Fabliaux du - biblio

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Fabliaux du
Moyen Âge
Livret pédagogique
Établi par Brigitte Wagneur,
agrégée de lettres classiques,
professeur en collège-lycée.
HACHETTE
Éducation
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Conception graphique
Couverture et intérieur : Médiamax
Mise en page
Alinéa
Illustration
Harvey Stevenson
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L. 122-4 et
L. 122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du
copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « les analyses et les
courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants
cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation
de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des
Grands-Augustins 75006 Paris) constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les
articles 425 et suivants du Code pénal.
© Hachette Livre, 2000.
43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.
ISBN : 2.01.167956.7
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O M M A I R E
RÉPONSES
AU X Q U E S T I O N S
L a co u ve r t u r e p a r t a g é e – Le v i l a i n d e Fa r b u s . . . . . . . . . . . . 4
Estula – Les perdrix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Le paysan devenu médecin –
Le tailleur du roi et son apprenti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
La vieille qui graissa la main du chevalier –
Brunain la vache du prêtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Le pauvre mercier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Les trois aveugles de Compiègne –
Le repas de Villon et de ses compagnons . . . . . . . . . . . . . . 27
Retour sur l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
PROPOSITION
E X P L O I TAT I O N
DE SÉQUENCE DIDACTIQUE
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DU GROUPEMENT DE TEXTES
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P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N TA I R E S –
B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N TA I R E
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RÉPONSES
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QUESTIONS
Avertissement
Nous ne proposons pas de réponses aux questions des rubriques « À vos
plumes ! » et « Mise en scène ». En effet, nous considérons que cette rubrique,
relevant avant tout d’un travail personnel, ne peut faire l’objet d’une correction type. Les indications de page accompagnant les fabliaux renvoient aux
questionnaires du livre de l’élève.
L A CO U V E R T U R E PA R TAG É E –
L E V I L A I N D E FA R B U S ( p. 1 9 )
◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ?
1. Dans La couverture partagée, le vieillard était autrefois un homme riche,
mais, par amour pour son fils, il s’était démuni à son profit de tous ses biens
pour lui assurer une existence aisée. Il ne possède plus rien : « De tout ce
qu’il avait, il ne garda guère pour lui de choses qui valussent plus de deux œufs »
(l. 12-13). Sa situation matérielle est donc due à sa générosité et à son
amour paternel.
2. C’est l’épouse de son fils qui est à l’origine du renvoi du vieillard, car elle
hait son beau-père, car selon elle, « Non seulement il ne gagne pas son pain mais,
de plus, il est constamment ivre ! » (l. 23-24). Elle exige de son mari qu’il le renvoie dès le lendemain.
3. Avant de partir, le vieillard demande à son fils « une vieille robe » (l. 60)
parmi celles qu’il ne porte plus ou « une des vieilles couvertures » (l. 61) qui sert
à couvrir les chevaux. Son fils commence par refuser : « Ne comptez pas sur moi
pour vous faire du bien ou pour subvenir à vos dépenses » (l. 57-59), puis il accepte
que son fils donne à son père « une vieille housse de cheval » (l. 66).
4. Dans Le vilain de Farbus, le vilain se rend au marché avec son fils « pour
l’initier à la vie et aux coutumes du marché » (l. 12-13) en faisant les achats
demandés par sa femme : un râteau et un gâteau.
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La couverture partagée – Le vilain de Farbus
5. Avant de toucher le fer posé par terre, Robin prend la précaution de le
mouiller en crachant dessus pour vérifier s’il est froid ou chaud ; comme la
salive se met à bouillir, il ne touche pas au fer de peur de se brûler (l. 19-20).
6. Le vilain en fait autant pour manger sa cuillerée de morteruel « Mais le morteruel qui avait été porté à l’ébullition sur le feu de brindilles, ne frémit pas. » (l. 66 sq.),
en effet un liquide ne réagit pas comme un métal. C’est pourquoi le vilain se
brûle gravement la langue, la gorge et le tube digestif.
◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
7. Champ lexical de la possession dans La couverture partagée :
– « il se démit à son profit de tout ce qu’il possédait ; de tout ce qu’il avait, il ne garda
guère pour lui de choses » (l. 12-13).
– « Pensez-vous donc être riche ? Même si vous possédiez plus que vous n’avez »
(l. 20-21).
– « il accepta de réduire à la misère son père qui, pour lui, s’était mis sur la paille »
(l. 30-31).
– « le jour où je me suis entièrement démuni pour toi, j’ai perdu et mes biens et mes
amis ; donne-moi au moins une robe. Je n’ai plus ni chausses, ni souliers » (l. 48-53).
– « et son fils aussitôt lui rendit tous les biens et le bétail de la maison » (l. 117-120).
– « celui qui donne tout ce qu’il possède à son fils » (l. 125-126).
– « si son avoir » (l. 128).
Ce champ lexical, essentiellement constitué de verbes et de locutions verbales, montre par sa richesse qu’il s’agit là d’un thème important du fabliau.
Champ lexical de la gourmandise dans Le vilain de Farbus :
– « un gâteau qu’elle voulait tout chaud et croustillant » (l. 5-6).
– « devant un étal où l’on vendait du pain, du vin, de la cervoise, des petits pâtés et
bien d’autres choses ; Robin, qui était très gourmand, déclara aussitôt qu’il voulait en
avoir » (l. 36-39)
– « un gâteau mal travaillé et plein de grumeaux » (l. 44-45).
– « je meurs de faim » (l. 53) ; « le vilain en a l’eau à la bouche » (l. 57).
– « il la [son écuelle] remplit autant qu’il le peut de morteruel bouillant » (l. 64-65).
La gourmandise des personnages, et en particulier du vilain, justifie la mésaventure qui lui arrive avec le « morteruel » et constitue un défaut populaire
souvent critiqué dans les fabliaux.
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QUESTIONS
8. « Je vous taillerai un habit dans le même drap » (l. 105-106) est une expression
imagée.Au sens figuré, elle signifie qu’il agira de la même façon que son père
lorsque celui-ci sera vieux ; c’est-à-dire qu’il lui donnera l’autre moitié de la
couverture donnée à son grand-père et rien de plus. L’expression est humoristique parce qu’elle fonctionne ici au sens propre autant qu’au sens figuré,
comme le prouvent les explications de l’enfant : « je vous habillerai de la même
manière que vous habillez votre père qui paie bien cher toute la peine qu’il a prise
pour vous » (l. 102-104).
9. «Un visage plus renfrogné qu’un plat à barbe ou une arbalète» (l. 48-50), évoque de
façon imagée une physionomie désagréable, une expression grimaçante, comme
la forme particulière du plat utilisé par les barbiers, échancré pour s’adapter au
cou du client à qui l’on fait la barbe, ou bien comme cette arme dont l’on tend
la corde pour projeter des traits. Il s’agit d’une comparaison satirique qui insiste
sur l’absence de féminité et de douceur de la femme du vilain.
◆ É TUDIER LE DISCOURS
10. Dans le premier paragraphe de chacun des deux fabliaux, un narrateur,
sans doute l’auteur, jongleur ou clerc, s’adresse aux auditeurs comme le prouvent les pronoms personnels utilisés : « je » qui désigne le locuteur, et « vous »
qui désigne les destinataires. De plus, dans La couverture partagée, le narrateur
précise que cette histoire lui a été racontée. Dans Le vilain de Farbus, les destinataires sont précisés par l’apostrophe « Seigneurs », qui ouvre le récit, et le
narrateur se met en scène par l’expression « ainsi que vous allez m’entendre le
raconter » (l. 3-4).
11. Le dernier paragraphe des deux fabliaux reprend le dialogue avec les
auditeurs, au moyen des mêmes pronoms personnels : « Par cet exemple, je veux
vous montrer… » (La couverture partagée, l. 124), mais il ajoute en plus un
conseil aux destinataires, exprimé par un impératif à la deuxième personne
du pluriel : « Utilisez vous-mêmes… » (l. 130) et une formule de conclusion
personnelle qui insiste sur la présence du narrateur-auteur : « C’est ainsi que je
conclurai mon conte » (l. 132-133). Destinataires et narrateur sont également
présents dans le dernier paragraphe du Vilain de Farbus, par la même apostrophe qu’au début du récit « Seigneurs » (l. 93) et par une marque de jugement personnel de l’auteur « ainsi que je le pense » (l. 95). Ces indices nous
rappellent que les fabliaux étaient des récits transmis oralement, où l’échange
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La couverture partagée – Le vilain de Farbus
entre le conteur et les auditeurs jouait un rôle déterminant et influait même
sur le contenu du récit.
◆ É TUDIER LE GENRE DU TEXTE
12. Un conte moral (La couverture partagée) : ce fabliau met en évidence
l’ingratitude du fils qui, à la demande de sa femme, est prêt à chasser son
père, vieux et sans ressources, alors qu’il tient tout ce qu’il possède de lui.
Il lui reproche de ne pas avoir participé aux travaux domestiques et de
n’avoir fait que s’enivrer. L’ingratitude, et même la cruauté du fils s’expriment surtout dans la réplique suivante : « Je suis excédé de vous voir encore vivre !
Ne comptez pas sur moi pour vous faire du bien ou pour subvenir à vos dépenses »
(l. 57-59). La leçon morale est apportée par le petit-fils qui menace d’agir de
la même façon à l’égard de son père, lorsque celui-ci sera vieux. Il provoque
ainsi une prise de conscience chez le fils qui a honte de son comportement
et demande à son père de le pardonner, avant de lui rendre tous ses biens.
L’auteur insiste sur la sagesse de conserver son propre bien pour rester maître
de soi. La générosité est donc ici assimilée à la folie.
13. Un conte comique (Le vilain de Farbus) : ce fabliau fait la satire amusante
de la bêtise du vilain, qui tout d’abord est attiré par le fer chaud posé par terre
« pour tromper les fourbes et les niais qui, souvent, s’y laissaient prendre » (l. 15-16).
Son fils est plus méfiant et teste le fer avant de le toucher, ce qui provoque la
surprise du vilain qui se fait expliquer comment éprouver la chaleur du fer :
« Le vilain, qui était ignorant, lui demanda pourquoi il ne l’avait pas pris » (l. 22-23).
La satisfaction comique qu’il montre à l’issue des explications de son fils
prouve également sa naïveté : « Eh bien, tu m’as appris là une chose que j’apprécie
beaucoup, fit le vilain, car souvent je me suis brûlé la langue ou le doigt en attrapant
quelque chose mais quand, dorénavant, le besoin s’en fera sentir, je m’y prendrai comme
tu l’as fait » (l. 31-35). Mais sa bêtise apparaît surtout dans l’application qu’il fait
de la leçon, sur le morteruel bouillant, sans faire de distinction entre un métal
et un liquide : « il la remplit autant qu’il le peut de morteruel bouillant et crache dessus
afin de ne pas se brûler, ainsi que Robin l’avait fait sur le fer chaud » (l. 64-66). De
plus, ensuite, il se met comiquement en colère contre son fils en l’accusant de
l’avoir trompé. Sa bêtise est d’ailleurs soulignée ironiquement par Robin :
« Certes, fait Robin, c’est surprenant de voir qu’à votre âge, vous ne savez pas encore
manger ! » (l. 75-76). Le vilain conjugue la convoitise et la bêtise, ce qui provoque ses mésaventures comiques.
