Banque Chef de File et Introduction en Bourse

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Banque Chef de File et Introduction en Bourse
INTRODUCTION EN BOURSE ET REPUTATION DE LA
BANQUE CHEF DE FILE
Achraf BERNOUSSI
Allocataire Régionale, Doctorant
sous la direction des
Professeurs Sébastien DEREEPER et Frédéric LOBEZ
Ecole Supérieure des Affaires
Laboratoire GERME
Université de Lille 2
1, Place Déliot BP381
59020 Lille Cedex
[email protected]
Résumé
Une introduction en bourse est souvent accompagnée d’une hausse importante du cours des
actions de la firme après cotation. La plupart des théories proposées mettent en avant des
problèmes d’asymétrie d’information entre les différents intervenants : l’entreprise émettrice,
l’intermédiaire-introducteur et les investisseurs. Dans ce contexte, la sélection d’une banque
chef de file de bonne réputation réduit l’asymétrie d’information liée à l’introduction en
bourse et semble modérer cette sous-évaluation. Nous allons essayer de comprendre comment
se fait le choix d’une banque chef de file lors de l’attribution d’un mandat d’émission
d’actions et nous verrons dans quelle mesure la sélection d’une banque chef de file réputée
peut véhiculer de l’information supplémentaire, être un gage de réussite de l’opération
d’introduction en bourse et réduire le phénomène de sous-évaluation.
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L’accélération du rythme des introductions en bourse en Europe à partir de 1992 a permis de
rattraper un retard historique sur les Etats-Unis. La création de nouveaux marchés aux
conditions d’accès allégées est l’origine principale de l’explosion du nombre d’introductions.
L’existence de vagues d’introductions, d’une sous-évaluation des actions au moment de
l’émission, d’une sous performance de celles-ci sont autant de contraintes qui laissent les
émetteurs / investisseurs très méfiants quant aux succès des opérations d’introduction en
bourse. Au-delà de cette méfiance, les raisons pour lesquelles les firmes s’introduisent en
bourse sont multiples. D’un côté, les introductions en bourse permettent de renforcer les fonds
propres de la firme, de multiplier ses possibilités de financement, d’améliorer le pouvoir de
négociation et de disposer d’une stratégie financière plus stable ; de l’autre, l’introduction en
bourse contribue à asseoir la marque et la réputation de la firme, à renforcer son image vis-àvis des tiers, et à véhiculer une image positive et transparente aux marchés financiers.
Toute introduction en bourse, sur le marché américain ou européen, se manifeste en moyenne
par une hausse importante du cours des actions de la firme après introduction. Au premier
jour de cotation, le cours boursier affiche une rentabilité moyenne de 10 à 30%. Cette sousévaluation du prix d’introduction est un gain pour les investisseurs, mais un coût pour les
actionnaires d’origine de la firme introduite. Comment peut-on alors expliquer le fait que les
actionnaires acceptent « de laisser autant d’argent sur la table » ?
Plusieurs explications permettent de comprendre le phénomène de sous-évaluation. Une
explication souvent utilisée est celle de la malédiction du gagnant (Winner’s Curse) qui
repose sur la coexistence de deux catégories d’investisseurs possédants des niveaux
d’informations différents et la nécessité de faire participer des investisseurs moins informés
pour pouvoir boucler des introductions en bourse.
L’asymétrie d’information entre les actionnaires d’origine et les nouveaux entrants dans le
capital constitue une seconde explication possible du phénomène de sous-évaluation.
Plusieurs auteurs tels que Rock (1986) et Allen et Faulhaber (1989) ont montré que moins les
marchés financiers disposent d’informations pertinentes sur la qualité de la firme, plus les
actionnaires d’origine doivent sous-évaluer leur prix d’introduction pour attirer les
investisseurs et éviter l’échec de l’opération.
Une troisième explication s’articule autour de la banque qui effectue l’opération
d’introduction en bourse. La non souscription de la totalité des titres entraîne des pertes
importantes pour le chef de file (Moins values, perte de réputation), d’où l’intérêt de fixer le
prix d’offre au plus bas. A cela s’ajoute la volonté manifeste de la banque à satisfaire les
investisseurs, en vue de préparer des émissions d’actions futures de la firme introduite ou pour
attirer les investisseurs lors de futures introductions.
Notre problématique de thèse met la Banque chef de file au centre de notre recherche sur les
introductions en bourse. Eu égard aux multiples asymétries d’information entre les différents
intervenants lors de l’introduction, la banque chef de file ou lead manager apparaît comme le
modérateur de cette sous-évaluation. Chaque banque d’affaires ne dispose pas de la même
notoriété sur les marchés boursiers ; la qualité et la réputation des analystes et de l’équipe de
syndication ainsi que l’appréciation par les investisseurs institutionnels sont autant de facteurs
hétérogènes entre les différentes banques.
L’objectif de cette étude exploratoire est de nous fournir les premiers éléments sur cette
notion de « réputation » du banquier chef de file. Pour cela, nous essaierons d’analyser le rôle
du banquier chef de file et du syndicat bancaire lors de l’attribution d’un mandat
d’introduction en bourse. Nous aborderons également les différents critères de choix de la
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banque chef de file par l’entreprise émettrice ainsi que les différents points de négociation
entre ces deux parties.
Dans la revue de littérature, nous présenterons les grandes approches qui régissent les
introductions en bourse. Nous aborderons les différents papiers de recherche qui ont insisté
sur l’élaboration d’un contrat optimal compte tenu des différentes asymétries d’information
pouvant survenir sur le marché des introductions en bourse. En second lieu, nous présenterons
le rôle de la banque chef de file. Nous verrons tout d’abord les différentes fonctions et
responsabilités de la banque introductrice puis nous insisterons sur les fonctions de
certification et de réputation de la banque chef de file. Dans la partie concernant la réputation
de la banque chef de file, nous mettrons en avant les différentes relations entre la réputation
de l’introducteur et les mécanismes d’inefficiences de marchés (sous-évaluation, sousperformance, coûts).
Enfin, en troisième partie, nous aborderons les difficultés d’estimation de la réputation. Nous
essayerons d’apporter une définition de cette notion de réputation, puis nous présenterons les
différentes mesures existantes en distinguant entre approches simples et approches plus
stylisées.
La deuxième section de cette étude aura pour but de présenter les premiers résultats de l’étude
exploratoire réalisée. Sur la base d’un questionnaire établi compte tenu de notre revue de
littérature, nous avons réalisé une première série d’entretiens avec des entreprises récemment
introduites sur le marché boursier français. L’analyse de ces entretiens va nous permettre de
dresser des hypothèses, que nous conforterons avec les entretiens auprès des banquiers chefs
de file, et que nous tenterons de vérifier empiriquement.
Section I – Revue de Littérature :
Il est communément admis en Finance, que pour sa survie, une entreprise doit croître.
L’augmentation des parts de marché de l’entreprise, l’élargissement de sa clientèle,
l’augmentation des dépenses en recherche et développement pour la création de nouveaux
produits ou de nouveaux procédés qui vont permettre une meilleure utilisation des produits
existants ainsi que la commercialisation et la distribution de ces produits sont autant de
facteurs qui régissent la vie d’une entreprise. Toutes ces opérations nécessitent des ressources
financières. Parmi les différents moyens existants pour une levée de fonds, on distingue
l’introduction en bourse.
Les trois principales parties concernées par l’opération d’introduction en bourse ont des
objectifs complémentaires (le vendeur, l’entreprise, l’investisseur). La firme aura pour
objectif de maximiser le revenu de son introduction en bourse, de construire un actionnariat
stable et élargi, d’accroître sa notoriété, de faciliter les futures levées de fonds et de s’assurer
que l’opération d’introduction en bourse a été un succès.
Le vendeur (ou actionnaire sortant) aura pour objectif de maximiser son rendement, de
maximiser la valeur du portefeuille de titres détenu après l’introduction en bourse et de
s’assurer de la réussite de la transaction. Quand aux investisseurs, ceux-ci auront pour objectif
de maximiser les rendements des titres à moyen et long terme, d’élargir et diversifier leur
portefeuille et d’acquérir les titres d’une entreprise attractive
Dans une introduction en bourse, les objectifs de ces trois parties sont complémentaires mais
non identiques. Le rôle de la banque chef de file qui va organiser et réaliser l’opération
d’introduction en bourse sera de s’assurer du maintien d’un équilibre d’intérêts entre les trois
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parties. L’une des principales difficultés des banques chefs de file est la gestion des potentiels
conflits d’intérêts entre les firmes émettrices et les investisseurs.
L’entreprise qui a décidé de lever des fonds sur les marchés boursiers va faire face à une
multitude d’asymétries d’information qui sont liées à l’inefficience de ces marchés. Nous
allons aborder dans la partie qui suit les principales asymétries existantes entre les différents
intervenants à une introduction en bourse.
I) Introduction en bourse et Asymétries d’information :
L’entreprise qui désire s’introduire en bourse et qui est soucieuse de la réussite de son
opération doit se poser au préalable plusieurs questions : Quel est le moment opportun pour
s’introduire en bourse ? Que vaut l’entreprise ? A quel prix proposer l’action ? De quels
partenaires s’entourer et comment les choisir ?
Pour répondre à ces questions, la firme se doit de comprendre les mécanismes et rouages de
ce mode de financement surtout que l’introduction en bourse fait face à plusieurs
controverses : La relation firme / introducteur pose le problème du choix de l’intermédiaire,
des conflits potentiels entre les deux parties, du coût de l’opération ; la relation firme /
investisseurs pose le problème de la fixation du prix d’offre, du moment idéal pour
s’introduire tandis que la relation introducteur / investisseurs pose le problème du choix des
investisseurs à privilégier.
Ces différents problèmes entraînent des réactions qui vont à l’encontre des mécanismes des
marchés efficients :
¾ Ainsi, on remarque un phénomène d’introductions par vagues : Dès l’apparition d’une
récession, les entreprises suspendent les introductions en bourse. Ces vagues révèlent
une concentration sur certains secteurs (1980 : Secteur pétrolier ; 2000 : Secteur
Internet). Ces introductions par vagues permettent de réduire les coûts liés à la
recherche d’information spécifiques à un secteur. Si le marché était efficient, il ne
devrait pas exister de moment opportun pour une introduction en bourse, sachant que
celle ci ne peut se justifier que pour des raisons intrinsèques à l’entreprise.
¾ On constate une sous-évaluation des actions à l’émission : La sous-évaluation signifie
que le prix d’offre est en moyenne inférieur au prix côté. C’est un phénomène
commun à l’ensemble des bourses mondiales et qui est plus prononcé à certaines
périodes « chaudes » (Hot Market).
¾ On remarque enfin une sous-performance à long terme des actions introduites : Les
titres offrent des rentabilités excessives les premiers jours mais offrent une
performance plus faible que les autres titres les années qui suivent. Des études
américaines constatent une diminution du cours de 30 à 50 % sur une période de 3 à 5
ans. Cependant, certaines exceptions demeurent dans beaucoup de pays européens et
en fonction des méthodologies utilisées.
Ainsi, on remarque que le marché des mandats d’introduction en bourse est complexe étant
donné ces différentes controverses. Cependant, la banque est un acteur majeur dans la réussite
de toute introduction en bourse et son rôle de chef de file lors des émissions d’actions et des
augmentations de capital y est prépondérant.
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A) Asymétrie d’information entre les différents intervenants à une
opération d’introduction en bourse :
Compte tenu des différents problèmes d’inefficience qui caractérisent les marchés financiers,
il est nous paru intéressant de présenter les différentes asymétries d’informations qui peuvent
survenir lors de l’attribution d’un mandat d’introduction en bourse.
1) Asymétrie d’information entre l’émetteur et l’introducteur (ou banque chef de file)
L’introduction en bourse se caractérise par de multiples asymétries d’information dont la plus
importante concerne les rapports émetteur / introducteur :
¾ L’entreprise bénéficie d’une information privilégiée concernant la fiabilité de ces
comptes et la valeur de ses cashs flows, la banque se situant en position d’incertitude ;
¾ Le banquier possède des informations privilégiées concernant le marché futur des
titres à introduire d’où un problème de sélection adverse ;
¾ La firme ne peut observer les efforts fournis par la banque pour diffuser ses titres sur
le marché d’où un problème de risque moral.
Baron et Holmstrom (1980) vont mettre en lumière les conflits d’intérêts potentiels existants
entre l’émetteur et l’introducteur. L’introducteur est intéressé par la fixation d’un prix d’offre
bas afin de réduire le coût de commercialisation et de distribution des titres, alors que
l’émetteur désire maximiser les revenus de son placement. Les auteurs arrivent à la
conclusion que, si la firme émettrice et son banquier possédaient des informations
symétriques sur le marché des capitaux, un prix d’émission optimal pourrait être obtenu.
Comme, la firme émettrice ne connaît pas les conditions du marché, elle est obligée de
rémunérer le banquier afin de l’inciter à utiliser ses connaissances privilégiées pour réaliser la
distribution optimale des titres.
Booth et Smith (1986) vont construire un modèle sur la base de l’asymétrie d’information
existante entre l’émetteur et les investisseurs. L’émetteur utilise l’introducteur dans le but de
certifier le prix d’offre de l’entreprise. En fait, pour que la banque puisse fixer un prix qui
reflète la vraie valeur de l’entreprise, elle se doit d’investir dans la production d’informations.
Si elle ne le fait pas, elle va à court terme augmenter son profit personnel mais va perdre en
terme de capital réputationnel. La nécessité pour la banque de préserver sa réputation dans le
but de réaliser des opérations futures et d’accroître ses parts de marché est une garantie contre
des comportements opportunistes éventuels.
2) Asymétrie d’information entre les investisseurs « informés » et « non informés »
Rock (1986) va proposer une théorie pour expliquer la sous-évaluation des titres, sous
l’hypothèse d’asymétrie d’information entre les investisseurs. Deux types d’investisseurs sont
pris en compte : Les investisseurs informés (ils possèdent des informations privées
supérieures par rapport aux autres investisseurs y compris les actionnaires d’origine) et les
investisseurs non informés (ils possèdent peu ou pas d’informations sur la valeur de marché
de l’entreprise émettrice).
Selon son hypothèse de malédiction du vainqueur (Winner’s curse), les investisseurs informés
participent à l’introduction des société de bonne qualité alors que les investisseurs non
informés sont confrontés à un problème de sélection adverse puisque, souscrivant de manière
indifférente à toutes les introductions, ils recevront une partie des titres des bonnes sociétés et
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une large partie des titres des mauvaises sociétés. Il en résulte qu’il est nécessaire de faire une
réduction du prix d’émission par rapport au prix d’équilibré prévu, afin que ces investisseurs
continuent à intervenir sur ce marché.
Rock (1986) montre que la rentabilité anormale au premier jour est due à cette asymétrie
d’information entre ces deux types d’investisseurs. Cette sous-évaluation des titres est
appréhendée comme une prime d’émission consentie aux investisseurs non informés pour
contrebalancer les asymétries d’informations que subissent ces derniers.
Plusieurs études se basant se le modèle de Rock (1986) ont expliqué les raisons de la sousévaluation des titres à l’introduction dont ceux de Beatty et Ritter (1986) et Balvers,
McDonald et Miller (1998) :
Beatty et Ritter (1986), vont montrer qu’il y a effectivement une relation significative entre
l’incertitude ex ante et la sous-évaluation lors des introductions. Ils démontrent l’existence
d’un équilibre de sous-évaluation qui est renforcé par le rôle des banquiers introducteurs.
D’une part, les titres ne doivent pas être trop sous-évalués, si la banque chef de file veut
maintenir sa crédibilité et sa réputation et ne pas perdre des clients futurs. D’autre part, les
titres doivent être suffisamment sous-évalués pour ne pas perdre des investisseurs potentiels.
Plusieurs études ont mis l’accent sur le choix d’un cabinet d’audit dans la détermination de
l’équilibre de sous-évaluation. Balvers, McDonald et Miller (1988) vont créer un modèle dans
lequel la banque va signaler sa réputation à travers la qualité de la société d’audit. Les auteurs
démontrent que les banques de bonne réputation ont intérêt à s’associer avec des cabinets
d’audit de bonne réputation pour se couvrir du risque de mauvaise évaluation de l’émetteur.
D’autres études ont-elles aussi mis l’accent sur le rôle du choix cabinet d’audit dans la
détermination de l’équilibre de sous-évaluation. Bachar (1989) montre que le comportement
de l’introducteur est affecté par le choix par la firme d’un auditeur de qualité puisqu’il est
incité à proposer un prix d’offre plus conséquent. La banque a un intérêt économique à choisir
un auditeur de meilleure qualité puisque ces coûts d’introduction sont plus faibles et donc son
résultat net plus élevé. Ces coûts de recherche d’information sont plus faibles étant donné que
la banque est assurée de la crédibilité des états financiers à partir desquels le prix d’offre des
titres est basé. Michaely et Shaw (1995) ont développé un modèle dans lesquels les banques
vont signaler leur réputation à travers celle de leurs auditeurs. Ils vérifient empiriquement que
les banques à forte notoriété s’associent avec les cabinets d’audit les plus réputés. Broye,
Schatt (2002) montent que le choix d’un auditeur de qualité permet de réduire l’incertitude ex
ante des investisseurs et affecte favorablement l’évaluation de l’émetteur.
