01_L_39_Amant_Tenebreux_ - e
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J.R.Ward Laconfrériedeladaguenoire1 L’amant Ténébreux Traduitdel’anglais(États-Unis) parLaurenceRichard [Rev2,20/06/2012] Milady Àtoi,avectoutemonadmirationetmonamour. Merciàtoidem’avoirtrouvée. Etdem’avoirmontrélechemin. Chemind’unevieentière,lemeilleurquej’auraispuemprunter. LEXIQUEDESTERMES ETDESNOMSPROPRES Chaleurs : période de fertilité des vampires femelles, d’une durée moyenne de deux jours, accompagnéed’intensespulsionssexuelles.Enrèglegénérale,leschaleurssurviennentenvironcinq ansaprèslatransitiond’unvampirefemelle,puisunefoistouslesdixans.Touslesvampiresmâles sontréceptifsàdesdegrésdifférentss’ilssetrouventàproximitéd’unvampirefemellependantcette période, qui peut s’avérer dangereuse, caractérisée par des conflits et des combats entre des mâles rivaux,surtoutsilevampirefemellen’apasdecompagnonattitré. Confrérie de la dague noire : organisation de guerriers vampires très entraînés chargés de protéger leur espèce de la Société des éradiqueurs. Des unions sélectives au sein de la race ont conféréauxmembresdelaConfrérieuneforcephysiqueetmentalehorsducommun,ainsiquedes capacités de guérison rapide. Pour la plupart, les membres de cette Confrérie n’ont aucun lien de parentéetsontadmisdanslaConfrérieparcooptation.Agressifs,indépendantsetsecretsparnature, ilsviventàl’écartdescivilsetn’entretiennentquepeudecontactsaveclesmembresdesautrescastes, saufquandilsdoiventsenourrir.Ilsfontl’objetdenombreuseslégendesetd’unevénérationdansla société des vampires. Seules des blessures très graves – balle ou coup de pieu dans le cœur, par exemple–peuventleurôterlavie. Doggen:danslemondedesvampires,membredelacastedesserviteurs.Lesdoggenobéissentà des pratiques anciennes et suivent un code d’habillement et de conduite extrêmement formel. Ils peuvents’exposeràlalumièredujour,maisvieillissentrelativementvite.Leurespérancedevieest d’environcinqcentsans. Élues:vampiresfemellesauservicedelaViergescribe.Ellessontconsidéréescommemembres del’aristocratie,maisleurorientationestcependantplusspirituellequetemporelle.Ellesontpeu,si cen’estaucune,interactionaveclesmâles,maispeuvents’accoupleràdesguerriersàlasoldedela Vierge scribe pour assurer leur descendance. Elles possèdent des capacités de divination. Dans le passé, elles avaient pour mission de satisfaire les besoins en sang des membres célibataires de la Confrérie,maiscettepratiqueesttombéeendésuétudeauseindel’organisation. Éradiqueur:êtrehumaindépourvud’âme,membredelaSociétédeséradiqueurs,dontlamission consisteàexterminerlesvampires.Seuluncoupdepoignardenpleinepoitrinepermetdelestuer; sinon,ilssontintemporels.Ilsn’ontnulbesoindes’alimenternideboireetsontimpuissants.Avecle temps,leurscheveux,leurpeauetleursirisperdentleurpigmentation:leséradiqueursblondissent, pâlissentetleursyeuxs’éclaircissent.Ilsdégagentuneodeurdetalcpourbébé.Initiésauseindela Société par l’Oméga, les éradiqueurs conservent dans une jarre de céramique leur cœur après que celui-cileuraétéôté. Esclavedesang:vampiremâleoufemelleassujettiàunautrevampirepoursesbesoinsensang. Tombéeendésuétude,cettepratiquen’acependantpasétéproscrite. L’Estompe:dimensionintemporelleoùlesmortsretrouventleursêtreschersetpassentl’éternité. Hellren : vampire mâle en couple avec un vampire femelle. Les vampires mâles peuvent avoir plusieurscompagnes. Honoris:riteaccordéparunoffenseurpermettantàunoffensédelaversonhonneur.Lorsqu’il estaccepté,l’offenséchoisitl’armeetfrappel’offenseur,quiseprésenteàluidésarmé. Leelane:termeaffectueuxsignifiant«tendreaimé(e)». Oméga:forcemystiqueetmalveillantecherchantàexterminerl’espècedesvampiresparrancune contre la Vierge scribe. Existe dans une dimension intemporelle et jouit de pouvoirs extrêmement puissants,maispasdeceluidecréation. Premièrefamille:roietreinedesvampires,ainsiqueleurdescendanceéventuelle. Princeps:rangleplusélevédel’aristocratievampire,aprèslesmembresdelaPremièrefamille oulesÉluesdelaViergescribe.Letitreesthéréditaireetnepeutêtreconféré. Pyrocante:pointfaibled’unindividu;sontalond’Achille.Ilpeuts’agird’unefaiblesseinterne, uneaddictionparexemple,ouexterne,commeun(e)amant(e). Shellane : vampire femelle compagne d’un vampire mâle. En règle générale, les vampires femelles n’ont qu’un seul compagnon, en raison du caractère extrêmement possessif des vampires mâles. Société des éradiqueurs : organisation de tueurs à la solde de l’Oméga, dont l’objectif est d’éradiquerlesvampiresentantqu’espèce. LeTombeau:caveausacrédelaConfrériedeladaguenoire.Utilisécommelieudecérémonieet comme lieu de stockage des jarres de céramique des éradiqueurs. Dans le Tombeau se déroulent diverses cérémonies, dont les initiations, les enterrements et les mesures disciplinaires prises à l’encontre des membres de la Confrérie. L’accès au Tombeau est réservé aux membres de la Confrérie,àlaViergescribeetauxfutursinitiés. Transition : moment critique de la vie d’un vampire mâle ou femelle lorsqu’il devient adulte. Passécetévénement,levampiredoitboirelesangd’unêtrehumaindusexeopposépoursurvivreet nepeutpluss’exposeràlalumièredujour.Latransitionsurvientgénéralementversl’âgedevingtcinqans.Certainsvampiresn’ysurviventpas,notammentlesvampiresmâles.Avantleurtransition, lesvampiresn’ontaucuneforcephysique,n’ontpasatteintlamaturitésexuelleetsontincapablesde sedématérialiser. Vampire:membred’uneespècedistinctedecelledel’Homosapiens.Poursurvivre,lesvampires doiventboirelesangdusexeopposé.Lesanghumainleurpermetdesurvivre,bienquelaforceainsi conférée soit de courte durée. Après leur transition, qui survient vers l’âge de vingt-cinq ans, les vampiresnepeuventpluss’exposeràlalumièredujouretdoivents’abreuverdesangàintervalles réguliers. Ils ne sont pas capables de transformer les êtres humains en vampires après morsure ou transmission de sang, mais, dans certains cas rares, peuvent se reproduire avec eux. Ils peuvent se dématérialiseràvolonté,àconditiontoutefoisdefairepreuvedecalmeetdeconcentration;ilsne peuvent pendant cette opération transporter avec eux d’objets lourds. Ils ont la faculté d’effacer les souvenirsrécentsdesêtreshumains.Certainsvampirespossèdentcelledeliredanslespensées.Leur espérancedevieestd’environmilleansouplusdanscertainscas. Viergescribe:forcemystiqueœuvrantcommeconseillerduroi,gardiennedesarchivesvampires etpourvoyeusedeprivilèges.Existedansunedimensionintemporelle.Sespouvoirssontimmenses. Capabled’ununiqueactedecréation,auquelellerecourutpourconférerauxvampiresleurexistence. CHAPITREPREMIER Audazsparcourutleclubduregard,englobantdanssonchampdevisionlescorpsàdeminusqui grouillaient sur la piste de danse. Ce soir-là, le Screamer’s était bondé : femmes vêtues de cuir, hommesàl’alluredelicenciésèscrimesviolents. Audazsetl’hommequil’accompagnaitsefondaientdansledécor. Saufqu’eux-mêmesétaientdevraistueurs. —Alorstuvasvraimentlefaire?demandaTohrment.Audazscroisaleregarddel’autrevampire par-dessuslatablebasse. —Ouais.Jevaislefaire. Tout en sirotant son scotch, Tohrment lui adressa un sourire sinistre qui dévoila seulement l’extrémitédesescanines. —T’esdingue,D. —Tulesavaisdéjà! Tohrmentlevasonverreensignederespect. — Mais tu places la barre sacrément haut. Il y a cette fille innocente qu’a rien demandé et qui imaginemêmepasl’enferquil’attend,ettuveuxconfiersatransitionàunmeccommeKolher.C’est tordu. —Iln’estpasmauvais.Endépitdesonallure.(Audazsterminasabière.)Etfaispreuved’unpeu plusderespect! —Durespect,monpote,j’enaipourlui.Maisc’estpasunebonneidée. —J’aibesoindelui. —T’essûr? Une femme vêtue d’une microjupe, d’un bustier orné de chaînes et de cuissardes s’approcha nonchalammentdeleurtable.Sesyeuxbrillaientderrièreunetonnedemascara;elleavançaitcomme sisonbassinétaitdésarticulé. Audazsluifitsignedepassersonchemin.Iln’étaitpasbranchésexe,cesoir-là. —Tohr,c’estmafille. —C’estunesang-mêlé,D.Ettusaiscequ’ilpensedeshumains.(Tohrmentsecoualatête.)Mon arrière-arrière-grand-mèreenétaitune,etjelaramènepasdevantlui. D’unsignedelamain,Audazsattiral’attentiondelaserveuseetpointadudoigtlabouteillevide etleverrepresqueterminédeTohrment. — Il est hors de question que je laisse mourir un autre de mes enfants. Pas s’il existe une possibilitédesauvermafille.Etdetoutefaçon,personnenesaitsicechangementvaintervenir.Elle pourraittoutaussibienmenerunevieheureuse,encontinuantàtoutignorerdesonhérédité.C’est déjàarrivé. Ilespéraitquesafilleseraitépargnée.Carsilatransitionsurvenait,sielleysurvivaitetpassaitde l’autrecôtécommevampire,elleseraitpourchasséecommeeuxtous. —Audazs,sijamaisilaccepte,ceserapardevoirenverstoi.Pasparcequ’illeveut. —Dumomentqu’illefait,çameva. —Maiselle,t’ypenses?Ilestaussitendrequ’unfusilàcanonscié,etcettepremièrefoispeut êtreassezhard,mêmequandonyestpréparé.C’estpaslecasdetafille. —J’ail’intentiondeluiparler. —Ettuvoisçacomment?Tuvastepointerdevantelleetluidire:«Salut.Tum’asjamaisvu, maisjesuistonpère.Ettusaisquoi?Tuviensderemporterlepremierprixàlagrandeloteriede l’évolution:tuesunvampire.Eh,çatediraituneviréeàDisneyland?» —Tucrains,tusaisça? Tohrmentsepenchaenavant,inclinantsesépaulesmassivessouslelourdcuirnoir. —Tusaisquetupeuxcomptersurmoi.Jecroisjustequetudevraisbienyréfléchir.(Unlong silences’installa.)Peut-êtrequejepourraism’encharger. Audazsluijetaunregarddur. —Ettutevoisrentrercheztoiaprès?Wellsiet’enfonceraitunpieudanslecœur,monami,ette laisseraitréduireenpoussièreausoleil. Tohrmentgrimaça. —Bienvu. —Etensuiteelles’enprendraitàmoi. Lesdeuxmâleshaussèrentlesépaules. —Enplus…(Audazssecaladanssonsiègeletempsquelaserveuseposeleursverres.Ilattendit qu’elle parte, en dépit du rap hardcore dont le volume assourdissant emplissait le club.)… nous vivonsuneépoquedangereuse.Siquelquechosedevaitm’arriver… —Jeprendraissoind’elle. —Jelesais,ditAudazsentapotantl’épauledesonami. —MaisKolherestlemeilleur. Sesproposnecontenaientaucunepointedejalousie.Tohrmenténonçaitunsimpleconstat. —Ilestuniqueensongenre,ajoutaAudazs. —EtDieumerci!répliquaTohrmentavecundemi-sourire. Cet avis, du reste, était partagé par l’ensemble de la Confrérie, cercle fermé de valeureux guerriers qui combattaient ensemble pour une même cause. Kolher devenait enragé dès qu’il s’agissaitdevengeance;ilpourchassaitlesennemisdelaConfrérieavecuneobsessionquifrisaitla démence.Dernierdesalignée,ilétaitaussilederniervampiredepureracesurlaplanète.Alorsqu’il étaitvénérécommeunroiparceuxdesonespèce,sonrangneluiinspiraitquedudédain. IlétaittragiquequeKolherconstituelameilleurechancedesurviepourlafilledesang-mêléde Audazs.LesangdeKolher,sifort,sipur,augmenteraitleschancesdelajeunefilledesurvivreàla transition si celle-ci survenait. Mais Tohrment n’était pas à côté de la plaque : un tel arrangement revenaitàlivreruneviergeàunebrutesanguinaire. Soudain la foule s’écarta ; les gens se bousculaient pour faire place à quelqu’un. Ou à quelque chose. —Merde,levoilà,murmuraTohrment.(Ilvidasonscotchd’unetraite.)Leprendspasmal,mon frère,maisj’aimeautantmetirer.Jetienspasàassisteràlaconversation. Audazs observa la marée humaine s’ouvrir pour laisser passer une silhouette sombre et imposantequidominaitlafouledetoutesahauteur.Lafuiteconstituaitunbonréflexedesurvie. Kolheravançait,deuxmètresdixdeterreurpurevêtusdecuir.Seslongscheveuxnoirstombaient en cascade d’une implantation en V sur le front. Des lunettes de soleil panoramiques cachaient ses yeuxquenuln’avaitjamaisvus.Sesépaulesétaientdeuxfoisplusmassivesquecellesdelaplupart deshommes.Avecsonvisageauxtraitsracésetbrutaux,ilavaittoutduroiqu’ilétaitparnaissanceet dusoldatqu’ilétaitdevenuparlaforcedudestin. Laviolencequiémanaitdeluiconstituaituneputaindecartedevisite. Lorsquelavaguedehaineglacialel’atteignit,Audazslevasonverredebièrefraîcheetbutune longuegorgée.Ilespéraitdetoutcœurfairecequ’ilfallait. Beth Randall leva la tête lorsque son rédacteur en chef appuya son bassin contre son bureau et plongeasonregarddansl’échancruredesonchemisier. —Tufaisencorenocturne,murmura-t-il. —Salut,Dick. Tu ne devrais pas rentrer chez toi auprès de ta femme et de tes deux gosses ? ajouta-t-elle mentalement. —T’essurquoi? —UnarticledeTony. — Tu sais, il y a d’autres façons de m’impressionner. Ouais, elle n’avait aucun mal à se l’imaginer. —T’aslumone-mail,Dick?Jesuispasséeaupostedepolicecetaprès-mididiscuteravecJosé et Ricky. Ils sont convaincus qu’un revendeur d’armes vient d’arriver en ville. Ils ont trouvé deux Magnummodifiéssurdesdealers. Dicks’avançapourluiadministrerunetapesurl’épaulequisemuaencaresseaumomentoùil retiraitsamain. — Contente-toi de corriger l’article et laisse les vrais mecs se charger des crimes violents. Ça seraitdommagequ’ilarrivequelquechoseàunsijolivisage. Ilsourit,lesyeuxmi-clos;sonregards’attardasurleslèvresdeBeth. Trois ans déjà que durait ce petit manège, songea-t-elle. Depuis le moment où elle avait commencéàtravaillerpourlui. Unsacenpapier.Elledevraits’encouvrirlevisagechaquefoisqu’elleluiparlait.Avec,scotchée dessus,laphotodeMmeDick. —Tuveuxquejetedéposecheztoi?demanda-t-il.Lejouroùlespoulesaurontdesdents,espèce d’obsédé. —Nonmerci. Bethseretournaverssonécrand’ordinateurenespérantqu’ilsaisiraitl’allusion. Il finit par partir, probablement pour échouer au bar d’en face, où la plupart des journalistes faisaientescaleavantderentrer.Caldwell,dansl’ÉtatdeNewYork,neconstituaitpasàproprement parler une mine d’occasions pour les journalistes, mais les « vrais mecs » de l’équipe de Dick aimaientàjouerlesgrandsreportersaveclepoidsdumondesurleursépaules.Ilsselajouaientchez Charlie et parlaient de leur avenir glorieux, quand ils travailleraient pour des journaux plus importants. Pour la plupart, ils ressemblaient à Dick : des hommes d’âge moyen, passe-partout, compétents mais loin d’être exceptionnels dans leur boulot. Caldwell était une ville suffisamment grandeetprochedeNewYorkpouravoirsonlotdecrimesviolents,dedescentesdepolicechezles dealersetdeprostitution:lesjournalistesnechômaientpas.MaisleCaldwellCourierJournaln’était pasleNewYorkTimes,etjamaisaucund’euxneseverraitdécernerleprixPulitzer. Triste,àbienysonger. Ouais,maistuferaismieuxdeteregarderdanslemiroir,songeaBeth. Elle n’était qu’une journaliste de terrain, qui n’avait même jamais collaboré avec un journal national.Àlacinquantaine,àmoinsquesavieaitchangéd’icilà,elletravailleraitdansuneagencede presseàcorrigerlespetitesannoncesensesouvenantdesagloirepasséeauCCJ. ElletenditlamainverslesachetdeM&M’sposéàproximité.Cesatanépaquetétaitvide.Encore. Elleferaitmieuxderentrerchezelle.Ets’arrêterencheminauchinois. Ensortantdelarédaction,unopenspacediviséencubesauxmincescloisonsgrises,elletomba surlaréservedemarshmallowsdesonpoteTony.Tonyboulottaitàlongueurdejournée.Àsesyeux n’existaient ni petit déjeuner, ni déjeuner, ni dîner. L’alimentation équivalait pour lui à une proposition binaire. S’il était éveillé, il enfournait quelque chose dans sa bouche et, pour tenir le rythme,ilavaitfaitdesonbureauunantrededépravationcalorique. Elle ouvrit le sachet, n’en revenant pas elle-même de se jeter sur cette guimauve chimique, éteignit la lumière et descendit l’escalier qui débouchait dans Trade Street. Dehors, la chaleur de juillet formait une barrière physique entre son appartement et elle. Douze rues de chaleur moite et étouffante.Heureusement,letraiteurchinois,àmi-chemin,étaitclimatisé.Avecunpeudechance,ily auraitdumonde,cesoir,etellepourraitprofiterdelafraîcheurbienvenueenattendantsontour. Lesmarshmallowsavalés,elleouvritsonportable,appuyasurlatouche«raccourci»etpassasa commandedebœufauxbrocolis.Ellesemitenmarchedanscepaysageurbainfamilieretglauque. CetteportiondeTradeStreetsepartageaitentrebars,clubsdestrip-teaseetboutiquesdetatoueurs.Le traiteurchinoisetleselftex-mexconstituaientlesdeuxseulsrestaurants.Lesautresimmeubles,qui danslesannées1920florissantesavaientaccueillidesbureaux,étaientdésertésdepuislongtemps.Elle connaissait la moindre fissure du trottoir et pouvait prédire l’alternance des feux de circulation. Quantauxsonsmêlésquiluiparvenaientparlesfenêtresetlesportesouvertes,ilsn’offraientplus depuislongtempslamoindresurprise. AmbiancebluesauMcGrider’s;delatechnohurlaitparlaportevitréeduZeroSum;auRuben’s, lasonodukaraokéétaitàfond.Cesbars,pourlaplupart,n’étaientpasmalfamés,maisilyenavaitun oudeuxqu’elles’abstenaitdefréquenter.Screamer’s,notamment,avecsafauneassezflippante.Pour rienaumondeellen’enauraitpassélaportesansescortepolicière. Elle prit conscience du chemin qui lui restait à parcourir jusqu’au traiteur chinois et se sentit submergéeparunevagued’épuisement.Bonsang,quellemoiteur!L’airétaitsilourdqu’elleavait l’impressionderespirerdel’eau. Ellepressentaitcependantquesonépuisementn’étaitpasàmettreuniquementsurlecomptedela canicule.Depuisdessemaines,ellesesentaitfatiguéeetsavaitqu’elleflirtaitavecladépression.Son boulotnerimaitàrien.Ellesefichaitdel’endroitoùellevivait.Elleavaitpeud’amis,pasd’amantet aucuneperspectivederelationamoureuse.Quandelleseprojetaitdansdixans,toujoursàCaldwell entouréedeDicketdes«vraismecs»,elleimaginaitinvariablementlemêmequotidien:selever, allerbosser,essayerdechangerleschoses,échouer,rentrerseulechezelle. Peut-être avait-elle besoin d’un break. Quitter Caldwell. Le CCJ. Sa famille électronique composée du réveil, du téléphone trônant sur son bureau et de la télé qui, la nuit, éloignait les mauvaisrêves. Seulelaforcedel’habitudelafaisaitresterdanscetteville.Depuisdesannées,elleavaitcessétout contact avec sa famille d’accueil ; elle ne leur manquerait pas. En outre, ses quelques rares amis étaientprisparleurviedefamille. Ellegrimaçalorsqu’elleentenditqu’onlasifflait.C’étaitl’inconvénientdetravailleràproximité desbars:ontombaitparfoissurdesabrutis. Puiscefurentlesinterpellationsdirecteset,bientôt,deuxtypestraversèrentlarueencourantpuis lui emboîtèrent le pas. Elle regarda autour d’elle. Elle s’était éloignée des bars et avait gagné la portion de l’artère occupée par les immeubles vacants qui la séparait des restaurants. La nuit était épaisseetsombre,déchiréeparlalueurdesréverbèresetlespharesdesraresvéhiculeslongeantla rue. —T’asdebeauxcheveuxnoirs,ditleplusgrandlorsqu’ilarrivaàsahauteur.Jepeuxtoucher? Beth n’était pas stupide au point de s’arrêter. Les jeunes ressemblaient à des petits branleurs d’étudiants–end’autrestermes,ilsallaientjustelafairechier–,maisBethpréféraitnepascourirde risques.Enoutre,leChinoisn’étaitplusqu’àcinqruesdelà. Néanmoins,elleportalamainàsonsacpourcherchersabombelacrymogène. —Tuveuxqu’ontedépose?demandaleplusgrand.Mavoitureesttoutprès.Sérieux,situvenais avecnous?Onpourraitfaireunpetittour. Ilsouritetadressaunclind’œilàsonpote,commes’ilcroyaitquesonbaratinallaitsuffire.Son poteéclataderireetseplaçadevantBeth,sescheveuxfinsetblondsflottantautourdelui. —Ouais,onaqu’àladéposer,déclaraleblond.Oùétaitsafoutuebombelacrymo? Legrandavançalamainetluitouchalescheveux.Elleleregardadroitdanslesyeux.Avecson poloetsonbermudaencoton,ilavaittoutdubeaugosseàfairedesravagessurlescampus.Unpur produitaméricain. Lorsqu’illuisourit,elleaccéléralepasendirectiondel’enseignefaiblementéclairéedutraiteur chinois.Ellepriaitpourcroiserd’autrespassants,maislacaniculeavaitfaitfuirlespiétons.Larue étaitdéserte. —C’estquoitonpetitnom?demandal’Américainpurjus. LecœurdeBethfitunbonddanssapoitrine.Sabombelacrymoétaitdanssonautresac. Quatreruesencore. —Jepeuxpeut-êtret’entrouverun.Voyons…Quedis-tude«machatte»? Leblondricana. Elledéglutitetsortitsonportable,aucasoùelleauraitbesoind’appelerlapolice. Restecalme.Tiensbon. Elle imagina le bien-être qu’allait lui procurer l’air climatisé du traiteur chinois lorsqu’elle entrerait dans le restaurant. Peut-être même qu’elle prendrait un taxi pour rentrer, histoire d’éviter d’êtreharceléesurlecheminduretour. —Allez,machatte,déclaral’Américainpurjus.Jesuissûrquejeteplais. Plusquetroisrues… Aumomentoùelledescenditdutrottoirpourtraverserdansla10e, il l’attrapa par la taille. Ses pieds quittèrent le sol. Il la tira en arrière, couvrant sa bouche de sa grosse main. Elle se débattit commeuneforcenée,assenantcoupsdepoingetcoupsdepied,etréussitàluicollersonpoingdans lafigure.Ilrelâchasonemprise.Elleenprofitapoursedégagerets’enfuiràtoutesjambes,sestalons frappantlepavéavecforce,lesoufflecourtemprisonnédanssapoitrine.UnevoiturepassasurTrade Street;ellehurlaàl’aidelorsqu’elleaperçutlesphares. Maisilréussitàlarattraper. — Je veux t’entendre me supplier, salope, lui murmura à l’oreille l’Américain pur jus. Il l’étranglait et la tirait si fort par le cou qu’elle crut que celui-ci allait se rompre, puis il l’entraîna dans un coin sombre. Elle sentait la sueur de son assaillant et l’after-shave d’étudiant dont il s’était aspergé;lerireaigudel’autreadolescentluiparvenaitauxoreilles. Uneruelle.Ilsl’entraînaientdansuneruelle. Sonestomacsesoulevaetdelabileluiremontadanslagorge.Ellesedébattitpourtenterdese libérer.Lapaniquedécuplaitsesforces.Maisellenefaisaitpaslepoids. Illapoussaderrièreunebenneàorduresetcollasoncorpscontrelesien.Elleluiassenauncoup decoudedanslescôtesetredoubladevigueur. —Bordel,maistiens-luilesmains! D’unvigoureuxcoupdetalon,elleatteignitleblondautibia,maisilréussitàl’agripperparles poignets,qu’illuimaintintau-dessusdelatête. —Tuvasvoir,salope,tuvasadorerça,grognal’Américainpurjus.Iltentaitdeluiécarterles cuissesaveclegenou. Ill’écrasacontrelemurenbriquesetl’immobilisaenlatenantparlagorge.Maisilavaitbesoin desonautremainpourdéchirersonchemisier.Dèsqu’ilretiralamaindelabouchedeBeth,celle-ci semitàhurler.Illagiflaavecviolence.Ellesentitsalèvresefendre;dusanginondasaboucheet unedouleuratrocelasubmergea. —Tumerefaisencoreçaetjetecoupelalangue.(Lesyeuxdel’Américainpurjusétincelaient derageetdedésirmêlésquandildévoilaladentelleblanchedesonsoutien-gorgepourdénuderses seins.)Tusaisquoi?Jecroisquejeleferaidetoutefaçon. — Hé, ils sont vrais ? lui demanda le blond, avec l’idée saugrenue qu’elle allait peut-être lui répondre. Soncopainlasaisitviolemmentparunseinettiradessusavecforce.Bethgrimaçadedouleuret les larmes lui brouillèrent la vue. Ou peut-être que sa vue se troublait parce qu’elle était en hyperventilation. L’Américainpurjuséclataderire. —Ouais,jecroisqu’ilssontvrais.Maistupourrasjugerpartoi-mêmequandj’enauraifiniavec elle. En entendant le ricanement du blond, un instinct venu du tréfonds de son cerveau se réveilla, refusantdelaisserleschosesarriver.Elles’efforçadecesserdelutteretrepensaàsescoursdeselfdéfense.