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QUESTIONS
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
14. Dans La couverture partagée, le narrateur ménage un effet de surprise dans
la réponse de l’enfant à son grand-père, aux lignes 76-79 : « Eh bien, allez dire
à mon père que vous n’avez pas eu gain de cause : vous n’aurez que la moitié de la
couverture, je vous le certifie. Pour ce qui est de l’autre, je refuse de vous la donner. »
En effet, le refus de donner la couverture entière, qui n’est accompagné d’aucune justification, surprend le lecteur qui ne s’attendait pas à cette réaction.
La réponse semble incompréhensible et absurde. Cela permet de retarder les
explications de l’enfant et de mettre davantage en valeur la leçon de morale
qu’il fait ensuite à son père aux lignes 96 à 106.
15. Dans Le vilain de Farbus, le narrateur ménage le suspens lorsque le vilain
s’apprête à avaler son morteruel (l. 55-74) en insistant sur les préparatifs du
repas que font la femme et l’enfant, puis sur la gourmandise du vilain qui justifie le choix de l’écuelle et de la cuiller ; et enfin sur la précaution inutile
qu’il prend en crachant sur le contenu de sa cuiller.Tout se fait très vite, car le
vilain est affamé, mais chacune de ses actions est décrite précisément, ce qui
ralentit la scène et accroît la curiosité amusée du lecteur qui attend la fin de
la mésaventure du vilain avec impatience. De plus toute la scène est rapportée au présent de narration, ce qui permet au lecteur de la vivre en même
temps que le personnage.
◆ É TUDIER UN THÈME : LA SAGESSE DE L’ ENFANT
16. Dans La couverture partagée, l’auteur met en valeur la sagesse de l’enfant à
plusieurs reprises. Il la souligne dès le début du fabliau et en annonce par
anticipation les effets à venir : « Le garçon vécut heureux en ménage jusqu’à ce que
sa femme eût un fils qui se montra plus tard d’une grande sagesse » (l. 14-16). Puis la
réaction de l’enfant à l’ordre de son père prouve son bon cœur et sa maturité : « Quand l’enfant l’entendit lui raconter cela, il en fut saisi d’étonnement, de tristesse et de colère » (l. 75-76). Enfin, après la justification de l’enfant : « Mais je
n’ai pas mal agi ! Au contraire, je pense avoir de bonnes raisons » (l. 96-97), l’auteur
le valorise par une hyperbole : « En entendant ainsi parler son fils qui raisonne des
plus sainement, le père est rempli d’étonnement et de honte » (l. 107-108) et par une
hypothèse réfutée : « […] lui qui aurait pu souffrir un terrible martyre si l’enfant
qui avait refusé de lui donner la couverture, n’avait rien dit » (l. 120-123). C’est
grâce à l’enfant que le vieillard évite un sort cruel et injuste.
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La couverture partagée – Le vilain de Farbus
Dans Le vilain de Farbus, la sagesse de l’enfant apparaît dès le début du récit.
En effet, alors que le vilain emmène son fils au marché pour l’instruire, c’est
Robin qui fait preuve de prudence en voyant un fer posé par terre, son père
étant prêt à tomber dans le piège. Puis c’est encore Robin qui fait la leçon à
son père sur le moyen de vérifier la chaleur du fer (l. 14-25). Enfin, devant la
bêtise du vilain qui applique inconsidérément cette leçon au morteruel, l’enfant s’étonne et fournit de nouvelles explications. C’est lui qui a le dernier
mot et admoneste son père comme on le ferait pour un enfant : « Sire, répondit Robin, par le Saint Père, au moins jamais plus, à votre corps défendant, vous n’oublierez que le fer chaud n’est pas du morteruel ! » (l. 90-92).
On assiste dans ces deux fabliaux à une inversion des rôles traditionnels, la
sagesse n’étant plus liée à l’âge et à l’expérience, mais au contraire à l’extrême
jeunesse et à l’innocence. C’est une image de l’enfance assez surprenante
pour le Moyen Âge, où l’enfant est habituellement assimilé à un jeune animal par l’Église, qui considère qu’il n’est pas encore doué de raison et qu’il
est soumis à son instinct. Mais plus qu’à une valorisation de l’enfant, c’est à
une dépréciation des adultes que nous assistons ici, puisqu’ils sont à chaque
fois inférieurs à leurs enfants, moralement et intellectuellement.
◆ É TUDIER UN THÈME : LA SATIRE DE LA FEMME
17. Les deux fabliaux donnent une image négative de la femme. Dans
La couverture partagée, c’est à la demande de sa femme que le fils décide de
chasser son père ; s’il fait preuve de faiblesse, c’est la femme qui se montre
intéressée et cruelle : « Pendant longtemps son brave homme de père mena avec eux
une vie paisible jusqu’au jour où l’épouse de son fils, qui le haïssait, ne put cacher
plus longtemps son dépit » (l. 16-19). Le discours qu’elle tient à son mari,
et que celui-ci reprend ensuite à son compte, fait voir sa cupidité, et ses
menaces montrent sa détermination à se débarrasser du vieillard, alors que
l’aisance dont elle bénéficie dans son ménage est le résultat du sacrifice de
son beau-père. Jalouse, cupide, ingrate, la femme est responsable de l’injustice faite au vieillard.
Dans Le vilain de Farbus, la femme est autoritaire et exigeante ; c’est elle qui
gère l’argent des dépenses et donne les ordres pour les achats au marché.
Elle calcule avec parcimonie la somme nécessaire au repas de son mari et de
son fils : « un denier tout rond pour des petits pâtés et de la cervoise, compta-t-elle,
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et deux deniers pour le pain, ce serait suffisant pour son fils et lui » (l. 8-10). Au
retour de son mari, sa mauvaise humeur est évidente et son portrait est peu
flatteur : « La femme du vilain, en ouvrant la porte du jardin, les accueillit avec un
visage plus renfrogné qu’un plat à barbe ou une arbalète » (l. 48-50). Ses premiers
mots sont pour réclamer le gâteau commandé, pourtant elle est soumise à
son mari et ne discute pas son ordre lorsqu’il réclame un morteruel. Ce
portrait satirique est assurément le reflet de l’image de la femme transmise
par l’Église au Moyen Âge, qui voit dans la femme le symbole de tous les
péchés et de la tentation pour l’homme, comme Ève le fut pour Adam au
début de l’humanité.
◆ L IRE L’ IMAGE
19. L’illustration de la page 18 représente une scène d’intérieur. Dans une
pièce fermée, cinq personnages sont assis autour d’un feu de cheminée en
train de brûler à l’arrière-plan. À gauche, un homme âgé, barbu, vêtu d’une
longue robe et coiffé d’une toque, tient un long bâton dans sa main droite,
et tend sa main gauche vers le feu pour se réchauffer. À droite, une femme
coiffée d’un voile et vêtue d’une robe et d’un tablier, déroule la laine de sa
quenouille qu’elle tient sous le bras gauche. Au premier plan, trois personnages sont assis, un enfant de profil, un autre de dos, tous deux sur des
tabourets, comme les deux adultes ; à droite, un troisième personnage,
adulte, les yeux baissés, est recroquevillé au sol, les mains serrées sur son
manteau ou une couverture, pour se protéger du froid, semble-t-il. De cette
image se dégage une impression de paix familiale ; seul le personnage au
premier plan à droite semble en désaccord avec cette harmonie : s’agit-il
d’un serviteur ou d’un mendiant accueilli par charité près du feu ?
E S T U L A – L E S P E R D R I X ( p. 3 3 )
◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ?
1. Dans Estula, les deux frères sont orphelins et pauvres ; ils vivent seuls « sans la
moindre compagnie » (l. 2-3) et souffrent constamment de la faim et du froid.
2. À côté de chez eux vit un bourgeois fort riche mais bête, ce qui se vérifie
par sa réaction face à la méprise de son fils au cours du récit (l. 43-50).
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Estula – Les perdrix
3. Le bourgeois envoie son fils chercher un prêtre pour que celui-ci exorcise
les démons ; il pense en effet que leur chien, Estula, qui peut semble-t-il
parler, est possédé par le Diable.
4. En s’enfuyant, le prêtre abandonne son surplis blanc qui s’est accroché à
un pieu ; c’est l’un des deux frères qui le décroche et s’en empare.
5. Dans Les perdrix, le vilain s’absente pendant que sa femme fait cuire les
perdrix, pour aller chercher le prêtre avec lequel il veut partager son repas.
« Mais il s’attarda tant que les perdrix furent cuites bien avant son retour » (l. 9-10),
ce qui provoque la gourmandise de la femme qui ne peut résister au désir de
les goûter, puis de les manger entièrement.
6. Lors du retour de son mari, elle affirme que les chats ont emporté toutes
les perdrix : « Sire, répondit-elle, c’est la catastrophe : les chats les ont mangées ! »
(l. 36-37). Elle renonce aussitôt à ce mensonge parce que cela provoque la
colère et la violence de son mari à son égard : « Le vilain fit un bond et se précipita sur elle comme un fou et il lui aurait arraché les yeux si elle ne s’était écriée
[…] » (l. 38-39).
7. À l’arrivée du prêtre, elle lui dit, pour le faire rapidement fuir, que son mari
« est sorti pour aiguiser son grand couteau » et qu’il veut lui trancher « les couilles »
(l. 56-57) s’il peut l’attraper. Pour rendre ce mensonge vraisemblable, elle a
auparavant demandé à son mari d’aller aiguiser son couteau sur la meule dans la
cour, ce qu’il est en train de faire quand le prêtre arrive: « En effet, je le vois. Par
mon bonnet, je veux bien croire que tu m’as dit la vérité» (l. 66-67) dit alors le prêtre.
8. Enfin elle justifie la fuite du prêtre et lance son mari à sa poursuite en
affirmant qu’il emporte les perdrix : « Ce que j’ai ! Vous allez le savoir bien vite et
si vous ne pouvez pas courir assez vite vous allez y perdre, car, par le respect que je
vous dois, le prêtre emporte vos perdrix ! » (l. 71-73). Elle les lance ainsi dans une
poursuite absurde mais très drôle pour le lecteur.
◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
9. Dans Estula, le nom du chien crée un quiproquo : l’un des frères croit que
l’autre l’appelle (« Es-tu là ? ») alors que le fils du bourgeois appelle son chien.
Il s’agit d’une homophonie. Ce nom a été choisi comme titre du fabliau
parce qu’il est à l’origine de la confusion qui entraîne les péripéties comiques
dues à la bêtise du bourgeois.