3) Asymétrie d’information entre la firme émettrice et les investisseurs
Un troisième type d’asymétrie information peut expliquer la sous-évaluation des titres à
l’introduction. Il s’agit de l’asymétrie entre la firme émettrice, qui possède toutes les
informations privilégiées et qui connaît le mieux ses perspectives d’avenir, et les investisseurs
qui ne possèdent pas cette information et cherchent à connaître la valeur de la firme.
Certains chercheurs ont formalisé cette approche en considérant que les émetteurs acceptent
de limiter leurs gains lors de l’introduction en bourse à travers une sous-évaluation de leurs
titres pour pouvoir les vendre par la suite à un titre intéressant.
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La firme de bonne qualité va se signaler de diverses manières pour informer l’investisseur
potentiel de sa qualité et de son niveau de risque ; la crédibilité du signal va permette de
réduire cette asymétrie d’information. La décote initiale est utilisée en tant que signal à
l’intention des investisseurs. D’ailleurs l’entreprise détermine conjointement le niveau de
sous-évaluation des titres et les caractéristiques de l’émission d’actions qui suivra
l’introduction en bourse.
Le modèle d’Allen et Faulhaber (1989) va expliquer cette sous-évaluation à l’aide de la
théorie de signaling. L’idée est de considérer la sous-évaluation comme un signal pour les
firmes de bonne qualité qui désirent s’introduire en bourse. Les auteurs vont reprendre l’idée
de Ibbotson (1975) consistant à dire que l’entreprise pouvait sous-évaluer ces titres pour
« laisser un bon goût » aux investisseurs potentiels. Allen et Faulhaber (1989) considèrent
que la bonne entreprise, à la différence de la mauvaise, pourrait réduire la part cédée à
l’introduction en bourse ou le prix d’offre, pour signaler la possibilité de sortie à une date
ultérieure à un prix plus élevé. Les entreprises de bonne qualité peuvent supporter des coûts
d’introduction plus élevés. Ces coûts équivalents en général à la décote sont des signaux qui
attirent les investisseurs.
Pour Booth et Chua (1996), la sous-évaluation est un instrument à travers lequel
l’entrepreneur favorise une dispersion élevée dans la structure de l’actionnariat de la firme
après l’introduction en bourse, qui permettra une meilleure liquidité des titres et un plus faible
coût du capital pour l’entreprise. La sous-évaluation consent à obtenir une sur-souscription
élevée, ce qui permet aux titres d’être distribués entre un nombre élevé de nouveaux
actionnaires. Dans ce modèle, la sous-évaluation permet aux investisseurs de récupérer les
coûts d’information liés à l’évaluation de la qualité de l’entreprise ; et donc pour attirer un
plus grand nombre de souscripteurs, il est nécessaire d’avoir une sous-évaluation plus grande.
La sous-évaluation sert alors à compenser les investisseurs ex post pour les coûts
d’informations supportés ex ante ; elle est positivement corrélée au coût de l’information dans
l’évaluation de l’entreprise.
4) Asymétrie d’information entre l’introducteur et les investisseurs
Benveniste et Spindt (1989) recherchent dans un contexte d’asymétrie d’information, un
mécanisme optimal pour limiter la sous-évaluation des titres lors des introductions en bourse.
Ils analysent cette opération en tenant compte de deux types d’investisseurs, à savoir les
investisseurs habituels et les investisseurs occasionnels. Les premiers participent de manière
successive aux introductions en bourse et achètent des quantités importantes de titres, les
seconds sont plus nombreux mais n’interviennent qu’exceptionnellement. Au sein de ces deux
groupes, les auteurs distinguent des investisseurs informés et non informés. La banque chef de
file faisant partie de ce dernier groupe.
Les auteurs démontrent que les titres sont prioritairement accordés aux investisseurs habituels
et que la sous-évaluation à l’introduction est nécessaire pour que ces investisseurs soient
incités à communiquer leurs informations privées. Cette sous-évaluation sera fonction de
niveau de titres mis en vente, de la période de pré-marketing et de la valeur ex ante de
l’information privée. Ainsi, la sous-évaluation est considérée comme une récompense
accordée aux investisseurs habituels qui communiquent honnêtement les informations qu’ils
détiennent. Les auteurs vont montrer que la décision du choix d’un contrat entre la banque et
la firme émettrice est influencée par l’incertitude sur la valeur de la firme, l’aversion au risque
des dirigeants de la firme et les besoins financiers de l’entreprise.
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Benveniste et Wilhelm (1990) vont analyser les revenus de la firme introduite en bourse et la
sous-évaluation des titres. Ils montrent que lorsque le prix des titres et la quantité allouée aux
investisseurs sont déterminés de manière libre et discrétionnaire par la banque, alors les
revenus de la firme sont maximisés avec une sous-évaluation des titres plus faible. A
contrario, lorsque le prix est le même pour tous les investisseurs, alors les revenus de
l’entreprise sont plus faibles.
Dans un premier temps, les auteurs considèrent l’hypothèse que la banque chef de file alloue
les titres de manière libre et discrétionnaire et fixe un prix différent selon les investisseurs. La
banque va alors demander aux investisseurs professionnels une appréciation sur les titres de
l’entreprise qui va être introduite et à partir des informations collectées, elle va déterminer le
prix final et la règle d’allocation des titres. Dans un deuxième temps, les auteurs vont étudier
les conséquences d’un prix uniforme lors des introductions en bourse et vont calculer la
nouvelle espérance de revenus de la firme. Ils remarquent que les revenus de l’entreprise sont
moins importants que ceux affichés dans le contexte précédent. Sachant que la firme ne peut
fixer un prix identique à tous les investisseurs, elle se doit alors de consentir une prime
d’émission à tous les types d’investisseurs.
Enfin, les auteurs vont prendre pour hypothèse l’idée que l’introducteur vend tous les titres au
même prix et les alloue aux investisseurs selon une règle identique. Ils remarquent que les
banques, ne pouvant distinguer les investisseurs qui transmettent les bonnes informations des
mauvais, se doivent d’accorder une prime d’émission à tous les investisseurs pour limiter les
conséquences de « la malédiction du vainqueur ». Ainsi, les revenus de l’entreprise seront
plus faibles que ceux trouvés dans les contextes précédents.
Après avoir vu les différentes asymétries d’informations lors d’une opération d’introduction
en bourse, nous allons apporter un aperçu rapide du phénomène de sous-évaluation et de sa
remise en cause par certains auteurs.
B) Explications de la sous-évaluation des introductions en bourse :
Une introduction en bourse comporte trois étapes principales :
- Première étape : Un prix d’offre est fixé par consentement entre la firme émettrice et la
banque introductrice, puis est proposé au marché,
- Deuxième étape : Compte tenu de l’offre et de la demande sur ce titre, il en ressort un cours
de cotation. Si l’offre est entièrement servie, un prix d’équilibre est affiché ; si l’offre de titres
est trop faible, les intermédiaires vont ajuster le prix jusqu’à éliminer l’excédent de demande,
- Troisième étape : Le prix d’équilibre est alors stabilisé et l’introduction en bourse et
terminée. Les titres vont alors s’échanger sur le marché sans limitations. Ce sont les
informations dont disposent les investisseurs qui vont avoir un impact sur l’évolution des
titres.
L’introduction en bourse est une opportunité de plus-value pour les premiers investisseurs. Ils
peuvent s’il n’y a pas de délai de détention avoir une action spéculative en anticipant la
réalisation de l’introduction. Ainsi, le multiple (Quantité demandée/Quantité offerte) sera très
fort si le marché perçoit une sous-évaluation significative.
L’existence d’une sous-évaluation initiale entraîne un potentiel retour de titres importants.
Plus la sous-évaluation est importante, plus les investisseurs seront incités à revendre les titres
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acquis lors de l’introduction en bourse. Ceci aura pour conséquent d’ajuster le prix d’équilibre
puisque l’offre de titres augmentera et donc le prix du titre diminuera.
1) Raisons de la sous-évaluation des titres lors des introductions en bourse :
L’existence d’une sous-évaluation lors d’une introduction en bourse s’explique par le risque
d’échec, l’existence d’asymétrie informationnelle et l’envoi d’un signal par les firmes de
bonne qualité aux investisseurs.
¾ Risque d’échec : La non-souscription des titres proposés lors de l’introduction en bourse
ternit l’image de la firme émettrice sur les marchés et constitue un signal de défiance fort
pour les investisseurs. C’est une situation très rare mais qui présente un risque réel. Si la
firme propose un prix d’offre proche de la valeur de la firme ou supérieur à celui-ci, le
risque de non-souscription sera d’autant plus élevé. Dans tous les cas, la sous-évaluation
est assimilée à un « ticket d’entée » payé par la firme aux investisseurs dans la crainte
d’une non-souscription lors de l’introduction en bourse. C’est un coût d’opportunité d’un
montant égal à l’écart entre le prix d’équilibre et le prix d’offre. Il existe une relation
positive entre l’incertitude ex ante sur la valeur de la firme et le niveau de sous-évaluation.
¾ Existence d’asymétries d’information : Ce point est largement détaillé au niveau de la
première partie « Introduction en bourse et asymétrie d’information».
¾ La sous-évaluation comme signal : La sous-évaluation est un signal fort émis par la firme
aux investisseurs potentiels ; car cela signifie que la firme est confiante dans ces
perspectives de performances futures et dans sa capacité à se priver d’une partie des
liquidités immédiates qu’apporte l’opération d’introduction en bourse.
La sous-évaluation signifie que l’introduction en bourse est de bonne qualité, ce qui attire
un grand nombre d’investisseurs. Ceci permet d’atténuer le problème d’asymétrie
informationnelle entre les émetteurs et les investisseurs.
2) La sous-évaluation dans la littérature financière et sa remise en cause :
On a vu précédemment, que les firmes qui s’introduisent en bourse acceptent d’émettre des
titres sur le marché à un prix inférieur à ce que les investisseurs sont capables de payer pour
ces titres, d’où la notion de rentabilité initiale des titres.
Baron et Holmstrom (1980) et Baron (1982) montrent que les banques chefs de file ou
introducteurs exploitent leurs informations privées et sous-évaluent les émissions afin de
minimiser leurs efforts marketing (coûts liés à la promotion de l’introduction en bourse).
Beatty et Ritter (1986) montrent que la sous-évaluation est du au manque de transparence et à
l’incertitude sur les firmes qui désirent s’introduire en bourse. Rock (1986) montre également
que l’incertitude ou le risque d’une introduction en bourse conduit à la sous-évaluation et que
les investisseurs non informés doivent être compensés pour le risque pris sur l’introduction en
bourse.
Benveniste et Spindt (1989) ainsi que Benveniste et Wilhelm (1990) ont montré que la sousévaluation est une récompense pour les investisseurs qui ont divulgué de l’information privée
de bonne qualité durant le processus de construction du carnet d’ordres.
Welch (1992) a modélisé l’idée que la sous-évaluation peut provoquer un effet « domino » ou
un effet « cascade » parmi les investisseurs qui ont permis d’accroître la demande des titres de
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l’opération d’émission. Krigman, Shaw, Womack (1999) montrent que la sous-évaluation
permet la pratique de l’activité de « Flipping » entre les investisseurs favorisés (Activité qui
consiste à souscrire rapidement à l’offre d’un nouveau titre et le revendre rapidement sur le
marché).
Habib et Ljunqvist (2001) considèrent que la sous-évaluation résulte d’un arbitrage entre les
avantages liés à sa diminution et les coûts engendrés par cette diminution. La sous-évaluation
diminue la richesse de l’émetteur ; une réduction de cette sous-évaluation est possible en
engageant des dépenses supplémentaires en publicité, en multipliant les road shows, en
engageant des banques réputées etc. Le bénéfice d’une diminution de la sous-évaluation
dépend de l’importance de l’offre consentie par l’émetteur et de l’impact de sa richesse réelle.
Les auteurs remarquent une relation négative entre les dépenses de marketing liées à
l’opération d’introduction en bourse et la sous-évaluation. Il apparaît donc que les dirigeants
actionnaires acceptent de sous-évaluer l’entreprise à un niveau qui ne pénalise pas trop leurs
richesses.
Ljunqvist et Wilhelm (2002) montrent que la sous-évaluation profite aux « amis et à la
famille » à travers des programmes d’attribution de titres directs. Loughran et Ritter (2002)
avancent une théorie selon laquelle les émetteurs sont agréablement surpris par les fonds levés
lors de l’introduction en bourse. En moyenne aux Etats-Unis, une entreprise introduite en
bourse perd l’équivalent de 9.1 millions de $, ce qui équivaut à un an de profit pour beaucoup
de firmes et également à deux fois les commissions directes payées à la banque introductrice.
Les entreprises émettrices qui acceptent de « laisser autant d’argent sur la table » sont
généralement celles où le prix d’offre et le prix du marché sont plus élevés que ceux anticipés.
Par conséquent, les émetteurs qui perdent autant d’argent s’aperçoivent de manière simultanée
qu’ils gagnent autant que ce qu’ils ont prévu. Les auteurs montrent alors que les émetteurs
vont additionner la perte de richesse due à la sous-évaluation avec le gain de richesse sur les
actions détenues suite à la hausse du prix des titres, ce qui aboutit à une hausse net de la
richesse des actionnaires de la firme dès l’introduction en bourse.
La banque chef de file est un acteur majeur dans le succès d’une opération d’introduction en
bourse. Nous allons nous intéresser à la définition du rôle de cet intermédiaire-introducteur en
présentant ces différentes compétences ainsi que ces fonctions de certification et de
réputation.
II) Le rôle de la banque chef de file :
L’intermédiaire financier joue un rôle prépondérant dans l’opération d’introduction en bourse
puisqu’il va mettre au service de la firme qui désire s’introduire (l’émetteur) ces compétences
en ingénierie financière et va être le coordinateur entre les différents conseils spécialisés
(Avocats, Commissaires aux comptes, Agence de communication financière etc.…). Pour
qu’un intermédiaire financier prenne en charge la préparation et la mise en œuvre de
l’introduction, il lui faut disposer d’un mandat général d’introduction.
Le mandat général d’introduction est la convention de base qui définit le rôle de chacun des
intervenants à une opération d’introduction en bourse. L’entreprise émettrice va attribuer un
mandat de droit commun au banquier introducteur, qui sera par la suite appelé à devenir chef
de file du syndicat de placement ayant pour objet la préparation et l’élaboration de
l’introduction. L’émetteur s’engage pour sa part à payer à la banque une commission
10
d’ingénierie financière, et à demander aux autorités boursières l’admission sur le marché,
conditionnée par le respect de la réglementation en vigueur.
La banque introductrice va fixer le calendrier de l’opération en fonction des conditions de
marché, de l’agenda des autorités boursières et du temps nécessaire à la préparation de la
société ; elle établira le prospectus d’information officiel et préparera la documentation
financière en collaboration avec les sociétés de bourse.
Le rôle de la banque chef de file est avant tout un rôle de coordination entre les différents
conseils de l’entreprise ; il agit à la façon d’un « chef d’orchestre ».
La banque chef de file a un rôle de certification. Aucun investisseur ne peut avoir confiance
dans un prix d’offre qui serait fixé par l’entreprise elle-même. En effet, ses dirigeants auront
une incitation très élevée à en exagérer la valeur s’ils se concentrent sur le gain à court terme
procuré par la vente de leurs titres. En revanche, la banque cherche à développer son activité
et risque de perdre sa réputation si elle se trompe fréquemment sur le prix des titres qu’elle
émet. Si elle sous-évalue, les entreprises ne la choisissent plus comme conseil, si elle surévalue, les investisseurs se détournent des émissions futures qu’elle conduit. Théoriquement,
la réputation agit comme un mécanisme permettant de prévenir des déviations trop
importantes.
En dehors de son activité de conseil, la banque peut assurer une activité d’animation du titre
après l’introduction. Cette activité tend à protéger les investisseurs et à rendre l’offre plus
attractive. Elle peut être aussi critiquée dans le sens où certains l’assimilent à de la
« manipulation des cours ». Le rôle des analystes et également ambigu puisqu’un certain
nombre de recherches montrent qu’ils formulent en moyenne les prévisions les plus
optimistes (et les plus erronés) sur les titres nouvellement introduits.
La banque chef de file (lead manager) ou « teneur de plume » est la véritable organisatrice de
l’opération. Elle est secondée par un ou plusieurs co-chefs de file désignés par l’émetteur ou
généralement par la banque chef de file. Lorsqu’une banque ne fait pas partie de la direction
de l’opération, elle peut avoir des actions à placer ou assister au contrat de garantie.
Dans ce cas, son rôle se borne au placement et à la sécurisation de l’opération. La banque chef
de file construit le livret d’ordres et place la plus grande partie des titres. Les banques cochefs de file placent également une grande partie de l’offre tandis que les autres membres du
syndicat en placent une portion marginale. Le lead manager détermine le barème de garantie.
En tant que coordinateur global du placement, il est rémunéré par une commission de
direction, exprimée en pourcentage du montant public de l’opération, qu’il partage parfois
avec les autres banques co-chefs de file.
