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Sociologie N°1, vol. 2 | 2011 Varia Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » L’entretien avec Alexandre Blanchard Laure Flandrin Éditeur Presses universitaires de France Édition électronique URL : http://sociologie.revues.org/883 ISSN : 2108-6915 Édition imprimée Date de publication : 25 février 2011 ISSN : 2108-8845 Référence électronique Laure Flandrin, « Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 2 | 2011, mis en ligne le 15 mai 2011, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://sociologie.revues.org/883 Ce document a été généré automatiquement le 30 septembre 2016. © tous droits réservés Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » L’entretien avec Alexandre Blanchard Laure Flandrin NOTE DE L’ÉDITEUR Avec l’accord de l’auteure, un système de liens a été ajouté à la fois à cette transcription de l’entretien et à l’article dont il constitue l’annexe électronique, de telle façon que le lecteur peut très facilement, en cliquant sur certains passages de l’entretien, découvrir la façon dont ils sont mobilisés et analysés dans l’article, puis revenir ensuite à la transcription de l’entretien en cliquant sur le bouton « Précédent » de son navigateur ; et réciproquement, en cliquant sur les extraits d’entretiens cités dans l’article, il peut découvrir la partie de l’entretien dans laquelle ils prennent place. 1 L’entretien passé avec Alexandre a lieu dans son bureau, dans une grande ville du Sud de la France, par un après-midi ensoleillé du printemps 2009. Ma petite sœur Nathalie, qui nous a mis en relation et qui travaille dans l’entreprise familiale en tant que « chargée de clientèle », est présente au tout début de l’entretien. Ce sont ici plus de trois heures de discussion qui sont retranscrites in extenso. 2 Nathalie [Sœur de l’enquêteur] – Ah c’est mon patron hein !!! [Rires]. 3 Enquêteur – C’est bon, voilà, ça marche bien [Enclenchement du magnétophone]. 4 Alexandre – Je suis pas ton patron quoi arrête, ton « patron » ! Tu fais la stricte là, la stricte, tu fais la stricte parce qu’y a ta sœur ou quoi ? [Sur le ton de la blague et avec un clin d’œil]. 5 Enquêteur – [Rires]. Alors ça n’est pas du tout un entretien très formel en fait… 6 Alexandre – …ouais, voilà. 7 Enquêteur – Si vous avez envie de m’interrompre ou… surtout, n’hésitez pas ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 1 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 8 Alexandre – Non, surtout ce que j’ai envie de voir, c’est ce petit questionnaire là… [ Alexandre souhaite visiblement lire la grille d’entretien avant que je ne lui pose des questions]. 9 Enquêteur – En fait c’est juste… C’est un entretien qui porte donc sur vos consommations culturelles comiques comme je vous l’avais expliqué au téléphone. Et il couvre un peu toute la palette culturelle : alors y a les films comiques, y a les spectacles, y a les lectures, etc. 10 Alexandre – Ah je ne suis pas très films en fait. 11 Enquêteur – Mais ça c’est pas du tout un problème, enfin j’imagine que vous regardez quand même des spectacles comiques, que ça a dû vous arriver. 12 Alexandre – Ah oui ! Ben entre autre euh… ben entre autre ouais, bien sûr. 13 Enquêteur – Voilà. L’entretien peut aussi traiter des émissions de télé, des émissions de radio, des journaux satiriques que vous lisez peut-être. Y a un peu tout quoi ! Et donc ça fonctionne par rubrique comme ça mais si vous avez envie de m’interrompre ou de passer dans d’autres rubriques ou quoi euh…, y a évidemment aucun problème. Et la dernière rubrique c’est un peu pour moi donc, ce sont les données sociodémographiques dont j’ai besoin à titre euh… enfin voilà, parce que c’est une enquête sociologique à la base. 14 Alexandre – Parfait ! 15 Enquêteur – Voilà. Donc euh… C’est parti ! 16 Alexandre – C’est parti allez ! 17 Enquêteur – Donc en tout premier lieu il y a la rubrique consacrée aux films comiques. Est-ce que vous regardez des films comiques ? 18 Alexandre – Oui ! 19 Enquêteur – Oui ça vous arrive ? Souvent ou… ? 20 Alexandre – Si j’ai… Oui si je vais au cinéma c’est davantage pour me détendre que pour me stresser donc euh… j’en regarde un peu oui. Les trucs rigolos, j’aime bien oui ! Voilà. 21 Enquêteur – D’accord. 22 Alexandre – L’humour décalé, etc., bon. 23 Enquêteur – D’accord. Et euh… Vous n’avez pas d’a priori contre le genre comique ? 24 Alexandre – Non, pas du tout ! Alors vraiment pas du tout ! 25 Enquêteur – Qu’est-ce que vous en pensez alors, de ce genre ? 26 Alexandre – Ben la seule crainte c’est plutôt que ça ne me fasse pas rire quoi ! C’est tout. Mais non non, je n’ai rien contre le comique, au contraire ! Je trouve que la société d’aujourd’hui a vraiment besoin de rire et de… 27 Enquêteur – …oui… 28 Alexandre – …vraiment besoin de tout ce qui est un peu décalé, de tout ce qui signifie la détente, le rigolade, etc., quitte à ce que ce ne soit pas très évolutif pour l’esprit quoi après je veux dire… Mais bon, c’est comme ça. 29 Enquêteur – [Rires] Ah ? Mais vous considérez quand même que, dans le fond, ce serait un genre « pas très évolutif pour l’esprit » ? C’est ça ? 30 Alexandre – Disons qu’il y a des genres plus euh… disons plus intellectuels que le comique. Mais sinon pas du tout, j’ai aucun a priori non non, contre ce genre du comique, au contraire. Bien au contraire ! Mais même dans mes relations amicales euh… j’apprécie Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 2 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » énormément ou de regarder un film comique avec des copains ou bien oui, des gens qui ont plutôt une tendance rigolote, enfin des gens cools et déconneurs on va dire ! Et même pour mes employés hein, je vais les juger là-dessus, pareil ! J’ai un côté un peu comme ça, c’est vrai. 31 Enquêteur – Mais vous n’aimez pas les gens tristes ou sinistres, c’est ça ? 32 Alexandre – Oui. Ben comment dire ? J’aime bien les gens qui ne se prennent pas au sérieux, qui arrivent à sortir un peu des sentiers battus du quotidien de vie et puis voilà quoi…, jamais à court d’une bonne blague, ça j’aime bien. J’aime pas les mater dolorosa, ça ça me glace complètement [Rires] ! 33 Enquêteur – Ok, j’comprends ! Alors maintenant on entre un peu plus dans les détails : le film comique qui vous fait le plus rire… vous diriez quoi ? Ou les films comiques d’ailleurs, qui vous font le plus rire… ? 34 Alexandre – [Après un temps de réflexion] A une époque j’avais vu le… j’avais vu Le Placard trois fois parce que le… ça me faisait bien rire oui ! 35 Enquêteur – Avec Daniel Auteuil et… ? C’est ça ? 36 Alexandre – Ouais voilà ! Après c’est peut-être pas celui qui m’a fait le plus rire mais enfin… 37 Enquêteur – C’est… c’était quoi alors ? C’est l’histoire d’un homo qui travaille dans une boîte euh… ? C’est ça ? 38 Alexandre – Voilà. Voilà c’est ça. 39 Enquêteur – Ok. Et en fait c’est quoi… ? Je me rappelle plus, c’est… 40 Alexandre – …ben c’est… C’est un… Je crois que c’est un Pignon aussi euh… Y avait euh… 41 Enquêteur – …ah oui oui. C’est la suite de la série effectivement. 42 Alexandre – Voilà, c’est la série ! Y avait Depardieu aussi là-dedans. 43 Enquêteur – Ah oui. Et Jean Rochefort aussi, ouais. 44 Alexandre – Voilà, c’est ça ouais. 45 Enquêteur – Et c’était quoi là qui vous a fait rire ? Enfin quel type de scènes euh… ? 46 Alexandre – Ben ce côté un peu décalé euh…, enfin j’veux dire bon de voir l’acteur dans ce côté un peu sexuel, etc., euh… Oui, ce personnage complètement coincé et cependant homo, bon. Le tabou de l’homosexualité dans l’entreprise, ça aussi c’est une chose dont j’ai ri ! 47 Enquêteur – Oui, le côté vie d’entreprise qui déraille un peu avec… 48 Alexandre – …voilà ! Voilà ! D’avoir à traiter de sexualité dans l’entreprise. Finalement… Au départ tout l’monde le montre un peu du doigt ce personnage et puis finalement tout l’monde y adhère quoi. 49 Enquêteur – Mais je sais pas si… Enfin pour le coup à un moment il est carrément « mis au placard » ? Non ? Y réintègre l’entreprise après ? 50 Alexandre – J’crois qu’il réintègre après oui, à la fin. 51 Enquêteur – Ah ok ! Bon ok. Et vous auriez en tête une scène particulière qui vous a bien fait rire, un moment euh… ? 52 Alexandre – Une scène ? 53 Enquêteur – Oui, un moment particulièrement drôle dans le film en fait… Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 3 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 54 Alexandre – …euh… ouais, ben quand Depardieu se ramène avec un pull rose bonbon en guise de cadeau. Ou bien euh… quand Rochefort, imperturbable, fait faire la visite de sa boîte à des japonais tous mis sur leur 31 et que t’as j’sais plus qui qui est en train de s’envoyer en l’air avec euh… [Rires]. Oui ça c’est très drôle ! 55 Enquêteur – Ok. Et vous avez en tête d’autres titres de films alors euh… vraiment celui qui vous a fait le plus rire, où vous vous êtes le plus marré ? Mais pas celui forcément que vous ayez le plus aimé, voyez euh… ? 56 Alexandre – …euh… En fait ce qui me fait rire moi, c’est pas tellement le fait de la plaisanterie, mais c’est plutôt… c’est davantage la plaisanterie euh… par rapport à une personne, par rapport à un acteur. Et au niveau des sketchs c’est un petit peu pareil, y a des gens qui m’inspirent euh… le côté fun, et d’autres pas du tout quoi. 57 Enquêteur – Donc ça n’est pas euh… j’sais pas euh… l’histoire ou le scénario qui va vous amuser. Ce serait plutôt l’acteur ? C’est bien ça ? 58 Alexandre – Voilà, c’est davantage l’acteur qui est dans… qui est transposé dans ce côté purement comique euh… Il exprime à sa manière réellement l’histoire. 59 Enquêteur – D’accord. Mais euh… Daniel Auteuil n’a pas vraiment un physique de rigolo, si ? 60 Alexandre – Il n’a pas un physique de rigolo ouais, et donc c’est le côté décalé qui va me plaire. Idem pour Rochefort, le mélange de sérieux, de bourgeois bien coincé, et de déconnade : ça j’adore ! Je l’avais vachement aimé dans Un éléphant ça trompe énormément, c’était trop marrant ce film. 61 Enquêteur – Ah oui ! Le mélange du flegme, de l’infidélité…, je vois. Donc on pourrait dire que c’est ce côté un peu « décalé » qui vous fait rire, « décalé » avec l’apparence première ? 62 Alexandre – Voilà le côté décalé, c’est ça, où on n’imaginerait pas trop cet acteur dans ce type de rôle quoi. Enfin je parle pour Auteuil. Autrement Rochefort c’est vraiment son créneau de jouer ce type de rôle un peu comique. Mais Auteuil moi je l’associe plutôt aux rôles un peu tristounets. 63 Enquêteur – Pourtant il avait commencé dans un rôle comique, dans Les sous-doués. Et après y s’est réorienté vers un registre plus grave oui. 64 Alexandre – Ouais, c’était rigolo ça aussi, Les sous-doués : con mais rigolo ! Ouais et après y a Les bronzés aussi qui me faisait beaucoup rire, mais plus Les bronzés d’avant que Les Bronzés 3. C’était très moyen le remake. 65 Enquêteur – Et alors oui Les bronzés, ça vous a fait rire ? 66 Alexandre – Ah ouais ! Mais moi faut savoir que je suis bon public. Je suis très bon public ! 67 Enquêteur – Et qu’est-ce qui vous fait rire dans Les bronzés alors, plus précisément ? 68 Alexandre – Mais bon moi je vais rire vraiment de la bêtise quoi hein… 69 Enquêteur – …ah oui, mais de la bêtise des gens ou de… ? 70 Alexandre – De la bêtise des gens oui, de leurs petites mesquineries. Ils sont radins tous ces gens en fait, dans Les bronzés. 71 Enquêteur – Vous pensez au couple Balasko/Jugnot ? 72 Alexandre – Ah oui ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 4 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 73 Enquêteur – Et quels types de personnages vous font le plus rire alors, puisque vous disiez tout à l’heure que vous étiez surtout sensible aux acteurs ? 74 Alexandre – Michel Blanc ! Michel Blanc me fait hurler de rire ! Après y a des films style Viens chez moi, j’habite chez une copine euh… ça me fait rire aussi, voilà, ça c’est vraiment le genre de plaisanterie qui me fait rire ! 75 Enquêteur – Et alors dans ce personnage de Michel Blanc qu’est-ce qui vous fait rire ? C’est le côté euh… le loser sentimental ? 76 Alexandre – Ouais ce côté un peu loser, ce côté un peu euh… petit, maigre, malingre, euh…, fragile presque. C’est Caliméro quoi j’veux dire [Rires] ! C’est celui qui s’en prend toujours plein la tête, dont on se moque dans la cour de récré ! 77 Enquêteur – Et le côté euh… ouais, loser qui réussit rien, et le côté dragueur qui… ? 78 Alexandre – …oui ça me le rend attachant le côté loser, j’adore. Et le côté dragueur à deux francs qui foire tous ces coups, c’est génial ! C’est le roi du râteau ! Il est entraîné quoi, mais malgré tout y persiste, y s’acharne. C’est très drôle tout ça. 79 Enquêteur – Mais vous le trouvez « bête » sinon, ce personnage, puisque vous parliez de « bêtise » à propos des Bronzés ? 80 Alexandre – Non c’est pas lui que je trouve bête, lui il fait ressortir la bêtise des autres justement… Enfin, il fait quand même réfléchir ce personnage. 81 Enquêteur – Et vous l’avez bien aimé après dans des rôles plus sérieux, plus sombres ? 82 Alexandre – Je l’ai bien aimé dans des rôles plus sérieux également ouais, dans Monsieur Hire. Mais je vais pas cacher que je le préfère dans les rôles comiques. Peut-être parce que je préfère le comique quoiqu’il arrive ! 83 Enquêteur – Oui parce que là maintenant il ne joue plus que des rôles sérieux quasiment… 84 Alexandre – … et ouais ! 85 Enquêteur – Et dans Les bronzés autrement, est-ce que la caricature du Français moyen euh… ? Parce que c’est un film qui a beaucoup été commenté dans ce sens, comme une satire du Français moyen… 86 Alexandre – …ah oui oui ! Ben c’est une bande de beaufs quand même les bronzés hein. On va pas se mentir ! Y a un film aussi qui m’a fait rire même si j’suis pas très très fan de Franck Dubosc mais euh… c’était Camping ! C’est un peu dans la même veine que Les bronzés. 87 Enquêteur – Ah oui Camping ! 88 Alexandre – C’est toujours le même truc qui retrace le Français euh… les péripéties du Français moyen on va dire. Mais quelque part je crois que tout un chacun se retrouve bien dans ce Français moyen. Enfin j’veux dire qu’à un moment on s’y retrouve tous quoi, dans cette satire. Alors… On n’a pas le visuel, on n’a pas le reflet de nous-mêmes dans certaines situations, mais quelque part je suis persuadé que si on était filmés dans certains trucs on serait complètement beaufs ! Voilà [Rires]. 89 Enquêteur – D’accord. Et euh… ça marche pour vous le côté euh… enfin l’identification, même si euh… parce que… a priori quand on rit d’un personnage c’est qu’on le… on se moque, on se met un peu à distance de ce personnage. Pour vous y a de l’identification quand même avec les personnages comiques qui vous font rire ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 5 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 90 Alexandre – C’est pas systématique, ça dépend. Mais euh oui… C’est-à-dire qu’après il faudrait que… Enfin je sais pas moi… Enfin moi je suis pas mal sorti quand j’étais jeune, je suis beaucoup sorti, j’ai pas mal fait la bringue, je suis un jouisseur de vie alors…, je suis parti en vacances avec des potes, etc., et… et il aurait peut-être fallu qu’on me filme dans certaines circonstances et… et à ce moment là j’aurais pu euh… j’aurais pu… 91 Enquêteur – …oui, ce sont des choses que vous… 92 Alexandre – …oui j’aurais pu évaluer certaines similitudes, de certains comportements, de conneries racontées, de…, de trucs comme ça quoi ! On va dire, pour être gentil, que j’aurais pu faire rire beaucoup de monde ouais ! 93 Enquêteur – Ah oui ? Vous pensez [Rires] ? 94 Alexandre – J’suis sûr… Moi j’suis persuadé tu vois que dans certaines circonstances y a des trucs que je disais ou des bêtises que je racontais et euh… c’était… [Silence]. 95 Enquêteur – …oui en fait vous riez dans la mesure où vous reconnaissez des choses que vous avez vécues ou… ou des personnages euh… 96 Alexandre – …ouais, exactement ! Mais ça me fait rire aussi parce que j’ai un peu aussi… J’ai un peu ce côté moqueur et… euh… me moquer… Oui j’ai ce côté moqueur, y compris de moi-même. [A ma sœur qui est présente à ce moment là dans le bureau d’Alexandre :] Nathalie tu l’as remarqué non, c’est pas rare que je me moque ? Non j’aime bien me moquer. Mais c’est pas… [Petit silence]. 97 Enquêteur – C’est pas de la méchanceté, c’est ça ? Enfin vous le concevez comme ça j’imagine ? 98 Alexandre – Non c’est pas de la méchanceté ! Non ! Mais euh… Je prends plaisir à me moquer. C’est-à-dire que c’est plus la bêtise que je vais sortir que… C’est comme dans pas mal de choses euh… Par exemple, j’ai pas mal d’expressions un peu imagées et euh… 99 Enquêteur – …des expressions à destination d’autres personnes ? 100 Alexandre – …voilà, à destination des autres et euh… Et puis bon… Je ris tout seul, des fois je me fais rire tout seul ! Je suis capable de rire tout seul ! 101 Enquêteur – Mais euh… Vous vous moquez euh… alors je sais pas moi, ici dans l’entreprise, dans votre entreprise, de quel type de… ? 102 Alexandre – …je me moque du comportement des gens, des gens un peu… Alors je vais pas être gentil mais… des vilaines gens quoi, des gens pas beaux. Mais des pas beaux euh… 103 Enquêteur – … des « pas beaux » qui seraient un peu « bêtes » aussi ? 104 Alexandre – Voilà ! Enfin disons plutôt des pas beaux qui seraient aussi, en plus de ça, coincés. Voilà. C’est-à-dire qu’après ça n’est pas tellement sur la base du critère physique, mais c’est le critère physique allié au comportement qui compte. Bien sûr. 105 Enquêteur – Le « physique » associé ouais…, au comportement, au moral. S’il y a un comportement qui vous déplait euh… le fait qu’en plus y ait ce côté physique aggravant ça va vous fixer là-dessus quoi, et moins sur le comportement au final ? 106 Alexandre – Voilà ! 107 Enquêteur – D’accord, je comprends l’idée. Et euh… Je reprends ma question sur le Français moyen en fait : est-ce qu’y a aussi le côté euh… enfin l’idée d’un rire qui serait un peu le produit de causes sociales aussi, vous voyez euh… ? Par exemple on rit du beauf, on Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 6 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » rit du loser, on rit du…, etc., parce que soi-même on ne l’est pas, ou on pense qu’on ne l’est pas. Vous voyez ? 108 Alexandre – Ouais ouais, bien sûr. C’est un peu euh… C’est vrai qu’on a davantage tendance à rire du loser, du beauf, du nain, que… que d’autre chose quoi. Parce que généralement lorsqu’on est dans une certaine condition euh…, alors même si des fois y a des choses qui sont pas rigolotes hein, des conditions sociales et physiques pas très [rires ]… 109 Enquêteur – …oui, pas très avantageuses… 110 Alexandre – …ouais, pas très avantageuses, ben forcément on a tendance à se moquer un peu des gens. C’est toujours un peu les mêmes qui prennent quoi ! Dans une classe par exemple, moi j’me souviens à l’école, c’est toujours celui qui est le plus renfermé, le plus vilain, qui prend le plus quoi. C’est obligé. Je veux dire par là que le rire c’est quelque chose qui s’apprend à l’école en fait, déjà quand c’est les plus moches ou les plus teigneux qui prennent. Et alors surtout chez les garçons, là c’est carrément amplifié ! 111 Enquêteur – Oui, c’est pas faux du tout ! 112 Alexandre – Ouais. C’est la moquerie des autres quoi, le rire. La moquerie de leurs attitudes. Mais… enfin je te dis moi Michel Blanc je pense que j’ai pu être aussi naze que lui dans certaines circonstances ! 113 Enquêteur – Oui oui. Donc y a les deux : à la fois la distance et puis l’identification. Mais dans Les bronzés ce que j’voulais dire aussi… enfin y a un côté clairement assumé de celui qui fait le film, de Patrice Leconte, de donner à voir des personnages assez minables quoi, avec leur tas de petites misères comme vous disiez justement. Je me souviens d’une interview de Balasko où elle disait : « On fait pas rire avec des qualités, on fait rire avec des défauts ». C’est des choses que vous pensez, vous, ou pas du tout ? 114 Alexandre – Ah mais y en a plein des gens comme ça ! [Rires]. 115 Enquêteur – « Plein » ? 116 Alexandre – Je te donne un exemple. Je suis parti en voyage de noces à l’île Maurice et alors là, à l’époque, on a fait bon, une sortie en catamaran et bon euh…. C’était la belle vie quoi ! On était j’sais pas moi, une bonne petite équipée de copains sur ce catamaran quoi. Et y se trouve qu’y avait un mec à bord qu’on appelait « cabine » quoi : d’abord parce qu’il était vilain comme un pou ; et ensuite parce que c’était le seul qui avait mal au cœur, qui avait vraiment toujours envie de vomir, qui avait toujours l’œuf quoi. Le gros râleur quoi, insupportable. Et alors quand il a sauté du bateau, parce qu’en plus y voulait pas quitter la cabine il a fallu le tancer, y s’est pris le flotteur, enfin tu sais le pare-battage, en pleine gueule [Rires] ! Le mec enfin voilà quoi, un « bronzé » ! Il est rentré à la nage je crois !!! C’est-à-dire que le cata était à… à 150 mètres du bord, et il est reparti à la nage quoi ! Voilà, c’était le seul. Et au lieu de rester sur le catamaran le mec il est resté deux plombes comme ça assis sur un rocher au bord de l’eau à bouder comme un con parce qu’y s’était pris la honte devant tout l’monde… Enfin j’veux dire le mec il avait tout contre lui ! 