Le support comme instrument. Cette sélection réunit un ensemble d

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Le support comme instrument. Cette sélection réunit un ensemble d
Le support comme instrument.
Nicolas Maigret
Yevgeny Alexandrovitch Sholpo : son dessiné (~1920…)
The Variophone (1932)
[SUPPORT : SON DESSINÉ SUR FILM]
Cette sélection réunit un ensemble d’artistes, musiciens
et chercheurs internationaux qui ont expérimenté
les normes et supports de diffusion du son de leurs
époques respectives. Bien souvent situables dans le
champs de l’anti-académisme musical ou sonore
ouverts par des mouvements comme le Futurisme,
Dada, ou Fluxus, ces projets ne sont pas nécessairement
musicaux au sens traditionnel du terme, mais plutôt
des démarches radicales, expérimentant le support
comme source de création sonore potentielle, ou axées
sur des compositions génératives faites de sonorités,
de textures et de structures en en lien étroit avec les
qualités et contraintes mêmes du médium.
Originellement marginales, ces approches tendent
depuis quelques décennies à pénétrer toutes les strates
de la création sonore tant savante que populaire.
(Remerciements à Bertrand Grimault et Nicolas Montgermont pour leurs conseils et leurs ressources complémentaires.)
Développé en Union soviétique en 1932 par Yevgeny Alexandrovitch Sholpo, tle Variophone
utilise une méthode de synthèse optique dans laquelle des courbes sonores, dessinées sur film 35 mm transparent,
produisent des sons à l’aide de cellules photoélectriques. Depuis les années 1920, Sholpo étudie le « dessin
du son » et crée des œuvres sonores à partir de dessins photographiés. A la même époque, d’autres artistes en
URSS travaillent dans le même esprit, notamment Arseny Avraamov qui produit des bandes sonores de films, en
photographiant des séries de dessins.
.
Oskar Fishinger : Ornament Sound Experiments (1932)
Ornament Sound Experiments, un film de 1932 du réalisateur expérimental Oskar Fischinger, fait une utilisation
particulière de la bande sonore optique.
En remplaçant les courbes sonores habituelles de la bande son d’un film par des motifs graphiques spécifiques, un
son « synthétisé », « pur », selon Fischinger, se manifeste lors de la lecture.
texte : http://www.oskarfischinger.org/Sounding.htm
image : http://triggertone.com/term/Ornament_Sound_Experiments
Norman McLaren : Dots (1940)
Norman McLaren a dessiné à la plume, directement sur la pellicule, non seulement les images de ce film, mais
aussi les sons. Ce procédé lui a donc permis de se passer de caméra et d’appareil d’enregistrement.
video : http://www.youtube.com/watch?v=E3-vsKwQ0Cg
Lazlo Moholy Nagy (1923)
[SUPPORT : PHONOGRAPHE]
Inspiré par les bruitistes italiens et leurs efforts monumentaux pour tenter d’élargir notre perception du son, László
Moholy-Nagy poursuit leur recherche autour du bruit en « réinventant » l’enregistrement. Dans un article paru dans
Der Storm n° 7, il résume ainsi la base de son expérimentation :
« Je propose une modification du gramophone pour que d’instrument de reproduction il devienne un instrument de
production, de manière à ce que sur un disque vierge, l’information acoustique, le phénomène acoustique lui même,
soit produite par la gravure du sillon nécessaire (Ritchriftreihen). »
Il fournit une description détaillée pour retoucher les disques et créer ainsi des « formes sonores réelles » afin
d’encourager les gens à devenir de « vrais auditeurs et créateurs de musique ». Son œuvre est d’une grande
importance, autant pour sa contribution créative à l’esthétique du son que pour les questions qu’il soulève sur les
relations (réelles ou perçues) entre artiste sonore, performance, support d’enregistrement et auditeur. Moholy-Nagy
détourne les modes traditionnels de la reproduction et de la diffusion musicale en donnant des concerts à l’école du
Bauhaus lors desquels il se produit avec des disques modifiés. A bien des égards, il jette les bases d’une importante
évolution que l’on peut qualifier d’« anti » ou de « conceptuelle ».