Outre le rôle d’organisation de l’opération d’introduction en bourse, la banque chef de file a
une mission de conseil des entreprises pour la réalisation de leur introduction en bourse. Cette
mission de consulting consistera au montage de l’opération avec la fixation du calendrier, du
prix d’offre et du nombre d’actions à placer.
Le chef de file aide l’entreprise également dans la construction du syndicat bancaire, elle lui
recommande les banques à utiliser pour le placement des actions en fonction de différents
critères.
Les chefs de file ont tendance à inclure dans le syndicat des banques avec lesquelles ils ont eu
des relations de travail ou des relations commerciales afin de réduire les conflits d’agence
intra syndicats.
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Sachant que les introducteurs touchent des clientèles différentes (Clientèle individuelle versus
clientèle institutionnelle), il s’avère que les banques chefs de file, dans un souci de production
d’information, vont choisir les membres du syndicat qui ciblent des clientèles différentes afin
de toucher le maximum de public.
Le rôle de la banque à l’intérieur du syndicat ainsi que la part des actions attribuées a un
impact sur les commissions à percevoir. Chen et Ritter (2000) fournissent un exemple de
distribution des commissions à l’intérieur d’un syndicat d’introduction en bourse. Le spread
de 7% du total de l’offre est divisé entre les commissions de direction partagées entre le chef
de file et les co-chefs de file ; les commissions de garantie et les commissions sur ventes
partagées entre les membres du syndicat en fonction de la part d’actions attribuée et vendue.
A) Le choix de la banque chef de file :
Compte tenu de l’importance du rôle de la banque chef de file dans la réalisation d’une
opération d’introduction en bourse, nous allons nous intéresser aux différentes motivations
qui poussent les firmes à choisir entre plusieurs banques chefs de file.
1) Critères de sélection de la banque chef de file :
L’emprunteur s’adresse selon le cas à une ou plusieurs banques qu’il pressent apte à diriger
l’opération d’introduction en bourse. Les motivations de son choix sont diverses et varient en
fonction des circonstances. Les critères analysés ci-après ne sont évidemment pas
cumulativement requis, mais il est certain que la réunion de deux au moins de ces facteurs
dans une même banque lui donne des chances d’être désignée chef de file.
-
Critère relationnel : Une firme peut s’adresser à une banque donnée à cause de
l’ancienneté de ses relations d’affaires avec elle ou de ses relations personnelles avec ses
dirigeants. S’adresser à une banque afin de lui proposer d’être le chef de file de son
syndicat bancaire est fréquemment une façon, pour l’émetteur de la remercier.
-
Critère de la compétence : L’appréciation d’une banque par l’émetteur n’est pas suffisante
pour la pressentir à assumer le rôle de chef de file. En effet, la mission qui lui serait
confiée n’est pas des plus aisées : négocier avec les banques et l’émetteur sur la fixation
du prix d’offre, sur la date d’introductions, élaborer le contrat, etc. . Il faut que la banque
ait une certaine expérience acquise au fur et à mesure des introductions en bourse
effectuées, et que sa compétence et sa réputation soient reconnues sur le marché des
émissions. La banque chef de file doit inspirer confiance, non seulement à l’emprunteur
qui la choisit mais également aux autres banques qu’elle invite à participer au syndicat
qu’elle est chargée de constituer.
L’introducteur doit être doté d’un réseau de vente particulièrement bien introduit auprès
des investisseurs institutionnels. C’est la force de vente qui rémunère la commission de
placement que percevra la banque chef de file. Pour que l’introduction soit réussie, il faut
que la banque soit capable de placer l’intégralité des titres dans le réseau commercial.
C’est la raison pour laquelle la banque chef de file fera appel à d’autres établissements
bancaires lorsque sa capacité à placer les titres risque de s’avérer insuffisante. La force de
vente nécessite une excellente connaissance des investisseurs internationaux et une bonne
expérience des opérations de placement ou de reclassement de titres.
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-
Critère de la surface financière : L’introducteur doit avoir la capacité de garantir le
placement, ce qui nécessite une surface financière suffisante. Une banque dotée d’une
forte capacité de placement mais disposant de fonds propres insuffisants pour la
couverture de l’opération devra s’associer à d’autres banques disposant d’une surface
financière plus importante et constituer un syndicat financier de garantie. La création
d’une syndication permet de lever des fonds importants et permet de partager le risque de
non-souscription au terme de la période fixée. La compétence d’une banque est souvent
indissociable d’un autre critère de sélection de la banque chef de file : sa surface
financière. Il est important de noter que la banque chef de file n’est pas seulement la
banque qui organise le syndicat bancaire et élabore le contrat mais est également, en
général, la banque qui a la plus grande part de titres à émettre. Ainsi, il est primordial que
la banque choisie jouisse d’une surface financière lui permettant de faire face au risque de
non-placement.
2) Le choix de la banque chef de file dans la littérature financière :
Lorsqu’une entreprise décide d’émettre des actions, elle doit prendre une décision importante
qui concerne le choix de la banque qui réalisera cette opération. Au même moment, les
banques chefs de file doivent choisir les émetteurs qu’elles vont servir. Fernando, Gatchev,
Spindt (2003) développent une théorie qui explique cet équilibre entre émetteurs et
introducteurs à travers le test d’implications empiriques.
La base théorique des auteurs est que les émetteurs et les introducteurs se choisissent
mutuellement. Cette approche est nouvelle pour la littérature sachant que les différents papiers
existants ont beaucoup insisté sur le choix de l’introducteur par l’émetteur (Titman et
Trueman (1986), Habib et Ljunqvist (2001) et Benveniste, Wilhelm, Ljunqvist et Yu (2003))
ou le choix par l’introducteur de l’entreprise émettrice (Chemmanur et Fulghieri (1994)).
Ces deux approches représentent implicitement le choix des émetteurs et des introducteurs à
une vision unilatérale dans lequel un agent économique (émetteur ou introducteur) choisit
parmi une série de plusieurs agents pour lesquels les critères sont prédéterminés et fixés au
regard de son choix.
Le choix mutuel, plutôt qu’une sélection unilatérale, reflète mieux l’association entre des
émetteurs et des introducteurs dans le sens où cela reflète exactement la situation actuelle des
introductions en bourse. Les contrats d’introduction se fondent sur des accords mutuels : Dans
les différentes réunions qui conduisent à la rédaction des contrats, les émetteurs tiennent
compte des capacités de l’introducteur potentiel à certifier, promouvoir, placer et soutenir
l’émission tandis que les introducteurs tiennent compte des caractéristiques des émetteurs à
travers la taille de l’émission, la probabilité de réussite de l’offre, les chances de réalisation
d’opération futures ( augmentations de capital etc....). Les contrats d’introduction sont établis
entre des émetteurs et introducteurs qui se sont mis d’accord sur le fait que leurs intérêts
coïncident.
Le modèle développé par les auteurs suppose que la relation Emetteur / Introducteur est une
relation transactionnelle plutôt que relationnelle : Si un émetteur désire faire une
augmentation de capital et qu’il n’a pas été convaincu des prestations de son introducteur,
alors il n’hésitera pas à le changer. Puisque la notion de « qualité de l’émetteur » est
multidimensionnelle, les auteurs testent une multitude de variables et remarquent que les
firmes de bonne qualité s’associent avec les introducteurs le plus réputés, et effectuent des
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émissions dans les cinq années qui suivent leur introduction en bourse. Ils remarquent
également une relation négative entre la part de marché des introducteurs les plus réputés et le
niveau d’activité sur le marché des émissions d’actions ainsi qu’une une relation positive
entre un changement dans la réputation d’une banque entre une introduction en bourse et une
augmentation de capital et un changement dans la qualité de la firme entre ces deux phases.
Les auteurs montrent également que les firmes en relation avec les introducteurs les plus
réputés sont les plus à même d’entreprendre des émissions d’actions futures et que le montant
des opérations futures qu’un introducteur reçoit des firmes introduites par lui-même est en
relation positive avec la réputation de l’introducteur.
Krigman et Shaw, Womack (2001) vont réaliser une étude sur le changement d’une banque
chef de file suite à une introduction en bourse. Les auteurs vont essayer de comprendre les
raisons qui incitent les émetteurs à changer de banquier entre ces deux opérations. Sur la base
des 62 questionnaires retournés d’entreprises qui ont changé d’introducteur entre ces deux
opérations sur la période de 1993-1995, les auteurs concluent que les critères les plus
importants du changement d’un introducteur sont par ordre de classement la réputation
acquise du chef de file, la qualité et la réputation du département d’analyse et de recherche, et
le type de clientèle institutionnelle de la banque.
B) L’importance de la syndication bancaire :
La formation d’un syndicat bancaire est indispensable pour assurer la réussite de l’émission
de titres. Nous allons, dans la partie qui suit, présenter les raisons et modalités de la
constitution de ces syndicats, puis donner un aperçu des travaux empiriques qui ont traité ce
sujet.
1) Raisons de la constitution des syndicats bancaires :
Les raisons qui justifient le recours à la syndication bancaire lors des introductions en bourse
sont multiples. Elles relèvent de la nécessité de répartir les risques liés au placement des
actions et du besoin de disposer d’une surface financière assez conséquente pour la levée des
fonds. L’idée de répartition du risque est sous-jacente à celle de syndication. La division du
risque profite d’abord aux banques. La répartition de l’émission et du placement des actions
entre plusieurs banques réduit la marge de risque supporté par chacune d’elles en cas de nonplacement, cette marge étant proportionnelle à la participation de chaque banque à l’émission.
Ceci permet à la banque de participer à un grand nombre d’opérations tout en dispersant le
risque sur plusieurs émetteurs. Il est assurément très prestigieux pour une banque
internationale de voir son nom figurer dans le plus grand nombre de prospectus ou
« tombstones », et il est plus prudent pour elle de ventiler son risque, même si les
commissions qu’elle perçoit pour chaque opération sont moins importantes.
En général, le syndicat bancaire va se constituer autour d’un ensemble de banques qui
assurent une large couverture pour le placement des actions. Parmi ces banques, on pourra
distinguer des banques d’investissements concentrés sur l’activité des marchés financiers et
des grandes entreprises cotées et des banques commerciales qui disposent d’un réseau
d’agence assez développé. Lorsque l’émetteur dispose d’un actionnariat important sur des
marchés étrangers, on retrouve des banques internationales qui vont servir des titres aux
actionnaires dans leur pays.
Le type de commissions ainsi que le montant de celles-ci varient sensiblement d’un syndicat
bancaire à un autre, de même qu’ils varient suivant la structure du syndicat. Dans les
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syndicats bancaires, trois types de commissions sont généralement prévus : Une commission
de direction pour la banque chef de file, une commission de garantie et de placement pour les
banques participantes au syndicat.
2) Modalités de constitution des syndicats bancaires :
La mission de constitution d’un syndicat bancaire relève de la compétence d’un organe
principal : le chef de file. Le chef de file est le banquier auquel l’émetteur s’adresse pour le
charger du montage de l’opération d’introduction en bourse. On distingue plusieurs niveaux
de participation au sein d’un syndicat bancaire : le chef de file, les chefs de files associés, les
co-chefs de file et les autres membres du syndicat qui participent au placement et à la
sécurisation de l’opération d’introduction en bourse.
Alors que les fonctions du syndicat et des membres du syndicat sont identiques aux EtatsUnis et dans les opérations internationales, les noms attribués aux rôles de chacun sont
différents, ce qui prête à confusion. Les participants à un syndicat sont appelés « managers »
sur un plan international et « underwriters » aux Etats-Unis. A l’intérieur de chaque syndicat
bancaire international, il existe une hiérarchie. Le chef de file est celui qui s’attribue le plus de
commissions lors de l’opération d’introduction en bourse. Il peut y avoir plusieurs banques à
chaque niveau de la hiérarchie. Les syndicats de grande taille sont construits de façon
pyramidale, avec peu de banques au sommet de la pyramide (chefs de file), plus de banques
au milieu (co-chefs de file) et plusieurs banques au pied de la pyramide (co-managers).
Les syndicats américains ont des appellations différentes au niveau des tranches constituant le
syndicat bancaire. En particulier, le terme « co-manager » qui est défini de manière différente
dans les émissions américaines et les émissions internationales. Un co-manager dans une
syndication internationale fait partie du groupe de banques appartenant au pied de la
pyramide, alors que dans les syndications américaines, les « managers » ou « co-managers »
font partie du groupe de banques appartenant au top de la pyramide.
Sous le niveau de « co-management », il existe plusieurs groupes d’introducteurs. Par ordre
de classement, nous distinguons les banques appartenant au « major bracket », les banques
faisant partie du « sub-major bracket » et les banques considérées comme « underwriters ». Le
niveau le plus bas des participants à une syndication américaine est le « selling group ». Les
membres de ce groupe ne souscrivent à aucune émission mais peuvent être appelés à aider
dans le placement des titres.
Une introduction en bourse est divisée en deux tranches : une tranche domestique, où les titres
sont vendus à des investisseurs nationaux et une ou plusieurs tranches internationales.
Dans la pratique, il est préférable de limiter le nombre de tranches afin de permettre au
coordinateur global une meilleure flexibilité dans l’allocation des titres lorsque la demande
des titres est plus élevée. Chaque tranche d’une émission internationale a une banque chef de
file. Dans ces cas, un chef de file supérieur est désigné, appelé coordinateur global.
Le Bookrunner ou coordinateur global est responsable de la préparation de l’introduction en
bourse, de l’organisation de l’opération, du marketing (Road Show)…Il construit le carnet
d’ordres et décide de l’allocation des titres aux investisseurs ; il peut ainsi en favoriser
certains avec qui il a des relations étroites au détriment d’autres. Une compétition acharnée a
lieu entre banques d’investissement pour le poste de chef de file.
Dans le jargon boursier, les banques se « battent » pour faire partie du « top left » du
prospectus.
15
Le nombre de banques faisant partie d’un syndicat varie directement avec la taille de
l’émission. Il existe cependant plusieurs facteurs qui influencent positivement la taille d’un
syndicat :
9 La nature de l’opération : Les syndicats de ce type d’opération sont plus grands que ceux
d’une opération d’augmentation de capital. Ceci dans le but d’assurer un placement des
titres et de favoriser une couverture plus large par les analystes des banques du syndicat.
9 Le type d’investisseurs : Si une émission cible des investisseurs particuliers, la taille du
syndicat doit être plus grande. Compte tenu du nombre limité d’investisseurs
institutionnels, la hausse du nombre de banques à l’intérieur du syndicat n’augmentera pas
le nombre d’ordres passés par ces investisseurs car ceux-ci sont suivis par plusieurs
banques. A contrario, la plupart des investisseurs particuliers apportent leurs ressources
financières à un seul conseiller financier. Ainsi, les banques de détail sont associées à
l’intérieur des syndicats (Bas de la pyramide).
9 La capacité de placement : Quand les émissions de titres se font à l’international, les
syndicats doivent être plus larges. Alors que les principales banques internationales ont
des relations avec les principaux investisseurs institutionnels, les banques régionales
auront des relations avec des institutions de moins grande taille.
9 Les conditions du marché : Dans des conditions de marché très turbulentes, la taille des
syndicats tend à être plus grande. Dans les deux années qui ont suivi le crash de 1987,
plusieurs émissions qui devaient être souscrites par une ou deux banques ont été
syndiquées par quatre à cinq banques afin de partager le risque.
9 Coûts : Si le niveau des charges du syndicat est faible, le chef de file va privilégier un
syndicat de plus petite taille, afin de permettre à ces membres de rentabiliser l’effort de
placement des titres.
9 Risque de l’émission : Si l’émission est perçue comme étant risquée, le syndicat sera de
plus grande taille pour partager le risque, à contrario d’une émission non risquée.
9 Les exigences de l’émetteur : l’émetteur a le dernier mot dans la constitution du syndicat.
Si l’entreprise a des relations bancaires avec un nombre élevé de banques, cela pourrait
amener les dirigeants de la firme émettrice à inclure dans le syndicat des banques avec
lesquelles elle a des relations historiques.
3) Les syndicats bancaires dans la littérature financière :
Corwin et Schultz (2004) vont analyser le rôle des syndicats bancaires lors des introductions
en bourse. Les auteurs vont montrer que la taille du syndicat bancaire augmente avec la taille
de l’opération d’introduction en bourse. Les résultats empiriques montrent également que les
banques nationales sont plus sollicitées que les banques régionales, que les banques qui ont
bénéficié d’une bonne couverture par les analystes ont plus de chance de faire partie d’un
syndicat bancaire et que les banques qui traitent avec le même type de clientèle que le chef de
file ont de faibles chances de faire partie du syndicat.
Narayanan, K.Rangan, N.Rangan (2004) ont effectué un travail empirique sur le rôle de la
structure du syndicat bancaire lors des introductions en bourse. La perception que les banques
commerciales font face à un conflit d’intérêt lorsqu’elles ont, à la fois des relations de prêt et
des relations de syndication affaiblit leur capacité à proposer des services de syndication aux
entreprises emprunteuses. Les auteurs montrent que les banques commerciales, en assumant
un rôle de syndication, s’engagent de façon crédible contre tout comportement opportuniste et
exploitent l’information privée qu’elles ont produite lors des relations de prêt pour faire
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supporter à leurs clients des coûts d’émission plus faibles. En co-manageant l’émission d’une
entreprise emprunteuse, avec une banque d’affaires de forte réputation, les banques
commerciales obtiennent une certification crédible de l’émission à travers un chef de file
indépendant. Ceci leur permet, d’atténuer les conséquences d’une mauvaise fixation du prix
d’introduction qu’ils auraient à faire face en raison de la perception de conflit d’intérêt.