117 Enquêteur – Mais là, dans ce cas, à la limite…, si c’est quelqu’un de sympa, à la limite on pourrait avoir pitié ou…, enfin lui envoyer une bouée, enfin j’sais pas… ? 118 Alexandre – …alors voilà dans ce cas-là, c’est sûr. Mais lui il était con et maladroit donc à partir de là y a tout qui s’enchaîne après, en termes de comique. Mais par contre s’il avait eu un problème pour nager ou autre là j’aurais été le premier à l’aider, ça c’est évident. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 7 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 119 Enquêteur – D’accord. Mais euh… parce que dans Les bronzés y a le côté aussi… Donc y a le côté Français moyen voilà, avec ses défauts bien à lui, mais y aussi euh… [Alexandre interrompt la question]. 120 Alexandre – …ah oui oui, et surtout le côté radin ! J’aime pas les radins, j’ai vraiment horreur de ça, des gens pas généreux, toujours à compter leurs sous. C’est un truc qui m’horripile ! [Rires]. 121 Enquêteur – Ah oui ? Et donc ça va vous faire rire ça dans les films, la mise en scène comique de la radinerie ? 122 Alexandre – Oui beaucoup ! J’connaissais quelqu’un moi j’me souviens… On était une bande d’amis, on partait au ski en bande, et alors y’en avait un dès qu’il fallait faire l’essence de la bagnole il arrivait à la pompe à essence, y regardait la jauge et c’était monumental quoi : il arrivait pas à sortir les ronds ! C’était pathétique ! Moi on m’a pas élevé comme ça, enfin j’sais pas. 123 Enquêteur – Oui donc c’est forcément des situations auxquelles on a déjà été confronté quelque part, c’est ça ? 124 Alexandre – Voilà voilà oui… Tous ces gens-là, ça ça me fait rire ouais ! 125 Enquêteur – Et dans Les bronzés 3 par exemple, je sais pas si vous vous en rappelez mais euh…, y a Balasko avec son chien et…, enfin y ne veulent pas payer l’hôtel, elle mange les pâtes des chiens parce qu’y faut pas gaspiller et… [Alexandre interrompt la question]. 126 Alexandre – …ouais voilà [Rires] ! Ces comportements un peu pingres, on les voit dans la vie de tous les jours. Y en a plein des comme ça ! Y en a plein ! J’veux dire bon moi pas plus tard qu’y a… Nathalie avait une cliente là, y a quelques jours… Je l’ai rappelée parce qu’elle lui posait douze mille questions. Et cette femme donc elle me dit : « Le buffet j’peux le voir ? ». Elle voulait connaître la grosseur des légumes farcis et tout quoi ! Putain ! Donc j’veux dire quelqu’un qui vous demande ça avant de vous commander un buffet euh… c’est qu’elle tient la couche à mon avis ! Je vois d’ici le genre ! 127 Enquêteur – Et quel genre alors justement ? 128 Alexandre – Ben près de ses sous justement, genre euh… ouais, petit-bourgeois comme on dit. Enfin… près de ses sous quoi, j’sais pas comment le dire autrement. C’est vraiment ça ! 129 Enquêteur – Et j’imagine que justement en tant que commerçant du coup vous voyez bien ce type de comportements euh…, enfin les pratiques euh…, le rapport à l’argent des gens… ? Vous avez affaire à ça tout l’temps, non ? 130 Alexandre – Ouais des gens euh… Par exemple, les jeunes couples qui viennent pour se marier et… [Il réfléchit]. C’était quand ? Ben ce matin il est venu un couple et à Nathalie en rigolant quand ils sont partis je lui ai dit : « Putain comme j’aimerais pas passer le weekend avec la nana ! » [Rires]. D’une tristesse abominable quoi ! Et voilà ! J’aime pas les gens tristes, qui tirent la gueule. Et puis après tout va ensemble quoi j’veux dire : ça va compter, ça va bouder, ça va être euh…, bon, ça va faire chier quoi ! 131 Enquêteur – [Rires]. 132 Alexandre – Ouais mais c’est terrible d’être comme ça ! Moi je suis assez euh… un peu extraverti, un peu exubérant, enfin plutôt extraverti qu’introverti on va dire, et dans pas mal de domaines ! Parce que les gens qui… 133 Enquêteur – …ouais « qui tirent la gueule » ou… Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 8 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 134 Alexandre – …ouais parce qu’à la limite y viennent ici pour se faire plaisir, moi je vends du plaisir bon sang ! Ils ont décidé d’se marier ces gens, bon… C’est un moment heureux dans la vie un mariage ! Du moins ça devrait l’être ! 135 Enquêteur – Mais vous ne pensez pas qu’il y a des gens aussi qui peuvent ne pas être forcément à l’aise, enfin voyez ou… ? Non ? Voyez parfois c’est au-delà de… [Propos interrompu]. 136 Alexandre – …ouais, ouais. Enfin… Mais c’est pas une raison ! J’ai des gens qui viennent et qui au départ ne sont pas très à l’aise mais après ils se détendent, ils voient bien que je suis bon… pas quelqu’un de coincé ou autre. Je sais mettre les gens à l’aise. Regarde ta sœur au début elle est arrivée et… 137 Enquêteur – …elle était « coincée » [Rires] ? 138 Alexandre – …non non, elle était pas coincée [Rires] ! Mais elle n’osait pas donc euh… Il a fallu dix jours ou quinze jours pour que… dix jours pour qu’elle me tutoie par exemple ! C’est fou ! J’ai dû lui dire sans arrêt : « Tutoie-moi bon sang ! Je suis pas le Saint-Père merde ! » [Rires]. 139 Enquêteur – Ah d’accord [Rires] ! Et donc… Oui après je vous lâche avec Les bronzés ! Le personnage le plus comique donc vous diriez… ? 140 Alexandre – …ah pour moi c’est Michel Blanc ! Le côté loser, forcément. Le mec qui se prend des râteaux. 141 Enquêteur – Et moins le personnage de dragueur épanoui donc finalement, Thierry Lhermitte tout ça euh… ? Vous préférez le côté « loser », toujours ? 142 Alexandre – Michel Blanc me fait rire oui, mais l’autre… [Silence]. 143 Enquêteur – …le côté qui enchaîne les conquêtes, qui… 144 Alexandre – …oui. Le dragueur me… [Silence]. 145 Enquêteur – …il vous énerve ? 146 Alexandre – Non non ! Y n’m’énerve pas ! Mais bon… Je… Comme je l’ai un peu vécu ce côté là, dragueur, parce que j’étais un peu coureur [Rires]… Forcément oui, ça va me faire rire ! Mais Michel Blanc, l’allumé qui a tout contre lui, j’veux dire voilà quoi, c’est…, qui s’y croit, qui a ce côté un peu hargneux, j’veux dire voilà quoi, c’est… c’est juste génial ! 147 Enquêteur – Mais vous avez de la sympathie pour ce personnage, c’est ça ? 148 Alexandre – Ah j’ai beaucoup de sympathie pour ce personnage, mais bon… Ouais en fait quand on regarde un film qui nous fait rire on a encore envie… Si un personnage lâche dix conneries, on a envie qu’il en arrive vingt ! Parce qu’on sait de toute façon que le film est basé là-dessus. 149 Enquêteur – Oui oui. Sur des répétitions, c’est ça ? 150 Alexandre – Oui. On sait que Michel Blanc est là pour ça dans les films : il souffre. Son rôle, c’est de souffrir. Il est là pour souffrir ! Il est là pour faire rire les gens, d’ailleurs il fait rire les gens avec lesquels il se trouve, mais en fait il souffre. 151 Enquêteur – Oui c’est le souffre-douleur, c’est sûr. Et euh… comme acteur comique, qui est votre acteur comique préféré ? Vous diriez Michel Blanc aussi ou… ? 152 Alexandre – [Silence]. 153 Enquêteur – Y en a plein, c’est ça ? Je ne sais pas moi euh… Michel Blanc, José Garcia, enfin des gens comme ça ? Non ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 9 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 154 Alexandre – Ouais. Y en a tellement ! [Il réfléchit]. 155 Enquêteur – Ou alors euh… Reno ? Clavier ? 156 Alexandre – Jean Reno m’a fait beaucoup rire dans Les visiteurs ! Mais après je suis pas un fou de Clavier. Je lui reconnais des talents mais bon, c’est pas non plus ma passion. 157 Enquêteur – Vous préférez Jean Reno ? 158 Alexandre – Il m’énerve un peu, Clavier. 159 Enquêteur – Pour quelle raison ? 160 Alexandre – C’est le personnage lui-même qui m’énerve. 161 Enquêteur – Ah, vous voulez dire l’individu ? 162 Alexandre – L’individu, oui. L’homme. 163 Enquêteur – Pourquoi ? La flambe ? Le copain de Sarkozy ? 164 Alexandre – Non non ! Ce côté-là ne m’énerve pas du tout en général. Mais non, c’est ce côté un peu euh… Enfin comment dire ? Je ne suis pas persuadé que ce soit un type très sympa dans la vie. Voilà. 165 Enquêteur – Et Reno vous semble être quelqu’un de sympa en revanche ? 166 Alexandre – Oui ! Enfin davantage quoi. Clavier se prend un peu pour… Bon à la limite y peut se prendre pour euh… hein… Mais bon, voilà. 167 Enquêteur – Et l’amitié avec Sarkozy, ça vous énerve ou pas ? 168 Alexandre – Non, non non. Pas du tout. 169 Enquêteur – Non ? 170 Alexandre – Non non, vraiment pas. D’abord j’aime bien Sarkozy donc bon, c’est pas ça le souci. Après il fait comme il veut hein… J’partage pas tout euh… [Silence]. 171 Enquêteur – …oui oui, à 100%... 172 Alexandre – …voilà. Mais non non, c’est pas du tout euh… Non non c’est pas ce côté people qui m’énerve parce que euh… Non non, c’est ni le côté people, ni le côté politique. 173 Enquêteur – C’est le côté quoi… mesquin, alors ? 174 Alexandre – Ouais, ce côté un peu mesquin, ce côté un peu hargneux. Pas très sympa au demeurant quoi ! 175 Enquêteur – Pas très sympathique, oui. Et Reno donc, vous l’aimez mieux ? Est-ce que euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 176 Alexandre – Ouais je l’aime bien ouais, je trouve qu’il a une aura euh… Enfin il est calme, classe. Et puis c’est pas le genre de type qui se prend la tête, et ça j’aime bien. 177 Enquêteur – Il n’a pas besoin de s’agiter dans tous les sens pour faire rire aussi ? C’est ça ? 178 Alexandre – Oui, c’est un des acteurs que j’aime beaucoup. Qui a besoin de peu de choses pour faire rire. 179 Enquêteur – Et est-ce qu’il y a le côté aussi euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 180 Alexandre – …et après celui qui m’a fait beaucoup rire, que ce soit en… enfin même s’il n’a pas trop fait de films comiques…, c’est Coluche ! Pour moi c’est le mec euh… Aujourd’hui encore il me fait toujours rire, même si ça fait cinquante fois que j’entends le même sketch ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 10 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 181 Enquêteur – Ah oui. Et les films de Coluche c’est… quels sont ceux qui vous ont fait rire par exemple ? 182 Alexandre – Oh il y avait euh… Deux heures moins le quart avant Jésus Christ, avec Jean Yanne. Y avait aussi euh… 183 Enquêteur – …Bonzaï ? 184 Alexandre – Bonzaï ouais ! Après c’est pas euh… On est d’accord que c’est pas des très grands films hein, c’est toujours pareil. 185 Enquêteur – Et Tchao Pantin, vous l’avez vu ? 186 Alexandre – Ouais Tchao Pantin je l’ai vu, c’est triste Tchao Pantin. Mais pour moi Coluche c’était un être exceptionnel ! Et à tous les niveaux d’ailleurs ! Ce qu’il a fait caritativement etc., bon euh…, je trouve ça très bien. C’était quelqu’un qui était capable de souffler le chaud, de souffler le froid, de rire du malheur de la vie… Enfin voilà quoi, c’était quelqu’un de très bien je pense ! 187 Enquêteur – Oui. Et là pour le coup le côté euh… son engagement à gauche, voire à l’extrême gauche, ça ne vous énerve pas ? Enfin j’ai cru comprendre que vous êtes plutôt sarkozyste [Rires] ! 188 Alexandre – Non. Parce que j’veux dire euh… J’identifiais surtout l’individu pour luimême. 189 Enquêteur – Oui. Donc pareil, c’est la personne qui comptait ? 190 Alexandre – Oui ! Moi j’ai jamais été euh… En tant que clivage politique je ne considère pas que euh… Même si j’ai des idées de droite on va dire, et que je vote à droite, je ne considère pas que tout ce qui est à droite soit bien et que tout ce qui est à gauche ne soit pas bien du tout ! Donc après euh… Y a des individus qui me paraissent très sympathiques ou quoi et qui après euh… 191 Enquêteur – …ouais, qui peuvent être de gauche ? C’est ça ? 192 Alexandre – Oui voilà ! J’aime bien Balasko aussi, pour te donner un autre exemple. Mais en fait ce que je déteste c’est… c’est la gauche caviar comme on dit, les acteurs de gauche qui viennent te faire la leçon et qui dinent au Fouquet’s. Je peux pas ça. Soit t’as des convictions, soit t’en as pas : c’est tout. De chaque côté de la barrière il y a des gens qui ont des capacités, et heureusement d’ailleurs, c’est ce qui maintient un équilibre en France. 193 Enquêteur – Oui, un « équilibre ». Et alors chez Coluche quels sont les sketchs qui vous font le plus rire ? 194 Alexandre – Oh ben tout euh… [L’entretien est interrompu par un employé qui vient annoncer à Alexandre que de l’argent a été volé dans la caisse d’une des boulangeries appartenant à sa famille ]. Non je rêve là [Rires] ! 195 Enquêteur – Qu’est-ce qu’y se passe ? 196 Alexandre – On s’est fait faucher les caisses ce week-end ! 197 Enquêteur – Les caisses de quoi ? 198 Alexandre – Les caisses de la boulangerie. On a ouvert le coffre. 199 Enquêteur – Ah on vous a volé de l’argent dans la caisse ! [Pour information, j’apprendrai plus tard que ce sont environ 2000 euros qui ont été dérobés dans cette caisse]. 200 Alexandre – Ouais ouais. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 11 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 201 Enquêteur – Mais y a pas une protection ? Enfin un code je veux dire ? 202 Alexandre – C’est un coffre avec une clef. Mais attends, y a trois semaines un mois c’est carrément l’ordinateur qu’on m’a volé dans un bureau ! 203 Enquêteur – Mais ça c’est des gens euh… ? 204 Alexandre – …ben c’est dans l’entreprise, forcément oui. C’est des employés, on va pas se mentir. C’est même pendant les horaires d’ouverture ! 205 Enquêteur – Et vous avez combien d’employés ici ? 206 Alexandre – On est euh… Ben c’est-à-dire que là pour le traiteur c’est un peu bizarre parce que euh… tu sais on est dans un secteur très saisonnier, l’activité varie beaucoup en fonction de ça ici. Enfin je veux dire sur la Côte d’Azur c’est beaucoup comme ça. Par exemple là [l’été arrive], y a quatre ou cinq embauches qui arrivent… 207 Enquêteur – …ah oui, en extra, c’est ça ? 208 Alexandre – Oui. Donc globalement je dirais qu’on est… c’est quinze à vingt employés quoi. 209 Enquêteur – Et pour la caisse alors, vous voulez qu’on interrompe l’entretien ? Je peux revenir si vous voulez, y a pas de problème. 210 Alexandre – Oh là là non [Rires] ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est comme ça, on va pas en faire un drame non ! Et puis je préfère encore qu’on me vole plutôt qu’un employé qui… je sais pas moi, qui me parlerait mal par exemple ! 211 Enquêteur – Ah oui ? 212 Alexandre – Oui ! Tu sais moi l’argent, bon… Je suis un panier percé comme on dit. Je dis pas que je m’en fous, mais enfin bon, je considère qu’y a des choses bien plus graves dans la vie. 213 Enquêteur – C’est sûr. Donc vous êtes sûr, on continue ? 214 Alexandre – Oui oui, pas de problème ! 215 Enquêteur – Oui et donc vous disiez Coluche euh…, les sketchs qui vous font le plus rire de Coluche… Vous avez peut-être des blagues particulières en tête, des choses comme ça, des souvenirs de moments où vous avez beaucoup ri ? 216 Alexandre – Ah ben le truc c’est qu’avec Coluche tout, absolument tout, me fait rire ! 217 Enquêteur – Tout sans exception alors ? 218 Alexandre – Tout ! Quand je le vois je ris, c’est systématique si tu veux ! Je le vois et je ris, c’est simple ! J’me souviens, son tee-shirt jaune, sa salopette à rayures, ses cheveux comme ça là, en vrac… Ouais ça me fait rire ! 219 Enquêteur – Le côté clown alors, donc ? 220 Alexandre – Oui ! Cette dimension de euh… oui, de clown. Et parfois même de clown triste, comme dans Tchao Pantin, mais enfin je préfère le clown pur. Et puis le côté provocateur aussi, bien sûr, me plait bien. 221 Enquêteur – Et le côté jusqu’au-boutiste, le fait qu’il aille se présenter aux élections par exemple, ça vous a pas euh… ? 222 Alexandre – …non je pense que c’était bien, nécessaire. C’était un beau pied-de-nez aux gens qui étaient en place ! 223 Enquêteur – Vous auriez voté pour lui volontiers aujourd’hui ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 12 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 224 Alexandre – Et pourquoi pas ? Mais euh… non remarque, quand même pas [Rires] ! Peutêtre pas en fait, je sais pas. C’était une énorme blague de toute façon ! 225 Enquêteur – Et euh… J’sais pas… Est-ce que c’est davantage le côté euh… ? Parce qu’y a des sketchs de satire politique, des sketchs de satire sociale, et euh… 226 Alexandre – …j’aime tout, tout, tout ! Absolument tout [Ton très enthousiaste] ! 227 Enquêteur – Vous êtes en accord avec « absolument tout » ! 228 Alexandre – Oui ! Je jette rien dans Coluche. Je jette rien ! Même si je trouve après que bon… Je peux ne pas être totalement d’accord avec ce qu’il veut exprimer aussi, faut pas se leurrer. Mais j’veux dire dans tout ce qu’il exprimait y avait toujours une part de vérité, d’honnêteté, donc après euh… c’est plus ou moins discutable mais quelque part c’est quelque chose qui existe, c’est… voilà. C’est à l’image de ce qu’il a fait quand il a créé les Restaurants du cœur, tout le monde savait que ça existait, tout le monde… Mais les politiques n’ont jamais rien fait alors qu’ils pouvaient le faire ou pas le faire, peu importe. Mais bon lui j’veux dire il l’a fait, donc bon…, rien que ça ça mérite une forme de respect je pense. 229 Enquêteur – Et la misère justement, ça peut vous faire rire aussi ? 230 Frédéric – Comment ça ? 231 Enquêteur – Je sais pas euh… par exemple dans Le Père Noël est une ordure, le personnage de Zézette est… enfin on voit clairement qu’elle n’est pas riche, qu’elle récupère les huitres pour faire des cendriers, enfin… vous voyez ? C’est des choses qui vous font rire ou pas ? 232 Frédéric – Pas tellement non, non. En tout cas c’est pas le personnage qui va le plus me faire rire, non. 233 Enquêteur – Ok. Et dans les films avec de Funès, comme dans L’aile ou la cuisse, il vous a fait rire Coluche ? 234 Alexandre – Ah oui, beaucoup ! Mais Coluche me fait toujours beaucoup plus rire que de Funès, qui pour moi a ce côté teigneux, hargneux, bon, presque à la Clavier. Montand aussi, dans La folie des grandeurs, je l’avais mille fois préféré à de Funès. [Silence] En gros je suis toujours du côté des comiques sympas [Rires] ! Bourvil aussi je l’aimais bien. 235 Enquêteur – Oui oui, je vois ! Et alors dans tous ces binômes comiques vous préférez toujours le… ? [Alexandre interrompt la question]. 236 Alexandre – La bonne pâte oui [Rires], celui qui va se faire rouler dans la farine ! 237 Enquêteur – Je vois. Et… Et votre actrice comique préférée alors, du coup euh… ? Vous avez une actrice comique qui vous fait rire plus qu’une autre ? Ou plusieurs actrices peutêtre ? 238 Alexandre – J’aime bien Balasko, comme j’te disais tout à l’heure. 239 Enquêteur – Ah oui Balasko, c’est vrai ! 240 Alexandre – Balasko m’a bien fait délirer dans Gazon maudit, par exemple. 241 Enquêteur – Ah oui, dans Gazon maudit ? 242 Alexandre – Oui ! Avec euh… [Il réfléchit]. 243 Enquêteur – …Victoria Abril ! 244 Alexandre – Victoria Abril, c’est ça ! Je l’aime bien aussi, elle est un peu barrée comme ça, complètement fofolle ! Elle est… ah elle était belle comme un cœur dans ce film [Rires] ! Et Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 13 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » puis alors Balasko, la bonne gwuine avec l’estafette là, qui brise un ménage…, bon. C’était vachement marrant ! Et puis ce côté un petit peu euh… C’était un peu le côté chaud froid quoi j’veux dire, ce côté un petit peu rigolo et ce côté à la fois quand même euh… qui dégageait de la tristesse. Mais bon, il faut que ça reste marrant. On n’est pas là pour plomber les gens ! 245 Enquêteur – Oui oui, je vois. En fait vous avez l’air aussi de bien aimer les comiques qui d’aspect sont assez sérieux – du type de Jean Reno, Daniel Auteuil, Jean Rochefort, etc. – mais qui vous amènent à rire malgré tout ? Non ? 246 Alexandre – Oui tout à fait ! Je ne suis pas spécialement pro-grimace. De Funès je te disais tout à l’heure je suis pas spécialement fan, alors que bon, c’est quand même une célébrité comique en France. Mais y a des gens qui me font rire à travers, c’est bizarre hein…, qui vont dégager de l’humour à travers une situation de… de… pas spécialement de tristesse, mais quelque chose qui au départ n’est pas très comique quoi. Et ça j’aime bien, qu’on montre finalement que le rire est plus fort que la tristesse, que ça prend le dessus, même si à la base y a cette tristesse-là bien sûr, je suis quand même pas un imbécile heureux ! Mais enfin bon, j’aime la déconnade quand même, faut bien dire ce qui est [Rires] ! 247 Enquêteur – Oui et dans ce registre-là qui allie tristesse et comédie… [Alexandre interrompt la phrase]. 248 Alexandre – …j’me souviens aussi de ce personnage de Roberto Benigni dans La vie est belle ! 249 Enquêteur – Ah oui effectivement oui… 250 Alexandre – …et bien à travers une histoire terrible il arrivait à… à te faire rire quand même ! C’est fort ça quand même ! Je trouve ça assez exceptionnel quoi j’veux dire euh… Pour lui entre autre ça a été une performance ! D’ailleurs je crois qu’il avait eu une récompense à Cannes ou un truc dans le genre parce que c’était vraiment quelque chose de pas banal. 251 Enquêteur – Certains la lui ont reprochée oui ! 252 Alexandre – Bon, les grincheux ouais, comme toujours si tu veux [Silence]. Non mais Benigni c’est un clown. Il a une âme de clown. Mais y fait le clown au travers de trucs graves, c’est fort ! 253 Enquêteur – Oui, je vois. Et donc Balasko oui, vous l’avez aimée dans Gazon maudit. Et vous aimiez bien euh… par exemple Chabat, Alain Chabat, vous l’aimez bien aussi dans ce film ? 