expéditeur :
“ A la veille de votre combat, salut ! Serrez vos ceintures, fixez vos baïonnettes,
chargez vos fusils, grenades à main, et en avant les gars ! On vous regarde même des sommets
des Vosges.
Signé : le Harvard Club d’Alsace Reconquise ”
Par ce message, les volontaires issus de l’Université Harvard tenaient à encourager
leur équipe à l’occasion de son match annuel l’opposant à l’Université Yale. Néanmoins, ce
“ Harvard Club ” eut une existence des plus éphémères et connut une dissolution de facto
après l’annonce du score du match, 41 à 0 en faveur de Harvard. Ainsi, le 22 novembre 1915,
les membres du “ Harvard Club d’Alsace Reconquise ” fêtèrent la victoire de leur équipe en
l’absence du seul étudiant de Yale de la Section 3 à l’époque, Luke Doyle. Le “ Harvard
Club ” ne se manifesta plus par la suite, les évènements militaires devant mettre bientôt, de
surcroît, un terme douloureux à leurs facéties.
En contrepartie des moments de détente que nous venons de présenter régnait
cependant au sein de la Section 3 une discipline de fer appliquée par son chef, Lovering Hill.
La ponctualité devait être strictement respectée en toutes circonstances, sous peine d’avoir à
nettoyer l’ambulance la plus sale de la Section. Cette peine était également infligée à tout
conducteur en retard à l’inspection du matin, ou absent de sa chambre à 21 heures, celui qui
tombait en panne ou remettait un rapport hors des délais impartis. Et une fois en service, les
plaisanteries n’étaient plus de mise, et pour cause.
Les évacuations sanitaires sur les routes des Vosges et d’Alsace eurent un aspect
inconnu sur les autres points du front occidental (à l’exception de l’Italie) de par leur
pénibilité et leur dangerosité. Le transport des blessés en provenance de Mittlach par le Treh
en offre un excellent exemple. Fin novembre 1915, Luke Doyle évacua quatre blessés assis de
Mittlach vers Krüth. Après avoir franchi le Trehkopf sur un chemin verglacé et à bord d’une
ambulance n’étant pas équipée de chaînes, Doyle, littéralement debout sur la pédale de frein,
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vit son véhicule déraper inexorablement vers le bord de la route et le ravin. Ayant réussi à
stopper in extremis, le conducteur descendit de sa Ford et aperçut au sommet de la pente une
charrette tirée par quatre chevaux se profilant à vive allure. Les chevaux glissèrent sur la
chaussée, la charrette s’en alla percuter l’arrière de l’ambulance et la projeta en avant sur deux
bons mètres en direction du ravin. Doyle n’eut que le temps de crier aux occupants de sauter
hors du véhicule, dans un français maladroit certes, mais qui fut aussitôt perçu par les quatre
blessés qui s’exécutèrent. Ils échappèrent ainsi à la mort de justesse puisque l’ambulance
chuta dans le ravin. L’évacuation par automobile des blessés de Mittlach vers la vallée de la
Thur fut abandonnée peu après, début décembre 1915, et les méthodes originelles fut remises
au goût du jour, les moyens conventionnels qu’étaient la charrette hippomobile et le traîneau
reprenant du service.