Cooney, Hill, Jordan et Singh (2004) dans leur travail de recherche concernant le classement
des introducteurs, montrent que les membres du syndicat font face à un « concours de
beauté » dans lequel ceux-ci doivent se concurrencer pour être choisis par l’émetteur ainsi que
par la banque chef de file. Ces derniers vont donc, décider du nombre et de l’identité des
banques à inclure dans le syndicat bancaire. La banque chef de file, va en consultation avec
l’émetteur choisir les banques qui ne feront pas partie du comité de direction (chef de file et
co-chefs de file) mais qui sécuriseront et assureront le placement des titres. La sélection se
fera sur la base de la force de vente de la banque, de sa capacité à placer des titres à une
clientèle particulière ou dans une zone géographique déterminée, de sa capacité de recherche
et de la situation géographique de l’émetteur. Toutes les banques participantes à une
syndication bancaire vont apparaître dans le prospectus d’introduction dans l’ordre du
pourcentage d’actions attribuées.
Après avoir déterminé le rôle de la banque chef de file et du syndicat bancaire lors d’une
introduction en bourse, intéressons-nous maintenant à l’effet de certification de la banque chef
de file, gage de succès de l’opération d’introduction en bourse pour les investisseurs.
C) L’effet Certification de la banque chef de file :
Le problème fondamental des émissions d’actions est le potentiel comportement opportuniste
des émetteurs compte tenu de leur supériorité en matière d’information privée. Ceci conduit
les sociétés à émettre des titres surévalués lorsque les conditions de marché sont favorables.
Ainsi, le recours à des intermédiaires introducteurs permet d’atténuer cet opportunisme
puisque ces derniers vont certifier que le prix d’émission reflète la vraie valeur de l’entreprise.
Booth et Smith (1986) développent une théorie sur le rôle de l’introducteur dans la
certification des opérations financières. Leur modèle présente les gains et les pertes associées
aux coûts de certification d’une introduction en bourse pour la firme émettrice et la banque
chef de file. Le modèle se base sur la supposition d’une asymétrie d’information entre les
actionnaires (insiders) et les éventuels souscripteurs (outsiders) aux nouvelles émissions. Les
auteurs avancent l’hypothèse qu’un introducteur peut être employé pour certifier que le prix
d’émission proposé concorde avec l’information interne de l’entreprise sur ces profits et
bénéfices futurs. Dans cette modélisation, les firmes émettrices vont utiliser le nom des
banques, à travers leurs réputations, pour certifier la valeur des titres émis et réduire
l’asymétrie d’information entre le marché financier et les dirigeants de l’entreprise.
Beatty et Ritter (1986) vont mettre en relation le rôle de certification de l’introducteur,
l’incertitude sur la valeur de la firme et la sous-évaluation des titres introduits en bourse. Les
auteurs, se basant sur les prédictions du modèle de Rock (1986) montrent que plus
l’incertitude ex ante sur les valeurs de l’introduction en bourse est grande, plus la sousévaluation est importante. La certification du prix d’émission par la banque chef de file
permet de réduire cette sous-évaluation. Toutefois, l’introducteur va préserver son capital
réputationnel pour ne pas perdre des parts de marchés futures. La banque chef de file va alors
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certifier le prix d’émission et déterminer la sous évaluation idéale qui répondra aux besoins
des investisseurs et des émetteurs.
Carter et Manaster (1990) vont construire un modèle expliquant l’évolution des cours
boursiers suite à l’introduction en bourse et l’importance de la fonction de certification dans le
choix d’une banque chef de file en fonction du risque associé à la valeur de la firme. Ainsi, les
firmes avec une faible dispersion vont tenter de révéler leur faible risque au marché financier
en se certifiant par une banque chef de file prestigieuse. Le choix de la banque chef de file va
signaler aux investisseurs la valeur réelle de l’entreprise introduite car sa réputation est en jeu.
Nous avons montré l’importance de l’effet de certification de la valeur de la firme émettrice
auprès de la communauté financière. Cet effet de certification est il corrélé positivement avec
la réputation de la banque chef de file ?
III) La Réputation de la banque chef de file :
Pour comprendre l’effet réputation de la banque chef de file dans le succès d’une opération
d’introduction en bourse, il convient tout d’abord d’apporter une définition à cette notion de
réputation.
A) Définition de la réputation :
La réputation est une caractéristique ou un attribut accordé à un agent économique
(Entreprise, Banque, Institution...) par un observateur c'est-à-dire que la réputation est liée à la
perception qu’ont les tiers de l’agent économique. Cette perception est basée sur l’observation
du comportement passé et surtout sur l’hypothèse que ce comportement sera maintenu dans
l’avenir. C’est ainsi qu’un agent économique peut avoir une réputation pour différentes
facettes de ses activités : politique commerciale, part de marché, chiffre d’affaires, qualité des
produits et services etc. La réputation émerge donc de l’apprentissage au fil du temps, à partir
de comportements observables, de certaines caractéristiques de l’agent économique.
Dans un contexte d’asymétrie d’information, un agent économique possédant de l’information
privée pourrait ajuster son comportement en fonction de cette information. Dès lors, un
investisseur pourrait interpréter les actions de l’agent économique comme un signal de ce
qu’est l’information privée, c'est-à-dire qu’il pourrait inférer l’information privée à partir des
actions de l’agent économique. Si cette information concerne une caractéristique qui persiste
dans le temps, alors cette inférence de l’information privée peut être utilisée pour améliorer
les prédictions du comportement futur de cet agent, il y a alors un effet de réputation pour
l’agent économique.
Dans notre étude, l’apport informationnel de la banque est vu comme une donnée acquise sur
laquelle il n’existe pas d’incertitude dans l’hypothèse de certification des opérations
d’émission par les établissements financiers. Le concours de la banque est une constante, car
l’acceptation d’une modalité d’émission communique toujours la même information aux
investisseurs. L’entreprise émettrice, dans le cadre d’une introduction en bourse va emprunter
le nom d’un intermédiaire introducteur, mais tous les noms n’ont pas la même valeur. Ceci
nous conduit à la notion de réputation de la banque chef de file et aux travaux qui s’y afférent.
Nous allons présenter dans la partie qui suit l’effet réputation ainsi que ces interactions avec
les mécanismes d’inefficience des marchés financiers.
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B) Réputation de la banque chef de file et inefficience des marchés boursiers :
La réputation de la banque est un élément fondamental dans la problématique de la sousévaluation et de la sous-performance à long terme. Pour un émetteur, il est très difficile de
distinguer entre les intermédiaires financiers qui vont avoir une bonne conscience et agir dans
l’intérêt de l’émetteur et ceux qui agissent pour leurs propres intérêts au détriment des
investisseurs.
1) Réputation de la banque chef de file et sous-évaluation des titres
L’importance de la réputation de l’introducteur a été mise en évidence par Beatty et Ritter
(1986) et Booth et Smith (1986). Ces auteurs ont modélisé la relation entre l’incertitude ex
ante et les rentabilités initiales attendues. Ils montrent que la sous-évaluation est reliée
positivement au degré d’asymétrie d’information entre la firme émettrice et les investisseurs
potentiels. Le prestige de l’introducteur permet de réduire les problèmes de sélection adverse
et d’hasard moral et donc de réduire l’asymétrie d’information liée à l’introduction en bourse.
Les auteurs démontrent qu’il existe un équilibre de sous-évaluation que les banques doivent
respecter dans la mesure où elles ont leurs réputations en jeu.
Titman et Trueman (1986) vont s’intéresser aux choix d’un cabinet d’audit pour les
introductions en bourse. Les auteurs vont présenter un modèle dans lequel la qualité et
réputation du cabinet d’audit sont des signaux adressés aux investisseurs pour la valorisation
des firmes émettrices. Ils indiquent que ce modèle s’applique également au choix d’un
intermédiaire introducteur pour la réalisation d’une opération financière. Le résultat majeur de
ce papier est qu’un entrepreneur disposant d’informations privées positives sur la valeur de sa
firme choisira un intermédiaire réputé, alors que l’entrepreneur disposant d’informations
privées médiocres choisira un intermédiaire de moins bonne qualité. L’entrepreneur de la
firme de bonne qualité va donc faire appel à un intermédiaire de grande réputation qui va
exiger une rémunération élevée mais qui va divulguer de l’information favorable sur le
marché. Le recours par une entreprise de mauvaise qualité à un intermédiaire réputée ne va
pas jouer en sa faveur car non seulement elle paiera des commissions élevées, mais sacrifiera
son image sur le marché puisque l’information transmise par l’intermédiaire sera négative.
Ajouté à cela le fait qu’il est très rare qu’un intermédiaire réputé accepte de réaliser une
opération financière à une entreprise de faible qualité dans le souci de préserver son « capital
réputationnel ».
Johnson et Miller (1988) vont tester les différences de sous-évaluation, de coût et
d’incertitude ex ante selon la réputation de la banque introductrice. Les auteurs montrent que
le recours à des banques prestigieuses permet à la banque d’avoir une sous-évaluation plus
faible que celle connue pour les introductions sans banque prestigieuse. Les auteurs vont
analyser également l’incertitude ex ante et vont remarquer que les banques réputées mènent
des introductions en bourse significativement moins risquées que les banques moins réputées.
Est mis en évidence également la taille de ces opérations qui est significativement plus grande
pour les banques les plus prestigieuses.
Carter et Manaster (1990) prétendent que le choix d’une banque de bonne réputation sert de
signal sur le marché en informant les investisseurs sur les risques d’introduction. Les auteurs
prétendent que les entreprises peu risquées se signaleront en engageant un intermédiaire de
bonne qualité dans la mesure où ce dernier va demander des honoraires plus élevés pour
révéler au marché des informations plus précises sur le niveau de risque de l’introduction. La
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sous-évaluation est une résultante de la présence d’investisseurs non informés dont
l’engagement est indispensable pour la réussite de l’offre (Rock 1986). Plus une offre
d’introduction en bourse attire des investisseurs informés, plus elle doit être sous évaluée pour
attirer les investisseurs non informés. Ainsi, afin d’accroître la probabilité d’introduction en
bourse des frimes de bonne qualité (avec la participation des investisseurs informés), celles-ci
vont se signaler en s’octroyant les services d’une banque prestigieuse.
Carter et Dark (1993) vont s’intéresser à la notion de réputation de l’introducteur et du
placement auprès des investisseurs. Les résultats empiriques montrent que la relation entre la
réputation de la banque et le volume des transactions pendant les premiers jours de cotation
n’est pas linéaire. Plus la réputation de la banque est élevée, plus elle va s’adresser à des
investisseurs institutionnels capables de prendre une grande part de titres. En effet, une
banque de forte réputation peut engendrer une vente massive de titres au cours des premiers
jours de cotation, d’où la volonté de certaines firmes émettrices de placer les titres auprès
d’investisseurs institutionnels dans un objectif de détention à long terme. A contrario, les
banques de faible réputation vont atteindre plutôt des investisseurs individuels qui ne vont pas
pratiquer la vente massive de titres.
Chemmanur et Fulghieri (1994) mettent en évidence le rôle de l’introducteur à travers un
modèle réunissant trois types d’agents économiques : l’entreprise, le marché financier et la
banque chef de file. Les auteurs vont montrer que l’acquisition par la banque d’une bonne
réputation peut réduire ce problème de crédibilité. Les investisseurs sont incapables de
déterminer la valeur réelle des recommandations d’achat ni les critères utilisés par les banques
pour solliciter l’investissement dans telle ou telle firme. Ils vont alors se baser sur les
performances passées réalisées par l’introducteur mesurées par la qualité de la banque en
terme d’émissions réalisées et de valeur de marché de ces émissions. La banque chef de file
doit faire des compromis dans le sens où elle va fixer des standards d’évaluation stricts et
rigoureux pour l’évaluation des firmes, qui vont lui coûter cher à court terme mais qui seront
rentable à long terme puisque cela réduit la probabilité de non-placement des titres ; ce qui
porterait atteinte à son capital réputationnel.
A partir d’hypothèses se basant sur la qualité du projet de la firme, sur les coûts des
intermédiaires introducteurs, et des commissions perçues, de l’évaluation par les investisseurs
ainsi que sur le choix d’une introduction avec ou sans banque chef de file, les auteurs vont
dégager plusieurs implications empiriques.
¾ Les introducteurs les plus réputés sont les plus efficaces dans la réduction de l’impact de
l’asymétrie d’information sur le marché des émissions. Plusieurs auteurs ont montré que la
sous-évaluation d’une introduction en bourse est une conséquence de l’asymétrie
d’information entre les émetteurs et les investisseurs (Allen et Faulharber 1989 ;
Chemmanur 1993 ; Welch 1989). Dans ces modèles, l’importance de la sous-évaluation
est une fonction décroissante du degré d’asymétrie d’information entre l’investisseur et
l’émetteur.
¾ L’importance de la sous-évaluation est une fonction décroissante de la réputation de
l’introducteur.
¾ Plus la réputation de la banque chef de file est élevée, moins l’incertitude sur la vraie
valeur de la firme est forte.
¾ Les banques qui ont une bonne réputation facturent des commissions élevées et ont des
revenus élevés par rapport aux banques à faible réputation.
¾ Le produit d’émission net des frais de la banque chef de file s’accroît avec la réputation de
la banque introductrice.
20
¾ Les entreprises préfèrent utiliser les services des banques chefs de file les plus
prestigieuses qui acceptent de les introduire même si le montant des frais associés à ces
banques est élevé. Les banques qui surévaluent les émissions perdent de la réputation et
des parts de marché futures.
¾ Les firmes qui font face à une asymétrie d’information sur le marché des introductions en
bourse préfèrent faire appel à un intermédiaire introducteur plutôt que d’émettre leurs
titres directement. Les émissions directes sont utilisées par les firmes qui ne font pas face
à une degré significatif d’asymétrie d’information et qui n’ont pas les moyens financiers
pour se procurer les services d’une banque chef de file de bonne crédibilité.
Carter, Dark, Singh (1998) ont analysé les rentabilités initiales et les rentabilités observées
après trois années d’introduction. Ils ont étudié la relation entre ces rentabilités et la réputation
de l’introducteur et ont comparé les trois mesures de réputation (Carter et Manaster, Johnson
et Miller, Megginson et Weiss) avec ces rentabilités. A travers une régression sur les
différentes mesures de réputation de manière univariée et multivariée, ils remarquent que plus
la réputation de la banque chef de file est élevée, plus la sous-évaluation à l’introduction est
faible.
Cooney, Singh, Carter et Dark (2001) ont effectué une étude sur la relation entre les
rentabilités initiales et la réputation de la banque chef de file sur deux périodes 1981-1990 et
1991-1998. Les auteurs montrent que cette relation dépend de fixation du prix d’offre eu
égard à la fourchette de prix indiquée dans le prospectus. Les auteurs remarquent une relation
inverse entre la réputation de l’introducteur et la sous-évaluation initiale pour les
introductions en bourse dont le prix d’introduction a été fixé à la l’intérieur de la fourchette de
prix sur ces deux périodes. Ce résultat concerne également les introductions dont le prix
d’introduction a été fixé en dessous de la fourchette des prix sur les deux périodes ainsi que
pour les introductions dont le prix d’introduction a été fixé au dessus de cette fourchette pour
la période des années 80. Cependant, pour les émissions des années 90 dont le prix
d’introduction a été fixé au-delà de la fourchette des prix, les auteurs remarquent une relation
positive entre la réputation du banquier chef de file et les rentabilités initiales observées. Ces
résultats coïncident avec les travaux de Beatty et Welch (1996) qui ont trouvé le même
résultat pour la période allant de 1992-1994.
La relation inverse entre le montant de la sous-évaluation et le prestige de l’investisseur, pour
les prix d’introductions fixés à l’intérieure de la fourchette des prix s’explique par la notion de
risque entre intermédiaires et émetteurs. Carter et Manaster (1990) ont été les premiers à
modéliser cette relation : les émetteurs de faible risque s’associent avec les intermédiaires les
plus réputés et les émetteurs de risque élevé s’associent avec les banques les moins réputées.
Cette association Firmes faible risque / Banques chef de files réputées et Firmes risque élevé /
Banques chef de file non réputées est à l’origine de cette relation entre le niveau de sousévaluation et le prestige de l’introducteur.
Pour expliquer la relation positive entre la réputation de la banque chef de file et la sousévaluation à l’introduction en bourse pour les émissions dont le prix d’introduction a été fixé
au-delà de la fourchette des prix, les auteurs montrent que le pouvoir de négociation des
banques joue un rôle important dans l’explication de cette sous-évaluation. Ainsi, le pouvoir
de négociation de la banque chef de file de forte réputation vis-à-vis de la firme émettrice est
plus important que celui des introducteurs de moins bonne réputation. Les fortes sousévaluations enregistrées dans les années 90 pour les émissions dont le prix d’introduction a
été fixé au-delà de la fourchette des prix sont le résultat de la forte réputation des banques
21
chefs de file. Ces dernières utilisent leurs pouvoirs de négociation pour sous évaluer de
manière sévère ces émissions, ce qui augmente les rendements de la firme émettrice.