254 Alexandre – Chabat je l’aime bien oui ! Il me fait bien rire aussi. 255 Enquêteur – Et dans Les Nuls notamment alors, ou pas ? 256 Alexandre – Ah Chabat je l’aime bien ouais, surtout dans Les Nuls oui [Rires] ! 257 Enquêteur – Et dans le film le côté euh… je sais pas… le fait d’aborder sous un angle comique quelque chose qui est « tabou » – vous disiez « le tabou dans l’entreprise » tout à l’heure à propos de l’homosexualité, enfin que vous aimez bien euh… voir ce type de problème traité de façon comique et… [Alexandre interrompt le propos]. 258 Alexandre – …oui voilà, c’est ça, je ris facilement de ce genre de choses. Les tabous dans l’entreprise me font rire. 259 Enquêteur – Et surtout quand ils sont liés à la sexualité des employés ou ça n’a rien à voir ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 14 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 260 Alexandre – Ah ben je vais pas te dire non [Rires] ! Y a tellement de points communs entre des films qui traitent de ça et ce que je peux vivre tous les jours, enfin ici, dans le contexte de l’entreprise, que je peux qu’en rire. 261 Enquêteur – Et il vous arrive de sortir des… des extraits de…, vous savez…, des extraits de films dans des situations qui s’y prêtent par exemple ? 262 Alexandre – Je ne suis pas très cinéphile alors généralement les conneries que je sors quand elles sortent elles viennent de moi. C’est de l’authentique [Rires] ! 263 Enquêteur – Vous en êtes l’auteur original, c’est ça ? 264 Alexandre – Oui l’auteur enfin… pas spécialement l’auteur mais, c’est un peu des expressions euh… des trucs qui veulent rien dire, qui ne font peut-être rire que moi mais enfin euh… j’essaie de détendre l’atmosphère on va dire, c’est mon truc. 265 Enquêteur – Et vous avez des exemples à me donner, de ce type d’« expressions » rigolotes ? 266 Alexandre – Je sais pas euh… par exemple si quelqu’un est noir ou métisse il m’arrive de dire que c’est un « mitigé cochon d’Inde » [Rires] ! Après c’est pas euh… je le pense pas comme un truc méchant si tu veux, je suis pas raciste, j’ai jamais voté FN et je supporte pas ça par exemple. C’est plutôt, lâchement, pour amuser la galerie ! [Silence]. Qu’est-ce que je dis sinon ? Oh ben des trucs bien marseillais : « durer la vie des rats » par exemple ! Je donne des surnoms aux gens aussi. Enfin c’est des trucs complètement euh… Y a rien de très fin là-dedans [Rires] ! 267 Enquêteur – Et elles vous viennent d’où toutes ces expressions ? De votre famille ? De vos amis ? 268 Alexandre – Non je sais pas… de moi ! 269 Enquêteur – De vous ? 270 Alexandre – Oui c’est des trucs que j’ai entendus forcément quelque part mais bon après j’aime bien les ressortir euh… ça me détend finalement ! C’est le côté où je trouve qu’on a tendance à… La vie fait qu’on est… [Silence]. 271 Enquêteur – …qu’on prend tout au sérieux ou… 272 Alexandre – …oui, c’est l’idée. Même si on reste euh… Enfin chacun au fond de soi à une ligne de conduite, un truc qu’on t’apprend en général très tôt dans la famille, mais… Mais des fois on a besoin un peu d’évacuer quoi. Y a pas d’autre mot ! 273 Enquêteur – Et pour vous c’est la fonction que peut avoir le rire ? 274 Alexandre – Tout à fait oui. 275 Enquêteur – Je vois. Et alors ce type de rire-là, qui aide à « évacuer », on n’peut pas se l’autoriser avec toutes les personnes j’imagine… enfin… enfin j’imagine qu’y a des personnes qui sont plus à l’aise que d’autres avec ça, comme vous le disiez tout à l’heure, non ? 276 Alexandre – Oui oui, c’est certain. Y en a qui sont plus à l’aise que d’autres, c’est évident. Mais moi en tout cas je me l’autorise ! Alors des fois à tort hein, mais… oui je me l’autorise, de faire des blagues. 277 Enquêteur – Et est-ce qu’il y a des personnes à qui vous n’oseriez pas faire des blagues ou… ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 15 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 278 Alexandre – Ah ben je suis pas non plus un lourdingue ! Avec les gens que je ne connais pas je tâche d’abord de paraître euh… enfin correct on va dire. C’est mon métier qui veut ça. Mais euh… [Une cliente arrive]. Oui donc voilà… oui je te disais que je m’adapte. Mais je vois assez vite à qui j’ai affaire en fait, donc je fais peu de faux-pas. Bon si je m’engatse avec un abruti par contre je peux un peu être soupe au lait, quand on me prend de haut. 279 Enquêteur – D’accord. Après j’ai une liste de films précis aussi, de films à vous proposer, pour savoir si vous en avez ri ou pas, mais j’vais le faire vite en fait parce qu’autrement je ne vais jamais avoir le temps de vous passer l’intégralité de l’entretien ! Euh… 280 Alexandre – …non mais j’ai l’temps, j’ai l’temps. T’en fais pas ! 281 Enquêteur – Ok, c’est très gentil de me consacrer tout ce temps ! Qu’est-ce que euh… ah oui, Le père Noël est une ordure, vous l’avez vu celui-là alors ? 282 Alexandre – Je l’ai vu, je l’ai vu oui. Alors ça c’est le film culte de ma femme ! 283 Enquêteur – Ah oui ? Et vous non ? 284 Alexandre – Si mais bon… c’est pas mon film comique favori si tu veux. 285 Enquêteur – Et vous auriez en tête des scènes comme ça, ou bien des personnages, qui vous ont particulièrement fait rire quand même ? 286 Alexandre – Je l’ai jamais vu avec beaucoup d’attention donc je ne peux pas te répondre très précisément. Mais… [Silence]. Oui ce que je peux te dire c’est que Lhermitte avec son costume rayé sur le canapé ton sur ton bon, c’est très marrant. Et puis… comment elle s’appelle ? 287 Enquêteur – Zézette ? 288 Alexandre – Non euh… celle qui se coltine le serre-tête en velours et la jupe plissée en laine euh… 289 Enquêteur – …ah Thérèse ? 290 Alexandre – Ouuaaiiis, Thérèse [Rires] ! Elle est terrible celle-là, dans le registre euh… enfin complètement coincée. Et puis à côté de ça prête à se vautrer dans la douche bon, no comment [Rires] ! Jugnot aussi me faisait rire. Mais c’est comme pour Clavier en fait, après je pense pas que ce soit un mec super sympa malheureusement. 291 Enquêteur – Je vois. Et le côté euh… parce qu’il a évolué vers des rôles un peu moralisants Jugnot par la suite… c’est quelque chose qui compte aussi dans l’opinion que vous en avez ? 292 Alexandre – Ah oui ça m’horripile ! Oui ça m’énerve un peu ce côté euh… moralisateur… enfin, édification populaire quoi. J’aime pas qu’on me fasse la morale de toute façon, de manière générale. Le bon père de famille voilà…, c’est agaçant, c’est juste emmerdant [ Silence]. Y en a un qui me faisait rire aussi c’était Ticky Holgado ! 293 Enquêteur – Ah dans quels rôles ? 294 Alexandre – Oh mais en fait j’trouvais le personnage très sympathique aussi, c’est surtout pour cette raison. Il était dans un film de Blier j’me rappelle aussi. Y a des gens comme ça qui…, j’sais pas…, enfin qui me parlent, qui me font écho presque. Il faut déjà que le physique accroche, c’est aussi con que ça en fait. Mais sinon oui, j’aime bien l’équipe du Splendid. 295 Enquêteur – Et Les babas cool, vous l’avez vu ? 296 Alexandre – Oui voilà c’est le genre de trucs ouais… c’est rigolo. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 16 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 297 Enquêteur – Et la satire du style de vie des soixante-huitards, parce que c’était le propos du film j’crois, ça vous a fait rire dans ce film ? 298 Alexandre – C’est comique oui. Y avait Clavier là-dedans, non ? 299 Enquêteur – Oui oui. 300 Alexandre – Oui. Ah oui je me souviens ! Il est dans une communauté hippie. C’est le bourg’ qui découvre les joies du sexe à la campagne. Ah oui [Rires] ! 301 Enquêteur – Et Papy fait de la résistance vous l’aviez vu, toujours avec Clavier ? 302 Alexandre – Je crois oui, mais je m’en souviens plus bien par contre j’crois. J’pourrai pas t’en parler en détail. Je me souviens juste de euh… de…. comment de… ? Ah Jacqueline Maillan, cet air ahuri qu’elle a quand Villeret lui sert la sérénade. C’était hilarant ça [Rires ]! 303 Enquêteur – Et vous aimiez quoi d’autre chez elle ? 304 Alexandre – Ah ben… ouais son côté dadame, son côté duduche quoi. C’est une passion pour moi ça [Rires] ! 305 Enquêteur – Ah oui c’est la femme du directeur de l’Opéra dans Papy… j’crois, c’est vrai. 306 Alexandre – Y a un truc dans ce goût-là ouais. Et puis sa voix aussi, un peu euh… enfin snob, super snob ! 307 Enquêteur – Et là ça ne vous énerve pas ? 308 Alexandre – Ah non, non. 309 Enquêteur – Parce que c’est une femme peut-être ? 310 Alexandre – Peut-être, j’sais pas. Non, j’sais pas. 311 Enquêteur – Ok. Et dans tout ce qui est comédie historique bon y avait Papy fait de la résistance et… et La grande vadrouille, vous l’avez vu j’imagine ? 312 Alexandre – Oui voilà, la série des de Funès bien sûr, je l’ai vue. Bien sûr que j’ai vu La grande vadrouille ! 313 Enquêteur – Et ça vous a fait rire ? 314 Alexandre – Ah oui, ça j’ai pris des fous rires avec La grande vadrouille ! Vraiment des fous rires ! Le gendarme à Saint-Tropez euh… bon c’est moyen mais rigolo. Et puis Rabbi Jacob, La grande vadrouille euh… Je ne porte pas de Funès dans mon cœur mais c’est marrant oui, quand même. 315 Enquêteur – Et ça vous fait rire encore maintenant, quand vous revoyez ces films ? 316 Alexandre – Trop vu, trop vu. Tu finis par connaître les films et les gags par cœur. Faut quand même être un peu surpris pour rire. 317 Enquêteur – Et le comique gesticulateur de de Funès dont vous parliez tout à l’heure ne vous énerve pas dans ces films-là ? 318 Alexandre – Oui si, forcément un peu. Mais dans La grande vadrouille si tu veux y avait quand même Bourvil qui colle bien pour le duo, et j’l’aimais bien, donc ça équilibre. C’était quelqu’un qui paraissait toujours assez rigide de Funès et qui d’un coup pétait un câble comme ça, bon…, c’est pas ma tasse de thé. Et… [Il réfléchit]. Galabru me faisait rire aussi ! 319 Enquêté – Galabru, oui ? 320 Alexandre – Oui ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 17 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 321 Enquêteur – Dans quels rôles ? 322 Alexandre – Ben là c’est le côté ronchon un peu… Un peu euh… Y tire la gueule…, il est râleur. Voilà, voilà. 323 Enquêteur – Et Bourvil alors, vous en parliez tout à l’heure, il vous faisait rire ou… ? 324 Alexandre – Bourvil oui, je le trouvais très attendrissant. 325 Enquêteur – Mais plus que de Funès alors ? Bourvil prend le contre-pied un peu, de cette figure autoritaire qu’était de Funès ? C’est ça ? 326 Alexandre – Ah oui ! Bourvil oui, finalement on a envie que ce soit son grand-père [Rires] ! Il a l’air tellement bonne pâte. Quand il dit, dans Le Corniaud j’crois que c’était, parce que sa voiture a été broyée par de Funès : « Ah ben elle va marcher beaucoup moins bien maintenant ! », bon, c’est drôle. Et puis surtout faut voir la tête qu’il tire ! 327 Enquêteur – Vous le trouvez sympa ? 328 Alexandre – Très sympathique ouais. 329 Enquêteur – Et puis vous le sentez plus proche qu’un de Funès finalement ? 330 Alexandre – Totalement ! Y en a un autre d’acteur comique qui me faisait beaucoup rire aussi, dans la même veine que Bourvil on va dire, c’est Villeret. 331 Enquêteur – Ah oui Villeret ! 332 Alexandre – Il m’a fait rire énormément hein, c’est pareil, c’est ce personnage un peu avec un côté renfermé, un peu loser aussi finalement. Je sais pas pourquoi je suis attiré par ça [ Rires] ! Et puis il a un physique aussi, vraiment euh…, oui spécial, spécial. Il arrivait à faire passer des émotions au travers de… de… ben uniquement de sa façon d’être quoi. 333 Enquêteur – Et vous l’avez aimé dans quels films ou dans quels rôles, Villeret ? Dans les rôles de Pignon ou dans les rôles récents ou… ? 334 Alexandre – Oui oh… Ben dans Le dîner de cons ça c’est sûr, dans… mais même dans La soupe aux choux je l’ai bien aimé, il était drôle quoi. C’était pas un film extraordinaire, on est bien d’accord, mais certains passages m’ont fait rire quoi, mais bon euh… [Il réfléchit]. En fait je me rends compte que je ris bien souvent de choses bêtes [Rires] ! 335 Enquêteur – Comme tout l’monde oui ! 336 Alexandre – Mais en fait je me rends compte que la bêtise me fait rire ! La bêtise me fait beaucoup rire ! Un exemple euh… Un mec comme Raymond Devos, par exemple, ne m’a jamais fait rire, même si j’ai toujours reconnu son immense talent. Mais bon..., je sais pas, ça passait pas. C’est pas ma tasse de thé quoi ! [Silence]. Par contre un mec comme Desproges aussi me faisait rire, oui. 337 Enquêter – Ah oui, Desproges vous faisait rire ? 338 Alexandre – Oui. Ah oui ! Le tribunal des flagrants délires bon…, c’est des choses que tu vois plus aujourd’hui. C’était oui… oui c’était du bon humour de droite quoi [Rires] ! 339 Enquêteur – Mais qu’est-ce qui vous plaisait pas chez Devos ? 340 Alexandre – Trop intello ! Beaucoup trop intello pour moi [Rires] ! Beaucoup trop froid, je sais pas, j’aime pas. Rien que de savoir qu’il était belge, enfin tu vois [Rires]… Je veux pas dire que je les aime pas c’est pas ça, mais j’aime un comique plus exubérant quand même, plus chaleureux. Je suis quand même un méridional ! 341 Enquêteur – Oui ! Et la recherche du jeu de mots, etc., du jeu sur les mots, avec les mots, ce sont des choses qui vous laissent euh… ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 18 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 342 Alexandre – …complètement froid pour le coup [Rires] ! Non le côté intello ne me fait pas rire du tout. Non alors ! Le côté intello ne me fait pas rire, ça c’est certain. J’ai même horreur de ça ! L’humour anglais et intello par exemple, tu sais l’humour euh… absurde on va dire, je déteste. La plaisanterie des intellos ne me fait pas rire ! 343 Enquêteur – Ah oui. Mais euh… qui vous identifiez derrière ce terme d’« intello » ? Vous désignez qui ? Donc il y aurait Raymond Devos pour vous et euh… ? 344 Alexandre – …non mais si tu veux ça va plus loin : même dans la vie de tous les jours [Rires ]! 345 Enquêteur – Mais vous en avez beaucoup ici des « intellos » qui viennent euh… ? 346 Alexandre – …pas trop non. Pas les moyens [Rires] ! Non je plaisante mais… Oui ceci dit quand je les vois débarquer je me… enfin je me dis que je vais pas passer un chouette moment quoi ! 347 Enquêteur – Et vous les repérez à quoi ces « intellos » alors ? 348 Alexandre – C’est du style bon euh… Non un peu l’étudiant en droit qui se la pète tu vois, les profs, bon…, j’ai rien contre eux, certains sont des amis, mais…, les types qui vont au R. [cinéma d’art et d’essais], à l’Opéra, bon…, et qui trouvent ça chic. Ça me dépasse ! 349 Enquêteur – Ah et y en a beaucoup qui viennent ici, des gens comme ça ? Suffisamment pour vous énerver, c’est ça [Rires] ? 350 Alexandre – Ouais ! Enfin non pas ici spécialement, pas ici spécialement. Mais je peux en voir, quand je sors. Ici c’est marginal quand même. Mais j’veux dire après y a des gens qui jouent un rôle euh… bon j’veux dire voilà… après on peut être intello sans être euh… [ Silence]. 351 Enquêteur – …prétentieux ? 352 Alexandre – Oui. 353 Enquêteur – Non mais ce que j’voulais dire après c’est euh… Est-ce que vous en avez fréquenté des « intellos », ici ou ailleurs, qui du coup vous ont inspiré une euh… une sorte de mépris quand même ? 354 Alexandre – Non pas spécialement euh… C’est pas ce type de personnes là que je fréquente le plus. Ouais, ni les gens avec qui je ris ou qui vont me faire rire. Ça c’est certain. Mais… [Il réfléchit]. Comme je te disais tout à l’heure je vois vite à qui j’ai affaire et les intellos bon... Quand je vois rentrer les gens je sais ce qu’ils veulent, c’est clair… Bon… Les intellos ça va aimer plutôt tel type de presta’ [prestations], les bourg’ plutôt tel autre, les autres tel autre... Y en a y me viendrait jamais à l’idée de leur proposer certains trucs. Ça c’est… c’est mon côté nana ! Je sens ça tout de suite ! Et les intellos je t’avoue que je vais pas me faire plaisir sur une presta’ avec eux, quasiment jamais. 355 Enquêteur – Mais quand vous dites « humour intello » vous désignez quoi ou qui, à part Devos ? 356 Alexandre – Non mais… L’humour intello euh… Enfin ce serait presque un genre d’humour qui se prend au sérieux en fait ! Tu vois ce que je veux dire ? 357 Enquêteur – Oui oui. 358 Alexandre – Voilà c’est ça l’humour intello : un humour qui s’écoute. Voilà [Rires] ! Pour moi dans l’humour y doit y avoir quelque chose un peu de…, j’sais pas, quelque chose chez les gens qui t’attendrit en même temps, même si… même si c’est pas très glorieux pour la personne dont on va rire. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 19 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 359 Enquêteur – Vous voulez dire que vous riez aux dépens du personnage mais que dans le fond vous l’aimez bien ? C’est ça ? 360 Alexandre – Voilà. Dans le fond il me parle et du coup je l’aime bien, oui. 361 Enquêteur – Oui je vois. Donc ça va être des personnages comme Bourvil ou Villeret qui… Enfin dans cette veine-là, y a aussi euh… ben Benigni justement. Oui donc vous appréciez plutôt des comiques euh… des gens qui ne se prennent pas au sérieux et qui ne sont pas froids mais tendres, chaleureux. C’est ça ? 362 Alexandre – Oui voilà des gens qui ne sont pas froids, voilà ! Pas cyniques ou ironiques ! Surtout pas. 363 Enquêteur – D’accord. Parce que Devos trop froid quoi ? 364 Alexandre – Non il était bon mais… Mais après euh… Bon déjà c’était pas forcément la blague spontanée, fallait vraiment suivre le propos, enfin ne pas perdre le fil quoi j’veux dire. Et ça bon… tu vas pas voir un spectacle comique pour te prendre la tête. Je pars de ce principe. 365 Enquêteur – Oui, je comprends. Donc vous n’hésitez pas finalement à rire de film style La soupe aux choux ? 366 Alexandre – Voilà ! Exactement [Rires] ! C’est un film qui me fera toujours sourire. La scène où ils pètent sous les étoiles n’est pas… bon c’est pas très reluisant, faut dire ce qui est, mais je vais pas cacher que ça va me faire rire. 367 Enquêteur – Ok. Et tout ce qui est alors euh… enfin bas de la ceinture, enfin que ce soit alimentaire voyez, ou sexuel, ou…, ça ne vous exaspère pas ? Vous en riez facilement ? 368 Alexandre – On va dire que j’ai pas d’a priori du tout. Mais ça dépend en fait. C’est comme y a un type là euh bon… c’est Bigard. Bon Bigard, bon… Y a des trucs bon… Tout n’est pas ma tasse de thé, c’est évident. Y a des trucs qui me font rire et d’autres que je trouve un peu trop euh… Enfin il va un petit peu trop loin quoi hein… surtout sur les femmes, c’est pas ce qu’il y a de plus fin parfois. Tu connais peut-être le sketch du « lâcher de salopes » ? 369 Enquêteur – Oui oui ! 370 Alexandre – Voilà c’est un peu euh… Bon alors après faut le prendre vraiment au second degré quoi. Mais ma femme par exemple elle ne le supporte pas ! Et je peux comprendre ça. Elle est pas spécialement féministe mais bon, y a des limites quoi. Et ma femme supporte pas sa vulgarité à Bigard. Elle supporte pas ce type d’humour, voilà. 371 Enquêteur – Et vous vous l’interprétez aussi comme une forme de euh… enfin de misogynie ou de… de goujaterie carrément ? 372 Alexandre – Moi je… C’est-à-dire que bon… Une blague spontanée, comme ça, sur la condition féminine, quand le contexte s’y prête bien, je trouve que ça peut être marrant, ça passe. Je veux dire maintenant tu peux limite plus faire une blague sur les femmes parce que t’es vu comme un mufle ! J’en fais moi régulièrement sur les nanas qui viennent ici, surtout quand elles sont un peu coincées ou autres, enfin tu vois le genre... Mais après euh… si ça s’enchaîne…, si c’est pour en faire des caisses, non. Bigard il enfonce le clou en permanence. Et y a juste un moment où bon, c’est… [Silence]. 373 Enquêteur – …ouais. Mais vous spontanément si y a pas votre femme à côté pour vous dire que c’est insultant pour les femmes vous y pensez ou pas ? Si par exemple vous voyez ce Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 20 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » fameux sketch du « lâcher de salopes » avec plus euh… des copains, vous allez rire plus volontiers ou pas ? Ou ça va vous indigner pareil ? 374 Alexandre – Oui oui oui. Je peux y penser oui. Mais c’est vrai que je peux rire aussi, oui. En fait ça dépend effectivement, des gens qui sont avec toi, des circonstances, oui. [Silence]. Après y a une personne, dans l’humour féminin, dont j’ai vu le spectacle et que j’ai trouvé super, c’est Noëlle Perna. Je trouve ça exceptionnel ! Voilà, ça ça me fait rire ! Et d’ailleurs je vais retourner la voir sur scène. 375 Enquêteur – Ah oui, Mado La Niçoise ? 376 Alexandre – Exactement ! 377 Enquêteur – Et alors qu’est-ce qui vous fait rire chez elle ? 378 Alexandre – Ben sa mimique, la mimique mais… Mais c’est le personnage de Mado la Niçoise qui me fait rire oui. L’expression même de « Mado la Niçoise » me fait beaucoup rire. En fait c’est quelque chose qui est très typique d’ici, que d’autres gens ne pourraient pas euh… Enfin quand je vois les vacanciers ici, l’été, les parisiens par exemple, je me dis qu’y pourraient rien comprendre à ce type d’humour ! 379 Enquêteur – Vous aimez ce comique méridional en fait ? 380 Alexandre – Le comique des gens d’ici oui ! Bon j’dis pas que je me marre tous les jours devant Raimu ou Fernandel mais… ça me fait sourire, ouais. L’accent aussi me fait rire, les expressions. [Silence]. Fernand Raynaud aussi me faisait beaucoup rire. 381 Enquêteur – Mais il est du Sud lui ? 