Spirite, es-tu là
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Spirite, es-tu là
Télérama Livres, actualité et critiques des meilleurs romans, beaux livres, essais, part... Page 1 sur 3 CRITIQUE RECHERCHER UN ARTICLE Spirite, es-tu là ? Depuis le XIXe siècle, âge d’or des L'actu sciences occultes, le surnaturel revient au galop. Analyse d’un phénomène dans un essai de Nicole Edelman. LES PARUTIONS FLASH-BACK Les livres déjà parus ESPACE EMPLOI EVENEMENTS BOUTIQUES mercredi 18 janvier Courrier Qui fait quoi ? Il n’y a pas de mystère. Si les pages tournent à la lecture de cette Histoire de la voyance et du paranormal du XVIIIe siècle à nos jours, ce n’est nullement sous l’effet de quelque phénomène surnaturel, mais parce que Nicole Edelman entraîne ses lecteurs dans un sujet qu’elle domine avec maestria. Pour analyser ce curieux assemblage d’extravagance et de sincérité, l’historienne mobilise science et littérature, révélant l’importance prise dans nos sociétés contemporaines par tout ce qui touche au surnaturel, à ses études et à son exploitation. Et le champ est large pour l’analyse de toutes ces pratiques – la voyance, qui prétend prédire l’avenir, la chiromancie, qui lit les lignes de la main, ou l’astrologie, qui scrute les astres –, que Nicole Edelman, spécialiste du XIXe siècle, envisage sur trois siècles. Une histoire qui « met au jour des linéaments, des transformations, des replis et des résurgences qui brouillent bien des frontières entre science et religion, entre savoir et croyance, entre raison et folie ». Condamnée par l’Eglise et des ordonnances royales au XVIIe siècle, la voyance resurgit au siècle suivant, profitant d’une période où les limites de la curiosité sont repoussées. En 1778, à Paris, le médecin autrichien Franz Anton Mesmer (1734-1815) rencontre un franc succès auprès de l’aristocratie. Il met au point des machines à guérir, sortes de cuves de bois remplies de verre pilé, d’où sortent des tiges de fer, censées être des accumulateurs de fluides que les aristocrates, en cercle, saisissent pour échanger leur énergie harmonieuse. Ils pensent y trouver un nouvel équilibre, se pâment et rétribuent généreusement leur bienfaiteur. Mais c’est au XIXe siècle que pareilles expérimentations aspirent véritablement au statut de « sciences occultes » (pratiques en marge de la science et de la religion). Aller au-delà des pouvoirs de la conscience, tel est l’enjeu. Balzac (Ursule Mirouët, 1841), Dumas père (Joseph Balsamo), magnétiseur à ses heures, mais aussi Nerval, Hugo ou Poe n’excluent pas la possibilité de l’existence de forces qui dépassent l’homme et en popularisent l’idée. Le « sommeil somnambulique » ou hypnotique est à la mode. L’exploration des mystères de l’âme s’y inscrit à la suite des découvertes anatomiques ; et le désenchantement politique ressenti par les romantiques les incite à chercher d’autres issues. On lit ainsi dans les cartes de tarot de Marie-Anne Adélaïde Lenormand, qui manie aussi le marc de café et les blancs d’œuf battus, véritable cuisine voyante fortement rétribuée par ceux qu’elle captive. Retour des sorcières en plein XIXe siècle, comme s’en inquiète la Gazette des tribunaux ? Nicole Edelman corrige la sentence : « La somnambule magnétique se distingue http://livres.telerama.fr/edito.asp?art_airs=M0601161305059&srub=1 F 18/01/2006 Télérama Livres, actualité et critiques des meilleurs romans, beaux livres, essais, part... Page 2 sur 3 radicalement de la sorcière : elle se veut fille de la modernité urbaine, de la raison, symbole du progrès de la science par le magnétisme. » L Croire ou ne pas croire ? En tout cas, les progrès de la science ouvrent une boîte de Pandore et suscitent ce type de questionnements. Et l’invention du daguerréotype, en 1839, relance le problème de l’accessibilité à