Les évacuations en provenance du secteur de l’Hartmannswillerkopf (Thomannsplatz,
Pastetenplatz, Bains-Douches et Herrenfluh) à destination de l’hôpital de Moosch ne furent
pas moins rocambolesques, sans pour autant atteindre de telles extrémités. Les conducteurs
connurent là aussi les chemins verglacés, les embouteillages dus aux convois d’artillerie, aux
transports de munitions et aux relèves de troupes, les trajets nocturnes effectués tout ou partie
-aussi incroyable que cela puisse paraître- tous feux éteints sur des itinéraires copieusement et
presque incessamment bombardés. Or, malgré toutes ces difficultés, le parcours jusqu’à
l’hôpital toujours être mené à bien dans les plus brefs délais, un impératif dont les raisons sont
synthétisées dans ce témoignage de l’un des ambulanciers, Preston Lockwood : “ C’est un
trajet effectué dans l’appréhension, avec toujours le risque du retard. Et le retard, c’est parfois
la mort et toujours la souffrance pour les blessés évacués. Et quelquefois, en se trouvant
bloqué avec des blessés graves à bord, et dans l’attente de mains secourables pour se tirer
d’affaire, il est insupportable de se tenir près de l’ambulance et d’entendre leurs plaintes
douloureuses. ”6 C’est bien sûr au plus fort des combats de l’Hartmannswillerkopf, du 21
décembre 1915 au 8 janvier 1916, que les volontaires américains connurent les moments les
plus éprouvants. Des conducteurs et leurs véhicules se trouvaient déjà régulièrement au poste
de secours de Thomannsplatz depuis la fin septembre 1915, mais leur présence y fut fortement
accrue. Ceci eut pour effet de réduire considérablement les délais d’évacuation (puisque les
ambulances ne montaient plus de Moosch), mais accentua aussi énormément le risque de
pertes en personnels et en véhicules. Thomannsplatz était constitué de quelques baraques
pour abriter les blessés récemment arrivés, d’une petite place où étaient garées les
ambulances, du poste de secours où mangeaient et dormaient les brancardiers français et les
conducteurs américains, et d’un cimetière où reposaient les blessés décédés sur place et les
victimes de bombardements tuées au poste de secours ou sur la route y menant. C’est de cet
emplacement de Thomannsplatz que partirent de nombreux blessés français vers l’hôpital de
Moosch, à un rythme très accru les 22, 23 et 24 décembre 1915. Tracy Putnam, physiquement
et moralement très affecté par ces voyages incessants et la somme de souffrances qu’ils
concentraient, fit d’ailleurs une courte mais édifiante description du spectacle auquel il assista
à Moosch le 22 décembre : “ L’hôpital est de plus en plus peuplé. Les couloirs regorgent de
tant de brancards qu’il est pratiquement impossible de les parcourir. La salle de triage est
conçue pour recevoir six brancards et il est strictement interdit de transférer un blessé en salle
de soins avant l’enregistrement de tous les cas en attente. C’est pourquoi aujourd’hui, six
voitures durent attendre deux heures durant avant d’être déchargées, les pauvres gars à bord
hurlant pour qu’on les en sorte. ”7
Cette somme de souffrances, les Américains en firent intimement l’expérience à
travers la perte de l’un des leurs. Richard Nelville Hall, originaire du Michigan, avait rejoint
la Section 3 en juin 1915. Le 24 décembre 1915, à minuit, il prit le volant de son ambulance
avec en perspective deux heures d’ascension vers Thomannsplatz. A 4 heures, le 25
décembre, Robert Matter arrêta son ambulance après avoir aperçu une forme étrange au bord
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de la route. Une rapide inspection lui révéla qu’il s’agissait des restes d’une ambulance au
châssis broyé, son toit et ses roues de secours ayant été projetés dans les arbres environnants.
Richard Hall, tué sur le coup, gisait à quelques mètres de son véhicule. C’est alors qu ’apparut
une autre ambulance, conduite par Louis Hall, le frère de Richard Hall, qui avait rejoint la
Section 3 en septembre 1915. Il offrit son aide à Matter, mais ce dernier prétendit qu’il ne
faisait que vérifier ses freins et lui demanda de poursuivre sa route. Robert Matter et Allan
Jennings prirent à leur bord la dépouille de Richard Hall et descendirent à Moosch, où le
conducteur fut inhumé le 26 décembre8. Hall était le premier ambulancier volontaire
américain à mourir en service commandé. Au terme du service mortuaire, la Croix de Guerre
fut épinglée sur son cercueil et, devant sa tombe, le docteur Georges, Médecin Principal de la
66ème Division, prononça son éloge funèbre :
“ Messieurs, Camarades,
C’est un suprême hommage de reconnaissance et d’affection que nous rendons, devant
cette fosse fraîchement creusée, à ce jeune homme -je dirais volontiers cet enfant- tombé hier
pour la France sur les pentes de l’Hartmannswillerkopf. Ai-je besoin de vous rappeler la
douloureuse émotion que nous avons tous ressentie en apprenant hier matin que le conducteur
Richard Hall, de la Section Sanitaire Américaine n° 3, venait d’être mortellement frappé par
un éclat d’obus, près du poste de secours de Thomannsplatz où il montait chercher des
blessés ?