382 Alexandre – J’sais plus mais… pour moi c’est dans le même état d’esprit. 383 Enquêteur – J’comprends oui. Mais sur Mado la Niçoise euh… par exemple les sketchs que vous préférez d’elle ce sont lesquels ? 384 Alexandre – Oh ben euh… un peu tout. Le sketch sur les fonctionnaires qui sont dans les mairies euh… qui sont fossilisés, ça c’est très marrant. C’est quelque chose qui va beaucoup me faire rire ! 385 Enquêteur – D’accord ! 386 Alexandre – Bon c’est un truc vraiment basique hein, y a rien de très très finaud làdedans, mais ça me fait beaucoup rire euh… En fait c’est des satires de situations, donc ça peut être des situations comme des personnes euh…, qui me font rire. J’assume totalement ce côté que je suis totalement basique sur l’humour ! 387 Enquêteur – Et vous souscrivez à ce cliché-là, des fonctionnaires euh… ? 388 Alexandre – Ben… ouais [Rires] ! Mais… comment t’expliquer ? Enfin oui c’est un cliché, c’est jamais qu’un cliché. Je le sais ça. J’suis pas là à me dire euh…, à adopter un raisonnement et à me dire : « Oui elle a raison, les fonctionnaires sont comme-ci et comme ça ». Mais je sais d’expérience qu’au sein de ces gens-là, du fonctionnariat, y a des gens qui sont comme ça ! Voilà c’est… c’est quelque chose que je sais, parce que j’en vois, j’en côtoie. Voilà quoi, la personne qui va travailler euh…, qui bosse à la mairie et qui va se cacher derrière un arbre pour faire passer le temps quoi ! C’est quelque chose qui me fait rire quoi ! 389 Enquêteur – Et ça ça vous fait rire aussi en tant que chef d’entreprise euh… avec des responsabilités, avec beaucoup de boulot, du stress euh… ? Vous la voyez comme ça cette différence-là ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 21 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 390 Alexandre – Ben… oui si tu veux. Mais bon… On va pas se mentir. On a tous un côté tireau-flanc et… et moi le premier [Rires] ! Après ça n’empêche pas que euh… Bon j’en ai vu hein, des gens comme ça, dans ma vie. J’ai vu un gars l’autre fois qui… qui bossait à l’arsenal, bon il a quand même réussi à se faire virer de là-bas quoi ! Faut le faire ! Il avait posé dix rivets dans la semaine et y m’a dit : « Cette semaine j’ai posé dix rivets » ! Pour moi c’est un pauvre mec quoi, c’est tout. 391 Enquêteur – Et quand vous dites que vous avez vous aussi une tendance un peu comme ça, « tire-au-flanc », vous pensez à quoi ? 392 Alexandre – Oh… ben je pense qu’on préfèrerait tous ne pas se tuer à la tâche quoi, c’est tout con ! Et moi bon ben, je suis jamais que… Enfin y m’arrive aussi de déconner, de pas avoir envie de bosser. Je suis un passionné si tu veux, mais euh… mais pas un acharné on va dire quoi. Parfois je craque. J’ai mes pétages de plomb. Je m’en vais comme ça, je donne plus de nouvelles pendant plusieurs jours : je sais que parfois je déconne complètement. Mais bon… Nathalie a du te dire. Mais c’est un peu ma soupape si tu veux aussi. 393 Enquêteur – Oui oui, je comprends bien. 394 Alexandre – Mais c’est profondément humain je pense. 395 Enquêteur – C’est sûr ! Mais pour revenir au sketch de Mado La Niçoise sur les fonctionnaires euh… finalement vous diriez que vous avez du mépris pour ces gens-là ou juste euh… ? 396 Alexandre – Non. Même pas. 397 Enquêteur – Vous vous contentez d’en rire en fait, mais ça n’va pas au-delà ? 398 Alexandre – Voilà. Parce qu’en fait je peux balancer une vanne sur eux mais… mais c’est pas de la méchanceté gratuite on va dire. 399 Enquêteur – Vous pourriez être ami avec ces gens-là, à la limite ? 400 Alexandre – Oui voilà c’est… Ils ont un côté où ils m’font rire et je peux les trouver de bonne compagnie du coup. Maintenant je vais les… les… Je vais les cantonner dans un domaine euh… où je sais que là ils vont me fait rire, et c’est tout. Mais si je sais que demain je dois vivre ce type de situation je… enfin c’est épouvantable quoi ! 401 Enquêteur – Si vous deviez vous-même être fonctionnaire ? C’est ça ? 402 Alexandre – Oui ! 403 Enquêteur – Et pour en revenir à Noëlle Perna alors, vous riez de… ? 404 Alexandre – …ah ben je ris de son comportement, de ses tenues vestimentaires flashy, euh…, de son maquillage un peu outré comme ça… Enfin c’est la vieille niçoise quoi, la commère. Et moi j’ai un petit côté commère aussi faut bien le dire ! Elle est toujours à parler de son fils aussi. 405 Enquêteur – Et ça vous fait rire tout ça ? 406 Alexandre – Oui voilà ! La mère possessive euh… qui veut tout contrôler. Tout ça c’est très marrant, c’est… Enfin c’est la Niçoise quoi ! Enfin on peut dire la Niçoise ou la Marseillaise quelque part, y a des ressemblances hein ! Et la caricature des gens du Sud aussi me fait rire ! 407 Enquêteur – On la trouve aussi dans Bienvenue chez les ch’tis cette caricature-là…, non ? 408 Alexandre – Ah mais j’ai pas vu Bienvenue chez les ch’tis ! 409 Enquêteur – Ah vous ne l’avez pas vu ? Ah d’accord. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 22 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 410 Alexandre – Et non. Je sais que ça a été un gros succès au ciné mais j’y suis pas allé, non. Mais… Oui non, j’aime bien Noëlle Perna, elle me fait rire. 411 Enquêteur – Et euh… Qu’est-ce qu’il y aurait d’autre comme comique euh… ? Parmi les femmes humoristes, vous voyez d’autres personnalités qui vous font rire ? 412 Alexandre – Ah oui ben y en a pas mal hein maintenant… Bon avant j’aimais beaucoup Sylvie Joly, Jacqueline Maillan, etc. On les voyait beaucoup à la télé. Y a Muriel Robin aussi qui me fait rire sur certains sketchs, mais pas sur tous. 413 Enquête – Muriel Robin vous fait rire ? 414 Alexandre – Ouais pareil un peu euh… Elle dépeint vraiment les gens, leurs comportements. Le sketch de l’addition me fait beaucoup rire, sur les radins. Bon. [Silence ]. Après certains imitateurs aussi me font rire. Nicolas Canteloup me fait bien rire ! 415 Enquêteur – Chez Drucker ? 416 Alexandre – Ouais. J’ai bien aimé ses spectacles aussi. J’aime bien l’écouter à la radio. J’ai les dvd de ses spectacles à la maison [Silence]. J’ai les dvd de Jamel aussi, tiens. J’ai commencé à bien aimer Jamel Debbouze. 417 Enquêteur – Vous ne l’aimiez pas avant ? 418 Alexandre – Ouais je… j’pouvais pas quoi. J’étais pas trop accro à ce côté euh… la banlieue, les sitcoms, etc. Mais finalement j’y ai trouvé une certaine sensibilité et pas mal de vérité, dans ses sketchs. On a un peu l’effet de miroir sur ce qui est représenté quoi. 419 Enquêteur – Et selon vous Jamel serait à mettre du côté de ceux qui justement euh… sont capables de faire rire et d’émouvoir en même temps ? 420 Alexandre – Tout à fait. Ah pour moi c’est… Bon après on aime ou on n’aime pas hein… Mais c’est quand même euh… Enfin je pense que c’est quand même un artiste exceptionnel quoi. 421 Enquêteur – Et quels sont les sketchs que vous aimez bien de Jamel ? 422 Alexandre – J’aime bien les sketchs dans lesquels il raconte son enfance par exemple, comment il arrive à rire avec ça. 423 Enquêteur – Ah oui. Ouais c’est ça… les sketchs dans lesquels il raconte son expérience de l’école, de sa famille. Oui. 424 Alexandre – J’aime beaucoup moi ce côté où on dépeint des situations, etc. C’était un peu sur la condition des immigrés aussi, la façon de s’insérer dans un pays qui n’est pas le sien, bon. 425 Enquêteur – Et ça ça vous touche ? 426 Alexandre – Ouais la façon dont il le dépeint oui, ça me touche. 427 Enquêteur – Ok. Parce que vous avez quel type de regard sur cette question ? L’immigration, tout ça, vous vous sentez concerné ou… ? 428 Alexandre – Oui j’me sens concerné, bien sûr. Et… j’suis pas raciste ! J’suis contre les gens qui foutent le bordel, qui font des émeutes, bon pareil j’aime pas les manifs’ ou autres, le grand n’importe quoi, mais… je suis pas raciste ! Alors après tu vas me dire que c’est un peu le serpent qui se mord la queue hein, parce que je me dis aussi qu’on n’les a pas mis dans des conditions assez favorables. Mais je m’dis qu’après eux aussi n’ont pas fait énormément d’effort. Du style euh… Bon j’ai pas le permis en ce moment, on me l’a retiré, donc je prends le train, je prends le bus euh…, j’avais pas l’habitude de ça. Et bien dans un Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 23 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » wagon s’il y a quatre arabes tu peux être sûr qu’ils vont parler comme s’ils étaient à la maison ! C’est terrible ça. Et la musique à fond, et le machin…, bon. C’est un truc de malade ! Ils parlent, ils parlent ! Dans un train j’sais pas moi… Moi je pars toujours à des heures où le wagon est plein et ça parle plus fort que tout le monde quoi ! Alors ils parlent dans leur langue euh…, après ils parlent un peu français, bon. J’trouve pas ça très très… très sain. Alors paradoxalement après une femme qui porte le voile ça ne va pas me déranger tu vois. 429 Enquêteur – Ah bon ? 430 Alexandre – Non. Non je me dis que c’est sa religion et je respecte ça. Bon maintenant si elle a la burqa devant les yeux je me dis aussi qu’y a peut-être un gros souci, peut-être. Mais je conçois qu’ils aient leurs heures de prière euh… leurs rythmes, leurs croyances, leurs trucs. 431 Enquêteur – Vous vous considérez comme quelqu’un de tolérant alors ? 432 Alexandre – Voilà, j’suis très tolérant ! Après quelqu’un qui dit « Moi j’ai rien », à qui on donne et qui après casse et saccage dans les immeubles, bon…, je trouve pas ça normal. Parfois ils envoient les poubelles par la fenêtre, bon voilà…, c’est nul. Pour moi c’est… ça ne doit pas exister quoi ! J’veux dire ça n’est pas une question d’éducation parce qu’on comprend bien que le mec ça fait vingt ans qu’il est ici en France, donc les poubelles il faut les mettre dans un container et pas les jeter du dixième. Voilà. 433 Enquêteur – Ok. Et par exemple euh… la politique actuelle de Sarkozy, cette politique de fermeture à l’immigration euh…, tout ça vous le soutenez ? 434 Alexandre – Ah je suis totalement pour ! 435 Enquêteur – Vous êtes pour ? 436 Frédéroc – Ah ouais ouais ! D’toute façon euh… J’veux dire après faut arrêter quoi ! Que ce soit la droite ou la gauche d’toute façon c’est pareil. Ils héritent d’une situation où de toute façon on a fait rentrer des gens et euh… bon… faut bien voir que le marché du travail ne peut pas gérer cet afflux. Et aujourd’hui on veut les faire partir, bon… c’est nul tu vas me dire. Y a trente ans, vingt ans, qu’il aurait fallu anticiper tout ça. 437 Enquêteur – Au moment où la crise s’est installée ? 438 Alexandre – Voilà ! Aujourd’hui… euh… Là où des français de confession catholique ou judaïque font deux enfants, et bien eux ils t’en font quatre ou cinq. Et dans des conditions qui ne contribuent pas à l’épanouissement de chacun hein, parce que c’est pas possible. Ce que j’comprends pas c’est que ça fait quand même trois générations, deux trois générations…, et qu’on a toujours pas réussi à intégrer ces gens. C’est dommage, voilà. 439 Enquêteur – Ok. Et pour revenir au comique euh… tous les comiques issus de l’immigration du coup, ou qui traitent de ces questions-là, comme euh… ben comme Jamel justement, comme Gad Elmaleh, comme euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 440 Alexandre – Ah Gad Elmaleh je l’adore aussi ! Il me fait énormément rire ! Il me fait rire et réfléchir lui en fait. Mais non… enfin il a un don Gad Elmaleh ! Ben justement on parlait de l’immigration… Il montre bien ce… enfin ce côté décalé, en permanence, avec notre euh… notre quotidien. Ce que dit Jamel c’est vrai mais malheureusement ça ne devrait pas être comme ça quoi, parce que… En fait, que ce soit Jamel ou Gad Elmaleh, ils te donnent matière un peu à réflexion, à… [Silence]. 441 Enquêteur – …y compris à culpabiliser un peu vous trouvez ou… ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 24 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 442 Alexandre – …non c’est pas ça parce que euh… bon… J’veux dire moi ça m’est arrivé d’embaucher des immigrés euh…, enfin plein de fois, plein de fois. Et sur une presta’ je vais pas hésiter à en embaucher, non. 443 Enquêteur – Qu’est-ce qui vous fait rire alors précisément chez ces comiques-là ? 444 Alexandre – Bon y a déjà le côté euh… d’arriver à faire rire avec un truc pas drôle à la base. Voilà, mais après malheureusement y en a qui ont récolté des situations malheureuses parce qu’ils les ont semées quoi j’veux dire hein… Bon après c’est peut-être pas directement lié à eux mais… ça peut être lié aussi, après, à un climat familial. Mais bon… On les a un peu mis dans la merde aussi, on les y a un peu mis hein…, dans la merde. On n’a pas su…, on a laissé trop faire les choses et… nous aussi quelque part on récolte ce qu’on a semé. 445 Enquêteur – Oui oui, c’est certain. Et donc Gad Elmaleh vous fait rire ? Plus que Jamel ou c’est équivalent ? 446 Alexandre – Ah oui, beaucoup plus en fait. J’y pensais plus mais c’est vrai que ça fait partie d’mes comiques euh… enfin préférés disons. Oui. 447 Enquêteur – Ah carrément ? 448 Alexandre – Ah ben ouais ! La satire du juif hyper friqué qui fait une méga communion pour son fils euh… c’est drôle quoi ! Y fait venir l’hélico, Céline Dion ou enfin j’sais plus qui, Maria Carey, c’est marrant quoi [Rires]. 449 Enquêteur – Ah oui c’est Coco, c’est ça ? 450 Frédérique – Oui ! Oui ça ça me fait rire ça [Rires] ! Oh oui ! Plus que Chouchou d’ailleurs par exemple, qui était quand même un personnage euh... 451 Enquêteur – …c’est un personnage trop mélancolique Chouchou pour vous ? 452 Frédérique – Ben… C’est drôle hein, je dis pas. Mais enfin euh… c’est un personnage un peu euh… presque névrosé pour moi quoi, enfin solitaire. Coco il est… c’est un personnage encore plus rigolo je trouve, pour moi j’veux dire. 453 Enquêteur – Ah oui ? 454 Frédérique – Oui. Il est encore plus euh… enfin il en fait des caisses quoi, y veut montrer qu’il a réussi. Il est dans l’esbroufe ! Ça ça me fait rire ça ! Je ris beaucoup de ce type de personnages, très décontract’, très relationnels, friqués… Ah oui ça, si je devais retenir qu’une chose chez Gad Elmaleh ce serait ça, oui certainement… Euh… [Silence]. Et un humour qui me fait rire moi aussi, c’est Les guignols de l’info… 455 Enquêteur – …ah Les guignols, oui. 456 Alexandre – Les guignols de l’info ça ça m’fait rire ! 457 Enquêteur – Pourquoi ? 458 Alexandre – Pourquoi ? Parce que euh… C’est un peu satirique par rapport à c’qu’y se passe quoi j’veux dire. Mais euh… Mais y a quand même une part de vérité. Alors bon… Sarko, la Rolex, machin et compagnie non…, y a quand même une part de vérité. 459 Enquêteur – Oui, c’est la caricature du style de vie bling-bling en fait, de Sarkozy. Vous le percevez comme ça ? 460 Alexandre – Ouais ouais. Mais on va dire qu’y se l’est faite un peu cette caricature. Bon voilà oui, le mannequin, la gonzesse : y se l’est fabriquée cette caricature ! Voilà ! Bon y se Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 25 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » l’est fabriquée : le même personnage à une époque où le Français ne souffre pas, personne dira rien, mais là euh… 461 Enquêteur - …oui, vous le percevez comme ça, en fonction d’un contexte ?… 462 Alexandre – …mais à une époque où les personnes souffrent, bon. Moi personnellement ça ne me dérange pas, il est parti sur le yacht de Bolloré y peut faire tout c’qu’y veut, j’trouve pas matière à critiquer, vraiment, mais j’me mets dans la place aujourd’hui de quelqu’un qui souffre. 463 Enquêteur – J’comprends bien oui. Mais vous considérez que vous ne « souffrez pas », vous ? 464 Alexandre – Ben… non, pas comme certains en tout cas. Bon moi j’me dis que j’suis un peu euh… peut-être même sûrement quelqu’un de privilégié dans la société, mais j’veux dire après y faut être juste et ouvrir un peu les yeux, regarder un peu ce qu’y se passe autour et quand nous on a des difficultés, faut savoir qu’elles sont multipliées par dix chez d’autres personnes. 465 Enquêteur – C’est certain ! 466 Alexandre – Et le côté bling bling bon… en fait moi c’est quelque chose qui m’amuse mais bon.... euh… Donc j’veux dire ça me laisse pas insensible. Ça m’énerve pas du tout pour moi, pas du tout, y m’énerve pour les autres ! Pour les gens euh… [Silence]. 467 Enquêteur – …oui je vois, qui seraient moins bien lotis que vous en fait, c’est ça ? 468 Alexandre – Voilà ! Je comprends que ça puisse énerver. Voilà. Ça évidemment j’le comprends. J’me dis qu’il aurait dû comprendre qu’on n’est pas aux Etats-Unis ! Et la mentalité française elle est bon… C’est une mentalité d’acquis sociaux, c’est une mentalité où on demande, c’est une mentalité où aujourd’hui les gens souffrent en France, c’est que… la classe moyenne elle ne monte pas, elle descend. C’est la classe moyenne qui fait vivre le pays donc forcément ça soulève un mouvement de contestation, je peux comprendre ça. 469 Enquêteur – Oui. Et ça vous auriez préféré que ce soit euh… enfin calmé dès le départ on va dire ? 470 Alexandre – Voilà, bon…, c’est sûr, j’aurais préféré. 471 Enquêteur – Ouais. Donc toutes les caricatures de Sarkozy, aux Guignols, en… enfin en businessman, en star de ciné, en mafieux, enfin genre Tony Montana, ça vous… ? [ Alexandre interrompt la question]. 472 Alexandre – …mais ça m’fait rire, ça m’fait beaucoup rire ! Le Conseil des Ministres dans une boîte de nuit, avec Sarkozy en Tony Montana, ça me fait beaucoup rire oui ! Enormément ! [Rires]. 473 Enquêteur – Et le côté euh… Quand il est accompagné de Carla Bruni, ça vous fait rire aussi ? Le côté flambeur, homme à femmes euh…, ce sont des choses qui vous font rire ? 474 Alexandre – Oui. Le côté tombeur à la sauvette me fait rire aussi. Toujours. 475 Enquêteur – Mais moins en fait ? Vous riez davantage de… de la flambe euh… ? 476 Alexandre – …ouais, ouais. Mais c’est toujours plus le côté Rolex qui me fait bien rire ! Mais après s’il a envie d’en porter je considère que c’est sa vie. Il a le droit quoi ! Je vois pas pourquoi on le lui interdirait. Ça c’est le côté euh… enfin en France on est beaucoup comme ça quoi, à pas aimer les riches. Par exemple j’aimais beaucoup Tapie aussi, et pas seulement qu’aux Guignols hein j’veux dire. Et bien si tu dis que tu aimes bien Tapie, on te Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 26 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » regarde comme un mariole ! J’comprends pas ça. Moi des types comme ça je les admire, y m’font rire aussi, enfin… j’ai rien contre eux par principe en tout cas. 477 Enquêteur – Et dans la même veine, je pensais justement aussi à des personnages comiques comme ça, flambeurs, j’pensais à… aux personnages de La vérité si j’mens. Vous connaissez ? 478 Alexandre [Ton très enthousiaste] – Ah La vérité si j’mens ça j’ai beaucoup aimé aussi, voilà, ça ça m’plait énormément, énormément, voilà ! J’ai adoré ça ! Ça m’fait beaucoup rire ! 479 Enquêteur – Et toujours la même question alors : qu’est-ce qui vous fait rire chez ces personnages ? 480 Alexandre – Ben… déjà ils sont… ouais chaleureux, extravagants. Ce côté juif pied-noir ça m’a toujours fait beaucoup rire, beaucoup oui. D’ailleurs j’aurais aimé vivre dans ce milieu-là. 481 Enquêteur – Ah oui ? Pourquoi ? 482 Alexandre – Ah ouais ! Ouais ! Oui, ça m’aurait beaucoup plus ! J’en ai… J’ai côtoyé pas mal de… euh… [Alexandre cherche ses mots]. 483 Enquêteur - …de pieds-noirs ? 484 Alexandre – Ouais j’ai connu pas mal de euh… enfin des mecs qui bossent beaucoup dans les salons, les salons de l’hôtellerie par exemple, dans les foires commerçantes, et tout ça… J’en ai rencontrés beaucoup, ouais… Et alors cet humour et tout euh… Cette façon de vivre un peu euh… [Silence]. 485 Enquêteur – …chaleureuse ? Partageuse ? 486 Alexandre – Ouais partageuse ouais, partageuse, c’est ça… Mais euh… « Je partage mais j’suis capable d’te niquer à tout moment euh… », y a ce côté-là quand même aussi. 487 Enquêteur – C’est le côté clanique un peu aussi qui vous amuse alors, avec toutes les rivalités qui en découlent ? 488 Alexandre – Voilà, voilà, j’adore ! Voilà, et puis bon euh… C’qui en découle professionnellement aussi, l’autre qui va travailler chez un tel, on s’aperçoit qu’en fait c’est… Ouais, c’est les réseaux qui jouent dans tout ça. 489 Enquêteur – Mais ce qui vous fait d’abord rire vous diriez que c’est la flambe ? 490 Alexandre – La satire du flambeur me fait beaucoup rire ouais ! Mais euh… Parce que j’me dis que ça masque quelque chose en fait… Donc après c’est toujours pareil, c’est une situation qui m’fait rire mais qui me donne à réfléchir, ouais. 491 Enquêteur – Oui vous l’avez déjà fait remarquer oui. Pourquoi ? 492 Alexandre – J’aime bien le comique qui me fait réfléchir. C’est significatif… ça peut être significatif d’un mal-être aussi, bon… [Silence]. 493 Enquêteur – De jeter l’argent par la fenêtre comme ça, ça vous paraît être le symptôme d’un malaise ? 494 Alexandre – Ouais ou alors que la personne à un problème existentiel de… A trop montrer les choses, c’est qu’on a un problème existentiel. 495 Enquêteur – Vous pensez ouais ? 496 Alexandre – C’est un problème existentiel, un manque de reconnaissance, un manque de… d’estime, je pense. Y a un énorme problème existentiel derrière tout ça. