Chimie

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Chimie
EPREUVE COMMUNE DE TIPE 2008 – Partie D
TITRE : Stabilité des sols nanométriques d'oxydes de titane lors de l'induction
d'une précipitation de type sol-gel
Temps de préparation : ..................................2 h 15 minutes
Temps de présentation devant le jury : ................10 minutes
Entretien avec le jury : ........................................10 minutes
GUIDE POUR LE CANDIDAT :
Le dossier comporte :
Document principal : 12 pages
Document complémentaire : 4 pages
Glossaire (se référant aux mots écrits en gras, italique et suivis d’un astérisque)
Annexe : Structure électronique des matériaux
Travail suggéré au candidat :
Le candidat pourra rendre compte de la démarche mise en oeuvre dans un travail de
recherche comme celui présenté ici. Il pourra structurer son exposé de la façon suivante :
●
Explication des différents modèles proposés pour expliquer la période d'induction lors de
la synthèse de matériaux par voie sol-gel.
●
Discussion de la validité de ces modèles et des contradictions qui peuvent exister entre
eux.
●
Explication de la démarche qui amène au modèle retenu.
GUIDE POUR LE CANDIDAT :
* Lisez le dossier en entier dans un temps raisonnable.
* Réservez du temps pour préparer l’exposé devant le jury.
-
-
Vous pouvez écrire sur le présent dossier, le surligner, le découper mais tout sera à
remettre au jury en fin d’oral.
En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents
(transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l’oral, ainsi que le dossier, les
transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle
d'oral, vous devez être prêt à débuter votre exposé.
A la fin de l'oral, vous devez remettre au jury le présent dossier, les transparents et les
brouillons utilisés pour cette partie de l'oral, ainsi que TOUS les transparents et autres
documents présentés pendant votre prestation.
Stabilité des sols nanométriques d'oxydes de titane lors de
l'induction d'une précipitation de type sol-gel
1. Introduction
Les synthèses par voie sol-gel* présentent un intérêt considérable pour leurs nombreuses
5
applications. A partir d’un motif élémentaire moléculaire (généralement un alcoxyde
métallique*), et en fonction des conditions expérimentales, il est possible de préparer divers
types de matériaux tels que des particules nanométriques ou des structures monolithiques. Plus
particulièrement, l’obtention de nanomatériaux* d’oxydes métalliques par ce procédé (TiO2,
ZnO, ZrO2…) et leurs applications diverses en catalyse, céramique, films protecteurs, matériaux
10
denses ou poreux etc. semblent très prometteuses (figure 1).
Figure 1: Vue d'ensemble de la synthèse par voie sol-gel.
Le contrôle de la taille, de la structure et de la morphologie des matériaux est
indispensable pour obtenir les meilleures propriétés pour les applications souhaitées. Il est donc
très important de bien comprendre les processus de synthèse de ces matériaux afin de bien
15
contrôler leurs propriétés finales.
Lors de la synthèse d’oxydes métalliques par voie sol-gel, l’étape déterminante est l’étape
initiale du processus caractérisé par des réactions d’hydrolyse et de condensation. Cette étape est
1
caractérisée par un phénomène de retard ou temps d'induction qui reste encore mal compris, or il
est indispensable de comprendre ce dernier afin de mieux contrôler ce type de synthèse de
20
matériaux et ainsi leurs propriétés.
Ce dossier présente un travail mené au sein d’un laboratoire de recherche et qui a consisté
à étudier le temps d’induction lors de la synthèse par voie sol-gel de dioxyde de titane* TiO2 en
vue d'applications en photocatalyse.
2. Dioxyde de titane et photocatalyse
25
Un catalyseur est une substance qui a la propriété d’accélérer la vitesse de réaction d’une
transformation chimique thermodynamiquement possible. Il doit se retrouver inaltéré à la fin de
la réaction.