[Ron Rice — A Brief history of Anti-Records and Conceptual Records]
http://www.rosab.net
John Cage : Imaginery Landscape No. 1 (1939)
Une des premières œuvres électro-acoustiques jamais composée, elle emploie comme instrument un tournedisques à vitesse variable.
audio : http://www.medienkunstnetz.de/works/imaginary-landscape-1/audio/1
Pierre Schaeffer : Etude aux chemins de fer (1948)
Le collage bruitiste Etude aux chemins de fer est reconnu comme la première œuvre qui arrange des bruits selon
une esthétique purement musicale. Sa première représentation en public lors de l’émission « Concert de bruits »
à Paris, le 5 octobre 1948, avec trois autres collages sonores, marque la naissance du mouvement français de
« musique concrète », un courant dont la matière première est constituée des sons de la vie courante dont découle
un ensemble de règles créatives spécifiques.
L’Etude aux chemins de fer part d’enregistrements que Schaeffer effectue à la gare des Batignolles à Paris, à
l’aide de six machinistes qui « improvisent » suivant ses instructions. Réalisant ces enregistrements en tant que
compositeur, Schaeffer choisit d’employer des techniques de découpage afin d’effacer les composants sémantiques
des bruits et de mettre en valeur leurs qualités musicales : rythme, tonalité et hauteur.
[Golo Föllmer]
John Cage : Variation VII (1966)
[SUPPORT : SONS DANS L’ESPACE]
« Cette pièce sonore est conçue avec la contrainte de n’utiliser que les sons qui surgissent au cours de la
représentation. En d’autres termes, les interprètes ne doivent pas faire la moindre action pour générer des sons
par eux-mêmes, mais doivent utiliser des moyens techniques pour attraper les sons dans l’air comme s’ils le
faisaient « à l’aide d’un filet » »
[James Pritchett : The Music of John Cage]
« Mon projet est simple à décrire. Il s’agit d’une œuvre musicale, Variations VII, indéterminée dans sa forme et
ses détails, qui utilise un système sonore mis au point en commun pour ce festival, ainsi que des techniques de
modulation produites par David Tudor, en employant comme source uniquement les sons présents dans l’espace
environnant, au moment de la représentation, et captés via des fréquences de communications, des lignes
téléphoniques, des microphones, et accompagnés, en lieu d’instruments de musique, d’une sélection d’appareils
ménagers et de générateurs de fréquence. Les problèmes techniques qui apparaissent lors de chaque projet ont
tendance à amoindrir l’effet de l’idée d’origine, mais ici, leur résolution produit une situation autre, que personne
n’aurait imaginée auparavant. »
[john cage]
audio : http://www.medienkunstnetz.de/works/etude-aux-chemins-de-fer/audio/1
audio : http://www.youtube.com/watch?v=N9pOq8u6-bA
media : http://www.fondation-langlois.org/html/f/page.php?NumPage=611
Nam June Paik : Random Access Music (1963)
Ken Friedman : Zen for Record (1966)
Depuis le début des années 1950, les compositeurs d’avant-garde utilisent la bande magnétique pour produire un
éventail de sons qui dépasse de loin le canon des instruments conventionnels. La notation musicale classique est
bien entendu inutile dans de tels cas, aussi John Cage développa à partir de bandes magnétiques, des partitions
graphiques déterminées de manière aléatoire, qui permettent à divers bruits d’être assemblés en compositions
complexes. Avec cette installation à partir de bandes, Nam June Paik va plus loin : le visiteur peut utiliser la tête de
lecture, détachée du magnétophone pour parcourir manuellement des bandes collées au mur, en variant à l’infini la
séquence sonore selon la position et la vitesse de déplacement de la tête. Cet accès aléatoire (« random access »)
aux données musicales brutes permet aux visiteurs de produire leurs propres compositions.
Disque phonographique vierge en hommage à Zen for Film (1964) de Nam June Paik : un film 16 mm entièrement
constitué de bande amorce transparente. (On dit souvent qu’il dure une heure, mais quand je l’ai vu, il affichait
une durée de 10 minutes et la projection était plus proche de 8). A ne pas confondre avec Transparent Film #2
(1967, 16 mm) de Christine Kozlov. La bande-son accidentelle du film de Paik est beaucoup plus bruyante que
le disque de Friedman. Si vous en avez l’occasion, installez-vous près du projectionniste : après seulement huit
minutes, vous n’oublierez jamais les cliquetis et couinements de l’obturateur qui bat des cils comme le Cyclope
aveuglé sous le soleil de midi…
(En référence à Zen for Film de Nam June Paik, Zen for Record (1966) de Ken Friedman est un disque silencieux
qui, de plus, ne contient pas la moindre trace de son accidentel. Du silence complet. Diverses versions circulent :
disques vierges, pochettes vierges ou peintes.)