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QUESTIONS
10. Dans Les perdrix, l’expression « elle sent l’eau lui venir à la bouche » (l. 2425) signifie au sens propre qu’elle se met à saliver sous l’action de l’appétit ; et
l’expression « elle s’en pourlèche les doigts » (l. 28) décrit sa satisfaction à se
lécher les doigts parce qu’elle vient de manger avec les mains le cou de la
deuxième perdrix.Au sens figuré, ces expressions signifient, pour la première,
que la dame est mise en appétit et, pour la seconde, qu’elle mange avec grand
plaisir. Ces deux expressions imagées font apparaître la gourmandise de la
femme du vilain, qui ne sait résister à ses désirs et qui a des réactions quasi
animales à la perspective d’un bon repas.
◆ É TUDIER LE DISCOURS
11. Dans Les perdrix, le narrateur utilise successivement trois types de discours pour rapporter les réflexions de la femme du vilain : tout d’abord le
discours indirect, le plus impersonnel (« Puis elle se dit qu’elle ne pourra pas
s’empêcher de dévorer l’autre », l. 17-18) ; ensuite le discours indirect libre, plus
vivant (« Ainsi pense-t-elle, elle s’en tirera », l. 22-23) ; et enfin le discours direct,
le plus fidèle (« Hélas ! se dit-elle, que vais-je faire ? », l. 29).
L’enchaînement de ces trois types de discours nous fait pénétrer de plus en
plus précisément dans les réflexions de la femme et nous rend sa psychologie
plus proche et plus vraie. Le lecteur partage ainsi les affres de sa gourmandise.
◆ É TUDIER LE GENRE DU TEXTE :
LE COMIQUE DE SITUATION
12. Dans Estula, le premier quiproquo est provoqué par le nom du chien prononcé par le fils du bourgeois (« Estula ! Estula !… Oui, je suis là », l. 32-34) : il
s’agit d’une incompréhension du langage ; puis le deuxième quiproquo vient
du fait que l’enfant croit que le chien lui répond (« Estula vient de me parler »,
l. 41-42) et ensuite son père, incrédule, renouvelle l’expérience et reçoit la
même réponse (« Mais oui, je suis là », l. 49) : il s’agit là d’une confusion entre
une personne et un animal ; enfin le dernier quiproquo vient du fait que le
prêtre croit qu’on va l’égorger, alors que l’un des frères parlait du mouton que
l’autre frère avait dérobé (« Alors vite, pose-le là. Mon couteau est bien émoulu car je
l’ai fait affûter hier à la forge ; je vais lui trancher la gorge. », l. 78-80) : il s’agit cette
fois d’une confusion entre deux personnes. La situation créée est comique, car
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Estula – Les perdrix
le prêtre s’enfuit à toutes jambes sans raison apparente, du moins pour celui
des frères qui le voit partir.
13. Dans Les perdrix, la femme du vilain a créé un malentendu entre le prêtre
et son mari : elle a d’une part fait croire au prêtre que son mari aiguisait son
couteau pour lui trancher « les couilles » (l. 57), ce qui provoque sa fuite. Elle a
d’autre part affirmé à son mari que le prêtre s’est emparé des perdrix, et aussitôt celui-ci s’est lancé à la poursuite du prêtre, son couteau à la main.
14. Avant l’arrivée du prêtre, elle avait demandé à son mari d’aller affûter
son couteau dans la cour, soi-disant pour découper les perdrix. Cette mise en
scène provoque la fuite du prêtre, effrayé.
15. La scène créée appartient au comique de situation ; en effet le vilain poursuit le prêtre et le prêtre fuit de crainte d’être assassiné, ce qui provoque une
course-poursuite totalement absurde (« Le prêtre jette un coup d’œil derrière lui et
voit le vilain qui accourt, le couteau à la main. Il se voit déjà mort si le vilain le rattrape.
Il ne ménage pas sa peine pour accélérer sa fuite. Le vilain qui pensait récupérer ses perdrix, accélère aussi l’allure mais le prêtre, d’un bond, s’est réfugié dans sa maison »,
l. 81-86). C’est l’incompréhension entre les deux hommes qui est amusante.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
16. Dans Estula, le mot « Pauvreté » (l. 3) est utilisé avec une majuscule et sans
déterminant comme s’il s’agissait du nom d’un personnage ; elle est d’ailleurs
qualifiée ironiquement du titre d’« amie » pour les deux frères, et elle est
décrite comme le serait un personnage (« Pauvreté était leur seule amie car bien
souvent elle leur tenait compagnie et c’est là une amie qui fait souffrir plus qu’à leur
tour ceux avec lesquels elle se trouve. », l. 3-6). Cette figure de style se nomme
une personnification.
◆ É TUDIER UN THÈME : LE VICE N ’ EST PAS TOUJOURS PUNI !
17. Dans Estula, la malhonnêteté est justifiée par l’injustice de la situation
matérielle des deux frères qui vivent dans la misère alors que leur voisin est
riche mais ne leur porte pas secours. Son absence de charité est aggravée
par sa bêtise, car il croit à un miracle quand il entend son chien parler (« Par
tous les saints et les saintes, fils, j’ai déjà entendu des choses étonnantes, mais comme
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celle-ci jamais ! Dépêche-toi, va raconter ces merveilles au curé et ramène-le avec
toi », l. 51-54). Les lecteurs ne peuvent être que satisfaits de le voir puni
ainsi, car voler les riches, surtout quand ils sont stupides, est une revanche
que tous aimeraient prendre !
Le proverbe final montre qu’une situation n’est jamais définitive, et que le
bonheur peut succéder rapidement au malheur comme c’est le cas pour les
deux frères : « Ils avaient maintenant retrouvé l’envie de rire que naguère ils avaient
perdue. » (l. 95-96), mais que l’inverse est aussi vrai comme le prouve la mésaventure du riche bourgeois.
Ce fabliau n’est guère moral puisque le vol n’est pas puni ; mais le riche a
mérité son sort et on peut rire de sa mésaventure sans remords, d’autant que
les deux frères ne lui dérobent que peu de choses et seulement pour survivre.
18. Dans Les perdrix, la satire de la femme porte d’abord sur sa gourmandise
qui est longuement décrite au début du récit et commentée ainsi par le narrateur : « Quand Dieu lui offrait quelque chose, elle ne souhaitait jamais la richesse,
mais seulement la satisfaction de ses désirs » (l. 11-13). Le champ lexical de la
gourmandise est d’ailleurs très riche dans ce deuxième paragraphe. Mais en
même temps le narrateur fait allusion à sa ruse : « Elle sait très bien ce qu’elle
dira si on lui demande ce qu’elles sont devenues : elle dira qu’à peine elle les avait
retirées du feu, des chats sont arrivés et les lui ont arrachées des mains, chaque chat
emportant la sienne. Ainsi pense-t-elle, elle s’en tirera » (l. 19-23). On voit que
l’esprit de la femme est aussi vif que sa gourmandise ; d’ailleurs devant
l’échec de son premier mensonge, elle ne s’obstine pas mais injurie son mari
pour se laisser le temps d’inventer un autre mensonge plus complexe :
« C’était pour rire ! C’était une plaisanterie ! Arrière, suppôt de Satan, je les ai couvertes pour les tenir bien au chaud » (l. 40-41). Elle est aidée par la naïveté des
deux hommes qui ne doutent pas un instant de ce qu’elle leur dit mais
réagissent immédiatement comme elle le souhaitait : « En effet, je le vois. Par
mon bonnet, je veux bien croire que tu m’as dit la vérité » (l. 66-67), dit le prêtre.
Quant au vilain : « Après tout, c’est peut-être la vérité. Laissons-le là où il est »
(l. 98). Aussi la satire porte-t-elle autant sur la bêtise du vilain et du prêtre,
qui sont rendus ridicules, que sur la ruse et la gourmandise de la femme, qui
a eu satisfaction en tout.
19. La conclusion du narrateur rapporte l’opinion négative qu’on avait de la
femme au Moyen Âge : « la femme a été créée pour tromper : elle fait passer un mensonge pour une vérité et une vérité pour un mensonge » (l. 101-103). Cette opinion
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Le paysan devenu médecin – Le tailleur du roi et son apprenti
méprisante est transmise par l’Église, qui voit dans la femme la descendante
d’Ève, la première femme, qui poussa Adam à la désobéissance et les fit chasser
du Paradis terrestre. Ce jugement satirique est volontairement provocateur mais
il est destiné à s’attirer les rires complices de la société aristocratique contre les
ordres bourgeois et populaire, qui sont ici ridiculisés par plus faible qu’eux.
◆ L IRE L’ IMAGE
22. L’illustration de la page 29 est divisée en deux moitiés égales dans le sens
de la hauteur : la partie droite représente quatre garçons dans un paysage
naturel, deux d’entre eux au premier plan s’exercent à la lutte, tandis que les
deux autres à l’arrière-plan s’entraînent à l’escrime ; la partie gauche représente quatre jeunes filles dans une salle de château ou peut-être de couvent,
trois d’entre elles à l’arrière-plan sont occupées à filer la laine et la quatrième
au premier plan travaille à un métier à tisser.Tous ces jeunes gens appartiennent à la noblesse comme le prouvent les riches habits dont ils sont vêtus. Ils
se livrent à des activités traditionnellement féminines ou masculines, les unes
enfermées pour des occupations domestiques valorisant l’habileté, la grâce et
l’utilité, les autres à l’extérieur pour des occupations sportives valorisant
l’adresse, la force et le courage.
L E PAY S A N D E V E N U M É D E C I N –
L E TA I L L E U R D U R O I
E T S O N A P P R E N T I ( p. 5 2 )
◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ?
1. Dans Le paysan devenu médecin, la femme que le vilain épouse est la fille
d’un chevalier âgé et veuf, mais sans fortune ; c’est-à-dire qu’elle est d’origine
noble, contrairement à son mari qui lui est inférieur socialement.
2. Selon lui, sa femme, qui est « très belle et fort courtoise » (l. 10) va subir les
avances des jeunes gens désœuvrés et du chapelain, dès qu’il sera occupé à travailler. Il ne tarda pas à penser « qu’il avait fait une mauvaise affaire : il ne convenait
pas à ses besoins d’avoir une fille de chevalier pour femme » (l. 23-30).
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3. Il décide d’y remédier en la battant tous les matins, de façon à ce qu’elle
passe la journée à pleurer, ce qui éloignera les galants. Le soir, il lui demandera pardon et ils feront la paix.
4. Les deux messagers du roi cherchent un médecin pour le ramener en
Angleterre auprès de la fille du roi, Aude, qui ne peut plus boire ni manger
à cause d’« une arête de poisson qui lui est restée fichée dans le gosier » (l. 89-90).
La femme du vilain affirme que son mari est médecin mais qu’il refuse de
soigner les malades s’il n’a pas été auparavant battu.
5. Pour guérir la fille du roi, « il lui fallait trouver quelque chose à faire ou à dire
qui puisse la faire rire afin que l’arête saute de sa gorge car elle n’était pas enfoncée
plus avant dans son corps » (l. 156-159). Le paysan demande que l’on fasse du
feu dans la chambre et qu’on le laisse seul avec la jeune fille, puis il se met
tout nu et « se mit à se gratter et à s’étriller » (l. 167-168), ce qui provoque le rire
de la princesse et l’expulsion de l’arête.