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 27 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 497 Enquêteur – Et vous le comprenez vous, ce problème-là ? Après tout on pourrait aussi se dire que c’est aussi des… enfin vous voyez, des sortes d’enfants gâtés par exemple ? Non ? 498 Alexandre – Pour moi non, pour moi non. Moi j’ai aussi un rapport comme ça un peu euh… enfin bizarre à l’argent. J’aime bien dépenser. Je considère que quand on a de l’argent y faut le dépenser quoi. 499 Enquêteur – Ouais, je comprends. Et quand vous dites alors « J’aurais aimé appartenir à ce milieu-là », c’est parce que euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 500 Alexandre – …c’est ce milieu un peu fermé de… de bandes, de copains. C’est ce côté un peu fraternel, un peu… 501 Enquêteur – …de garçons aussi, non ? 502 Alexandre – Ouais, un peu fraternel dès fois euh... Mais où y faut quand même faire un peu attention où on met les pieds ! Y peuvent être un peu roublards, mais après euh… Même si… Même si au quotidien y sont capables de… ouais, de gestes de générosité que n’auraient jamais certains. Voilà, y peuvent se faire les pires crasses même si après dans les moments difficiles y sont hyper soudés euh…, etc., quoi. 503 Enquêteur – Je vois. Ils n’sont pas rancuniers vous voulez dire. La solidarité l’emporte toujours au final, c’est ça ? Et ça ne les empêche pas de flamber le reste du temps quoi… je vois. 504 Alexandre – Voilà, y brillent, y flambent euh…, c’est très rigolo je trouve. Parce que c’est des gens qui vivent très bien surtout ! Voilà. Y profitent, y profitent ! Bon après c’est pas toujours rose hein…, parce que… Mais bon, globalement ce sont des bons vivants, et ils aiment rigoler. 505 Enquêteur – D’une certaine façon vous vous retrouvez dans ces portraits-là alors ? 506 Alexandre – Ouais, oui, on peut dire ça comme ça [Rires] ! Y z’allient un peu ce côté flambe, argent, ce côté rigolo, ce côté un peu… y se taillent aussi. Ce côté moqueur, j’aime beaucoup. 507 Enquêteur – Ils sont hédonistes surtout, c’est ça qui vous plait en fait ? 508 Alexandre – Y profitent quoi : grosse baraque, gros bateau, grosse montre, gros machin… 509 Enquêteur – Ils n’hésitent pas à se faire plaisir. 510 Alexandre – Voilà, voilà ! C’est très vrai ! 511 Enquêteur – Et vous auriez, vous, un côté comme ça justement ? Vous disiez tout à l’heure que… [Alexandre interrompt la question]. 512 Alexandre – …bon c’est vrai que… j’aime les belles voitures et les belles maisons aussi. 513 Enquêteur – Vous disiez tout à l’heure que quelque part vous étiez un « privilégié », non ? 514 Alexandre – Ah ben oui, je vais pas m’en cacher, ça... J’ai jamais manqué de rien du tout quoi. Mais euh… Mais moins maintenant en fait…, bon. On va dire que j’ai eu quelques déboires [Rires] ! Mais… J’ai aimé bien vivre quand j’étais plus jeune, dépenser beaucoup d’argent. Ça c’est certain, c’était mon truc. 515 Enquêteur – Mais ça ne l’est plus en fait ? 516 Alexandre – Mouais, bof... c’est la vie parfois. J’avais une très grosse maison à Saint-Cyr et maintenant je l’ai plus, mais tu vois je m’en fous. Pareil j’avais un gros 4-4 mais j’y ai renoncé en même temps qu’à mon permis. Tu peux me dire ce que j’aurais fait d’un 4-4 sans permis ? Maintenant y va falloir que je roule dans une voiture sans permis, ouah la Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 28 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » bonne blague… ! [Rires]. Mais après par contre euh… Moi j’m’en fous d’avoir… J’avais une maison donc, j’ai vendu ma maison, j’habite dans une autre maison de 110 mètres carrés bon euh… Ma vie n’a pas changé hein. Et ça se trouve j’me sens même mieux dans celle-là que dans l’autre [Rires] ! Donc après euh… J’m’en fous après… Bon j’aime les belles voitures, c’est certain. Aujourd’hui j’en n’ai pas euh… C’est pas bien grave quoi j’veux dire, tant pis ! 517 Enquêteur – J’comprends oui. 518 Alexandre – Mais bon après, dans l’film, c’est… ça dégage un… une atmosphère particulière qui est assez euh… J’me moque, je… C’est un peu je-m’en-foutiste aussi comme ambiance, ça j’aime bien. Mais ça se barre pas quand même, voilà. 519 Enquêteur – Oui. C’est le personnage de Gilbert Melki qui tient ses troupes, c’est ça ? 520 Alexandre – Voilà ! C’est un peu un leader. 521 Enquêteur – En effet. Et… Donc dans ma liste là qu’est-ce que j’avais… bon le duo Bourvil/ de Funès on en a parlé, les Visiteurs vous aimez bien aussi euh…, plutôt Reno donc, que Clavier, c’est ça ? 522 Alexandre – Exact. 523 Enquêteur – Ah oui et… et les films de Bertrand Blier aussi, ils vous font rire ? Les valseuses par exemple, avec Depardieu ? 524 Alexandre – Ah oui ça me fait rire ça aussi. Mais moins, moins, beaucoup moins. Et puis c’est glauque un peu hein. Y avait pas Balasko aussi ? 525 Enquêteur – Pas dans Les valseuses, non. Enfin j’pense pas, non. Par contre elle était dans… dans… dans Trop belle pour toi. 526 Alexandre – Ah possible, oui. J’dois confondre. 527 Enquêteur – Et les films de Blier donc euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 528 Alexandre – …trop sinistres un peu. 529 Enquêteur – Et vous les trouvez vulgaires aussi, ces films-là ? C’est une chose qui peut entrer dans votre jugement j’veux dire, la question de la vulgarité ? 530 Alexandre – Au contraire non. Non, le côté vulgaire ça me fait rire ! Ça m’fait rire ! Avec certaines limites après dans… en terme de quantité quoi j’veux dire mais… Non, c’est pas ça qui me déplait, non. C’est pas le côté moral quoi j’veux dire. Le fait qu’y ait des travelos, des homos, des… enfin tous ces personnages-là. Non, c’est pas ça qui me dérange. 531 Enquêteur – Oui vous vous définissiez tout à l’heure comme quelqu’un de « tolérant », c’est ça ? Y compris en matière de sexualité ou de euh… ? 532 Alexandre – …ah ouais ! A fond ! Ouais je suis très libéral. Chacun fait ce qu’y veut, a les expériences sexuelles qu’il veut avoir. Alors là je m’en fous complètement. Hier soir j’regardais un film qui est assez intéressant, c’est le… c’était sur Arte, c’est ce film sur Larry Flint. Larry Flint c’était euh… 533 Enquêteur - … ah oui, je vois. Larry Flint oui… 534 Alexandre – …oui, le patron d’Hustler [Rires] ! Donc euh… les mœurs aux Etats-Unis, le côté puritain, etc., c’est insupportable pour moi ! Insupportable ! Mais Larry Flint a vraiment réussi à changer son temps, bon au travers de procès, d’emprisonnements, de… Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 29 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » Il avait plein d’avocats, pour ça il était bien entouré ! Bon après il est parti en vrille mais… enfin c’est un personnage qui m’est sympathique quoi, j’veux dire. 535 Enquêteur – Et ce décalage alors, entre une façade très puritaine et des pratiques plus libérées derrière, ça vous inspire quoi ? 536 Alexandre – Ouais alors le côté pour moi pure façade, et le plus vicieux pour moi, c’est le côté anglo-saxon. C’est le côté anglais ! 537 Enquêteur – Ah bon ? 538 Alexandre – Carrément ! De toute façon les anglais j’veux pas dire mais ils ont des plaisirs de malade hein [Rires] ! Y a qu’à voir récemment le Président de la fédération internationale de l’Automobile je crois, Max Mosley, qui était dans une espèce de partouze sado-maso et néo-nazie à… enfin… Mais l’anglais est malade hein [Rires] ! L’anglais est… Les anglais sont capables d’aller se faire langer après avoir participé à des trucs sordides ! 539 Enquêteur – Mais est-ce que c’est propre aux Anglais, ça ? Enfin dans quelle mesure euh… ? 540 Alexandre – …ouais c’est propre aux Anglais ! Ouais ! C’est propre aux Anglais. Enfin c’est pas propre aux Anglais mais… aux anglo-saxons ouais ! 541 Enquêteur – Y a Berlusconi en Italie aussi qui est pas mal dans ce registre-là [Rires] ! 542 Alexandre – Oui mais avec lui au moins tu sais à quoi t’en tenir [Rires] ! Il annonce la couleur direct ! Il se cache pas. Il s’en vante même ! Alors que les anglo-saxons… C’est peut-être parce que les anglais, enfin j’veux dire surtout dans certaines catégories on va dire, sont tellement tendus, tellement euh… rigides, que finalement on le ressent plus quand y se lâchent. Ce côté un peu j’me donne un style euh… 543 Enquêteur – …prétentieux ? 544 Alexandre – Ouais ! Un peu prétentieux ! Un peu moraliste, un peu conservateur… Mais après c’est les premiers qui partent de travers [Rires] ! 545 Enquêteur – Et si tous ces ingrédients-là vous les retrouvez dans un film vous allez en rire par exemple ? 546 Alexandre – Ouais ça dépend. En fait ça m’énerve et ça me fait rire en même temps. Ça dépend du contexte en fait. Quand c’est les Anglo-Saxons ça m’énerve. Ces espèces de mouvements religieux là aussi, on s’donne un genre machin là… Ouais ça va m’énerver. 547 Enquêteur – Par contre vous parliez tout à l’heure de Maillan par exemple, je sais pas mais…, quand elle se laisse un peu aller dans certains films, alors qu’elle a son côté « duduche » comme vous disiez, ça ça peut vous faire rire par contre ? 548 Alexandre – Ah oui ça j’adore complètement ! Mais c’est pas pareil. Enfin je vais parler un peu vulgairement mais on va pas la retrouver dans une partouze quoi [Rires] ! Elle va se chantonner « Le Petit vin blanc » et puis c’est terminé. Ça reste la bonne mère de famille quoi j’veux dire ! 549 Enquêteur – Et puis le fait que ce soit une femme joue aussi, ou pas ? 550 Alexandre – J’sais pas, peut-être. J’sais pas. C’est possible. 551 Enquêteur – Et ce style éducatif un peu rigide alors, que vous n’aimez pas, vous vous ne l’avez pas reçu en fait ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 30 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 552 Alexandre – Non j’ai eu une éducation euh… Bon j’ai été très tôt chez les curés, ça c’est sûr, dans le privé. Mais… 553 Enquêteur – …dans l’enseignement catholique ? 554 Alexandre – Ouais ! J’étais à l’institution Sainte-Machin-du-Truc [Rires]. J’étais en internat même en CM2. 555 Enquêteur – Vous avez été en internat à partir du CM2 ? 556 Alexandre – Et ouais ! 557 Enquêteur – Jusqu’au Lycée ou… ? Vous êtes resté jusqu’à quand ? 558 Alexandre – Non. J’ai fait mon CM2, ma 6ème, ma 5ème, ma 4ème et… euh… Et après je suis parti. Mais je suis pas resté quatre ans en internat. Je suis resté qu’un an et demi en internat. 559 Enquêteur – D’accord. 560 Alexandre – Et ce choix de l’enseignement catholique alors c’était parce que vous avez une famille euh… enfin vous avez une famille catholique ou… ? 561 Alexandre – …non non ! Mon père euh… est complètement athée je pense. Ma mère ouais sinon, elle est catho. 562 Enquêteur – Ok. 563 Alexandre – Donc c’était l’école privée quoi. Maintenant ma fille je vois euh… 564 Enquêteur – …vous l’avez mise dans le privé aussi ? 565 Alexandre – Ouais. Elle va rentrer au CP et on l’a mise dans… On la met dans une école privée catholique mais plus pour dire qu’elle va faire euh… qu’elle peut faire CP – 3 ème dans la même école quoi. 566 Enquêteur – Ah je vois. 567 Alexandre – Et puis c’est pour la protéger aussi d’ce côté un peu euh… d’ce qu’on voit dans la rue quoi. On voulait pas la mettre dans un truc mal fréquenté quoi, c’est compréhensible. Tu vois des trucs tellement fous maintenant dans les écoles. 568 Enquêteur – Ah oui j’comprends. 569 Alexandre – Même si bon, elle y sera confrontée à ça un jour. On élève pas les enfants dans une bulle non plus hein, c’est pas leur rendre service. 570 Enquêteur – En effet ! Donc vous diriez que c’est plus le côté social que religieux qui a joué dans votre choix ? 571 Alexandre – Voilà ! Tout à fait. Bon le côté religieux euh… Bon ça m’a pas fait mal non plus mais après j’ai vu des trucs qui m’ont un peu dérangé quand même euh… Donc non les cathos c’est pas mon truc du tout. J’en fréquente beaucoup, j’en vois beaucoup. J’ai gardé des amis, y a des amis de mes parents aussi. Bon forcément on habite un port militaire j’veux dire, donc j’en vois passer un certain nombre on va dire [Rires] ! Surtout ici, j’ai pas mal de clientes comme ça, un peu euh… enfin cathos coincées [Rires] ! 572 Enquêteur – Et justement alors, vous riez de la religion ? 573 Alexandre – Non c’est un truc euh… Rire de la religion pour rire de la religion, non. Rire de quoi d’abord ? 574 Enquêteur – Je sais pas moi… des curés, des dogmes religieux, des comportements religieux, des bigots, de…, du Pape ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 31 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 575 Alexandre – Non je touche pas à ça moi ! Et puis non, ça va plutôt me faire chier en fait. 576 Enquêteur – Vous pensez qu’on ne peut pas rire de tout non plus ? 577 Alexandre – Si mais… enfin peut-être pas de tout, non. J’ai quand même un certain respect, même si je ne cautionne pas tout. Je vais plus rire d’une blague de cul que d’une blague sur la religion en fait [Rires] ! 578 Enquêteur – Et quand ça mêle les deux ? 579 Alexandre – Comme quoi ? 580 Enquêteur – Et bien euh… quand y a eu les scandales de prêtres pédophiles, Les Guignols s’étaient moqués de ça, avec le personnage de Sylvestre par exemple… 581 Alexandre – …oui ça ça peut me faire rire en fait, si ! Je trouve ça complètement absurde quoi ! D’toute façon je trouve ce côté… tout ce qui entoure la religion… Ces espèces de gens-là… vieille école quoi, coincés. Par exemple ici y a un truc qui me… enfin qui me…, qui m’énerve et qui me fait rire en même temps, c’est les bourg’ cathos. 582 Enquêteur – Ah oui ? 583 Alexandre – La bourgeoisie catholique ça pue le… ça pue ! Bon après certainement que j’me trompe hein… Mais ça pue le faux quoi [Rires] ! 584 Enquêteur – C’est certainement des gens que vous avez côtoyés à l’école privée ça, non ? 585 Alexandre – Ouais mais j’étais trop p’tit pour me rendre compte, pour m’en apercevoir. Maintenant oui, rétrospectivement. Mais c’est ce côté euh… Le côté « Les enfants… ? » [Il prend une voix féminine], « Paul-Henri-Pierre », ou… C’est ridicule parfois ! 586 Enquêteur – Et qu’est-ce qui est « ridicule » alors là-dedans ? 587 Alexandre – Ben en fait je ris beaucoup des gens qui sont très snobs. Les gens qui sont très snobs me font rire aussi ! J’en vois passer des énergumènes de ce genre-là ici, à la pelle [ Rires] ! 588 Enquêteur – Et comment vous vous comportez alors, dans ces moments là ? 589 Alexandre – Ben en fait je… Mais je suis capable de rentrer dans leur jeu en fait, d’être comme elles [Rires] ! Je me surprends moi-même quoi ! 590 Enquêteur – Ah bon ? 591 Alexandre – Ouais j’ai quelques clientes-là, parisiennes entre autres, Béatrice De la Porte d’Auteuil tiens, qui est venue ce matin. 592 Enquêteur – Avec le côté aristo en plus ? 593 Alexandre – Ouais [Rires] ! C’est l’aristo avec particule à rallonge ! Alors ça arrive hein… Et ça vous regarde de haut, très snob comme ça… Et puis bon après, au deuxième rendezvous, ça met des p’tits trucs en lin euh…, des p’tits décolletés pardi ! Parce que c’est ça quoi j’veux dire hein ! Et après : « Alexandre par ci, Alexandre par là » ! Et puis très proutprout avec ça et ensuite du genre à être complètement déchirée le jour du mariage de sa fille avec Henri-Pierre ! [Rires] Non c’est vraiment le genre de trucs qui m’amuse à fond ! 594 Enquêteur – Là ça ne vous énerve plus, ça vous amuse ? 595 Alexandre – Ah ben oui ça m’amuse ! Je prends le parti d’en rire ouais ! 596 Enquêteur – Ouais, c’est le côté euh… l’image ou le rang à tenir et puis d’un coup tout qui s’écroule quoi, c’est ça ? 597 Alexandre [Ton très enthousiaste] – Voilà ! Voilà ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 32 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 598 Enquêteur – Oui je vois le genre. 599 Alexandre – Et après donc ça peut être bourrée le jour du mariage, ça se met pieds-nus euh… enfin aucune tenue quoi ! J’ai même des gens très chics qui me mangent les décos ! 600 Enquêteur – Les « décos » ? 601 Alexandre – Oui tu sais les décorations qu’on fait avec les fruits, les légumes. Souvent ces gens-là donc euh…, enfin très respectables et tout, vieillots, et bien ils te bouffent les décos [Rires] ! Non mais j’veux dire aussi que quand tu fais le métier que je fais tu vois des trucs incroyables quoi, sur les réceptions ! 602 Enquêteur – J’imagine [Rires] ! Et… En fait je pensais aussi à Valérie Lemercier en vous écoutant, non ? 603 Alexandre – Ah j’aime beaucoup Valérie Lemercier ouais, énormément ! Je l’ai vue plusieurs fois en spectacle. Je l’adore ouais ! 604 Enquêteur – Ouais ? 605 Alexandre – Ah ben elle a beaucoup de personnages euh… de femmes quoi, comme ça, des bourgeoises un peu coincées, l’accent haut perché et tout. Ouais c’est des choses que je peux voir dans mon boulot. 606 Enquêteur – Donc vous aimez bien ? 607 Alexandre – Ah ouais ! Et en plus j’trouve que ça a un côté très excitant [Rires] ! 608 Enquêteur – Ah bon ? Je pensais que vous les trouviez « coincées » ces femmes-là ? 609 Alexandre – Ah ben par exemple Valérie Lemercier je trouve que c’est une très belle femme quoi, elle est très classe. Pas belle je dirai, mais classe oui. Elle a des jambes…, bon. Et puis euh… J’ai adoré Palais Royal ! 610 Enquêteur – Ouais ? 611 Alexandre – Ah ouais j’ai adoré ! 612 Enquêteur – C’est vrai que c’était marrant ouais ! 613 Alexandre – Elle est prout-prout hein, enfin coincée comme ça, et puis en fait d’un coup elle s’aperçoit qu’elle est bien comme les autres quoi : cocue, tout ça, enfin ouais… cocue quoi. Pour moi c’était un film très drôle. 614 Enquêteur – Dans Les visiteurs aussi elle est caricaturée en aristo et puis en fait euh… [ Alexandre m’interrompt]. 615 Alexandre – …voilà ! Voilà ! J’aime bien ce côté euh… ça m’fait rire oui. Et j’aime bien euh… Alors j’ai eu l’occasion de fréquenter un peu des gens euh… un peu de ce style-là euh… disons ouais… enfin des gens qui ont pas mal de euh… [Silence]. 616 Enquêteur – …ah oui ? Mais c’est un milieu que vous appréciez alors ou c’est plus ambigu que ça ? 617 Alexandre – J’adore ce milieu, j’adore ça ! Quand je vais chez mes clientes [pour des rendezvous à domicile], je me sens plutôt bien. Et puis… j’ai assisté à des réceptions de gens… disons haute bourgeoisie parisienne, des réceptions que j’ai organisées pour des gens que je connais bien et… ah j’me régale dans ce type de milieu ! 618 Enquêteur – Ah ouais ? 619 Alexandre – Ah je suis dans mon élément ! 620 Enquêteur – Parce que vous entrez dans le jeu, c’est ça ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 33 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 621 Alexandre – Ah ouais ouais ! C’est vraiment un truc euh… J’trouve ça euh… très intéressant. 622 Enquêteur – Mais euh… vous entrez dans le jeu parce que vous avez des codes aussi, non ? D’une certaine façon vous appartenez aussi à ce monde-là un peu, non ? 623 Alexandre – Y a de ça ouais, mais appartenir vraiment à ce monde-là euh… non pas tout à fait en fait, moi je suis trop franc du collier pour ça, je suis pas vraiment… euh… dans les clous disons. Non… On peut pas dire que ce soit des gens non plus que je… avec qui je vivrais tout le temps quoi. [Silence]. En fait j’dirais que je suis capable de fréquenter tous types de personnes plutôt. 624 Enquêteur – Mes vos amis sont plutôt euh… ? 625 Alexandre – …ben y a de tout en fait ! Euh… En fait beaucoup ont des boîtes ou… ou des affaires enfin quoi. Mais… Non ouais mais mes potes vraiment sont plutôt dans le business. Mais je suis capable de fréquenter des gens comme euh… enfin par exemple Béatrice De La Porte d’Auteuil c’est une amie quoi maintenant j’veux dire. Mais c’est simplement mon caractère qui est comme ça. Euh… Mais après bon y a des milieux dans lesquels je me sens mieux que dans d’autres, ça c’est sûr. 626 Enquêteur – Et par exemple vous vous sentiriez mieux dans une fête avec Gilbert Melki que dans un dîner avec Madame De La Porte d’Auteuil ? 627 Alexandre – Ben… aussi bien dans l’un que dans l’autre ! 628 Enquêteur – Ah oui ? 629 Alexandre – Aussi bien dans l’un que dans l’autre, ouais. 630 Enquêteur – Et euh… la « haute bourgeoisie parisienne » etc., que vous évoquiez tout à l’heure, c’est… vous êtes amené à la fréquenter du fait de votre métier en fait, c’est ça majoritairement ? 631 Alexandre – Ouais. Par mon job, par les gens que je fréquentais euh… à Paris. Le côté bourgeois parisien, enfin la vraie bourgeoisie, j’aime bien moi ! 632 Enquêteur – Ah ouais vous aimez bien ? 633 Alexandre – Ah ouais ! J’aime bien ouais. J’aime bien la… J’aime bien les bourgeoises parisiennes un peu chicos là… Mais bon, y a les bonnes manières mais en fait quoi ? Ces gens-là sont tout à fait comme les autres. 634 Enquêteur – De quel point de vue alors ? 635 Alexandre – Ben… Ils nous ressemblent que je sache, non ? [Rires]. Je veux dire qu’ils vont aux chiottes comme tout l’monde quoi ! Et qu’y a un certain nombre de problèmes qui sont les mêmes quoi ! Forcément, derrière le vernis culturel. 636 Enquêteur – Quand vous dites « j’aime bien » c’est parce que ça peut vous faire rire aussi ou… ? 637 Alexandre – …oui oui, ça me fait rire ! J’adore me moquer gentiment. Je regarde les tenues. Bon, parfois c’est gratiné ! Ça m’amuse. Non non j’prends plaisir à discuter, etc., euh… Ce qui m’amuse en fait après c’est que j’me dis que c’est purement une image et qu’en fait ces gens-là sont un peu comme les autres. Ça dépend de … ça dépend des situations dans lesquelles ils se trouvent quoi j’veux dire hein. Mais pour les mariages parfois je te prie de croire que je vois des trucs de fou ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 34 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 638 Enquêteur – J’imagine ! Nathalie me raconte parfois. Et c’qui peut vous énerver alors euh… Pour le coup là c’qui vous énerve vraiment c’est euh… la jupe plissée et le serre-tête ? 