Àl’exceptiondesarespiration,haletante,toutsoncorpssecalma.L’Américainpurjusmit unpeudetempsàs’enrendrecompte. —Tudeviensraisonnable?demanda-t-il,soupçonneux.Elleacquiesçalentement. —Bien.(Ils’appuyacontreelle,sonsouffleluiemplissantlesnarines.Elleluttacontrelehaut-lecœurquilasaisitlorsquelerelentinfectdecigarettesetdebièremêléesluiparvint.)Maissitucries encore,jeteplante.Pigé? Denouveau,elleacquiesça. —Lâche-la. Enricanant,leblondluilâchalespoignetsetsedéplaçacommes’ilcherchaitlemeilleurangle pourobserverlespectacle. Lesmainsdel’Américainpurjus,rugueusessursapeau,lacaressaient.Ellepritsurellepourne pasvomirlesmarshmallowsdeTony,luttantcontrelanausée.Lasensationdesmainsdel’Américain purjussursesseinsluifaisaithorreur,maiselleavançalamainverslabraguettedesonpantalon.La pression autour de sa gorge l’empêchait toujours de respirer, mais, au moment où elle toucha ses bijouxdefamille,ilgrognadeplaisiretrelâchalapression. D’unmouvementvigoureuxdelamain,elleluisaisitlescouillesetlestorditdetoutessesforces. Alorsqu’ils’effondraitàterre,elleluiassenauncoupdegenoudanslenez.Enproieàunedécharge d’adrénaline, elle espéra pendant une fraction de seconde que l’autre allait l’attaquer au lieu de la regarderd’unairstupide. —Allez-vousfairefoutre!leurhurla-t-elle. Beths’enfuitàtoutesjambes,lesmainsserréesautourdel’échancruredesonchemisierdéchiré, etnes’arrêtaqu’unefoisarrivéedevantlaportedesonimmeuble.Sesmainstremblaienttellement qu’elleparvintàpeineàintroduirelaclédanslaserrure.Cen’estqu’unefoisdevantlemiroirdela salledebainsqu’ellepritconsciencedeslarmesquiluiinondaientlevisage. ButchO’Neallevalesyeuxlorsquelaradiodesonvéhiculedepolicebanalisésemitàcrachoter. Unevictimedesexemasculin,encoreenvie,venaitd’êtredécouvertedansuneruelleàproximité. Butch jeta un coup d’œil à sa montre. Il était un peu plus de 22 heures ; autrement dit, les réjouissances venaient à peine de commencer. En ce vendredi soir de début juillet, ces blancs-becs d’étudiantssedisputaientlesJOdelastupidité.Ilimaginaquelavictimeavaitétéagresséeouqu’elle avaitreçuuneraclée. Lasecondeoptionavaitsapréférence. Butch attrapa le combiné et informa le central qu’il se rendait sur les lieux, bien qu’il soit inspecteur de la criminelle et non flic de terrain. Il travaillait sur deux enquêtes, un corps repêché dans l’Hudson et un accident avec délit de fuite, mais il pouvait bien caser autre chose. Il préférait passerleplusdetempspossiblehorsdechezlui. Lavaissellesalequijonchaitl’évieretlesdrapsfroissésneluimanqueraientpas. Ilbranchalasirèneetdémarra. C’estpartipourlesconneriesd’étudiants,songea-t-il. CHAPITRE2 Lorsqu’ilarrivaauScreamer’s,Kolhereutunsourireméprisantlorsqu’ilvitlafoulesebousculer pour s’écarter de son chemin. De leurs pores suintaient la peur et une curiosité aussi morbide qu’intense.Ilinspiral’odeurfétide. Dubétail.Toussansexception. Derrièreseslunettesnoires,ilplissaitlesyeuxsousleslumièrestamiséesetfermalespaupières. Savueétaitsimauvaisequelacécitétotaleluiconvenaitmieux.Ilseconcentrasursonouïeettriales sonsquiluiparvenaient,distinguantlamusique,lespas,lesmurmures,unverredeplusquisebrisait au sol. Il se foutait bien de heurter quelque chose : chaise, table, humain, il les piétinerait sans remords. IlpercevaitclairementlaprésencedeAudazs,seulmembredel’assembléequin’étaitpasenproie àlapanique. Maismêmeleguerrierétaitàcrancesoir-là. Kolher ouvrit les yeux en arrivant devant l’autre vampire, qui n’était pour lui qu’une silhouette floue, le noir de ses vêtements et de sa chevelure étant les seules informations que ses yeux lui transmettaient. —OùestpasséTohrment?demanda-t-ilensentantuneffluvedescotch. —Sortiprendrel’air.Mercid’êtrevenu. Kolher prit place sur un siège. Le regard rivé droit devant lui, il observa la foule engloutir la brèchequ’ils’étaitfrayée.Ilattendit. LemartèlementdurapdeLudacrisfitplaceàunbonvieuxCypressHill. Leschosess’annonçaientbien.AudazsallaittoujoursdroitaubutetsavaittrèsbienqueKolherne supportaitpasqu’onluifasseperdresontemps.Cesilencelaissaitprésagerd’autrechose. Audazsreposasabièreetpoussaunprofondsoupir. —Seigneur… —Situveuxquelquechosedemoi,commencepascommeça. Kolher avait parlé d’une voix traînante. Il avait senti une serveuse approcher et percevait vaguementunepoitrineopulenteetunebandedechairentreunhautajustéetunejupecourte. —Vousvoulezboirequelquechose?demanda-t-ellelentement. Il fut tenté de lui suggérer de s’allonger sur la table et de le laisser s’affairer auprès de sa carotide. Le sang humain ne le maintiendrait pas en vie longtemps, mais son goût était mille fois préférableàceluidel’alcoolcoupéd’eau. —Paspourl’instant,répondit-il. Sonsourirepincédissipalemalaisedelaserveuseetsuscitachezelleunemontéededésir,qu’il respiraàpleinspoumons. Pasintéressé,pensa-t-il. La serveuse acquiesça mais ne bougea pas. Elle continuait à le regarder ; ses cheveux blonds formaientunhalodansl’obscuritéautourdesonvisage.Commemagnétisée,ellesemblaitenavoir oubliéjusqu’àsonnom,entoutcassontravail. Quelleplaie! Impatient,Audazsremuasursonsiège. — Ce sera tout, murmura-t-il. On a ce qu’il nous faut. Elle se retira et se perdit dans la foule. KolherentenditAudazss’éclaircirlavoix. —Mercid’êtrevenu. —Tul’asdéjàdit. —Ouais,t’asraison.Ettoietmoi,onseconnaîtdepuislongtemps. —C’estclair. —Onalivrédesacréscombatsensembleetdescendunotrecompted’éradiqueurs. Kolher acquiesça. Depuis des générations, la Confrérie de la dague noire protégeait l’espèce contre la Société des éradiqueurs. Audazs en était membre. Tohrment aussi. Plus quatre autres. Les éradiqueurs, des humains dépourvus d’âme au service d’un maître malveillant, l’Oméga, étaient largement supérieurs en nombre aux membres de la Confrérie. Mais Kolher et ses guerriers leur donnaientdufilàretordre. Etplusencore. Audazsseraclalagorge. —Aprèstoutescesannées… —Viens-enaufait,D.Marissadoitencoremerendreunpetitservice,cesoir. —Tuveuxutilisertachambrechezmoi?Tusaisquejenelaissepersonneyentrer.(Audazseut unriregêné.)J’imaginequesonfrèreaimeraitautantquetunetepointespaschezlui. Kolhercroisalesmainssursontorseet,duboutdesabotte,repoussalatablepoursefaireunpeu deplace. Il n’avait rien à foutre de la sensiblerie du frère de Marissa, outré par son style de vie. Havers n’était qu’un snob doublé d’un dilettante qui pétait plus haut que son cul. Il n’avait absolument pas consciencedutyped’ennemisquel’espèceavaitàcombattreetdesmoyensqu’ilfallaitdéployerpour défendrelapopulation. Lechergarçonavaitbeaus’enoffusquer,Kolhern’allaitpasprendredegantsalorsquedescivils sefaisaientmassacrer.Saplaceétaitauxcôtésdesesguerriers,surlechampdebataille,pasassissur untrônequelconque.Haverspouvaitallersefairefoutre. MaisMarissan’auraitpasdûavoiràcomposeravecl’attitudedesonfrère. —Jepourraisbienacceptertaproposition. —Bien. —Maintenant,parle! —J’aiunefille… Lentement,Kolhertournalatête. —Depuisquand? —Unboutdetemps. —Quiestlamère? —Tunelaconnaispas.Etelleest…euh…décédée. LechagrindeAudazsétaitpalpableautourdelui,l’odeurâcred’unedouleuranciennesiintense qu’elleoccultaitlapuanteurambiantedesueur,d’alcooletdesexemêlés. —Quelâgea-t-elle?demandaKolher. IlcommençaitàavoirunepetiteidéedecequeAudazsavaitentête. —Vingt-cinqans. Kolherlaissaéchapperunjuron. —Medemandepasça,Audazs.Medemandepasdelefaire. —Illefaut,Seigneur.Tonsangest… —Appelle-moiencoreunefoiscommeçaetjetefaistaire.Àtoutjamais. —Tunecomprendspas.Elleest…(Kolherentrepritdeselever.Audazssaisitl’avant-brasdeson interlocuteur,avantderetirerprestementsamain.)Elleestàdemi-humaine. —Bordel! —Ellerisquedenepassurvivreàlatransitionsicelle-cidevaitarriver.Écoute,situl’aides,elle aaumoinsunechancedevivre.Tonsangestfortetaugmenteraitseschances.Jenetedemandepas delaprendrecommeshellane.Nidelaprotéger,carjepeuxm’enchargermoi-même.J’essaiejuste de…Jet’enprie.Mesfilssontmorts.Elleseulepeutmesurvivre.Etje…j’aimaisvraimentsamère. S’ils’étaitagidequelqu’und’autre,Kolhern’auraitpashésitéàrecouriràsarépliquefavorite: vatefairefoutre!Desonpointdevue,iln’yavaitquedeuxpositionsappropriéespourunhumain: allongéesurledospourunefemmeetfacecontreterreaprèsavoirrendusonderniersoufflepourun homme. MaisAudazsétaitpresqueunami.OuenseraitdevenuunsiKolherl’avaitlaisséfaire. Kolherselevaetfermalesyeux.Delahainelesubmergea,rayonnantaucentredesapoitrine.Il se méprisait à l’idée de planter là Audazs, mais il ne pourrait pas aider une pauvre sang-mêlé à surmontercetteépreuveaussidouloureusequedangereuse.Douceuretcompassionnecomptaientpas parmilesqualitésqu’ilavaitenstock. —Jepeuxpasm’encharger.Mêmepourtoi. LedésespoirdeAudazslesubmergea;ilchancelasousl’intensitédel’émotion.Ilseral’épaule duvampire. —Situl’aimesvraiment,rends-luiservice.Demandeàquelqu’und’autre. Kolhertournalestalonsetquittalebar.Tandisqu’ilsedirigeaitverslaporte,ileffaçalesouvenir de sa présence du cortex cérébral des humains présents. Les plus forts penseraient avoir rêvé. Les plusfaiblesn’auraientpluslemoindresouvenirdelui. Danslarue,ilsedirigeaversunendroitsombrederrièreleScreamer’spoursedématérialiser.Il passa devant une femme occupée à sucer un type, un clochard abruti par l’alcool, un dealer en discussionvivesursonportableàproposduprixducrack. Kolhersentitimmédiatementqu’ilétaitsuivi.Etquilesuivait,trahiparsonodeuraciduléedetalc pourbébé. Unlargesouriresedessinasursonvisage.Ilouvritsonblousondecuiretsortitl’undeseshira shuriken.Leprojectileenformed’étoile,enacierinoxydable,reposaitdanssamain.Centgrammes demortprêtsàfendrel’air. L’armeàlamain,Kolhergardalamêmeallure,mêmes’ilavaitdumalàrésisteràl’enviedese dissimuler dans un coin sombre. Il bouillonnait du désir de se battre après avoir décliné la propositiondeAudazs,etlemembredelaSociétédeséradiqueursquilesuivaitn’auraitpumieux tomber. Tuer cet humain dépourvu d’âme était juste ce dont il avait besoin pour relâcher un peu la pression.Tandisqu’ilattiraitl’éradiqueurversuncoinsombre,Kolhersentaitsoncorpssepréparer pourlecombat,lesbattementsréguliersdesoncœur,lespicotementsd’anticipationdanssesbraset sescuisses.Sonouïeperçutlebruitd’unrevolverqu’onarmaitetlatriangulationdelacible.L’arme étaitpointéedirectementsurlabasedesanuque. D’unmouvementfluide,ilseretournaaumomentoùlaballeétaitexpulséeducanon.Ilsepencha etlançasonprojectilequiscintillad’unelueurargentéeendécrivantunarcfatal.Ilvintseficherdans le cou de l’éradiqueur et lui trancha la gorge avant de poursuivre sa course dans l’obscurité. Le revolvertombaàterreetrésonnacontrel’asphalte. L’éradiqueurportalesmainsàsoncouettombaàgenoux. Kolhersedirigeaversluietfouillasespoches.Iltrouvaunportefeuilleetuntéléphoneportable qu’ilmitdanssonblouson. Puis il tira de son holster de poitrine un long couteau à lame noire. Il était déçu que le combat n’aitpasdurépluslongtemps,mais,àenjugerparl’attaquemalhabileetlescheveuxnoirsetbouclés desonassaillant,celui-ciétaitunenouvellerecrue.D’unmouvementrapide,ilretournal’éradiqueur surledos,lançal’armeenl’airetlarattrapaparlapoignée.Lalameplongeadanslachair,trancha lesosavantd’atteindrelacavitévideoùs’étaittrouvésoncœur. L’éradiqueurémitunsonétrangléetsedésintégradansunéclairdelumière. Kolher essuya la lame sur son pantalon de cuir, la rangea et se releva. Il regarda autour de lui. Puissedématérialisa. Audazs en était à sa troisième bière. Deux gothiques s’approchèrent, désireuses de l’aider à oubliersessoucis.Ilpassasonchemin. IlquittalebaretsedirigeaverssaBMW650i,garéesurunemplacementnonautorisédansune ruellederrièreleclub.Commetoutvampiredignedecenom,ilpouvaitsedématérialiseràloisiret parcourirdelasortedelonguesdistances,maislamanœuvres’avéraitplusqu’arduesil’ondevait transporterunobjetlourd.Sanscompterqu’elleétaitdifficilementréalisableenpublic. Et puis quel bonheur de posséder une si belle voiture ! Audazs monta dans sa BM et claqua la portière.Lapluiesemitàtomber,heurtantlepare-brisedesesgrosseslarmes. Il ne s’avouait pas vaincu. La conversation avec le frère de Marissa lui donnait matière à réflexion.Haversétaitmédecin,unsoignantdédiéàl’espèce.Ilpourraitpeut-êtrel’aider.Quoiqu’il ensoit,çavalaitlecoupd’essayer. Perdudanssespensées,Audazsintroduisitlaclédansledémarreuretlatourna.Lestarterémitun sonrauque.Ildonnaunnouveautourdecléeteutunhorriblepressentimentenentendantleclic. Labombe,fixéeauchâssisdelavoitureetreliéeausystèmeélectrique,explosa. Aumomentoùsoncorpsfutdésintégrédansunedéflagrationblanche,sadernièrepenséefutpour safillequinel’avaitjamaisconnu. Etquineleconnaîtraitjamais. CHAPITRE3 Beth prit une douche de quarante-cinq minutes et vida la moitié d’un flacon de gel douche. La buéequisedégageaitauraitpusanspeinedécollerlepapierpeintbonmarchédelasalledebains. Beth se sécha, passa son peignoir et évita de se regarder dans le miroir. Elle avait la lèvre explosée. Ellesortitdelasalledebainsetpassadanslapièceuniquedesonstudioexigu.Laclimatisation avaitrendul’âmequelquessemainesauparavant,etlapièceétaitaussiembuéequelasalledebains. Beth jeta un regard vers les deux fenêtres et la porte coulissante qui donnaient sur une cour à la végétation flétrie. Elle avait envie de les ouvrir, mais vérifia finalement qu’elles étaient toutes bien fermées. Elle était sous le choc, mais son corps récupérait vite. Son appétit était revenu de plus belle, comme pour se venger du dîner manqué, et elle se dirigea vers la kitchenette. Même les restes de pouletvieuxdequatrejoursluisemblaientappétissantsmais,lorsqu’elledéplialepapieraluminium, un relent de chaussettes sales lui sauta aux narines. Elle jeta les restes et enfourna un plat Weight Watchers dans le micro-onde. Debout, elle dévora les macaronis au gratin, à même la barquette en plastique.Loind’êtrerassasiée–lecontenuauraitàpeinesuffiàremplirunedentcreuse–,elleen dévoraunautre. L’idéedeprendredixkilosenunenuitétaitfoutrementattrayante,vraiment.Ellenepouvaitrien fairepoursonvisage,maiselleauraitpariéquel’hommedescavernesmisogynequil’avaitattaquée avaitunepréférencepourlesjolispetitsculs. Elleclignadesyeuxens’efforçantdenepluspenseràsonvisage.MonDieu,ellesentaitencore lesgrossespatteshorriblesdutypeluiécraserlesseins. Ilfallaitqu’elleporteplainte.Qu’elleailleaupostedepolice. Saufqu’ellenevoulaitpasquittersonappartement.Aumoinsjusqu’aulendemainmatin. Elle se dirigea vers le futon qui servait de lit et de sofa et se pelotonna en chien de fusil. Son estomac s’affairait à la digestion des macaronis au gratin, et des vagues de frissons sur sa peau succédaientàdesvaguesdenausée. Unlégermiaulementluifitleverlatête. —SalutBouh,dit-elleenremuantlesdoigts. Le pauvre s’était mis à couvert lorsqu’elle était entrée en trombe dans l’appartement et s’était débarrasséeentoutehâtedesesvêtementsqu’elleavaitjetésdanslapièce. Miaulant de plus belle, le chat noir approcha. Il sembla l’observer d’un air soucieux et se pelotonnaavecgrâcecontresonventre. —Désoléepourtoutcecirque,murmura-t-elle. Elleluifitunpeudeplace.Enronronnant,ilfrottasatêtecontrel’épauledeBeth.Lepetitcorps chaudetlepoidsdel’animal,toutcontreelle,larassurait.Ellerestaunlongmomentàcaresserle poildouxetfindeBouhetsursautalorsqueletéléphonesonna. Elledécrocha,sanscesserdecaressersonfidèlecompagnon.Aprèsdesannéesdeviecommune avecBouh,sonaptitudeàtéléphonersanscesserdecaressersonchatfrisaitlaperfection. — Allô ? dit-elle en songeant qu’à minuit passé l’appel ne pouvait provenir d’un télévendeur : restaitalorsleboulotouundétraqué. — Salut, mam’zelle B. Mets tes chaussures de bal. La bagnole d’un type a sauté devant Screamer ’s.Letypeétaitdedans. Bethfermalesyeux.Elleavaitenviedepleurer.JoséDeLaCruzétaitinspecteurdepolice,mais aussiunpeusonami. Commelaplupartdeshommesetdesfemmesquiportaientl’uniformedepolice,àbienysonger. Avecletempsqu’ellepassaitaupostedepolice,ellelesconnaissaittousassezbien.Joséétaitl’unde ceuxqu’elleappréciaitleplus. —Hé,t’estoujourslà? Dis-lui. Dis-lui ce qui s’est passé. Il te suffit d’ouvrir la bouche. La honte et le souvenir de l’agressionluinouèrentlagorge. — Oui, je suis là. (Elle dégagea les cheveux noirs qui lui tombaient sur le visage et se racla la gorge.)Jepeuxpasvenir. —Depuisquandturefusesuntuyau?(Iléclatad’unrireclair.)Maist’inquiète,Dur-à-cuireest surlecoup. «Dur-à-cuire»,autrementditl’inspecteurdelacriminelleBrianO’Neal,égalementsurnommé Butch.OujusteMonsieur. —Je…jenepeuxvraimentpascesoir. —T’asdelacompagnie? Delacuriositépointaitdanssavoix.Joséétaitmarié.Etheureuxenménage.Maisellesavaitque tous,auposte,s’interrogeaientsurelle.Unejeunefemmeaussibelleencorecélibataire?Çadevait cacherquelquechose. —Alors,t’espasseule? —Maissi,qu’est-cequetuvaschercher? Auboutdelaligne,lesilencesefittandisqueleradarmentaldesonamipoliciersemettaiten marche. —Qu’est-cequisepasse? —Rien.Jesuisjustecrevée.Jepasseraiaupostedemain. Elledéposeraitplainteàcemoment-là.Lelendemain,elleseraitsuffisammentfortepourrelater lesévénementsdelanuitsanss’effondrer. —Tuveuxquejepasse? —Non,çava.Maismerci. Elleraccrocha. Unquartd’heureplustard,elleavaitenfiléunjeanpropreetunechemiseamplequicachaitses fessesetsesformes.Elleappelauntaxi.Avantdepartir,ellefarfouilladanssonplacardpourtrouver son autre sac. Elle saisit la bombe lacrymogène et la maintint fermement serrée dans sa main en quittantsonappartement. Lestroiskilomètresetdemiquilaséparaientdulieudel’explosiondelabombeluilaisseraientle tempsdetrouversesmots.ElleallaittoutraconteràJosé. Elle détestait l’idée d’avoir à revivre la scène, mais n’avait nullement l’intention de laisser ce connards’entirerets’enprendreàuneautrefemme.Etmêmes’ils’entirait,aumoinselleauraitfait cequ’ilfallaitpouraideràlecoincer. Kolher se matérialisa dans le salon de la demeure de Audazs. Merde ! Il avait oublié dans quel luxelevampirevivait. MêmesiD.étaitunguerrier,ilavaitlesgoûtsd’unaristocrate,cequisecomprenait.Princepsde hautrang,laqualitédevieétaitimportanteàsesyeux.SademeureduXIXesiècleétaitbienentretenue et regorgeait d’antiquités et d’œuvres d’art. En outre, elle était aussi sécurisée qu’un coffre-fort de banque. MaislesmursjauneclairdusalonblessaientlesyeuxdeKolher. —Quelleagréablesurprise,Seigneur. Fritz, le majordome, arrivé par le long vestibule, s’était incliné très bas, avant d’éteindre les lumières pour soulager les yeux de Kolher. Comme à l’accoutumée, le vieux mâle était vêtu de sa livréenoire.AuservicedeAudazsdepuisunecentained’annéesenviron,ilétaitundoggen:ilpouvait doncs’exposeràlalumièredujour,maisvieillissaitplusrapidementquelesvampires.Sonespèce servaitlesaristocratesetlesvampiresdepuisdesmillénaires. —Serez-vousdesnôtrespendantquelquetemps,Seigneur? Kolhersecoualatête.Pass’ilpouvaitfaireautrement. —Quelquesheuresauplus. —Votrechambreestprête.Jesuislàsivousavezbesoindemoi. De nouveau, Fritz s’inclina profondément et quitta la pièce à reculons, avant de refermer les doublesportesderrièrelui. Kolhersedirigeaversunportraitdeplusdedeuxmètresdehautqui,d’aprèscequ’onluiavait dit, représentait un roi de France. Il posa la main sur la bordure droite du cadre doré ; le tableau pivotaets’ouvritsurunsombrecouloirdepierreéclairépardeslampesàgaz. Kolhers’avançaetdescenditlesmarchesquis’enfonçaientprofondémentensous-soletdonnaient sur deux portes. L’une ouvrait sur les quartiers somptueux de Audazs ; l’autre, sur ce que Kolher considérait un peu comme sa deuxième maison. En général, il dormait la journée dans un entrepôt new-yorkais,dansunesalleenacierdotéed’unsystèmedeverrouillagedignedeFortKnox. Mais jamais il n’inviterait Marissa là-bas. Ni aucun des membres de la Confrérie. Il accordait beaucoupdeprixàsonintimité. Ilentra.Deschandeliersfixésaumurs’allumèrentparleseuljeudesavolonté.Leurfaiblelueur trouaitàpeinel’obscurité.ParégardpourlesyeuxfragilesdeKolher,Audazsavaitfaitpeindreen noirlesmursetleplafondhautdesixmètres.Dansuncoindelapiècesetrouvaitunlitimposantaux drapsdesatinnoiragrémentésdenombreuxcoussins.Lapiècecomportaitaussiuncanapéencuir,un téléviseuràécranlargeetuneportequidonnaitsurunesalledebainsdemarbrenoir.Sansoublier unearmoireremplied’armesetdevêtements. Pour une raison obscure, Audazs le tannait pour qu’il s’installe dans cette demeure. Ça restait pour Kolher un foutu mystère. Ce n’était pas une question de sécurité, car Audazs était tout à fait capabled’assurerlui-mêmesadéfense.Enoutre,l’idéequ’unvampirecommeD.puissesouffrirde solitudeétaitridicule. KolhersentitlaprésencedeMarissaavantmêmequ’ellepénètredanslapièce.Uneffluvemarin, unebrisefraîche,laprécédait. Finissons-en,pensa-t-il. Illuitardaitd’arpenterdenouveaulesrues.Iln’avaiteuqu’unavant-goûtdecombat,etcesoiril voulaitfairebombance. Ilseretourna. Lorsque Marissa inclina son corps élancé devant lui, il perçut de la dévotion et un malaise qui flottaientdansl’airautourd’elle. —Seigneur,dit-elle. À en juger par le peu qu’il distinguait, elle portait une sorte de robe en mousseline de soie blanche.Seslongscheveuxblondstombaientencascadesursesépaulesetlelongdesondos.Ilsavait qu’ellechoisissaitsestenuesdansl’espoirdeluiplaire;ilauraittoutfaitpourqu’ellenesedonne pasautantdemal. Ilretirasonblousondecuiretleholsterdepoitrinedanslequelétaientglisséessesdagues. Foutusparents!Pourquoiluiavaient-ilsdonnéunefemellecommeelle?Si…fragile. Mais là encore, étant donné son état avant la transition, ils craignaient peut-être qu’une femelle plusvigoureuseleblesse. Kolherplialebras;sonbicepsimpressionnantsebombaetsonépaulecraqua. Si seulement ils le voyaient maintenant. Leur petit garçon s’était mué en tueur intègre et implacable. Il vaut peut-être mieux qu’ils soient morts, songea-t-il. Ils n’auraient pas approuvé ce qu’il était devenu. Maislàencore,s’ilsavaientvécupluslongtemps,savieauraitétédifférente. Nerveuse,Marissas’agita. —Jesuisdésoléedetedéranger.Maisjenepeuxattendrepluslongtemps. Kolhersedirigeaverslasalledebains. —Tuasbesoindemoi.J’arrive. Il ouvrit le robinet d’eau et remonta les manches de sa chemise noire. De la vapeur montait de l’eauchaude.Ilôtalacrasse,lasueuretl’odeurdemortquisouillaientsesmains.Puisilsesavonna, couvrant de mousse les tatouages rituels qui marquaient ses avant-bras. Il se rinça, se sécha et se dirigeaverslecanapé.Ils’assitetattendit,lesdentsserrées. Depuis combien de temps se livraient-ils à ce rituel ? Des siècles. Mais toujours, Marissa avait besoin de temps pour l’approcher. Avec quelqu’un d’autre, jamais il n’aurait fait preuve de tant de patience,maisilsemontraitplussoupleavecelle. En vérité, il était désolé qu’elle ait été contrainte de devenir sa shellane. À de nombreuses reprises,illuiavaitproposédeladégagerdesonengagement,afinqu’ellesoitlibredesetrouverun véritablecompagnon,quelqu’uncapablenonseulementdetuerquiconquelamenacerait,maisaussi del’aimer. LeplusdrôleétaitqueMarissa,sifragilequ’ellesoit,nevoulaitpasrenonceràlui.Ilimaginait qu’ellecraignaitqu’aucuneautrefemelleneveuilledelui,qu’aucunenenourrisselabêtelemoment venuetquel’espèceperdesalignéelapluspure.Leurroi.Cechefquinevoulaitpasdiriger. Ouais,quelfoutupartiilfaisait!Ilrestaitloind’ellesaufdanslesmomentsoùilavaitbesoinde sang,cequiarrivaitassezrarementcomptetenudesalignée.Ellenesavaitjamaisoùilsetrouvaitni cequ’ilfaisait.Ellecoulaitdesjourssolitairesdanslamaisondesonfrère,sacrifiaitsonexistence pourgarderenvielederniervampirederacepure,leseuldépourvudelamoindregouttedesang humain. En toute franchise, il ignorait comment elle supportait cette situation et comment elle le supportait,lui. Soudainileutenviedejurer.Décidément,sonegoétaitàlafête,cesoir-là.Audazs.Etmaintenant elle. Kolherlasuivitdesyeuxtandisqu’elles’approchaitdeluiformantdescerclesconcentriques.Il s’efforçadedétendresonvisage,derespirerdefaçonrégulièreetdegardersoncorpsaurepos.Il paniquaitàl’idéeden’êtrepaslibredesesmouvementsetsavaitque,lorsqu’elleauraitcommencéà s’alimenter,lasensationd’étouffementempirerait. —Tuasététrèspris,Seigneur?demanda-t-elled’unevoixdouce. Ilacquiesça,nonsanssongerqu’avecunpeudechanceilleseraitplusencoreavantleleverdu jour. Enfin,Marissasetintdevantlui;ilpercevaitsafaimpar-dessussonmalaise.Ilperçutaussidu désir.Elleledésirait,maisils’empressaderepoussercetteémotion. Pour rien au monde, il n’aurait couché avec elle. Il ne pouvait imaginer imposer à Marissa ce qu’ilavaitinfligéauxcorpsd’autresfemmes.Sanscompterquejamaisilnel’avaitdésiréedecette façon.Pasmêmeaudébut. —Approche,luidit-il,accompagnantsesparolesd’ungestedelamain.