La photocatalyse résulte de la catalyse hétérogène, c’est-à-dire que le catalyseur est un
solide et que la réaction catalysée se produit uniquement à la surface du catalyseur. Elle se
30
différencie de la catalyse classique par son mode d'activation. Le catalyseur est un matériau semiconducteur (voir annexe). Lorsque ce dernier est soumis à un rayonnement lumineux dont
l'énergie est supérieure à celle de la bande interdite, (hν ≥ Eg), un électron passe de la bande de
valence à la bande de conduction, créant ainsi un site d’oxydation (un trou h+) et un site de
réduction (un électron e-). La concentration de ces porteurs de charges, dans le cristal et à sa
35
surface, dépend de la nature de ce dernier, mais aussi de la température, de l’irradiation
lumineuse ou de l’introduction d’impuretés au sein du matériau. Des réactions d’oxydations et de
réductions peuvent alors avoir lieu au niveau des sites ainsi crées avec les espèces adsorbées à la
surface du matériau (figure 2). La morphologie, la taille et la distribution granulométrique des
particules du matériau semi-conducteur influent sur la dynamique des porteurs de charges et la
40
capacité d’absorption de la lumière et donc sur les performances de la photocatalyse.
Le dioxyde de titane est reconnu pour son caractère semi-conducteur sous sa forme
anatase. En effet, le dioxyde de titane en phase anatase possède une bande interdite E g = 3,2 eV.
Une irradiation lumineuse avec une longueur d'onde λ ≤ 380 nm (rayonnement UV) suffit à faire
passer des électrons de la bande de valence vers la bande de conduction. Ce caractère particulier
45
du dioxyde de titane lui confère donc de très bonnes propriétés photocatalytiques.
2
Figure 2: Mécanismes des réactions photocatalytiques
3. Synthèse de matériaux par voie sol-gel
La synthèse de matériaux par voie sol-gel peut être définie comme une façon de préparer
des verres* et des céramiques* : à partir de solutions, il y a formation progressive d’un réseau
50
solide par l’intermédiaire de réactions de polymérisation. Ce processus peut être décrit plutôt
succinctement comme la succession de la précipitation d’une suspension de colloïdes* ou sol, de
leur agglomération ou de leur réticulation en un gel, puis d’une extraction du solvant. La
précipitation peut avoir lieu par ajout d’une base à un sel ou un oxyde métallique, appelé
précurseur, en solution aqueuse, conduisant à des hydrolyses successives puis à la précipitation
55
par condensation ; c’est la voie inorganique. Une seconde voie est la précipitation par ajout d’une
solution alcoolique d’eau à une solution alcoolique d’alcoxyde métallique qui, dans ce cas, est le
précurseur. Elle amènera aussi à des hydrolyses successives puis à la condensation ; c’est la voie
organique.
Les réactions par la voie inorganique sont beaucoup plus difficiles à contrôler que celles
60
par la voie organique et seule cette dernière sera considérée dans cette étude ; le terme sol-gel
sera utilisé en ce sens.
Mécanismes réactionnels
La synthèse sol-gel se déroule selon deux étapes consécutives, l’hydrolyse et la
65
condensation d’un alcoxyde métallique par oxolation ou alcoxolation.
3
•
Hydrolyse :
-M-OR + H2O  -M-OH + ROH
•
Condensation :
-M-OH + HO-M-  -M-O-M- + H2O
(oxolation)
-M-OR + HO-M-  -M-O-M- + ROH
(alcoxolation)
où M désigne l’atome métallique et R la chaîne carbonée.
70
Les processus peuvent être décrits de la façon suivante. Les monomères, M-(OR)n, sont
partiellement hydrolysés puis se condensent entre eux pour créer des polymères branchés avec un
squelette d’oxydes métalliques, -M-O-M-, et des groupements alkyles, -OR, de surface ; c’est un
sol. Ensuite, ces groupements alkyles sont à leur tour hydrolysés pour donner des groupements
actifs hydroxyles. Le contact entre deux groupements hydrolysés ou un groupement hydrolysé et
75
un groupement alkyle de deux polymères différents conduit à une nouvelle condensation et la
liaison entre deux polymères. Cette condensation peut conduire, en milieu stagnant et en fonction
des conditions expérimentales, à la formation de polymères de taille macroscopique envahissant
tout le volume réactionnel. Cette structure s’appelle le gel. Pourtant, comme il sera vu plus loin,
le gel n’est pas le seul état final possible du processus. L’appellation sol-gel décrit donc
80
l’ensemble des voies conduisant soit au sol uniquement, soit au gel avec passage intermédiaire
par l’état de sol, soit à des précipités de particules.