639 Alexandre – Non mais ça ne m’énerve pas ! J’aime bien [Rires] ! 640 Enquêteur – Ah vous aimez bien ? Je pensais que vous trouviez ça « faux » en fait ! 641 Alexandre – Ouais ouais ouais, j’aime bien ça m’fait rire ! Et ça m’plait ! Je les affectionne beaucoup. 642 Enquêteur – Ah ouais ? 643 Alexandre – Ouais ! Et puis peut-être après aussi plus par défi de retrouver les personnes dans… enfin de voir la personne comme ça, coincée, et puis de la voir dans d’autres euh… dans d’autres circonstances quoi, plus légères on va dire ! 644 Enquêteur – Par exemple ? 645 Alexandre – Ben des circonstances où… où à la limite la jupe plissée et le serre-tête euh… elle peut le balancer par terre quoi [Rires] ! 646 Enquêteur – Ah je vois [Rires] ! Effectivement ! 647 Alexandre – Non ça a un côté purement… Alors ça je… Je vais rentrer plus dans un côté de… enfin de… Alors c’est davantage un côté purement masculin vis-à-vis de ça hein… On se dit qu’on a le pouvoir de la changer quoi ! Au moins en apparence. 648 Enquêteur – Vous aimez bien pouvoir vous dire que vous auriez éventuellement le pouvoir de faire tomber le serre-tête et la jupe plissée, c’est ça [Rires] ? 649 Alexandre – Voilà! Voilà! Voilà exactement [Rires] ! Et euh… enfin je suis désolé, mais c’est très masculin tout ça ! Voilà. 650 Enquêteur – Oui non mais c’est pas grave du tout ! Et en fait ça m’intéresse comme sociologue donc faut pas se censurer quoi, surtout pas. 651 Alexandre – Après y a des gens qui aiment bien être flattés, qui aiment bien euh… Alors qu’en fait c’est pas du tout un réflexe que j’peux avoir avec d’autres personnes… Par exemple quand je vois qu’y a des gens qui viennent pour euh… j’vais plus leur faire plaisir, plus leur donner parce qu’ils en ont besoin, parce que c’est un petit couple par exemple, etc., bon. Et les autres j’vais leur donner mais différemment. 652 Enquêteur – Oui oui ! 653 Alexandre – J’vais leur dire ce qu’elles ont envie d’entendre, leur donner ce qu’elles ont envie de voir. Bon, c’est aussi mon job de commerçant. Mais enfin voilà. 654 Enquêteur – Oui parce qu’en fait à fréquenter comme ça tous types de gens ici j’imagine qu’on devient psychologue, enfin qu’on s’adapte à… 655 Alexandre – …on est obligé de s’adapter ! Autrement ça se passe pas bien. D’toute façon dans la vie aujourd’hui on est obligé de s’adapter. 656 Enquêteur – Et vous avez des sortes de cases alors ? Quand les gens arrivent ici vous les identifiez, vous vous dites : « ça c’est la bourgeoisie coincée », « ça c’est… » ? 657 Alexandre – Oui ! Enfin je m’le dis dans ma tête hein ! Je le dis pas tout fort non plus [Rires ] ! Ah j’aime bien me moquer moi ! Je suis un moqueur. Mais enfin un moqueur gentil. Nathalie ça la fait rire ! J’ai toujours le p’tit commentaire sur unetelle ou unetelle qui va bien faire rire la maisonnée quoi ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 35 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 658 Enquêteur – Mais par exemple si vous recevez une « bourgeoise coincée » qui vous embête euh… avec plein de détails pour sa réception, qui est très exigeante, vous allez être comment ? 659 Alexandre – Ben ça fait rien ! J’écoute, je suis courtois. Je bous et puis après j’vais lui balancer une petite pique pour la remettre en place euh… et elle vacille un peu après… Alors… Alors il est évident qu’après j’suis sur un terrain qui m’est très familier parce que j’veux dire je… je propose quelque chose que je connais par cœur ! 660 Enquêteur – Oui oui, j’imagine. 661 Alexandre – Alors j’veux dire j’ai réponse à tout, je… 662 Enquêteur – …ouais, vous n’êtes pas en situation dominée… 663 Alexandre – …voilà, voilà ! 664 Enquêteur – Ouais vous êtes le maître du jeu donc… 665 Alexandre – …ouais j’suis l’maître du jeu même si après à l’arrivée j’vais peut-être perdre… Je peux perdre à l’arrivée hein, parce qu’après… 666 Enquêteur – …vous voulez dire perdre financièrement ? 667 Alexandre – Oui, pas psychologiquement ! Oui si je signe pas l’affaire j’ai perdu quoi ! 668 Enquêteur – Je comprends. Et ça vous arrive ce genre de situation, de perdre ? 669 Alexandre – Oui ça peut. Ça m’arrive. Mais bon pas en c’moment parce que là l’été arrive et on va faire une très grosse saison. Béatrice De La Porte d’Auteuil m’a appelé d’ailleurs ce matin, pour un mariage ou je sais pas trop quoi encore. Sa nièce se marie je crois, faut que je la rappelle. 670 Enquêteur – Je vais plus être très longue, ne vous en faites pas. 671 Alexandre – Non non mais j’t’en prie ! Je ferai ça plus tard. Tu écoutes son message déjà à la Béa et ça fait [Il prend une intonation féminine très affectée] : « Bonjoooour ! Vous êtes bien sur le portable de Béaaatriiiice. Laissez-moi un messaaaage… » [Rires]. J’me rappelle donc le premier rendez-vous donc elle me fait… Enfin comme j’te disais tout à l’heure tu vois un peu, c’est le style serre-tête et jupe plissée au premier rendez-vous, et chemisier en lin décolleté jusque là [Alexandre désigne avec sa main le creux de la poitrine] et jupe aérienne au second [Rires] ! D’ailleurs, elle m’a invitée plusieurs fois à venir manger chez elle. 672 Enquêteur – Oui, vous disiez tout à l’heure que c’est une « amie »... 673 Alexandre – …elle m’appelle : « Mon cher Alexandre » ! La dernière fois que j’y suis allé j’avais mis un pantalon en lin, tu vois le genre, c’était l’été, et donc en m’asseyant dans la véranda je me suis taché aux fesses en m’agrippant à une plante, alors là ça m’a bien fait rire : « Oh mais mon cher Alexandre je m’en vais nettoyer ça, venez par ici… », et donc elle m’a tapoté les fesses pour m’enlever un peu de terre, et elle a bien insisté ! C’est un phénomène quoi ! « Oh là là mais Alexandre, mais c’est une cataastroophe ! » [Rires]. Et voilà donc euh… ! Pour te donner une idée un peu du style de nana que je vois passer ici ! 674 Enquêteur – Je vois, je vois [Rires] ! Et elle a quel âge si j’peux m’permettre ? 675 Alexandre – La soixantaine quoi, mais bien conservée attention. Elle est très friquée, elle a aussi une énorme baraque sur la Côte, donc elle s’entretient tu parles [Silence]. Mais alors le deuxième rendez-vous elle te sort euh… c’est le décolleté pour dire euh… Enfin j’enjolive un peu mais j’t’assure que ça vaut l’détour ! 676 Enquêteur – Ah mais je vous crois volontiers [Rires] ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 36 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 677 Alexandre – En fait ce qu’il y a de rigolo c’est qu’elles finissent toujours par se lâcher ! Voilà ouais, elles se lâchent ! Et puis très sympas finalement ! C’est vrai hein ! 678 Enquêteur – Ah mais j’en doute pas ! 679 Alexandre – Ce matin elle est tombée au bureau sur mon père donc il faut que je la rappelle. Elle m’avait dit hein… Elle m’avait dit : « Quand vous venez à Paris, enfin à Versailles, venez euh… je vous ferez euh… Je suis une spécialiste du curryyyy de langoustines ! Si vous passez dans le coin passez-moi un p’tit coup de fil et on déjeunera ensemble ». C’est adorable j’trouve ! Et en plus je sais que je vais passer un bon moment à chaque fois. 680 Enquêteur – Vous allez souvent à Paris pour le boulot alors ? 681 Alexandre – Oui ça m’arrive, pas mal. Je suis pas trop allé cet hiver mais… enfin je fais des salons, je vais dans des séminaires. Je me tiens au courant des modes, parce que c’est làbas que ça se joue tout ça. 682 Enquêteur – Et vous organisez carrément des réceptions là-bas aussi ? 683 Alexandre – Non. J’ai des clients qui se marient ici et qui habitent à Paris ou… Ben comme vous en fait… Bon demain euh… Vous habitez à Lyon mais vous avez une attache ici euh… demain j’sais pas, vous allez vous marier, bon… Et donc après si professionnellement vous êtes occupée et que moi j’ai trois ou quatre rendez-vous sur place euh… Je peux monter sur Paris ou sur Lyon m’occuper de l’organisation du truc. Ou envoyer quelqu’un. 684 Enquêteur – Ah d’accord, c’est sympa ! [Silence]. Et euh… Je regarde ma grille parce qu’on a beaucoup dévié… 685 Alexandre – …ah mince ! 686 Enquêteur – Ah non non mais y a aucun souci, y a pas de plan d’entretien rigide en fait. Oui alors euh… Le dîner de cons vous l’avez vu vous m’avez dit hein ? 687 Alexandre – Dîner de cons j’l’ai vu oui… Alors j’l’ai vu en film et j’crois que j’l’ai vu en pièce. 688 Enquêteur – Et ce truc qui consiste à se moquer d’un type un peu naïf euh…, vous en pensez quoi ? 689 Alexandre – Ben ça me fait rire mais ça m’énerve ! 690 Enquêteur – Ah oui, ça vous énerve ? 691 Alexandre – Ouais ouais, ça m’énerve ! Mais de toute façon j’ai toujours tendance à me mettre un peu euh… même si je me moque hein… mais du côté du faible ouais, c’est mon côté bon cœur qui ressort là, mon côté bon samaritain ! 692 Enquêteur – Ah oui ! 693 Alexandre – Oui. Même si parfois en étant trop bon samaritain on peut être déçu dans la vie. 694 Enquêteur – C’est sûr. 695 Alexandre – Mais… Mais j’crois que l’essentiel d’abord… J’crois que tout ce qu’on fait dans la vie on le fait pour soi-même, mais en inversant les rôles, c’est-à-dire en s’disant toujours : « Tiens si j’étais dans telle situation j’aimerais bien que la personne fasse ça ou ça ». Voilà. 696 Enquêteur – Ah oui d’accord… oui vous vous mettez à la place des gens et… [Alexandre interrompt la phrase]. 697 Alexandre – …sans attendre forcément de reconnaissance mais… enfin voilà. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 37 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 698 Enquêteur – Et euh… Sur toutes les comédies euh… [Silence]. Ouais sur le rapport à l’école justement euh… type Sous doués ou euh…, voyez ce genre de trucs très euh…, vous avez vu des films de ce type là ? 699 Alexandre – Ah j’étais pas très gentil à l’école [Rires] ! 700 Enquêteur – Ah oui ? 701 Alexandre – J’étais pas très gentil à l’école, non. 702 Enquêteur – Vous avez gardé des mauvais souvenirs de l’école catholique, c’est ça ? 703 Alexandre – Ben à l’école je… C’est-à-dire qu’à l’école je faisais toujours parti du mauvais noyau quoi ! J’étais très réfractaire à l’école. Un peu perturbateur, un peu euh… 704 Enquêteur – …trublion ? 705 Alexandre – Ouais un peu trublion, un peu fou du roi euh…, j’étais le… Enfin j’amusais la galerie quoi [Rires] ! J’avais mon petit fan-club. 706 Enquêteur – C’était le côté catho de l’institution ou… ? 707 Alexandre – Non mais c’est dans ma nature ! Comme je suis très moqueur je faisais des blagues ! 708 Enquêteur – Vous vous moquiez des profs ? 709 Alexandre – Non les profs pas trop parce que je ne manquais pas trop de respect aux profs, non c’était encore l’époque où… où on avait le respect du prof quoi ! Et puis dans ma famille ça n’serait pas passé, de manquer de respect comme ça. Bon aujourd’hui j’dis pas, mais à l’époque c’était comme ça en tout cas. 710 Enquêteur – Ouais ! Et aujourd’hui vous riez de… enfin quand on se moque des profs, de ce qu’on apprend à l’école ? 711 Alexandre – Ah oui ça peut oui ! Oui [Rires] ! 712 Enquêteur – Par exemple quand Jamel parle de son expérience de l’école, ou Gad Elmaleh …? 713 Alexandre – Ouais les cours de flûte, les compas ouais ! Bon… faut bien dire aussi que tu apprends quand même pas mal de choses complètement inutiles quoi, à l’école. 714 Enquêteur – Et quand vous dites qu’aujourd’hui l’école euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 715 Alexandre – …enfin aujourd’hui c’est pas totalement perdu non plus hein, enfin j’veux dire faut pas généraliser non plus. Mais… Mais y a des choses qui se font aujourd’hui que jamais nos profs auraient laissé faire ou tolérer. Dire au prof « Vas te faire enculer » euh… Moi si j’disais au prof « Vas t’faire enculer » j’prenais une rouste franco quoi [Rires] ! 716 Enquêteur – Par votre père ? 717 Alexandre – Par mon père ouais, par les curés ! Enfin t’imagines ! Nous ça ne nous venait même pas à l’esprit. 718 Enquêteur – Et comment vous expliquez ça ? 719 Alexandre – Ben justement c’est ce que je reproche un peu à tout ce côté euh… immigration et compagnie. Si tu veux pas mettre les moyens à côté, le bateau coule. C’est fatal. [Silence]. Bon faut voir après qu’y a aussi les p’tits fils de bourg’, qui vont te dire qu’ils n’ont pas besoin de l’école, que papa est chef d’entreprise. Et ça je… je supporte pas hein ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 38 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 720 Enquêteur – Mais c’était votre cas un peu ou pas, justement ? Vous l’expliquez un peu comme ça votre désamour de l’école finalement ? 721 Alexandre – Bof… mouais. Y avait un peu de tout. Et si tu veux je… Enfin j’pense que c’était d’abord dans mon caractère quoi, de pas aimer ça vraiment enfin... J’étais un gosse turbulent déjà, et après ado, même jeune homme hein, je suis resté comme ça quoi : un boucan [Rires] ! C’est ma nature. Mais c’est sûr que si en plus tu te dis que t’auras pas à chercher un boulot, bon ben t’as pas de raison d’être mâture quoi finalement [Rires] ! Même si je… enfin j’considère que je me suis fait tout seul quoi. 722 Enquêteur – C’est sûr. Et justement ensuite votre parcours scolaire ça a été quoi ? 723 Alexandre – Ben rien [Rires] ! 724 Enquêteur – Vous êtes allé à l’école catholique déjà, jusqu’en 4ème. C’est pas rien ! 725 Alexandre – Ouais non mais ouais. Bon j’étais assez doué pour les études en fait et puis euh… En fait moi je suis… Enfin je sors de… J’ai eu une éducation de fils de commerçants tu vois. L’école c’était pas le truc euh… enfin c’était pas le sésame. 726 Enquêteur – Bien sûr, j’comprends. 727 Alexandre – Mes parents étaient euh… Enfin même si au début mes parents sont partis de rien, au début c’était dur quand même. Mais après ça a très bien fonctionné, etc., euh… C’était une époque de vaches grasses comme on dit, pour eux. Ils gagnaient très bien leur vie. 728 Enquêteur – Et vous vous étiez petit vous ? 729 Alexandre – J’étais petit ouais. Et puis j’ai eu très vite cette passion de la cuisine en fait. Mon rêve c’était de m’installer durablement à mon nom au début. 730 Enquêteur – Mais euh… excusez-moi de revenir un peu sur vos parents mais…, enfin je pensais qu’ils avaient eux-mêmes hérité de votre grand-père en fait ? 731 Alexandre – Non. 732 Enquêteur – Non ? Ah je pensais avoir lu ça dans la brochure de présentation de l’entreprise en fait ! 733 Alexandre – Ah ! Oui mais mon grand-père c’était une autre époque si tu veux, il était boucher. Et mon père a développé ça davantage du côté business et non plus seulement du côté métier. 734 Enquêteur – Ah je vois. 735 Alexandre – Mon père a été moins du côté métier, donc, que du côté business. Et moi j’suis venu après et j’ai essayé d’allier les deux : le côté métier et le côté business. Moi ça m’plait et en fait je… [Silence]. J’ai passé le concours de l’école hôtelière et euh… En fait je… J’étais en Seconde, j’pouvais passer, j’pouvais passer en Première C. Et puis j’ai pas voulu y aller et j’ai passé le concours de l’école hôtelière. J’ai eu le sixième résultat sur six cents candidats ! 736 Enquêteur – Beau score ! 737 Alexandre – J’dis ça euh… en fait ils en prenaient cent vingt d’élèves. Et le truc c’est que euh… j’me suis fait virer au bout d’un an [Rires] ! 738 Enquêteur – Ah oui ? 739 Alexandre – Oui. J’ai eu une histoire avec une prof euh… une prof d’anglais, bon. Ouais on était un noyau d’élèves un peu euh… [Enregistrement inaudible]. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 39 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 740 Enquêteur – Ah c’était dur alors ? Mais c’était quoi comme école hôtelière ? 741 Alexandre – C’était à Nice. 742 Enquêteur – Mais c’était euh… rigoriste alors ? 743 Alexandre – Non non. Mais euh… Mais bon on était un peu des éléments perturbateurs quoi [Rires] ! J’ai toujours eu pas mal de copains, je suis très copains, bandes, tout ça. Bon… Parfois c’est pas l’idéal pour être un élève sérieux quoi [Rires] ! 744 Enquêteur – Et alors comment vous vous êtes fait virer ? 745 Alexandre – Les profs bon… bon… Anglais coefficient 10 troisième trimestre bon… J’me retrouve euh… J’étais le mec qui avait la meilleure moyenne de la classe en fait. J’avais 15,5 ou 16 de moyenne et la prof d’Anglais m’annonce un truc euh.... genre enfin beaucoup moins que ça, mais vraiment beaucoup moins. Alors j’lui dis : « Vous vous trompez de ligne » ! 746 Enquêteur – Ouais. 747 Alexandre – Alors elle commence à me dire que je m’étais fait remarquer, qu’elle m’avait enlevé des points dans la moyenne pour ça. Et moi donc j’commence à lui dire que c’était pas normal, que ça me pénalisait, etc. Et puis c’est parti enfin… « Si vous êtes pas contente allez vous faire foutre ! » [Rires]. Elle avait tout de l’instit’ rigide alors tu parles d’aller se faire foutre… ! J’la supportais pas ! Et puis j’ai poussé le bureau, le tableau, sur elle, enfin j’me rappelle plus euh… J’lui ai pas fait mal mais bon euh… enfin je me suis fait virer quoi, normal ! 748 Enquêteur – Vous aviez quel âge ? 749 Alexandre – J’avais 16 ans. 750 Enquêteur – Et vos parents ont réagi comment ? 751 Alexandre – Mon père a débarqué chez le Proviseur pour négocier. 752 Enquêteur – Et ? 753 Alexandre – Non ben tu parles… je me suis fait virer à coup de pied au cul [Rires] ! 754 Enquêteur – Et après vous avez fait quoi du coup ? 755 Alexandre – Après j’suis sorti, j’ai quitté Nice et… J’avais trouvé du travail pour partir faire les saisons, donc je suis parti. Mais mes parents… enfin mon père me disait : « Mais travaille plutôt avec nous enfin… dans la boîte familiale ». Je voulais pas entrer là-dedans, ça je le savais mais... Le truc c’est que forcément financièrement c’était mieux et… c’était plus cool si tu veux aussi. Parce que cuisinier c’est un vrai boulot de taré. Enfin t’as des horaires euh… c’est très dur, très dur, surtout pour moi qui suis un fêtard fini [Rires] ! Et puis je supportais pas d’avoir un chef derrière moi, qui me gueule dessus en cuisine. Et là j’ai fait la grosse erreur, la très grosse erreur… [Il cherche ses mots]. 756 Enquêteur – …de votre vie en quelque sorte ? 757 Alexandre – …de re-rentrer là-dedans quoi, ouais ! Enfin j’ai fait plusieurs trucs avant quand même : j’ai ouvert un resto, j’avais vingt et un ans, j’étais tout gamin en fait, mais… 758 Enquêteur - …ça n’a pas marché ? 759 Alexandre – Si si, très bien. J’étais plein à midi, j’étais plein le soir ! A vingt ans je gagnais 50 000 Francs par mois et à l’époque, crois moi, c’était quand même pas rien ! Mais… mais c’est trop dur sinon, en fait. 760 Enquêteur – Trop de boulot ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 40 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 761 Alexandre – Ouais. Il faut s’organiser, se… enfin c’est un boulot pas croyable ! Faut aller faire ton marché, faut voir les fournisseurs, être en cuisine le soir, bon. Ici je suis quand même bien plus peinard et… enfin j’ai des horaires de boulot quoi. 762 Enquêteur – Et vous ne vouliez pas reprendre le flambeau de votre père en fait, c’est ça ? 763 Alexandre – Non je… enfin j’aurais jamais dû quoi ! Avec le recul du temps on se dit que… Non bon moi à vingt piges je gagnais au moins l’équivalent de 5 000 euros par mois donc je… j’étais… j’étais complètement déphasé avec ce truc de l’argent tu comprends. 764 Enquêteur – Oui oui. J’imagine bien oui. C’est sûr que ça fait un paquet ! 765 Alexandre – Je sortais d’un milieu familial où… bon on aime se faire plaisir quoi. Et en fait je me suis aperçu qu’il aurait mieux valu que… par les capacités que j’avais.… que je fasse autre chose quoi. 766 Enquêteur – Tout à fait autre chose ? 767 Alexandre – Cuisinier quoi ! Partir à l’étranger, apprendre d’autres types de cuisines. Monter des restos ici, repartir. 768 Enquêteur – Parce que vous ce qui vous plaisait c’était le côté savoir-faire euh… un peu comme votre grand-père finalement ? 769 Alexandre – Voilà ! Bon ben je m’en suis aperçu après ! C’est dommage. Au départ j’ai vu que l’aspect financier : la bagnole, la baraque, le truc bon… Après quand j’ai eu mon resto bon…, je te dis : j’étais plein à midi, j’étais plein le soir. C’était un resto qui marchait très bien. 770 Enquêteur – Et vous l’avez abandonné cette activité resto finalement ? Parce que là c’était de l’indépendance du coup pour vous ce resto ? 771 Alexandre – Ouais. Mais si tu veux avec le temps… Ouais mais bon… Après j’veux dire pour mener une vie un peu tranquille c’est pas le top, d’avoir un resto. Et euh… Donc après j’suis rentré dans la boîte de mon père et ça m’plaisait au début : j’avais le même type de métier sans travailler le soir systématiquement, je gagnais très bien ma vie. Mais j’me dis que j’aurais pu, au travers de ce métier, parce que euh…, enfin aujourd’hui faut savoir que c’est un secteur d’activité où y a toujours du boulot… 772 Enquêteur – …je sais, je sais… 773 Alexandre – …et qui donne l’occasion de voyager gratuitement. Partir à l’étranger, bosser, apprendre des langues euh… Si c’était à refaire, enfin j’veux dire ma jeunesse, j’serais parti bosser en Angleterre, ou en Espagne, ou euh… Enfin j’serai parti quoi [Rires] ! J’aurais monté des restos ailleurs. 