Les auteurs s’accordent à dire que ces différences de résultat entre les trois zones de fixation
du prix d’introduction dépendent des négociations initiales entre l’intermédiaire et l’émetteur
(pour les émissions à l’intérieur de la fourchette des prix) et de la renégociation du prix
d’introduction compte tenu d’une demande inhabituelle de titres de la firme (pour les
émissions en dessous ou au dessus de la fourchette des prix).
Broye (2002) étudie la relation entre la réputation de l’introducteur et le niveau de sousévaluation. .L’ auteur a pris pour échantillon le nombre d’introductions en bourse réalisés sur
le second marché entre 1983-1996 car l’asymétrie d’information sur ce marché est plus forte
étant donné que les émetteurs sont peu connus des investisseurs et autorités boursières
contrairement au premier marché où les firmes introduites bénéficient d’un historique
boursier. L’auteur effectue des tests empiriques et n’observe pas de relation significative entre
le niveau de sous-évaluation et le choix d’un introducteur de réputation (contrairement aux
pays anglo-saxons). La raison de cette observation réside dans le fait que le rôle de la banque
introductrice en France est différent de celui aux Etats-Unis. En effet, le marché des
introductions en bourse aux Etats-Unis est marqué par une forte concurrence entre les banques
chefs de file, par une protection des investisseurs solide et par une exposition au risque plus
forte.
On voit donc à travers ces différents auteurs que la sous-évaluation est un phénomène
inhérent à toute introduction en bourse ; et que ce mécanisme est une fonction décroissante de
la réputation de l’introducteur. Une entreprise qui s’introduit en bourse et qui obtient une
rentabilité anormale au premier jour excessivement positive enregistre t’elle une performance
à moyen et long terme du même ordre ou subit-elle une correction du cours de ses titres par le
marché ?
2) Réputation de l’introducteur et Sous performance à long terme
Ibbotson (1975) a été le premier à remarquer une relation négative entre les rentabilités
initiales de l’introduction en bourse et la performance à long terme sur un échantillon
d’introductions en bourse américaines durant la période de 1960 à 1969. Ritter (1991) et
Loughran et Ritter (1995) ont étudié les performances à long terme des introductions en
bourse aux Etats-Unis. Ils remarquent une sous-performance à long terme de 7.4% par an
après trois années d’introduction et de 7% par an après cinq ans. Ces auteurs constatent que
cette sous-performance est plus sévère pour les firmes introduites durant les périodes de « hot
markets ». Ils interprètent cela comme un choix par l’émetteur qui désire s’introduire en
bourse à une période où sa valorisation par le marché sera élevée (windows of opportunity
hypothsesis).
Michaely et Schaw (1994) montrent que les introductions en bourse menées par des banques
de forte réputation procurent des rentabilités initiales élevées et une moindre sousperformance à long terme par rapport à des banques de faibles réputations. Carter, Dark,
Singh (1998) ont analysé les rentabilités enregistrées après trois années d’introduction par
rapport aux différentes mesures de réputations existantes. Ils remarquent une conformité par
rapport à l’étude de Loughran et Ritter (1994) qui rapporte une sous-performance annuelle de
7.4%. En appliquant la mesure de Carter et Manaster, qui est la seule mesure significative par
rapport aux autres mesures testées lors de l’analyse multivariée, les auteurs remarquent que la
sous-performance à long terme a tendance à diminuer avec le rang de l’introducteur (plus le
22
rang est élevé, plus la sous-performance est plus faible). Levis (1993) a examiné les
rentabilités après trois années d’introduction de 712 firmes émettrices britanniques de la
période allant de 1980 à 1988 et a constaté une sous-performance qui variait entre 8,3 % et 23
%, compte tenu du benchmark choisi.
Pour Chemmanur et Fulghieri (1994), l’entreprise à fort potentiel devrait enregistrer un
rendement anormal à long terme positif ; et l’entreprise à faible potentiel devrait enregistrer
un rendement anormal à long terme négatif. Par conséquent, les banques qui s’associeront
avec des émetteurs aux performances à long terme positives devraient valoriser leur
réputation et celles qui s’associeront avec des firmes aux performances négatives verront leur
réputation entachée.
Miller (2000) a montré que les firmes qui avaient la plus forte sous-performance étaient
celles qui avaient un historique des opérations très court, un faible chiffre d’affaires et qui
étaient introduites par des banques chef de file de faible réputation. Ces firmes sont marquées
par une forte volatilité de leurs titres et une forte sous-évaluation au moment de l’émission et
sont cotées dans des bourses régionales.
Toute introduction en bourse engendre un coût pour l’entreprise émettrice. En effet, non
seulement la candidate à la cotation en bourse rémunère de manière indirecte la banque chef
de file en sous-évaluant ces titres mais subit également des coûts directs liés aux différentes
phases de l’introduction en bourse (pré-introduction, introduction, post-introduction).
3) Réputation de l’introducteur et Coûts d’introduction
L’Autorité des Marchés Financiers (Créée par la loi n° 2003-706 de sécurité financière du 1er
août 2003, l'AMF est issue de la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), du
Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière
(CDGF)) a réalisé plusieurs enquêtes sur le coût d’une introduction en bourse sur le marché
français, dont la plus récente date de 1992. Ces enquêtes ont montré que le coût total
comprenait à la fois des coûts explicites et des coûts implicites. Les premiers découlent
directement d’une exigence légale, les seconds résultent de l’ensemble des conditions
nécessaires à la réussite d’une introduction en bourse.
Ainsi, on peut décomposer le coût total en trois types de coûts liés aux trois phases
d’introduction en bourse :
- les coûts « ex ante » : Ce sont des coûts qui précédent l’introduction en bourse et sont liés
aux opérations de restructuration, de réorganisation des activités etc. On peut considérer deux
frais principaux : Les frais liés aux opérations antérieures à l’introduction en bourse (frais liés
à des opérations de restructuration d’activité ou à des opérations d’augmentation de capital) et
les frais liés au recours à des intermédiaires extérieurs (frais liés au recours à des cabinets
extérieurs spécialisés dans le conseil juridique et fiscal).
- les coûts « on going » : Ce sont les coûts liés à l’introduction en bourse et qui sont en
général facilement mesurables. On distingue les frais liés à la rémunération des introducteursintermédiaires, les frais liés aux différentes opérations de communication (Notes de
présentation et réunions d’information), les frais liés à la publicité financière et la redevance
COB (Le montant de la redevance est de 0,05 % du montant des titres émis dans le public).
- les coûts « ex post » : Il s’agit des frais postérieurs à l’introduction en bourse tels que
l’obligation d’information : un budget de communication est alors consacré à l’information
des investisseurs à travers plusieurs supports. Les sociétés recourent également à la publicité
23
financière afin de véhiculer de l’information à ces investisseurs (communiqués à l’occasion
d’opérations financières ou informations susceptibles d’influencer les cours).
Un élément déterminant dans le choix d’une banque qui désire participer à un mandat
d’introduction en bourse réside dans le coût facturé par cet intermédiaire. En contrepartie de
ce coût, la banque se charge de l’évaluation de l’entreprise, de la définition du prix
d’introduction, du marketing de l’offre, de la collecte des ordres et du placement des titres.
Bien souvent, la banque chef de file assure la garantie de bonne fin de l’opération. La
rémunération de la banque résulte d’un pourcentage sur les fonds introduits en bourse
(spread).
Chen et Ritter (2000) mettent en lumière une fréquence suspecte d’un taux de rémunération
de 7% des fonds levés. Cette constance de 7% amène ces auteurs à émettre l’hypothèse d’une
collusion tacite entre les banques sur le marché des introductions en bourse aux Etats-Unis.
Selon les auteurs, ceci a eu pour conséquence des poursuites judiciaires contre 27 banques
pour entrave à la concurrence et des enquêtes judiciaires pour conspiration entre les banques
dans la fixation de leurs frais.
Hansen (2001) doute de cette collusion. Pour l’auteur, la fréquence des 7% se justifierait
comme une résultante de la concurrence et comme un niveau optimal de rémunération
contractuelle. Sur un échantillon de 4000 introductions en bourse entre 1980 et 1998, les
résultats invalident l’existence de collusion entre les intermédiaires financiers.
En France, Chahine (2000) ne remarque pas d’effet de collusion entre banques chef de file sur
un échantillon de 200 entreprises introduites sur le second et nouveau marché entre 1996 et
2000, bien que la rémunération moyenne perçue par les intermédiaires soit de l’ordre de
7,23%.
Beatty et Ritter (1986) sont les pionniers à avoir examiner les retombées initiales des
introductions en bourse sur les banques chef de file. Ils ont montré que lorsque l’émission est
mal évaluée, les coûts liés à la réputation entraînent une diminution de la valeur de marché de
la banque chef de file. A cela s’ajoute les coûts additionnels directs liés à la stabilisation des
prix et à la responsabilité légale de l’introducteur.
Ritter (1987) va s’intéresser aux coûts d’introduction pour les firmes selon le type de contrat
passé entre la société et la banque chef de file. L’auteur constate que les coûts des
introductions réalisés par une mise à disposition directe du public sont supérieurs à ceux des
introductions réalisées par des contrats de prise ferme. Les coûts fixes sont comparables pour
les deux types de contrat, seule le coût lié à la sous-évaluation est plus important pour les
firmes s’introduisant par des mises à disposition directes du public.
Fernando, Gatchev, Spindt (2003) supposent dans leur modèle que le « spread
d’introduction » est le résultat d’un marchandage entre émetteurs et introducteurs et qu’il ne
détermine pas le choix de la relation Emetteur/Introducteur. Les implications empiriques du
modèle montrent que pour les émetteurs qui décident d’augmenter leur capital quelques
années après l’introduction, le % de spread diminue avec la réputation de l’introducteur.
Selon Baron (1982), la sous-évaluation peut s’analyser comme une sorte de rémunération
pour les banques qui mettent à disposition de leurs clients les informations supplémentaires
dont ils disposent sur la demande et qui engagent des coûts de marketing pour placer l’offre.
24
Chemmanur et Fulghieri (1994) trouvent à partir de leur modèle que les banques à forte
réputation facturent des commissions élevées et disposent de revenus élevés par rapport aux
banques à faible réputation. Plus l’introducteur dirige de grandes opérations, plus sa
réputation est reconnue et plus il exige des commissions élevées. Dans la négociation des
commissions, c’est la banque chef de file qui va avoir un ascendant sur la firme émettrice et
va justifier sa rémunération compte tenu de sa compétence.
Nanda et Yun (1997) trouvent dans le cas des introductions en bourse aux rentabilités initiales
faibles, que les banques chefs de file subissent une perte significative de leur valeur de
marché en raison des coûts de stabilisation des prix qui impactent le capital réputationnel de la
banque,
Fields, Fraser, Bhargava (2003) ont comparé les coûts d’introduction en Bourse entre banques
commerciales et banques d’investissement. Selon les auteurs, le coût total de syndication que
supporte les introducteurs en bourse en contrepartie du risque encouru comporte la marge
brute (Gross margin) et la sous-évaluation. La marge brute représente la compensation directe
du syndicat bancaire alors que la sous-évaluation représente une forme indirecte de
compensation. Les résultats empiriques montrent que les coûts de syndication sont plus
faibles pour les banques commerciales ; alors qu’il y a très peu de différence dans les spreads
en comparaison aux banques d’investissement. Ceci s’explique par les faibles écarts dans les
économies d’échelle des deux types de banques.
Dans un contexte d’asymétries d’informations multiples et d’inefficience des marchés, on
s’aperçoit que la réputation de la banque chef de file permet d’atténuer ces phénomènes. Dans
ces conditions, comment mesurer ou déterminer le niveau de réputation d’un introducteur ?
C) Les difficultés d’estimation de la réputation :
Plusieurs auteurs ont utilisé la réputation de la banque chef de file dans leurs modèles à
travers une batterie de variables de mesures de réputation. Nous présentons ci-après ces
mesures en distinguant entre celles qui sont simples et celles qui sont plus stylisées
1) Les approches simples :
Mc Donald et Fisher (1972) ont utilisé l’activité d’introduction (nombre d’introductions
réalisées) comme mesure du prestige de la banque. Plusieurs auteurs, dans des travaux
ultérieurs, ont utilisé des méthodes dérivées des annotations de Hayes ( 1971 ), relatifs aux
prémisses qu’une banque introductrice est sujette à une « hiérarchie » rigide : la réputation de
la banque dépend de sa position dans cette hiérarchie. Hayes observe que cette position a un
impact substantiel sur les profits. Cette notion de hiérarchie correspond à un certain nombre
de groupes de banques : Bulge bracket (groupe le plus réputé), Major bracket, et sub-major
bracket. L’auteur montre que la notion de réputation est observable à travers le classement de
la banque au niveau du syndicat bancaire listé dans chaque résumé de prospectus.
Johnson et Miller (1988) ont utilisé ces désignations pour développer un système de
classement des banques en rangs (4 rangs). Chaque groupe de banques se voit attribué un
rang. Le rang 3 est attribué à la banque identifiée en tant que membre du « bulge bracket » :
ce groupe comprend les banques qui ont occupé des rôles de banques chefs de files dans des
introductions de qualité élevée (Morgan Stanley, First Boston etc.). Le rang 2 est attribué aux
banques appartenant au « major bracket » : ce groupe inclut des banques prestigieuses qui se
25
sont vues allouées de petites parts au niveau du pool bancaire. Le rang 1 est attribué aux
banques appartenant au « submajor bracket » : ce groupe comprend les banques aux faibles
parts de souscription mais sont connues pour leur capacité de distribution des titres. Toutes les
banques n’appartenant à aucun groupe se voient attribué le rang le plus faible 0.
Neuberger et La Chapelle (1983) ont utilisé des désignations de groupes similaires. Le
« bulge » et le « major » se voient attribué le rang le plus élevé ; les « sub-major » et
les « non-affiliated Banks » se voient attribué le rang d’intermédiaire ; les introducteurs aux
offres inférieurs à un million de dollars disposent du rang le plus faible.
Carter et Manaster (1990) ont utilisé ce placement des banques introductrices dans le
syndicat bancaire afin de développer un classement en 19 niveaux de prestige possible : les
banques les plus prestigieuses se voient attribué le rang 9, les banques les moins prestigieuses
le rang 0. Les rangs sont séparés en unités de 0.5. Les banques classées au rang 8 à 9 sont
considérées comme des banques nationales prestigieuses alors que celles dont les rangs se
situent entre 5 et 7,9 sont considérées comme des banques de bonne qualité sur certains
segments ou au niveau régional. Les banques dont le rang se situe entre 0 et 4,9 sont associées
à des introductions en bourse dont la valeur de l’action est inférieure à 1$ (penny stocks). De
nombreuses banques dont le rang est inférieur à 3 sont accusées par la SEC de manipulations
des marchés.
Cette mesure de réputation présente de nombreux inconvénients :
¾ La mesure Carter et Manaster exclue le chef de file et les co-chefs de file et classe les
banques restantes en fonction de leur position dans le comité de direction de
l’introduction. Ainsi, les banques qui disposent d’un volume d’actions plus élevé que
d’autres sont considérés comme étant plus prestigieuses. Les auteurs montrent que les
introducteurs vont défendre leur positionnement dans la hiérarchie du syndicat de
manière agressive, au point même de se retirer de certaines introductions en bourse
rentables s’ils se trouvent mal positionnés.
¾ L’échelle de classement a une capacité limitée à distinguer les banques ayant des
niveaux de prestige similaires mais non identiques. Certaines banques ont le rang de
prestige le plus élevé (9), pourtant les analystes ne les considéreront pas comme ayant
des niveaux de prestige équivalents.
¾ L’algorithme Carter, Manaster se base sur l’existence d’une hiérarchie complètement
rigide. Un introducteur disposant d’un rang N tel que 0<N<9 n’apparaîtra jamais dans
le même groupe qu’un introducteur de rang N-1, dans le prospectus d’introduction.
Chaque groupe doit être composé d’introducteurs disposant du même niveau de
prestige. En prenant deux introductions en bourse effectuées par le même syndicat
bancaire, certaines banques au rang bien déterminé sont positionnés à des groupes de
prestige différents (Major, Submajor -, Submajor –2, Submajor –3)
Megginson et Weiss (1991) définissent la mesure de la réputation par la part de marché
relative de l’introducteur dans toutes les introductions en bourse. En comparant cette mesure à
celle de Carter et Manaster, le classement Megginson-Weiss présente certains avantages et
inconvénients :
¾ Le classement est basé sur la part de marché de l’introducteur, ce qui est facile à
évaluer et à mettre à jour. Les auteurs se basent sur la supposition implicite que la part
de marché de l’entreprise et le prestige sont égales. Ce qui n’est pas le cas dans
26
plusieurs industries. Dans l’industrie automobile, General Motors a par exemple, la
plus grande part de marché du secteur mais n’est pas vu par les analystes comme étant
le plus prestigieux constructeur.