La connaissance des mécanismes réactionnels est utile pour la compréhension de la
cinétique chimique des réactions et la proposition d’expressions cinétiques. Il est admis que
l’hydrolyse et la condensation se déroulent par substitution nucléophile du second ordre,
85
mécanisme SN2, schématiquement représenté sur la figure 3.
H
H
O + M O X2
X1
(a)
H
O
X1
M O X2
X1 O
(b)
M
(c)
O
H
X1 O
X2
M+ O
(d)
X2
Figure 3 : Mécanisme réactionnel de Type SN2 pour les réactions d'hydrolyse et de condensation. Hydrolyse :
X1 = H et X2 = R ; Oxolation :X1 = M et X2 = H ; Alcoxolation : X1 = M et X2 = R.
Les trois étapes de l’hydrolyse sont :
1) attaque nucléophile de l’atome métallique par l’oxygène de l’eau (ab),
90
2) transfert du proton (bc),
3) évacuation du groupement formé ROH (cd).
4
Celles de la condensation sont :
1) attaque nucléophile de l’atome métallique par l’oxygène de l’alcool (ab),
2) transfert du proton (bc),
95
3) évacuation du groupement formé HOH (cd).
Lors de ce type de réaction, les alcoxydes de métaux présentent une particularité intéressante :
leur réactivité chimique vis-à-vis de l’hydrolyse et de la condensation dépend principalement de
la charge partielle sur l’atome métallique et de sa capacité à augmenter son nombre de
coordination. En effet, une faible électronégativité de l’atome métallique favorise l’attaque
100
nucléophile (étape a, figure 3). De plus, une insaturation de coordinence facilite la formation de
l’intermédiaire réactionnel (étape b, figure 3) : si n est la coordinence du métal dans l’alcoxyde,
la coordinence de l’intermédiaire dans une réaction de type SN2 sera (n + 1).
État du système en fin de réaction
105
Comme cela a déjà été mentionné auparavant, le gel n’est pas le seul produit final possible
de la synthèse par voie sol-gel. Selon les conditions physiques et chimiques dans lesquelles la
réaction se déroule, des solutions colloïdales ou des précipités peuvent être également obtenus.
Plusieurs paramètres peuvent influer sur l’état final du système tels que la concentration en
alcoxyde métallique [M], le taux d’hydrolyse H=[ H 2 O]/[M ] , le pH du système ou le taux de
110
complexation, dans le cas d’utilisation d’agents complexants* de l’alcoxyde diminuant sa
réactivité.
D’une manière générale, deux cas sont principalement constatés :
•
si la réaction d’hydrolyse est lente et la réaction de condensation rapide (milieu basique), on
obtient un gel ;
115
•
si la réaction d’hydrolyse est rapide et la réaction de condensation lente (milieu acide), on
obtient plutôt des sols et des précipités.
Notons que les réactions d’hydrolyse et de condensation des alcoxydes de métaux de transition
sous conditions neutres conduisent à la formation de sols et de précipités.
4. Temps d’induction et procédé sol-gel
120
Lors de la synthèse de matériaux par voie sol-gel, on observe un phénomène de temps de
retard ou temps d’induction. On peut envisager plusieurs méthodes pour observer ce phénomène
5
(spectrophotométrie UV-Vis, infrarouge...).
Dans les cas où il y a formation de sols ou de précipités en fin de réaction, il est possible
de mettre en évidence ce temps d'induction de façon simple : après le mélange des réactifs
125
(solutions organiques d’eau et d'alcoxyde métallique) la solution reste visiblement transparente,
pendant un certain temps (temps d'induction), puis sur une période courte par rapport à la période
d’induction elle devient turbide* (figure 4).
Turbidité, u.a.
3450000
2950000
Temps d’induction
2450000
Solution
transparente
1950000
1450000
950000
450000
Solution
turbide
-50000
0
5
10
15
20
Temps, u.a. 25
Figure 4: Mise en évidence du temps d'induction lors de la synthèse de matériaux par voie sol-gel (u.a. : unité
arbitraire).
