330 - CONCLUSION` Jean-Paul Sartre etait Jn homme de son temps

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330 - CONCLUSION` Jean-Paul Sartre etait Jn homme de son temps
- 330 CONCLUSION'
Jean-Paul Sartre etait Jn homme de son temps.
m@me temps,l'un des plus connus et des olus insultes.
d'autre que
~ui
pouvait faire couler tant d'encre.
Mais en
Personne
En effet, la
critique sur ce genie du siecle abonde voire deborde. Dans
l'Obligues, 1 par exempl(~, on trouve unu bibliographic internationale
selective d'une douzaine de pages (in-quarto!).
Sur cette liste et
sur d'auLres, l'absence des auteurs indit:nr> esL bien frappante.
Corri?,er, alors, l'impression possible que Sartre restc inconnu en
Inde, etait une des raisons pour laquelle on a entrepris cette etude.
A-t-on reussi?
Est-ce que notre recherche a pu atteindre lcs objec-
tifs vises au depart?
la peine?
Bref, nos efforts, dans ce sens, ont-ils valu
En faisons sommairement le bilan.
PrfJini,erement, cette etude prise dans son ensemble demontre
incontestablement la realite d'une critique indienne sur Sartre.
Qu'on s'explique mieux sur ce point.
Il est vrai qu'il y a ici et
la des expositions savantes sur cet existentialiste
sont pburtant isolees et dispersees.
fran~ais.
Elles
Ce sont, bien sdr, des etudes
sartriennes par des auteurs indiens mais non pas une veritable critique indienne sur Sartre.
Pour· cela, il faudrait reunir et classer
ces articles en vue de les analyser d'une maniere systematique ..
Voila ce qu'on' s'est donne pour tache tout au long de l'investigation.
Ainsi est conntituee cette critique qui, pour ninoi dire,
est une lecture sartrienne.
raisons principales.
1.
Oblique~:
Cette critique est indienne pour deux
D'abord pnrce que cc sont des observations
(op.cit.), pp.348-360.
- 331 Deuxi~mement,
faites par des Indiens.
ment indien.
Par cela je
Sartre et les
systeml~S
vr~ux
c'est son 'gofit' sp6cifique-
entenc1r<: me refcrcr nux deux chapi tres:
de pcns6e indicns et L'inf'lnpnce de l'exis-
tentialism sartrien sur les li tt6ratures
regio.n.~le~
donne CJUe la plupart d 'etudes sur Sa r'trc• dans ce
de l'Inde. Etant
pFty~::
por·tent presque
exclusivcment sur sa philosophie, le chapitr0 nurtout sur les lit-
·Ensujte~
Consideron~-la,
nueJle est ln
d'abo~d,
vnl~·ur
jntrinseC}ue ne cette critique?
dans sa partie phjlosophinue.
Dnns l'Intro-
duction elle nou::> oL'fre une vue panornr1ique du dev01oppPmcnt clcr;
idees existentialistes des l'antinuite jusqu'a nos jours, afin de
mieux situer le
sartr~sme.
Presque taus les aspects essentiels de
la philosophic sartrienne exposes par Sartre dans ses principnux
oeuvres philosophiques ant ete.presentes et evalues.
tion etait parfois appreciative, parfois depreciative.
Cette evnluaIl est aussi
vrai que quelques critiques donncnt l'impression de n'nvoir pns
assez as simile Sartre.
Mais une tres grande partie suit Snrtre dans
le developpement de ses idees et se montrent bien sympathiques.
Si
quelques critiques se sont egares dans leurs interpretations, c'est
probablement du au fait qu'ils n'ont pas analys6aa pQns6e comme une
evolution contipue.
Jeanette Colombel exprime bien cette idee ainsi:
Liro Snrtrc aujourd'hui, o'nat
ch~trchor co qu'il y n do
neuf en lui comme on le fait d'un evenemcnt, c'est done
deeengluer son oeuvre des regards et des grilles qui
furent les notres, contemporains d'il y a quarante ans
ou vingt ans, scandalises ou admirateurs qui transmettons
sa pensee sans avoir songe ala renouveler. L'age ne fait
ricn a l'affaire : la tentation de le classer comme le dernier en date d'une philosophie du sujet ou comme un marxiste
plus ou moins crittque lui enleve toute singularite : il
faut, sur son conseil nous defier des habitudes, et suivre
- 332 les mutations et le::~ rea.ffi.rrnatlon:..; de sa propre pensee.