(Ilposasonavant-bras sur sa cuisse, le poignet tourné vers le haut.) Tu meurs de faim. Tu ne devrais pas attendre si longtempsavantdem’appeler. Marissas’agenouilla,sarobedesoieencorolleàsespieds.Desesdoigtschauds,elleeffleura délicatementlestatouagesdesonavant-bras,leslettresnoiresenlangueanciennequidétaillaientsa lignée.Elleétaitsuffisammentprochepourqu’ilaperçoive,danssaboucheouverte,l’éclatblancde sescaninesavantqu’ellelesplantedanssaveine. Kolherfermalesyeuxet,pendanttoutletempsoùelles’abreuva,gardalatêteappuyéecontrele dossier du canapé. Une intense vague de panique le submergea d’un coup. De son bras libre, il s’agrippa au dossier du canapé, bandant ses muscles pour garder son corps immobile. Calme. Il devaitrestercalme.Bientôt,toutseraitterminéetilseraitlibre. Lorsque, dix minutes plus tard, Marissa releva la tête, il se mit debout d’un bond et arpenta la piècedanstouslessenspourchassersonangoisse,soulagédepouvoirenfinbouger.Dèsqu’ileut reprissesesprits,ils’approchad’elle.Repue,elleabsorbaitenellelaforcequeluiapportaitlesang deKolherensemêlantausien.Iln’aimaitpaslavoirainsiallongéesurlesol.Illasoulevaetsongea à appeler Fritz pour lui demander de la reconduire chez son frère lorsque des coups rythmés résonnèrentcontrelaporte. Kolherpromenasonregarddanslapièce,portaMarissasurlelitoùill’allongea. —Merci,Seigneur,murmura-t-elle.Jevaisrentrerchezmoi. Ilmarquauntempsd’arrêt,avantdecouvrirlesjambesdeMarissad’undrapetdesedirigervers laporte. Derrière,Fritzsemblaitenproieàunegrandeagitation. Kolher se glissa à l’extérieur de la chambre et referma la porte derrière lui. Il s’apprêtait à demander ce qui pouvait bien mériter le dérangement, mais l’odeur qu’il sentit chez le majordome eutraisondesonagacement. Sansavoiràledemander,ilsutquelamortavaitencorefrappé. EtemportéAudazs. —Maître… —Comment?aboya-t-il. Sonchagrin,ils’enoccuperaitplustard.Illuifallaitd’abordsavoircequis’étaitpassé. —Quelmalheur,lavoiture…(Manifestement,lemajordomeavaitlesplusgrandesdifficultésà restermaîtredelui,savoixs’échappantenunmincefiletaussidécharnéquesonvieuxcorps.)Une bombe,Seigneur.Lavoiture.Devantleclub.Tohrmentaappelé.Ilatoutvu. Kolher songea à l’éradiqueur qu’il avait abattu. Il se demandait si celui-ci était l’auteur de ce méfait. Ces salauds n’avaient plus de code d’honneur. Au moins leurs prédécesseurs, il y a de cela des siècles,avaientcombattucommedevraisguerriers.Cettenouvellegénérationn’étaitqu’unramassis delâchesquisecachaientderrièrelatechnologie. —ConvoquezlaConfrérie,grogna-t-il.Demandezauxmembresdevenirtoutdesuite. — Naturellement. Maître… Audazs m’avait demandé de vous remettre ceci – le majordome lui tendaitquelquechose–danslecasoùvousneseriezpasàsescôtésàl’heuredesamort. Kolher prit l’enveloppe et rentra dans la pièce, incapable d’exprimer la moindre compassion à Fritzcommeàquiconque.Marissaétaitpartie,cequiétaitpréférable. IlenfouitladernièremissivedeAudazsdanslaceinturedesonpantalonencuir. Etlaissaexplosersarage. Leschandelierssebrisèrentettombèrentausoltandisqu’untourbillondehainelesubmergeait, gonflait,enflaitJusqu’àsouleverlesmeublesetlesfairevolerencercleautourdeluidanslapièce. Ilbasculalatêteenarrièreethurlatoutesahaine. CHAPITRE4 Lorsque le taxi la déposa devant le Screamer’s, Beth constata que les forces de police avaient investi la scène de crime. Des gyrophares bleus et blancs clignotaient et les véhicules bloquaient l’accèsàlaruelle.Lefourgonblindéduservicededéminagesetrouvaitluiaussisurleslieux,qui grouillaient de flics en uniforme et en civil. Quant à la foule des curieux passablement imbibés d’alcool,elles’étaitmasséeauxabordsdelascènedecrime,fumantetdiscutant. Sesannéesd’expériencedanslejournalismeavaientapprisàBethqueleshomicidesconstituaient une véritable animation dans la petite ville de Caldwell… Aux yeux de la communauté dans son ensemble, la victime mise à part. Beth imaginait que, pour celle-ci, la mort était un événement solitaire, même si, en rendant l’âme, les yeux de la victime étaient rivés sur ceux de son assassin. Certainestraverséessefontensolitaire,mêmesiquelqu’unvousconduitsurlarive. Bethportalamainàlabouche.L’odeurdemétalcalciné,unepuanteurchimiqueetaciduléelui emplissaitlesnarines. —Hé,Beth!(Unpolicierluifitsigned’approcher.)Situveuxvoirleschosesdeplusprès,c’est derrièreleScreamer’squeçasepasse.Suislecouloir… —Enfait,jechercheJosé.Ilestdanslecoin? Leflicsetorditlecoupourchercherparmilafoule. —Ilétaitlàilyauneminute.Ilestpeut-êtreretournéauposte.Hé,Ricky!T’asvuJosé? ButchO’NealseplantadevantBethet,desonregardnoir,réduisitleflicausilence. —Envoilàunesurprise. Beth recula. Dur-à-cuire était imposant. Corps massif, voix grave, gestuelle minimaliste. Elle supposaitquepasmaldefemmesdevaientletrouverattirant,parcequ’ilétaitvraimentbeaugosseet avaituncôtébadboy.MaisBethn’avaitjamaisressentilamoindreétincellepourlui. Nonqu’elleaitdéjàressentiçapourunhomme,dureste. —Alors,Randall,commentva? Ilfourraunchewing-gumdanssaboucheetroulalepapierenunebouleminuscule.Samâchoire, commemueparlafrustration,s’activa.Onauraitditqu’ilgrinçaitdesdentsplusqu’ilmâchait. —JesuisvenuevoirJosé.Paslascènedecrime. — Bien sûr. (Son regard se figea sur le visage de Beth. Avec ses yeux noirs enfoncés sous des sourcils charbonneux, il avait toujours l’air un peu en colère. Soudain, son expression se durcit encore.)Tupourraisveniravecmoiuneseconde? —JevoudraisvraimentvoirJosé… IlsaisitlebrasdeBethetleserraavecforce. — Viens par ici. (Butch l’entraîna dans un coin à l’écart de la ruelle, loin de toute agitation.) Putain,qu’est-cequiestarrivéàtonvisage? Elleportalamainàsabouchepourcouvrirsalèvretuméfiée.Elledevaitêtreencoreenétatde choc,carçaluiétaitcomplètementsortidelatête. —Jevaistereposerlaquestion.Bordeldemerde,qu’est-cequit’estarrivé? —Euh,je…(Sagorgesenoua.)J’aiété…(Ellen’allaitpassemettreàpleurer.PasdevantDur-àcuire.)JeveuxvoirJosé. —Ilestpaslà.Alorscrachelemorceau. Butch posa ses mains sur les épaules de Beth, comme pour l’empêcher de s’enfuir. Il ne la dépassaitquedequelquescentimètres,maisaccusaitaumoinstrentekilosdemusclesdeplusqu’elle. Lapeurlafigea,commesiunpieudeglaceétaitplantédanssapoitrine,maiselleavaiteuson compted’intimidationpourlajournée. —Lâche-moi,O’Neal. Ellepressasesmainscontrelapoitrineimposantedupolicieretlerepoussa.Ilrecula.Unpeu. —Beth,dis-moi… —Situmelâchespas(ellesoutintsonregardsansciller),jemegêneraipaspourfaireunrapport surtestechniquesd’interrogatoire.Tusais,cellesquinécessitentradiosetplâtreunefoisquetuas fini… O’Nealplissalesyeux.Puisilretirasesmainsetlesgardaenl’airensignedereddition. —OK. Illalaissaetrejoignitlesautres. Beth s’effondra contre le mur, avec l’impression que jamais plus ses jambes ne pourraient la porter. Elle baissa la tête, pour rassembler ses forces, quand son regard fut attiré par un éclat métallique.Ellefléchitlesgenouxets’accroupit.C’étaitunearmeutiliséedanslesartsmartiaux,un shuriken. — Hé, Ricky ! s’écria-t-elle. (Le flic s’approcha en courant. Elle pointa l’objet au sol.) Une preuve. EllelelaissafairesonboulotetfilaversTradeStreetpourhéleruntaxi.C’enétaittroppourelle. Demain,elledéposeraituneplainteofficielleauprèsdeJosé.Àlapremièreheure. LorsqueKolherréapparutdanslesalon,ilavaitreprislecontrôle.Sesarmesétaientdansleurs holsters et son blouson pesait lourd dans sa main, ses poches remplies de shuriken et de couteaux qu’ilaimaitutiliser. TohrmentfutlepremierdelaConfrérieàarriver.Ladouleuretlasoifdevengeancesereflétaient avecunetelleintensitédanssonregardquemêmeKolherperçutl’éclatbleufoncédesesyeux. Tohrs’appuyacontrel’undesmursjaunesdusalondeAudazstandisqueViszsfaisaitsonentrée. Leboucqu’ilarboraitdepuispeuluidonnaitl’airencoreplussinistre,mêmesicetaspectmenaçant étaitsurtoutdûautatouageautourdesonœilgauche.Cesoir-là,ilavaitvissésacasquettedesRed Soxsursatête,desortequelesmarquagescomplexesdesestempesétaientàpeinevisibles.Comme toujours,samainétaitgantéedenoirpourévitertoutcontactmalencontreuxaveclesautres. Cequiétaitunebonnechose.Surtoutpourlesautres. Rhage arriva ensuite, moins crâneur que d’habitude, compte tenu de l’événement qui les rassemblaittous.Mâledehautestature,Rhage,massifetpuissant,étaitleplusfortdesguerriersdela Confrérie. Dans le monde des vampires, il était aussi une véritable légende sexuelle, sorte de topmodèle doté d’une libido susceptible de rivaliser avec une écurie remplie d’étalons. Les humaines commelesvampiresfemellesauraienttuépèreetmèresanshésiterpourunenuitaveclui. Dumoinsjusqu’àcequ’ellesperçoiventsoncôtésombre.QuandlabêtedeRhages’éveillait,tout lemonde,ycomprislesmembresdelaConfrérie,semettaitauxabrisetpriait. Fhurie arriva le dernier. Sa claudication se vit à peine lorsqu’il passa la porte d’entrée. Depuis peu, une nouvelle prothèse appareillait la partie inférieure de sa jambe, le dernier cri de la technologie,entitaneetcarbone,dontlestigesetlesvisétaientfixéesàlabasedesabottedroite. Avec sa magnifique chevelure multicolore, Fhurie aurait eu lui aussi un succès fou auprès des dames s’il n’avait pas respecté mordicus son vœu de célibat. Dans sa vie, il n’y avait de place que pourunseulamour,cequiletuaitàpetitfeudepuisdesannées. —Oùesttonjumeau,mec?demandaKolher. —Z.arrive. QueZadistesoitenretardn’étaitpasunesurprise.Z.faisaitundoigtpermanentaumondeentier. Ce fils de pute sur pattes, peu bavard mais au lexique d’injures bien étoffé, avait porté la haine, notammentvis-à-visdelagenteféminine,àdesniveauxjusque-làinégalés.Heureusement,entreson visagebalafréetsoncrânerasé,ilavaitl’airaussiterrifiantqu’ill’étaitenréalité,etlesgensavaient tendanceàs’écarterdesonchemin. Enlevéàsafamillealorsqu’iln’étaitqu’unnourrisson,ilétaitdevenuesclavedesang,etlesabus qu’ilavaitsubisalorsqu’ilsetrouvaitentrelesmainsdesamaîtresseavaientatteintdessommetsen matière de brutalité. Il avait fallu à Fhurie presque un siècle pour retrouver la trace de son frère jumeau,etZ.avaitpresqueététorturéàmortavantd’êtreenfinsecouru. Une plongée dans l’océan avait cicatrisé les blessures de Zadiste et, en plus du labyrinthe de cicatricesquicouraitsursapeau,ilavaitencorelestatouagesdel’esclave.Sanscompterlesétranges piercingsqu’ilavaitajoutéslui-même. Justeparcequ’ilétaitaccroàladouleur. Àtouspointsdevue,Z.étaitleplusdangereuxdesmembresdelaConfrérie.Aprèscequ’onlui avaitinfligé,ilsefoutaitdetoutetdetoutlemonde.Ycomprisdesonfrèrejumeau. MêmeKolhersurveillaitsesarrièresensaprésence. Ouais,laConfrériedeladaguenoireétaitunsacrégroupe.Leseulrempartentrelesvampires civilsetleséradiqueurs. Croisantlesbras,Kolherpromenasonregardautourdelapiècesurchacundesmembresdela Confrérie,conscientdeleurforcemaissurtoutdeleursmalédictions. La mort de Audazs lui rappelait que, même si ses guerriers infligeaient des pertes sévères aux bataillonsd’éradiqueurs,ilsn’étaientqu’unepoignéefaceàcevivierinépuisabledetueurs. Carleshumainsdotésd’uneaptitudeaucrimeetàlaviolenceétaientlégion. Lerapportdeforcen’étaittoutsimplementpasfavorableàl’espèce.Kolhernepouvaitignorerle fait que les vampires ne jouissaient pas de la vie éternelle et que les membres de la Confrérie pouvaientêtretuésàtoutmoment,cequirisquaitdemettreàmallefragileéquilibre.Enfaveurdes ennemisdel’espèce. Merde, la bascule s’était déjà produite, en fait. Depuis que l’Oméga avait créé la Société des éradiqueursdansdestempsimmémoriaux,lapopulationvampiren’avaitfaitquedécroître,pourne subsister désormais que dans quelques enclaves. L’espèce flirtait avec l’extinction. Même si les membresdelaConfrérieétaienttrèsbons. SiKolheravaitétéunsouveraind’uneautretrempe,decelledesonpère,désireuxd’êtreadulé, sorte de pater familias pour l’espèce, peut-être l’avenir se serait-il présenté sous de meilleurs auspices.Maislefilsnetenaitpasdesonpère.Kolherétaitunguerrier,pasunleader,plusàl’aise campésursesdeuxpiedsunedagueàlamainqu’assissuruntrône. Kolherreportasonattentionsurlesguerriers.Cesderniersleregardaient,attendantdeluiqu’il leurdisequoifaire.Etleurdéférencelemettaitàcran. —JeconsidèrelamortdeAudazscommeunaffrontpersonnel,déclara-t-il. Desgrognementsd’approbationsefirententendre. Kolhersortitleportefeuilleetletéléphoneportablequ’ilavaitsubtilisésaumembredelaSociété deséradiqueursqu’ilavaittué. —J’aiprisçasurunéradiqueurplustôtcesoirderrièreleScreamer’s.Quelqu’uns’encharge? Illançalesobjetsenl’air.FhurielesattrapaetpassaletéléphoneàViszs. Kolhersemitàarpenterlapièce. —Nousdevonsreprendrenosraids. —Ouais,commetudis,grognaRhage. Leproposfutponctuéd’unbruitmétallique,uncouteauqu’onplantaitsurlatable. —Nousdevonsleschoperàl’endroitoùilss’entraînent.Oùilsvivent. CequisignifiaitquelaConfrériedevaitpartirenreconnaissance.LesmembresdelaSociétédes éradiqueurs n’étaient pas stupides. Régulièrement, ils changeaient de lieux et déplaçaient sans cesse leurscentresderecrutementetd’entraînement.Raisonpourlaquellelesguerriersvampiresjugeaient plusefficacedeservird’appâtsetdecombattreceuxquiselançaientàleurpoursuite. Parlepassé,laConfrérieavaitdéjàeffectuédesraids,aucoursdesquelsilsdescendaientenune seule nuit des dizaines d’éradiqueurs. Néanmoins, ils ne recouraient que rarement à cette stratégie. Ces attaques généralisées étaient efficaces mais risquées. Ces combats à grande échelle alertaient l’attentiondesforcesdepolice,etilétaitdansl’intérêtdetoutlemondedegarderprofilbas. —Ilyaunpermisdeconduire,murmuraFhurie.Jevaisallerfaireuntouràl’adresseindiquée. C’estdanslecoin. —Quelnom?demandaKolher. —RobertStrauss. Viszs,quiexaminaitletéléphone,lâchaunjuron. —Ilyapasgrand-choselà-dessus.Quelquestrucsdanslejournal,desnumérosenmémoire.Je vaisfaireunerecherchesurl’ordinateurpourtrouverquiaappeléetlesnuméroscomposés. Kolhergrinçadesdents.L’impatienceetlafureurformaientunfoutucocktailàavaler. —J’aipasbesoindevousdirequ’ilfautagirvite.Onaaucunmoyendesavoirsil’éradiqueur quej’aieucesoirestceluiquiafaitlecoup.Alorsjepensequelemieuxestdenettoyertoutelazone. Delestuertous,mêmesiçadevientsalissant. Laportes’ouvritetZadisteentradanslapièce.Kolherluijetaunregardfurieux. —Commec’estaimableàtoidetejoindreànous,Z.Encoreavecdesfemelles,cesoir? —Etsitumelâchaislagrappe? Zadistepritplacedansuncoindelapièce,àl’écartdesautres. —Ettoi,Seigneur,qu’est-cequetuvasfaire?demandaTohrmentd’unevoixcalme. Ce bon vieux Tohr. Toujours à essayer de maintenir la paix, que ce soit par inattention, désir d’interventionouharcèlementdélibéré. —Ici.Jevaisresterici.Sil’éradiqueurquiaeuAudazsestenvieetatoujoursenviedes’amuser, jeveuxqu’ilmetrouvefacilement. Une fois les guerriers partis, Kolher mit son blouson. Il sentit l’enveloppe de Audazs dans la pocheetlaretira.Ildistinguaunetraînéed’encresurlerecto,qu’ilsupposaêtresonnom.Ildéchira lerabat.Unephotographietombaausollorsqu’ilsortitunefeuilledepapierivoire.Illaramassaet crutdistinguerdelongscheveuxnoirs.Unefemelle. Kolherregardalepapier.Lesmotssemélangeaient,assemblagefloudelettresqu’ilnepouvait espérerdéchiffrerquandbienmêmeilplissaitlesyeuxdetoutessesforces. —Fritz!appela-t-il. Lemajordomearrivaprécipitamment. —Lisezça. Fritzpritlafeuilleet,têtebaissée,seplongeadanslalecture. —Àvoixhaute. —Biensûr,pardonnez-moi,maître.(Fritzs’éclaircitlavoix.)«Sijen’aipaseul’occasiondete parler, renseigne-toi auprès de Tohrment. 1188 Redd Avenue, appartement 1B. Elle s’appelle ElizabethRandall.P.S.:LamaisonetFritzsontàtoisiellenesurvitpasaupassageàl’âgeadulte. Désoléquetoutsesoitterminésivite.D.» —Filsdepute,murmuraKolher. CHAPITRE5 Beth s’était changée et avait passé ses vêtements de nuit, boxer et tee-shirt. Elle s’apprêtait à déplierlefutonlorsqueBouhcommençaàmiaulerdevantlaportevitréecoulissante.Lechattournait enrond,lesyeuxguettantquelquechoseàl’extérieur. —TucherchesencorelachattetigréedeMmeDiGio?Tutesouviensqueças’estpasbienpassé ladernièrefois? Descoupsfrappésàlaporteluifirenttournerlatête.Soncœursemitàbattrelachamade. Ellesedirigeaverslaporteetregardaparlejudas.Endécouvrantsonvisiteur,ellepressason doscontreleslambrisbonmarché. Lescoupsrecommencèrent. —Jesaisquetueslà,ditDur-à-cuire.Etjevaiscontinueràtaper. Beth déverrouilla et ouvrit. Avant même qu’elle puisse lui dire d’aller se faire foutre, il la bousculaetentra.Bouhfitlegrosdosetsiffla. —Moiaussi,jesuisenchanté,lapanthère. LavoixgraveettraînantedeButchsemblaitcomplètementdéplacéechezelle. —Commentes-tuentrédanslehall?demanda-t-elleenrefermantlaporte. —J’aiforcélaserrure. — Et il y a une raison pour que tu choisisses d’entrer par effraction précisément dans cet immeuble,inspecteur? Ilhaussalesépaulesetpritplacedanssonfauteuilbergèreélimé. —J’aieuenviederendrevisiteàuneamie. —Alorspourquoivenirmevoirmoi? —Pasmal,cheztoi,dit-ilenregardantautourdelui. —Arrêtetonbaratin! —Aumoins,c’estrangé.Jepeuxpasendireautantdel’endroitoùjecrèche.(Ilrivasonregard sombresurlevisagedeBeth.)Etmaintenant,onvaparlerdecequis’estpassécesoiraprèsletravail, tuveuxbien? Ellecroisalesbrassursapoitrine. Ileutunpetitrire. —Mince,ilaquoi,José,quej’aipas? —Tuveuxunpapieretunstylo?Lalisteestlongue. — Aïe ! Quel accueil ! (Il parlait d’un ton amusé.) Dis-moi, tu t’intéresses qu’aux mecs pas disponibles? —Écoute,jesuisvannée… —Ouais,tuastravaillétard.Jusqu’àvers21h45etdesbrouettes.J’aiparléàtonboss.Dickm’a ditquetuétaisencoreaubureauquandilestalléauCharlie’s.Tuesrentréecheztoiàpied,pasvrai? ParTradeStreet.Jepariequetufaisçatouslessoirs.Ettuétaisseule.Entoutcaspendantunmoment. Bethdéglutit.Unbruitlégerattirasonregardverslaportevitrée.Denouveau,Bouhdécrivaitdes cerclesdevantlaporteenmiaulant,lesyeuxrivéssurlesténèbres. —Bonsang,tuvasmedirecequis’estpasséàl’intersectiondeTradeStreetetdela10e? Sonregards’adoucit. —Commenttusais…? —Parle-moi.Etjeteprometsquejeferaiensortequecefilsdeputeaitsoncompte. Kolher,dansl’obscuritédelanuitcalme,observaitlasilhouettedelafilledeAudazs.Elleétait grande pour une humaine et ses cheveux étaient noirs ; c’était tout ce que ses yeux parvenaient à distinguer.Ilhuma,sansparveniràcaptersonodeur.Portesetfenêtresétaientverrouilléesetlevent d’ouestapportaitunrelentaigre-douxdepoubelles. Enrevanche,lesondesavoixluiparvenaitàtraverslesportesfermées.Elleparlaitàquelqu’un. Unhommeàqui,manifestement,ellenefaisaitpasconfianceouqu’ellen’aimaitpas,àenjugerpar sesréponseslaconiques. —Jeveuxtefaciliterleschosesautantquepossible,luidisaitletype. Kolher aperçut Beth se diriger vers la porte vitrée et regarder au-dehors. Son regard était rivé droitsurlui,maisilsavaitqu’ellenepouvaitlevoir.Ilétaitcomplètementdissimulédansl’ombre. Elleouvritlaporteetpassalatêtedehors,toutenempêchant,desonpied,lechatdesortir. Kolher eut le souffle coupé quand il capta l’odeur de Beth. Une odeur magnifique. Comme une fleur épanouie. Peut-être une rose de nuit. Il gonfla ses poumons et ferma les yeux, attentif aux réactions de son corps et aux flux du sang dans ses veines. Audazs avait raison : la transition approchait.Ilpouvaitlesentirsurelle.Sang-mêléoupas,cechangementallaitsurvenir. Bethtiralestoreetseretournaverssoninterlocuteur.Parlaporteouverte,savoixluiparvenait avecplusdeclarté.Kolherenapprécialatessituregrave. —Ilsonttraversélaruedansmadirection.Ilsétaientdeux.Leplusgrandm’atraînéedansl’allée et… Kolhertenditl’oreille. —J’aiessayédemedégager.J’aivraimentessayé.Maisilétaitplusfortquemoietsonamime maintenaitlesbras.(Ellehoqueta.)Ilm’aditqu’ilmecouperaitlalanguesijecriaisetj’aivraiment penséqu’ilallaitmetuer,vraiment.Puisiladéchirémonchemisieretasoulevémonsoutien-gorge. J’aibienfailliêtre…Maisj’airéussiàmelibéreretàm’enfuir.Ilavaitlesyeuxbleus,lescheveux châtains et une boucle d’oreille, un brillant carré, à gauche. Il portait un polo bleu foncé et un bermudakaki.Jen’aipasréussiàbienvoirseschaussures.Sonamiétaitblond,lescheveuxcourts, sans boucle d’oreille ; il portait un tee-shirt blanc avec le nom de ce groupe de musique du coin, TomatoEater. L’hommeselevaetsedirigeaverselle.Ilpassasonbrasautourd’elleettentadel’attireràlui, contresapoitrine,maisellesedégageaetrétablitladistanceentreeux. —Tucroisvraimentquetuvaspouvoirl’attraper?demanda-t-elle. L’hommeacquiesça. —Ouais. Butchquittal’appartementdeBethRandalld’unehumeurmassacrante. Lavisiond’unefemmeauvisageamochén’étaitpascequ’ilpréféraitdanssonboulot.D’autant plusqu’ils’agissaitdeBeth,qu’ilconnaissaitdepuislongtempsetpourquiilressentaitunecertaine attirance.Sabeautépeucommunenegâchaitrien.Maissalèvregonfléeetleshématomesautourde sagorgeétaientcommeuneoffenseàlaperfectiondesestraits. Beth Randall était canon. Positivement canon. Elle avait de magnifiques cheveux longs et noirs, desyeuxd’unbleuimpossible,sapeauavaitlablancheurdel’ivoireetsabouchesemblaitfaitepour les baisers d’un homme. En plus, elle était super bien foutue. De longues jambes, la taille fine, des seinsparfaitementproportionnés. Auposte,tousleshommesenpinçaientpourelle.MaisButchluireconnaissaitunechose:jamais ellen’avaitutilisésaséductionnaturellepoursoutirerdesinformationsauxgars.Elles’entenaitau planprofessionnel.Ellen’étaitjamaissortieavecaucund’eux,mêmesilaplupartauraientétéprêtsà vendreleurmèrejustepourluitenirlamain. Unechoseétaitsûre:sonassaillantavaitdrôlementmerdéens’enprenantàelle.Touteslesforces depoliceallaientsemettreauxtroussesdececonnarddèsqu’ellesseraientaucourant. EtButchavaitunegrandegueule. Ilmontadanssavoiturebanaliséeetserenditjusqu’àl’hôpitalSt.Francis,del’autrecôtédela ville.Ilsegaralelongdutrottoir,devantlesurgences,etentra. Legardedefactionluisourit. —Enroutepourlamorgue,inspecteur? —Nan.Jeviensjustevoirunami. Legardeluifitsignedepasser. Butchtraversalasalled’attentedesurgencesavecsesplantesenplastique,sesmagazinesécornés et son lot de personnes angoissées. Il poussa une double porte et entra dans la blancheur stérile et clinique du lieu. D’un signe de tête, il salua les infirmières et les médecins qu’il connaissait et se dirigeaversletriage. —Eh,Doug,tusaisoùsetrouveletypequ’onaamenéaveclenezenvrac? L’employélevalatêtedudiagrammequ’ilétaitoccupéàlire. —Ouais,ilestprêtàsortir.Ilestdanslefond,chambre28.