[SUPPORT : BANDE MAGNÉTIQUE, PHONOGRAPHE]
[medienkunstnetz. de]
Nam June Paik : Exposition of Music – Electronic Television (1963)
« On peut voir la télévision électronique non pas simplement comme application et expansion de la musique
électronique dans le champ optique, mais une forme d’opposition à la musique électronique (du moins à ses
débuts) qui tend à être pré-définie, prédéterminée, à la fois dans ses méthodes de composition sérielle et dans sa
forme ontologique (enregistrements sur bande destinés à la répétition). […] J’ai non seulement étendu de 20 kHz à
4 MHz la fréquence de la source que je traite, mais j’ai également utilisé de manière plus prononcée les propriétés
physiques de l’électron (le principe d’incertitude, la dualité ondes (statut)/corpuscules (particules). »
[Nam June Paik]
media : http://www.medienkunstnetz.de/works/exposition-of-music/video/1
[SUPPORT : PHONOGRAPHE]
[Craig Douglas Dworkin/Unheard Music]
timeline : http://www.htvdeijsberg.nl/80-toonbeeld/ron-rice
Nam June Paik : Zen for Film (1962-64)
[SUPPORT : FILM 16 MM]
Un film vierge passe en boucle dans un projecteur. La projection forme un écran vivement éclairé, qui affiche par
moments les empreintes de rayures ou de poussières de la pellicule endommagée. A l’instar de John Cage, qui
emploie le silence comme non-son dans sa musique, Paik emploie l’absence d’image dans son art. Ce film, qui
n’est que la représentation de lui-même et de ses propres qualités matérielles, forme ainsi une sorte d’« antifilm » dont le but est d’encourager le spectateur à faire front au flot d’images extérieures à l’aide de ses propres
visions intérieures.
[Heike Helfert]
film : http://www.ubu.com/film/paik_zen. html
texte : http://www.medienkunstnetz.de/works/zen-for-film
http://www.rosab.net
Max Neuhaus : Radio Net (1977)
Paul Demarinis : The Edison Effect (1989-1993)
A cette époque, les programmes radio de la NPR (la radio publique américaine) étaient distribués à
travers un système appelé Round Robin : une boucle de lignes téléphoniques reliant chacune des 200
stations émettrices et couvrant tout le territoire américain. N’importe quelle station faisant partie du
système pouvait retransmettre une émission sur toutes les autres chaînes en ouvrant la boucle et en y
introduisant la source audio.
Ayant remarqué qu’il était possible de transformer la boucle elle-même en circuit de transformation du
son, j’ai effectué en 1974 quelques recherches préliminaires.
Pour l’émission, j’ai décidé de configurer cinq boucles, une pour chaque ville d’appel, qui entrent et
sortent des studios de la NPR à Washington. Cependant, au lieu de boucles ouvertes normalement
utilisées dans le cadre d’une émission, j’ai opté pour leur fermeture et l’insertion d’un modulateur de
fréquence dans chacune d’entre elles pour que les sons puissent circuler ; cela a pour effet de créer
une « boîte » de traitement du son qui mesure littéralement 24 000 km de large sur 4 800 km de long,
dont les cinq entrées et sorties se situent à Washington.
L’Edison Effect « utilise l’optique et l’ordinateur pour créer de nouveaux sons en lisant d’anciens
disques avec des lasers ».
Des vieux disques de phonographe, des cylindres de cire et des hologrammes sont parcourus par un
faisceau laser pour produire une musique à la fois familière et inconnue, comme le souvenir vague
d’une mélodie qui vous trotte dans la tête.