130
Les valeurs des temps d'induction sont très variables. Elles dépendent des conditions
opératoires bien sûr (température, pression...) mais surtout des concentrations en réactifs et du
taux d'hydrolyse. Par exemple, l'expression du temps d'induction a été déterminée pour la
synthèse par voie sol-gel du dioxyde de titane à 25°C à partir de l'isopropoxyde de titane
Ti(OPri)4, où Pri est le groupement isopropyle
135
CH3
CH
CH3
: t IND=
1
6
21,6×CTi  H−1,43 
5
avec tIND (s) le temps d'induction, CTi (mol.L-1) la concentration en isopropoxyde de titane et H le
taux d'hydrolyse. Les temps d'induction sont très variables et peuvent varier de quelques
millisecondes à plusieurs heures voir plusieurs jours.
Modèle de nucléation-croissance
140
Le premier modèle, largement utilisé, tentant d’expliquer les mécanismes de formation
des sols et précipités lors de la synthèse par voie sol-gel est le modèle de nucléation-croissance
6
(figure 5). Les différentes étapes de ce modèle sont les suivantes :
•
Dans un premier temps, il y a hydrolyse des molécules d’alcoxyde métallique et accumulation
d’espèces partiellement ou complètement hydrolysées.
145
•
Quand la concentration de ces espèces dépasse un niveau de sursaturation* “critique”, la
nucléation homogène commence par réactions de condensations.
•
Les nucléi ainsi formés croissent ensuite par consommation des monomères se trouvant
encore en solution.
Dans le cadre de ce modèle, si la génération des espèces hydrolysées est assez lente par
150
rapport à la consommation de la matière par les particules qui croissent, la sursaturation diminue
rapidement et la formation de nouveaux nucléi (ou noyaux) s’arrête (courbe A de la figure 5). Il
n’y a alors plus que de la croissance et on obtient peu de particules mais avec de grandes tailles.
Par contre, si la génération des espèces hydrolysées est rapide devant la consommation de la
matière par les particules qui croissent (courbe B de la figure 5), la sursaturation reste constante
155
et la formation des nucléi continue. Il y a alors beaucoup de particules dont la taille reste petite
devant celles obtenues dans le premier cas. On remarque, que la polydispersité* des particules
dans ce deuxième cas est plus importante car le temps de début de croissance n’est pas bien
défini.
concentration
en précurseur
nucléation
croissance
Ccrit
Ceq
temps
tind(B)
tind(A)
Figure 5: Représentation schématique de l'évolution de la concentration au cours de la nucléation et de la
croissance. Ceq, concentration à l'équilibre avec des particules de taille infinie ; Ccrit, concentration de
sursaturation critique. A, nucléation quasi-instantanée ou "bouffée" de nucléi ; B, nucléation entretenue.
160
7
Ce modèle de nucléation-croissance rend compte effectivement de l’existence d’une
période d’induction avant l’observation de la précipitation. Cependant, il n’explique pas, dans sa
forme initiale, l’ensemble des résultats observés expérimentalement, surtout dans le cas des
alcoxydes de métaux de transition.
165
Problèmes liés au modèle de nucléation croissance
Plusieurs observations expérimentales contredisent le mécanisme de nucléation et de
croissance des particules lors du processus sol-gel.
Hydrolyse initiale rapide des alcoxydes de métaux de transition
170
En suivant l’évolution de la bande correspondant à la vibration caractéristique du
groupement (C-O-Ti) par spectroscopie Raman* lors de l’hydrolyse-condensation de
l’isopropoxyde de titane (Ti(OPri)4), il a été constaté que celle-ci diminuait très rapidement
(quelques secondes) après la mise en contact des réactifs puis très peu ensuite. Cela signifie que
les groupements alkyles OR, de l’alcoxyde sont remplacés très rapidement par des groupements
175
hydroxydes OH. De plus, il a été montré, en dosant l’eau en solution par la méthode de Karl
Fisher lors de la synthèse par voie sol-gel, que la quasi-totalité de l’eau nécessaire à l’hydrolyse
était consommée également très rapidement après le mélange des réactifs. La réaction
d’hydrolyse des monomères s’achève donc bien avant la fin de la période d’induction créant tout
de suite une très forte sursaturation. Il devient alors difficile d’expliquer pourquoi le système
180
présente de longs temps d’induction si la nucléation peut avoir lieu tout de suite.