6. Pour guérir tous les malades du royaume, le vilain les réunit dans une salle
où l’on a fait un grand feu et il leur annonce qu’il va brûler le plus malade
d’entre eux pour guérir les autres, en leur faisant boire ses cendres mélangées
à de l’eau. Ce « remède » fonctionne très bien, car aucun ne veut admettre
qu’il est le plus malade et tous quittent la salle en se déclarant guéris pour
éviter d’être jetés dans le feu.
7. Dans Le tailleur du roi : « Pour accélérer le travail, le roi délégua son chambellan
auprès des apprentis afin de leur fournir tout ce dont ils auraient besoin tout en leur évitant la possibilité de distraire à leur profit la moindre partie des fournitures » (l. 9-13).
8. Selon le maître tailleur, Nidui ne mange pas de miel : « Nous l’aurions bien
volontiers attendu mais il ne mange pas de miel et il pourra bien manger autre chose à
sa suffisance » (l. 21-22).
9. « Nidui ne perdit pas de temps : il cacha les ciseaux de son maître » (l. 62-63).
Afin de se venger de lui, il veut le faire passer pour fou lorsqu’il s’agitera dans
tous les sens pour les retrouver.
◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
10. Le champ lexical de la violence physique dans Le paysan devenu médecin
est très riche :
– « si je la battais le matin » (l. 34-35).
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Le paysan devenu médecin – Le tailleur du roi et son apprenti
– « il frappa sa femme en pleine figure, y laissant la marque de ses doigts ; […] il la
saisit par les cheveux et lui administra une sévère correction » (l. 47-50).
– « le rustre a de nouveau battu sa femme au point de manquer l’estropier » (l . 68-69).
– « il ne sait pas ce que sont les coups » (l. 73-74).
– « si on ne lui administrait auparavant une sévère correction » (l. 99-100).
– « l’un le frappe derrière l’oreille et l’autre sur le dos avec un gros bâton ; ils le malmènent à qui mieux mieux » (l. 122-123).
– « administrèrent une raclée au paysan » (l. 148-149).
– « quand celui-ci sentit les coups pleuvoir » (l. 148-149).
Mais on constate que ce champ lexical est en même temps très répétitif car
les expressions qui concernent la femme au début du récit se retrouvent
ensuite quand c’est le vilain qui est à son tour battu. Cet effet de répétition
est une caractéristique de ce type de comique de farce.
11. Dans l’adjectif numéral cardinal « quatre-vingts », vingt prend la marque
du pluriel parce qu’il est multiplié par quatre, sans être suivi d’un autre adjectif numéral cardinal. C’est la même règle qui s’applique à cent.
12. Dans Le tailleur du roi, l’expression « toute personne qui croise son chemin
risque de ne plus jamais pouvoir manger de pain » (l. 42-44) signifie que, d’après
Nidui, le maître tailleur devient violent pendant ses prétendues crises de folie
et qu’il risque de tuer ceux qui l’entourent. Cette phrase est précisée par
l’expression : « Plaise à Dieu que, par suite de sa folie, personne d’entre nous ne
perde la vie ! » (l. 59-61), prononcée par le chambellan.
13. La phrase : « Celui qui sème le mal / récolte / ce qu’il a semé » (l. 89) est composée de trois propositions : une subordonnée relative indéfinie, sujet du verbe
récolter, une proposition principale réduite au minimum, et une seconde
subordonnée relative indéfinie, complément d’objet du verbe principal. Cette
phrase s’apparente à une maxime par la forme et par le sens car elle énonce
une vérité générale.
◆ É TUDIER LE DISCOURS
14. Dans les dialogues du Paysan devenu médecin, voici une phrase :
– déclarative : « Demoiselle Aude, la fille du roi est malade ; il y a bien huit jours
qu’elle n’a ni bu ni mangé car une arête de poisson lui est restée fichée dans le gosier »
(l. 88-90) ;
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– interrogative : « D’où êtes-vous et où allez-vous ? » (l. 81, inversion du sujet,
point d’interrogation) ;
– exclamative : « Quel drôle de médecin c’est là ! » (l. 134, adjectif exclamatif,
point d’exclamation) ;
– impérative : « Dites-moi ce que vous cherchez » (l. 82, verbe à l’impératif).
15. Il lui demanda depuis quand il avait appris qu’il avait périodiquement
des accès de folie.
Les modifications effectuées portent sur les pronoms personnels (passage de
la 1re et de la 2e personne à la 3e personne) et sur les temps des verbes (passage
du passé composé au plus-que-parfait). L’ambiguïté est produite par l’emploi
de la 3e personne qui désigne tout d’abord Nidui, puis le maître tailleur.
◆ É TUDIER LE GENRE DU TEXTE : LE COMIQUE DE FARCE
16. Dans Le paysan devenu médecin, les coups n’ont aucun effet comique lorsqu’ils sont subis par la femme parce qu’ils sont donnés injustement et cruellement. Au contraire le lecteur s’apitoie sur le sort de la malheureuse, mariée
malgré elle à un homme brutal et jaloux. Le registre est ici plus pathétique
que comique. C’est pourquoi les coups que subit ensuite le paysan constituent une juste revanche, attendue par le lecteur, et qui le fait bien rire.
Il s’agit bien là d’un comique de farce, où les coups reviennent avec régularité pour punir le jaloux. On pense au personnage de Guignol qui fait subir
le même sort à ses adversaires.
17. Le comique du remède inventé par le paysan pour guérir la fille du roi
provient de sa tenue et de son comportement, aussi grotesques l’un que
l’autre : « et le vilain se déshabilla tout nu, ôta ses culottes et se coucha le long du feu.
Il se mit à se gratter et à s’étriller : il avait les ongles longs et le cuir dur » (l. 166-168).
De plus, il y a un décalage manifeste entre les circonstances et le remède, mais
aussi entre les deux personnages, ce qui crée un effet burlesque.
18. Dans Le tailleur du roi et son apprenti, la prétendue folie du maître tailleur
et les coups qu’il reçoit pour le guérir sont amusants parce qu’ils constituent
également une vengeance, mais en eux-mêmes ils ne sont plus guère comiques à notre époque où la folie n’est pas perçue de la même manière qu’au
Moyen Âge. De nos jours, voir frapper un infirme ou un malade mental
scandalise et ne fait plus rire.
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Le paysan devenu médecin – Le tailleur du roi et son apprenti
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
19. Dans Le paysan devenu médecin, les hyperboles de la scène de guérison des
quatre-vingts malades (l. 194-246) sont très nombreuses : « le plus malade » ;
« tous les autres » ; « seront guéris sur l’heure » ; « même si on lui avait donné la
Normandie » ; « le plus gravement atteint » ; « je te vois bien faible, tu es le plus malade
de tous » ; « je me sens beaucoup mieux que jamais je ne me suis senti » ; « des maux
bien cruels qui m’ont longtemps fait souffrir » ; « je suis plus sain qu’une pomme » ;
« un homme remarquable » ; « pour rien au monde » ; « complètement guéris » ; « éperdu
de joie ». Ces exagérations sont destinées à mettre en valeur le stratagème mis
au point par le faux médecin en accentuant les maux des « patients » et les
effets produits par le « remède ».
20. Le champ lexical de la folie dans Le tailleur du roi et son apprenti est le
suivant :
– « des troubles mentaux ; il perd le sens et devient fou » (l. 41) ;
– « crises » (l. 47) ;
– « c’est sa folie qui le prend » (l. 54-55) ;
– « se comporta comme quelqu’un qui aurait perdu la raison » (l. 67-68) ;
– « des accès de démence » (l. 77) ;
– « des accès de folie » (l. 81-82) ;
Ce champ lexical est varié, il y a donc beaucoup de mots différents pour
désigner la folie.
◆ É TUDIER UN THÈME :
LA VENGEANCE OU « LE TROMPEUR TROMPÉ »
21. Dans Le Paysan devenu médecin, la femme fait preuve d’esprit d’à-propos
et de vivacité, car elle imagine sa vengeance dès qu’elle entend les messagers
du roi expliquer leur mission ; elle sait, de plus, les convaincre du caractère
original de son mari, elle est donc persuasive.
22. Sa vengeance est tout à fait justifiée par la brutalité et la cruauté dont son
mari a fait preuve à son égard, sans aucun motif. Elle lui rend ainsi les coups
qu’il lui a donnés injustement et trouve un artifice pour répondre aux
réflexions qu’elle se faisait : « Et mon mari a-t-il jamais été battu ? Certainement
pas ; il ne sait pas ce que sont les coups ; s’il le savait, pour rien au monde il ne m’en
aurait donné autant ! » (l. 73-75).
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23. Le paysan se tire de cette délicate situation grâce à son intelligence qui
lui fait trouver par deux fois un stratagème astucieux ; il soigne et guérit la
fille du roi et il se débarrasse des malades du royaume sans les soigner.
24. Malgré leur différence sociale, le mari et la femme se ressemblent par
leur intelligence, leur vivacité d’esprit et leur malice.
25. Le fabliau a une fin heureuse, car le mari brutal a été puni et il a compris
sa punition ; de ce fait il y a progrès moral et la fin du récit peut être optimiste quant aux relations entre les deux personnages. C’est un fabliau moral
autant que comique, dans lequel il y a une leçon importante pour l’époque :
il ne faut pas battre sa femme. En revanche, le retour à la moralité ne s’étend
pas à l’exercice frauduleux de la médecine, puisque le vilain continue à exercer son « art », une fois de retour chez lui, et avec talent !
26. Dans Le tailleur du roi, Nidui décide de se venger parce qu’il a été privé
de miel à cause du mensonge du maître tailleur : « Nidui ne pipa mot mais en
son for intérieur il chercha la manière de rendre la monnaie de la pièce » (l. 34-35). Sa
vengeance se déroule en quatre étapes : il prévient tout d’abord le chambellan
des crises de folie dont souffre le maître tailleur ; puis il décrit les manifestations de ces crises ; ensuite il cache les ciseaux de son maître pour provoquer
la prétendue crise ; enfin, sur l’ordre du chambellan et avec les autres apprentis, il ligote et bat son maître. Le maître tailleur voit ainsi sa ruse se retourner
contre lui, selon le schéma du « trompeur trompé ».
◆ L IRE L’ IMAGE
29. L’illustration de la page 39 montre un homme en train de lever la main
sur sa femme pour la frapper, alors qu’il l’a saisie par les cheveux en la traînant à terre ; celle-ci est agenouillée, presque étendue à terre, et elle lève les
deux mains vers lui en signe de supplication. L’artiste a suggéré la souffrance
et la terreur de la femme par sa position de suppliante, et la jalousie du mari
par sa domination physique au-dessus de sa femme et par la violence suggérée par son poing fermé, prêt à s’abattre sur elle. En revanche le visage de la
femme est plutôt inexpressif, mis à part le fait qu’elle semble regarder son
mari. Quant au visage de celui-ci, ses sentiments sont seulement suggérés par
ses sourcils froncés. Malgré tout, la scène est dramatique et l’on s’apitoie sur
le sort de cette femme comme sur le sort de la mal mariée dans Le paysan
devenu médecin.