[Max Neuhaus | The Broadcast works : Radio Net]
Oval (Markus Popp) : Oval Process (1994-2000)
[SUPPORT : RADIO]
site & archives : http://www.max-neuhaus.info/audio-video/audio-video.htm
texte : http://www.kunstradio.at/ZEITGLEICH/CATALOG/ENGLISH/neuhaus2b-e.html
audio : http://www.medienkunstnetz.de/works/radio-net
Yasunao Tone : Music for 2 cd Player (1982-1986)
[MEDIA : CD]
Yasunao Tone a développé dés la fin des années quatre-vingt un travail sonore en partant des
spécificités des appareillages de reproduction musicale numérique dans une pièce comme « Musica
Iconologos » en 85 et sur les dysfonctionnements de cette technologie pour sa performance « Music
for 2 cd players », datée de 86. Jouant de disques compacts préparés (à l’aide de fragments de bandes
collantes répartis sur la surface du CD), Yasunao Tone travaille le concept de bruit comme possibilité
musicale, l’accident, retournant la non-intentionalité de l’irruption du hasard dans un processus
créatif, dans sa préparation et sa destination. Ses CDs comme ready-mades assistés, donnant à
entendre le caractère fétiche de la marchandise et son secret.
Pratique radicale de déconstruction de la syntaxe musicale de l’entertainment culturel, des
académismes bourgeois à la musique de masses, ou le bruit comme irruption du vivant. Etonnant jeu
de go, où chaque bit est une pièce d’un dispositif sonore qui encercle et annule ce que le siècle nous a
vendu comme musique (les formes porteuses de ses illusions et de ses mensonges).
[SUPPORT : PHONOGRAPHE]
[Paul Demarinis]
site : http://www.stanford.edu/~demarini
video : http://www.stanford.edu/~demarini/edisoneffectweb. mov
essay : http://www.well.com/~demarini/edison. html
statement : http://www.uiah.fi/conferences/iseaw/www/artworks/112/112.html
audio : http://blogfiles.wfmu.org/KF/0509/machines/14_-_Paul_DeMarinis_-_Etaion_Shrdlu_Wax_Cylinder. mp3
[SUPPORT : CD & DONNÉES]
« L’intention d’Oval Process est de se pencher sur d’autres problématiques parce qu’il me semble
insignifiant de débattre de la musique électronique à l’ère du Powerbook comme s’il s’agissait de
musique avec un grand M. En tant que simple artiste compositeur cela ne m’intéresse plus de faire
semblant d’écrire cette musique électronique comme on compose des œuvres pour piano. Même si
la musique qui en résulte est représentée sur scène, voire simplement distribuée, vendue et écoutée
sur CD audio, de par l’importance des possibilités intrinsèques des logiciels dans la musique
électronique d’aujourd’hui, on ne peut pas la dissocier des logiciels de production qui ont servi à sa
création. Il faut au contraire faire clairement savoir que le résultat musical dépend réellement des
applications employées, et recentrer le débat sur ce point. Pour amorcer le dialogue, Ovalprocess
est disponible en tant qu’outil informatique interactif avec une interface visuelle et une réponse en
temps réel. »
[Markus Popp]
article : http://www.soundonsound.com/sos/oct02/articles/oval.asp
article-Fr : http://musique.fluctuat.net/oval-microstoria.html
expo : http://www.medienkunstnetz.de/works/oval-process/images/2
interview : http://disquiet.com/1997/08/15/popp-music
discographie : http://www.kompaktkiste.de/popp_m. htm#mp13cd
[Michel Henritzi]
video : http://www.youtube.com/watch?v=qYU-zUEdZvE & feature = related
audio : [Yasunao Tone/Yasunao Tone] http://www.aquariusrecords.org/audio/yasunaotone02.mp3
video : http://www.youtube.com/watch?v=xKyGIADf9Wo & feature = related
essai : http://rwm.macba.cat/uploads/qa/QA_01/QA_01.pdf
video : http://www.youtube.com/watch?v=jEdFdaPfoz4 & feature = related
revue et corrigée : http://www.revue-et-corrigee.net/index2.php?v=parutions & parution_num = 46
livre : cracked Media [Caleb Kelly, MIT] : http://mitpress.mit.edu/catalog/item/default.asp?ttype=2 & tid = 11853
http://www.rosab.net
Atau Tanaka : Global String (1998)
[SUPPORT : RÉSEAU]
Des considérations techniques et créatives lors de la fabrication d’un instrument de musique destiné à traverser
l’espace acoustique et l’espace du réseau. Concevoir un instrument musical pour un espace hétérogène et un usage
démocratique nécessite l’implémentation de différents modes et techniques satisfaisants le besoin d’une présence
tactile localisée et d’une télé-présence tangible. Le résultat est un projet artistique destiné à l’installation en
galerie et à la performance multi-site (depuis des lieux distants). Il s’agit d’un instrument de musique qui existe
dans les réalités mêlées de l’espace acoustique et de l’espace du réseau.