Une hydrolyse rapide des alcoxydes métalliques (quelques millisecondes) lors du
processus sol-gel d’une part, et des longues périodes d’induction (qui peuvent durer plusieurs
heures selon les conditions opératoires) apparaissent contradictoires voire incompatibles.
Présence d’oligomères et de clusters moléculaires
185
Le marqueur isotopique 17O, contrairement à 16O, possède un spin non nul et peut donc
être suivi par RMN*. Ainsi, l’analyse de spectres RMN, lors de réactions d’hydrolysecondensation d’alcoxydes métalliques avec de l’eau enrichie en
17
O montre la présence
d’oligomères* et de clusters (ou agrégats) moléculaires lors de la période d’induction du
processus sol-gel.
190
Il existe donc une contradiction entre l’état monomérique du système supposé par le
modèle de nucléation-croissance pendant le temps d’induction et la mise en évidence de la
8
présence d’oligomères et de clusters moléculaires pendant cette même période. De plus, la
présence de ces structures contredit la théorie d’accumulation des monomères pendant
l’induction.
195
Modèle de croissance hiérarchique
Une étude de la réaction sol-gel entre l’eau et l’éthoxyde de titane (Ti(OC 2H5)4) a été
réalisée, avec l'addition de triol silane (SiH(OH)3) permettant d’inhiber partiellement la réaction
de condensation. On suppose que la morphologie du produit final de la réaction en fonction de la
200
concentration en triol silane peut révéler les différentes étapes de la croissance des particules.
On a constaté que, pour des concentrations croissantes en triol silane, l’état final du
système changeait : d’abord il se forme un précipité, puis un gel et enfin une solution
moléculaire. En l’absence de triol silane, la microscopie électronique à balayage fait état de
particules sphériques, presque monodisperses*, de diamètre 400 nm, avec une surface
205
relativement lisse. L’addition de 0,05 mol.L-1 de triol silane change la substructure de ces
particules de 400 nm : elles apparaissent constituées de petites particules de 70 nm, le triol silane
empêche la coalescence totale de ces particules de 70 nm en sphères lisses de 400 nm. Une
concentration de triol silane, entre 0,2 et 0,3 mol.L -1, inhibe complètement la coalescence des
particules de 70 nm : il y a formation d’un sol constitué de particules de 10 nm de diamètre.
210
Enfin, si la concentration en triol silane est supérieure à 0,3 mol.L-1, la solution reste à l’état
moléculaire. On peut supposer que cette évolution de l’état final de la matière avec la
concentration en triol silane révèle les différentes échelles de structuration des particules finales
et correspond à des étapes avec des mécanismes de croissance différents. Sur la base de cette
étude, on peut proposer un schéma du processus (figure 6).
Réactifs (espèces moléculaires)
Hydrolyse
Condensation
Nucléation
Nuclei (2-10 nm)
Assemblage
Particules primaires (50-100 nm)
Assemblage
Particules finales (300-700 nm)
Assemblage
Agglomérats (1-100 µ m)
Figure 6: Étapes de formation des particules par le modèle de croissance hiérarchique lors de la synthèse de
215
matériaux par voie sol-gel.
9
Le modèle de croissance hiérarchique proposé ci-dessus permet d’expliquer la croissance des
particules lors de la globalité du processus sol-gel. Cependant, il ne répond pas aux questions
soulevées précédemment sur le temps d’induction.
220
Modèle d’agrégations successives
Des études par diffusion de la lumière* sur la synthèse de dioxyde de titane par voie solgel ont été réalisées. La figure 7 présente les variations typiques du rayon moyen R (mesuré par
diffusion de la lumière) des particules en suspension et de l’intensité diffusée I par le milieu
réactionnel en fonction du temps normalisé t/tIND. Le temps d’induction tIND est choisi
225
arbitrairement comme celui pour lequel l’intensité de la lumière diffusée par le milieu devient
égale à cinq fois celle de départ : I IND = 5 × I 0 .
