L`IGAS, procureur et pourvoyeur d`idées pour ministre en manque d

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L`IGAS, procureur et pourvoyeur d`idées pour ministre en manque d
L'IGAS, procureur et pourvoyeur d'idées pour ministre en manque d'inspiration
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-- Le cardiologue - Socio-professionnel - Actualités - 2007 --
2007
L'IGAS, procureur et
pourvoyeur d'idées
pour ministre en
manque d'inspiration
Par Jean-Pol Durand (Le
Cardiologue n° 306,
novembre 2007)
Résumé :
Equipe éditoriale
Il fut un temps pas si lointain où, à l'instar de la Cour des comptes, l'IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) tenait une réunion
Publié
lundi 17
mars 2008
solennelle chaque année pour faire l'inventaire des errements de l'Administration de la Santé en France.
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journalistes
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issus de l'opposition du moment, où ils attendent assez confortablement la prochaine alternance politique.
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L'IGAS, procureur et pourvoyeur d'idées pour ministre en manque d'inspiration
Il fut un temps pas si lointain où, à l'instar de la Cour des comptes, l'IGAS (Inspection
Générale des Affaires Sociales) tenait une réunion solennelle chaque année pour faire
l'inventaire des errements de l'Administration de la Santé en France. Les journalistes s'y
pressaient et le réquisitoire alimentait la chronique pendant... quelques jours. Aujourd'hui la
même institution a trouvé l'occasion de faire parler d'elle bien plus souvent car elle s'est
spécialisée dans les rapports thématiques, souvent à charge. Ce qui n'est pas très difficile
aux auteurs, souvent issus de l'opposition du moment, où ils attendent assez
confortablement la prochaine alternance politique.
Ainsi en quelques mois l'IGAS vient-elle de signer quelques documents qui ont alimenté la
chronique. Il y a moins d'un an, ses limiers ont instruit le procès des réseaux de santé pour convertir
quelques mois plus tard leurs lecteurs au vertus du Disease Management, ce qui est à peu près la
même chose à cette nuance près que les médecins sont moins légitimes dans le DM. Ils ont aussi
diligenté une enquête sur les dépassements du secteur 2 et la propension de ses adhérents à
éconduire de leur carnet de rendez-vous les patients en CMU. Une autre encore sur les errances du
Conseil de l'Ordre parisien... On a le sentiment que chaque fois qu'un ministre de la Santé est
interpellé, lui-même sollicite une enquête.
Pour parfois..., ne pas la rendre publique. Ainsi en est-il aujourd'hui du rapport, remis paraît-il, à son
commanditaire ministériel en août dernier, sur la capacité qu'auront ou non les industriels du
médicament à accompagner le bon usage du médicament jusqu'au patient. Il s'agit, au départ, de la
transposition d'une directive européenne, pour lequel l'État français n'a pas vraiment d'alternative,
sauf à s'exposer à de coûteuses amendes, et pour laquelle la seule question est celle des modalités.
L'opinion publique attendra donc qu'intervienne le législateur pour en savoir plus. Malheureux
législateur au passage, largement dépossédé de sa capacité d'initiative puisque le Sénat avait, l'an
dernier, justement mandaté l'un de ses experts, le Dr Nicolas About, sur le même sujet.
Deux nouveaux rapports, très médiatisés, viennent d'être
opportunément publiés
Dépenses de promotion du médicament : ou « les médecins vendus à l'industrie » !
• Celui, d'abord, sur les dépenses de promotion de ladite industrie pharmaceutique auprès de ses
prescripteurs. Sur la base d'une enquête diligentée par Eurostaff et rapportée par l'IGAS, les
dépenses de promotion, tous supports confondus (Visite Médicale, Congrès...) atteindraient 14 % du
chiffre d'affaires du médicament remboursé. Soit le même niveau que les États-Unis, patrie de la
démesure économique. Il est particulièrement concentré sur les généralistes qui ouvriraient leur
porte en moyenne 330 fois l'an à un(e) VM !
Le constat se double, comme il se doit, d'un catalogue de propositions plus original, envisageant de
« doubler » la communication des laboratoires par un réseau institutionnel, sous l'égide de la HAS, et
les auteurs citent le réseau de DAM (Délégués de l'Assurance Maladie) de la CNAM qui pourrait être
sollicité (en toute objectivité..., bien sûr ; et à quel coût ?).
Formellement l'hypothèse n'est pas nouvelle : en 1981, déjà, le ministre communiste Jack Ralite
avait émis l'idée d'un service public de l'information médicale avant d'y renoncer au profit de l'appui
marqué... et fatal à une revue, pourtant originale et qui se voulait indépendante de toute publicité.