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La vieille qui graissa la main du chevalier – Brunain, la vache du prêtre
LA VIEILLE QUI GRAISSA LA MAIN
D U C H E VA L I E R – B R U N A I N ,
L A V A C H E D U P R Ê T R E ( p. 6 1 )
◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ?
1. Dans La vieille qui graissa la main du chevalier, le prévôt réclame abusivement
de l’argent, en dédommagement, pour rendre ses deux vaches à la vieille
femme : « payez-moi d’abord ce que vous me devez avec les beaux deniers que vous
cachez dans un pot ! » (l. 10-12).
2. Hersant, sa voisine, lui conseille d’aller trouver un chevalier, de lui parler
respectueusement, de lui « graisser la patte » (l. 17-18) pour qu’il l’aide à
reprendre ses vaches sans avoir à payer de compensation.
3. Le chevalier lui promet de lui rendre ses vaches sans rien payer et il lui
offre en plus un pré « bien herbeux » (l. 34) pour les faire brouter.
4. Dans Brunain, la vache du prêtre, le prêtre affirme « qu’il était profitable de donner pour l’amour de Dieu, si l’on avait un peu de bon sens, car Dieu rendait au
double à celui qui donnait de bon cœur » (l. 4-7). La générosité des fidèles est
basée sur l’espoir de la réciprocité.
5. Le vilain se sépare facilement de sa vache, car « elle donne peu de lait » (l. 12).
Ce n’est pas un grand sacrifice de sa part, d’ailleurs il espère que Dieu va le
lui rendre « au double », c’est donc un don intéressé.
6. On attache Blérain, la vache du vilain, à Brunain, la vache du prêtre, dans
le pré, « pour l’apprivoiser » (l. 26).
7. Mais Blérain ne supporte pas d’être attachée à une autre vache et elle
entraîne celle-ci hors du pré, jusqu’à chez elle, donnant ainsi réalité à l’argument
du prêtre comme le souligne naïvement le vilain: «Ah! femme, dit-il, c’est vrai que
Dieu rend au double. […] Maintenant nous en avons deux pour une» (l. 37-40).
◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
8. Dans La vieille qui graissa la main du chevalier, le participe passé « trouvées »
s’accorde au féminin pluriel, car le C.O.D. « les », mis pour les vaches, est
placé avant l’auxiliaire avoir.
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9. L’expression « le prévôt, qui était un triste sire » (l. 7-8) signifie que c’est un
individu de peu de moralité, un profiteur sans scrupule, prêt à abuser de la
faiblesse des pauvres.
10. Dans Brunain, la vache du prêtre, « on attachât » (l. 26) est au subjonctif imparfait ; il dépend du verbe « ordonna » et de la conjonction « que ». On met le
subjonctif dans les subordonnées conjonctives objet après les verbes de souhait,
de prière, de volonté et d’effort. Le verbe ordonner est un verbe de volonté.
11. Le participe passé « tirée » s’accorde au féminin singulier avec le C.O.D.
« l’ », mis pour « la vache du curé », car il est placé avant l’auxiliaire avoir ; le participe passé « revenue » s’accorde au féminin singulier avec le sujet « elle », car il
est employé avec l’auxiliaire être ; le participe passé « suivie » est en apposition
au sujet « elle » avec lequel il s’accorde aussi.
◆ É TUDIER LE DISCOURS
12. Dans La vieille qui graissa la main du chevalier, les expressions qui désignent
la vieille femme sont les suivantes : « une vieille femme », « la brave femme », « ma
bonne vieille », « la brave femme », « la bonne vieille », « la vieille », « bonne femme ».
Elles insistent toutes sur l’âge qui est sa caractéristique essentielle, et sur sa
simplicité voire sa naïveté au travers de l’adjectif « brave ». Seul le prévôt utilise le possessif « ma » (l. 10) qui dans sa bouche est familier et humiliant.
13. Dans Brunain, la vache du prêtre, les deux marques de jugement du narrateur sont les suivantes : « le prêtre était fin et rusé » (l. 17) et « le prêtre dom
Constant qui ne pensait jamais qu’à amasser » (l. 21-22). Elles concernent le
prêtre et elles sont toutes deux dépréciatives, mettant en évidence sa malice
et sa cupidité.
◆ É TUDIER LE GENRE DU TEXTE : « LA LETTRE ET L’ ESPRIT »
14. Dans La vieille qui graissa la main du chevalier, le comique de l’expression
« graisser la patte » (l. 17-18) prise au pied de la lettre est renforcé par le caractère de la vieille et son comportement : le narrateur précise tout d’abord
qu’« elle n’entend pas malice » (l. 20) à la suggestion de sa voisine, ce qui
montre sa naïveté et d’ailleurs « elle prend un morceau de lard » (l. 20-21) ce qui
amuse par avance le lecteur qui entrevoit la suite ; ensuite elle s’approche du
chevalier par-derrière, sans doute par humilité et déférence mais aussi par
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La vieille qui graissa la main du chevalier – Brunain, la vache du prêtre
esprit pratique, car il a « les mains croisées dans le dos » (l. 22-23).Après lui avoir
graissé la main elle lui avoue ingénument la raison de son geste, dont elle ne
perçoit pas le ridicule.
15. Dans Brunain, la vache du prêtre, la confusion que font les deux paysans sur
l’expression « si l’on donne de bon cœur à Dieu, Dieu le rend au double » (l. 9-10)
en la prenant au pied de la lettre montre qu’ils ont un caractère et un
comportement identiques à ceux de la vieille : ils sont naïfs, crédules et en
même temps intéressés puisqu’ils attendent un don en retour du leur.
L’image du pauvre qui apparaît ainsi est plutôt dépréciative, sa simplicité
confine à la bêtise et il partage avec les puissants une avidité certes justifiée
par sa pauvreté mais qui ne le rend pas sympathique.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
16. Les expressions et les traits qui, dans le passage de la ligne 30 à la ligne 40,
humanisent Blérain, la vache du vilain, sont les suivants : « mais Blérain ne put le
supporter », « elle tira si fort […] qu’elle l’entraîna », « elle est revenue chez elle », « qui
lui cause bien du tourment », « voici Blérain qui revient avec une autre ; elle amène une
grande vache brune ».Toutes ces expressions attribuent un caractère humain à la
vache, avec des sentiments, une volonté et une autonomie d’action très amusantes, c’est le principe même de la personnification.
◆ É TUDIER UN THÈME : LES PUISSANTS
17. Dans La vieille qui graissa la main du chevalier, le défaut qui est dénoncé au
travers du personnage du prévôt est la vénalité, comme l’exprime clairement
la phrase de la conclusion : « ils vendent leur parole et leur conscience et se moquent
de la justice » (l. 37-38). Cette vénalité s’exerce au détriment du pauvre, dont
la misère est ainsi aggravée, et au détriment de la justice que le prévôt est
censé représenter.
Le chevalier, qualifié de « grand seigneur » (l. 16), n’est pas représenté tout à fait
de la même façon, même s’il est question de « lui graisser la patte » (l. 17-18),
ce qui prouve que lui aussi agit contre de l’argent. Il se montre amusé et
généreux face à la naïveté de la vieille femme, puisqu’il lui promet un « pré
bien herbeux » (l. 34).
La conclusion du narrateur associe le pouvoir et la richesse à la malhonnêteté : les puissants sont prêts à tout pour de l’argent et ils écrasent encore
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plus les pauvres puisqu’ils ne rendent la justice que contre de l’argent.
L’inégalité sociale est ainsi aggravée par l’injustice.
18. Dans Brunain, la vache du prêtre, le défaut qui est dénoncé au travers du
personnage du prêtre est la cupidité, comme l’indique le narrateur : « le prêtre
dom Constant qui ne pensait jamais qu’à amasser » (l. 21-22). Il profite de son
influence sur ses fidèles pour tenter d’obtenir des dons, qu’il prétend destiner
à Dieu. C’est un défaut très proche de celui du prévôt dans La vieille qui
graissa la main du chevalier, puisqu’il s’agit là aussi d’exploiter la naïveté et la
faiblesse du peuple en lui extorquant de l’argent ou des biens. Les puissants
sont présentés comme malhonnêtes, avides et sans scrupule.
19. La morale de La vieille qui graissa la main du chevalier est basée sur la critique des ordres dominants et de l’injustice sociale qu’ils font régner ; c’est une
morale pessimiste pour les pauvres puisqu’ils ne peuvent espérer voir leurs
droits reconnus, s’ils n’ont pas d’argent à donner pour acheter la justice. La
morale de Brunain, la vache du prêtre est plus optimiste, bien qu’ironique,
puisque le narrateur s’en remet à Dieu et au hasard pour récompenser les
naïfs et punir les avares et les cupides.
◆ L IRE L’ IMAGE
21. L’illustration de la page 36 représente les trois ordres de la société : en
haut dans toute la largeur de l’image, la noblesse et le clergé, debout se pressent de part et d’autre du roi, qui siège majestueusement sur son trône ;
ils sont richement vêtus et se trouvent dans un décor luxueux, une salle de
château dont on aperçoit la décoration et l’architecture à l’arrière-plan. Les
personnages de la partie supérieure sont plus grands que ceux des deux
images qui composent le bas de l’illustration – représentant le tiers état – et
ils dominent à l’évidence la société comme ils dominent l’image. En bas à
gauche, ce sont des marchands, bien vêtus, qui se livrent à des transactions
dans un port, devant leurs bateaux qui rapportent les marchandises qu’ils
vont vendre ; à l’arrière-plan on voit les remparts d’une ville derrière lesquels
règne une grande activité. En bas à droite, les paysans sont au travail dans les
champs et se livrent aux multiples travaux agricoles dans un paysage vallonné ; ils sont simplement vêtus et isolés dans leurs occupations. La hiérarchie sociale est donc respectée dans cette illustration qui valorise les puissants
– la noblesse et le clergé – dont la condition privilégiée repose sur le travail
des bourgeois des villes et de la classe paysanne qui forment le tiers état.
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L E P A U V R E M E R C I E R ( p. 7 2 )
◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ?
1. Le marchand conseille au mercier d’enfermer son cheval dans le pré,
comme il l’a fait lui-même, en le plaçant sous la protection du seigneur de la
ville, qui y fait régner une justice très sévère. Si son cheval est volé, il lui sera
rendu et le voleur pendu.
2. Mais en fait son cheval est dévoré par une louve affamée, sans qu’il soit
sorti du pré.
3. Le mercier va trouver le seigneur pour lui raconter sa mésaventure et
lui demander un dédommagement, puisqu’il avait placé son cheval sous sa
protection.