Figure 7: Évolution du rayon des particules et de l'intensité de la lumière diffusée pendant la période
d'induction de la synthèse par voie sol-gel du dioxyde.
Ces études ont mis en évidence la présence de nanoparticules (entre 2 et 4 nm de rayon) pendant
230
la période d’induction du processus. Ceci est en désaccord avec l’accumulation de monomères
10
supposée par le modèle de nucléation-croissance pendant la période d’induction mais confirme la
présence d’oligomères et de clusters moléculaires observés auparavant pendant cette même
période.
Des mesures par spectrophotométrie UV-Visible ont permis de mesurer la quantité de titane
235
présent sous forme d'oxyde à l'état solide dans le milieu pendant la période d’induction. On a
observé que, dès le mélange des réactifs, tout le titane se retrouve sous forme solide. Il n’y a plus
de molécules d’alcoxyde de titane présentes en solution dès le début du processus.
Suite à ces observations, un mécanisme réactionnel d’agrégations successives a été
240
proposé (figure 8).
nucléation
croissance lente
croissance rapide
Clusters (R < 2 nm)
Nuclei (R ≈ 2 nm)
Particules (R ≈ 4 nm)
Figure 8: Étapes de formation des particules par le modèle d'agrégations successives lors du processus sol-gel.
Dans le cadre de ce modèle (figure 7 et 8), on prévoit une étape de nucléation très rapide
(moins de 5 % du temps d'induction) consistant en une hydrolyse très rapide puis une première
245
condensation des monomères ainsi hydrolysés, juste après le mélange des solutions réactives,
formant des clusters (premiers agrégats de monomères). Ces clusters forment ensuite des nucléi
(R ≈ 2 nm) en s’agrégeant entre eux (plus de 90 % du temps d'induction). Toute la période
d’induction consiste, selon ce modèle, en des agrégations successives des nucléi jusqu’à une taille
critique des particules où on a une prise en masse rapide des agrégats (fin du temps d’induction,
250
moins de 5 % de cette période).
Ce dernier modèle permet de prendre en compte toutes les observations expérimentales et
explique l’existence du temps d’induction lors de la synthèse de matériaux par voie sol-gel.
Pendant la période d’induction, les sols nanométriques d’oxydes de titane sont très actifs
chimiquement et leur stabilité (taille des particules) est relativement grande (figure 8). De plus,
11
255
ces nanoparticules peuvent créer très facilement des liaisons chimique avec les sites actifs de
surface d’un support ce qui entraînera une grande stabilité mécanique du dépôt. Ce type de dépôt
permet de doter la surface d'un support de nouvelles propriétés en termes d'aspect, de dureté,
d'adhérence (tribologie), de résistance à la corrosion, de propriétés optiques et/ou électroniques...
Dans le cas du dioxyde de titane le dépôt de sols nanométriques, pendant la période
260
d'induction de la synthèse par voie sol-gel, permet d'obtenir un revêtement avec des propriétés
photocatalytiques pour des applications en traitement de l'eau ou traitement d'effluents gazeux
lors d'opérations de dépollution ou bien pour la mise en oeuvre de matériaux dits autonettoyants
(vitres autonettoyantes par exemple).
5. Conclusion
265
Le but de ce travail de recherche était d’expliquer le phénomène de temps d’induction
observé lors de la synthèse de matériaux par voie sol-gel. Cette étude a permis de démontrer que
le modèle classiquement utilisé pour expliquer ce phénomène n’était pas applicable au procédé
sol-gel. L’apparition de nanoparticules et la précipitation totale de tous les monomères en tout
début de processus ont permis de proposer un modèle d’agrégations successives se déroulant
270
pendant le temps d’induction du processus sol-gel.
12
Glossaire
Aérogel : Un aérogel est un matériau à très faible densité offrant une très forte macroporosité
(largeur des pores supérieure à 50 nm). Il est obtenu par des méthodes d'extraction du solvant à
partir d'un gel.