A l’Ambulance 3/58, où nous éprouvons pour nos camarades américains une sincère
amitié basée sur des mois de vie commune pendant laquelle il nous fut permis d’apprécier leur
endurance, leur courage, et leur dévouement, le conducteur Richard Hall était estimé entre
tous pour sa modestie, sa douceur, sa complaisance.
A peine sorti de l’université de Dartmouth, dans la générosité de son coeur
d’adolescent, il apporta à la France le précieux concours de sa charité en venant relever, sur
les champs de bataille d’Alsace, ceux de nos vaillants soldats blessés en combattant pour la
patrie bien-aimée.
Il est mort en “Chevalier de la Bienfaisance ”, en “ Américain ”, pour
l’accomplissement d’une œuvre de bonté et de charité chrétienne ! Aux êtres chers qu’il a
laissés dans sa patrie, au Michigan, à ses parents désolés, à son frère aîné qui, au milieu de
nous, montre une si stoïque douleur, nos hommages et l’expression de notre tristesse sont bien
sincères et bien vifs !
Conducteur Richard Hall, vous allez reposer ici à l’ombre du drapeau tricolore, auprès
de tous ces vaillants dont vous êtes l’émule. Vous faîtes à juste titre partie de leur bataillon
sacré ! Seul, votre corps, glorieusement mutilé, disparaît. Votre âme est remontée trouver
Dieu, votre souvenir, lui, reste dans nos cœurs, impérissable ! Les Français n’oublient pas !
Conducteur Richard Hall, adieu ! ”
Pendant ce temps, la lutte continuait pour le sommet de l’Hartmannswillerkopf.
Richard Nelville Hall précéda de peu au cimetière militaire de Moosch celui que l’inconscient
collectif associe à “ la montagne mangeuse d’hommes ”, le général Marcel Serret. Ce que la
légende de Serret n’a pas retenu est le rôle de l’un des conducteurs de la Section 3 lors de son
évacuation. En effet, après avoir été blessé dans le ravin du Faux-Sihl dans l’après-midi du 29
décembre, Serret fut transporté au poste de secours du Camp Rénié, ausculté et pansé sur
place. C’est aux Bains-Douches que le conducteur américain Edmund Curley le prit à bord de
son ambulance, le 30 décembre à 1 heure. Il évacua le général dans des conditions
extrêmement périlleuses puisqu’il faisait nuit noire et que, comme de coutume, il ne put
allumer ses phares. La route de Willer avait été libérée de tout trafic afin que l’ambulance pût
l’emprunter, et le général Serret fut ainsi évacué dans les meilleurs délais sur l’hôpital de
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Moosch où, après son amputation du 30 décembre, son décès ne put être évité le 6 janvier
19169.
Les conditions dans lesquelles les évacuations sanitaires eurent lieu en cette fin
décembre 1915 furent telles qu’un autre conducteur, Luke Doyle, fut grièvement blessé au
bras par un éclat d’obus reçu lors d’un bombardement de Thomannsplatz, et fut immobilisé
durant tout le mois de janvier 1916 dans un hôpital de la vallée de la Thur. Peu de temps après
vint le moment du départ pour la Section 3, dont l’action fut saluée dans une lettre du docteur
Georges, adressée à A. Piatt Andrew le 21 janvier 1916 :
“ J’ai pu voir à l’œuvre journellement depuis sept mois la Section Sanitaire
Automobile Américaine n°3 qui est à la disposition de la 66ème Division depuis près d’un an.
Elle a eu à opérer constamment dans une région dont les routes sont particulièrement
difficiles. Elle a eu à supporter à maintes reprises un travail absolument intensif de jour et de
nuit, dû à diverses chaudes actions militaires ayant entraîné en quelques jours un chiffre élevé
d’évacuations.
En toutes circonstances, tous et chacun ont fait leur devoir -et plus que leur devoiravec un parfait mépris personnel du danger, avec une simplicité touchante, avec un
imperturbable sang-froid n’ayant d’égal que l’empressement foncièrement généreux des
secours inlassablement apportés.
La mort d’un conducteur tué à son volant, la blessure grave d’un autre conducteur
contractée au cours de son service, témoignent encore bien plus que les citations à l’ordre du
jour décernées à la Section et à un nombre élevé de ses membres, de la façon dont elle a
compris ses devoirs et a tenu à les remplir.