¾ Le prestige d’une banque ne change pas, dans la plupart des cas, de manière abrupte ;
alors que les parts de marchés relatives peuvent varier fréquemment, eu égard à la
présence ou non de transactions, d’émissions nouvelles etc..
¾ Un pourcentage substantiel des banques aura une part de marché égale à zéro. Cela se
produit pour des banques de prestige très faible mais également pour les nouveaux
entrants au marché. (jusqu’à l’accomplissement de la première transaction).
Carter et Dark (1992) ont utilisé la mesure de réputation développée par Carter et Manaster
(CM) et l’ont comparé à celle utilisée par Johnson et Miller (JM). Pour cela, ils ont testé ces
mesures par rapport à certaines variables telles que les rentabilités observées, la taille de
l’offre, la part des actions mises en vente par les actionnaires de la firme etc…. Les auteurs
ont employé ces deux mesures dans des modèles empiriques et ont estimé leurs performances
relatives. Dans tous les modèles testés employant une ou plusieurs variables, ils remarquent
que la variable CM est supérieure à la mesure de réputation JM et constatent une relation
significative entre la mesure CM et les rentabilités initiales lors des introductions en bourse,
même si le risque de marché (aftermarket standard deviation) est inclus dans le modèle. Ce
résultat n’est pas valable avec la mesure de réputation de JM.
Carter, Dark et Singh (1998) ont établi une évaluation comparative des trois mesures de
réputation existantes (Carter et Manaster ; Johnson et Miller ; Megginson et Weiss) dans un
contexte de performance initiale et de performance à long terme. Les auteurs observent une
relation significative entre ces trois mesures de réputation et les rentabilités initiales observées
à la suite d’une introduction en bourse. A partir de cette comparaison, l’auteur montre que la
mesure de réputation proposée par Carter et Manaster est la plus coûteuse à compiler en terme
d’effort et de temps. Bien qu’ennuyeuse à construire, il apparaît que cette mesure est plus
pertinente et apporte plus d’explications sur les variations des premières rentabilités
observées.
2) Les approches stylisées :
Cooney, Larry, Jordan, Singh (2004) ont introduit une nouvelle approche de classement des
introducteurs, le système ELO. Ce système a été initialement utilisé pour le classement des
joueurs d’échecs et a été étendu à d’autres activités sportives telles que le bowling, le golf, les
jeux en ligne, les clubs universitaires de football…L’introduction en bourse est considérée
dans cette étude par les auteurs comme un concours dans lequel les membres du syndicat
d’introduction se mesurent pour le prestige évalué par la part relative des actions à introduire.
Avant de voir les composantes de cette mesure, il convient de préciser les principes de base
du système ELO :
9 Le système ELO : C’est un système relativement simple. A chaque joueur est associé un
chiffre : le score ELO. Ce score en le comparant au score d’un autre joueur au sein du
système permet d’établir une échelle de force entre les joueurs. Ce système est basé sur
l’hypothèse que chaque joueur est représenté par sa force (ELO) agrémentée d’un écart
type pris arbitrairement suivant une loi normale. Il faut noter que c’est la seule faiblesse
du système ELO, puisque logiquement un joueur très régulier devrait avoir un petit écart
type et inversement un joueur irrégulier devrait en avoir un grand. L’espérance
27
mathématique d’un joueur est alors fonction du seul écart en point entre ce joueur et son
adversaire.
9 L’échelle ELO : En appliquant ce système au classement des banques, il convient de
préciser que les introductions en bourse se voient appliquées des scores équivalent à ceux
utilisés dans les jeux d’échecs, c’est à dire 1 point pour les gagnants, 0.5 point pour les
matchs nuls et 0 point pour les perdants. En d’autres termes, une banque dans un rang bien
précis est à égalité avec les autres banques de ce même rang ; elle perd contre toutes les
banques qui ont un rang supérieur et gagne contre celles qui ont un rang inférieur. Le
nombre de points cumulés par une banque permet de situer celle-ci par rapport à ces
concurrentes.
Le procédé de classement est basé sur la méthode des approximations successives d’ELO
(1979) : chaque banque se voit attribué un rang initial égal à zéro et l’écart type de la
distribution des résultats pris arbitrairement est égal à 1. Le pourcentage de victoires d’une
banque (Nombre de points gagnés / nombre de points possibles) suggère que telle banque
a un écart type moyen x fois meilleur que celui de son adversaire. On estime alors le rang
de cette banque (initialement égal à zéro) à travers la force de l’adversaire et l’écart type x
pour avoir un nouveau score. Cette étape est répétée pour chaque banque, jusqu’à obtenir
un ensemble de rangs estimés z.
L’étape qui suit consiste à calculer la moyenne pondérée de la force des adversaires : pour
une banque donnée, on multiplie le nombre de confrontations entre cette banque et sa
concurrente avec le rang mis à jour z. On répète cette opération pour les autres banques,
afin d’obtenir le total des points moyens et on divise par le nombre de confrontations.
Cela aboutit à une moyenne pondérée de la force des adversaires qu’il convient de rajouter
au rating z, afin d’obtenir le rating final.
La contribution des auteurs est de montrer qu’un système de classement réputé, le système
ELO, peut être utilisé en tant que mesure objective de la réputation pour tous les intervenants
d’un marché. L’utilisation du système ELO pour le classement des introducteurs a un
avantage spécifique par rapport à celui utilisé pour le classement des équipes sportives. En
sport, un outsider peut modifier le Top Ten d’un classement. A contrario, dans les
introductions en bourse, le changement est progressif. Les émetteurs et les banques chefs de
file constituent des syndicats bancaires après plusieurs négociations et délibérations. Par
conséquent, des changements de niveaux de prestige reflètent beaucoup plus des changements
au niveau des tendances industrielles plutôt que des changements brusques provoqués par des
outsiders sur une durée de temps très courte.
Loughran et Ritter (2004) ont introduit une nouvelle mesure de la réputation d’une banque. Ils
se basent sur les classements de Carter et Manaster (1990) et de Carter, Dark et Singh (1998).
Les auteurs vont établir leurs rangs sur la base du classement des banques établi par Goldman
Sachs au moment de son introduction en bourse en 1999.
En effet, le prospectus de Goldman Sachs comprenait plus de 120 banques classées en
fonction de leur position dans le prospectus : les chefs de file et co-chefs de file se voient
attribués un rang de 9 (ces introducteurs ne sont pas classés dans la mesure Carter et
Manaster), alors que les autres banques disposent d’un rang dépendant de leur position dans le
prospectus.
Pour les introducteurs qui ne sont pas représentés dans le prospectus d’introduction de
Goldman Sachs, les auteurs attribuent un rang de 1 ou 2 s’il s’agit de banques qui ont réalisé
28
des introductions en bourse dont le prix de l’action est inférieur à 1$ (Penny markets) et qui
ont fait l’objet des actions de mise en application de la SEC durant la période 1995-1999.
Pour les introducteurs qui ne figurent pas dans le prospectus d’introduction de Goldman Sachs
et qui ne sont pas des « penny markets », les auteurs utilisent les classements de Bruce
Foerster, banque d’investissement américaine très réputée qui a participé à l’introduction en
bourse de plus de 150 entreprises.
Enfin, pour toutes les autres banques qui n’ont pas été identifié par aucune des autres
procédures, les auteurs leur attribuent un classement sur la base de leur prix d’offre.
Cette mesure est plus complète que celle de Carter et Manaster (1990) dans le mesure où elle
intègre dans le classement les banques chefs de file et co-chefs de file ainsi que les banques
qui ont réalisé des introductions en bourse sous la forme de « penny markets ». Les auteurs se
distinguent de la mesure Carter et Manaster en intégrant 0.1 à tous les rangs (1.1 à 9.1) tout
simplement pour différencier leur mesure de celle de Carter et Manaster (1990). Différents
auteurs tels que Cooney, Larry, Jordan, Singh (2004) ont utilisé cette mesure dans leurs
travaux empiriques.
Dans la revue de littérature, nous avons remarqué qu’il existe peu d’études qualitatives sur la
réputation de la banque chef de file lors d’une introduction en bourse. Il nous est paru
approprié d’utiliser l’étude exploratoire car elle fournit les premiers éléments sur le sujet
retenu.
Section II - Analyse des entretiens sur le choix d’une banque chef de file
Le but de cette étude exploratoire est de découvrir comment la réputation d’une banque chef
de file peut influencer l’attribution des mandats d’introduction en bourse. Cette recherche
pose donc les bases d’une réflexion à partir de la revue de littérature réalisée, et va se
concentrer en profondeur sur l’analyse des entretiens menés auprès des principaux acteurs
d’une introduction en bourse à savoir les émetteurs et les banques chefs de file.
1) Le type d’entretien utilisé dans cette recherche
Parmi les différents types d’entretiens existants, nous avons choisi l’entretien semi-directif.
Ce type d’entretien laisse intervenir l’enquêteur plus souvent que dans l’entretien non directif.
Lors de l’entretien, l’enquêteur doit aborder les différents thèmes fixés en essayant, aux
moments opportuns, de centrer la réflexion de l’interviewé. Ces entretiens vont se situer en
amont de notre recherche et vont nous servir à construire des hypothèses. Dans le processus
de recherche de Wacheux (1996), lorsque les entretiens se placent en amont de la recherche,
ils constituent une démarche inductive capable de générer un cadre théorique sous la forme
d’hypothèses testables.
2) L’élaboration du guide d’entretien
Nous avons élaboré le guide d’entretien sur la base des différentes lectures sur les
introductions en bourse. Ainsi, nous nous sommes focalisés sur plusieurs thèmes importants
abordés dans notre revue de littérature :
¾ le marché des mandats de chef de file
¾ le rôle de la banque chef de file
¾ le choix de la banque chef de file
29
¾ la négociation entre l’émetteur et la banque chef de file
Ces différents thèmes vont nous permettre de comprendre les différentes relations entre les
entreprises émettrices et les banques chefs de file lors des opérations d’introduction en bourse
ainsi que les principaux critères du choix d’une banque chef de file par une firme. Nous
aborderons également les points de négociation et les démarchages que les banques
développent pour obtenir un mandat d’introduction en bourse.
3) L’échantillon des interviewés :
Pour cette première étude, nous avons effectué 8 entretiens auprès des responsables
d’entreprises récemment introduites sur le premier et second marché (Compartiment A et B
d’Euronext). Pour chacune des sociétés, l’envoi par mail de la demande d’entretien était
précédé par une série d’appels téléphoniques dans le but de pouvoir nous entretenir avec la
personne qui a participé de près à l’opération d’introduction en bourse. Cette procédure a été
fructueuse car sur une vingtaine de demandes d’entretiens avec des entreprises introduites en
2005 ou au deuxième semestre de 2004 huit ont accepté immédiatement ou suite à une
relance. Nous avons pu alors interviewer des membres de la direction générale, de la direction
financière ou des responsables relations investisseurs.
Présentation des 8 entretiens
Nom de la
société
Fonction de
l’interviewé
Date
d’entretien
Date
d’introduction en
bourse
123Multimédia
Responsable des
Relations Actionnaires
02/05/05
13/12/04
Communication Média
Multimédias
Sanef
Directeur Financier
22/04/05
24/03/05
Environnement et
Services aux collectivités
26/04/05
08/07/04
Communication Média
Multimédias
02/05/05
25/11/04
Environnement et
Services aux collectivités
13/05/05
09/07/04
Services aux collectivités
Pages Jaunes
APRR
SMTPC
Membre de la Direction
Financière et Trésorerie
de France Télécom
Responsable des
Relations Investisseurs
Président Directeur
Général
Secteur
Biomérieux
Secrétaire Général
25/05/05
07/07/04
Chimie Pharmacie
Cosmétiques
Maroc Télécom
(Filiale Vivendi)
Directeur Général
28/05/05
13/12/04
Télécommunication
Oxbow
Membre du Directoire
31/05/05
07/07/04
Textile Habillement
Accessoires
4) Commentaires des entretiens avec les professionnels
Nous nous sommes focalisés sur cinq points importants lors de notre compréhension de
l’attribution des mandats d’introduction en bourse. Nous allons dans un premier temps
montrer que le marché des mandats d’émissions d’actions est très compétitif. En second lieu,
nous présenterons le rôle de coordination et d’accompagnement de la banque chef de file ainsi
que les différents critères de choix de cette banque en insistant sur le critère de réputation.
30
Enfin, nous aborderons les différents points de négociation entre l’entreprise émettrice et la
banque chef de file lors de l’opération d’introduction en bourse.
Quelles sont les caractéristiques du marché des mandats d’introduction en bourse ?
Compte tenu des entretiens réalisés, il s’avère que le marché des mandats d’introduction en
bourse est un marché hautement compétitif où les banques françaises et étrangères essaient de
s’accaparer des parts de marché.
La taille et l’activité de ces banques sont des critères importants dans la sélection des marchés
à conquérir. Des banques internationales telles Morgan Stanley, Barclay’s ont une structure et
une taille qui leur permettent d’être présent sur tous les marchés et de prendre part à tout type
d’introduction en bourse. La forte présence d’équipes d’analystes à l’échelle internationale
permet à ces banques de conforter leur réputation acquise pendant des décennies grâce à leur
réactivité et à leur adaptation aux exigences des marchés financiers.
Le marché des mandats d’introduction en bouse en France apparaît peu actif en comparaison
aux marchés anglo-saxons. Notre interlocuteur de 123 Multimédia justifie cela : « Le marché
français n’est certainement pas de manière globale le plus représentatif, ni le plus
dynamique, ni le plus créatif, ni le plus courageux. Il ne faut pas se voiler la face, la tendance
c’est New York et Londres pour l’Europe, après vous avez Tokyo ». Il est certain que le
volume des introductions en bourse dans les marchés anglo-saxons et dans les marchés
asiatiques est très élevé ; ce sont des marchés très actifs et dynamiques et qui ont su adapter
leurs structures internes à la volatilité des marchés financiers. Les législations en vigueur sur
les marchés anglo-saxons sont également plus souples ; comme le fait remarquer le
responsable de 123Multimédia : « les banques anglo-saxonnes sont beaucoup plus actives et
dynamiques…ne serait ce qu’au niveau des effectifs, elles font constamment le yo-yo parce
que les législations sont différentes. Lorsque les marchés sont en crise, elles licencient à tour
de bras, lorsqu’elles ne sont pas en crise, elles embauchent ; elles ont des contraintes en
terme de structure de frais qui sont énormes, elles mettent de la pression, tout cela joue sur
leur pression commerciale, leur pression concurrentielle. Ce sont de gros mastodontes qui
ont besoin de beaucoup de deals et ont donc besoin d’être très agressifs dans leur
recherche ».
L’interlocuteur d’APRR conforte cette idée de compétence des banques anglo-saxonnes en
faisant allusion à la compétence du personnel de ces banques à tous les niveaux de la
hiérarchie. Pour ce dernier, la banque française est une banque dont les rapports sont basés
sur « un relationnel, un carnet d’adresses ».
Tous les interlocuteurs s’accordent à dire que les banques françaises sont tout aussi
compétentes que les banques anglo-saxonnes sur leurs marchés respectifs. Pour l’interlocuteur
d’APRR, « les banques françaises sont fortes sur le marché français mais ont du mal sur les
marchés étrangers ». Cette inaccessibilité des marchés étrangers peut se justifier par la faible
couverture internationale de ces banques mais aussi par le volume élevé des opérations
financières qui s’échange sur ces marchés.
Il est à noter que l’attribution d’un mandat d’introduction en bourse à une banque française ou
étrangère dépend de la stratégie de l’entreprise émettrice et du type d’investisseurs qu’elle
compte atteindre. Une entreprise émettrice française désireuse d’attirer des investisseurs
institutionnels américains ou britanniques va choisir un chef de file ou co-chef de file du pays
31
d’origine de ces investisseurs. Ces banques disposent d’une forte présence commerciale et
possèdent des informations privées sur les investisseurs potentiels.
Il apparaît des différents entretiens que nous avons menés que cette concurrence entre
banques pousse ces dernières à se placer en amont, être à l’affût de toute opération
d’introduction en bourse génératrice de commissions et de parts de marché. Les banques
essaient de susciter l’attention des firmes par un démarchage très actif, elles n’attendent pas
d’être sollicitées mais saisissent les opportunités de marché existantes, motivent les firmes de
l’intérêt d’une telle opération en leur exposant les bénéfices d’une cotation en bourse. Pour
l’introducteur de Biomérieux, « En permanence, nous sommes sollicités par des banques…ce
genre d’opérations est très rémunérateur pour la banque, donc c’est l’occasion de rémunérer
dans des conditions de qualité de prestation la fidélité de certains banquiers ».
Les banques apparaissent alors désireuses de devancer les appels d’offres en essayant de
proposer aux firmes le projet le plus motivant ou le plus créatif. L’interlocuteur de Oxbow
justifie cela : « c’est plus le projet qu’ils avaient, la façon dont ils voient l’entreprise, dont ils
voient l’histoire à raconter au marché, c’est une banque qui nous a plus motivé que les
autres ».