(L’interneeutunpetitrire.)J’teledis, moi,sonnezétaitledernierdesesproblèmes.Iln’estpasprèsdechanterbasseavantlongtemps. —Merci,mec.Sinon,commentvatafemme? —Elledoitaccoucherdansunesemaine. —Tiens-moiaucourant. Butchsedirigeaverslefonddubâtiment.Avantd’entrerdanslachambre28,ilvérifialecouloir. Toutétaittranquille.Pasdepersonnelmédical,pasdevisiteurs,pasdepatients. Ilouvritlaporteetpassalatêteàl’intérieur. Du fond de son lit, Billy Riddle leva la tête. Il avait un bandage blanc sous le nez, comme si le pansementservaitàmaintenirsoncerveauenplace. —Quoideneuf,inspecteur?Vousavezeuletypequim’afaitça?Jevaispastarderàsortiretje mesentiraismieuxsijesavaisquevousl’avezchopé. Butchfermalaporteet,calmement,laverrouilla.Toutsourires,iltraversalapièce,sansquitter desyeuxlebrillantquiornaitlelobegauchedugars. —Alors,cenez,Billy-boy? —Çava.L’infirmièreétaitunechi… Butchlesaisitparsonpolobleuetletirahorsdulit.Puisilprojetal’assaillantdeBethcontrele muravecunetellebrutalitéquelesappareilsderrièrelelitsemirentàosciller. Butchapprochasonvisagesiprèsqu’ilauraitpuembrasserBilly. —Tut’esbienmarré,cesoir? LesgrandsyeuxbleusdeBillycroisèrentlessiens. —Dequoivous… Denouveau,Butchlejetaavecforcecontrelemur. —J’aiuneidentificationformelle.Lafemmequetuasessayédevioler. —C’étaitpasmoi! — Mon cul ! Et avec tes petites menaces – lui couper la langue et tout ça - ça pourrait même suffirepourt’envoyerchezlesfousàDannemora.T’asdéjàeuunmec,Billy?Tusaisquoi?Jecrois quetuvasfairefureur.Unbeaugosseblanccommetoi. Billydevintaussipâlequelesmurs. —Jel’aipastouchée! — Je vais te dire un truc, Billy. Si tu la joues réglo avec moi et que tu me donnes ton pote, tu pourrassortird’ici.Sinon,c’estsurunbrancardquejevaist’amenerauposte. Billysemblaréfléchirpendantuncourtmoment.Puis,trèsvite,desmotssortirentdesabouche. —Elledemandaitqueça!Ellem’asupplié… Butchlevasongenouetl’enfonçadansl’entrejambedeBilly.Unsonaigutroual’air. —Tuvasdevoirpisserassispendantunpetitmoment… Comme le voyou voulait parler, Butch le lâcha et le regarda s’effondrer au sol. Lorsque Billy aperçutlesmenottes,saplaintesefitplusforte. Butchleretournaausoletluisaisitlespoignetssansaucunménagement.Ilfixalesmenottes. —Tuesenétatd’arrestation.Toutcequetudiraspourraêtreretenucontretoi.Tuasledroitàun avocat… —Vousavezlamoindreidéedequiestmonpère?hurlaBilly,commes’iltrouvaitunsecond souffle.Vouspouvezdireadieuàvotreplaque! —Situn’enaspaslesmoyens,unavocatteseracommisd’office.As-tucomprislesdroitsqueje viensd’énoncer? —Vatefairefoutre! ButchsaisitBillyparlanuqueetcognasonnezamochécontrelelino. — As-tu compris les droits que je viens d’énoncer ? Billy grogna et acquiesça. Il laissa une traînéedesangsurlesol. —Parfait.Maintenant,onvas’occuperdelapaperasse.J’aihorreurdenepassuivrelaprocédure. CHAPITRE6 — Bouh ! Tu veux bien arrêter ? Beth frappa son oreiller et roula sur elle-même pour jeter un coupd’œilauchat. L’animallaregardaetmiaula.Grâceàlalumièredelacuisinequ’elleavaitlaisséeallumée,elle levittapoterdesapattecontrelaportevitrée. — Alors là, tu rêves, mon vieux. Tu es un chat d’appartement. Chat d’appartement. Crois-moi, dehors,cen’estpasaussigénialqueçaenal’air. Ellefermalesyeuxet,lorsqu’elleentenditdenouveaulemiaulementplaintif,ellelaissaéchapper unjuronetrepoussalesdraps.Ellesedirigeaverslaportevitréeetregardaau-dehors. C’estalorsqu’elleaperçutl’homme.Adosséeaumurdanslefonddelacour,cetteformesombre était bien plus massive que les ombres familières projetées par les poubelles et la table de jardin couvertedemousse. Lesmainstremblantes,ellevérifialeverroudelaportepuissedirigeaverslesfenêtres.Lesdeux aussiétaientverrouillées.Elletiralesstores,saisitsontéléphoneportableetrevintseposterprèsde Bouh. L’hommeavaitbougé. Merde! Ilavançaitdanssadirection.Denouveau,ellevérifialeverroudelaporteetrecula,heurtantde sonpiedlefuton. Ellechancelaetlâchaletéléphone,quiallarebondirparterre.Elleheurtaviolemmentlematelas, latêtesecouéesousl’impactduchoc. Choseincroyable,laportevitrées’ouvritcommesileverroun’avaitpasétémis,commesielle nel’avaitjamaisactionné. Toujoursallongéesurledos,Bethrepoussadetoutessesforceslesdrapsavecsesjambespour fuir le plus loin possible de lui. Il était gigantesque, les épaules aussi larges que des poutres, les jambesaussimassivesquelebustedeBeth.Ellenevoyaitpassonvisage,maissonairmenaçantétait commeunrevolverpointédirectementsursoncœur. Gémissant,elleroulaausoletrampapourluiéchapper,serâpantlespaumesetlesgenouxcontre le parquet de bois dur. Derrière elle résonnaient les pas de l’homme, lourds comme le tonnerre. Recroquevillée comme un animal, aveuglée par la peur, elle heurta la console de l’entrée sans ressentirlamoindredouleur. Des larmes coulaient le long de ses joues ; implorant la pitié, elle réussit à atteindre la porte d’entrée… Bethseréveilla,laboucheouverte,unhorriblesonvenantdéchirerlesilencedel’aube. C’étaitelle.Quihurlaitàpleinspoumons. Ellefermalaboucheetlebruitinsupportablecessadeluivrillerlesoreilles.Elles’extirpadulit et, parvenue devant la porte vitrée, accueillit les premiers rayons du soleil avec un soulagement bienfaisant qui lui remit du baume au cœur. Les battements de son cœur commençaient à s’apaiser. Elleprituneprofondeinspirationetvérifialaporte. Leverrouétaitenplace.Lacour,déserte.Toutétaitnormal. Elle eut un petit rire. Quoi de plus naturel que ce cauchemar après les événements de la nuit précédente?Elleallaitprobablementavoirlesjetonspendantunpetitmoment. Elle se dirigea vers la douche. Elle se sentait épuisée, mais pour rien au monde elle ne serait restéeseuledanssonappartement.Illuifallaitl’agitationdelarédaction,lescollègues,lescoupsde téléphone,lesjournaux.Là-bas,ellesesentiraitplusensécurité. Alors qu’elle s’apprêtait à entrer dans la salle de bains, elle ressentit une vive douleur au pied. Ellelevalegenouetaperçutunéclatdecéramiquefichédanslapeaurugueusedesontalon.Ellese penchaetvitlacoupe,quihabituellementtrônaitsurlaconsoledel’entrée,enmillemorceauxausol. Ellefronçalessourcilsetramassalestessons. Elleavaitdûrenverserlebibelotenrentrantchezelleaprèsl’agression. Kolherdescendaitl’escaliersouslademeuredeAudazs.Ilsesentaitépuisé.Ilfermaetverrouilla la porte derrière lui, se débarrassa de ses armes et sortit de l’armoire une malle usée. Il ouvrit le couvercleetgrognalorsqu’ilentiraunblocdemarbrenoird’unmètrevingtdelongetdelargeetde huitcentimètresd’épaisseur.Illeplaçaaucentredelapièce.Ilrevintverslamalle,saisitunsacen veloursetlejetasurlelit. Ilôtasesvêtements,pritunedoucheetserasa,puisregagnalapièce,nu.Ilpritlesac,dénouale ruban de satin qui le fermait et versa sur le bloc de marbre des diamants bruts aussi gros que des galets.Illâchalesacvide,quiretombamollementausol. Tête baissée, Kolher commença à parler dans sa langue maternelle et à rendre hommage à ses morts.Aprèsavoirprononcélesparolesrituelles,ils’agenouillasurleblocdemarbre.Lapierrelui fendillaitlesgenoux.Ilajustasaposition,assissurlestalons,lesmainssurlescuisses,puisfermales yeux. Lerituelmortuaireluiimposaitdepasserlajournéesansbouger,desupporterladouleuretde saignerenmémoiredesonami. LafilledeAudazsétaitprésentedanssonesprit. Iln’auraitpasdûs’introduirechezelleainsi.Illuiavaitflanquélatrouilledesavie,alorsqu’il souhaitaitseulementseprésenteràelleetluiexpliquerpourquoielleallaittrèsbientôtavoirbesoin delui.Ilavaitaussienvisagédeluidirequ’ilallaitselanceràlapoursuitedel’humainquiavaitjoué auconavecelle. Ouais,onpouvaitdirequ’ilavaitassuré.Commeunpro. Aumomentoùils’étaitintroduitchezlajeunefemme,lapaniques’étaitemparéed’elle;ilavait dûeffacersessouvenirsetlaplacerdansunelégèretranseafindelacalmer.Aprèsl’avoirallongée surlelit,ilavaitpensépartirsur-le-champ,maisilenavaitétéincapable.Ilétaitrestéàveillersur elle,àobserverlecontrasteentrelanoirceurdesescheveuxetlablancheurdesonoreiller,àrespirer sonodeur.Undésirintenseluitordantlesentrailles. Avantdepartir,ilavaitvérifiéquelesportesetlesfenêtresétaientverrouillées.Puisilavaitjeté undernierregardsurelle.EtavaitpenséàAudazs,sonpère. Kolherseconcentrasurladouleurquimontaitdéjàlelongdesescuisses. Tandisquesonsangcoloraitderougeleblocdemarbre,levisageduguerriermorts’imposaà luietiléprouvatoutelaforcedulienquilesavaitunis. Ildevaitaccéderàladernièrerequêtedesoncompagnond’armes.Illeluidevait,pourtoutesles annéesqu’ilsavaientpasséesàservirensemblel’espèce. Qu’ellesoitounonàdemihumaine,lafilledeAudazsn’arpenteraitplusjamaislesruesseule,la nuit,sansprotection.Toutcommeellenetraverseraitpasseulelaphasedetransition. QueDieuluivienneenaide. Vers6heureslelendemainmatin,ButchenavaitfiniavecBillyRiddle.Celui-ciavaitétémalmené par les dealers et les voyous avec lesquels il partageait la cellule de détention provisoire, et Butch prenait tout son temps, et même plus, pour rédiger son rapport. Curieusement, les procédures officiellesrestaientassezflouessurlesformulairesqu’ilconvenaitderemplir. Sanscompterquelesimprimantesétaientenrade.Lesvingt-troisduposte. Néanmoins,leséjourdeRiddleseraitdecourtedurée.Sonpère,eneffet,étaitunhommepuissant, unsénateur.Unavocaillons’emploieraitàfairesortirBillyenmoinsdetempsqu’iln’enfallaitpour ledire.Probablementdansl’heurequisuivrait. C’étaitcommeça,aveclajustice.Paricilesbiffetonsetciaolespetitesfrappes. Maisiln’yavaitchezButchniaigreurniaucunsentimentdecetordre. En sortant du poste, il se trouva nez à nez avec l’un de leurs visiteurs nocturnes habituels. Manifestement,CherryPievenaitd’êtrejusted’êtrerelâchéedelacellulededétentiondesfemmes. MaryMulcahypourl’étatcivil,ellefaisaitletrottoirdepuisenvirondeuxans,d’aprèscequeButch avaitentendudire. —Bonjour,inspecteur,minauda-t-elle. Sonrougeàlèvresavaitbavéauxcommissuresetsonmascaranoiravaitcoulé.Elleauraitpuêtre assezjolie,pensa-t-il,siellelâchaitlapipeàcracketdormaitunmoisd’affilée. —Turentresseulcheztoi? —Commetoujours. Illuitintlaportepourlalaisserpasser. —Tamaingauchenefatiguepas,àforce? Butchéclataderire.Tousdeux,immobiles,regardaientleciel. —Alors,Cherry,commentva? —Oh,moi,çavatoujours. Elleglissaunecigaretteentreseslèvresetl’allumasanscesserd’observerButch. —Tusais,sitamainsefatigueunjour,appelle-moi.Pourtoi,çaseragratuit,cartuessacrément beaugosse.MaispasunmotàBigDaddy. Elle souffla la fumée et, l’air absent, titilla le lobe irrégulier de son oreille gauche. La partie supérieuremanquait. Sonmacétaitunfoufurieux. Ilsdescendirentlesmarchesduposte. —Tut’esrenseignéesurleprogrammedontjet’aiparlé?luidemandaButchlorsqu’ilsfurent surletrottoir. Ilaidaitunamiàdémarrerungroupedesoutienpourprostituées,afindelesaideràs’affranchir deleursmacsetàraccrocher. —Ouais,c’estpasmal.(Elleluidécochaunsourire.)Àplus. —Prendssoindetoi. Elles’éloigna. —Penses-y.Tupourraisenprofiter,ajouta-t-elleenseclaquantlafessedroite. Pendantuncourtmoment,Butchlaregardaquis’éloignaitensedéhanchant.Puisilmontadans une voiture banalisée et, sous l’impulsion du moment, traversa la ville en direction du quartier des bars.Ils’arrêtadevantleMcGrider’s.Unquartd’heureplustardenviron,unefemmevêtued’unjean étroitetd’unebrassièrenoiresortitduclub.Éblouieparlesphares,elleclignadesyeux. Quand elle aperçut le véhicule, elle arrangea sa chevelure auburn et se dirigea vers la voiture. Butchbaissalavitre.Lafemmesepenchaetl’embrassasurlabouche. —Çafaitunepaiequ’ons’estvu.Tutesensseul,Butch?murmura-t-elletoutcontreseslèvres. Elle sentait la bière sèche et les cerises au marasquin, le parfum de toutes les barmaids au petit matin. —Monte,luidit-il. Ellefitletourparl’avantduvéhiculeetseglissaàcôtéduconducteur.Butchs’enquitdesasoirée toutenconduisantendirectiondufleuve.Unefoisencore,elleétaitdéçueparlesmaigrespourboires. Etelleavaitlespiedsenfeuàforcederesterdeboutderrièrelebar. Butch se gara sous l’arche du pont qui surplombait l’Hudson et reliait les deux parties de Caldwell. Il veilla à s’éloigner suffisamment des SDF qui y avaient élu domicile. Ils se passeraient biend’unpublic. Il devait le reconnaître : Abby savait y faire. Elle avait déboutonné le pantalon de Butch et s’affairaitavecunrythmesoutenusursonmembreenérectionavantmêmequ’ilaitcoupélemoteur. Butchreculalesiège.Elles’installaàcalifourchonsurluietl’embrassadanslecou.Ilregardapardelàsachevelurepermanentée,endirectiondufleuve. L’aubeestmagnifique,pensa-t-il.Lesoleilseréfléchissaitsurlasurfacedelarivière. —Tum’aimes,monchou?luimurmura-t-elleàl’oreille. —Biensûr. Il lissa ses cheveux en arrière et la regarda dans les yeux. Ils étaient vides. Il aurait pu être n’importequi,raisonpourlaquelleleurrelationfonctionnait. LecœurdeButchétaitaussividequeleregardd’Abby. CHAPITRE7 M. X traversait le parking en direction de l’académie des arts martiaux de Caldwell lorsqu’il huma l’odeur de beignets de Dunkin’ Donuts, de l’autre côté de la rue. L’odeur, cette merveilleuse odeur,defarine,desucreetd’huilesaturaitl’airmatinal.Ilregardapar-dessussonépauleetaperçut un homme qui sortait de l’échoppe, deux boîtes blanc et rose sous le bras et, dans la main, un gigantesquegobeletdecafé. Quellefaçonagréablededémarrerlajournée,songeaM.X. M.Xmontasurletrottoirquilongeaitl’auventrougeetordel’académie.Ils’arrêtaetsebaissa pourramasserungobeletenplastiqueabandonné.Sonprécédentpropriétaireavaitétésuffisamment précautionneux pour y laisser un fond de soda afin que le mégot de sa cigarette puisse y flotter agréablement en attendant que quelqu’un se donne la peine de les jeter. Il lança les détritus dans la poubelleetouvritlesportesdel’académie. La nuit précédente, la Société des éradiqueurs avait connu un tournant dans la guerre qui l’opposaitauxvampires,etilenétaitleresponsable.Audazsétaitunvampireextrêmementpuissant, membredelaConfrériedeladaguenoire.Unputaindetrophée! Quel dommage qu’il ne reste rien du corps à accrocher au mur ! Mais la bombe de M. X avait fonctionnéàmerveille.M.Xsetrouvaitchezlui,connectéàlafréquencedelapolice,quandilavait entendu le rapport. L’opération s’était déroulée exactement comme il l’avait prévu et avait été exécutéeàlaperfection,dansl’anonymatleplustotal. Uneperfectionfatale. M.Xtentadesesouvenirdeladernièrefoisqu’unmembredelaConfrérieavaitététué.Sûrement bienavantqu’ilrejoignelaSociété,desdizainesd’annéesauparavant.Ils’attendaitàdesfélicitations et des tapes dans le dos, non que ce type de démonstration le motive. Il imaginait en retirer même quelque avantage, un élargissement de sa sphère d’influence ou encore une extension de son rayon d’actiongéographique. Larécompensecependant…allaitbienau-delàdetoutcequ’ilauraitpuimaginer. L’Omégaluiavaitrenduvisiteuneheureavantl’aube.Ils’étaitvuconférertouslesdroitsetles privilègesdegrandéradiqueur. ChefdelaSociétédeséradiqueurs. C’étaituneresponsabilitéimmense.CellequeM.Xvisait. Lepouvoirétaitl’uniqueformedereconnaissancequiprésentaitunquelconqueintérêtàsesyeux. Àgrandesenjambées,ilgagnasonbureau.Lespremierscourscommençaientà9heures:ilavait largementletempsd’élaborerquelques-unesdesnouvellesrèglesqu’ilcomptaitbienimposeràses subordonnés. Aprèsledépartdel’Oméga,ilavaitététentédefaireuneannonceofficielle,maiss’étaitravisé. Un chef rassemblait ses pensées avant de prendre la parole ; il ne se précipitait pas sur le podium pourêtreadulé.L’ego,aprèstout,étaitlaracinedumal. Plutôtquedecriervictoire,M.Xavaitprisplacedansunfauteuildejardinetétaitrestéàregarder la prairie derrière sa maison. Dans la lueur naissante de l’aube, il avait réfléchi aux forces et aux faiblesses de son organisation et laissé son intuition lui montrer comment gérer les deux. Dans cet enchevêtrementd’imagesetdepensées,desdirectionsavaientémergé,l’avenirs’étaitclarifié. Désormaisassisderrièresonbureau,ilseconnectaausitewebsécurisédelaSociétéetsignifia sans ambiguïté aucune qu’un changement de direction était intervenu. Il ordonna à tous les éradiqueursdeseprésenteràl’académiel’après-midimême,à16heures,parfaitementconscientque cerendez-vousimpliquaitpourcertainsdesdéplacements,sanstoutefoisexcéderhuitheuresderoute. Quiconquemanqueraitàl’appelseraitbannidelaSociétéettraquécommeunchien. De tels rassemblements étaient exceptionnels. À l’heure actuelle, le nombre des éradiqueurs oscillait entre cinquante et soixante, en fonction des meurtres perpétrés par la Confrérie et des nouvellesrecrues.LaSociétéétaitprincipalementimplantéeenNouvelle-Angleterre,danslenord-est desÉtats-Unis,enraisondelaconcentrationdelapopulationvampiredanslarégion.LaSociétése déplaçaitelleaussienfonctiondesfluxmigratoires. Comme cela avait été le cas pour les générations précédentes depuis la guerre qui opposait la Sociétéauxvampires. M.Xétaitconscientdesrisquesqu’ilcouraitàrassemblerainsitousleséradiqueursàCaldwell. Mêmes’ilconnaissaitlaplupartdesmembresdelaSociété–etcertainsplutôtbien–,ilavaitbesoin qu’euxlevoient,l’entendentetprennentlamesuredeleurnouveaudirigeant.Surtouts’ilmodifiait lesorientationsdelaSociété. Par ailleurs, l’organisation d’un tel rassemblement en plein jour leur permettait de se prémunir contre une éventuelle attaque de la Confrérie. Sans compter qu’aux yeux des employés humains de l’académiecerassemblementpouvaitfacilementpasserpourunséminaire.Celui-cisetiendraitdans la grande salle de conférence au sous-sol, derrière des portes verrouillées pour empêcher toute intrusionmalvenue. Avantdesedéconnecter,M.Xpostasurlesiteuncompte-rendudel’assassinatdeAudazs,caril souhaitaitquelestueurspuissentendisposerparécrit.Ildécrivitendétailletypedebombequ’ilavait utilisé, ainsi que la méthode suivie pour brancher le détonateur au système de contact du véhicule. Ensuite,toutavaitétéunjeud’enfant.Ilavaitsuffid’armerledétonateur;lorsquelecontactavaitété mis,touslesoccupantsdelavoitureavaientétéréduitsencendres. Pour cette fraction de seconde de récompense, M. X avait traqué Audazs pendant un an, à l’observeretàsefamiliariseravecseshabitudesdevie.Deuxjoursauparavant,M.Xétaitentrépar effractiondanslegaragedesfrèresGreene,oùlevampireavaitconduitsaBMWpourentretien.M.X avait placé la bombe et, la nuit précédente, à proximité du véhicule, avait activé le détonateur au moyend’untransmetteurradiosansomettrelamoindreétape. M. X avait gardé pour lui les efforts et la concentration qui lentement avaient abouti à l’éliminationdeAudazs.Ilvoulaitqueseséradiqueurslecroientcapabledemeneravecfacilitéune actionaussihabile.L’imageetlaperceptionjouaientunrôledéterminantdanslacréationd’unebase puissante,etiltardaitàM.Xdebâtirsanstardersacrédibilité. Après s’être déconnecté du site, M. X se cala dans son fauteuil et pianota sur le bureau. Depuis qu’il avait rejoint la Société, le principal objectif avait été de réduire la population vampire en éliminant les civils. Naturellement, cette orientation restait valide, mais M. X comptait imposer un changement de stratégie. Pour gagner la guerre, il fallait supprimer la Confrérie. Sans ces six guerriers,lescivilsseretrouveraientsansdéfensecontreleséradiqueurs. Cettetactiquen’étaitpasinédite.Àdenombreusesreprises,elleavaitététentéepuisabandonnée quandlaConfréries’étaitmontréetropcombativeouinsaisissable.MaisaveclamortdeAudazs,la Sociététenaitsonheuredegloire. Désormais, il convenait de procéder différemment. En l’état actuel des choses, la Confrérie éliminaitdescentainesd’éradiqueurstouslesans,etlesrangsdevaientsanscesseêtreétoffésparde nouvelles recrues inexpérimentées. Le recrutement constituait un véritable problème. Les nouveaux membres étaient difficiles à trouver et à intégrer, et restaient moins performants que les membres aguerris. Le renforcement des effectifs restait le point faible de la Société. Des centres d’entraînement commel’académiedesartsmartiauxdeCaldwellétaientessentielspourrepérerdenouvellesrecrues potentiellesetlesincorporer,maisconstituaientaussidespointsdevulnérabilité.