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Depuis, l'hypothèse d'un réseau de VM chargé de porter la parole officielle aux médecins ressort
épisodiquement, sans avoir jamais vu le jour. La réforme Juppé avait même accouché d'un
organisme - le FOPIM (FOnds Pour l'Information Médicale), animé par le Dr Bouton, ancien
président de MG-France - dont on avait cru comprendre que c'était la mission. Absolument stérile,
cet organisme fut dissous par la loi de 2004 et ses fonds inutilisés reversés à la HAS, alors portée
sur les fonds baptismaux de la réforme.
Mais cette Haute Autorité avait également pour mission de travailler à la certification des réseaux de
VM sur la base d'un référentiel. Une autre charte, élaborée sous son égide, encadre le « bon
usage » des relations médecins/ industrie. L'arsenal législatif, et réglementaire ne manque donc pas
de leviers pour enrayer tout dévoiement d'une information dont les médecins soulignent au passage
la nécessité..., juste après l'information délivrée par les agences officielles.
En somme tous les éléments d'une pédagogie dénuée de mercantilisme sont objectivement réunis,
dont le premier d'entre eux qui est le levier contractuel dont dispose le Comité économique du
médicament lorsqu'il discute avec les PDG du contrat individuel régissant la vie économique du
laboratoire.
Conclusion : au niveau du constat, ce rapport de l'IGAS n'apporte pas de vraie nouveauté sinon une
mesure actualisée des investissements promotionnels sur lesquels l'État a déjà partiellement « la
main ». On ne connaît pas (encore) le sort qui sera réservé à la suggestion de l'IGAS de mobiliser
les DAM des Caisses pour délivrer un message contre-promotionnel. Du moins peut-on suggérer
aux auteurs d'insister sur la formation des dits délégués qui a, manifestement, beaucoup à envier à
celle des VM !
DMP : ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain
• Le second rapport de l'IGAS est voué au diagnostic sur le DMP. Celui-là a le mérite de la limpidité.
Il est sans pitié pour les promoteurs politiques et les architectes du chantier. Et il se conclut, sans
nuance, sur une mise en sommeil de la procédure en cours de sélection de l'hébergeur de référence
dont on aurait dû connaître le nom ces jours-ci. Le Gouvernement a décidé de se donner le temps
d'une réflexion approfondie sur le sujet et, à l'inverse de ses prédécesseurs, n'évoque plus de
calendrier de déploiement.
De se donner le temps, aussi, de savoir ce qu'il conserve du bilan de ces trois ans qui n'est
finalement pas si nul.
Contrairement à ce qui est considéré par les rédacteurs du rapport, un consensus existe sur le
contenu du DMP, élaboré dans le secret des travaux du COR (Comité d'Orientation). Sans doute
abusivement malmené par les fonctionnaires du GIP qui ont peut-être consenti trop d'entorses à
cette belle architecture : le Dossier Pharmaceutique, abandonné à la maîtrise d'ouvrage du seul
Conseil de l'Ordre des Pharmaciens et qui reste un dossier « propriétaire », inaccessible aux
médecins ; le web-médecin des Caisses qui constitue également un apport intéressant mais, en
l'état, assez peu ergonomique et mal articulé avec le DMP d'une part, le DP d'autre part ; et enfin les
différents dossiers thématiques (cancer, réseaux, ...) qui frappent à la porte.
Le GIP ne saurait être chargé de tous les maux. D'autres institutions ont mis du leur à
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complexifier le dispositif, notamment la CNIL en interdisant l'exploitation du numéro de Sécu comme
identifiant du DMP. Cette position psychorigide est à l'origine du bug qui a inutilement terni le bilan
des expérimentations de terrain.
Enfin, il n'est pour rien - même s'il a pu donner le sentiment contraire - dans deux erreurs
majeures qui condamnaient plus sûrement le DMP que toutes les fautes de conduite des pilotes du
dossier.
1 - L'hérésie du droit consenti au malade au « masquage masqué » de données le concernant. Quel
crédit le médecin pouvait- il conférer à un document dont l'intégrité ne lui était pas garantie ?
2 - La lâcheté des acteurs - et, pour le coup, tous les acteurs - à convenir que l'essentiel du parc
logiciel médical actuel était, peu ou prou, voué à la poubelle de l'histoire, car non inter-opérables
entre eux, et non compatibles avec les normes (internationales) exigées par le DMP... Il faudra bien
trouver une solution, au moins fiscale, à l'investissement dans du soft compatible.
Ces deux sujets figurent, dans une version plus policée, dans l'inventaire des problèmes recensés
par l'IGAS. Avec une surprenante célérité, le Sénat en a tiré les conséquences avec l'intention prêtée
au rapporteur du PLFSS de mettre fin au « masquage masqué » par voie d'amendement. Ce sont
cette fois les lobbies de patients qui vont hurler au parjure et à la fin de leurs avantages acquis...
Le Gouvernement devra donc raccommoder les accrocs. Mais le train de l'histoire - car le DMP est
aussi inéluctable que le besoin de coordination des soins - peut aussi repartir sur des rails plus
fiables. •
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