4. Le seigneur ne lui donne que la moitié du prix du cheval « car c’est la moitié de votre cheval que vous avez placée sous ma sauvegarde ; l’autre, vous l’avez
remise entre les mains de Dieu ! » (l. 78-80) ; il précise ensuite : « Si vous l’aviez
entièrement placé sous ma seule sauvegarde, vous auriez reçu la totalité des soixante
sous » (l. 85-87). Il lui conseille d’aller réclamer le reste de la somme à Dieu.
5. Le mercier « emprunte » (l. 107-111) sa grande chape fourrée au moine
qu’il rencontre, car, dit-il, « Je me paie sur vous des trente sous de dommage que
m’a fait votre Maître » (l. 111-112).
6. En rendant son jugement, le seigneur propose au moine deux solutions :
ou bien il abandonne sa religion et sert un autre seigneur pour retrouver ses
gages, ou bien il continue de servir Dieu mais il paie trente sous au mercier
pour le dédommager (l. 166-171).
◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
7. « je préférerais » : conditionnel présent ; « [qu’]on m’ait pendu » : subjonctif
passé ; « ce qui m’arrive » : proposition subordonnée relative indéfinie, C.O.D.
du verbe voir.
8. Le champ lexical de la justice est très important, à la fin du récit en particulier, car il en constitue le thème essentiel :
– « où règne une justice aussi sévère » (l. 22-23) ;
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– « si vous pensez la cause juste » (l. 63-64) ;
– « le seigneur qui exerce le droit de justice sur cette terre » (l. 115-116) ;
– « avoir de dispute », « quelque grief », « ordonner qu’on fasse justice à chacun »
(l. 116-118) ;
– « comparaître devant le seigneur » (l. 120-121) ;
– « je m’en remets au jugement du seigneur » (l. 138-139) ;
– « gage et caution » (l. 145) ;
– « le verdict devra être respecté » (l. 155) ;
– etc.
Toute l’histoire porte en effet sur la façon dont le seigneur accorde sa protection et fait régner la justice sur ses terres.
◆ É TUDIER LE GENRE DU TEXTE : « LA LETTRE ET L’ ESPRIT »
9. L’expression que le mercier prend au pied de la lettre est la suivante :
« recommandez-la au bon seigneur de cette ville » (l. 24-25), puis « je l’ai placé sous
la sauvegarde de Dieu et sous la vôtre » (l. 61-62).
10. Puisque son cheval était pour moitié placé sous la protection de Dieu, le
mercier pense que le premier homme d’Église rencontré lui est redevable de
la confiance qu’il avait mise en Dieu, c’est-à-dire qu’il lui doit la moitié du
prix du cheval : « Je me paie sur vous des trente sous de dommage que m’a fait votre
Maître » (l. 111-112). C’est pourquoi il lui demande des gages sur le remboursement de cette somme : « C’est à cause du dommage qu’il m’a causé que je
vous ai demandé réparation et que j’ai pris votre chape en gage et caution » (l. 143145). Il le fait avec beaucoup de détermination et d’assurance, ce qui le rend
comique.
11. Par deux fois, le seigneur réagit face au mercier qui lui demande justice,
« en riant » (l. 66), puis « Si alors vous aviez pu voir rire le seigneur et son entourage,
vous n’auriez pu vous empêcher d’en faire tout autant ! » (l. 159-161).
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
12. C’est un lien d’opposition qui unit ces deux phrases, comme le montre
la conjonction de coordination mais.
13. On a affaire à de l’humour noir, l’expression « ne sortit jamais de la prairie »
(l. 37) est en effet à prendre au second degré puisque le cheval y est mort !
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Le pauvre mercier
◆ É TUDIER UN THÈME : LES PUISSANTS
14. Le seigneur, au début du récit, est présenté de façon très laudative, par sa
volonté de maintenir l’ordre et la justice sur ses terres : « Un seigneur, qui possédait de grandes terres et qui portait une telle haine aux gens de mauvaise vie qu’il les
pourchassait sans pitié et les pendait sur l’heure sans en accepter aucune rançon […] »
(l. 7-10).
15. Lorsque le mercier vient lui demander justice, il est courtois, attentif à ce
qui lui arrive, et réconfortant (il le nomme « Bel ami », l. 53), mais en même
temps il se moque quelque peu de sa naïveté et il est intraitable sur le partage
du dédommagement ; ensuite (l. 149-174) il n’hésite pas à réprimander le
mercier pour avoir pris des gages au moine et il se montre équitable en rendant son verdict selon la logique de son premier jugement. Bien évidemment
il sait que le moine ne renoncera pas au service de Dieu, et il sous-entend
qu’il pourra se rembourser, en toute bonne conscience cette fois, sur les
biens de l’Église, comme si c’était une pratique courante pour le clergé. Il y a
là une pointe de critique à l’égard du clergé.
16. Il rend la justice de façon originale, et même humoristique ; mais il est
honnête envers les pauvres gens qu’il défend face au clergé, riche et vivant
confortablement, comme le montre la chape fourrée que porte le moine.
17. L’image de la société féodale qui apparaît ici est plus positive que dans les
deux fabliaux précédents, elle paraît plus juste puisque le seigneur fait régner
l’ordre et écoute les doléances des pauvres. Le clergé y est maltraité mais c’est
un juste retour des choses, car il profite habituellement des biens d’autrui.
L E S T R O I S AV E U G L E S D E CO M P I È G N E
L E R E PA S D E V I L LO N
E T D E S E S C O M P A G N O N S ( p. 9 0 )
◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ?
1. Dans Les trois aveugles de Compiègne, le clerc décide de jouer un tour aux
aveugles parce qu’il doute de leur cécité, en voyant que personne ne les
guide sur la route. Il veut être sûr qu’ils sont bien aveugles : « Que la goutte me
frappe si je ne me rends compte s’ils y voient quelque chose ! » (l. 21-22).
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2. Il a prétendu leur avoir donné un besant à tous les trois, mais il ne l’a pas
fait et chacun des aveugles croit alors que c’est l’un des deux autres qui a la
pièce. « Le clerc les quitte alors en se disant qu’il veut voir comment ils partageront »
(l. 33-34).
3. Lorsqu’ils se croient riches, les trois aveugles retournent à Compiègne
pour que « chacun ait un peu de plaisir » (l. 40) : « Compiègne est une ville où l’on
trouve tout ce qu’il faut » (l. 40-41), disent-ils. Ils entrent dans une auberge, pour
manger et dormir à l’aise : « Nous voulons être servis largement » (l. 60).
4. Le clerc les suit pour voir ce qu’ils vont faire et être fixé sur la véracité de
leur infirmité : « Le clerc leur emboîta le pas en se disant qu’il les suivra jusqu’à ce
qu’il sache le fin mot de l’histoire » (l. 45-47).
5. Ensuite pour régler sa dette et celle des aveugles, il propose à l’aubergiste
que le curé de l’église s’engage à le rembourser à sa place, et il lui demande
de lui faire crédit jusque-là, ce que l’autre accepte.
6. Il demande au prêtre de lire un Évangile au-dessus de la tête de l’aubergiste, parce qu’il prétend que celui-ci a été frappé de folie et qu’il faut donc
l’exorciser. En échange il donne douze deniers au prêtre.
7. Le prêtre demande à ses paroissiens de maintenir l’aubergiste pendant
qu’il lui lit un passage des Évangiles qu’il a posés au-dessus de sa tête, puis il
l’asperge d’eau bénite et le bénit en lui disant : « Vos tourments sont maintenant
terminés » (l. 233). Il accomplit le rituel de l’exorcisme, car il croit l’aubergiste
fou, c’est-à-dire possédé par le diable.
8. Dans Le repas de Villon et de ses compagnons, maître François « déclara qu’il
donnerait l’argent comptant au garçon qui lui porterait le panier » (v. 34-35).
9. Il demande au curé de Notre-Dame de « dépêcher » (v. 42) son neveu, or ce
mot a un double sens.
10. Le curé comprend l’un des sens de ce mot, c’est-à-dire confesser et
absoudre.
11. Le jeune garçon est étonné ici parce qu’il attendait de l’argent et il ne
comprend pas pourquoi le curé veut le confesser, alors qu’il a été « absous le
jour de Pâques » (v. 73).
12. Il pensait que maître François avait demandé au prêtre de le payer,
second sens du mot « dépêcher » (v. 42).
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Les trois aveugles de Compiègne – Le repas de Villon et de ses compagnons
◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
13. Dans « de telles gens », dans Les trois aveugles de Compiègne, le nom « gens »
est à la fois du genre masculin et du genre féminin, les adjectifs qui précèdent
ainsi que les indéfinis sont toujours au féminin (ex. de vieilles gens), comme
c’est le cas ici, alors que les adjectifs épithètes qui le suivent sont masculins
(ex. des gens courageux).
14. Dans Le repas de Villon et de ses compagnons, le mot absoudre vient du verbe
latin solvere qui veut dire défaire, détacher, acquitter, résoudre, comme les mots solvant, solution, soluble, dissoudre, etc. Ils appartiennent au registre de la science.
◆ É TUDIER LE DISCOURS
15. Dans Les trois aveugles de Compiègne, il s’agit du présent de narration
qui rend le récit plus vivant pour le lecteur qui a l’impression de découvrir
l’action au moment même où elle se produit. Il rompt la monotonie du récit
aux temps du passé et implique davantage le lecteur.
16. Dans Le repas de Villon et de ses compagnons, la strophe 8 est ponctuée par
plusieurs points d’exclamation et d’interrogation, ce qu’on nomme ponctuation expressive ; en effet elle traduit le bouleversement du personnage, qui est
stupéfait, indigné et effrayé à la fois.
◆ É TUDIER LE GENRE DU TEXTE :
LE COMIQUE DE QUIPROQUO
17. Dans Les trois aveugles de Compiègne, le tour joué aux aveugles par le clerc
repose sur une confusion entre les trois personnages ; le clerc affirme leur
donner un besant et chacun des aveugles croit qu’il l’a remis à l’un de ses
deux compagnons, ce qui est faux. La phrase qui l’exprime clairement est la
suivante : « Chacun croit que c’est son compagnon qui l’a reçu » (l. 32). La dispute
qui a lieu ensuite devant l’aubergiste (l. 111-128) confirme cette confusion.
18. Dans Le repas de Villon et de ses compagnons, le quiproquo créé par maître
François repose sur le mot « dépêcher » (v. 42).
19. Ce mot est employé tantôt avec le sens de confesser et absoudre – par le
curé – tantôt avec le sens de payer – par le jeune garçon – (« Monseigneur, je
vous assure que s’il vous plaisait de prendre le temps de me dépêcher sur-le-champ,
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vous me feriez grand plaisir », v. 60-63), tandis que maître François l’a employé
sans précision (« Mon ami, approchez-vous.Voici la personne qui vous dépêchera dès
qu’il en aura terminé avec ses occupations », v. 51-53).
20. La phrase qui permet au curé de comprendre qu’il a été berné est la suivante : « Sans tergiverser, dépêchez-moi sans plus attendre ainsi que ce seigneur qui
m’accompagnait l’a ordonné » (v. 86-88).