275
Agent complexant : Un agent complexant est un composé capable de former un complexe avec
un autre composé en solution.
Alcoxyde métallique : Les alcoxydes métalliques (ou alcoolates) sont des composés métalorganiques dont la formule chimique M(OR)n indique qu’ils sont issus d’une réaction directe
entre un métal M et un alcool ROH.
280
Dioxyde de titane : Le dioxyde de titane, TiO2, possède deux formes cristallines principales : la
rutile stable à température et pression ambiante et l'anatase métastable (stable cinétiquement,
mais pas thermodynamiquement). Ce matériau est très stable chimiquement grâce à de très fortes
liaisons entre les cations Ti4+, tétravalents, et les anions O2-, bivalents. Sa principale utilisation est
due à ses propriétés pigmentaires : il réfléchit 96% de la lumière visible ce qui donne à l'oeil
285
humain l'impression de couleur blanche. Le caractère semi-conducteur de la forme anatase
confère au dioxyde de titane de très bonnes propriétés photocatalytiques.
Céramiques : Un matériau céramique est un matériau inorganique non métallique qui a nécessité
pour sa formation, un traitement en pression et/ou en température. Les céramiques possèdent une
structure cristalline ou partiellement cristalline.
290
Granulométrie par diffusion de la lumière : Toute particule immergée dans un fluide n’est
soumise à aucune autre interaction que des chocs avec les molécules du fluide environnant. Il en
résulte un mouvement aléatoire de la particule et la vitesse de déplacement de cette particule est
inversement proportionnelle à sa taille. Tout objet soumis à un rayonnement lumineux diffuse la
lumière dans toutes les directions de l’espace. La technique de mesure granulométrique par
295
diffusion de la lumière est basée sur l’effet Doppler. En effet, si l’on soumet une suspension de
particule à un faisceau laser monochromatique (λ), les particules présentes dans le volume de
diffusion qui se rapprochent du point d’observation diffusent la lumière avec λ’ < λ et au
contraire, celles qui s’en éloignent diffusent la lumière à une longueur d’onde λ” > λ. La
diffusion par l’ensemble des particules résulte en l’élargissement continu du spectre diffusé. Cette
300
élargissement est lié mathématiquement à la vitesse de déplacement des particules en suspension
13
(due au mouvement brownien) et donc à la taille de ces particules.
Monodispersité : On parle de suspension monodisperse de particules lorsqu'il n'y a pas de
dispersion de la taille, c'est-à-dire lorsque toutes les particules ont la même taille.
Nanomatériau : Un nanomatériau est un matériau composé ou constitué de nano-objets (leur
305
taille est comprise entre 1 et 100 nm) qui présentent des propriétés spécifiques de l’échelle
nanométrique. Ces nano-objets peuvent se présenter sous la forme de particules, de fibres ou
tubes, de couches minces ou de constituants structurels.
Oligomère : Un oligomère est une molécule constituée d’un nombre fini de monomères, au
contraire d’un polymère constitué en principe d’une infinité de monomères (en tout cas d’un
310
nombre très important).
Polydispersité : La polydispersité d'une suspension de particules représente la distribution de
taille de cette population de particules.
Spectroscopie Raman : La spectroscopie Raman est une méthode permettant de caractériser la
composition et la structure d'un matériau. Comme la spectroscopie infrarouge, dont elle est
315
complémentaire, elle est basée sur l'analyse des émissions dues à la vibration des liaisons
chimiques soumises à une irradiation laser. On peut schématiser à l'extrême en disant que le
faisceau laser va provoquer une forte augmentation de l'énergie dans les liaisons entre atomes et
que pour éliminer cette énergie les liaisons vont réémettre des ondes dont la fréquence sera
directement reliée à : la nature de la liaison chimique, le type de mouvement de la liaison,
320
l'anisotropie éventuelle du matériau, l'environnement direct.