Il faut 'redecouvrir Sartre', cornme BarthPs lP souhRitait,
en nous mefiant de lui-meme ... 1
Dans sa partie litteraire, la
criti~ue
indienne semble
bien tenir compte de ce conseil de Sartre :
La totalit~ de rnon oeuvre, ce sera ~a : une oeuvre
li tt~raire qui a un sens philos•>phique, alors il n 'y a
pas de critique pour cela. Maint(mant, pPut-etre: YOU8,
par exernple, vous ave z 1' air de v0us ach£~mine r un pcu
vers qa : la critique de l'objet litteraire, mais qui se
rend compte que cet objet litteraire est ~ussi un objet
philosophique. 2
Le Professeur de Mnrneffe, par exemplc, a fait des applications de
la liberte sartrienne dans son analyse des Chemins de 18 libert~. 3
Il a aussi parle de la liberte sartrienne vis-a-vis de l'Inde apres
l'Independance du pays. L'analyse des Mouches par G.N. Rao 4 revele
des applications de la liberte sartrienne dans la conduite d'Orestes
et d'Electre.
Et meme l'analyse des romans mRrathis pnr Dilip Chitre
a bien· souligne l'aspect universel et l'aspect local de !'alienation.
Sa~tre
a toujour3 in3iste sur ce point.
En litterature qui a toujou~s, d'une certaine fa~on,
affaire au vecu, rien de ce que je dis est totalement
exprime par ce que je dis. Une meme realite peut
s'exprimer d'un nombre de fa~ons pratiquement infini.
Et c~est le livre entier qui indique le type de lecture
que cLaque phrase requiert. 5
1. Colombel, Jeannette: op.cit., pp.745-746.
2. Sartre, J.-P.: "J.-P. Sartre et M. Sicard", Entretien: Obliques
(op.cit.), p.22.
3. De Marneffe, J.: "Snrtre's Roads to Freedom- a philosophical
apprn"isnl", nrt.cit. (lncdit).
4. Rao, G.N.: "Sartre's Protest against Nazi Occupati')n", art.cit.
5. Sartre, J.-P.: "Entretiens sur moi-meme'', Situations X, Politique
et autobiographie; Gallimard, 1976, p.138.
- 333 -
Voila, alors, pour ainsi dire, un bilan positif de ce
qu'on , a fait.
En meme temps, cela ne nous empeche pas d'y reconnai-
tre et cela sans gene de nombreuses lacunes.
On a du s'appuyer sur
un materiel inadequat pour atteindre les objectifs vises.
les critiques consideres se limitent
a
En
~~neral
et1.ons
l'existentiAlisme et nousL
obliges de bien utiliser le passoire pour en tirer les r,outtes de
sartrisme.
Beaucoup d'observattons sont empruntees
~des
presentes au seminnire national sur Snrtre et qui sont
memoires
in~dits.
De meme, est-ce qu'on peut considerer les opinions exprimees dans
un journal comme sufflsamment eutoritaires pour les inclurc dnns
une recherche de ce genre?
On a eu Lenucoup de mal A chercher des
articles portant sur les litteratures
re~ionales.
Est-ce qu'une ou
deux etudes ont dr0it de representer tout0. une litternture?
Pnrfois
on ressentait vivement ces mots de Snrtre: "Ma seule nffaire etait
de me sauver - rien dans les mains, rien dans les poches - par le
travail et la foi ... sans equipement sans outillage je me suis mis
tout entien i l'oeuvre." 1 Cependant, ces lacunes peuvent etre
comblees par des recherches utlterieures.
Il serait par exemple
interessant de faire une etude comparative des influences
dans des litteratures d'une region de l'Inde.
Quant
sartrie~nes
a notre
recher-
che, il suffit de repeter ce qu'on a dit au debut,n savoir que cette
these n'est qu'un point de depart.
Quoi de plus na!f que de prendre Jean-P.qnl Sartre pour
le philosophe pessimiste par excellence.
1. Sartre, J.-P.
Et pourtant,
SA
Les Mots, Gallimard, 1964, 1982, p.213.
vie, sea
- 334 -
oeuvres et son action temoignent d 1 une foi inebranlable dans la
solidarite et la fraternite des hommes.
authentique qu 1 il prechait et pratiquait.
C'etait
1~
seule morale
Voici son dernier
message un mois avant sa mort
La morale est indispensable, cela siGnifie bien : les
hommes ... ont un avenir base sur lcs principes de
1 1 action commune ~. .. • C 1 est-a-dire qu 'a la fois ce que
j 1 ai est a toi, ce tu as est a moi, et si je manque,
tu me d~~nes, et si tu manques, je te donne : ~a C 1 est
l 1 avenii.de la morale ... c'est cette realite. La que
j 1 ap:nelle la consciPnce." 1
Belle recette pour un humanisrne individual, nationRl et international!
F.runce et
Que cette these rende homm::tge.
a un fils illustre de la
a un des plun
de notre temps.
.~rnnds humani:;t!~S
1. Sartre/Ben'ny Levy : "L'espoir maintenant" dans Le Nouvel
Observateur, mars 1980.