[Atau Tanaka]
video : http://ataut.net/site/Global-String
pdf : http://www.sensorband.com/atau/globalstring/globalstring.pdf
page : http://netzspannung.org/cat/servlet/CatServlet?cmd=netzkollektor & subCommand = showEntry & lang = de & entryId = 42121
Reynols : Blank Tapes (1999)
[SUPPORT : BANDE MAGNÉTIQUE]
Reynols est un groupe d’artistes de Buenos Aires (Argentine) composé de Miguel Tomasin, Robeto Conlazo et
Anla Courtis. Blank Tapes (« bandes vierges ») est une œuvre en six parties constituée à partir de traitements
analogiques et numériques d’une sélection de bandes vierges datées de 1978 à 1999. Malgré cette source
matérielle minimale, les six pièces présentent des modulations et des variations sur toute leur durée, couvrant
un large éventail de nuances et de fréquences ; leurs caractéristiques d’ensemble varient d’une échelle allant du
silence et de la contemplation à une véritable agressivité, faisant de l’écoute de ce CD une expérience inédite.
[trenteoiseaux]
Peut-être qu’à un niveau cosmologique, les choses sont créées à partir d’un vide analogue, ou d’un saut entre
deux riens.
[James Whitehead]
site : http://www.jliat.com
label : http://www.editionellipsis.com/xi.htm
William Basinski : The Disintegration Loops I-IV (20012003)
[SUPPORT : BANDE MAGNÉTIQUE]
[…] Le temps a peu à peu détruit ces boucles, ainsi que les idylles bucoliques (et ambiantes) qu’elles
représentaient jadis. Ce qu’on entend sur les Disintegration Loops, n’est pas une vision poétique de la nature ou
de la beauté, mais la nature et la beauté telles qu’elles existent réellement dans ce monde : à jamais fugaces,
lentement en train de mourir. Ce n’est pas tant le fait que les boucles se désintègrent peu à peu qui rend ces
œuvres si mémorables, mais le fait que nous pouvons entendre leur mort. Nous faisons l’expérience très réelle
de la brutalité, de la laideur et de la confusion de la vie. Qui plus est, ces réalités de la vie, brutales, laides
et confuses, sont à leur manière d’une beauté incroyable, peut-être plus belles que n’ont jamais pu l’être les
boucles originales, du temps où elles étaient flambant neuves.
Tout comme n’importe quelle manifestation naturelle, ces boucles individuelles meurent chacune à leur façon.
« D|P 3 », par exemple, à l’origine une mélodie orchestrale vive et claire, est réduite, après 42 minutes, à une
tache informe qui crachote et gronde : l’ombre de sa manifestation première. La mélodie se désintègre lentement
jusqu’à la fin, où seules des portions sont audibles ; le reste est constitué de silence et de bruit.