774 Enquêteur – Oui, ça marche bien ça. Parce qu’en plus la tradition culinaire française est hyper appréciée à l’étranger, ça s’exporte bien… 775 Alexandre – …voilà ouais, hyper appréciée ! Et puis les Etats-Unis aussi ça m’aurait bien plu. J’ai des potes qui ont fait ça, qui aujourd’hui roulent sur l’or [Rires] ! Le truc c’est qu’après je suis rentré dans un système euh… dans un système financier et… j’me suis donc retrouvé pris dans un engrenage et… et si c’était à refaire bon, j’le referai pas quoi ! 776 Enquêteur – Ah oui ! C’est un regret aussi fort que ça ? 777 Alexandre – Ben… J’avais un métier qui me plaisait, j’ai toujours un métier qui me plait mais…, j’avais beaucoup de capacités pour ce métier-là et je… enfin je considère maintenant que je suis pas allé au bout de mon métier, et pourtant j’étais doué pour ça. Même si c’est un métier dans lequel on n’arrive jamais au bout. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 41 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 778 Enquêteur – Et aujourd’hui vous ne vous sentiriez pas de tout plaquer et de faire autre chose ? 779 Alexandre – Et aujourd’hui euh… J’ai pas les couilles de le faire ! 780 Enquêteur – Et l’envie ? Vous auriez toujours envie si vous le pouviez ? 781 Alexandre – L’envie, ça c’est autre chose ! Mais maintenant non : c’est plus possible. 782 Enquêteur – Et votre femme, elle fait quoi ? 783 Alexandre – Et ma femme, ma femme… enfin on est divorcés mais… toujours ensemble, enfin c’est compliqué quoi [Rires] ! Ma femme travaille dans le multimédia euh… 784 Enquêteur – …ah oui ? Dans quoi précisément ? 785 Alexandre – Ben dans tous types de multimédias, entre autres de l’adulte. Donc ça va être les téléchargements de scènes de cul sur le téléphone, etc. 786 Enquêteur – Ah bon [Rires] ? Mais c’est quoi ça comme boîte ? 787 Alexandre – Ben ça s’appelle euh… sa boîte s’appelle StarMultimédia. C’est elle qui a créé sa boîte. Je suis très admiratif de ça par exemple. 788 Enquêteur – Ah d’accord [Rires] ! 789 Alexandre – C’est elle qui a créé sa boîte mais elle travaille essentiellement avec les milieux de l’audiotel. Donc les numéros adultes surtaxés euh…, enfin tout ça. 790 Enquêteur – Mais c’est euh… c’est compliqué ça en fait ! 791 Alexandre – C’est compliqué, c’est technique. C’est technique j’veux dire, elle vend des produits euh… Au départ elle est traductrice français/anglais, français/espagnol. 792 Enquêteur – Ah ouais ? 793 Alexandre – Voilà. Elle a fait ses études à Paris et tout.... Et puis un jour elle s’est retrouvée en Espagne et elle a répondu à une annonce, en France, pour être euh… responsable d’un centre d’audiotel en Espagne à Madrid. Elle est partie. Elle est arrivée et ça bougeait dans tous les sens, c’était un truc de cul et puis elle est rentrée làdedans et elle a gagné énormément d’argent parce que… y a un décalage entre le produit final et tout c’qui est technique, logistique… 794 Enquêteur – …j’imagine oui ! 795 Alexandre – Mais ça n’a pas l’air comme ça mais c’est très très fin, les numéros surtaxés, les robots quand on t’appelle et tout, c’est très technique. 796 Enquêteur – Et donc elle est patronne de sa boîte maintenant ? 797 Alexandre – Elle est patronne de sa boîte, depuis pas très longtemps en fait. Et… enfin l’année dernière elle était directrice marketing d’un opérateur téléphonique à Sophia Antipolis, elle s’occupait des systèmes téléphoniques. La boîte allait mal donc elle s’est fait licenciée et… 798 Enquêteur – …ouais ouais… 799 Alexandre – …et… et avant elle avait monté un serveur téléphonique avec une plateforme en [Enregistrement inaudible]… Donc elle allait à l’Île Maurice, en Roumanie, enfin…, on a pas mal voyagé avec ça. 800 Enquêteur – Donc c’est un boulot d’ingénieur pratiquement, non ? 801 Alexandre – Non. Elle fait plus le côté marketing. 802 Enquêteur – Ah oui. Donc plus le côté marketing, d’accord. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 42 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 803 Alexandre – Mais elle s’y connaît un peu… Elle connait la technique. Après tout est géré par ordinateur… c’est des techniciens, des débloqueurs, etc. 804 Enquêteur – Ok. Et elle a fait ses études à Paris alors ? 805 Alexandre – Elle a fait l’ISIT. Institut de… de… Non j’sais pas exactement [Institut supérieur d’interprétation et de traduction] ! Donc c’est euh… genre Bac+5, quelque chose comme ça. En fait elle devait rentrer dans… au Parlement européen et… et puis non. En fait son papa est tombé malade, il a eu un cancer, et elle n’a pas voulu partir. Fallait qu’elle parte à Strasbourg, à Bruxelles, au Parlement Européen et… et finalement non. 806 Enquêteur – D’accord. Et puis ça aurait été un autre style ! 807 Alexandre – Ah ça ! J’te le fais pas dire ! Les mecs de Bruxelles ont pas la réputation d’être des gros chauds quoi [Rires], c’est plutôt l’inverse. Et… et après la boîte a licencié donc elle est rentrée dans une boîte d’import-export euh… Enfin elle a bien roulé sa bosse quoi ! 808 Enquêteur – Je vois oui, c’est impressionnant ! Et vous admirez ce type de parcours alors ? 809 Alexandre – C’est pas « ce type de parcours », c’est ce type de vie où elle a pas mal bougé, rencontré beaucoup d’monde, etc. Elle a vraiment fait les trucs par elle-même. Même si aujourd’hui elle s’est… Ben par exemple là elle a passé une semaine à Majorque y a pas longtemps euh… Elle avait une proposition à Majorque et tout euh… C’est un secteur un peu fermé, c’est quand même un truc assez élitiste. Y a très peu de gens qui bossent làdedans, bon parce que d’abord ça touche le cul et qu’entre guillemets c’est toujours un peu « tabou ». 810 Enquêteur – Et comment ça peut être « élitiste » si c’est euh… ? 811 Alexandre – Techniquement parlant [Rires] ! 812 Enquêteur – Ah techniquement parlant ! C’est le principe des lignes téléphoniques surtaxées quoi. 813 Alexandre – Voilà. Après elle ne faisait pas que ça hein… Le téléchargement des logos, des sonneries, euh… Là… Là elle a… Elle a peut-être une exclusivité pour vendre sur la France des puces téléphoniques. Quand on est à l’étranger, on s’appelle et on peut être à un kilomètre l’un de l’autre mais ça passera toujours par la France. C’est nul. Eh bien elle elle a un système pour être uniquement en relation avec les opérateurs locaux. 814 Enquêteur – Ah oui d’accord. Mais là euh… ça n’a rien à voir avec des trucs pornos ça, non ? 815 Alexandre – Non non ! Voilà, c’est pour dire qu’elle ne fait pas que ça non plus [Rires] ! 816 Enquêteur – Mais sinon ça vous fait rire qu’elle fasse ça comme boulot ou… ? Parce que je vois que ça vous fait rire en fait ! 817 Alexandre – C’est rigolo ouais, même si c’est un métier. Ben au début moi quand je l’ai connue j’veux dire j’étais là-dedans quoi ! Bon moi j’suis assez ouvert comme gars, j’ai pas trop de tabou et tout.... Et euh… ça m’intriguait un peu quoi. Mais ça m’intriguait… ça m’intriguait mais j’avais des amis déjà… j’avais des amis déjà qui bossaient là-dedans et en fait c’est… ce qui m’intriguait c’est à la fois le côté cul et le côté euh… [Silence]. 818 Enquêteur – …le côté technique ? 819 Alexandre – Le côté hyper pro ouais ! Et puis le côté business aussi. En fait y vendent un produit qui est du cul mais qui… mais c’est un produit intensif en haute technologie presque ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 43 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 820 Enquêteur – Ah oui j’en doute pas ! Mais c’est euh… c’est pas eux qui le fabriquent, si ? C’est sous-traité, non ? Enfin comment ça se passe ? 821 Alexandre – C’est sous-traité, ouais. Et puis après… y a des robots, y a des animatrices téléphoniques, euh…, enfin tout ça quoi. 822 Enquêteur – Ah d’accord. 823 Alexandre – Y a tout quoi j’veux dire ! 824 Enquêteur – Ouais ouais. Et alors du coup elle… Enfin j’imagine que côté humour elle doit être euh… enfin pas du tout « coincée » quoi ! 825 Alexandre – Ben elle est pas du tout coincée, non. Mais j’pense qu’elle était pas coincée du tout au départ non plus. 826 Enquêteur – Elle euh… Elle vient d’une famille euh… ? 827 Alexandre – Quatre enfants. Bon le père est militaire euh… 828 Enquêteur – …ah ouais ? En plus ! Il approuve le métier de sa fille ? 829 Alexandre – Oui oui ! Non parce que c’est ouais… oui parce qu’y a de la technique. C’est hyper valorisant comme boulot finalement, et puis elle gagne très bien sa vie. Elle gagne beaucoup d’argent. 830 Enquêteur – Ok, j’comprends. Et son père était militaire euh… dans la Marine ou… ? 831 Alexandre – Armée de Terre je crois. En fait je sais pas, je n’l’ai pas connu. Je sais qu’il a été 832 au Lycée Saint Charles à Marseille, après. 833 Enquêteur – Comme prof ? 834 Alexandre – Il était à l’économat du Lycée en fait je crois. C’est un poste qui convenait bien à un militaire quoi ! Non non et puis euh… Non elle a fait euh… Ben en fait elle est rentrée au hasard là-dedans quoi, après. 835 Enquêteur – Et du coup alors vous avez en commun des goûts comiques euh… ? Vous diriez… ? 836 Alexandre – Ben Bigard elle supporte pas par exemple. 837 Enquêteur – Ah oui vous me l’avez dit, c’est vrai ! 838 Alexandre – Par contre non non elle est open sur tout quoi, comme moi. Mais elle a des idées bien arrêtées. Plus que moi. 839 Enquêteur – A propos de quoi par exemple ? 840 Alexandre – Elle a les idées bien arrêtées et ouais elle trouve que c’est dévalorisant pour les femmes… enfin qu’y a un certain type d’humour franchement dévalorisant pour les femmes. 841 Enquêteur – Comme Bigard ? 842 Alexandre – Par exemple. Bon quand même c’est euh… Ben c’est son business donc euh… elle trouve ça un peu… [Silence]. 843 Enquêteur – …bien qu’elle en fasse le commerce en fait ? 844 Alexandre – Justement, elle est bien placée pour comprendre ça. Elle juge personne hein je pense, mais si elle a un jugement à émettre sur les personnes qui font ça elle dirait sans doute que c’est des pauvres filles malheureusement. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 44 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 845 Enquêteur – Ok. 846 Alexandre – Voilà. 847 Enquêteur – En fait elle voit l’aspect purement technique et financier et euh… Mais ça ne l’empêche pas par ailleurs d’avoir des idées plus progressistes ou… ? 848 Alexandre – …voilà, voilà. Je pense qu’elle pourrait se dire facilement euh… pas féministe mais enfin presque [Rires]. Les textes et tout, faut voir ce que c’est après hein… [Rires]. Après y faut bien vendre et pour faire acheter y faut… Après c’est son job quoi ! C’est un job ! Elle fait des putschs téléphoniques du style euh… bon essentiellement à destination des hommes : « Salut ! C’est Lisa euh… Tu te souviens de moi ? Si tu veux me rejoindre euh… appelle le 08 92 et machin… » [Rires]. 849 Enquêteur – Mais ça elle ne peut pas l’envoyer à des mecs qui ne l’ont pas demandé, si ? 850 Alexandre – Si ! Et si ! C’est des bases euh… Elle a des bases de données. Bon après ils ont des bases de données généralement sur des gens qui ont déjà appelé, voilà. Bon style euh… « Rencontre la célibataire de ta vie ». Tu parles ! Moi ça m’paraît dingue, en plus connaissant un peu le milieu maintenant, j’me dis que c’est du pur pipo quoi ! 851 Enquêteur – C’est sûr, ça paraît pas super crédible. 852 Alexandre – Mais ma femme elle fait aussi de l’encartage de CD pour des revues telles que euh… par exemple Le chasseur français. T’as le CD du mois dedans, le mec forcément y regarde, y va balancer le CD dans son magnéto direct, y regarde bon et j’veux dire voilà… et puis à un moment donné la scène devient un peu plus chaude, hop ça se brouille et là y a un numéro payant à appeler pour que ça se décode ! [Silence]. Là elle est aussi sur un projet avec un copain à nous scénariste, qui a créé la série Fais pas ci fais pas ça. 853 Enquêteur – Ah je vois. D’accord d’accord, je vois le truc. 854 Alexandre – En fait c’est que des trucs surtaxés donc… Elle fait tout ce qui concerne le surtaxé. Il est évident que le surtaxé ça… là où ça marche essentiellement beaucoup c’est par rapport au cul. Mais après elle peut vendre euh… enfin un peu de tout quoi j’veux dire ! 855 Enquêteur – Ok. Et le fait que euh… Enfin je reviens à la question des consommations culturelles mais euh… Comment vous définiriez son humour alors ? 856 Alexandre – Bon elle a un humour un peu euh… Bon on n’a pas tout à fait le même humour en fait. On a… Si, y a un humour qu’on partage tous les deux, et puis après y a… et après y a des trucs qui la font rire elle et qui m’font pas rire moi et… et vice versa. 857 Enquêteur – Vous auriez des exemples en tête, de cette différence ? 858 Alexandre – Elle aime bien un peu par exemple l’humour anglais, qui moi ne me fait pas rire du tout, mais alors pas du tout. 859 Enquêteur – Ah oui elle aime bien l’humour anglais ? 860 Alexandre – Oui. Ben elle a vécu là-bas étant jeune donc elle connaît bien. 861 Enquêteur – Et qu’est-ce qu’elle aime plus précisément, dans l’humour anglais ? 862 Alexandre – Ben elle va aimer euh… les Monty Python par exemple, ça elle adore. 863 Enquêteur – Et vous non ? 864 Alexandre – Non non, pas du tout. 865 Enquêteur – Pourquoi ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 45 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 866 Alexandre – J’sais pas c’est… pour moi c’est abstrait ces trucs-là. Moi j’aime plus les trucs franchouillards tu vois : Au théâtre ce soir, les conneries comme ça. Je vais aimer euh… voilà, La vérité si j’mens, Un éléphant…, bon… voilà. 867 Enquêteur – C’est du comique de vaudeville en fait que vous appréciez ? 868 Alexandre – Voilà, voilà. Elle aime un truc que je supporte pas non plus : Mister Bean. 869 Enquêteur – Ah vous n’aimez pas ? 870 Alexandre – Je le supporte pas, c’est pas que j’aime pas ! Les grimaces ne me font pas rire du tout, non. 871 Enquêteur – Et quand vous dites « humour anglais » y a quoi derrière ce terme pour vous ? 872 Alexandre – C’est un peu grinçant, c’est un peu grinçant dès fois, c’est le terme ouais. 873 Enquêteur – Trop « grinçant » alors, l’humour anglais ? 874 Alexandre – Voilà. Pour moi c’est du grinçant qui ne passe jamais du côté du rire. C’est ça le problème. 875 Enquêteur – « Rire » au sens de la « déconnade », c’est ça ? 876 Alexandre – Voilà, voilà. J’ai l’impression qu’y savent pas ce que c’est, que de rire un bon coup, les Anglais. C’est figé comme humour ! 877 Enquêteur – « Figé » ouais, je vois. Pince-sans-rire aussi, non ? 878 Alexandre – Voilà. Pour moi c’est pas du rire, c’est tout. 879 Enquêteur – Et est-ce que votre femme a réussi à vous convertir à… enfin à autre chose que de l’humour anglais mais que vous ne regardiez pas vous tout seul avant spontanément ? 880 Alexandre – Ben j’aime bien Pedro Almodovar par exemple, grâce à elle. On voyait ses films sur Canal. 881 Enquêteur – Ah oui vous aimez quoi de lui ? 882 Alexandre – Ah ben j’avais vu Talons aiguilles euh… j’ai adoré. 883 Enquêteur – C’est triste Talons aiguilles, non ? 884 Alexandre – Ah oui, oui. Moi je suis capable de pleurer devant ça ! Enfin de rire et de pleurer. Parce que… enfin j’veux dire… y a toujours ce grain de folie dans ses films. Voilà. Ça avait un côté un peu excitant aussi, parfois très rigolo. 885 Enquêteur – Vous avez vu Femmes au bord de la crise de nerfs ? 886 Alexandre – Ah oui ! Ça c’est des grands films rigolos oui ! Avec toutes ces nanas, c’était génial [Rires]. Je veux dire la petite là, qui sort avec un terroriste ; et euh… l’ex-femme qui traque son mari, bon… ; j’adore les trucs comme ça. Et puis la condition féminine qui était toujours un peu euh… Enfin y a toujours de l’émotion en plus. 887 Enquêteur – Et la thématique des rapports familiaux, les rapports mères/filles, etc., ça vous parle ? 888 Alexandre – Voilà sur les rapports familiaux aussi, j’aime bien. 889 Enquêteur – Oui vous aimez bien ? 890 Alexandre – Ouais ! Je te dis j’ai un côté nana [Rires] ! 891 Enquêteur – Et des comédies italiennes, vous en avez vues ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 46 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 892 Alexandre – Pas tellement. J’pense pas. Mais en fait faut voir que j’attends que l’humour vienne à moi. Euh… J’vais pas vouloir tout voir par exemple. En fait j’suis… J’ai un côté malgré tout, même si j’suis open sur tout, euh… j’ai un côté assez terre à terre. Du style entre une émission à la télé et un film j’vais plutôt regarder l’émission. Et puis d’un point de vue réflexion j’vais plus facilement réfléchir sur un sujet de société que… j’vais prendre plus de plaisir à réfléchir sur un sujet d’société que sur… de voir un film ouais. 893 Enquêteur – Y compris un film comique ? 894 Alexandre – Ben ça dépend lequel. Non mais si je vais voir un film y aura quand même de bonnes chances pour que ce soit un film comique. 895 Enquêteur – Et votre film non comique préféré c’est quoi ? 896 Alexandre – Scarface ! 897 Enquêteur – Ah oui Scarface, avec Al Pacino ? 898 Alexandre – Ah oui j’adore ce film, c’est géant. 899 Enquêteur – Vous aimez bien les films sur la mafia ? Les films avec de Niro aussi ? 900 Alexandre – Certains ouais, j’aime beaucoup. Ouais parce qu’y a toujours une morale dans le… dans le… là-dedans quoi. 901 Enquêteur – Le côté euh… Ben par ailleurs on retrouve bien dans ce type de films le côté euh… le clan, la protection du clan familial. 902 Alexandre [Ton très enthousiaste] – Voilà ! Voilà ! Tout à fait ! Je me reconnais beaucoup làdedans. 903 Enquêteur – Je vois ouais. [Silence] Et sinon oui sur les spectacles comiques maintenant euh… Vous êtes déjà allé voir des spectacles comiques ? 904 Alexandre – Je te coupe mais euh… 905 Enquêteur – …faites, faites ! 906 Alexandre – En comédie italienne, j’y repensais, j’ai quand même le souvenir de euh… de films avec Vittorio Gassman par exemple. 907 Enquêteur – Ah oui ? Lesquels ? 908 Alexandre – Le fanfaron, par exemple. 909 Enquêteur – Ah oui, c’est super ça ! Et Les monstres peut-être aussi ? 910 Alexandre – Non, j’connais pas ça. Ah si c’est euh… ah oui, des films à sketchs ? 911 Enquêteur – C’est ça ! 912 Alexandre – Non j’avais pas trop euh… non ça j’ai pas un souvenir extraordinaire de ça. C’était trop grinçant j’pense. Mais Le fanfaron ouais c’était euh… enfin c’était un film pas mal du tout j’me souviens. 913 Enquêteur – Qui vous a fait rire ? 914 Alexandre – Qui m’a fait rire, oui. 915 Enquêteur – Et vous auriez comme ça en tête des euh… ? 916 Alexandre – Alors j’ai du voir ça y a… enfin y a des années quoi. J’me rappelle plus vraiment. Je me rappelle de ce personnage simplement euh… complètement barré quoi [ Rires] ! 917 Enquêteur – Oui ! Il fait peur à Trintignant ! Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 47 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 918 Alexandre – Tu m’étonnes ! Faut voir le numéro que c’est ! 919 Enquêteur – Et euh… Sinon oui je reviens à ma question euh… vous êtes déjà allé voir des spectacles comiques ? 920 Alexandre – J’ai vu Noëlle Perna, Valérie Lemercier. Noëlle Perna je l’ai vue au Théâtre de Verdure à Nice. Et d’ailleurs cet été on a repris des places pour aller la voir. 921 Enquêteur – Ah ouais ! Vous êtes un grand fan alors ? 922 Alexandre – Ouais ! Ouais j’aime bien parce que euh… je trouve le spectacle assez frais, assez sympa. Après pareil hein… on écoute, on rigole, y a pas à réfléchir au pourquoi du comment. Et puis j’aime bien ce décalage qu’elle a entre euh… son physique quoi, c’est une belle femme quand même, et puis sa voix, elle a une voix vieillie, pour faire la commère niçoise. Elle a un côté vamp quoi ! [Interruption de l’entretien par la secrétaire d’Alexandre : une jeune « extra » attend derrière la porte du bureau pour être embauchée. Elle entre dans le bureau. L’entretien avec elle, auquel j’assiste, dure à peine cinq minutes. Alexandre reprend :]. Faut les former [Il parle des extras], les faire partir sur de bonnes bases. Ouais ça évite le conflit, c’est positif pour tout l’monde. Et en termes de résultat bon ouais bon ça va, ouais, elle présente plutôt bien. Bon c’est pas un avion mais enfin… [Rires]. 923 Enquêteur – …vous les jugez sur la base de leur physique aussi, les extras ? 924 Alexandre – Bon elle est bien, elle est souriante, elle a l’air détendue, d’toute façon euh… Bon elle est pas venue pour que j’la saute quoi [Rires] ! Non mais la Barbie sur les prestations avec un ballet dans le cul ça ne m’intéresse pas non plus, j’te rassure ! Bon… J’aime bien les… Moi j’aime bien les… Bon c’est vrai que dans les prestas y a plus de femmes que d’hommes, et dès fois y en a qui sont rigolotes, et ça j’aime bien. Je recrute pas sur casting mais bon… y a des limites quoi. Par exemple je recrute pas les grosses ! 925 Enquêteur – Ah bon ? Pourquoi ? 926 Alexandre – Ah ben non ! Les grosses sont mal dans leur peau, c’est connu. 927 Enquêteur – Comment ça ? 928 Alexandre – Ben pour un boulot euh… enfin en termes de service auprès de la clientèle euh… je trouve que c’est moyen. Moyen pour l’image. Et puis attention hein, je parle pas des costaudes ! Je parle des grosses moi ! Des vraies grosses [Rires]. 929 Enquêteur – Et « grosse » c’est à partir de quel seuil pour vous alors ? 