Spectroscopie RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) : La spectroscopie RMN est fondée
sur la mesure de l’absorption de la radiation de radiofréquence (RF) par un noyau atomique dans
un champ magnétique fort. Après avoir absorbé l’énergie, les noyaux atomiques réémettront une
radiation RF et retourneront à leur état initial de moindre niveau d’énergie. L’environnement
325
local autour d’un noyau donné dans une molécule a tendance à légèrement perturber le champ
magnétique local exercé sur ce noyau et donc à affecter son énergie de transition exacte. Cette
dépendance de l’énergie de transition vis-à-vis de la position d’un atome particulier dans une
molécule rend la RMN extrêmement utile pour la détermination de la structure des molécules.
Sursaturation : C est la concentration d’un composé en solution et C* est la concentration de ce
330
même composé à saturation, c'est-à-dire sa solubilité. On est en état de sursaturation quand la
concentration C est supérieure à la solubilité du composé. La sursaturation peut être définie
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comme la différence C – C*.
Suspension de colloïdes : une suspension de colloïdes est un fluide qui contient en suspension
des particules solides suffisamment petites (jusqu’à quelques centaines de nanomètres) pour que
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le mélange soit homogène.
Turbidité : La turbidité désigne l'état d'opacité d’un fluide à la lumière. Elle est causée par des
particules en suspension qui absorbent, diffusent et/ou réfléchissent la lumière.
Verre : Le mot verre désigne un matériau solide amorphe (non cristallin). Un composé amorphe
est un composé dans lequel les atomes ne respectent aucun ordre à moyenne et grande distance,
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ce qui le distingue des composés cristallisés.
Voie sol-gel : La synthèse de matériaux par voie sol-gel est une voie de synthèse dite de chimie
douce. Elle permet, à partir de solutions, de préparer des matériaux solides avec des conditions de
température et de pression relativement douces. Il est ainsi possible de préparer divers types de
matériaux (poudres, monolithes, films...) pour différentes sortes d'applications (catalyse,
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céramique, films protecteurs...).
Xérogel :Un xérogel est un matériau offrant une très forte porosité constituée de micro (largeur
inférieure à 2 nm) et de mésopores (largeur comprise entre 2 et 50 nm). Il est obtenu par simple
évaporation du solvant d'un gel à l'air.
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Annexe : Structure électronique des matériaux
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Dans un solide cristallin, les électrons occupent des états quantiques. Chacun de ces états
est caractérisé par une énergie et l'ensemble des énergies accessibles par les électrons est appelé
le spectre. Pour tous les solides cristallins ce spectre est constitué de plusieurs bandes d'énergies
accessibles et séparées par des bandes interdites.
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Conformément au principe d'exclusion de Pauli, les électrons d'un cristal se répartissent
sur des états quantiques distincts. A basse température et à température ambiante, tous les états de
basse énergie sont occupés; les bandes se remplissent ainsi par niveaux d'énergies croissants. Les
états de plus basse énergie correspondent aux niveaux atomiques des électrons, qui restent
localisés autour de chaque atome. Des états de plus haute énergie sont affectés par la présence des
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autres atomes, et les électrons contribuant à la cohésion locale du cristal (entre atomes voisins)
ont une énergie dans une bande appelée bande de valence.
Les états d'énergie supérieure sont délocalisés et appartiennent à la bande de conduction.
Les électrons occupant cette bande sont appelés électrons de conduction, ou électrons libres.
La différence d'énergie entre la bande de conduction et la bande de valence est appelée le bande
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interdite Eg du matériau. Si cet intervalle est très important, aucun électron ne peuple la bande de
conduction : le matériau est isolant. A l'inverse, si ce dernier est nul, des électrons peuvent
circuler librement dans le cristal : le solide est conducteur.
D'un autre côté, si la valeur de la bande interdite est faible (de l'ordre de quelques eV), un
électron peut facilement, s’il est excité (chaleur, rayonnement lumineux…), passer de la bande de
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valence à la bande de conduction : le matériau est dit semi-conducteur.
Schéma théorique établi selon la théorie des bandes d'énergie indiquant
suivant les cas la position respective de la bande de valence et de la bande
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d'énergie.
a) Métal ; b) Isolant ; c) Semi-conducteur ; y) Énergie.
La valeur Ef s'appelle Énergie de Fermi et correspond à l'énergie limite qui
sépare, au zéro absolu, les niveaux occupés des niveaux vides. Cette énergie
est caractéristique du matériau.
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