Droit commercial

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Droit commercial
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Introduction
Le droit commercial évoque simultanément les notions de droit économique, de droit
relatif à l’entreprise voire de droit des affaires. Il n’existe pas de définition juridique
de l’entreprise, et le monde des affaires est indiscutablement organisé par différentes
branches du droit, qu’on songe à l’importance des marchés publics administrés par le
droit public, ou encore à l’encadrement des pratiques commerciales par le droit pénal
mais aussi par le droit de la consommation et de la concurrence. On peut déjà noter
que le droit commercial intéresse essentiellement le professionnel dans son activité de
commerce. Il est un droit d’exception par rapport au droit civil et se distingue du droit
de la consommation.
La délimitation du domaine du droit commercial suppose de mener une réflexion plus
approfondie sur ses fondements (1). Ses sources n’ont pas la même physionomie qu’en
droit civil (2) et les structures matérielles de l’organisation du commerce lui sont spécifiques (3).
1 • LA DÉFINITION DU DROIT COMMERCIAL
La définition du domaine du droit commercial dépend de la question de savoir si
les notions de commerçant et d’acte de commerce sont les critères de la commercialité (A). L’impossibilité d’établir un critère unique donne son originalité au droit
commercial (B).
A - Le domaine du droit commercial
La définition du domaine du droit commercial appelle à rechercher ses critères et à le
distinguer du droit civil.
1) La double conception de la commercialité
La délimitation du domaine du droit commercial présente une grande importance. Par
exemple, entre commerçants la preuve est libre. L’existence du contrat peut ainsi être
établie par de simples témoignages, ce qui n’est pas admis en droit civil puisqu’un écrit
est presque toujours nécessaire.
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MÉMENTO – DROIT COMMERCIAL
Deux conceptions du droit commercial sont envisageables, une conception objective et
une conception subjective :
– la conception subjective repose sur la qualité des acteurs. Le droit commercial
serait celui des commerçants. Toute personne à qui serait reconnue cette qualité se
verrait appliquer des règles spécifiques. Cette conception renvoie à l’idée qu’il s’agirait d’un droit professionnel et corporatiste. Cette approche puise dans la tradition et
l’histoire du droit commercial ;
– la conception objective envisage uniquement l’acte. Le droit commercial serait le
droit des actes de commerce, indépendamment de la qualité de celui qui les conclut
et les exécute. Il est exact que la loi consacre parfois cette vision. On applique
toujours, par exemple, le droit commercial aux lettres de change.
L’énoncé de l’article L. 121-1 du Code de commerce suffit à montrer que le droit
commercial accueille les deux points de vue. Cet article révèle que « sont commerçants
ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».
On comprend dès lors que le fondement du droit commercial est mixte.
Certains actes se verront systématiquement appliquer le droit commercial, comme
la lettre de change, et ce, indépendamment de la qualité de celui qui en est le
porteur. Réciproquement, certains actes civils par nature seront soumis au droit
commercial parce qu’ils ont été passés par des commerçants, le cas le plus typique
étant celui de la vente.
2) Les rapports entre le droit civil et le droit commercial
Le droit commercial constitue une branche du droit qui fait exception au droit civil.
Le droit commercial, censé régir le monde des affaires, se distingue par une plus
grande souplesse qui permet de faciliter les échanges. Ainsi l’écrit n’est pas exigé en
ce qui concerne la preuve des actes de commerce, de même la solidarité entre
commerçants est présumée. De plus, les règles résultent parfois de la pratique, il s’agit
des usages commerciaux. Toutefois la délimitation entre le droit commun, le droit civil
donc, et le droit commercial n’est pas si nette. D’abord le droit commercial n’est pas
un droit autonome, il se définit par rapport au droit civil, soit pour y déroger, soit pour
établir des règles spécifiques et complémentaires. Le droit des sociétés repose ainsi sur
quelques articles du Code civil, mais l’essentiel de son corpus est organisé par le Code
de commerce. Il faut dire que le droit commercial est construit autour des notions
civilistes de patrimoine, de personne morale, de propriété, d’obligation… de sorte que
la frontière entre le droit commercial et le droit civil est impossible à tracer de manière
franche. De plus, en sens inverse, certaines techniques originellement commercialistes
ont été introduites en droit civil. C’est le cas des procédures collectives, qui sont
aujourd’hui applicables aux personnes civiles, aux artisans et aux agriculteurs. De
même les règles qui concernent les sociétés commerciales ont été en partie transposées aux sociétés civiles. Ainsi s’achemine-t-on progressivement vers une certaine unité
entre le droit civil et le droit commercial, tout au moins en ce qui concerne les activités
professionnelles.
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B - Les fondements du droit commercial
Trois critères permettent de saisir l’essence du droit commercial et de la commercialité :
la circulation des richesses, la spéculation et l’entreprise. Aucun de ces critères
n’est pourtant totalement satisfaisant, c’est pourquoi l’approche purement positiviste
semble la seule adéquate.
1) La circulation des richesses
Le critère de la circulation des richesses a été mis en lumière par Thaller au début du
XXe siècle. Grand nom du droit commercial, cet auteur proposait d’appréhender le droit
commercial comme le droit des intermédiaires dans le monde de l’activité économique.
Le droit commercial serait ainsi essentiellement le droit des fournisseurs et des distributeurs. Son approche permet certainement d’expliquer pourquoi les producteurs ne sont
pas considérés comme des commerçants. Elle permet aussi d’expliquer pourquoi les
consommateurs ne se voient pas appliquer le droit commercial. Toutefois, il existe différentes activités qui sont intermédiaires, qui participent au marché en tant qu’activité et
qui relèvent du droit civil. En matière agricole ou artisanale, comme on le verra, l’achat
de biens pour la revente ne constitue pas systématiquement une activité commerciale.
Le critère de la circulation des richesses est donc insuffisant à tout expliquer de la
commercialité.
2) La recherche du profit
Le critère de la spéculation suppose que la commercialité ait pour but la recherche du
profit. Ce critère est opérationnel à la marge. Ainsi, certains actes normalement considérés comme civils seront commerciaux lorsque la spéculation en est le moteur central.
L’association qui procède principalement à l’achat de biens pour la revente et qui en
tire un bénéfice est commerciale, il en va de même pour l’artisan dont l’activité
manuelle est secondaire par rapport au profit qu’il tire de la revente de matériel. À
l’inverse, l’acte purement gratuit, qui ne s’inscrit dans aucun contexte commercial, est
nécessairement civil. Une œuvre de charité ne peut pas en principe être considérée
comme étant une activité commerciale. Cependant, l’absence de spéculation ne
fournit pas à coup sûr la certitude de l’absence de commercialité, pas plus que la
recherche du profit n’exclût le droit civil. Ainsi, les promoteurs immobiliers relèvent du
droit civil, alors même que la spéculation est évidente. De plus, certaines activités n’ont
pas pour objet principal la recherche du profit et sont pourtant commerciales, certaines
pratiques, comme le crédit gratuit, entrent dans cette catégorie. On peut surtout
reprocher, selon le cadre d’analyse marxiste, que le critère de la spéculation n’est pas
spécifique au droit commercial mais plus généralement celui du droit dans les sociétés
capitalistes. En effet, on voit mal pourquoi l’intérêt personnel financier serait l’apanage
des commerçants ou le fondement exclusif des actes de commerce. Une personne
civile, lorsqu’elle passe un acte, recherche aussi un profit de sorte que ce critère est trop
flou pour permettre de comprendre le droit commercial.