[William Basinski, The Disintegration Loops I-IV (Haunted Ink)]
textes : http://www.hauntedink.com/25/basinski-disintegration.html
textes : http://www.freewaves.org/festival_2002/artists/basinski_wj. htm
audio : http://ubu.artmob.ca/sound/reynols/Reynols_Blanktapes. mp3
video : http://projects.design.ucla.edu/freewaves/freewaves02/basinskidisintigration.mov
label : http://klangstaub.com/trenteoiseaux/catalog.html
James Whitehead (aka Jliat) : Still Life #5 (2000)
[SUPPORT : CD]
Récent épisode de la série, Still Life (« nature morte ») abandonne la brièveté et la clarté des deux œuvres
précédentes (Jazz et Rock and Roll) au profit d’une forme de silence plus énigmatique, plus longue et
potentiellement destructrice. Un aspect fascinant du support CD (16 bit, 44,1 kHz) est qu’il permet plus de 65 536
formes de silence, toutes inaudibles mais chaque piste a des données différentes. En tant qu’artiste qui travaille
dans ce domaine, je suis frappé par cette étrangeté. La quantité de permutations possibles est hallucinante, tout
comme le sont les idées soulevées par les œuvres les plus minimales, comme celle-ci. Par exemple, en mélangeant
de petits segments de ces silences, on obtient tous les autres sons possibles sur un CD. Le fait qu’un CD n’est
constitué que de chiffres soulève d’autres questions : dans la première seconde d’un CD, il y a 65.536 puissance
44.100 variations, et cela constitue également la première seconde de n’importe quel CD, ou de tous les CD, de
Comme d’habitude à la 5e Symphonie de Beethoven. Ce nombre est tellement grand – il n’y a que 10 puissance 79
protons dans l’univers. Même s’il nous est possible de « garder en tête » ces CD – il n’y a sans doute pas le temps
ni la matière suffisante pour tous les réaliser. Still Life #5 représente la suite d’une série d’œuvres créées par
l’écriture directe de données dans un fichier PCM. Cette œuvre est constituée de 6 pièces de dix minutes, obtenues
en règlant tous les données d’une piste à une même valeur binaire. En tout, 65 536 valeurs sont possibles – et il y
a 6 pistes potentiellement semblables. Chaque fois, il en résulte du silence, mais jamais le même silence. On peut
s’en assurer en mettant le CD sur pause : la lecture arrêtée, le système du CD se remet à zéro, produisant un clic, si
la valeur qui est jouée n’est pas égale à zéro ou proche de zéro. Fait intéressant, ce clic est audible, mais absent de
l’enregistrement : physiquement, il n’existe pas. Il représente une interruption du flot continu de données qui produit
du son.
http://www.rosab.net
Walter Cianciusi : Computer Music (2002)
[SUPPORT : BIBLIOTHÈQUE AUDIO DE WINDOWS]
La série d’œuvres intitulée avec ironie « Computer Music » met en scène des sources sonores provenant des
bibliothèques audio vendues avec le système d’exploitation Windows ME (Millenium Edition).
Les cinq œuvres qui composent la série utilisent chacune une bibliothèque unique […]. La composition des
quatre premières pièces emploie un algorithme développé par le compositeur dans l’environnement CPS (un
logiciel écrit par Niels Gorisse). Cet algorithme assigne chaque son d’une bibliothèque à une fonction pseudoaléatoire indépendante ; cette fonction décide du moment de lecture (on/off) d’un son. L’ensemble des choix
algorithmiques relatifs à la présence ou l’absence de ces divers sons dans le temps constitue une pièce.
La cinquième pièce (Email Sonata) emploie exclusivement le son par défaut de Microsoft Outlook Express qui
indique l’arrivée d’un nouveau courrier électronique. Interprétée pour la première fois par le compositeur Alex V.
Cook, la partition nécessite l’envoi répété de messages d’un compte à lui-même (système auto-référentiel).
Les résultats musicaux (qui se manifestent par plus ou moins de densité dans le déclenchement des sons au
cours du temps) peuvent varier suivant le nombre d’utilisateurs présents simultanément sur le serveur à un
instant donné.
Chaque pièce dure exactement trois minutes.
[ Walter Cianciusi]
audio : http://www.ubu.com/sound/cianciusi.html
Cory Arcangel : RAM Project (2001) & Data Diaries (2003)
[SUPPORT : DONNÉES EN MÉMOIRE VIVE]
RAM Project est constitué de 128 Mo de mémoire vive (RAM) dont le contenu est prélevé le 26/6/01 à 20:46 et
interprété sous forme d’une vidéo de 50×25 pixels à 2 bits (4 niveaux de gris) avec une piste audio.
Ram project site : http://www.michelethursz.com/site/RAM/index.html
Data Diaries (« Journal de données ») comprend 11 heures de vidéo générées en faisant croire à Quicktime que la
mémoire vive d’un ordinateur personnel est une source de données vidéo. Ce processus a été effectué tous les jours
de janvier 2003. Le spectateur peut ainsi voir toute l’activité de Cory – emails, lettres, pages Web, informations sur
sa connexion ADSL, chansons, bref, toute sa journée de travail – sous la forme d’une expérience vidéo hallucinante
d’hyperactivité à 15 images/secondes.