Éviterl’interférence delapolicehumaineetseprotégerd’unassautdelaConfrérienécessitaientunevigilancedetousles instants et des déménagements fréquents, qui perturbaient l’organisation. Mais comment la Société aurait-ellepusinonassurerlemaintiendeseseffectifsetéviterlesguets-apens? M.Xsecoualatête.Tôtoutard,ildevraitnommerunsecond,maiscettenominationn’étaitpas encoreàl’ordredujour. Fort heureusement, aucune des tâches qui l’attendaient n’était particulièrement complexe. Il ne s’agissaitquedestratégiemilitaireélémentaire.Mobiliserlesforces.Lescoordonner.Collecterdes renseignementssurl’ennemi.Avancerdemanièrelogiqueetdisciplinée. Les forces, il allait les mobiliser cet après-midi même. Quant à la coordination, il s’apprêtait à structurer les troupes en escadrons. Il allait en outre leur imposer des réunions régulières en petits groupes. Etpourlesrenseignements?Sil’objectifconsistaitàéradiquerlaConfrérie,ilétaitessentielde savoir où se trouvaient ses membres. La tâche s’avérait ardue, mais pas impossible. Ces guerriers, méfiants et soupçonneux par nature, restaient entre eux mais entretenaient des contacts sporadiques avec la population vampire civile. Après tout, les membres de la Confrérie devaient s’alimenter et, pourcefaire,devaients’ouvrirsurl’extérieur.Ilsavaientbesoindesangdefemelles. Même si, pour la plupart, ces femelles étaient séquestrées comme de précieuses œuvres d’art, ellesavaientdesfrèresetdespèresqu’ilétaitpossibledefaireparler.Avecdesmoyensdepression appropriés, les mâles révéleraient les allées et venues des femelles ainsi que le nom de leurs partenaires.CettetactiquepermettraitdelocaliserlesmembresdelaConfrérie. Cet aspect constituait la pierre angulaire de la stratégie de M. X : un programme bien pensé et coordonné,articuléautourdelacaptureetdel’incitation,cibléautourdescivilsmâlesetdequelques raresfemelles,finiraitparlesconduireauxmembresdelaConfrérie.Ilnepouvaitenêtreautrement. Soit parce que les guerriers seraient furieux d’apprendre que des civils servaient ainsi d’appâts et fondraientsureuxdagueaupoing.Soitparcequ’uncivilparleraitetrévéleraitleursplanques. La meilleure option consistait naturellement à découvrir les lieux de résidence des guerriers pendantlajournée. Lesélimineraugrandjour,aumomentoùilsétaientleplusvulnérables,constituaitlamanœuvre présentant les probabilités les plus fortes de réussite et les plus faibles en termes de pertes pour la Société. Toutbienconsidéré,tuerdesvampirescivilsneprésentaitguèreplusdedifficultésquetuerdes humainsordinaires.Descoupureslesfaisaientsaigneretuneballeenpleincœursuffisaitàlestuer. Enoutre,lalumièredujourlesréduisaitencendres. En revanche, tuer un membre de la Confrérie présentait bien d’autres difficultés. Ces guerriers jouissaient d’une force phénoménale, étaient extrêmement entraînés, et leurs blessures cicatrisaient rapidement. Avec ces guerriers, pas de seconde chance possible. Si le coup porté n’était pas fatal, l’éradiqueurnerentraitjamaischezlui. M. X se leva et observa son reflet dans les vitres du bureau. Cheveux blonds, teint pâle, yeux clairs.AvantderejoindrelaSociété,ilétaitroux.Désormais,ilnesesouvenaitplusdesonapparence passée. Son avenir, en revanche, lui apparaissait avec la plus extrême clarté. Tout comme celui de la Société. Ilverrouillalaportederrièreluietdescenditverslecouloircarrelémenantaudojoprincipal.Il attenditprèsdel’entréeensaluantd’unsignedetêtelesparticipantsducoursdejujitsu.C’étaitson groupe préféré, composé d’hommes jeunes entre dix-huit et vingt-quatre ans, qui s’avéraient très prometteurs.Àmesurequ’arrivaientlesjeuneshommesrevêtusdeleurkimonoblancceinturéquile gratifiaientd’un«sensei»,M.Xlesévaluaunàun:regard,posture,humeurapparente. Unefoislesélèvesalignésetprêtspourl’entraînement,M.Xcontinuaàlesobserver,enessayant de repérer des recrues potentielles. Les jeunes hommes qui présentaient la bonne combinaison de force,d’intelligenceetdehainedébridée. Danslesannées1950,lorsqu’ilavaitétéapprochéparlaSociétédeséradiqueurs,iln’étaitqu’un voyou de dix-sept ans qui suivait un programme de réinsertion destiné aux délinquants juvéniles. L’annéeprécédente,ilavaitpoignardésonpèreenpleincœur,aprèsquecesalaudl’avaitfrappéune fois de trop à la tête avec une bouteille de bière. Il avait espéré que le coup de couteau tuerait son père,maismalheureusementcelui-ciavaitnonseulementsurvécu,maisaussivécuassezlongtemps pourrentrerchezluiettuerlamèredeM.X. Aumoins,sonpaternelavait-ileuassezdejugeotepoursefairesauterlecaissonjusteaprès.M.X avaitdécouvertlecorpsenleurrendantvisite,avantd’êtrearrêtéetd’êtreprisdanslesrouagesdu système. Cejour-là,auprèsducadavredesonpère,M.Xavaitprisconsciencequehurleraprèsunmort n’apportaitentoutétatdecausequ’unesatisfactionlimitée.Iln’yavaitrienàtirerdequelqu’unqui n’étaitpluslà. Deparsesantécédentsfamiliaux,M.Xprésentaitdesdispositionsàlaviolenceetàlahaine.Tuer des vampires constituait l’un des rares débouchés socialement acceptables pour un meurtrier de sa trempe. L’armée était un vrai pensum. Des règlements à n’en plus finir, sans compter qu’il fallait attendrequ’unennemisedéclarepoursemettreauboulot.Quantauxmeurtresensérie,leuréchelle étaitpartropréduite. AveclaSociété,leschosesétaientdifférentes.Ilavaittoutcequ’ilavaitjamaisdésiré.Desfonds illimités. La possibilité de tuer à chaque coucher de soleil. Sans oublier, naturellement, l’occasion inespéréedefaçonnerlesnouvellesgénérations. Ilavaitdûvendresonâmepourendevenirmembre.Cequin’avaitpasreprésentédeproblème. Aprèscequesonpèreluiavaitinfligé,illuienrestaitbienpeu. M. X considérait qu’il avait fait une bonne affaire. En outre, la jeunesse et la santé lui étaient assurées jusqu’au jour de sa mort. Quant à celle-ci, elle ne surviendrait pas à la suite d’une quelconque défaillance physiologique – cancer ou infarctus par exemple – mais dépendait de sa proprecapacitéàsemaintenirenvie. Grâceàl’Oméga,iljouissaitd’unesupérioritéphysiquesurleshumains,savueétaitparfaiteet son activité consistait à faire ce qu’il aimait par-dessus tout. Au départ, l’impuissance l’avait certes quelquepeuennuyé,maisils’yétaithabitué.Quantaufaitdecesserdes’alimenteretdeboire…à vraidire,iln’avaitjamaisétéàproprementparlerunbonvivant. Enoutre,fairecoulerlesangluiprocuraitbienplusdesatisfactionsquelanourritureoulesexe. Lorsque la porte du dojo s’ouvrit brusquement, M. X jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. BillyRiddlevenaitd’arriver,lesyeuxaubeurrenoiretunpansementsouslenez. M.Xhaussaunsourcil. —Tuneparticipespasaujourd’hui,Riddle? —Non,sensei.(Billyinclinalatête.)Maisj’aiquandmêmevouluvenir. —Bien,mongarçon.(M.Xpassasonbrasautourdesépaulesdujeunehomme.)Tonimplication meplaît.Tiens,jeteproposeuntruc.Tuveuxlestesterpendantl’échauffement? Billys’inclinaprofondément,sondoslargequasimentparallèleausol. —Sensei. —Va.(Illuitapotal’épaule.)Et,surtout,nelesménagepas. Billyrelevalatête,lesyeuxbrillants. M.Xacquiesça. —Contentdevoirquetum’ascompris,fils. Quand Beth quitta son immeuble, elle fronça les sourcils en apercevant le véhicule de police banaliségaréenface.Joséendescenditets’approchaàpetitesfoulées. —J’aiappriscequis’étaitpassé.(Sonregards’attardasursabouche.)Commenttutesens? —Mieux. —Monte,jetedéposeauboulot. — Merci, mais je préfère marcher. (À en juger par la contraction de sa mâchoire, José ne semblaitpasdumêmeavis.Bethposasamainsurl’avant-brasdupolicier.)Jenevaispaslaisserce quis’estpassémefoutrelatrouilleetm’empêcherdevivremavie.Tôtoutard,ilfaudrabienqueje repassedevantcetteruelle;autantypasserenpleinjour. Ilacquiesça. —D’accord.Maiscesoir,pourrentrer,tuprendsuntaxioututefaisraccompagnerparl’unde nous. —José… —Bon,onestd’accord.(Iltraversalaruepourrejoindresavoiture.)J’imaginequetunesaispas cequeButchO’Nealafaitlanuitdernière. Elleauraitpresquepréférénepasavoiràdemander. —Quoi? —Ilarenduvisiteàcettepetitefrappe.D’aprèscequejesais,letypeadûsefaireremettrelenez enplacepourladeuxièmefoisaprèslepassagedenotrecherinspecteur.(Joséouvritlaportièreetse laissatombersurlesiège.)Tucomptespasserauposte,aujourd’hui? —Oui,j’aienvied’ensavoirplussurl’attentatàlavoiturepiégée. —Jem’endoutais.Àbientôt. Illuiadressaunsignedelamainetdémarra. À 15 heures, cependant, Beth n’était toujours pas passée au poste de police. Au journal, tous avaient voulu entendre le récit des événements, puis Tony avait insisté pour qu’ils aillent tous déjeunerensemble.Deretourdanssonbox,elleavaitpassél’après-midiàlambinersursese-mails ensuçantdesRennie. Elleavaitdutravail,maisn’arrivaitpasàseremettreàl’articlesurlespistoletstrouvésparles policiers.Ellen’avaitpasàproprementparlerdedélaiàtenir.Cen’étaitpascommesiDickmourait d’enviedeluiconfierl’ouverturedelarubriquedesfaitsdivers. Non,ilsebornaitàluidonnerdutravailéditorial.Lesdeuxderniersarticlesqu’ilavaitdéposés sursonbureauavaientétérédigésparles«vraismecs»;Dicksouhaitaitqu’ellevérifielesfaits.La rigueur des méthodes de travail qu’il avait acquises au New York Times, notamment quant à l’exactitudedesfaits,étaitl’unedesesforces.Onnepouvaitquedéplorerqu’ilsefichecommed’une guignedelaparité.Quelquesoitlenombredecorrectionsqu’elleapportait,jamaisellen’étaitcitée commecoauteurdesarticles. Il était presque 18 heures lorsqu’elle eut terminé de vérifier les articles. Tandis qu’elle les envoyaitàDick,ellesongeaàannulersavisiteaupostedepolice.Butchavaitprissadépositionla nuitprécédenteetellenepouvaitrienfairedeplus.Plusexactement,elleétaitmalàl’aiseàl’idéede seretrouversouslemêmetoitquesonassaillant,mêmesicedernierétaitencellulededétention. Sanscompterqu’elleétaitépuisée. —Beth! EllegrimaçaausondelavoixdeDick. —Pasletemps;jedoisallerauposte,cria-t-ellepar-dessussonépaule,mêmesiellepensaitque cettestratégied’évitementnefonctionneraitpaslongtemps. Aumoins,ellen’auraitpasàlesupportercesoir-là.Etellevoulaitensavoirplussurl’attentat. Ellefiladubureauetpritendirectiondel’Estsursixrues.Lepostedepoliceétaitcaractéristique de l’architecture urbaine des années 1960 : bâtiment moderne de deux étages, ciment gris pâle et profusiondefenêtresétroites.Ilvieillissaitmal.Destraînéesnoirescouraientlelongdesesflancs commesilatoiture,blessée,saignait.L’intérieursemblaitluiaussirenduauxdernièresextrémités: linoléum vert, crayeux et laid, faux lambris, finitions bon marché. Au bout de quarante ans de nettoyage,lacrassesolidifiéeavaitpénétrédanslamoindrefissureetseulsvaporisateursetbrosses pouvaientveniràboutdelasaletéincrustée. Oupeut-êtreunordred’évacuationdeslieuxémanantdutribunal. Àsonarrivée,lespolicierssemontrèrenttrèsattentionnés.Bethavaitàpeinemisunpieddansle bâtiment que déjà ils s’affairaient autour d’elle. Après avoir articulé quelques mots en retenant à grand-peineseslarmes,ellesedirigeaverslecentralets’entretintaveclesdeuxpoliciersdefaction. Ilsavaientembarquéquelquespersonnespourracolageetventededroguemais,dansl’ensemble,la journéeavaitététranquille.Beths’apprêtaitàrepartirquandButchfitsonentréeparlaportedufond. Ilétaitvêtud’unjeanetd’unechemise,uncoupe-ventrougeàlamain.LesyeuxdeBeths’attardèrent surleholsterquibarraitseslargesépaules,lebalancementdesesbrasdévoilantlapoignéedeson arme.Sescheveuxnoirsétaienthumides,commes’ilsortaitdeladoucheetcommençaitsajournée. Cequi,comptetenudesévénementsdelanuitprécédente,devaitêtrelecas. Butchsedirigeadroitverselle. —T’asletempsdediscuter? Bethacquiesça.Ilsentrèrentdansl’unedessallesd’interrogatoire. Pourtagouverne,lescamérasetlesmicrossontdébranchés,annonça-t-il. —N’est-cepastamanièrehabituelledetravailler? Ilsouritetpritplaceautourdelatable.Mainsjointes. — Je me suis dit qu’il fallait que tu saches que Billy Riddle était dehors. Il a été relâché tôt ce matin.Elles’assit. —Ils’appelleBillyRiddle? —Iladix-huitans.Pasdeprécédentearrestationentantqu’adulte,maisj’aipiratésoncasierde mineur. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas chômé. Agression sexuelle, harcèlement, menuslarcins.Sonpèreestunegrosselégume,alorslemômeaunepointurecommeavocat.Mais j’aiparléauprocureur.Ellevatoutfairepourlepoursuivreavecunchefd’inculpationsérieuxpour t’éviterdetémoigner. —Jeleferais’illefaut. —Bonnefille.(Butchs’éclaircitlavoix.)Alorscommenttuvas? —Bien.(Ellen’étaitpasd’humeuràlaisserDur-à-cuireJouerlespsysavecelle.Larudessede ButchO’Nealluidonnaitenvied’avoirl’airforte.)Encequiconcernelavoiturepiégée,j’aiappris qu’ils’agissaitselontoutesprobabilitésd’unechargedeplastiqueetqueledétonateurasautélorsde l’explosion.Çaressembleàdutravaildepro. —T’asdîné? Ellefronçalessourcils. —Non. Avec ce qu’elle avait avalé au déjeuner, elle ferait mieux aussi de sauter le petit-déjeuner du lendemain.Butchseleva. —Parfait.J’allaisjustementmangerunmorceauchezTullah. Ilsedirigeaverslaporteetlamaintintouvertecommepourlalaisserpasser.Ellerestaimmobile. —Jen’aipasl’intentiondedîneravectoi. — Comme tu voudras. J’imagine que ça t’intéresse pas de savoir ce qu’on a trouvé parmi les débrisdelavoiture.Laporteserefermadoucementsurlui.Ellen’allaitpasmordreàl’hameçon.Pas question… D’unbond,Bethselevaetluiemboîtalepas. CHAPITRE8 Deboutdanssachambrevirginaleblancetivoire,Marissanesavaitquefaire.Entantqueshellane deKolher,elleressentaittouteladouleurdecedernieretsavait,parl’intensitédesasouffrance,qu’il devaitavoirperduunautredesescompagnonsd’armesdelaConfrérie. S’ilsavaienteuunerelationnormale,laquestionneseseraitpasmêmeposée.Elleseraitalléele retrouverpourtâcherdesoulagersapeine.Elleluiauraitparlé,l’auraitprisdanssesbrasouaurait pleuréaveclui.L’auraitréchauffédesoncorps. Auraitfaitcequelesshellanefontpourleurcompagnon.Etreçoiventenretour. Ellejetauncoupd’œilàlapenduletteposéesurlatabledechevet.Bientôt,Kolhers’enfoncerait danslanuit.Siellevoulaitlevoir,elledevaityallermaintenant. Marissahésitait,parpeurdeseridiculiser.Elleneseraitpaslabienvenue. Comme elle aurait aimé qu’il soit plus simple de le soutenir, comme elle aurait aimé savoir ce qu’ilattendaitd’elle!Unefois,longtempsauparavant,elles’étaitconfiéeàlashellanedeTohrment, dansl’espoirqueWellsieluiprodiguequelquesconseils,luidisecommentsecomporter.Comment agirpourqueKolherlaconsidèredignedelui. WellsieavaitcequeMarissadésirait.Unvéritablecompagnon.Unmâlequirentraitlaretrouver. Quiriait,criaitetpartageaitsavieavecelle.Quilaserraitcontrelui. Unmâlequirestaitàsescôtéspendantcesmomentsterriblesoùelleétaitfertile.Quiapaisaitles effroyablespulsionsdesoncorpspendanttouteladuréedeschaleurs. Kolhernefaisaitriendetoutcela.Notammentsurledernierpoint.Enfait,Marissadevaitfaire appel à son frère, dans ces moments-là. Havers la rendait inconsciente pendant toute cette période, situationembarrassantepourtouslesdeux. ElleavaittantsouhaitéqueWellsiepuissel’aider,maislaconversationavaittournéaudésastre.Le regardpeinédeWellsieetsesréponsesprudenteslesavaientrongéestouteslesdeux,soulignantavec plusd’acuitétoutcedontMarissaétaitprivée. Dieuqu’elleétaitseule! Ellefermalesyeuxet,denouveau,sentitlasouffrancedeKolher. Ilfallaitqu’elleletrouve.Parcequ’ilsouffrait.Enoutre,àpartlui,qu’avait-elled’autredanssa vie? Elle sentit qu’il se trouvait dans la demeure de Audazs. Elle prit une profonde inspiration et se dématérialisa. Avecprécaution,Kolherrelâchasapostureetsereleva.Sesvertèbrescraquèrentlorsqu’ellesse remirentenplace.Ilôtalesdiamantsdesestibias. Uncoupsefitentendreàlaporte,qu’ilautorisaàs’ouvrir,pensantqu’ils’agissaitdeFritz. Lorsquel’effluvemarinluiparvint,ilcontractalamâchoire. — Qu’est-ce qui t’amène, Marissa ? demanda-t-il sans même se tourner vers elle. Il se dirigea verslasalledebainsetsecouvritavecuneserviette. —Laisse-moitelaver,Seigneur,murmura-t-elle.Etsoignertesblessures.Jepeux… —Jevaisbien. Ilguérissaitvite.D’iciàlafindelanuit,lescoupuresseraientàpeinevisibles. Kolher se dirigea vers l’armoire et examina sa garde-robe. Il en sortit une chemise noire à mancheslongues,unpantalonencuiret–bordel!–qu’est-cequec’étaitqueça?Non,ça,jamais.Il n’allaitpasportercesslipsringards.Plutôtsepasserdesous-vêtementsquedesefairechopperavec çasurlecul. La première chose à faire était d’entrer en contact avec la fille de Audazs. Il savait qu’il était presquetroptard,carlemomentdelatransitionarrivaitvite.Puisildevaitsemettreenrapportavec ViszsetFhuriepoursavoirs’ilsavaientdunouveausurlesobjetsretrouvéssurl’éradiqueur. IlétaitsurlepointdelâchersaservietteetdesepréparerquandilpritconsciencequeMarissase trouvaittoujoursdanslapièce. Illuijetauncoupd’œil. —Rentrecheztoi,Marissa,dit-il. Elleinclinalatête. —Seigneur,jeressenstadou… —Jevaistrèsbien. Ellehésital’espaced’uncourtinstant,avantdedisparaître. Dixminutesplustard,Kolherentradanslesalon. —Fritz?appela-t-il. —Oui,maître? Lemajordomesemblaitsatisfaitquesonnouveaumaîtrefasseappelàlui. —Ilrestequelques-unsdecescigaresrouges? —Biensûr. Fritzsedirigeaversuncoffretancienenacajou,lerapporta,ensoulevalecouvercleetinclinala boîte.Kolherpritdeuxcigarillosroulésàlamain. —Sivouslesaimez,j’enferaivenirdavantage. —Paslapeine.C’estsuffisant. Kolhern’avaitpascetteformededépendance,maisilétaitdécidéàenfairebonusage,cesoir-là. —Souhaitez-vousvousrestaureravantdesortir?(Kolhersecoualatête.)Àvotreretour,peutêtre? LavoixdeFritzavaitfaibli.Ilrefermalecouvercleducoffret. Kolher était sur le point de faire taire le vieux mâle lorsqu’il songea à Audazs. Celui-ci aurait témoignéplusd’égardsàsonvieuxserviteur. —OK.Ouais.Merci. Defierté,lemajordomeredressalesépaules. Bonsang,ondiraitqu’ilsourit,seditKolher. —Jeprépareraidel’agneau,maître.Commentaimez-vousvotreviande? —Bleue. — Et je laverai vos autres vêtements. Souhaitez-vous que je passe une nouvelle commande de vêtementsdecuir? —Ne…(Kolhers’interrompit.)Pourquoipas.Bonneidée.Ah,oui,pouvez-vousmeprocurerdes boxers?Noirs.XXL. —Avecplaisir. Kolhertournalestalonsetsedirigeaverslaporte.Bonsang,comments’était-ildébrouillépour seretrouveravecunserviteur? —Maître? —Ouais?grogna-t-il. —Faitesbienattentionàvous,dehors. Kolhers’arrêtaetregardapar-dessussonépaule.Fritzsemblaitserrerlecoffretcommeuntrésor contresoncœur. C’étaitvraimenttropbizarrequequelqu’unattendesonretour,pensaKolher. Ilquittalademeureetdescenditlalonguealléequimenaitàlaruebordéed’arbres.Deséclairs striaientleciel,commeunepromessed’oragedontleseffluvesluiparvenaientdusud. Bonsang,oùsetrouvaitlafilledeAudazsencemomentmême? Ilcommenceraitparsonappartement. Aprèss’êtrematérialisédanslacourarrièredel’appartementdeBeth,Kolherregardaàtravers lesvitresetréponditparunronronnementaumiaulementdebienvenueduchat.CommeBethn’était pas chez elle, Kolher s’assit sur la table de jardin. Il était décidé à l’attendre environ une heure, ensuiteilretrouveraitsesfrèresd’armes.Ilpourraittoujoursrepasseràl’aube,mêmesi,comptetenu des circonstances de leur première rencontre, débarquer chez elle à 4 heures du matin n’était probablementpaslameilleureoption. Ilôtaseslunettesdesoleiletsefrottal’arêtedunez.Commentallait-illuiexpliquercequiétait surlepointdeluiarriver?Etcequ’elledevraitfairepoursurvivreàlatransformation? Ilavaitl’impressionquelesnouvellesn’allaientpaslafairegrimperauxrideaux. Kolherseremémoralescirconstancesdesapropretransition.Quellegalère!Luinonplusn’y avaitpasétépréparé,etsesparents,désireuxdelepréserver,étaientmortsavantdel’informerdece quil’attendait. Sessouvenirsluirevinrentavecuneterribleacuité. Londres au XVIIe siècle était une ville où régnait la violence, que subissaient particulièrement ceuxquiseretrouvaientseulsaumonde.LesparentsdeKolheravaientétémassacréssoussesyeux deuxansauparavant,etKolheravaitfuiceuxdesonespèce,pensantqueluiseuldevaitporterlahonte delalâchetédontilavaitfaitpreuvecettenuit-là. Au sein de la société vampire, il aurait été éduqué et protégé de par son rang de futur roi ; le mondedeshumains,enrevanche,sefondaitsuruneméritocratiephysique.Quelqu’undeconstitution faible,commeluiavantsatransformation,seretrouvaittoutenbasdel’échellesociale.Àl’époque,il étaitseccommeuncoupdetrique,maigrichonetfaiblard,uneproiefacilepourlesgarçonshumains delacapitalequicherchaientàs’amuser.Envivantdanslesbas-fondslondoniens,ilavaitétébattusi souventqu’ils’étaithabituéàcequecertainespartiesdesoncorpsfonctionnentmal.Ilnes’étonnait plusdenepaspouvoirplierlajambeàlasuited’unmauvaiscoupàlarotule.Oudenepaspouvoirse servirdesonbrasparcequesonépauleétaitdéboîtéeaprèsqu’ilavaitététraînéparuncheval. Il se nourrissait de ce qu’il récupérait dans les poubelles, toujours à deux doigts de mourir de faim, quand il avait fini par trouver un emploi de valet d’écurie chez un marchand. Kolher avait nettoyé des sabots, des selles et des brides jusqu’à en avoir les mains craquelées, mais au moins il était nourri. Il dormait sur une paillasse aux écuries, au deuxième niveau du grenier à foin. Sa paillasseétaitmoinsdurequelepavéauquelilétaithabitué,maisilnesavaitjamaisàquelmomentil serait réveillé d’un coup de pied dans les côtes parce qu’il prenait l’envie à un garçon d’écurie de s’envoyerenl’airavecunebonneoudeux. Àl’époque,illuiétaitencorepossibledes’exposeràlalumièredujour,etl’aubeconstituaitla seule joie de son existence pitoyable. La chaleur sur son visage, la brume s’insinuant dans ses poumons,lesoulagementapportéparlalumière:cesplaisirsétaientlesseulsqu’ilconnaissaitetil leuraccordaitbeaucoupdeprix.Savue,diminuéedenaissance,étaitdéjàfaible,maisbienmeilleure qu’àl’heureactuelle.Ilsesouvenaitencoreavecuneclartédouloureusedelabeautédusoleil. Ilétaitemployédepuisunanenvironchezlenégociantquandtoutesaviefutbouleversée. Lanuitdesatransition,ils’étaitécroulésursapaillasse,fourbuetéreinté.Depuisquelquetemps déjà,ilnesesentaitpastrèsbien,avaitdumalàaccomplirsontravail,cequiàproprementparlerne constituaitpasunenouveauté. Ladouleur,lorsqu’ellelefrappa,avaitétéunevéritabletorturepoursonfaiblecorps.Elleavait prisnaissancedanssonventreetirradiéverslapériphérie,jusqu’auboutdesdoigtsetdesorteilsetla pointe du moindre de ses cheveux. Ni fracture, ni hématome, ni fièvre ne pouvaient rivaliser avec l’intensitédesasouffrance.Kolhers’étaitpelotonnéenchiendefusil,yeuxplissés,haletant.Ilétait persuadéquesafinétaitprocheetilavaitpriépourquel’obscurités’abattesurlui,espérantlapaixet lafindesonagonie. Puisunemagnifiquejeunefemmeblondeluiétaitapparue. Unange,envoyépourleguiderdel’autrecôté. Réduit à l’état de loque, il avait imploré sa pitié. Il avait tendu le bras vers l’apparition, et, lorsqu’ilavaitsentisamainsurlui,ilavaitsuquesafinétaitproche.Alorsqu’elleprononçaitson nom,ilavaitessayédesourire,reconnaissant,maisilavaitétéincapablederemuerleslèvres.Ellelui avaitannoncéqu’elleétaitcellequiluiavaitétépromise,cellequiavaitbuunegorgéedesonsang alorsqu’iln’étaitqu’unenfant,cequiexpliquaitqu’elleavaitsuoùletrouver.Elleluiavaitditqu’elle étaitvenuepourlesauver. PuisMarissaavaitentailléelle-mêmesonpoignetavecsescaninesetl’avaitportéàlabouchede Kolher. Il s’y était abreuvé désespérément, mais la souffrance n’avait pas cessé pour autant. Elle s’était simplementtransformée.Ilavaitsentisesarticulationssedéformer,sesoss’altérerdansd’horribles craquements. Ses muscles s’étaient tendus puis ouverts, béants, et il avait eu l’impression que son crâne allait exploser. Tandis que ses yeux saillaient de leurs orbites, sa vue avait baissé : seule lui restaitsonouïe. Sarespiration,sifflanteetgutturale,luimeurtrissaitlagorge.