Au moment où cette Section, si bien dirigée par vous et par le lieutenant Lovering
Hill, quitte la Division pour une autre destination, j’ai à cœur de lui adresser, au nom de tous
nos blessés et malades, mes remerciements les plus vifs pour la façon véritablement admirable
dont elle s’est acquittée de son service. ”
Des distinctions, en effet, la Section 3 n’en avait pas manqué lors de son séjour dans
les Vosges et en Alsace : le 6 novembre 1915, le général Serret avait cité toute la Section et
son chef Lovering Hill à l’ordre de la 66ème Division pour les évacuations du 15 au 17
octobre ; de plus, sur les 54 membres de la Section, 15 furent cités à l’ordre de la Division
pour les services rendus en 1915.
Début février 1916, la Section 3, formant un convoi de 23 véhicules, quitta l’Alsace à
destination de Moyen (cinq kilomètres à l’Est de Gerbéviller) puis Tantonville (une trentaine
de kilomètres au Sud de Nancy), et quatre ambulances furent appelées à effectuer des
évacuations dans le secteur de Baccarat à Saint-Dié (où opéraient les ambulances
britanniques). Enfin, à la mi-juin 1916, la Section 3 prit la direction de Verdun. A l’automne
1916, néanmoins, six ambulances prélevées sur la réserve de véhicules de l’American Field
Service, furent envoyées au général de Villaret (commandant la VIIème Armée) qui en avait
fait des demandes répétées, et furent affectées à Mollau.
Ci-après figure la liste des membres de la Section 3 ayant servi dans les Vosges et en
Alsace en 1915, ainsi que les photographies de 20 d’entre eux. Quand vous regarderez ces
visages, songez aux souffrances que ces jeunes volontaires endurèrent et à celles qu’ils
atténuèrent, à une époque où leur pays n’était pas en guerre, et qui surent donner, grâce à leur
dévouement et à leur abnégation, une certaine forme de noblesse au mot “ engagement ” au fil
des 10 mois qu’ils passèrent dans le secteur Vosges-Alsace. Cette évocation n’aura pas été
inutile si elle a permis de les tirer de l’anonymat pour les faire entrer dans la postérité, ce que
leurs actions leur ont indéniablement fait mériter.
9
Membres de l’American Field Service, Section 3,
présents dans les Vosges et en Alsace en 1915
Nom
ADAMS, Eustace L.
CALDWELL, Victor B. Jr
CAREY, Graham A.
Sous-chef de la Section
CATE, Philip T.
CLARK, John W.
CODMAN, Charles R. Jr
CURLEY, Edmund J.
DAWSON, Benjamin F.
DOUGLASS, David B.
DOYLE, Luke C.
EMERSON, William
FENTON, Powel
FRANCKLYN, Giles B.
GALATTI, Stephen
Assistant de l’Inspecteur
Général
HALE, H. Dudley
HALL, Louis P. Jr
Entrée en service
Départ du service Université d’origine
février 1915
juin 1915
décembre 1914
juin 1915
septembre 1915
Trinity College
Yale
Harvard
octobre 1915
novembre 1915
mars 1915
février 1916
mars 1915
janvier 1916
juin 1915
mars 1916
Harvard
Yale
janvier 1915
septembre 1915
juillet 1915
février 1915
août 1916
juillet 1915
août 1916
octobre 1915
Harvard
juillet 1916
Harvard
Univ. of
Pennsylvania
avril 1916
février 1916
novembre 1916
mai 1916
Yale
Harvard
Univ. of
Pennsylvania
juin 1915
septembre 1915
mars 1915
septembre 1915
avril 1916
Officier d’Approvisionnement
HALL, Richard N.
juin 1915
HARDON, Henry K.
juin 1915
HENDERSON, Alex. R
juin 1915
HILL, Lovering
novembre 1914
Chef de la Section
HITT, Laurence W.
janvier 1915
ILLICH, Jerry T.
décembre 1915
IMBRIE, Robert W.
décembre 1915
JACKSON, Everett
décembre 1915
JENNINGS, Allan R.
juillet 1915
JUDSON, Frederick S.
juin 1915
KINGSLAND, Arthur
juin 1915
LAWRENCE, Richard
novembre 1914
Chef de la Section
LEWIS, David W.
juin 1915
LOCKWOOD, Preston
mai 1915
décembre 1915
Assistant de l’Inspecteur
Harvard
avril 1916
décembre 1915
Harvard
Dartmouth College
décembre 1915
septembre 1915
septembre 1915
Dartmouth College
Harvard
Harvard
Harvard
août 1916
mai 1916
Cornell University
Univ. of California
janvier 1916
novembre 1915
octobre 1915
juillet 1915
novembre 1915
octobre 1915
février 1916
Colorado College
Harvard
Harvard
Harvard
Washington Univ.