Data Diaries site : http://www.turbulence.org/Works/arcangel
bio : http://rhizome.org/discuss/view/7472
conference : http://www.columbia.edu/itc/soa/dmc/cory_arcangel
Paweł Janicki : Ping Melodie (2003)
[SUPPORT : RÉSEAU]
Ping Melody est un œuvre au croisement de la performance, de la musique et du réseau. L’état temporaire et unique
de l’ensemble des actions effectuées par les internautes a une influence sur la forme de la composition musicale.
Le musicien chante ou joue d’un instrument acoustique ; les sons provenant de l’instrument ou de sa voix sont
décomposés en « paquets » de données numériques puis envoyés sur Internet. L’ordre dans lequel les paquets
reviennent, leur délai, les alertes d’erreur de transmission sont réintroduits et l’information née de ces actions
contrôle en temps réel la transformation du son joué. La performance est accompagnée d’une visualisation qui
présente le trajet des données et des informations d’erreurs, etc.
[Paweł Janicki]
Leur structure les situe clairement hors du domaine musical. Ces pistes linéaires ont plutôt l’apparence de
code source transposé sur support audible ; flot continu de données, elles représentent la matière première de
l’album.
site : http://www.ryojiikeda.com/datamatics/cd + |+ DVD + |+ publication/dataplex
Yann Leguay : DeaD-MediA (2007)
[[SUPPORT : 33 T, CD, MD, DAT…]
Dans ce projet, il s’agissait de replacer sur chaque support (Disque vinyle, bande analogique, cassette, microcassette, CD, DAT, Mini- Disc) le son de sa propre fabrication, de son usure et de sa destruction. On obtient une
sorte d’objet total, matériau sonore « tautologique », possédant toute son histoire
inscrit sur lui même, et lui même voué à s’altérer.
Dans un contexte de dématérialisation des supports physiques il semblait nécessaire de fixer cette disparition.
Les enregistrements ont eut lieu dans les usines de production des support audio. Le CD a été tiré à 300 ex. Il
est le dernier disque à avoir été pressé avant la fermeture de l’usine (DocData, Langres). Le vinyle a été tiré
à 330 ex. par VPI, usine désormais en cessation d’activité. Les autres supports ont été tiré à 30 exemplaires.
Le processus de fabrication du DAT à été enregistré à l’usine SONY de Dax fermée depuis lors et en cours de
reconversion. Chaque pochette est unique, manufacturée avec différentes techniques suivant le support, dont la
gravure, la sérigraphie et l’image numérique.
[Yann Leguay, 2007, Le Fresnoy production]
site : http://www.phonotopy.org/phono/situation/dead_media. html
PDF : download pdf
Bruce Sterling : Dead Media Project
http://griffin.multimedia.edu/~deadmedia/frame. html
http://www.neural.it/english/brucesterlingdeadmedia.htm
site : http://ping.wrocenter.pl
http://humanities.uchicago.edu/faculty/mitchell/taxonomy/taxonomysandifer.htm
video : http://www.youtube.com/watch?v=PQEG8xqKLSY
http://itotd.com/audio/47NNJF/ITotD-524-Dead.mp3
audio & video : http://ping.wrocenter.pl/files/html/pingmelody_mediafiles_en. html
Cory Arcangel : Iron Maiden’s « The Number of the Beast »
compressed over and over as an mp3 666 times (2004)
Histoire des techniques d’enregistrement sonore
http://en.wikipedia.org/wiki/History_of_sound_recording
http://history.sandiego.edu/GEN/recording/notes.html#speeds
[SUPPORT : MP3]
« The Number of the Beast » d’Iron Maiden, compressé et re-compressé en MP3, 666 fois de suite.
site : http://www.beigerecords.com/cory/Things_I_Made/Maiden
audio : http://www.beigerecords.com/cory/Things_I_Made/uploads/Main/666.mp3
Ryoji Ikeda : DataPlex (2005)
[SUPPORT : DONNÉES]
Les huit premières pistes de DataPlex sont essentiellement composées de données brutes à fréquence élevée.
http://www.rosab.net
Translated by Gabriel Baldessin

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