Àunmomentdonné,ilavaitperdu connaissance,pourreveniràluidansunesouffranceplusatroceencore.Lalumièredusoleilqu’il aimait tant filtrait par les fentes des bardeaux de la grange comme de pâles flèches d’or. Un rai de lumièreavaitatterrisursonbras:l’odeurdechairbrûléel’avaithorrifié.Ilavaitramenésonbras versluietregardétoutautour,enproieàlapanique.Ilnepouvaitdistinguerquedesformesvagues. Aveugléparlalumière,ils’étaitmisdebout,pourretomberimmédiatementfacecontrelapaillasse. Soncorpsréagissaitcommes’illuiétaitétranger,etilluiavaitfalludeuxtentativespourréussiràse tenirsursespieds,lesjambeschancelantescommecellesd’unpoulainvenantdenaître. Ilsavaitqu’ildevaittrouverunabripourseprotégerdelalumièredujour.Ils’étaittraînéjusqu’à l’endroit où les échelles auraient dû se trouver. Mais il avait mal estimé ses déplacements et avait atterri dans le foin. Étourdi par la chute, il avait songé au cellier à grain. En bas, il serait dans l’obscurité. Dans la grange, il s’était cogné, titubant, aux stalles et avait trébuché sur des semences, tout en essayant de rester hors de portée des rayons du soleil et de contrôler ses membres qui ne lui obéissaientpas.Alorsqu’ilsedirigeaitverslefonddelagrange,ils’étaitcognélatêtecontreune poutresouslaquellesatailleluiavaittoujourspermisdepasserfacilement.Dusangluiavaitcoulé danslesyeux. Peuaprès,ungarçond’écurieétaitarrivé,exigeantdesavoirquiilétait.Kolhers’étaittournévers lavoixfamilièreenpensanttrouverdel’aide.Ilavaittendulamainetcommencéàparler,maissa voix,elleaussi,étaitétrangère. Puis il avait entendu une fourche arriver droit sur lui. Il avait simplement voulu parer le coup, mais, lorsqu’il avait saisi le manche épais pour l’écarter, il l’avait envoyé se fracasser contre une porte de stalle. Le garçon d’écurie avait poussé un cri strident et s’était enfui à toutes jambes, sans aucundoutepourallerchercherdurenfort. Enfin,Kolherétaitparvenujusqu’aucellier.Ilavaitprisdeuxénormessacsd’avoinequ’ilavait posés contre la porte pour empêcher quiconque d’entrer pendant la journée. Éreinté, en proie à d’atroces douleurs, du sang coulant le long de son visage jusqu’au menton, il avait rampé dans le cellierets’étaitadosséaumurdeterre.Ilavaitrepliélesgenouxdevantlui,conscientquesescuisses étaientquatrefoisplusgrossesquelaveille.Ilavaitfermélesyeuxetappuyésajouecontresesbras. Tremblant,ilavaitluttépouréviterdesedéshonorerenpleurant.Ilétaitrestééveillétoutelajournée, àécouterlespasau-dessusdesatête,lepiétinementdessabotsdeschevaux,l’échodesvoix.Ilétait terrifié à l’idée que quelqu’un ouvre les deux battants du cellier et le découvre. Et heureux que Marissasoitpartieetnesoitpasexposéeàlamenacehumaine. Revenant au présent, Kolher entendit la fille de Audazs marcher dans son appartement. Une lumières’alluma. Beth jeta ses clés sur la console de l’entrée. Le dîner rapide avec Dur-à-cuire s’était révélé étonnammentfacile.Dur-à-cuireluiavaitdonnédenouvellesinformationssurl’attentatàlavoiture piégée.UnMagnummodifiéavaitététrouvédanslaruelle.Butchavaitaussimentionnéleshuriken qu’elleavaitsignaléàRicky.Lesenquêteursdelapolicescientifiquetravaillaientsurlesarmespour essayerd’ypréleverdesempreintes,desfibresouunquelconqueindice.Lepistoletnesemblaitpas devoir leur en apprendre beaucoup, mais le shuriken, sans surprise, portait des traces de sang sur lequel une analyse ADN était en cours. Quant à la bombe, la police pensait qu’elle était liée à une affairededrogue.LaBMWavaitétéaperçueauparavant,garéeaumêmeendroitderrièreleclub.Le Screamer’sétaitunrepairededealersquisemontraienttrèschatouilleuxquantàleurterritoire. Beths’étira,sechangeaetpassaunboxer.C’étaituneautrechaudenuitd’été.Elledéplialefuton, déplorantquelaclimatisationsoitenpanne.Ellebranchaleventilateur,donnaàmangeràBouhqui, unefoisqu’ileutvidésagamelle,seremitàtournerenronddevantlaportevitrée. —Onvapasremettreça,dis-moi? Deséclairsapparurent.Ellesedirigeaverslaportevitrée,l’ouvrit,tiralagrilleetlaverrouilla. Ellenelaisseraitlaporteouvertequequelquesminutes.Pourunefois,l’airnocturnesentaitbon.Sans relentsdedétritus. Maiscettechaleur! Ellesedirigeaverslasalledebains.Elleretiraseslentillesdecontact,sebrossalesdents,selava levisage,puissefrottalanuqueavecungantpassésousl’eaufroide.Del’eaucoulasursapeau;elle savouralasensationdefraicheurenregagnantlapièceprincipale. Bethfronçalessourcils.L’airétaitimprégnéd’uneodeurdesplusétranges,opulenteetépicée… Ellesedirigeaverslagrilleethumal’airplusieursfois. Alorsqu’elleinspirait,ellesentitlatensionserelâcherdanssesépaules. Puis elle vit Bouh, assis sur ses pattes arrière, qui ronronnait comme pour accueillir quelqu’un qu’ilconnaissait. Putainmais… L’hommequ’elleavaitvuenrêvesetrouvaitdel’autrecôtédelagrille. Bethbonditenarrièreetlâchasaserviette. Lagrilles’ouvrit.Endépitdufaitqu’ellel’avaitverrouillée. L’effluveextraordinaires’épaissitencoretandisquel’hommeentraitchezelle. Beth,saisiedepanique,futpourtantincapabled’esquisserlemoindremouvement. Bon sang, ce type était colossal. Certes, son studio était petit, mais, avec lui à l’intérieur, son appartementprenaitdesalluresdeboîteàchaussures.Etlecuirnoirdontilétaitvêtudepiedencaple faisaitparaîtreencoreplusgigantesque.Ildevaitmesureraumoinsdeuxmètresetpeserplusdecent vingtkilos. Uneminute. Àquoijouait-elle,àlejaugercommesielleprenaitsesmesurespouruncostume?Courir,elle auraitdûsemettreàcourir.Ets’enfuirparl’autreporte. Maisellerestaitsimplementlààleregarderfixement. Endépitdelachaleur,ilportaitunblousondemotard;seslonguesjambesétaientaussivêtuesde cuir.Ilavaitdegrossesbottesdemotardàemboutmétalliqueetsedéplaçaitcommeunprédateur. Bethtenditlecoupourregardersonvisage. MonDieu,quelcanon! Mâchoirecarrée,lèvresépaisses,pommetteshautesquicreusaientdesombrespleines.Ilavaitdes cheveux longs et noirs qui lui arrivaient aux épaules et une barbe noire naissante. Ses lunettes de soleilpanoramiquesluiallaientàlaperfectionetluidonnaientl’airmenaçantd’untueuràgages. Commesicequisedégageaitdeluinesuffisaitpasàluidonnercetaird’assassin. L’homme fumait une sorte de fin cigare rougeâtre. Il en aspira une longue bouffée et le bout incandescentprituneteinteorangevif.Ilexpiraunnuagedefuméeodorante,qui,lorsqu’ilatteignit Beth,accentualatorpeurquis’étaitemparéed’elle. Il devait être venu pour la tuer, pensa-t-elle. Elle ne savait pas pourquoi un tueur à gages était aprèselle,mais,tandisqu’ilexpiraituneautreboufféedesonétrangecigare,ellesemblaitàpeinese souvenirdel’endroitoùellesetrouvait. Beth sentit son corps vaciller alors qu’il se rapprochait. Elle était terrifiée à l’idée de ce qui arriveraitlorsqu’illatoucherait,maisnotaavecstupeurqueBouhsefrottaitcontrelesjambesdeson visiteur. Queltraître,cechat!Si,parmiracle,elleenréchappait,elleleremettraitauxcroquettesenguise dereprésailles! Beth leva la tête pour fixer le regard intense et terrifiant de son visiteur. Ses lunettes de soleil l’empêchaientdevoirlacouleurdesesyeux,maisellesentaitqu’illadévoraitduregard. C’est alors qu’il se passa quelque chose d’extraordinaire. Alors qu’il se tenait immobile devant elle,ellesentitundéferlementdeplaisirpurlasubmerger.Pourlapremièrefoisdesavie,ellesentit soncorpsvibrerdedésir.Etd’excitation. C’étaituneréactionépidermique,songea-t-ellel’airhébété.Uneréactionépidermiquepure,brute etanimale. Ellevoulaittoutdelui. —Jemesuisditqu’ondevaitréessayer,déclara-t-il. Ilavaitlavoixgrave,quigrondaitdanssapoitrine.Ellecrutydécelerunaccentqu’elleneparvint pasàidentifier. —Quiêtes-vous?demanda-t-elledansunsouffle. —Jesuisicipourvous. Levertigequilasaisitlacontraignitàprendreappuicontrelemur. —Pourmoi?Où…?(Confuse,elleluttaitpourtrouversesmots.)Oùallez-vousm’emmener? Aupont?Oùiljetteraitsoncorpsdanslefleuve? Sa main franchit la distance entre leurs corps et il saisit le menton de Beth entre le pouce et l’index.Illuiinclinalevisage. —Vousallezmetuervite?murmura-t-elle.Oulentement? —Pastuer.Protéger. Tandis qu’il baissait son visage vers elle, elle se dit qu’elle devrait essayer de le repousser, en dépit de ses paroles. Il fallait qu’elle retrouve l’usage de ses bras et de ses jambes. L’ennui, c’était qu’ellen’avaitpasvraimentenviedelerepousser.Elleprituneprofondeinspiration. Bonsang,ildégageaituneodeurextraordinaire.Delatranspirationfraîcheetpropre.Uneodeur masculinemusquée.Etcettefumée! Leslèvresdel’hommeeffleurèrentsoncou;ellesentitqu’ilhumait.Elleentenditlecraquement ducuirdesonblousonlorsquel’airemplitsespoumonsetquesapoitrinesegonfla. —Vousêtespresqueprête,déclara-t-ild’unevoixdouce.Etçaarrivevite. Siceàquoiilfaisaitréférenceavaitquelquechoseàvoiraveclefaitdeseretrouvernuedevant lui, elle le recevait cinq sur cinq. Mon Dieu, ce devait être ce à quoi les gens faisaient allusion lorsqu’ilsévoquaientles«plaisirsdelachair».Elleneremettaitpasenquestionlebesoinqu’elle ressentait de l’avoir en elle. Elle savait seulement qu’elle mourrait s’il ne retirait pas son pantalon. Toutdesuite. Bethtenditlamain,curieusedeletouchermais,lorsqu’ellerelâchasonappuicontrelemur,elle faillit tomber. D’un seul geste, apparemment, il porta le cigarillo à ses lèvres cruelles et la prit aisément dans ses bras. Beth s’appuya contre lui, sans même feindre de le repousser. Il la portait commesielleétaitaussilégèrequ’uneplumeettraversalapièceendeuxenjambées. Lorsqu’ill’allongeasurlefuton,seslongscheveuxtombèrentenavantetellelevalamainpour encaresserlesnoiresondulations.Ilsétaientépaisetdoux.Elleposalamainsursonvisageet,bien qu’ilaitl’airsurpris,ilselaissafaire. Dieu,toutenluiirradiaitlesexe:soncorpspuissant,sesgestessensuels,l’odeurdesapeau.Ilne ressemblaitàaucundeshommesqu’elleavaitcroisésauparavant.Etsoncorpss’enrendaitcompte toutautantquesonesprit. —Embrasse-moi,luidit-elle. Ilsetenaitau-dessusd’elle,menacesilencieuse. Prised’unesoudaineimpulsion,elleagrippalespansdesonblousondecuirettentadel’attirer contreelle.D’uneseulemain,illuisaisitlesdeuxpoignets. —Ducalme. Ducalme?Ellen’avaitpasenviedecalme.Lecalmenefaisaitpaspartiedesonplan. Beth lutta pour se dégager de son emprise et, comme elle ne parvenait pas à se libérer, s’arcbouta. Ses seins pointaient à travers son tee-shirt ; elle frotta ses cuisses l’une contre l’autre, anticipantcequ’elleressentiraits’ilseglissaitentreelles. Siseulementillatouchait… —DouxJésus,murmura-t-il. Elleluisourit,goûtantledésirsoudainqu’ellelisaitsursonvisage. —Caresse-moi. L’étrangersecoualatête.Commes’ils’efforçaitdes’éclaircirlesidées. LeslèvresdeBeths’entrouvrirentetellepoussaungémissementdefrustration. —Enlèvemontee-shirt.(Denouveau,elles’arc-boutaetluioffritsoncorps,brûlantedudésirde savoirsiundésirplusfortencoreexistaitailleursenelle,undésirqu’ilpourraitfairenaîtredeses mains.)Vas-y. Ilôtalecigarillodesabouche.Ilfronçaitlessourcilsetelleseditvaguementqu’elleauraitdû être terrifiée. Au lieu de quoi, elle replia les genoux et souleva son bassin. Elle imagina qu’il embrassaitl’intérieurdesescuisses,qu’iltrouvaitsonsexeavecsaboucheetlaléchait. Ellepoussaunautregémissement. Kolherétaitabasourdi. Iln’étaitpourtantpasvampireàselaisserdémonter.Putaindemerde. Cettesang-mêléétaitlacréaturelapluschaudequ’ilaitjamaisapprochée.Or,ilétaitdéjàtombé uneoudeuxfoissurdescréaturesquin’avaientpasfroidauxyeux. C’étaitlafuméerouge.Ilfallaitquecesoitça.Enoutre,lasubstancedevaitcommenceràfaire effetsurlui,carluiaussisesentaitplusqueprêtàlaprendre. Ilregardalecigarillo. C’estcequis’appelleunebellerationalisation, pensa-t-il. Dommage que la drogue en question soitunrelaxantetnonunaphrodisiaque. De nouveau, Beth gémit et laissa onduler son corps, en proie à une vague de désir, jambes écartées.L’odeurd’excitationquimontaitd’ellelefrappadepleinfouet.S’iln’avaitpasétéassis,le chocauraitpulemettreàgenoux. —Caresse-moi,implora-t-elle. LesangdeKolhersemitàpomperdanssesveinescommes’ilcouraitunmarathon;sonsexeen érectionsemblaitavoirsaproprepulsation. —Jenesuispaslàpourça,répondit-il. —Caresse-moiquandmême. Kolher savait qu’il devait refuser. Ce n’était pas juste pour elle. Sans compter qu’ils devaient parler. Peut-êtreferait-ilmieuxderevenirplustarddanslanuit. Elles’arc-boutaetrepoussalamainquiluimaintenaitlespoignets.Quandsesseinspointèrentde nouveauàtraverssontee-shirt,ildutfermerlesyeux. Ilétaittempsd’yaller.Ilétaitvraimenttemps…Maisilnepouvaits’enallersansavoiraumoins unavant-goût. Peut-être,maisilneseraitqu’unégoïstedoubléd’unsalauds’ilposaitneserait-cequ’undoigtsur elle.Unégoïstedoubléd’unsalauds’ilprenaitcequ’elleétaitprêteàoffrirsousl’effetdeladrogue. Kolherlaissaéchapperunjuron,puisouvritlesyeux. Bonsang!Toutétaitsifroidàl’intérieurdelui.Commegeléjusqu’àlamoelledesesos.Elle,en revanche, était râlante de désir. Une chaleur suffisante pour faire fondre cette glace, l’espace d’un instant. Etçafaisaittellementlongtemps,pourlui. Il éteignit les lampes de la pièce par la pensée. Puis, de la même manière, il ferma la porte de derrière,envoyalechatdanslasalledebainsetverrouillatouteslesserruresdel’appartement. Il posa soigneusement le cigarillo en équilibre sur le bord de la table de chevet et lâcha les poignetsdeBeth.Desesmainslibérées,BethagrippaleblousondeKolherettentadedégagerses épaules. Il se débarrassa du vêtement, qui heurta le sol dans un bruit sourd. Beth eut un petit rire satisfait.Puiscefutautourduholsterabritantsesdagues,qu’ilgardatoutefoisprèsdufuton. Kolhersepenchasurelle.Quandilsaisitseslèvresdesabouche,ilsavouralesouffledeBeth,au goût sucré et mentholé. Il la sentit tressaillir et s’écarta immédiatement. Les sourcils froncés, il effleuralacommissuredeseslèvres. —Laissetomber,luidit-elle. Ellelesaisitparlesépaulesetl’attiraverselle. Commes’ilallaitlaissertomber!QueDieuvienneenaideàl’humainquiavaitoséposerlamain surelle.Kolherallaitlemettreenpiècesetlelaisserseviderdesonsangdanslarue. Ilembrassadoucementl’hématomequiavaitcommencéàguérir,puislaissacourirsalanguele longdesoncou.Cettefois,lorsqu’ilvitsesseinspointer,ilglissalamainsoussontee-shirtfin,sur sapeaudouceetchaude,sonventreplat,jusqu’àsonbassin.Avided’explorerlerestedesoncorps,il luiôtasontee-shirtetlejeta.Elleportaitunsoutien-gorgepâle.Duboutdesdoigts,ilensuivitles contours avant de saisir dans le creux de ses paumes les renflements ivoire. Ses seins vinrent s’y nicherparfaitement,sesmamelons,rappelantdepetitsbourgeonsdurspointantsouslesatinsoyeux. Kolherperditlecontrôle. Il dévoila ses canines, chuinta et mordit dans son soutien-gorge, à l’endroit où il s’ouvrait. Il dénudasapoitrineetsaisitdanssabouchel’undesesseins.Illesuçaets’étenditsurelle,entreses jambes.Elleabsorbasonpoidsdansunsoupirrauque. BethlevalesmainspoursaisirlachemisedeKolher,maisiln’eutpaslapatiencedelalaisserle déshabiller. Il se releva et déboutonna sa chemise en hâte, faisant sauter les boutons, qui s’éparpillèrentausol.Lorsqu’ils’allongeadenouveausurelle,ilsentitlesseinsdeBethseplaquer contresontorseetsoncorpsseserrercontrelesien. De nouveau, il eut envie d’embrasser sa bouche, mais son désir impérieux n’en était plus aux préliminaires.Desalangue,ilcaressasesseinsetdescenditverssonventre.Ilfitglisserl’élastique desonboxerlelongdesjambeslonguesetfinesdesapartenaire. Quelque chose éclata dans sa tête lorsque l’odeur du corps de Beth le submergea dans une nouvelle vague. Kolher était déjà dangereusement proche de l’orgasme, près d’éjaculer, le corps tremblant du désir de la posséder. Il glissa sa main entre ses cuisses. Son sexe était si brûlant et humidequeKolherémitungrognementdeplaisir. Foudedésir,ilvoulutlagoûteravantdes’introduireenelle. Il retira ses lunettes de soleil, qu’il plaça à côté du cigarillo, puis il embrassa avec fougue ses hanches et le haut de ses cuisses. Beth lui caressait les cheveux et, de ses mains, le guidait vers l’endroitoùluiaussivoulaitaller. Il embrassa sa peau délicate et prit son sexe. Elle répondait à ses caresses au point où il fut incapablederésisterpluslongtempsàsondésir.Ils’écarta,ôtasonpantalonetlacouvritdenouveau desoncorpspuissant. Elleenroulalesjambesautourdesonbassin;ilchuintaensentantsachaleurcontresonsexeen érection. Ildutrecouriràcequ’illuirestaitdevolontépours’écarteretlaregarder. —Net’arrêtepas,murmura-t-elledansunsouffle.JeVeuxtesentirenmoi. Kolherenfouitsatêtedanslecreuxodorantdesoncou.Lentement,ilécartasesjambes.Sonsexe trouvasansdifficultél’entréedesonvaginetils’introduisitenelled’unmouvementpuissant. Ilpoussaunrugissementd’extase. Leparadis.Ilsavaitdésormaiscequ’étaitleparadis. CHAPITRE9 Danssachambre,M.Xsechangeaetpassaunpantalondetoileetunechemiseennylonnoirs.Il était satisfait de la façon dont la réunion de la Société t’était déroulée l’après-midi même. Tous les éradiqueursavaientfaitactedeprésence.Laplupartd’entreeuxavaientadhéréauxnouvellesrègles. Quelques-unsallaientcauserdesproblèmes.Enfin,unpetitnombred’entreeuxavaittentédefairede lalèche. Cequinelesavaitconduitsnullepart. Àlafindelaréunion,M.Xenavaitchoisivingt-huitdepluspourintervenirdanslarégionde Caldwell,choixfondésurlaréputationdesagentsenquestionetl’impressionqu’ilavaiteueenles observantdeplusprès.Douzeétaientlesmeilleursdansleurdomaine;illesavaitrépartisendeux escadronsprincipaux.Puisilavaitventilélesseizeautresenquatreescadronssecondaires. Aucund’euxnefutsatisfaitparlanouvelleorganisation.Tousétaienthabituésàtravaillerseulset les membres des escadrons principaux se montrèrent particulièrement réticents à l’idée de perdre ainsi leur autonomie. Dans l’esprit de M. X, le principal intérêt était d’affecter à ces escadrons différentsquartiersdelaville,d’établirdesquotasetdesuivredeplusprèslesrésultats. Ilrenvoyaleresteàleursavant-postes. Maintenant qu’il avait réparti ses troupes, il allait se concentrer sur la procédure de collecte de renseignements.Ilavaituneidéedelafaçond’organiserleschoses,qu’ils’apprêtaitàtesterlesoir même. Avant de sortir pour la nuit, il jeta à chacun de ses pitbulls un kilo de viande crue. Il aimait les affameretnelesnourrissaitqu’unjoursurdeux.Ilpossédaitceschiens,deuxmâles,depuiscinqans environ, et les enchaînait respectivement à l’avant et à l’arrière de la maison. Cette organisation, logique sur le plan défensif, se justifiait aussi sur le plan pratique. La seule fois où M. X les avait enchaînésensemble,leschienss’étaientjetésàlagorgel’undel’autre. M.Xpritsonsac,verrouillalamaisonettraversalapelouse.Leranchétaitunexempletypiquede l’horreur architecturale du début des années 1970, avec son revêtement en fausses briques, qu’il s’abstenaitdélibérémentd’entretenir.M.Xnetenaitpasàattirerl’attentionet,danslequartier,leprix dumètrecarrén’atteignaitpasdessommets. Quiplusest,lamaisonelle-mêmeluiimportaitpeu.Seulleterraincomptait.Cinqhectaresquilui procuraienttoutel’intimitédontilavaitbesoin.Aufondsetrouvaitaussiuneveillegrangeentourée d’arbres,qu’ilavaittransforméeenatelier,protégépardenombreuxchênesetérables. Quiétouffaientlescris. M.Xpalpasontrousseaudecléspourtrouverlabonne.Commeiltravaillaitcesoir-là,illaissa son seul caprice, un gros 4 x 4 de marque Hummer, dans le garage. Le minivan Chrystler, passepartout,constituaitunebienmeilleurecouverture.Endixminutes,ilfutdanslecentre-ville. Le quartier des prostituées de Caldwell, dans la vallée, s’étirait sur trois rues, mal éclairées et jonchéesdedétritus,prèsdupontsuspendu.Cesoir-là,lacirculationétaitdenselelongdececouloir d’iniquité.Ilsegarasousunréverbèrecassépourobserverlespectacle.Desvéhiculesroulaientau pasdanslaruesombre,éclairéedetempsàautreparlesfeuxstopquandlesconducteurss’arrêtaient pour jauger la marchandise qui arpentait le trottoir. Dans la chaleur épaisse de la nuit estivale, les filles,perchéessurleurshautstalons,battaientlepavé,lesatoutsdeleursilhouettebienenévidence. M. X ouvrit la fermeture Éclair de son sac et en sortit une seringue hypodermique remplie d’héroïne ainsi qu’un couteau de chasse. Il plaça les deux objets dans la portière et abaissa la vitre côtépassageravantdereprendresaplacedansleflotdesvoitures. Il n’était qu’un parmi d’autres, songea-t-il. Un crétin parmi de nombreux autres, à la recherche d’unpeudeplaisir. —Tucherchesunpeudecompagnie?luilançaunedesprostituées. —Çatedirait,unepetitecavalcade?demandauneautreenbalançantlascivementsoncul. À son second passage, il trouva ce qu’il cherchait, une blonde aux longues jambes et aux gros seins. Tout à fait le genre de prostituée dont il se serait payé les services si son phallus était encore opérationnel. Ças’annonçaitprometteur,pensaM.Xenappuyantsurlapédaledefrein.Tuercequ’ilnepouvait plusavoirluiprocuraitunesatisfactiontoutàfaitparticulière. —Salut,monchou,dit-elleens’approchantverslui.