Cet argument sur l’opportunité à saisir et cette notion de « belle histoire » met l’accent sur les
réelles motivations des banques chef de file sur le marché des introductions en bourse : Le
volume de l’opération d’introduction en bourse et les commissions à percevoir sont ils des
critères essentiels dans la sélection des mandats d’émission. Ces interrogations trouveront
leurs réponses lors des discussions avec des banques chefs de file françaises.
Quel est le rôle de la banque chef de file dans un mandat d’introduction en bourse ?
Tous les interlocuteurs s’accordent à dire que le rôle de la banque chef de file lors de
l’opération d’introduction en bourse est fondamental. Les principaux arguments avancés lors
des entretiens sont que la banque chef de file a un rôle de coordination de la procédure
d’introduction et un rôle d’accompagnement de l’entreprise tout au long du processus.
Notre interlocuteur de la SANEF précise que le rôle de la banque chef de file est de
coordonner les procédures entres les différents intervenants (syndicat bancaire, cabinet
d’avocats, management) par le biais de réunions fréquentes qui permettent de faire un point
sur « les différents chantiers juridiques, les chantiers de documentation, l’arrêté des comptes,
les chantiers de relations avec AMF, Euronext, l’offre aux salariés, la communication etc. ».
La banque chef de file a également un rôle de « garant » de l’opération vis-à-vis des
régulateurs de marché et des investisseurs. En effet, la responsabilité de la banque est engagée
car elle doit s’assurer que toutes les informations inscrites dans le prospectus sont correctes.
Une attestation de sincérité est alors délivrée par la banque chef de file aux autorités du
marché certifiant que cette dernière a pris toutes les précautions nécessaires pour s’assurer de
la véracité des informations contenues dans le prospectus. L’interlocuteur de Biomérieux
justifie cela : « la banque chef de file a pour rôle d’être vis-à-vis des investisseurs et des
régulateurs de marché le garant de l’opération. La responsabilité ultime est vis-à-vis des
investisseurs et c’est là où le banquier met son nom et sa réputation en jeu, il la met aussi visà-vis des émetteurs mais à la sortie, s’il y a un problème, c’est comme même vis-à-vis des
marchés et des régulateurs ».
32
La banque chef de file, outre le rôle de pilotage des différents intermédiaires, a aussi pour rôle
de sélectionner des investisseurs de bonne qualité. Pour le responsable de Oxbow, « la banque
chef de file a aussi pour rôle de vous proposer des investisseurs sur lesquels il y a le moins de
déchets possibles, et donc doivent avoir un travail de pré-vente de haute qualité ».
Le rôle d’accompagnement de l’entreprise revient dans beaucoup de nos entretiens. Pour
l’interlocuteur de 123Multimédia, « CSBF avait un rôle très large puisqu’ils nous ont
vraiment accompagné de A à Z. C’est un univers totalement nouveau, des contraintes tout à
fait nouvelles...donc ils nous ont aidé à voir notre activité sous l’angle des investisseurs
potentiels. A tous les niveaux, il étaient présents et ont su nous accompagner et nous aider ».
Ce rôle d’accompagnement pendant tout le processus consiste à structurer l’offre, réaliser le
marketing de l’offre à travers des roads shows, la construction du carnet d’ordres, la fixation
du prix en accord avec l’émetteur, la cotation sur le marché puis la stabilisation du cours après
l’introduction en bourse.
Les interlocuteurs ont insisté sur la notion de « présence » de la banque chef de file à toutes
les étapes de l’introduction en bourse. La banque chef de file, outre son rôle d’organisation,
de placement et de sécurisation de l’opération a aussi un rôle de conseil aux entreprises. Pour
l’interlocuteur de SMTPC, l’implication de la banque chef de file dans le processus
d’introduction en bourse doit être beaucoup plus importante lorsque l’entreprise émettrice est
de petite taille. Il justifie cela de la sorte : « Ce que j’attendais de cette banque, c’est qu’elle
nous aide réellement, qu’elle fasse même un peu plus que ce qu’elle fait lorsqu’elle travaille
avec des sociétés qui ont des moyens internes importants ».
On s’aperçoit à travers les entretiens que la banque chef de file a un rôle plus important lors
de l’introduction en bourse d’une entreprise de petite taille. Dans ces conditions, il serait
important de connaître l’avis des banquiers introducteurs.
Sur quels critères la firme émettrice choisit la banque chef de file ?
Les entretiens menés lors de cette étude montrent que le choix d’une banque chef de file pour
la direction d’une introduction en bourse est contrasté. Les critères de sélection semblent
reposer sur trois facteurs essentiels plus ou moins essentiels chez les uns et les autres : le
facteur relationnel, le facteur de compétence et le facteur de réputation.
Le critère relationnel qui consiste à attribuer le mandat d’introduction en bourse à une
banque chef de file en raison de l’ancienneté de ses relations d’affaires ou de ses relations
personnelles avec les dirigeants revient dans les entretiens avec nos interlocuteurs de
123Multimédia, APRR, SMTPC et Biomérieux. Les relations personnelles avec les managers
de ces banques apparaissent importantes dans les critères de sélection de ces banques par les
émetteurs. Les propos d’123 Multimédia justifient clairement l’importance de ce relationnel
« une introduction en bourse est avant tout une aventure qui prend beaucoup de temps et qui
demande beaucoup de travail en commun, a le facteur humain joue beaucoup et les personnes
de chez CSFB sont des personnes avec qui le courant est passé, qui ont très vite compris notre
activité, nos besoins et contraintes... »
Pour l’interlocuteur d’Oxbow, la relation personnelle avec le responsable du projet
d’introduction en bourse est un motif suffisant pour l’attribution d’un mandat d’introduction,
indépendamment de la qualité de la banque ou de sa réputation : « la personne en charge de
33
l’opération a fait un très bon travail au niveau AMF…cette personne est partie dans une
autre banque donc à l’avenir je travaillerais avec cette personne, peu importe la banque et
les commissions exigées par cette dernière ».
On remarque également que l’ancienneté des relations de travail est un critère important dans
la sélection de la banque chef de file. Ce critère est un facteur suffisant de confiance. En effet,
l’entreprise désireuse de s’introduire en bourse préfère attribuer le mandat d’émission à la
banque avec laquelle elle travaille habituellement compte tenu de l’historique des opérations
et la production d’informations privées générées, ce qui semble créer un climat de confiance
entre les deux parties.
Cette confiance qui régit les relations émetteur / introducteur est développée par Fernando,
Gatchev, Spindt (2003). En effet, pour ces auteurs, une des hypothèses développées consiste à
dire que cette relation est une relation transactionnelle plutôt que relationnelle, dans le sens où
l’émetteur peut changer d’introducteur s’il n’a pas été convaincu de ses prestations. Au cours
de nos entretiens, on remarque que l’émetteur attribue le mandat d’introduction à la banque
avec laquelle elle a eu des relations historiques mais qui a fait « ses preuves » ; c’est la
satisfaction de l’émetteur par rapport aux opérations antécédentes qui fait que la banque est
sélectionnée pour être chef de file.
Cette relation historique joue beaucoup dans l’attribution du mandat d’introduction en bourse
dans le sens où cela permet à l’entreprise émettrice de récompenser sa banque pour sa fidélité.
On retrouve cet argument dans les propos de notre interlocuteur de Biomérieux : « Ce genre
d’opérations est très rémunérateur pour la banque, donc c’est l’occasion de rémunérer, dans
des conditions de qualité de prestation, la fidélité de certains banquiers ».
Le critère de compétence est très important dans l’attribution du mandat d’émission à une
banque chef de file. Dans les entretiens menés auprès de Sanef, Pages Jaunes, APRR, Maroc
Télécom, Oxbow, on remarque que la sélection de l’intermédiaire introducteur est un
processus assez compliqué basé sur un appel d’offres. La sélection du chef de file se fait sur la
base de la prestation des banques au moment de leur « pitch » ; les banques sont
présélectionnées sur la base de leurs dossiers écrits et de leur prestation orale. Le « pitch » est
un moment important pour l’entreprise émettrice car c’est la présentation orale qui permet de
déceler les motivations des banques à comprendre les objectifs et besoins de l’émetteur mais
aussi l’orientation et les enjeux d’une cotation. Pour le responsable de Pages Jaunes, « on fait
un appel d’offres et on leur demande de nous remettre une première réponse pour voir un peu
quelle compréhension ils ont du secteur et qu’est ce qu’ils pouvaient faire sur le placement ».
Cette présélection des banques chef de file sur leur « pitch » semble envoyer un signal positif
aux investisseurs dans le sens où la firme émettrice montre qu’elle sélectionne l’introducteur
sur sa compétence et sa bonne compréhension des besoins de la firme et du secteur dans
lequel opère cette dernière. L’interlocuteur de Maroc Télécom estime que le choix de la
banque chef de file s’est fait indépendamment de l’historique des relations entre l’entreprise et
la banque mais aussi entre l’actionnaire principal (l’état) et la banque. Pour ce responsable,
l’appel d’offres a engagé l’état, ainsi la sélection de la banque chef de file doit être un gage de
transparence par rapport aux investisseurs.
On remarque pour Pages Jaunes qu’une phase de pré-marketing a permis de prendre la
décision finale sur le choix de la/les banques chefs de file. En effet, cette épreuve permet à
l’entreprise de se faire une idée sur la capacité de placement des banques sélectionnées, leurs
forces de vente, leurs carnets d’adresses et aussi leur surface financière (en cas de risque de
34
non placement). Pour le responsable de Pages Jaunes, cette phase de pré-marketing a permis
de rencontrer les différents investisseurs potentiels et aussi de comparer les différentes
fourchettes de prix proposés par ces banques pour le placement.
On remarque alors que l’intensité des rapports entre la banque d’affaires et ces investisseurs
institutionnels est un atout primordial dans le choix par l’émetteur de la banque introductrice.
La réussite d’une opération d’introduction en bourse pour l’émetteur réside notamment dans
la force de vente de la banque et dans la qualité de ses contacts avec les investisseurs.
Sur la majorité des entretiens effectués, nous avons remarqué que les banques émettrices ont
choisi deux banques chefs de file ou plus lors de l’attribution du mandat d’introduction en
bourse. Cette situation montre qu’il n’y a pas d’exclusivité du mandat de chef de file.
L’analyse des entretiens montre que les entreprises vont sélectionner plusieurs banques chefs
de file. Leur sélection va se baser sur :
-
Le choix d’une banque française avec laquelle la firme émettrice a une relation
historique et une banque internationale disposant d’une bonne clientèle institutionnelle
et d’une bonne capacité de placement, complémentaire du point de vue géographique
avec la première ;
ou
- Le choix de plusieurs banques chefs de file compte tenu de la taille de l’opération
d’introduction en bourse (cas des émissions internationales) et de leur réputation sur le
secteur d’activité de la firme émettrice.
Nous remarquons que l’association de plusieurs banques chef de file est reliée positivement à
la taille de l’introduction en bourse, au type d’émission (les émissions internationales
nécessitent plusieurs chefs de file et des syndicats plus larges) et aux exigences de l’émetteur
(Incorporation de banques pour des raisons d’ancienneté de relations). Ceci nous amène aux
hypothèses suivantes :
H1 : Le nombre de banques dans un syndicat bancaire augmente avec la taille de
l’introduction en bourse
H2 : Le partage du chef de filat augmente avec le type d’investisseur ciblé par l’entreprise
émettrice
Nous observons également l’existence d’un critère de réputation lors du choix d’une banque
chef de file par la firme émettrice. A partir des entretiens réalisés, nous remarquons que ce
critère de réputation est défini et perçue de manière différente selon nos interlocuteurs.
Pour l’interlocuteur de 123 Multimédia, la sélection de la banque chef de file a été faite sur la
base de sa réputation définie par sa taille sur son secteur d’activité ; pour les interlocuteurs de
Maroc Télécom et Pages Jaunes, la sélection des chefs de file s’est faite sur la base de leur
réputation définie par l’historique des opérations antérieures menées par ces banques et leurs
expériences dans des dossiers similaires. Pour la responsable d’APRR, la sélection du chef de
file s’est faite sur sa réputation internationale à travers sa force de frappe institutionnelle et la
qualité de son équipe. Enfin, pour nos interlocuteurs de Biomérieux et de la Sanef, la sélection
s’est faite sur la base de la réputation de la banque chef de file définie par sa notoriété. Cette
notoriété consiste à sélectionner la « banque la plus connue », c'est-à-dire la banque la mieux
perçue par les marchés financiers.
.
35
Nous observons alors que les firmes émettrices utilisent aussi le critère de réputation dans le
choix de la banque chef de file. Cependant, on remarque que ce critère est défini de manière
différente d’un interlocuteur à un autre.
On remarque donc que le choix d’une banque chef de file se fait en fonction du mix de ces
critères selon les convictions de l’entreprise émettrice. Certaines firmes préfèreront attribuer
le mandat d’introduction en bourse à la banque avec laquelle elle dispose d’un historique de
relations et une confiance confortée au fil des opérations en faisant abstraction de sa
réputation ou de sa notoriété. Il s’agit ainsi de récompenser ces banques pour leur fidélité et
leur politique d’accompagnement de l’entreprise durant les différents cycles de vie de
l’entreprise.
D’autres sélectionneront la banque chef de file en fonction de ses compétences, de sa
motivation à mener l’opération et de sa créativité dans le projet d’introduction en bourse.
Enfin, certaines entreprises vont sélectionner le chef de file en fonction de sa réputation sur le
marché des introductions en bourse définie par sa part de marché, sa taille, sa notoriété, son
classement.
Nous avons aussi constaté que la taille de la firme émettrice et/ou le volume de l’émission
influent positivement dans le choix de banques chef de file réputées. On pourrait penser alors,
que ces banques ne sont intéressées que par des mandats d’introduction en bourse qui
génèrent de fortes commissions, et qui ne sont pas risqués dans un souci de perte de
réputation. Ceci revient dans les propos de nos interlocuteurs qui confirment que la taille de
l’émission et/ou le type de marché d’introduction sont des critères de sélection utilisés par les
banques dans le choix des mandats d’introduction en bourse. Il serait intéressant de connaître
l’avis des banquiers chef de file pour confirmer ou infirmer cet argument.
Le syndicat bancaire
Le recours à la syndication bancaire lors des introductions en bourse se justifie pour des
raisons de division des risques, de capacité de placement et de surface financière. Le syndicat
bancaire se constitue autour de plusieurs banques qui vont assurer le placement des actions
et/ou garantir le placement. La mission de constitution du syndicat bancaire relève de la
compétence du banquier chef de file.
Nous avons remarqué, lors de nos entretiens, que cette liberté de constitution du syndicat
bancaire par le chef de file n’est pas communément admise par tous nos interlocuteurs. Pour
le responsable de 123 Multimédia, c’est le banquier chef de file qui a choisi les membres du
syndicat en fonction de ces rapports avec les banques, du profil des investisseurs potentiels
etc. Pour d’autres, le choix des membres du syndicat s’est fait selon l’historique des bonnes
relations entre l’actionnaire principal et les banques sélectionnées. Cependant, pour Pages
Jaunes et Biomérieux, nous remarquons que la sélection des membres du syndicat s’est faite
selon le même processus de sélection du banquier chef de file, dans le sens où le classement
des banques par l’émetteur après l’appel d’offres a fourni un rang aux différentes banques
sélectionnées. Ainsi, les banques les mieux classées aux différents niveaux du syndicat
bancaire étaient prioritaires.
Ces observations vont dans le sens des résultats empiriques de Cooney, Hill, Jordan et Singh
(2004) qui ont montré que les membres du syndicat se concurrencent pour être choisis par
l’émetteur et que la sélection des membres du syndicat, après consultation entre la banque
chef de file et l’émetteur, se fait sur la base de la force de vente des banques, de leur capacité
36
de placement des titres à une clientèle particulière, ou dans une zone géographique déterminée
et de leur bonne couverture par les analystes.
Compte tenu de ce qui précède, nous formulons les hypothèses suivantes :
H3 : Le choix d’une structuration de syndication bancaire se fait en fonction de la réputation
et/ou notoriété de la banque chef de file
H4 : Plus l’entreprise émettrice est de bonne qualité, plus les membres du syndicat bancaire
sont réputés
Qu’est ce qu’une banque de « bonne réputation » ?
Compte tenu de cette notion de « réputation » qui apparaît dans la totalité de nos entretiens et
qu’on cherche à comprendre, il nous a paru intéressant d’avoir l’avis des introducteurs sur les
critères qui qualifient une banque de « bonne réputation ».
La firme émettrice va emprunter le nom d’une banque chef de file pour certifier le prix
d’émission et donc la qualité de l’entreprise. Cependant, ces banques ont des noms qui n’ont
pas la même valeur. Certaines banques internationales ont des noms qui ont plus de valeur
que d’autres, ceci nous conduit à comprendre la notion de réputation.
Pour les interlocuteurs la notion de réputation d’une banque est définie par rapport à des
critères objectifs (capacité de placement, capacité de recherche etc.) et non pas des critères de
classement de banques. Notre interlocuteur de Biomérieux justifie cela : « la réputation sans
critère objectif ne me paraît pas acceptable…je suis assez sceptique sur les classements de
quelque nature que ce soit faits par certaines revues dont on ne connaît pas l’indépendance
par rapport aux firmes qui sont évaluées ».