10
McCLARY, George B.
McGREW, Dallas D.L.
Sous-chef de la Section
McMONAGLE, Doug.
MATTER, Robert
MELCHER, John
MELLEN, Joseph M.
MOORE, H. Kirby
MORES, Philip R.
NALLE, Albert
OBER, Leonard
OSBORN, Earl D.
PEIRCE, Waldo
PHILLIPS, George W.
PUTNAM, Tracy J.
QUINBY, Kenneth M.
RAY, John V.
juin 1915
janvier 1915
octobre 1915
juillet 1915
Dartmouth College
Harvard
décembre 1915
septembre 1915
avril 1915
juin 1915
août 1915
août 1915
juin 1915
juin 1915
juillet 1915
juin 1915
décembre 1915
avril 1915
juin 1915
décembre 1915
septembre 1916
décembre 1915
août 1915
janvier 1916
novembre 1915
octobre 1915
septembre 1915
octobre 1915
octobre 1915
juillet 1916
avril 1916
janvier 1916
septembre 1915
mai 1916
Univ. of California
Princeton
Harvard
Harvard
REESE, George F.
RICE, Durant
Sous-chef de la Section
SHATTUCK, Edward
SUCKLEY, Henry M.
Sous-chef de la Section
TALBOT, Melvin F.
TEFT, Lionel V.
WALKER, J. Marquand
WATSON, Paul B. Jr
juin 1915
janvier 1915
octobre 1915
février 1916
novembre 1914
février 1915
mai 1915
juin 1915
juin 1915
septembre 1915
mars 1915
septembre 1915
novembre 1915
Harvard
Princeton
Princeton
Princeton
Harvard
M. I. T.
Harvard
University of
Virginia
Harvard
Harvard
juin 1915
Harvard
Dartmouth College
Harvard
Harvard
11
BIBLIOGRAPHIE :
BORDEAUX, Henry : Vie et Mort du Général Serret (Plon, 1927).
DUPUY, Chef d’Escadron : La Lutte pour l’Hartmannswillerkopf (Berger-Levrault, 1932).
DURLEWANGER, Armand : Les Grands Orages sur les Vosges (Tête des Faux, Linge,
Hartmannswillerkopf) (DNA, 1969).
GOES, Gustav (Capitaine) : Hartmannswillerkopf (Payot, 1934).
KAEMMERLEN, Paul : Rôle et Missions du Camp Turenne, anciennement Thomannsplatz,
pendant la guerre 1914-1918 (Souvenir Français, 1980).
MARTEAUX, Pierre : Diables Rouges, Diables Bleus à l’Hartmannswillerkopf (Payot,
1937).
MARTIN, Henri (Lieutenant) : Le Vieil-Armand 1915 (Alsatia, 1979).
PIMIENTA, Robert : La Belle Epopée de l’Alsacienne, 66ème D.I. (2 tomes, Peyronnet,
1932).
Friends of France, History of the American Field Service in France (Houghton Mifflin
Company, 1920).
BERRY, Henry : Make the Kaiser Dance (Doubleday & Company, 1978).
HANSEN, Arlen J. : Gentlemen Volunteers, The Story of American Ambulance Drivers in
the Great War, August 1914 – September 1918 (Arcade Publishing, 1996).