l’invisible. Capter l’immatériel, tel est le but de la photographie spectrale, et l’alibi d’un commerce de photographie spirite. Le tremblé et le flou, où se dessinent ectoplasmes et revenants, revendiquent le statut de la preuve, quitte à omettre de mentionner les trucages par surimpressions de clichés : on assure observer les empreintes photographiques obtenues en l’absence de lumière sous l’action de rayons mystérieux, et l’on n’a de cesse de traquer les forces qui s’impriment sur la plaque sensible. Ces sublimes supercheries et authentiques expériences tendues vers la recherche de la vibration lumineuse d’une âme amorcent au moins la réflexion sur l’inconscient et annoncent la psychanalyse. Et les apparitions mariales, en 1830, 1847 et 1858, relancent encore les débats sur les marques de l’invisible, les visions ou les hallucinations, espaces encore inexplorés et inexpliqués. Mais tous ces phénomènes renvoient en fait au regard que la société porte sur elle-même. Ainsi, le carnage de la Première Guerre mondiale ravive-til la croyance en la survie des morts et engendre une nouvelle poussée du spiritisme. Les proches d’un soldat disparu, incapables, faute de sépulture, de faire leur deuil d’un fils ou d’un mari, tentent de le retrouver par des dialogues médiumniques. Dans l’après-guerre, l’écriture automatique – le crayon posé dans la main écrivant sous l’impulsion de l’esprit – est remise à la mode par les surréalistes, épris de « beauté convulsive » et fascinés par les expériences sur l’hypnose pratiquées à la Salpêtrière par le docteur Charcot (1825-1893) dans le cadre des ses recherches sur l’hystérie. Chiromancie, graphologie, astrologie investissent les rubriques des journaux dès les années 1920. Et, après la Seconde Guerre mondiale, le marché de la voyance prend son rythme de croisière, se frayant un chemin entre recherches scientifiques et charlatanisme. De Madame Irma à Madame Soleil, des stations de radio privées aux sites Internet, la voyance continuera à abattre ses cartes, s’inscrivant de façon logique dans l’exploitation commerciale de la crédulité. Pourquoi viser les planètes d’ailleurs ? Dans Mythologies, Roland Barthes, fustigeant les « entreprises de semi-aliénation », écrivait de l’astrologie qu’elle était finalement moins « une voie d’évasion » qu’un moyen d’« exorciser le réel en le nommant ». Le succès rencontré par les fictions qui scénarisent le paranormal – et la perte de repères dans un monde où l’improbable ne cesse de surgir – ne peut qu’encourager toute une palette de pratiques et de croyances. « Le recours aux astres, conclut Nicole Edelman, est un bien bel exutoire à toute réflexion critique sur le monde et sur soi-même. » Histoire de la voyance et du paranormal du XVIIIe siècle à nos jours, de Nicole Edelman, éd. du Seuil, 282 p., 21 € L Gilles Heuré I C D http://livres.telerama.fr/edito.asp?art_airs=M0601161305059&srub=1 18/01/2006 Télérama Livres, actualité et critiques des meilleurs romans, beaux livres, essais, part... Page 3 sur 3 F Télérama n° 2923 - 18 janvier 2006 version imprimable envoyez cette page C I haut de la page T Annonces Google Livres: 20.000 critiques Ecrivez vos critiques, savourez celles des autres ! www.critiqueslibres.com Le Paranormal expliqué Cours de sciences psychiques et de parapsychologie pratique www.sciences-occultes.org Ecrire son autobiographie Atelier d'écriture : formation en groupe ou individuelle www.vieuwa.com Une offre d’abonnement à Télérama exceptionnelle pour fêter cette nouvelle année ! 4 un DVD surprise, profitez-en vite … Nous contacter Qu Plan du site Droits de reproduction et de diffusion réserves © Télér Usage strictement personnel. L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la licence de dr http://livres.telerama.fr/edito.asp?art_airs=M0601161305059&srub=1 18/01/2006