930 Alexandre – Je sais pas. Ça dépend de la taille en fait ! Après c’est une question de gabarit. 931 Enquêteur – Ouais. 932 Alexandre – Non j’ai pas de critères particuliers mais… les gens qu’on met au service de toute façon c’est pas des professionnels. On les prend en extra, juste en extra. Donc je leur demande pas euh… Y faut qu’ils soient souriants, agréables et souriants, de bonne compagnie, qu’ils sachent porter une assiette, bon… Si y a tout ça c’est déjà pas mal ! 933 Enquêteur – J’comprends oui, c’est normal. 934 Alexandre – Voilà. On leur demande pas de savoir couper un poisson ou… enfin comme dans un restaurant quoi. Et après je… Enfin je considère qu’une nana qui est bien dans ses baskets… [Silence]. 935 Enquêteur – …oui y a plus de chances qu’elle soit appréciée des clients, j’comprends. 936 Alexandre – Voilà ! C’est moins sujet à polémique et/ou à problème au sein d’une société. Parce qu’après y a des problèmes de jalousie, y a des problèmes de… Y a plusieurs Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 48 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » paramètres à contrôler dans une boîte, et puis voilà quoi. Je fais quand même attention aux qualités des gens que je recrute. 937 Enquêteur – Aux « qualités » relationnelles oui, j’comprends. 938 Alexandre – Mais ça n’empêche pas que chacun peut avoir un caractère fort hein ! J’aime pas les tièdes, les peine-à-jouir, ou bien si tu sais pas c’que les gens pensent. J’ai horreur de ça. 939 Enquêteur – C’est vous qui gérez quand y a un problème entre employés comme ça ? 940 Alexandre – Ouais ouais, c’est moi. Mon père bon… il a passé l’âge [Rires] ! Par exemple quand Nathalie est arrivée, le fait que je l’embauche bon… Sa place ici tout le monde la veut donc… y a eu des jalousies. Mais je considère que c’est des moments à passer, que ça fait partie de la vie de la boîte. Après ça se tasse, avec le temps. 941 Enquêteur – Vous avez plutôt une bonne ambiance ici dans la boîte, non ? 942 Alexandre – Oh ben tu sais tout ce qui est secteur de la restauration et de l’hôtellerie c’est… Enfin dans les secteurs où tu as des clients ça peut être strict devant hein… mais ça déconne énormément derrière ! Enormément ! Moi j’suis plus dans ce côté euh… déconnade ! J’ai toujours été comme ça [Rires]. 943 Enquêteur – Oui oui j’ai l’impression ! 944 Alexandre – Dans notre métier on peut se permettre de déconner tout en travaillant correctement euh… On peut balancer des salades et puis hop, on s’y remet, ça continue. On n’est pas là en train de gérer de la technique ou… ou du scientifique. On gère de l’humain, voilà. 945 Enquêteur – Et l’enjeu financier, ça rajoute pas un peu de stress ? 946 Alexandre – Oui l’enjeu financier il y est ! Il compte. Mais bon… les affaires vont bien quoi. L’argent y rentre, c’est pas un souci. Après le truc c’est ce qu’on en fait, bon. Je veux dire bon la crise, la crise, nous on la voit pas trop passer. On va ouvrir peut-être une antenne à Cannes ou à Nice. Bon. Moi je veux juste faire en sorte que tout se passe bien. Bon je suis pas toujours super réglo, j’ai mes moments de…, enfin de panne on va dire. Mais pour l’ambiance j’ai toujours fait en sorte que tout aille bien. 947 Enquêteur – Et donc vous avez des rapports chaleureux avec vos employés ? Vous diriez ça comme ça ? 948 Alexandre – Oui. C’est pour ça que moi j’veux pas non plus instaurer des rapports euh… J’veux dire en fait c’est un bateau la boîte, moi je suis l’capitaine du bateau et… Mais voilà quoi, j’ai pas de rapports patron/employés. J’aime pas ça. Après peut-être plus dans le côté décisionnaire des choses mais euh… mais c’est tout quoi. 949 Enquêteur – Oui vous n’êtes pas euh… ? [Alexandre interrompt la question]. 950 Alexandre – Non je suis pas rigide ! 951 Enquêteur – Vous n’êtes pas quelqu’un de formaliste, de hiérarchique ? C’est ça ? 952 Alexandre – Non voilà. Je suis pas tendu ! J’aime pas qu’on fasse du chichi. Je peux rigoler, je peux… sortir une grosse connerie ! Demain je peux me retrouver dehors. J’ai déjà coulé des boîtes, bon. Mais après ça n’empêche pas… C’est vrai qu’il va arriver un moment…, y a des gens qui comprennent, d’autres qui comprennent pas…, quand on va parler de business ou de stratégie, je dis : « Voilà je veux ça, je veux ci comme ça » ou… Alors pour certains… [Silence]. Bon après le truc c’est qu’il arrive un moment où il faut renouveler les Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 49 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » têtes. Parce qu’on prend des habitudes et puis tout ça c’est un microcosme. Tout l’monde est un peu au courant de ce que fait l’autre, etc., ça devient un peu euh… 953 Enquêteur – …le vase clos ? 954 Alexandre – Ouais. « Moi j’veux pas parler avec lui, j’veux pas machin… ». Quand on en arrive là, y faut changer les têtes. 955 Enquêteur – Mais globalement y a pas ce côté euh… coincé, rigide, que vous n’aimez pas ? 956 Alexandre – Non non. Mais bon après je peux être à cheval sur le maintien de chacun… sur le port, sur le respect du client. Mais… Enfin tu peux remarquer que j’suis pas en costard ou quoi mais… enfin je trouve que c’est mieux, que c’est un signe de euh… 957 Enquêteur – …décontraction ? 958 Alexandre – Tout à fait ! Je suis pas là euh… à attendre les clients, raide comme un piquet ! 959 Enquêteur – D’accord. J’comprends [Rires]. Et euh… Ouais j’avais une question euh… sur tout ce qui est humour de gauche, alors vous aimez bien Coluche mais… Guy Bedos par exemple, vous l’aimez bien aussi bien qu’il soit ouvertement de gauche ? 960 Alexandre – Alors Guy Bedos ! C’est un sujet en soi Guy Bedos [long moment de réflexion]… Y m’est arrivé de le traiter d’enfoiré en regardant certains sketchs de lui ! 961 Enquêteur – Ah carrément ? Vous l’avez bien aimé dans Un éléphant… quand même, non ? 962 Alexandre – Ah mais ça c’était autre chose ! Avec sa mère là, Marthe Villalonga. Elle était très drôle elle ! Non mais bon… Après quand y déblatère et tout… C’est horrible quoi j’veux dire ! 963 Enquêteur – Quand y déblatère sur quoi ? 964 Alexandre – Mais sur la droite ! 965 Enquêteur – Ah sur la droite ? 966 Alexandre – Ouais ! C’est too much quoi ! C’est pas possible. 967 Enquêteur – Donc c’est vraiment le propos politique que vous ne cautionnez pas ? 968 Alexandre – Ouais. Mais je reconnais qu’il est fort après. 969 Enquêteur – Ah quand même ? 970 Alexandre – Ben… C’est un gars qui écrit ses textes déjà, bon, ça se sent. Mais après ce que j’entends ne me fait pas plaisir ! A l’inverse de Coluche qui restait…, qui était peut-être encore plus à gauche que lui en fait, mais qui savait faire rire quoi, tout simplement. 971 Enquêteur – Guy Bedos a aussi un côté un peu plus euh… enfin un peu plus intello que Coluche, non ? 972 Alexandre – Ouais ouais, y s’écoute c’est sûr. Et puis c’est un connard quoi j’veux dire ! 973 Enquêteur – Ah carrément ? Vous diriez que c’est l’humoriste que vous détestez le plus alors [Rires] ? 974 Alexandre – Ah ouais, sans problème ! Je peux pas. C’est tout. 975 Enquêteur – Vous avez des choses précises en tête ou… ? 976 Alexandre – …sur Sarkozy par exemple, y m’énerve. 977 Enquêteur – Il cogne trop fort ? 978 Alexandre – Ouais ouais. Et puis c’est… enfin c’est facile quoi, de rire des politiques. 979 Enquêteur – Pourtant vous riez de Sarkozy aux Guignols, non ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 50 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 980 Alexandre – Mais c’est pas pareil. C’est pas méchant. Chez Bedos y a vraiment une intention de méchanceté, de faire mal. 981 Enquêteur – Vous iriez jamais voir un spectacle de Guy Bedos alors ? Si on vous offre des places vous y allez ou… ? 982 Alexandre – …ouais, je peux y aller. C’est pas parce que moi ça m’dérange que… Au contraire j’peux aller au bout des choses et euh… Et je peux même changer d’avis en sortant quoi ! 983 Enquêteur – Ah bon ? Vous avez vraiment l’air de le détester pourtant ? Non ? 984 Alexandre – Ouais. Mais par exemple c’est ce qu’y m’est arrivé pour Jamel. 985 Enquêteur – Ah ouais c’est vrai ! Vous l’avez vu en spectacle alors aussi, Jamel ? 986 Alexandre – Non non. J’l’ai vu en DVD, pas en spectacle. C’était pas mal euh… Après j’le trouvais un peu con dans les sitcoms en fait. J’adhérais pas trop. Mais maintenant j’ai appris à l’apprécier. 987 Enquêteur – Mais pour l’instant y a rien à sauver chez Bedos selon vous ? 988 Alexandre – Ben… Y fait pas que de la politique non plus. Y fait par exemple la caricature du vieux qui veut pas vieillir, bon. C’est là où y m’dérange le moins en fait, à la limite. 989 Enquêteur – Vous l’trouvez pas pertinent sur ce qu’il dit euh… de la politique ? 990 Alexandre – Carrément pas ! Il est trop cassant. Et puis je suis à droite quoi, c’est tout. 991 Enquêteur – D’accord, ok. Et euh… je cherche ce qu’y pourrait bien vous plaire en humour de droit alors ! A part Desproges dont on a parlé euh… Euh… Les Inconnus vous aimiez bien ? 992 Alexandre – Ah j’aimais énormément Les Inconnus ouais ! 993 Enquêteur – Quels sketchs par exemple ? 994 Alexandre – « Oh Manu tu descends ou j’te descends ? » [Rires]. 995 Enquêteur – Ah oui oui [Rires] ! 996 Alexandre – Le sketch sur les flics est génial aussi. Les Marie-Thérèse à l’hôpital aussi, c’est trop bon. 997 Enquêteur – Donc là ça va être la caricature des fonctionnaires encore, non ? 998 Alexandre – Ouais voilà. Ouais ça ça m’fait rire ! Non non moi ça m’fait rire hein… quand on se fout d’la gueule des fonctionnaires ! Bon je parle pas pour vous hein… [Rires] ! Non non mais moi ça m’fait rire aussi dans la mesure où… où je ne mets pas tout l’monde dans l’même sac. Au sein de tous ces gens-là c’est quand même les profs qui ont le métier le plus difficile je pense. Surtout aujourd’hui j’veux dire. Moi j’ai une amie euh… 999 Enquêteur – …vous avez des amis profs ? 1000 Alexandre – Ouais ouais ! C’est une amie d’ma femme qui est dans les quartiers Nord de Marseille, en collège. 1001 Enquêteur – Ah d’accord. 1002 Alexandre – Mais elle voit de tout j’veux dire peuchère ! C’est terrible hein… Elle voit des enfants battus, des gosses euh… Elle fait du social quoi, elle fait du social. Pour moi c’est un boulot d’assistante sociale ! 1003 Enquêteur – Ah ça peut être très dur oui j’imagine bien. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 51 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 1004 Alexandre – Bon après… Cette amie qui est prof, qui est prof de français, elle fait 15h par semaine bon… moi j’en fais 90 quoi ! Elle est agrégée bon… 15h c’est rien quoi ! Pour moi elle en rame pas une. 1005 Enquêteur – Ouais mais bon… Après on a une vision comme ça, de l’extérieur, où on croit qu’une heure donnée c’est une heure de boulot totalisée. Y a du boulot en amont quand même pour faire le cours, et en aval pour corriger les élèves. Vous croyez pas ? 1006 Alexandre – Ouais ouais mais elle elle est en Collège bon, elle en branle pas une ! Elle force pas j’veux dire, c’est toujours les mêmes cours bon…, toujours le même type de gosses. Après elle peut avoir deux heures en plus par semaine, ça casse pas des briques. En plus elle sort de là : sa mère était prof, son père prof, bon… 1007 Enquêteur – …c’est une dynastie alors ! 1008 Alexandre – Ah carrément ! 1009 Enquêteur – Et chez Les Inconnus y a aussi les parodies des séries télé qui… enfin c’est des choses qui vous font rire ça aussi ? 1010 Alexandre – C’est très marrant ouais. Alors y a un autre truc qui m’fait rire aussi, c’est Les enfants de la télé. 1011 Enquêteur – Ah ouais, Arthur vous l’aimez bien ? 1012 Alexandre – Je le trouve sympa ouais. Y m’énervait un peu à une époque sur Fun Radio mais… non je l’aime bien. Je trouve que tous ces mecs dans les émissions de radio, sur Sky euh…, ils m’énervent tous ! 1013 Enquêteur – Mais vous les écoutez ? 1014 Alexandre – C’est pas du tout mon univers mais ça peut m’arriver, ouais. 1015 Enquêteur – Ouais ? Et vous écoutez Rire & Chansons par exemple aussi ? 1016 Alexandre – Rire & Chansons j’aime bien ouais. Mais là en ce moment dans le train ça passe pas [Rires] ! Non mais le matin je lis en fait. Je lis mon journal dans le train. 1017 Enquêteur – Ouais ? 1018 Alexandre – Ouais. Et puis y a les jolies petites étudiantes ! 1019 Enquêteur – Ah oui [Rires] ? 1020 Alexandre – Ouais. J’aime bien regarder les gens. 1021 Enquêteur – Vous êtes observateur ? 1022 Alexandre – Ouais. Très observateur. Mais c’est à un point euh… 1023 Enquêteur – …vous jugez vite quoi, vous avez l’œil ? 1024 Alexandre – Oui à la limite je… je vois les gens, la façon dont ils se comportent, dont ils s’habillent et tout, et ça peut me donner matière à réfléchir sur eux. 1025 Enquêteur – Et vous imaginez des choses sur eux ? Vous projetez des choses sur eux ? 1026 Alexandre – Oui voilà. J’aime bien me dire euh… ils doivent avoir tel type de vie ou euh…, tel truc, y doivent aimer tel truc, y doivent manger tel truc, etc. 1027 Alexandre – Vous catégorisez en fait ? 1028 Alexandre – Voilà ! Et qui plus est parce que j’veux dire euh… Bon j’aime bien les femmes en général, ce qu’elles représentent par rapport à un homme et leur façon d’être, etc. Donc j’veux dire euh… Je trouve que c’est ce qu’y a d’plus beau au monde une femme. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 52 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 1029 Enquêteur – Ah oui carrément [Rires] ? 1030 Alexandre – Ah ben ouais ! C’est ce qui peut procurer le plus de sensations heureuses je pense. Hormis les enfants, bien sûr. Hormis le fait d’avoir des enfants quoi. Mais euh… quand j’vois donc les gamines qu’y a… 1031 Enquêteur – …dans le train… 1032 Alexandre – …donc je vois bien le matin hein… Y a les unes, les autres, leur façon de s’habiller, etc. Je vois celles qui font des études… J’en parle souvent avec ma femme. On en rigole. J’lui dis : « J’suis sûr que… ». Enfin y en a sur qui j’pourrais miser pour faire des études, et d’autres j’suis sûr que… Elle me dit : « Mais quoi… ? ». Ouais c’est terrible hein, mais j’suis sûr qu’y en a…, la façon d’se tenir, la façon de… On le voit tout de suite. Y en a qui ont de l’assurance, puis d’autres qui en ont pas. 1033 Enquêteur – Vous avez une sorte de sixième sens alors ? 1034 Alexandre – Ouais [Rires] ! J’aime bien imaginer, y a une part d’imaginaire là-dedans. Je peux réfléchir des heures sur un truc que j’ai vu, broder à partir d’une scène, d’une personne… Par exemple si je conduis seul en voiture j’ai l’esprit c’est un ouragan quoi j’veux dire [Rires] ! 1035 Enquêteur – Ah oui oui, c’est marrant. Vous avez vraiment le goût de l’observation en fait. 1036 Alexandre – Tout à fait ! 1037 Enquêteur – Ah oui, et puis dernière chose sur Les Inconnus : y a aussi un côté anti-intello chez eux parce qu’y faisaient des parodies de films d’auteurs euh…, etc. Vous en riez aussi de ça ? 1038 Alexandre – Oui, voilà oui. La parodie des documentaires sur Arte, ouais ça me faisait rire. Mais moi le côté trop intello me… ça m’emmerde clairement après ! 1039 Enquêteur – Mais « trop intello » c’est quoi ? C’est par exemple un prof ou… ? 1040 Alexandre – Non non, non non. J’crois que c’est une question d’individu de façon essentielle. Y en a qui se la jouent intello et qui ne le sont pas du tout quoi. Mais j’aime pas le… le trop plein de savoirs. Et puis ça peut déborder un peu sur le côté moraliste et ça je déteste. [Il regarde sa montre]. Encore 3mn et après j’ai mon train ! 1041 Enquêteur – Ok ok, pas de problème. Bon alors la dernière question j’vous la pose sur euh… sur les journaux satiriques ! Euh… Est-ce que vous lisez les journaux satiriques ? Type euh… 1042 Alexandre – …Canard enchaîné ? 1043 Enquêteur – Ouais ! 1044 Alexandre – Rarement. Rarement. Y m’énervent ! 1045 Enquêteur – Pourquoi ? 1046 Alexandre – C’est un peu too much quoi j’veux dire… C’est un peu tirer sur l’ambulance. Alors… Y a une part de vérité mais… ça prend des proportions… généralement ça va jamais dans le sens où… enfin dans mon sens à moi. 1047 Enquêteur – Parce que c’est trop de gauche ou… ? 1048 Alexandre – …ouais c’est trop de gauche, trop de gauche. 1049 Enquêteur – Donc Charlie Hebdo j’imagine que vous détestez ? Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 53 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 1050 Alexandre – Ben ouais bon y a Charlie Hebdo aussi, c’est vrai. Et y a Marianne aussi, alors ça…J’ai un peu de mal à accrocher avec le côté intellectuel de gauche. C’est pas le côté intellectuel qui me dérange, c’est pas le côté de gauche : c’est les deux mélangés ! 1051 Enquêteur – « C’est les deux mélangés »…, je vois ouais. 1052 Alexandre – Voilà. C’est qu’après j’veux dire moi j’ai des amis… J’ai des amis qui ont des idées totalement opposées aux miennes et avec lesquels j’m’entends super bien… On peut rigoler sur des discussions…, débattre et tout, mais euh… les intellos de gauche non, j’peux pas ! 1053 Enquêteur – Et vous le repérez chez qui ça ? J’veux dire euh… ce côté « intello de gauche » euh… j’sais pas… par exemple chez BHL, chez euh… Jack Lang, enfin des gens comme ça ? 1054 Alexandre – J’aime bien les imitations de Jack Lang par Laurent Gerra. Ça peut me faire rire ! Mais moi BHL euh… Alors d’abord ça dépend comment on l’prend hein, mais c’est quelqu’un d’assez intéressant finalement. 1055 Enquêteur – Il ne vous énerve pas pour le coup ? 1056 Alexandre – Ben… ça dépend sur quels sujets en fait. Et puis c’est un mec brillant quoi… Et je… je trouve qu’à un moment il s’est un peu recadré vers le centre. 1057 Enquêteur – Oui oui. Mais je… je pensais que vous n’aimeriez pas BHL du coup en fait ! 1058 Alexandre – Ben je suis pas borné politiquement non plus… Un mec que j’aime beaucoup par exemple aussi c’est… j’aime bien Besancenot pour son côté orateur. 1059 Enquêteur – Ah oui ? Vous l’aimez bien aussi ? 1060 Alexandre – Oui je l’aime bien. Je l’aime bien. Il a des idées. Il les défend. En plus il a… il a un physique agréable quoi, un visage poupin un peu. Il s’exprime très bien aussi je trouve, pour un facteur. Il parle très très bien oui. 1061 Enquêteur – Donc c’est pas sa ligne politique que vous cautionnez en fait ? 1062 Alexandre – Non non. Il est juste bon dans son domaine, voilà. Après je pense qu’il est promis à un avenir politique euh… enfin dans une niche politique bien particulière quoi. 1063 Enquêteur – Vous êtes sensible au discours qu’il défend quand même ou pas du tout ? 1064 Alexandre – Je suis pas insensible aux injustices, c’est pas ça mais… non je suis quand même pas sur cette ligne-là ! 1065 Enquêteur – C’est juste la personne alors, que vous aimez bien ? 1066 Alexandre – Non, après j’peux comprendre qu’y ait des gens qui adhèrent à ça, qu’y ait des gens qui adhèrent à ce discours parce qu’ils souffrent. 1067 Enquêteur – Ouais. 1068 Alexandre – Maintenant ce que j’aime pas du tout c’est de toujours sortir le bâton et taper. Voilà ! « On va augmenter les impôts », tout ça, bon, c’est pas la solution. Ça se saurait si c’était la solution ! Bon maintenant j’peux comprendre qu’y ait des gens qui ont un souci permanent de leur condition et qui en arrivent à perdre un petit peu pied par rapport à la réalité. Voilà. 1069 Enquêteur – Ok. Et euh… dernière question après j’vous lâche c’est promis, sur les lectures euh… Est-ce qu’y a des…, je sais pas moi…, des romans ou des livres qui vous font rire, qui vous ont fait rire ? Des livres de blagues ou des livres écrits par des comiques ou… ? 1070 Alexandre – Alors j’ai jamais été bandes dessinées. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 54 Annexes électroniques de l’article « Rire, socialisation et distance de classe » 1071 Enquêteur – Vous lisez euh… ? Enfin… qu’est-ce que vous lisez quand vous lisez ? Dans le train par exemple, vous lisez quoi ? 1072 Alexandre – J’achète la presse : L’équipe, Le Figaro, Var Matin. Libé très rarement. 1073 Enquêteur – Libé sous l’bras là pour le coup ça ferait un peu « intello de gauche », non ? 1074 Alexandre – Ouais ouais non mais dès fois dans le… enfin on peut trouver des trucs quoi. Sinon je suis pas très lectures euh… Je lis quelques livres politiques. En ce moment je lis euh… J’suis un peu parti dans le… dans les livres de psychologie. 1075 Enquêteur – Vous lisez des livres de psycho ? De qui ? Enfin lesquels ? C’est pour gérer vos troupes que vous lisez ça ? 1076 Alexandre – Ouais ouais, entre autre ouais ! Non non mais tout à fait ! 1077 Enquêteur – Ah ouais ? 1078 Alexandre – Ben c’est pour comprendre certaines choses ouais… Alors ça va être euh… Comment se faire des amis ? Et euh… Petit traité de manipulation des honnêtes gens. 1079 Enquêteur – Ah oui d’accord ! 1080 Alexandre – Voilà. Après Machiavel aussi, donc après j’veux dire c’est un peu plus euh… 1081 Enquêteur – …vous lisez Machiavel aussi ? 1082 Alexandre – Ouais ouais. Je suis assez intéressé par la psychologie des gens et… et par le mode de fonctionnement de l’esprit, de l’humeur, etc., qui peut se rapporter dès fois à moi-même hein, bien sûr. Je trouve que ça fait partie de l’enrichissement personnel. 1083 Enquêteur – Mais sinon en lectures comiques euh… ? 1084 Alexandre – …non, j’vois pas. 1085 Enquêteur – Ok. On va s’arrêter là parce qu’autrement je vais vous faire rater le train ! 1086 Alexandre – Je m’en fous autrement tu me ramèneras à St-Cyr en bagnole hein ! [Rires]. Sociologie, N°1, vol. 2 | 2011 55