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
21. Dans Les trois aveugles de Compiègne, la phrase prononcée par le clerc :
« Il ne faut pas tourmenter les pauvres gens » (l. 138-139) pourrait relever du
cynisme puisque c’est lui-même qui, par sa farce, est à l’origine du différend
entre les aveugles et l’aubergiste, ce dont il s’amuse beaucoup : « Le clerc, qui
était aisé et que l’affaire amusait fort, se pâmait de rire et d’aise » (l. 130-131). Il ne
décide d’intervenir que lorsqu’« il vit que la dispute tournait mal » (l. 131-132).
Sa sollicitude tardive compense sa provocation, et il se rachète ensuite par sa
générosité à l’égard des aveugles.
22. Dans Le repas de Villon et de ses compagnons, la phrase prononcée par le
jeune garçon dans laquelle le verbe dépêcher est employé avec son sens habituel est la suivante : « Vite, vite, dépêchez-vous, payez-moi mon panier de poisson »
(v. 79-80). L’effet recherché est le comique de répétition.
◆ É TUDIER UN THÈME : FARCES ET ATTRAPES
23. Dans Les trois aveugles de Compiègne, le narrateur nous précise que le clerc
«avait plus d’un tour dans son sac» (l. 15), et qu’il imagine son tour «sur-le-champ»
(l. 28), c’est-à-dire qu’il est malin et vif d’esprit; mais il se montre aussi incrédule
à l’égard de l’infirmité des aveugles et curieux de leurs réactions, obstiné dans
son enquête puisqu’il suit les aveugles jusque dans l’auberge où il s’installe aussi.
Il s’amuse franchement de la querelle entre les aveugles et l’aubergiste mais
lorsque celui-ci s’en prend aux aveugles qui ne peuvent le payer, il a pitié d’eux
et se montre généreux en assumant leur dette, dont il est d’ailleurs responsable.
24. À l’égard de l’aubergiste, il joue un tour plus cruel, car non seulement il
ne lui rembourse pas sa dette, ce qui est malhonnête, mais en plus il le fait
passer pour fou. Cette méchante plaisanterie se justifie sans doute par le
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Les trois aveugles de Compiègne – Le repas de Villon et de ses compagnons
comportement brutal et grossier de l’aubergiste envers les aveugles, que le
clerc venge ainsi en quelque sorte, et également par la richesse de l’aubergiste que le clerc peut gruger en toute bonne conscience.
25. La conclusion de Courtebarbe est ambiguë, car on ne sait si sa remarque
(« à tort on porte dommage à maintes personnes », l. 237-238) porte sur les tours
joués par le clerc aux aveugles et à l’aubergiste – auquel cas il met en question
le comique du fabliau – ou si c’est une critique du comportement de l’aubergiste envers les aveugles. De toute façon, la conclusion a certainement pour
but de racheter par une remarque morale les tours plus ou moins honnêtes
qu’il vient de raconter avec complaisance pour faire « oublier maints chagrins,
maintes douleurs et maints ennuis » (l. 6-7) comme il l’affirmait en introduction.
26. Dans Le repas de Villon et de ses compagnons, la farce jouée par maître
François repose sur le même schéma que celle jouée par le clerc à l’aubergiste dans Les trois aveugles de Compiègne, c’est-à-dire que maître François
comme le clerc, pour ne pas avoir à payer ce qu’ils doivent, créent un quiproquo entre deux personnages – le jeune garçon et le prêtre ; l’aubergiste
et le prêtre – à partir d’un mot qui a un double sens : le verbe « dépêcher », et
l’expression « déclarer quitte » (« j’en déclare le clerc quitte »). Chacun des personnages comprend ce qu’il veut comprendre et ne découvre la tromperie
que trop tard et à ses dépens.
27. La morale du conteur à la fin des Trois aveugles de Compiègne est ambiguë
et moralisante, comme on l’a vu dans la question 25, alors que la morale du
Repas de Villon et de ses compagnons est laudative à l’égard de maître François
dont le narrateur semble faire l’apologie : son esprit rusé est valorisé, ainsi
que son habileté à tromper, parce qu’il ne commet pas ses « emprunts » pour
lui seul mais pour ses compagnons, par altruisme en quelque sorte. Tout
cela s’explique par la date plus tardive de composition de ce conte en vers
(XVe siècle), dont l’objectif est d’entretenir la gloire posthume du poète et
mauvais garçon que fut François Villon, au destin dramatique et mystérieux.
◆ L IRE L’ IMAGE
29. L’illustration de la page 75 représente, de gauche à droite, un paralytique,
caractérisé par ses béquilles qui lui permettent de se déplacer, un lépreux
caractérisé par la crécelle qui lui sert à avertir de sa contagion et la sébile
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pour mendier, et un aveugle qui cherche son chemin à tâtons. Leurs infirmités sont mises en évidence parce qu’elles leur permettent de survivre en
demandant la charité.
30. Ils se trouvent à la porte de la ville, car c’est dans la ville qu’ils peuvent
mendier leur subsistance, sans avoir pour autant le droit d’y vivre.
31. Les mendiants étaient rejetés dans les faubourgs ou bien ils mendiaient
de ville en ville, comme on le voit dans Les trois aveugles de Compiègne : en
effet quand le clerc les rencontre, ils se dirigent vers Senlis et lui demandent
la charité.
R E T O U R S U R L ’ Œ U V R E ( p. 9 4 )
◆ L A NARRATION DANS LES FABLIAUX
1. Les fabliaux sont avant tout des récits comiques, destinés à distraire les auditeurs par le récit de bons tours joués à des personnages, comme le dit
Courtebarbe au début des Trois aveugles de Compiègne : « C’est une bonne chose
que d’écouter des fabliaux car ils font oublier maints chagrins, maintes douleurs et maints
ennuis » (l. 6-7) ou encore le conteur du Pauvre mercier : « Et si son récit est plaisant, il mérite bien d’être écouté, car, souvent, une bonne histoire fait oublier la colère et
les soucis et calme les grandes disputes » (l. 2-5).
Mais les fabliaux sont souvent aussi des récits moraux, qui donnent une leçon
aux auditeurs, en montrant des défauts comme l’ingratitude, la brutalité,
l’égoïsme ou la cupidité, et les conséquences désagréables que leurs possesseurs en obtiennent. Dans ce cas, c’est souvent la conclusion du récit qui tire
la morale de l’histoire comme dans Le tailleur du roi et son apprenti : « car celui
qui trompe son compagnon mérite d’en recevoir la monnaie de sa pièce. Celui qui sème
le mal récolte ce qu’il a semé » (l. 87-89).
Les fabliaux ont donc pour double fonction de faire rire et de donner une leçon
de morale, comme les comédies auxquelles ils ont parfois donné leur sujet.
2. a) Le narrateur apparaît dans presque tous les fabliaux, plus ou moins
explicitement, parfois en se nommant, parfois en se désignant par sa fonction
de conteur, parfois simplement en disant « je » et en commentant à la première personne du singulier son récit. Le tailleur du roi et son apprenti est le
seul récit où le narrateur semble absent ou totalement impersonnel.
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Retour sur l’œuvre
b) Il prend en général la parole au début et à la fin du fabliau, au début pour
introduire le thème principal et annoncer l’objectif poursuivi – qui est souvent de distraire – et à la fin pour tirer une conclusion morale ou humoristique de l’histoire racontée, comme dans Le paysan devenu médecin : « Tout se
passa comme je vous l’ai conté : grâce à sa femme et à la malice qu’elle avait déployée,
il devint un bon médecin sans jamais l’avoir appris » (l. 260-263).
◆ P ERSONNAGES ET RÔLES SOCIAUX
3. Les enfants dans les fabliaux
a) Les fabliaux qui mettent en scène des enfants sont les suivants : La couverture partagée, Le vilain de Farbus, Estula, Le tailleur du roi et son apprenti.
b) Ils ont en commun le bon sens (La couverture partagée et Le vilain de Farbus)
et la ruse (Estula et Le tailleur du roi et son apprenti).
c) Ils se comportent plus sagement que les adultes dont ils n’ont pas les
défauts : l’ingratitude (La couverture partagée), la bêtise (Le vilain de Farbus),
l’égoïsme (Estula, Le tailleur du roi et son apprenti). Ils donnent une leçon aux
adultes par la morale ou la vengeance.
d) Ils donnent une image valorisante de l’enfant, ce qui est plutôt surprenant
au Moyen Âge où l’enfant est considéré comme un être incomplet et inférieur pendant ses premières années. Ils permettent ainsi en contrepoint de
faire la satire des adultes, ce qui est l’objectif de ces fabliaux.
4. La femme dans les fabliaux
a) Les fabliaux qui mettent en scène des femmes sont les suivants : La couverture partagée, Le vilain de Farbus, Les perdrix, Le paysan devenu médecin, La vieille
qui graissa la main du chevalier et Brunain, la vache du prêtre.
b) Elles sont avares, autoritaires et mégères (La couverture partagée et Le vilain
de Farbus), menteuses et rusées (Les perdrix et Le paysan devenu médecin), – la
naïveté de la vieille femme dans La vieille qui graissa la main du chevalier est un
cas particulier, car ce qui est important ce n’est pas qu’elle soit une femme,
mais qu’elle soit vieille et seule, semble-t-il. Les autres sont mariées, ce qui
explique leur comportement : ou bien elles ont plus d’autorité que leur mari
et ce sont des mégères, ou bien elles sont soumises mais se vengent par la
ruse et le mensonge de cette violence subie.
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QUESTIONS
c) La condition féminine est caractérisée par l’aliénation, la femme est
dépendante de son mari qui exerce souvent son autorité par la violence (le
mariage de la jeune fille noble dans Le paysan devenu médecin est significatif
à cet égard). C’est pourquoi elle a recours à la ruse pour retrouver un peu de
liberté ou pour se venger.
d) Elles donnent une image ambiguë de la femme au Moyen Âge : considérée comme inférieure, elle doit être soumise mais cherche à échapper à
cette soumission par des moyens peu honorables, et finalement se montre
supérieure à son mari qu’elle domine ou ridiculise.