REMERCIEMENTS :
Nos plus vifs remerciements vont au docteur Raymond HORBER, Conservateur du Musée
Serret de Saint-Amarin ; à Messieurs Jean-Martin BATO, de Metzeral et Rémy JAEGLE,
adjoint au Maire de Mittlach ; à Michael HANLON, de Richmond (Californie), et à Stephen
C. McGEORGE, conservateur de l’Oregon Military Museum (Oregon).
Les carences en moyens d’évacuation sanitaire étaient telles que l’exemple suivant en donne un aperçu
révélateur : après l’attaque du convoi divisionnaire de la Division d’Ersatz Bavaroise (« Division Benzino ») à
Haute Mandray le 27 août 1914 par le 13 ème B.C.A., les Chasseurs s’emparèrent le 31 août dans les restes de ce
convoi de deux automobiles, l’une servant aux liaisons, l’autre, plus grande, affectée aux évacuations. Le 13ème
B.C.A. conserva la première plus de deux ans, mais les Services Sanitaires de l’Armée Française lui ravirent la
seconde au bout d’un mois.
2
Il faut ici faire part de cette distinction, laquelle émane des ambulanciers américains, entre les termes de
« conducteur », correspondant aux Américains, et de « chauffeur », correspondant aux Britanniques.
3
Au Sud-Ouest du Molkenrain (secteur de l’Hartmannswillerkopf), devenu ensuite « Camp Turenne ».
4
Toujours dans le secteur de l’Hartmannswillerkopf, Pastetenplatz étant une hauteur à l’Est de Bitschwiller,
Herrenfluh au Sud-Est du Silberloch, et les Bains-Douches à l’Ouest de l’actuelle Route des Crêtes, en contrebas
quelques centaines de mètres après les parkings desservant la crypte de l’Hartmannswillerkopf.
5
A l’automne 1621, les Pères Pèlerins (arrivés en Amérique le 21 novembre 1620 à bord du Mayflower)
célébrèrent une fête d’action de grâces à laquelle les Indiens, qui leur avaient fait découvrir le maïs, furent
conviés. Les Américains, en souvenir de cet épisode de leur histoire, célèbrent cette fête depuis 1863,
traditionnellement le quatrième jeudi de novembre.
6
Friends of France, History of the American Field Service in France, Houghton Mifflin Company, 1920, p. 288.
7
Ibidem, p. 301.
8
Il repose encore aujourd’hui au cimetière militaire de Moosch. De plus, une plaque de bronze apposée sur un
rocher provenant du site de Dartmouth College, où Richard Hall avait fait ses études supérieures, rappelle son
sacrifice aux visiteurs du Musée Serret de Saint-Amarin.
9
Cette version, corroborée par Tracy Putnam, contredit le récit des derniers jours de Serret fait par Chabrières
(son porte-drapeau) à Henry Bordeaux et retranscrit dans le célèbre ouvrage de ce dernier, Vie et Mort du
1
12
Général Serret. En effet, Chabrières y explique que l’ambulancier américain présent sur les lieux s’était porté
volontaire pour cette évacuation (ce qui est un non-sens puisque les conducteurs américains étaient à la
disposition du service de santé de la 66ème Division et effectuaient leurs évacuations selon un planning de
rotation des personnels pré-établi) et que, une fois la halte à son P.C. achevée (halte que ne mentionne pas
Putnam), le général Serret passa dans une ambulance française « mieux suspendue » (à supposer que les
ambulances françaises alors disponibles aient offert de meilleures performances que les Fords T, ce qui est pour
le moins douteux), enfin il insista pour que la route la plus longue -mais néanmoins réglementaire- fût empruntée
(et ce fut la route la plus courte qui fut dégagée de tout trafic et empruntée). Une chose est sûre à la lumière de
ces deux témoignages contradictoires. Le texte de Bordeaux, retouché 10 ans après l’original (de 1917), amplifie
les actions glorieuses de Marcel Serret, un chef tellement « français » : comment ce dernier aurait-il pu être
évacué par un Américain dans un véhicule américain ? A contrario, l’ouvrage dans lequel l’évacuation de Serret
par Edmund Curley est décrite (Friends of France), n’avait aucun intérêt, pas même de propagande, à faire de
l’ambulancier américain une sorte de héros providentiel : Serret était inconnu du public américain, et le fait que
son évacuation par Curley, si rapide fut-elle, n’ait pas permis d’éviter sa mort n’était certainement pas un
argument à mettre en exergue pour prouver la valeur des conducteurs de la Section 3. Quel intérêt Curley et
Putnam auraient-ils donc eu à inventer les circonstances de cette évacuation ?

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