En abordant dans nos entretiens les critères qui font qu’une banque chef de file est plus
réputée qu’une autre, les interlocuteurs s’accordent à dire qu’une banque chef de file de bonne
réputation est une banque de grande taille, qui a une forte part de marché. Cette banque a une
capacité à sélectionner les investisseurs et les « profiler » en fonction de l’offre de l’émetteur.
C’est aussi une banque qui dispose d’une forte capacité de placement. Cela implique de
disposer de tous les moyens techniques et humains pour placer un grand nombre de titres en
très peu de temps (sur ce point, les banques anglo-saxonnes sont performantes et démontrent
d’une capacité de placement très forte). On retrouve ces arguments dans les propos de notre
interlocuteur de 123 Multimédia : « les critères qui qualifient une banque de bonne réputation
sont sa taille, ses introductions ou opérations réalisées, ses parts de marché, ses références
sur les sociétés qu’elle a introduite, les opérations de fusions et acquisitions qu’elle a menées
à bout, sa couverture tant au niveau de l’analyse des investisseurs qu’elle connaît, sa
capacité à présenter les bons investisseurs, à bien les sélectionner en fonction de l’offre et de
la société. Après, bien sûr, il y a le facteur humain, vous pouvez avoir la meilleure banque qui
soit, si la personne que vous avez en face ne convient pas, c’est forcément beaucoup plus
délicat ».
Une banque de bonne réputation est une banque qui est aussi créative, qui va se distinguer par
l’originalité de ses propositions. C’est une banque qui doit disposer de managers très
compétents, qui ont un rôle de conseil et qui instaurent un climat de confiance avec
l’émetteur. Notre interlocuteur de la SANEF insiste sur le fait que toutes les banques se valent
sur le marché mais que la meilleur banque chef de file est celle qui apporte une valeur ajoutée
37
supplémentaire par rapport aux autres : « toutes les banques ont en gros de bons techniciens et
personne ne dit de bêtises mais il y a le petit plus qui est un peu plus subjectif qui est du
conseil de haut niveau donné au bon moment ».
Parmi les critères de réputation d’une banque, on distingue aussi la notoriété. Une banque de
bonne réputation est une banque qui est connue et reconnue par ses partenaires et aussi par les
émetteurs. « Le bouche à oreille » semble être un gage de la qualité de la banque chef de file.
Cette notoriété de la banque repose aussi sur la notoriété de ses managers. Le facteur humain
est alors prépondérant comme le souligne notre interlocuteur d’Oxbow : « tout le monde se
connaît, c’est un petit monde, demain si je dois choisir un partenaire, je vais avant tout me
fier à ce que me disent les gens que je connais, d’autres émetteurs. Le bouche à oreille est
plus important que ce que le commercial veut me vendre ou ce que je peux en lire…je suis
persuadé et convaincu que c’est la personne qui fait la banque, c’est l’humain que vous avez
en face au-delà de la marque et de l’uniforme qu’il porte, d’ailleurs vous voyez bien que les
clients partent avec leurs banquiers ».
Quels sont les points de négociation entre l’entreprise émettrice et la banque chef de
file ?
Les relations qui régissent les rapports entre la firme émettrice et la banque chef de file lors
des introductions en bourse ont une portée commerciale dans le sens où des négociations ont
lieu de part et d’autre sur l’opération. Les entretiens montrent qu’il existe deux points de
négociation importants qui sont le prix d’offre et/ou les commissions bancaires.
La première étape principale d’une introduction en bourse est la fixation du prix d’offre. Nous
remarquons, à travers nos entretiens, que le prix d’offre naît de la discussion entre les
différents intervenants dans une introduction en bourse, à savoir les cabinets d’avocat, les
actionnaires majoritaires et les banques chefs de file.
Certaines entreprises fixent leur prix d’offre à partir de leurs propres outils internes
d’évaluation et/ ou effectuent des valorisations par l’intermédiaire de cabinets d’audit/conseil,
ceci dans le but de négocier et valoriser au mieux leur entreprise lors de la discussion avec le
banquier chef de file. Nous pensons alors que les entreprises qui disposent de moyens internes
d’évaluation sont de taille assez conséquente, et disposent d’un pouvoir de négociation du
prix d’offre plus important.
Comme le souligne notre interlocuteur d’Oxbow, la fixation du prix d’offre est un élément
important dans la stratégie décisionnelle de l’entreprise. L’écart possible entre le prix proposé
par la banque chef de file avant la cotation et la fourchette de prix recommandé par les
analystes montre que les introducteurs peuvent être tentés de valoriser l’entreprise à un prix
qui ne reflète pas la « juste valeur » de la firme, ceci dans le but de proposer un prix attractif
qui se distingue des banques concurrentes et qui pourrait inciter l’entreprise à attribuer le
mandat d’introduction en bourse à cette banque. Il est ainsi recommandé, comme le souligne
l’interlocuteur d’Oxbow, de demander une analyse indépendante en terme de valorisation :
« je pense qu’ils nous ont attiré par une valorisation qui était plus intéressante… Au début de
l’histoire et de l’argumentation faite par la banque, ils nous ont dit que l’introduction en
bourse pouvait se faire à tel cours mais on a remarqué par la suite un écart entre ce cours et
la fourchette haute…Avec le recul si j’avais à revenir en arrière, j’aurais demandé une
contre-expertise, parce que si on nous motive par un prix et qu’on se retrouve avec un prix
38
bien en deçà, cela peut avoir une approche stratégie-décision qui n’est plus du tout la même
et que peut être vous n’aurez pas prise…Vous savez je peux vous démontrer que ma boîte vaut
7 comme je peux vous démontrer qu’elle vaut 15 !! La vraie rencontre a lieu avec les
investisseurs ».
Le prix d’offre apparaît comme un véritable enjeu entre la/les banques chefs de file et
l’émetteur. A partir du moment où la banque chef de file est choisie, les objectifs de la firme
émettrice et de l’intermédiaire introducteur peuvent diverger en raison des différents conflits
d’intérêts qui peuvent survenir entre les actionnaires et le management de l’entreprise puis
entre les actionnaires et la banque chef de file. Le management souhaite que l’opération
d’introduction en bourse soit un succès, il désire une courbe de progression de son cours de
façon à ce qu’il ne se justifie pas sur une éventuelle stagnation ou régression du cours.
L’actionnaire, par contre, cherche à maximiser ses revenus et donc souhaite que le cours soit
très haut afin de faire le plus de profit ; enfin le banquier chef de file va tirer dans l’autre sens
afin de maximiser la probabilité de réussite de l’opération et ne pas rencontrer des problèmes
de placement de titres.
L’interlocuteur de 123 Multimédia présente clairement ce point de vue : « il y a bien sûr des
divergences, des points de vue…C’est de la discussion et de la confrontation des opinions que
naissent les projets…vous saviez l’offre a été sursouscrite entre 9 et 10 fois, il n’y avait plus
de limitation de prix, donc on aurait pu pricer tout en haut de la fourchette et au contraire, on
s’est mis un peu en dessous pour laisser une marge, nous avions besoin de lever des fonds,
forcément plus c’est haut plus c’est intéressant, mais la banque a bien su nous faire
comprendre qu’il fallait laisser une marge de manœuvre aux investisseurs pour qu’ils soient
satisfaits et qu’ils nous suivent dans le long terme…c’est leur expérience qui nous a
convaincu ».
Nous remarquons, alors, que la banque chef de file semble freiner les motivations des
entreprises à vouloir maximiser le prix d’offre. Certains de nos entretiens montrent que la
banque chef de file va convaincre l’entreprise émettrice de fixer un prix d’offre raisonnable
qui garantisse le succès de l’opération d’introduction en bourse et qui laisse une marge de
progression du cours. Notre interlocuteur de SMTPC justifie cela : « Dans une introduction en
bourse, le prix d’offre est toujours faible pour l’émetteur et toujours trop élevé pour
l’investisseur. Si on avait placé à cent euros, il n’est pas sûr qu’on aurait eu autant
d’acheteurs, et ce que m’ont appris ces banquiers, c’est qu’en fixant un prix trop élevé, cela
impacterait négativement l’image de l’entreprise au niveau du marché car il n’y a rien de
pire que d’avoir du mal à placer un titre ou de le voir baisser ».
La confrontation et la prise de position du management lors de la détermination du prix
d’offre nous est relatée par notre interlocuteur d’APRR : « il y a eu des divergences entre
HSBC et nous dans la mesure où l’état protège l’intérêt patrimonial national, maintenant on
a eu des discussions, une fois la fourchette de prix fixée, il fallait savoir à quel niveau de
fourchette de prix, on allait fixer notre prix d’offre, il faut quand même rendre hommage à
notre management qui s’est battu pour qu’on sorte à un prix qui soit juste ».
Le second point de négociation qui revient dans certains de nos entretiens concerne les
commissions bancaires supportées par l’entreprise émettrice lors de l’opération d’introduction
en bourse. Il convient tout d’abord de présenter l’avis de nos interlocuteurs sur les différentes
commissions versées par l’entreprise émettrice lors de l’opération d’introduction en bourse.
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Les commissions versées au syndicat bancaire se composent des commissions de direction
(management fees), des commissions de garantie (underwriting fees) et des commissions de
placement (selling fees). Nous remarquons, à travers nos entretiens que les entreprises
supportent des frais lors de la pré-introduction, comme on le souligne dans notre revue de
littérature (coûts exante). Ces frais restent cependant minimes et difficilement mesurables par
rapport aux commissions versées aux différents intervenants. Ce sont des frais liés à une
organisation d’activités, à une mise à niveau de la communication financière etc…pour
permettre des gains de productivité et d’efficacité.
Tous les interlocuteurs s’accordent à dire que les frais liés à la pré-introduction sont
nécessaires et ne peuvent être que productifs pour l’entreprise mais restent cependant minimes
par rapport aux frais de rémunération des intermédiaires. Notre interlocuteur de Pages
Jaunes justifie cela « il y a eu très peu de coûts liés à la préparation de l’introduction en
bourse, on n’a pas réorganisé notre activité mais il y a eu un certain nombre de transferts de
filiales, de mises à niveau de contrats intragroupes, cela entraîne des frais non représentatifs
par rapport au coût des intermédiaires ».
Un de nos interlocuteurs insiste sur l’impact négatif que peuvent avoir ces coûts de préintroduction sur l’activité de l’entreprise. Le responsable de 123 Multimédia justifie cela :
« En matière de reporting, de réorganisation des activités, cela engendre des coûts de
pré-introdution, vous avez des équipes qui sont formatés pour vos besoins en interne, les
besoins d’une société cotée sont bien plus importants, donc vous avez besoin d’y faire face en
matière de communication, notamment financière. Après il y a toute la partie frais indirects,
déplacements etc…et qui sont plus difficiles à quantifier, la mobilisation du taux de
management dans ce processus, c'est-à-dire que la période pendant laquelle les managers
sont impliqués dans le processus de préparation de l’introduction en bourse, ils font autre
chose et ceci a un impact certain sur l’activité de l’entreprise ».
D’après nos entretiens, il apparaît que les commissions bancaires représentent 50 à 65 % des
frais liés à l’introduction en bourse. A titre d’illustration, nous présentons la justification de
ces frais chez Pages Jaunes : « il y avait dans la note d’opération une estimation globale de
l’enveloppe. Il y a eu trois tranches de frais : une tranche assez fine qui a été la rémunération
des banques conseils qui ont préparé en amont l’introduction en bourse avant la sélection du
syndicat, ensuite la tranche de rémunération des membres du syndicat avec les commissions
de direction, les commissions de garantie ainsi que des commissions de placement, cela
représentant à peu prés 1 à 2%, il y avait en résumé une commission fixe et une commission
proportionnelle au placement ».
Nous allons aborder le second point de négociation apparu dans certains de nos entretiens qui
concerne les commissions bancaires. Nos interlocuteurs de Sanef, APRR, SMTPC,
Biomérieux et Oxbow reconnaissent que les frais des intermédiaires étaient un point de
négociation entre les actionnaires et le syndicat. Les possibilités de discussion de ces
commissions sont réelles comme le souligne l’interlocuteur de Biomérieux : « Nous avons eu
plus de banques qui se sont proposées que de gens qu’on voulait retenir, donc ça nous a
permis de faire jouer la concurrence et faire en sorte que chacun soit rétribué. Ceci est un
sujet de négociation, les pourcentages, la répartition entre part fixe, commission de base et le
bonus, et la répartition entre les membres du syndicat. A la sortie, on avait un barème
commun mais au départ, il y avait des différences à la fois au niveau de l’enveloppe globale
et dans la structure de cette enveloppe ».
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L’interlocuteur d’Oxbow insiste sur les négociations accrues des commissions bancaires avec
les banques chef de file. Ce dernier explique : « les commissions étaient un véritable point de
négociation entre les actionnaires et les deux banques…on a négocié jusqu’au dernier
moment dizaine de milliers d’euros par dizaine de millier d’euros ».
Cependant, nous remarquons qu’il n’y a pas eu de négociations sur les commissions bancaires
entre l’émetteur et la/les banques chefs de file pour nos interlocuteurs de Pages jaunes, 123
Multimédia et Maroc Télécom. Ces commissions ont été fixées à la sélection des
introducteurs. Il apparaît alors que ces frais faisaient partie des critères de sélection du
banquier chef de file. La remarque du responsable de Pages Jaunes est très explicite : « il n’y
a pas eu de négociations sur les commissions car, pour les banques qui ont été sélectionnées,
on leur a donné tout un fascicule mentionnant la structure des frais qui était détaillé sur cinq
pages donc il n’y a pas eu de négociation sur les commissions à percevoir ».
Il serait intéressant d’avoir l’avis des banques sur les différents points de négociation avec
l’émetteur lors d’un mandat d’introduction en bourse. Il apparaît alors, que la fixation du prix
d’offre et des commissions bancaires se déterminent en fonction du pouvoir de négociation de
l’émetteur.
Pour les interlocuteurs de SMTPC et Oxbow, il existe une relation positive entre la réputation
de la banque chef de file, sa taille et les commissions exigées par cette dernière. Le propos
illustratif est celui de l’interlocuteur d’Oxbow qui critique le coût élevé des commissions
bancaires : « Je pense que la banque a pour métier de prendre des commissions, je pense que
les banques sont chères. Certaines banques internationales exigent de fortes commissions et
je trouve que cela est disproportionné par rapport au service rendu ».
Il serait nécessaire de recueillir les réactions des banques par rapport à ce propos. Les banques
chef de file les plus réputées ont-elles tendance à facturer des commissions plus importantes
que celles de la moyenne des banques ? Eu égard à la littérature existante, il est démontré que
cette relation est positive. Plus la banque est réputée, plus elle va mener des opérations
d’introduction en bourse et plus elle va facturer des commissions élevées
(Chemmanur&Fulghieri 1994). Dans ce contexte, l’entreprise émettrice ne peut négocier car
la banque chef de file justifie le niveau de ces frais par sa réputation et sa compétence.
Ceci nous conduit à poser les hypothèses suivantes :
H5 : Le rapport de force entre l’émetteur et la banque chef de file influence la négociation
du prix d’offre et des commissions à verser au syndicat bancaire
H6 : Plus la banque chef de file est réputée, plus les commissions bancaires facturées sont
élevées
H7 : Plus la banque chef de file est réputée, plus la sous-évaluation à l’introduction en
bourse est faible
H8 : Plus la banque chef de file est réputée, plus le pouvoir de négociation du prix d’offre
par l’émetteur est faible
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Conclusion
De cette présentation du choix de la banque chef de file lors d’une introduction en bourse et
de cette notion de réputation, nous avons pu dresser plusieurs hypothèses intéressantes eu
égard à la revue de littérature existante.
Les entretiens réalisés pour cette étude exploratoire nous ont permis de recueillir différents
points de vue d’entreprises récemment introduites en bourse. Nous avons pu ainsi aborder les
différentes relations existantes entre les banques chefs de file et les entreprises émettrices lors
de l’attribution des mandats d’introductions en bourse.
Ces entretiens nous ont donné une première idée sur les différents critères de choix du
banquier chef de file et sur la notion de réputation qu’on essaie de définir et en mesurer
l’influence.
Les hypothèses émises au cours de cette étude seront confortées par les entretiens que nous
allons réaliser prochainement avec les banquiers chef de file. En effet, il est intéressant de
recueillir les impressions de ces banques sur les différents thèmes abordés au cours de ces
entretiens.
Les échéances à venir, pour l’accomplissement de cette recherche seront les suivantes :
¾ Réalisation d’entretiens auprès des principales banques chef de file françaises (Natexis
Bleichroeder, BNP Corporate&Investment Banking, SG Corporate&Investment Banking,
Crédit Lyonnais Corporate Finance)
¾ Développement d’un modèle d’optimisation consistant à mesurer le nombre optimal de
banques à inclure dans le syndicat par la banque chef de file (risque de non placement des
titres et coût de révélation d’informations aux autres membres du syndicat)
¾ Constitution d’une base de données d’introductions en bourse réalisées entre 1994 et 2004
sur les marchés boursiers européens et réalisation des tests empiriques sur la base des
hypothèses développées.
42
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