5. Le paysan dans les fabliaux
Les fabliaux qui mettent en scène des paysans (ou vilains) sont les suivants : Le
vilain de Farbus, Brunain, la vache du prêtre, Les perdrix, et Le paysan devenu médecin.
a) Le vilain est un paysan libre, soumis au ban du seigneur et lui devant les
taxes et redevances habituelles, mais il est libre de sa personne (note de Jean
Dufournet in Fabliaux du Moyen Âge, Flammarion). Dans les fabliaux proposés, seul Le paysan devenu médecin nous présente un vilain riche qui se permet
même d’épouser une jeune fille noble mais pauvre. Les trois autres fabliaux
ne nous donnent pas d’indication précise sur la situation matérielle des
vilains mais ils ne semblent guère riches, plutôt modestes ou presque pauvres
comme dans Le vilain de Farbus, où la femme du vilain lui compte l’argent
qu’il doit dépenser au marché, ou surtout dans Brunain, la vache du prêtre où le
couple de paysans est heureux de voir revenir deux vaches au lieu d’une qui
donnait peu de lait, et annonce que l’étable va être trop petite. Quant au
fabliau des Perdrix, le vilain semble considérer son repas comme un festin
rare, auquel il convie même le prêtre (mais pas sa femme !).
b) Les vilains sont présentés comme avares (Le paysan devenu médecin), violents
(Le paysan devenu médecin et Les perdrix), naïfs et même un peu stupides (Le
vilain de Farbus, Brunain, la vache du prêtre et Les perdrix), seul le paysan riche du
Paysan devenu médecin est habile et rusé puisqu’il se sort de la situation délicate
où l’a mis sa femme en le prétendant médecin. Son image est plutôt dépréciative et elle correspond à l’idée que l’on se faisait du paysan, méprisé dans les
milieux aristocratiques auxquels sont destinés les fabliaux.
c) Les mésaventures dont il est la victime se terminent tantôt mal (Le vilain
de Farbus et Les perdrix) mais sans gravité, tantôt bien (Brunain, la vache du
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Retour sur l’œuvre
prêtre et Le paysan devenu médecin) et même avec un progrès matériel ou
social. En effet le fabliau n’est pas un récit cruel, il cherche seulement à faire
rire aux dépens d’une cible traditionnelle pour le public noble.
◆ L A TROMPERIE ET LE COMIQUE DANS LES FABLIAUX
6. Les fabliaux qui font le récit d’une tromperie sont les suivants : Les perdrix,
Le paysan devenu médecin, Le tailleur du roi et son apprenti, Les trois aveugles de
Compiègne, et Le repas de Villon et de ses compagnons.
7. Ces tromperies sont imaginées dans des buts divers, mais toujours personnels et jamais méchants : satisfaire sa gourmandise dans Les perdrix, se venger
et donner une leçon dans Le paysan devenu médecin et Le tailleur du roi et son
apprenti, s’amuser aux dépens d’autrui dans Les trois aveugles de Compiègne, et
se nourrir gratuitement dans Le repas de Villon et de ses compagnons.
8. Elles sont toutes réussies ; c’est leur succès qui provoque le comique.
9. Un exemple de comique de caractère : Le vilain de Farbus, Le pauvre mercier.
10. Un exemple de comique de langage : La vieille qui graissa la main du chevalier, Brunain, la vache du prêtre et Le repas de Villon et de ses compagnons.
11. Un exemple de comique de situation : Estula ou Le paysan devenu médecin.
12. Le type de comique le plus fréquent : le comique verbal, car il apparaît
dans sept fabliaux sur onze, qu’il s’agisse du jeu sur le double sens d’un mot,
d’une expression prise au pied de la lettre, ou d’une homophonie.
◆ L E LEXIQUE DU M OYEN Â GE
14. un paysan : un vilain (p. 14) – l’unité monétaire : un denier (p. 14) – un
pantalon : des chausses (p. 10) – de la bière : la cervoise (p. 14) – une soupe
épaisse : un morteruel (p. 16) – une arme en forme d’arc en acier : une
arbalète (p. 16) – un gobelet : un hanap (p. 29) – le prêtre : le chapelain
(p. 30) – un cheval de cérémonie : un palefroi (p. 40) – un cheval de bataille :
un destrier (p. 47) – poliment : courtoisement (p. 45) – la jeune fille : la
pucelle (p. 44) – l’officier seigneurial : le prévôt (p. 56) – un étudiant en religion ou un intellectuel : un clerc (p. 64) – un musicien et poète ambulant :
un ménestrel (p. 74) – nos actuelles « toilettes » : les latrines (p. 79)
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RÉPONSES
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AUX
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QUESTIONS
◆ R ÉPONDEZ PAR VRAI OU FAUX
15. faux, c’est un gâteau.
16. vrai.
17. vrai.
18. a) faux, il apporte du miel. b) faux, ce sont les ciseaux.
19. vrai.
20. faux, c’est un besant.
◆ L ES NOMS PROPRES
21. Robin : le fils dans Le vilain de Farbus.
Hersant : la voisine dans La vieille qui graissa la main du chevalier.
Dom Constant : le prêtre dans Brunain, la vache du prêtre.
Sire Richard : le moine dans Le pauvre mercier.
Robert Barbe-Fleurie : un des aveugles dans Les trois aveugles de Compiègne.
Gombaut : le vilain dans Les perdrix.
Gagne-denier : le jeune commis dans Le repas de Villon et de ses compagnons.
Nidui : l’apprenti dans Le tailleur du roi et son apprenti.
Aude : la fille du roi dans Le paysan devenu médecin.
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PROPOSITION
DE
SÉQUENCE
DIDACTIQUE
Séquence 1 : étude des ressorts dramatiques dans Les perdrix
Objectif d’écriture : transposer un fabliau en farce théâtrale. 5 séances.
AXE DE LECTURE
OUTILS DE LANGUE
ÉCRITURE
Séance 1 • Étude de la structure • Les connecteurs
du fabliau; découpage logiques.
en différentes parties (5)
• Composition
des scènes de la farce
(entrées et sorties
des personnages).
Séance 2 • Analyse des personnages (caractères et
comportements,
niveaux de langue).
• Vocabulaire descriptif
(mélioratif
et dépréciatif).
• Portrait physique
et moral des trois
personnages
principaux.
Séance 3 • Étude du quiproquo.
• L’argumentation.
• Mise en place du
quiproquo entre les
trois personnages.
Séance 4 • Alternance du récit
et des discours.
• Étude des discours
rapportés.
• Transposition du récit
en dialogue théâtral.
Séance 5 • Étude des circons• Les compléments
tances (lieux, moments, circonstanciels.
objets nécessaires à
l’action).
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• Mise en scène de la
farce (décors, costumes,
accessoires, déplacements, intonations).
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PROPOSITION
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SÉQUENCE
DIDACTIQUE
Séquence 2 : les différentes formes de comique dans les fabliaux
Objectif de lecture : retrouver et analyser ces mêmes formes dans les textes
du groupement « Farces et attrapes ». 5 séances.
AXE DE LECTURE
OUTILS DE LANGUE
ÉCRITURE
Séance 1 • Le comique verbal
dans La vieille qui
graissa la main
du chevalier.
• Le sens propre
et le sens figuré.
• Étude de l’extrait
des Malheurs de Sophie.
Séance 2 • Le comique de
situation dans Estula.
• Le dialogue qui met • Étude de l’extrait
en place le quiproquo. du Bal des voleurs.
Séance 3 • Le comique de
• Le vocabulaire
caractère dans Le vilain descriptif, les marques
de Farbus.
de jugement.
• Étude de l’extrait
des Confessions
de Rousseau.
Séance 4 • Le retournement
de situation (schéma
du trompeur trompé)
dans Le tailleur du roi.
• La structure logique
d’un texte.
• Étude de la fable
de La Fontaine.
Séance 5 • Le comique satirique
dans Le paysan devenu
médecin.
• Les procédés
critiques.
• Étude de l’extrait
de Vipère au poing
d’Hervé Bazin.
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E X P LO I TAT I O N
DU
GROUPEMENT
DE TEXTE
◆ É TUDE D ’ UN THÈME : LA FARCE
1. Il est possible d’étudier l’un des extraits proposés, en parallèle avec l’un des
fabliaux, comme (bien sûr !) l’extrait du Médecin malgré lui de Molière après le
récit du Paysan devenu médecin.
2. Il est possible aussi d’étudier tous les extraits, ou seulement quelques-uns,
après l’étude des fabliaux, pour voir la postérité du thème de la farce dans la
littérature, en prenant par exemple un extrait de théâtre, un extrait de roman
et la fable de La Fontaine pour la poésie.
3. Enfin on peut choisir d’étudier les récits qui mettent en scène des enfants
(J.-J. Rousseau, la Comtesse de Ségur, J. Anouilh et H. Bazin) après avoir
étudié les fabliaux qui utilisaient également ces personnages ; ou encore de
rapprocher les récits qui ont gardé une forme commune à travers les siècles :
comique de quiproquo ou schéma du trompeur trompé, etc.
◆ Q UESTIONS D ’ ENSEMBLE
Ces questions peuvent aussi être traitées pour chaque extrait en particulier :
– À quel genre littéraire appartiennent les extraits proposés (théâtre, poésie ou
roman) ? Quel genre domine et pourquoi ?
– Qui raconte ces farces (auteur, narrateur extérieur, personnage) ?
– Quels sont les différents types de comique présents dans les extraits ?
– Dans quel registre (comique, satirique, tragique…) se situent ces farces ?
– Quels farces suivent le schéma du « trompeur trompé » ?
– Dans quels buts sont réalisées les farces racontées ?
– Quelle leçon donnent les farces ayant une valeur morale ?
– Quel extrait préférez-vous et pourquoi (thème de la farce, situation
décrite, caractère des personnages, style du récit) ?
• Écriture : imaginez la revanche de l’une des victimes des farces racontées :
décrivez-en les préparatifs, la réalisation et les conséquences, sans oublier
d’analyser les sentiments du personnage tout au long de sa vengeance.
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PISTES
DE RECHERCHES
D O C U M E N TA I R E S – B I B L I O G R A P H I E
◆ R ECHERCHES DOCUMENTAIRES
– Les enfants au Moyen Âge (leur place dans la famille, éducation…).
– La femme au Moyen Âge (mariage, relations entre les époux…).
– La composition de la société française au Moyen Âge : à quels ordres de la
société appartiennent les vilains, les prêtres, les clercs, les chevaliers ? Richesse
et pauvreté ; la hiérarchie sociale, etc.
– L’ancien français et les dialectes ; sa prononciation ; l’héritage du latin.
– La vie d’un jongleur et la création littéraire au Moyen Âge.
◆ B IBLIOGRAPHIE
Études
– M.-T. Lorcin, Façons de sentir et de penser : les fabliaux français, Paris,
Champion, 1979.
– Ph. Ménard, Les Fabliaux, Contes à rire du Moyen Âge, PUF, 1983.
– D. Boutet, Les Fabliaux, PUF, 1985.
– Per Nykrog, Les Fabliaux. Étude d’histoire littéraire et de stylistique médiévale,
2e éd., Genève, 1973.
– J. Bédier, Les Fabliaux, études de littérature populaire et d’histoire littéraire du
Moyen Âge, 1893 (6e éd. 1964).
Histoire du Moyen Âge
– R. Delort, La Vie au Moyen Âge, Seuil, coll. « Points Histoire », 1982.
– G. Duby, R. Mandrou, Histoire de la civilisation française, tome 1, Moyen
Âge-XVIe siècle, LGF, 1993.
Histoire littéraire du Moyen Âge
– J.-C. Payen, Littérature Française, tome 1, Le Moyen Âge,Arthaud, 1990.
– M. Zink, Introduction à la littérature française du Moyen Âge, Le Livre de
Poche références, 1993.
– E. Baumgartner, Histoire de la littérature française, Moyen Âge, Bordas, 1988.
– P.-Y. Badel, Introduction à la vie littéraire du Moyen Âge, Bordas, 1969.
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