(Elleappuyasesavant-brassurlaportièreet sepenchapar-dessuslavitre.Ellesentaitlechewing-gumàlacannelleetlasueur.)Commentçava, cesoir? —Çapourraitallermieux.Combienpourunsourire?Ellejetauncoupd’œilàl’intérieurdela voiture,àsesvêtements. —Cinquantebilletspourtedonnerdubaumeaucœur.Delafaçondonttuvoudras. —Tropcher. Enfait,ilseprêtaitaujeudumarchandage.C’étaitellequ’ilvoulait. —Quarante? —Montre-moitesseins. Elledénudasapoitrine. Ilsouritetdéverrouillalaportière. —Commenttut’appelles? —CherryPie.Maistupeuxmedonnerlenomquetuveux. M.Xconduisitlevéhiculedansunendroitisolésouslepont. Iljetal’argentàsespiedset,lorsqu’ellesepenchapourleramasser,ilplantal’aiguilleàl’arrière de sa nuque et poussa le piston. Quelques instants plus tard, elle s’effondra comme une poupée de chiffon. M.Xsourit,puislaredressaenpositionassise.Illançalaseringuepar-dessuslavitre,oùellealla rejoindredesdizainesd’autres,avantdedémarrerleminivan. Danssacliniqueensous-sol,Haverslevalatêtedesonmicroscope,saconcentrationperturbée. L’horlogedugrand-pèrecarillonnaitdanslecoindulaboratoire,luiindiquantquel’heuredudîner était venue, mais il ne voulait pas interrompre son travail. Il approcha de nouveau son œil du microscopeetsedemandas’ilavaitimaginécequ’ilvenaitd’yvoir.Aprèstout,ledésespoirpouvait beletbienaffectersonobjectivité. Maisnon,lescellulessanguinesétaientbeletbienvivantes. Ilsouffla,lecorpssaisidetressaillements. Sonespèceétaitpresquelibre. Ilétaitpresquelibre. Enfindusangstockéquiétaitencoreviable! Entantquemédecin,ilavaittoujourseulesmainsliéeslorsqu’ils’agissaitd’opérerdespatients etdetraiterdescomplicationslorsd’accouchements.Destransfusionsentempsréelentrevampires étaientcertespossiblesmais,commel’espèceétaitdisséminéeetpeunombreuse,ilétaitdifficilede trouverdesdonneursaumomentapproprié. Depuisdessiècles,sonsouhaitavaitétéd’établirunebanquedusang.Maislesangdesvampires s’avéraitextrêmementinstableetlestockageàl’extérieurducorpsS’étaittoujoursrévéléimpossible. L’air,cerideauinvisiblequiassuraitlavieetrecouvraitlaplanète,étaitl’unedescausesduproblème, etunnombrerestreintdemoléculesSuffisaitàcontaminerunéchantillon.Uneoudeux,etleplasma se désintégrait, laissant les globules blancs et rouges se débrouiller seuls, tâche que, bien sûr, ils étaientincapablesd’accomplir. Haversétaitconfrontéàunevéritableénigme.Lesangcontenaitdel’oxygène,quiluiconféraitsa couleur rouge lorsqu’il quittait les poumons. Cette différence l’avait conduit à des découvertes fascinantes relatives à la fonction pulmonaire des vampires, sans toutefois le rapprocher de son objectifinitial. Il avait essayé de prélever du sang et de le stocker immédiatement dans un contenant sous vide d’air. Cette approche, la plus évidente, s’avéra infructueuse. La désintégration se produisait malgré tout,maisàunrythmemoinssoutenu.Haversenconclutqu’unautrefacteurétaitàl’œuvre,auniveau corporel,dèslorsquelesangétaitprélevé.Ilessayad’isolerdeséchantillonsdansuneatmosphère chaude,puisdansuneatmosphèrefroide.Puisdansdessuspensionssalinesouduplasmahumain. Ses nombreuses expériences ne firent qu’accroître sa frustration. Havers réalisa d’autres expériences,essayadifférentesapproches.Recommença.Abandonnaleprojet.S’yremit. Desdécenniespassèrent.Etd’autresencore. Puisunetragédiepersonnellerenforçasadéterminationàrésoudreleproblème.Aprèslamort, lorsdel’accouchement,desashellaneetdel’enfant,unpeuplusdedeuxansauparavant,sonprojet tournaàl’obsessionetilrepartitdezéro. Avec,commemoteur,sonbesoindesenourrir. Engénéral,iln’avaitbesoindesangquetouslessixmoisenviron,carsalignéeétaitforte.Après lamortdesamerveilleuseEvangaline,ilattenditlepluslongtempspossible,jusqu’àcequelafaimle contraigne à s’aliter. Lorsqu’il finit par demander de l’aide, il se détesta de vouloir vivre au point d’en être réduit à boire le sang d’une autre femelle. Il y consentit en se disant que ce ne serait pas commeavecEvangaline.Ilnetrahiraitpassonsouvenirenprenantduplaisiràboirelesangd’une autre. Haversavaitaidétellementdemondequ’ilneluifutpasdifficiledetrouverunefemelledésireuse de s’offrir à lui. Son choix s’était porté sur une amie sans compagnon, et il avait espéré pouvoir garderpourluisatristesseetsonhumiliation. L’entrepriseavaittournéaucauchemar.Ils’étaitretenusilongtempsque,dèsqu’ilsentitlesang, leprédateurenluiavaitreprisledessus.Ilavaitattaquésonamieetbusiavidementqu’ildutparla suiteluirecoudrelepoignet. Ilavaitfailliluiarracherlamain. Son comportement lui renvoya en pleine face les idées qu’il se faisait de lui-même. Il avait toujoursétéungentleman,unérudit,unsoignant.Unmâlequin’étaitpasportésurlesvilsinstinctsde sonespèce. Maisjamaisauparavantiln’avaitrencontrédeproblèmespoursenourrir. Lavérité,terrible,étaitqu’ilavaitaimélegoûtdecesang.Lesentircouler,douxetchaud,danssa gorge;laforcequ’illuiavaitconférée. Ilavaitéprouvéduplaisir.Etenavaitvouluplusencore. Lahonteluiavaitdonnédeshaut-le-cœur.Ils’étaitalorsjurédeneplusjamaisboireàuneautre veine. Cettepromesse,ill’avaittenue,maisils’étaitaffaibliaupointqueseconcentrerluidemandaitun effort incommensurable. Sans cesse, la faim lui vrillait les entrailles. Son corps, qui avait désespérément besoin d’une substance que la nourriture ne pouvait lui apporter, s’était cannibalisé poursemaintenirenvie.Ilavaitperdutellementdepoidsquesesvêtementsflottaientsurluietque sonvisageétaitdevenuhagardetgrisâtre. Maissonétatdedépérissementluiavaitmontrélavoie. Lasolutionétaitévidente. Ilfallaitnourrircequiétaitaffamé. Un processus sous vide d’air associé à une quantité suffisante de sang humain, et il aurait ses cellulesvivantes. Souslemicroscope,ilobservalescellulesdevampire,plusgrandesetdeformeplusirrégulière quecellesdeshumains,consumerlentementcequ’illeuravaitdonné.Dansl’échantillon,lenombre des cellules humaines diminuait et, lorsqu’elles eurent disparu, il fut prêt à parier que les cellules vampiresallaientdisparaîtreàleurtour. Toutcequ’ilavaitàfaireétaitdeconduireuneétudeclinique.Ilprélèveraitundemi-litredesang d’une vampire femelle, le mélangerait avec du sang humain dans une proportion adaptée, puis se transfuseraitlesang. Si l’expérience s’avérait concluante, il instaurerait un programme de don et de stockage. Les patientsseraientsauvés.Etceuxquichoisissaientderenonceràl’intimitédes’abreuveràuneveine pourraientvivreenpaix. Havers releva la tête du microscope, prenant soudain conscience qu’il regardait fixement les cellulesdepuisvingtminutes.Lasaladedurepasdevaitl’attendresurlatableenhaut. Ilretirasablouseblancheettraversalaclinique,s’arrêtantpouréchangerquelquesmotsavecdes infirmières et quelques patients. L’installation souterraine s’étendait sur près de deux kilomètres carréssoussademeure.Ellecomportaittroissallesd’opération,dessallesdereposetd’examen,le laboratoire, son bureau, ainsi qu’une salle d’attente dotée d’un accès séparé sur la rue. Havers recevait environ mille patients par an et se déplaçait à domicile pour les accouchements et les urgences. Pourtant,sonactivitéavaitdiminuéaveclabaissedelapopulation. Comparésauxhumains,lesvampiresprésentaientd’extraordinairesdispositionsphysiologiques. Leur corps guérissait vite. Ils n’étaient pas sujets aux maladies comme les cancers, le diabète ou le sida.MaisqueDieuleurvienneenaides’ilsavaientunaccidentenpleinjour.Personnenepouvaitles secourir. En outre, certains vampires mouraient pendant leur transition ou peu de temps après. La fertilitéconstituaitaussiunproblèmeimportant.Mêmesilaconceptionaboutissait,trèssouventles vampires femelles ne survivaient pas à l’accouchement, pour cause d’hémorragies ou de prééclampsie.Lesnaissancesd’enfantsmort-nésétaientfréquentesetletauxdemortalitédesnourrissons atteignaitdessommets. Pour les malades, les blessés ou les mourants, les médecins humains ne constituaient pas une solution satisfaisante, même si les deux espèces possédaient des anatomies très proches. Si un médecin humain demandait un bilan sanguin sur un échantillon de sang vampire, il y découvrirait toutes sortes d’anomalies et s’imaginerait avoir découvert un phénomène digne d’un article dans Nature.Mieuxvalaitévitercegenredepublicité. Pourtant,ilarrivaitparfoisqu’unpatientsoitamenédansunhôpitalhumain,situationquis’était généralisée avec la mise en place des services d’urgence. Si un vampire était grièvement blessé et perdaitconnaissance,ilcouraitlerisquedesevoirtransporterversdesurgenceshumaines.Ensuite, lefairesortirdel’hôpitalcontrel’avisdesmédecinshumainss’avéraittoujoursardu. Sansêtrearrogant,Haverssavaitqu’ilétaitlemeilleurmédecindesonespèce.Ilavaitsuivideux foisl’enseignementdelaHarvardMedicalSchool,toutd’abordaudébutduXIXesiècle,puisdansles années1980.Lesdeuxfois,ilavaitmentionnédanssondossierd’inscriptionqu’ilétaithandicapé,et l’universitéluiavaitaccordéuneboursespéciale.Iln’avaitpaspusuivrelescoursenjournée,mais son doggen avait été autorisé à y assister et à prendre des notes, ainsi qu’à transmettre ses devoirs. Haversavaitlutouslesouvrages,échangéavecsesprofesseursetmêmesuividesséminairesetdes conférencesorganiséslanuit. Ilavaittoujoursaiméétudier. Unefoisremontédelaclinique,ilnefutpassurprisdeconstaterqueMarissanesetrouvaitpas danslasalleàmanger.Mêmesiledéjeunerétaitserviàuneheureprécisetouteslesnuits. Ilsedirigeaverssesappartements. —Marissa?(Ilfrappaunefoisàsaporte.)Marissa,àtable. Havers passa la tête à l’intérieur. La lumière du chandelier du couloir filtrait dans la pièce et formait un halo dans l’obscurité. Les tentures étaient encore baissées et aucune des lampes n’était allumée. —Marissachérie? —Jen’aipasfaim. Haverspassalaporte.Ilpouvaitdistinguerlelitàbaldaquinetlepetitrenflementforméparson corpssouslescouvertures. —Tuasdéjàsautéledéjeunerlanuitdernière.Ainsiqueledîner. —Jedescendraiplustard. Ilfermalesyeuxetenconclutqu’elleétaitalléenourrirsonhellrenlanuitprécédente.Toutesles foisqu’ellevoyaitKolher,elleserepliaitsurelledesjoursdurant. Ilsongeaauxcellulesvivantesdanssonlaboratoire. QuandbienmêmeKolherétaitleurroiparnaissanceetqu’ilavaitlesanglepluspurd’entreeux, iln’enétaitpasmoinsunsalaud.Ilnesemblaitpassesoucierlemoinsdumondedecequ’ilinfligeait àMarissa.Peut-êtremêmequ’ilnesedoutaitmêmepasàquelpointsacruautél’affectait. Ilétaitdifficilededéciderlaquelledesdeuxoffensesétaitlaplusgrave. —J’airéalisédesavancéesimportantes,déclaraHavers.(Ilsedirigeaverslelitdesasœurets’y assit.)Jevaistelibérer. —Dequoi? —Decet…assassin. —Neparlepasainsidelui. Ilserralesdents. —Marissa… —Jeneveuxpasêtrelibéréedelui. —Commentpeux-tudireunechosepareille?Ilnetetémoignepaslemoindrerespect.Jehais l’idéequecettebrutesenourrissesurtoidansquelquesombreruelle… —NousallonschezAudazs.Ilyaunechambre. L’idéequ’elleétaitexposéeàunautredecesguerriersneleconsolaitnullement.Ilsétaienttous plusterrifiantslesunsquelesautres,etquelques-unsd’entreeuxétaientdevéritablesmonstres. IlsavaitquelaConfrériedeladaguenoireétaitunmalnécessairepourdéfendrel’espèce,etil devaitsemontrerreconnaissantpourleurprotection.Pourtant,ilneressentaitriend’autrequedela terreurvis-à-visdecettebandedeguerriers.C’étaitunetragédiequedes’enremettreàeux,dansce mondedangereuxoùlesennemisdeleurespèceétaientpuissants. —Tun’aspasàt’infligercela. Marissaroulasurlecôtéetluitournaledos. —Laisse-moi. Lesmainsàplatsursesgenoux,Haverssemitdebout.Iln’avaitquepeudesouvenirsdeMarissa avant l’époque où elle avait commencé son service auprès de leur redoutable souverain. Seuls lui revenaientenmémoirequelquesfragmentsdelapersonnequ’elleavaitété,etilredoutaitquelajeune vampirefemelle,joyeuseetsouriante,aitdisparuàjamais. Remplacéeparuneombrelugubreetaliénéequiflottaitdanssamaison,àselanguirpourunmâle quilatraitaitsanslamoindreconsidération. — J’espère que tu changeras d’avis, pour le déjeuner, déclara Havers d’une voix douce. J’apprécieraisauplushautpointtacompagnie. Ilrefermalaportedoucementetdescenditl’escaliercourberichementorné.Latabledelasalleà mangerétaitdresséeselonsespréférences,avecunservicecompletenporcelaine,desverresetde l’argenterie.Ilpritplaceauboutdelaluxueusetable,puisl’unedesesdoggen s’approcha pour lui verserduvin. Ilregardal’assiettedelaituedevantluietseforçaàsourire. — Je me suis rendu dans une ferme aujourd’hui pour chercher cette salade spécialement pour vous. — J’apprécie extrêmement cette délicate attention. Tandis qu’elle quittait la pièce, Havers commençaàcouperlesfinesfeuillesvertes. Ilsongeaàsasœur,pelotonnéedanssonlit. Parvocationetparprofession,Haversétaitunsoignant,unvampiremâlequiavaitconsacrésa vie entière au service des autres. Mais si un jour Kolher était grièvement blessé au point d’avoir besoindesonaide,Haversauraitbienenviedelaissercemonstreagoniser. Oudel’acheverlui-mêmesurlatabled’opérationd’uncoupdescalpel. CHAPITRE10 Lentement,Bethrepritconnaissance.C’étaitcommerefairesurfaceaprèsunsautdel’ange.Elle ressentait une chaleur inhabituelle dans son corps, un contentement qui lui parvenait du monde nébuleuxdessonges. Ellesentaitquelquechosesursonfront. Elleouvritlespaupières.Delongsdoigtsmasculinscouraientlelongdel’arêtedesonnez.Puis descendirentlelongdesajoueetdesamâchoire. Grâceàlalumièreambiantequifiltraitdelacuisine,elleparvenaitàdistinguerunpeul’hommeà sescôtés. Ilexploraitsonvisage,l’airextrêmementconcentré.Ilavaitlesyeuxfermés,lessourcilsarqués verslebas,sescilsépaistouchaientsespommetteshautesetmajestueuses.Ilétaitallongésurlecôté, sesépaulescommeunemontagnequiluibloquaientlavuedelaportevitrée. Seigneur,ilétaitimmense!Etbaraqué. Sesbrasavaientlatailledesescuisses.Sonventreétaitstriécommesidesrouleauxdepeinture couraientsoussapeau.Sesjambesétaientépaissesetnoueuses.Quantàsonsexe,ilétaitaussigroset magnifiquequelerestedesapersonne. Quand,lapremièrefois,Bethavaitsentisoncorpsnucontrelesienetl’avaittouché,elleavaiteu unchoc.Sontorse,sesbrasetsesjambesétaienttotalementdépourvusdepoils.Seulesapeaulisse recouvraitsesmusclesvigoureux. Ellesedemandapourquoiilserasaitentièrement,ycomprisenbas.Peut-êtreétait-ilunesortede bodybuilder. Entoutcas,laraisonpourlaquelleiloptaitpourlerasageintégralrestaitunmystère. Beth n’avait qu’un vague souvenir de ce qui s’était passé entre eux. Elle ne parvenait pas à se rappeler la manière dont il était entré dans son appartement. Ni ce qu’il lui avait dit. Mais tout ce qu’ilsavaientfaitenpositionhorizontaleétaitd’uneincroyablevivacitédanssonesprit. Normal,danslamesureoùelleavaitconnuavecluisespremiersorgasmes. LesdoigtsdeKolhercoururenttoutautourdesonmentonetremontèrentversseslèvres.Deson pouce,illuicaressalalèvreinférieure. —Tuestrèsbelle,murmura-t-il. Sonlégeraccentluifaisaitroulerles«r»,presquecommes’ilronronnait. Logique,songea-t-elle.Quandillatouchait,ellesesentaitbelle. Kolher approcha sa bouche de la sienne, mais il ne cherchait rien. Le baiser n’était pas une demande.Plutôtunremerciement. Quelquepartdanslapièce,untéléphoneportablesonna.Lasonnerien’étaitpascelledeBeth. La vitesse avec laquelle il se mit en mouvement la fit sursauter. Un instant, il se trouvait à ses côtés;celuid’après,ilétaitprèsdutéléphone.Ildécrocha. —Ouais? Disparue, la voix qui l’instant d’avant lui murmurait qu’elle était belle. Désormais, il n’émettait quedesgrognements. Elleremontaledrapsursapoitrine. —OnseretrouvechezD.Donne-moidixminutes. Ilraccrocha,replaçaletéléphonedanssonblousonetramassalepantalonqu’ilavaitporté.Ilétait surlepointdeserhabiller,cequiramenaBethàlaréalité. MonDieu,avait-ellevraimentcouché–etressentiunplaisiràluifaireperdrelatête–avecun parfaitinconnu? —Commenttut’appelles?demanda-t-elle. Tandisqu’ilremontaitsonpantalonencuir,elleeutunevueimprenablesursoncul. —Kolher.(Ilsedirigeaverslatableetpritseslunettesdesoleil.Illesportaitlorsqu’ilserassit prèsd’elle.)Ilfautquej’yaille.Jesaispassijepourrairevenircettenuit,maisj’essaierai. Ellenevoulaitpasqu’ilparte.Elleaimaitvoirsoncorpsoccuperplusdelamoitiédufuton. Elletenditlamainverslui,puisseravisa.Ellenevoulaitpasparaîtreendemande. —Si,touche-moi,dit-il. Ilsepenchapourluidonneraccèsàtoutsoncorps. Elle lui posa la main sur la poitrine. Sa peau était chaude, son cœur battait avec un rythme régulier.Elleremarquaunecicatricecirculairesursonpectoralgauche. —J’aibesoindesavoirunechose,Kolher.(Elleaimaitprononcersonnompeucourant.)Qu’estcequetufaisici? Ilesquissaunlégersourire,commesisaméfianceluiplaisait. —Jesuisicipourprendresoindetoi,Elizabeth.Onpouvaitdirequ’ilavaitréussisoncoup. —Beth.Onm’appelleBeth. Ilsecoualatête. —Beth. Ilselevaetpritsachemise.Sesdoigtstâtonnèrentcommes’ilcherchaitlesboutons. Iln’allaitpasenretrouverbeaucoup,pensa-t-elle.Laplupartétaientéparpillésausol. —Tuasunepoubelledanslecoin?demanda-t-il,commes’ilpensaitlamêmechose. —Là-bas,danslecoin. —Oùça? Elleseleva,undrapenrouléautourducorps,etpritlachemise. Lorsqu’elleleregardadenouveau,ilavaitplacéunholsternoirsursapeaunue.Deuxdaguesse croisaientaucentredesapoitrine,manchesinclinésverslebas. Bizarrement, la vue des armes la calma. Comme s’il existait une explication logique à son apparence. —C’estButch? —Butch? —Quit’achargédemaprotection. Ilenfilasonblouson,quirendaitsesépaulesplusmassivesencore.Lecuiravaitlamêmenuance noirequesescheveux;unmotifsophistiquéenfilnoirornaitl’undesesrevers. —L’hommequit’aattaquélanuitdernière,demanda-t-il,tuleconnaissaispas? —Non. Elleserrasesbrasautourdesoncorps. —Lesflicsontétébienavectoi? —Ilslesonttoujours. —Ilst’ontditsonnom? Elleacquiesça. —QuandButchmel’adit,j’aicruàuneplaisanterie.LenomdeBillyRiddlefaitpluspenseràun personnage de la Rue Sésame qu’à un violeur, mais manifestement il avait des antécédents et un casier… Elles’arrêta.LevisagedeKolherétaitdevenusicruelqu’ellerecula. MonDieu,siButchétaitduraveclessuspects,cetype-làdevaitêtreunevéritableterreur,pensa-telle. Puissonexpressionchangea,commes’ilavaitdissimulésesémotionspournepasl’effrayer.Ilse dirigeaverslasalledebainsetouvritlaporte.Bouhbonditdanssesbrasetundouxronronnement s’élevadansl’airlourd. Maisceronronnementn’étaitpasceluiduchat. Le son guttural provenait de l’homme qui tenait le chat lové dans le creux de ses bras. Bouh semblaitapprécieretfrottaitsatêtedanslalargepaumequilecaressait. —Jevaistelaissermonnumérodeportable,Beth.Appelle-moisitutesensmenacée.(Ilposale chatàterreeténuméraunesuitedechiffres.Luifitrépéterjusqu’àcequ’ellel’aitmémorisée.)Sion sevoitpascesoir,jeveuxquetuaillesau16WallaceAvenuedemainmatin.Jet’expliqueraitout. Puisillaregarda. —Viensici,dit-il. Soncorpsobéitavantquesonmentalluiintimel’ordredebouger. Elle s’approcha de lui. Il la prit par la taille et l’attira vigoureusement contre son corps massif. Ses lèvres chaudes se posèrent, avides, sur les siennes, et il lui caressa les cheveux. À travers son pantalondecuir,ellesentitqu’ilétaitdenouveauprêtpourlesexe. —Kolher,c’esttonprénomoutonnomdefamille? —Lesdeux.(Ill’embrassadanslecou,léchantsapeau.Ellelaissatombersatêteenarrièreetla languecourutlelongdesoncou.)Beth? —Hmm? —T’inquiètepasàproposdeBillyRiddle.Ilvaavoircequ’ilmérite. Ill’embrassaàlahâtepuissortitparlaportevitrée. Elle posa la main sur son cou, à l’endroit où la langue de Kolher l’avait léché. Elle ressentait commeunfourmillementsursapeau. Bethsehâtaverslaportevitréeetlevalestore.Ilavaitdéjàdisparu. KolhersematérialisadanslesalondeAudazs. Jamais il n’avait pensé que la soirée se déroulerait ainsi, et ces nouveaux rebondissements n’allaientfairequecompliquerleschoses. BethétaitlafilledeAudazs.Sonmondeétaitsurlepointd’êtrechamboulé.Pisencore,elleavait étévictimed’uneagressionsexuellelanuitprécédente,putaindemerde! S’ilavaitétéungentleman,ill’auraitlaisséetranquille.Ahouais,etàquandremontaitladernière foisoùils’étaitmontrédignedesalignée? Rhage apparut devant lui. Par-dessus son pantalon de cuir, le vampire portait un long manteau noir qui accentuait encore le contraste avec son beau visage à la peau claire. Tous les guerriers savaientqu’ilusaitetabusaitdesonphysiquesurlesexeopposé,etqu’aprèsunenuitdecombatil appréciaittoutparticulièrementdegoûterunreposméritédanslesbrasd’unefemelle.Oudedeux. Silesexeétaitdelanourriture,Rhageauraitsouffertd’obésitémorbide.Maisceguerriern’était pas seulement une belle gueule. C’était le meilleur combattant de la Confrérie, le plus fort, le plus rapide,leplussûr.Dotédèslanaissanced’unepuissancephysiquehorsnorme,ilpréféraitaffronter leséradiqueursàmainnueetnerecouraitauxdaguesquepourporterlecoupfatal.Ilaffirmaitque c’était la seule façon de tirer un quelconque plaisir de son boulot. Les combats, sinon, étaient trop rapides. Detouslesfrèresd’armes,Hollywood-Rhageétaitceluiquisuscitaitleplusd’admirationparmi lesjeunesvampiresmâles,figured’adorationetd’identification.Mêmesisonfan-clubnepercevait quel’aspectglamourdeschosesetsonaisanceaucombat. Rhage était maudit. Littéralement. Il s’était attiré de sérieux ennuis peu après sa transition. La Viergescribe,laforcemystiquedelanaturequirégissaitl’espècedepuisl’Estompe,luiavaitinfligé unterriblechâtiment.Deuxsièclesdethérapieaversivequisedéclenchaittouteslesfoisqu’ilnese tenaitpastranquille. Commentnepasplaindrelepauvretype? —Onfaitcomment,cesoir?demandaRhage. L’espace d’un instant, Kolher ferma les yeux. Une image floue du corps de Beth, arc-bouté, lui revint en mémoire. Alors qu’il se voyait encore goûter son corps, il serra les points. Ses doigts craquèrent. J’aifaim,pensa-t-il. —Jesuisprêt,répondit-il. —Attends.C’estquoiça?demandaRhage. —Quoiça? —Cetteexpressionsurtonvisage.Etputain,qu’est-cequet’asfaitdetachemise? —Tagueule. —Qu’est-ce…Ahbordel!(Rhageéclataderire).Ondiraitquetut’enespayéunebonnetranche, cesoir. KolherdétestaitentendreRhageparlerainsideBeth.Etpasuniquementparcequ’elleétaitlafille deAudazs. —Ferme-la,Rhage.Jesuispasd’humeur. —Hé,c’estpasmoiquitejetteraislapierre.C’étaitunboncoup,aumoins?Parcequet’aspas l’airspécialementdétendu,monfrère.Peut-êtrequ’ilfaudraitquejet’apprenneuntrucoudeux… Calmement,KolherplaquaRhagecontrelemuretfaillitdécrocherunmiroirparlaforcequ’il appliquasurlesépaulesduvampire. —Tuvasfermertagrandegueuleoujetedémolis.Tucaptes,Hollywood? Rhageplaisantait,maisilyavaitquelquechosedemalsainàcomparer,deprèsoudeloin,cequi s’étaitpasséavecBethàlaviesexuelledeRhage. Peut-êtreKolhersemontrait-iljusteunpeupossessif. —Onadécidédelacible?demanda-t-ild’unevoixtraînante. —C’estcommetulesens.(Rhagesouriait,sesdentscommeunéclairblancdanssonvisageàla beautééclatante.)Maisbon,cool,mec!Engénéral,tuperdspastontempsavecdesfemelles,etçame faitplaisirdesavoirquet’apristonpied,c’esttout. Kolhern’insistapas. —Mêmesi,putain,ellepouvaitquandmêmepasêtreaussi… Kolhersortitunedagueetlaplantadanslemur,àdeuxcentimètresàpeineducrânedeRhage.Il trouvaquel’échodel’acierseplantantdanslemétalétaitcool. —Arrêtedemechercherlà-dessus.Compris? Lentement, son frère d’armes acquiesça tandis que le manche de la dague vibrait dans l’air à proximitédesonoreille. —OK,jecroisqu’ons’estbiencompris. LavoixdeTohrmentfitbaisserlatensionambiante. —Alors,Rhage,toujoursàremuerlamerde? Kolherrestaimmobileunbrefinstantencore,afindes’assurerquelemessageétaitbienpassé. Puisilretiraladaguedumuretsemitàarpenterlapièceenattendantl’arrivéedesautresmembres delaConfrérie.QuandViszsfitsonentrée,Kolherlepritàpart. —J’aibesoinquetumerendesunservice. —Toutcequetuveux. —Unmâlehumain.BillyRiddle.Jeveuxsavoiroùilvit. V.caressasonbouc. —Ilestducoin? —Ouais,jecrois. —C’estcommesic’étaitfait,Seigneur. Quandtousfurentlà,Zadisteycomprisquileurfitl’infimehonneurd’arriveràl’heure,Kolher ouvritlebal. —Qu’est-cequ’onarécupérésurleportabledeStrauss,V.? ViszsôtasacasquettedesRedSoxetpassalamaindanssachevelurenoire.Ilreplaçasacasquette etpritlaparole. —Notretypeaimetraîneravecdesgrosbras,despseudo-militairesetdesfansdeJackieChan. OnadesappelsversGold’sGym,unclubdepaint-balletdeuxdojos.Ahouais,ilaimelesvoitures également.Ilyavaitaussiunatelierdemécaniquedanslejournaldesappels. —Desappelspersonnels? —Quelques-uns.Unversunelignefixemisehorsserviceilyadeuxjours.Lesautresversdes portablesimpossiblesàtracer.Paslocaux.J’aiappeléplusieursfois,sanssuccès.Çacraintunmax, l’identificationdunumérodel’appelant. —T’asvérifiésesantécédentssurInternet? — Ouais. Casier typique de jeune délinquant avec une tendance marquée à la violence. Il colle parfaitementauprofild’éradiqueur. —Etchezlui? Par-dessussonépaule,Kolherjetauncoupd’œilauxjumeaux. Fhurieregardasonfrèreetpritlaparole. —Untrois-piècesquidonnesurlefleuve.Vivaitseul.Pasgrand-chosechezlui.Quelquesarmes sous le lit. Des balles en argent. Une veste en Kevlar. Une collection de magazines porno qu’il ne lisaitplus. —T’asprislajarre? —Ouais.Jel’airamenéechezmoi.Jel’apporteraiauTombeauplustarddanslanuit. — Bien. (Kolher regarda le groupe.) On se sépare. Surveillez les lieux professionnels. Je veux qu’onentredanslesbâtiments.Onchercheleurcentreopérationnel. IlrépartitlesguerrierspargroupededeuxetpritViszsaveclui.Ildemandaauxjumeauxdese rendreauGold’sGymetauclubdepaint-ball,confialescentresd’artsmartiauxàTohretàRhage. Viszsetluiallaientinspecterl’atelierdemécaniqueetilespéraitqu’ilsauraientdelachance. Car si quelqu’un décidait de piéger un véhicule avec une bombe, un dispositif de levage hydrauliques’avéraitdesplusutiles. Avantqu’ilsseséparent,Hollywoods’approchadeKolher,l’airinhabituellementsérieux. —Kolher,tusaisjepeuxêtreunvraiconnarddesfois,déclara-t-il.Jevoulaispasteblesser.