«Il faut savoIr travaIller
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«Il faut savoIr travaIller
économie «Il faut savoir travailler et patienter pour avoir des résultats» D aoud Said Ali Toihir est le directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements aux Comores(ANPI), dans l’interview qui suit, il détaille les efforts en cours de la part du gouvernement pour relancer le secteur privé national et fixe le cap de son agence dont l’ambition est de devenir une agence modèle de promotion des investissements dans le pays. Karibu magazine : Les Comores se préparent à accueillir au mois de septembre un forum d’investissement qui sera parrainé par la Banque islamique de développement. En quoi ce forum va se différencier des autres organisés depuis 2005 et dont on est encore en attente des résultats ? Daoud Said Ali Toihir : Il est vrai que nous avons organisé plusieurs forums économiques depuis 2005 : Maurice, Doha, Koweït. L’objectif était de faire la promotion du pays en général et lever des fonds en vue de relancer l’économie. Malheureusement, parfois nous n’étions pas bien préparés. C’est ce qui explique notre échec, même si on doit le relativiser car il y a eu quand même certaines réalisations issues de ces forums. Cette fois, on organise un forum d’investissement international, mais au niveau local avec des objectifs bien précis et ciblés. Et puis on vise directement le développement du secteur privé quant aux résultats escomptés. Pour parvenir à ce forum des conditions indispensables devaient être réunis : un forum pour faire la promotion des projets, qui permettra d’avoir une vue d’ensemble sur l’état des infrastructures du pays et qui sera financé par un partenaire fiable qui est la Banque islamique de développement. appuyer le secteur privé. C’est à partir de là que la Banque islamique a proposé d’appliquer la formule du Triple win en faveur des Comores. Qu’est-ce que cela signifie ? Les 7 millions d’euros seront multipliés par 5 pour aboutir à 35 millions. Ce n’est pas un don, mais une aide remboursable avec un taux consensuel très très bas. Une délégation de la BID était aux Comores début juin pour formaliser l’utilisation de ces fonds dont une grande partie, j’insiste là-dessus, sera dédiée au développement du secteur privé. K.M : Quels sont donc domaines qui seront concernés? D.S.A.T: Nous avons initié des consultations depuis le mois de m a r s K.M : Parlant de la Banque Islamique, où en est-on avec la promesse de 35 millions d’euros destinés justement au développement du secteur privé ? D.S.A.T: Tout est dans la bonne voie. Mais d’abord, il faut comprendre d’où viennent ces 35 millions. En 2010 lors de la conférence de Doha, le sultanat d’Oman avait promis d’octroyer une aide de 7 millions d’euros à l’Etat comorien pour payer une partie de sa dette extérieure. Mais en février 2014, à l’occasion de la célébration des 40 ans de la BID, le message du gouvernement comorien était axé sur le développement du secteur privé. Cela avait attiré l’attention des autorités de la Banque dont l’un des vice-présidents qui est omanais. Et lorsqu’un accord de rééchelonnement de la dette a été signé, l’Oman a décidé d’honorer sa promesse mais cette fois pour Daoud Said Ali Toihir, directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements aux Comores (ANPI) 13 économie pour connaitre justement les besoins du secteur privé, la disponibilité des banques locales pour participer à cet effort de développement, et surtout pour faire en sorte que les institutions bancaires, y compris étrangères installées dans le pays puissent apporter leur contribution. Du coup, on peut espérer doubler, voire tripler ce chiffre de 35 millions d’euros. A l’issue des consultations, nous avons proposé d’appuyer les entreprises existantes pour les rendre encore plus efficaces, de promouvoir l’artisanat, et surtout de pousser à la création d’entreprises nouvelles dans les secteurs porteurs non encore exploités faute de moyens d’investissement : l’agroalimentaire, le tourisme, l’aviculture, le transport... Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Une fois validées, ces propositions vont faire l’objet d’un aide-mémoire sur la base duquel l’Etat comorien et la BID vont travailler ensemble. Nos compatriotes doivent comprendre qu’il y a des choses qui se font. Le pays bouge même si l’attente est immense de la part de la population. C’est la raison pour laquelle, nous les techniciens, devons savoir travailler afin de donner du sens au discours politique et traduire les volontés en réalité concrète. Nous avons un peuple qui a beaucoup souffert et qui continue de souffrir de chômage et d’autres difficultés liées à la survie. Je peux me résumer en disant simplement qu’il faut savoir travailler et savoir patienter pour avoir des résultats. K.M : Revenons sur la question des forums, en tant que chargé de la promotion des investissements aux Comores, quelles leçons avezvous tiré ? D.S.A.T: D’abord, le pays manque de capacité à développer des projets. Cela nous conduit souvent à l’échec. A Doha, on a 14 M. Daoud Said Ali Toihir eu plus de 540 millions de dollars de promesses, mais nous avons du mal à faire venir ces fonds faute de projets. A l’ANPI, nous avons compris cela. C’est la raison pour laquelle nous voulons faire comprendre à tous que notre pays n’est pas le centre du monde, que personne ne voudra venir y investir parce que nous sommes les plus beaux ou les plus gentils. Nous devons faire des efforts de notre côté pour attirer des porteurs de grands projets. Avec l’appui du gouvernement et des partenaires, l’ANPI souhaite mettre en place un noyau dur composé de jeunes comoriens talentueux qui parlent au moins deux langues qui constitueraient une équipe multidisciplinaire en vue de jouer le rôle de vendeurs du pays en matière de projets et de détecteurs des besoins des bailleurs. Cette équipe envisagera aussi des études préliminaires dans chaque secteur. Avec cela, on aura résolu ou combler dans moins de deux ans l’une de nos principales lacunes. A l’ANPI on se bat pour que cela se concrétise comme il a été envisagé depuis le forum de Doha. K.M : Si l’on regarde l’ANPI aujourd’hui, on est bien loin de la structure sans locaux, sans moyens ni perspectives d’il y a quelques années, non ! D.S.A.T: Effectivement, aujourd’hui, nous avons une structure qui s’est beaucoup développée avec des jeunes qui s’investissent énormément. Nous offrons des services au niveau des toutes les îles. Nous avons acquis des locaux propres financés à 152 millions par le gouvernement. La subvention de l’ANPI est passée de quatre millions en 2010 à quarante six millions en 2014. Au niveau des effectifs, on est passé d’un directeur à 18 cadres d’un niveau minimum de Bac+4. En tant qu’agence de promotion d’investissement, nous avons fait en sorte que la question des opérateurs soit une question nationale. K.M : L’ANPI c’est aussi une structure devant aider le pays en matière de réformes, avez-vous des perspectives à ce niveau-là ? D.S.A.T: Notre ambition est de devenir une agence modèle de promotion des investissements pour le pays. Les agences BOI à l’île Maurice et APIX au Sénégal ont réussi à le faire de manière spectaculaire. Grâce aux efforts de BOI, Maurice est classée au premier rang dans le doing business en Afrique. En ce qui concerne le Sénégal, l’APIX a poussé à la réalisation des réformes importantes et au bout de 10 ans elle s’est transformée en une société anonyme. Voilà des objectifs que l’ANPI se fixe aujourd’hui, et croyez-moi ce n’est pas chose impossible. Dans le court terme, nous sommes en train d’accompagner le gouvernement pour développer le partenariat public privé(PPP) dans le cadre des projets stru ctu rants . C e typ e d e partenariat est très important dans la réalisation de grands projets d’envergure nationale : ports, aéroports, transport aérien, usines industrielles… Pour aller de l’avant, le pays a besoin de cela. En ce qui concerne l’énergie, l’ANPI entend également intervenir dans un volet spécifique. La Banque Mondiale et la Banque Africaine de D é v e l o p p e m e n t ( BA D ) interviennent dans le management, la commercialisation et la distribution de l’énergie. C’est dans les réformes des textes qui régissent ce secteur que nous comptons, en tant que structure d’appui, intervenir sur l’indicateur accès à l’énergie pour que les réformes législatives nécessaires soient faites dans ce cadre là. K.M : Une petite conclusion peutêtre ! D.S.A.T: Nous avons engagé un vaste chantier dont la moitié est déjà traversée. Mais nous avons encore plus besoin d’accompagnement pour qu’on aboutisse au véritable changement dont la finalité est d’améliorer la vie des habitants de ce beau pays où il faut beau d’investir. Propos recueillis par Ali Mmadi