Ça arrivera plus. Kolher sourit. Le problème de Rhage, c’était qu’il avait zéro contrôle sur lui-même. D’oùsagrandegueuleetsonaddictionausexe. Le problème était déjà suffisamment grave quand il était lui-même. Alors quand la malédiction frappait,qu’ilbasculaitenmodepsychoetquelabêtesedéchaînaitenlui… —Jesuissérieux,mec,ajoutaRhage. Kolhertapotal’épauledesonfrèred’armes.Dansl’ensemble,cependant,cetenfoiréétaitunmec bien. —Çava,onoublie. —Hésitepasàm’enfoutreunequandilfaut. —Comptesurmoi. M. X conduisit son véhicule dans une ruelle du centre-ville, sombre et dégagée à ses deux extrémités.Aprèsavoirgaréleminivanenmarchearrièredevantunepoubelle,ilparcourutenviron vingtmètresàpied,lecorpsdeCherryPiesurl’épaule.Ellegrognaunpeuquandillachargeasur sondos,commesiellenevoulaitpasêtredérangéependantsontrip. Illadéposaausol;ellenesedébattitpaslorsqu’illuitranchalagorge.Ilrestaquelquesinstantsà regarderl’éclatbrillantdusangquandilgicladesoncou.Dansl’obscurité,onauraitditdel’huile pourmoteur.Illetouchaduboutdudoigt.Sonnezpouvaitdétectertouteslessortesdemaladieetil sedemandasiellesavaitqu’ellesouffraitd’unehépatiteCàunstadeavancé.Ilseditqu’illuiavait renduserviceenluiépargnantunemortaussilentequedouloureuse. Nonquelatuerluiauraitposélemoindreproblèmesielleavaitétéenparfaitesanté. Ilessuyasondoigtsurleborddesajupepuisdéplaçaunepilededétritus.Unvieuxmatelasferait l’affaire.Illedéposacontrelemurdebrique,puisseplaçaaupointdejonction,peuincommodépar lapuanteurdumatelas.Ilsortitsonpistoletàflèchesetattendit. Lesangfraisattiraitlescivilsvampirescommedescorbeauxsurleslieuxd’accidentsdelaroute. Peu après, une silhouette apparut au bout de la ruelle. Elle l’inspecta puis s’y engouffra. M. X savait qu’il devait s’agir de celui qui le recherchait. Cherry était bien dissimulée dans l’obscurité. Rienn’auraitpuattirerquelqu’unici,sicen’étaitl’odeursubtiledesonsang,qu’unnezhumainétait incapablededéceler. LejeunemâleétaitavideetilsejetasurCherrycommes’ils’agissaitd’unbuffetdresséenson honneur. Occupé à boire, il fut pris par surprise lorsque la première flèche fut tirée du revolver et vintseficherdanssonépaule.Sonpremierinstinctfutdeprotégersanourriture,etiltraînalecorps deCherryderrièrelespoubelles. Lorsque la seconde fléchette l’atteignit, il se retourna et bondit en avant, les yeux rivés sur le matelas. M.Xseraidit,maislemâles’approchaavecplusd’agressivitéqued’habileté.Sesmouvements étaientdésorganisés,cequisuggéraitqu’ilenétaitencoreàapprendreàcontrôlersesmembresaprès satransition. Deuxautresfléchettesneleralentirentpas.Manifestement,leDomosedan,untranquillisantpour chevaux, ne suffisait pas. Contraint de s’engager dans un combat avec le vampire mâle, M. X l’assommafacilementd’uncoupàlatête.Lemâlelaissaéchapperuncridedouleurets’effondrasur l’asphaltesale. Lebruitattiradescurieux. Fortheureusement,cen’étaitquedeuxéradiqueurs,pasdeshumainscurieuxou,plusennuyeux,la police. Les éradiqueurs s’arrêtèrent au bout de la ruelle et, après s’être rapidement consultés, s’y engagèrentpourinspecterleslieux. M.Xlaissaéchapperunjuron.Iln’étaitpasdisposéàsemontrerniàrévélersesactions.Ildevait réfléchir à sa stratégie de collecte d’informations avant d’en parler et d’assigner leur rôle aux éradiqueurs. Après tout, un chef ne devait jamais déléguer ce qu’il n’avait pas fait lui-même et… réussi. Ilyallaitaussidesonpropreintérêt.Ilnepouvaitdirequi,parmilestueurs,pourraittenterdele court-circuiter et d’en référer directement à l’Oméga, soit en s’appropriant son idée, soit en rapportant des erreurs préliminaires. L’Oméga savait accueillir les initiatives. Et, en matière de loyauté,auraitgagnéàprendredelaRitaline. Pis encore, le renvoi immédiat version Oméga était aussi expéditif qu’horrible. Comme l’avait apprisàsesdépens,troisnuitsauparavant,feulesupérieurdeM.X. M.Xretiralesfléchettesducorps.Ilauraitpréférétuerlevampire,maisiln’avaitpasassezde temps. Il abandonna le mâle qui gémissait au sol et s’enfuit dans la ruelle en longeant le mur. Il n’allumasespharesqu’aprèss’êtreglissédanslacirculation. CHAPITRE11 LeréveildeBethsonna:ellelefittaire.Lasonnerieétaitinutile.Elleétaitlevéedepuisaumoins uneheure,l’espritsurchauffé.L’aubeavaitchassélemystèredelanuit,laforçantàseconfronterà sesactes. Des relations sexuelles non protégées avec un parfait inconnu constituaient un foutu retour à la réalité. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Elle n’avait jamais fait ça avant. Elle s’était toujours montrée prudente. Dieu merci, elle prenait la pilule pour régulariser son cycle, mais son estomac se nouait lorsqu’ellesongeaauxautresconséquencespossibles. Lorsqu’elle le reverrait, elle lui demanderait s’il n’avait pas de MST et prierait pour que la réponsesoitbiencellequ’elleaimeraitentendre.Etqu’ellesoitvraie. Sisonexpériencesexuelleavaitétéplusimportante,peut-êtreaurait-elleeudequoiseprotéger chezelle.Maisdepuisquandn’avait-ellepascouchéavecquelqu’un?Longtemps.Pluslongtempsque laduréedeconservationd’uneboîtedepréservatifs. Ledésertdesaviesexuelleétaitplusàmettresurlecompted’unmanqued’intérêtquesurcelui depseudovaleursmorales.Simplement,leshommesnefiguraientpasenhautdesalistedepriorités. Ils se situaient quelque part entre le détartrage chez le dentiste et la révision de sa voiture. Et elle n’avaitmêmeplusdevoiture. Souvent, elle s’était demandée s’il n’y avait pas quelque chose qui clochait chez elle, surtout lorsqu’ellevoyaitlescouplessepromenerdanslaruemaindanslamain.Laplupartdesgensdeson âgefréquentaientfébrilementetcherchaientàsecaser.Paselle.Ellen’éprouvaitaucundésirintense d’être avec un homme et avait même envisagé la possibilité qu’elle puisse être lesbienne. Le problèmeétantqu’ellen’étaitpasattiréeparlesfemmes. Lanuitprécédenteavaitétéunerévélation. Elle s’étira, les cuisses délicieusement endolories. Elle ferma les yeux et le sentit à l’intérieur d’elle, sentit le va-et-vient de son sexe puissant jusqu’au moment où son corps avait convulsé à l’intérieurdusiendansunspasmeintenseetquesesbrasl’avaientécraséecontrelui. Son corps s’arc-bouta involontairement, le souvenir était vivace au point qu’elle ressentit une moiteurentrelesjambes.Lesouvenirdesorgasmesqu’illuiavaitdonnésluifitsemordrelalèvre. Ellepoussaungrognementenselevantpuissedirigeaverslasalledebains.Lorsqu’elleaperçut danslapoubellelachemisequ’ilavaitarrachéedesontorse,ellelaramassaetlasentit.Letissunoir portaitsonodeur. Lamoiteurs’accrut. CommentButchetluiseconnaissaient-ils?Appartenait-ilàlapolice?Ellenel’avaitjamaisvu avant,maiselleneconnaissaitpastoutlemonde. Lesmœurs,songea-t-elle.Ildevaittravaillerauxmœurs. Oupeut-êtrecommechefd’ungrouped’intervention.Parcequ’ilétaitdéfinitivementdugenreà chercherlesennuisetn’avaitpasfroidauxyeux. Lorsqu’elle glissa la chemise sous son oreiller, elle se sentit aussi stupide qu’une adolescente. Puiselleaperçutsurlesollesoutien-gorgequ’illuiavaitarraché.MonDieu,lesystèmed’agrafage étaitdéchiré,commelacéréparquelquechosed’acéré. Bizarre. Aprèsunedoucherapideetunpetitdéjeunerexpéditifcomposédedeuxbiscuitsàl’avoine,d’une poignéedecéréalesetd’unebriquedejusdefruit,ellepartitpourlebureau.Ellesetrouvaitdepuis unedemi-heuredanssonboxàregarderfixementsonéconomiseurd’écranquandletéléphonesonna. C’étaitJosé. —Onaencoreétébienoccupéslanuitdernière,luiannonça-t-ilenbâillant. —Unebombe? —Nan.Uncadavre.OnatrouvéuneprostituéelagorgetranchéeprèsdeTradeStreetetdela3e. Si tu passes au poste, je te montrerai les photos et les rapports. À titre confidentiel, bien sûr. Deux minutesaprèsavoirraccroché,elleétaitdanslarue.Elleseditqu’elleallaitpasserauposteavantde serendreàl’adressesurWallaceAvenue. Ellenepouvaitprétendrequ’ellenemouraitpasd’enviederevoirsonvisiteurdeminuit. Dehors, le soleil du matin l’aveuglait ; elle chercha ses lunettes de soleil dans son sac. Comme celles-ci ne suffisaient pas à parer la morsure du soleil, elle se protégea de la main. Elle entra, soulagée,danslepostedepolicefraisetsombre. Josén’étaitpasàsonbureau,maiselletombasurButch,quisortaitdusien. Illuiadressaunsourireflegmatique,quidessinadesridesaucoindesesyeuxnoisette. —Çarisquedejasersioncontinueàsevoircommeça. —J’aientendudirequetuétaissurunenouvelleaffaire. —Çam’étonnepas. —Descommentaires,inspecteur? —Onafaitunedéclarationcematin. —Quisûrementneditriendutout.Allez,t’aspasquelquesinfospourmoi? —Pasofficiellement. —Etofficieusement? Ilsortitunchewing-gumdesapocheet,avecméthode,ôtal’emballage,plialalanguettepâledans saboucheetmorditdedans.Bethcrutsesouvenirqu’ilfumaitàunmomentdonné,maisnel’avaitpas vuallumerdecigaretterécemment.D’oùprobablementtousceschewing-gums. —Officieusement,O’Neal.Juré. Ilacquiesça. —Danscecas,derrièreuneportefermée,ajouta-t-il. Sonbureauétaitàpeuprèsdelatailledesonboxaujournal,maisaumoinsilavaituneporteet une fenêtre. Le mobilier, en revanche, était de piètre qualité. Le bureau en bois usé semblait avoir servi d’établi à un menuisier. La surface était pleine d’échardes et le vernis était si abîmé qu’il absorbaitlalumièrefluorescentecommeunassoiffé. O’NeallançaàBethundossieravantdes’asseoir. —Onatrouvélafillederrièredespoubelles.Laplusgrandepartiedesonsangafinidansles égouts, mais le médecin légiste dit y avoir décelé des traces d’héroïne. Elle avait eu des rapports sexuels,maisc’estpasvraimentétonnant. —Oh,monDieu,c’estMary!s’exclamaBeth. Ellevenaitderegarderleclichémacabreetselaissatombersurunechaise. —Vingtetunans.(Butchjuraentresesdents.)Quelputaindegâchis! —Jelaconnais. —Tul’asvueauposte? —Non,c’estuneamied’enfance.Pendantunmoment,onétaitdanslamêmefamilled’accueil. Après,jel’aicroiséequelquesfois.Ici,laplupartdutemps. Mary Mulcahy avait été une petite fille magnifique. Elle se trouvait dans la même famille d’accueilqueBethdepuisunanenvironquandellefutrenvoyéechezsamèrebiologique.Deuxans plustard,elleétaitdenouveauconfiéeàlagardedel’Étataprèsavoirétélaisséeseulependantune semaine alors qu’elle n’avait que sept ans. Elle avait déclaré s’être nourrie de farine quand les provisionsavaientcommencéàmanquer. — J’ai appris que tu avais été en famille d’accueil, dit Butch, le regard songeur. Je peux te demanderpourquoi? —Àtonavis?J’étaisorpheline.(Ellerefermaledossieretlereposasurlebureau.)T’astrouvé unearme? Ilplissalesyeux,sanstoutefoisprendreunairdur.Ilsemblaitsedemanders’ildevaitrépondreà saquestionetlaissertomberlesujetprécédent. —Unearme?Insista-t-elle. — Un autre shuriken. Avec des traces de sang, mais pas le sien. Nous avons aussi trouvé des résidusdepoudreendeuxendroitsdifférents,commesiquelqu’unavaitallumédesbalisesetlesavait poséesausol.Difficiledecroire,pourtant,queletueuraitvouluattirerl’attentionsurlecorps. —Tupensesqu’ilexisteunlienentrelamortdeMaryetl’attentatàlavoiturepiégée? Ilhaussaseslargesépaules,indifférent. —Possible.Maiss’ils’agissaitd’unevengeancepourl’attentat,letypeauraitpuferrerunplus grospoisson.Ils’enseraitprisdirectementaumac. Beth ferma les yeux et revit Mary alors qu’elle n’était qu’une fillette de cinq ans, avec, sous le bras,unepoupéeBarbiesanstêtedansunerobetoutedéchirée. —Mais,quisait,repritButch,c’estpeut-êtrequ’undébut. Elle entendit sa chaise remuer et leva les yeux tandis qu’il contournait le bureau pour se rapprocherd’elle. —T’asprévuquelquechosecesoirpourdîner?luidemanda-t-il. —Dîner? —Ouais.Toietmoi. Dur-à-cuireluidemandaitdesortiraveclui?Encore? Bethseleva,désireused’êtresurunpiedd’égalité. —Ahoui…non.Jeveuxdire,merci,maisnon. Mêmesileurrelationn’étaitpasvraimentdenatureprofessionnelle,elleavaitautrechoseentête. Ellevoulaitêtredisponibleaucasoùl’hommeencuirauraiteuenviedelarevoircesoir. Mon Dieu, ils n’avaient couché ensemble qu’une fois et voilà qu’elle s’imaginait qu’il y avait quelquechoseentreeux.Elleferaitmieuxderevenird’urgenceàlaréalité. Butcheutunsourirecynique. —Unjour,jetrouveraipourquoitum’aimespas. —Jet’aimebien.Tutelaissespasemmerderet,mêmesijen’approuvepastesméthodes,jedois reconnaîtrequej’aiappréciéqueturecasseslenezdeBillyRiddle. LestraitsdursdeButchs’adoucirent.IlplantasesyeuxdansceuxdeBeth,quipensaalorsqu’elle devaitêtredinguedenepasêtreattiréeparlui. — Et merci d’avoir envoyé ton ami, la nuit dernière, ajouta-t-elle. (Elle mit son sac l’épaule.) Mêmesijedoisadmettrequ’ilm’afoutuunedesestrouillesaudébut. Justeavantqu’illuienseignelesdélicieusespossibilitésducorpshumain. Butchfronçalessourcils. —Quelami? —Tusais,celuihabillécommeuncauchemargothique.Dis-moi,ilestdesmœurs,pasvrai? —Maisputainqu’est-cequeturacontes?J’aienvoyépersonnecheztoi. Bethdevintlivide. L’air soupçonneux et l’inquiétude grandissante qu’elle lisait sur le visage de Butch lui firent passertouteenviedeselancerdansdeplusamplesexplications. Ellesedirigeaverslaporte. —C’estpasgrave. Butchlasaisitparlebras. —Putain,quiétaitcheztoihiersoir? Elleauraitaimélesavoir. —Personne.Commejel’aidit,c’estpasgrave.Àplustard. Elleseprécipitadanslecouloir,soncœurbattantlachamade. Unefoisàl’extérieur,ellegrimaçadanslalumièredusoleil. Unechoseétaitclaire:ilétaithorsdequestionqu’elleailleaurendez-vousfixéparcethomme, mêmesile816WallaceAvenuesetrouvaitdansl’undesmeilleursquartiersdelavilleetqu’onétait enpleinejournée. À16heures,Kolherétaitsurlepointd’exploser. Iln’avaitpaspuretournerchezBethlanuitprécédente.Etellen’étaitpasvenuecematin-là. Lefaitqu’ellenesoitpasvenuepouvaitsignifierdeuxchoses:soitquelquechoseluiétaitarrivé, soitellel’envoyaitpromener. Ilvérifial’heuresurleréveilenbraille.Lesoleiln’étaitpasprèsdesecoucher. Foutuesjournéesd’été.Troplongues.Vraimenttroplongues. D’unpasraide,ilsedirigeaverslasalledebains,serafraîchitlevisageàl’eauetappuyasesbras surl’étagèreenmarbre.Àlalueurdelabougieposéeàproximitédulavabo,ilregardafixementson visage,sansdistinguerautrechosequ’unevaguemassedecheveuxnoirs,deuxsourcilsbroussailleux etlecontourdesonvisage. Il était éreinté. Il n’avait pas dormi de la journée, et la nuit précédente avait été une catastrophe intégrale. Àl’exceptiondecequis’étaitpasséavecBeth.Ç’avaitété… Iljuraets’essuyalevisage. Bordel, mais qu’est-ce qui clochait chez lui ? Coucher avec cette femelle était le pire de tout le merdierdelaveille.Àcausedecetintermèdedesplusstupéfiants,ilétaitincapabledeseconcentrer, soncorpsétaitdansunétatdeconstanteexcitationetilétaitd’unehumeurdemerde. Surcedernierpoint,entoutcas,riendenouveau…souslesoleil. BonDieu,lanuitdernièreavaitétéunecatastropheintégrale. Après avoir quitté les membres de la Confrérie, Viszs et lui s’étaient rendus dans l’atelier de mécanique. Celui-ci était fermé à double tour mais, après avoir inspecté les alentours et s’y être introduits, les deux vampires avaient constaté qu’il n’était pas utilisé comme centre opérationnel. D’unepart,lebâtimentdélabrén’étaitpasassezélevéet,d’autrepart,ilnecomportaitpasdesous-sol dissimulé.Parailleurs,lequartiern’étaitpasidéal.Quelquespetitsrestaurantsdenuit,fréquentéspar lesflics.L’endroitétaittropexposé. Viszs et lui retournaient chez Audazs, après un rapide détour par le Screamer’s pour étancher l’enviedevodkadeV,lorsqu’ilstombèrentsurunos. C’étaitàcemoment-làqueleschoses,depasterribles,étaientdevenuescarrémentmerdiques. Dansuneruelle,ilsétaienttombéssurunvampirecivilgrièvementblesséquedeuxéradiqueurs s’apprêtaient à achever. Tuer les deux éradiqueurs avait pris un peu de temps, car tous deux étaient expérimentés.Levampireétaitmortlorsquelecombats’étaitachevé. Le jeune mâle avait été torturé avec cruauté, son corps transpercé en maints endroits. Les écorchuresauxgenouxetlegraviersurlapaumedesesmainsindiquaientqu’ilavaittentédes’enfuir àplusieursreprises.Ilavaitdusanghumainfraisautourdelaboucheetcetteodeurflottaitaussidans l’air,maisViszsetKolhern’avaientpaspus’attarderpourchercherlafemellequ’ilavaitmordue. Dumondearrivait. Peu après la disparition des éradiqueurs, des sirènes de police avaient rugi dans l’air, éruption acoustiquesignifiantquelapoliceavaitétéprévenueparquelqu’unquiavaitentendulabagarreou perçuleséclairsdelumière.KolheretViszsavaienteuàpeineletempsdes’éclipseraveclecadavre danslaCadillacEscaladedeV. DeretourchezAudazs,V.ilavaitfouillélecadavre.Leportefeuilleduvampiremâlecontenaitun morceau de papier sur lequel figuraient des caractères en langue ancienne. Nom, adresse, âge. Sa transitions’étaitproduitesixmoisàpeineauparavant.Sijeune. Une heure avant l’aube, ils avaient emmené le corps dans les faubourgs de la ville, dans une maisonàl’aspectcossudissimuléedanslaforêt.Unvieuxcoupledecivilsavaitouvertlaporteetla terreurqu’ilsavaientressentieenapercevantlesdeuxguerriersétaitparvenueauxnarinesdeKolher commeuneodeurdedétrituscarbonisés.Lorsqu’ilseurentconfirméqu’ilsavaientbienunfils,Viszs étaitrepartiverslavoiturepourensortirlesrestesducorps.Lepères’étaitprécipitéverssonfils,le prenantdesbrasdeViszs.Kolheravaitrattrapélamèreaumomentoùelles’effondrait. Lefaitquelamortdesonfilsaitétévengéeavaitunpeucalmélepère.Maisçanesuffisaitpas. PaspourKolher. Ilnetrouveraitlereposqu’aprèsavoirexterminétousleséradiqueurs. Kolher ferma les yeux, concentré sur The Black Album de Jay-Z qu’il écoutait. Il essayait d’oublierlanuitprécédente. Desbruitsrythméssefirententendreàlaporte,par-dessuslamusique.Ill’ouvritparl’actionde savolonté. —Qu’est-cequisepasse,Fritz? Lemajordomeentraavecunplateaud’argent. —J’aiprislalibertédevouspréparerunrepas,maître. Fritzdéposaleplateausurlatablebassedevantlesofa.IlsoulevalecouvercleduplatetKolher humal’odeurdepouletauxherbes. Àbienysonger,ilavaitfaim. Ilsedirigeaverslesofa,surlequelils’assitetpritunelourdefourchetteenargent.Ilobservale servicedetable. —OnpeutdirequeAudazsaimaitlestrucsluxueux! —Oh,oui,maître.Seulementlemeilleurpourmonprinceps. LemajordomerestaàsadispositiondanslapiècetandisqueKolherentrepritdedétacherunpeu deviandedel’osavecsescouverts.Ladextéritén’étaitpasaunombredesestalents,alorsilfinitpar ymettrelesdoigts. —Lepouletest-ilàvotregoût,maître? Toutenmâchant,Kolheracquiesça. —Vousenconnaissezunrayonencuisine. —Jesuissiheureuxquevousayezdécidéderesterici. — Pas longtemps. Mais vous inquiétez pas, vous aurez quelqu’un de qui vous occuper. (Kolher plantasafourchettedanscequiressemblaitàdelapurée.C’étaitduriz,quis’éparpilla.Iljuraettenta derassemblerlesgrainsduboutdudoigt.)Etelleserabienplusfacileàvivrequemoi. — J’aime être à votre service. Maître, je ne referai pas de riz. Je veillerai aussi à ce que votre viandesoitcoupée.Jen’yavaispaspensé. Kolhers’essuyalaboucheavecuneservietteenlin. —Fritz,perdezpasvotretempsàessayerdemefaireplaisir. Fritzeutunpetitrire. —Audazsavaitvraimentraisonàvotresujet,maître. —Endisantquejesuisqu’unmisérablefilsdepute?Ouais,ilavaitl’œilpourjugerlesgens.(De safourchette,Kolherchassaunefleurettedebrocoli.Ah,bordel!Ildétestaitmanger,surtoutquand quelqu’un l’observait.) J’ai jamais compris pourquoi il tenait tellement à ce que je m’installe ici. Personnepeutêtredésespéréàcepoint. —C’étaitpourvous. Kolherplissalesyeuxderrièreseslunettesdesoleil. —Vraiment? —Ilsesouciaitdevoussavoirsisolitaire.Àvivreseul.Sansvéritableshellane,sansdoggen. Il aimaitàrépéterquevotreisolementétaitunepunitionquevousvousétiezimposéeàvous-même. — Eh bien, il se gourait. (Le ton coupant de Kolher interrompit les propos aimables du majordome.)Etsivousvoulezresterici,vousgarderezpourvousvosthéoriespsy,compris? Fritzsursautacommes’ilavaitétégiflé.Ils’inclinaprofondémentets’apprêtaàsortirdelapièce. —Mesexcuses,maître.Ilétaittoutàfaitprésomptueuxdemapartdem’adresserainsiàvous. Laporteserefermadoucement. Kolhers’appuyacontrelesofa,lafourchettedeAudazsserréedanslamain. Ahbordel!Cefoutudoggenrendraitfouunsaint. D’abord,iln’étaitpasseul.Nel’avaitjamaisété. Lavengeanceluitenaitcompagnie. M.Xregardalesdeuxétudiantsquis’entraînaient.Degabaritsimilaire,ilsavaienttouslesdeux dix-huitansetétaientdeconstitutionvigoureuse,maisM.Xpouvaitprédirelevainqueur. Eneffet,aprèsuncoupdepiedlatéral,vigoureuxetrapide,l’adversaireseretrouvaallongéau sol. M. X proclama la fin du match, sans rien ajouter, tandis que le vainqueur tendait la main au perdantpourl’aideràseremettredebout.CettedémonstrationdecourtoisieagaçaM.Xauplushaut point,etileutenviedelespunirtouslesdeux. LepremiercodedelaSociétéétaitclair:l’adversaireenvoyéausoldevaitêtrefrappéjusqu’àce qu’ilcessedebouger.C’étaitaussisimplequeça. Néanmoins,ils’agissaitd’unentraînementetnondelavraievie.Sanscompterquelesparentsqui laissaientleursfilstâterdelaviolencen’auraientpasmanquéderéagirsileursprécieuxrejetonsleur avaientétéramenéslespiedsdevant. Lesdeuxétudiantss’inclinèrentdevantM.X;levisageduperdantétaitrouge,rougeurquin’était pasàmettresurlecomptedelafatigueuniquement.M.Xlaissalegroupelesfixer,carilsavaitquela honteetlagêneconstituaientdesaspectsimportantsduprocessusderééducation. Iladressaunsigneauvainqueur. —Bontravail.Laprochainefois,tuferasensortedel’envoyeràterreplusvite.(Ilsetournavers le perdant, le fixa de pied en cap, remarqua sa respiration lourde et les tremblements dans ses jambes.)Tusaisoùaller. Leperdantclignadesyeuxetsedirigeaverslacloisonvitréequidonnaitdanslehall.Commele voulait le rituel, il resta debout face à la vitre, tête levée, pour que tous ceux qui entrent dans le bâtiment puissent voir son visage. S’il essuyait les larmes qui coulaient sur ses joues, il devrait recommencerlerituellorsdel’entraînementsuivant. M. X scinda le groupe et commença à leur assigner les exercices. Il les observa, corrigea les posturesetlapositiondesbras,maissonespritétaitailleurs. Lanuitprécédenten’avaitpasétéuneréussite.Loindelà. Lorsqu’il était rentré chez lui, il avait entendu sur la fréquence de la police que le corps de la prostituée avait été trouvé peu après 3 heures du matin. Aucune mention du vampire. Peut-être les éradiqueursavaient-ilsemportélecivilpourletorturer. Il regrettait que les choses ne se soient pas déroulées comme il l’avait prévu, et ne souhaitait qu’une chose, retourner sur le terrain. Il utiliserait de nouveau comme appât une femelle humaine qu’il aurait assassinée peu de temps auparavant. Mais il devait absolument mieux doser les flèches tranquillisantes.Ilavaitcommencéparunedoserelativementfaible,pouréviterdetuerlecivilavant d’avoirpul’utiliser.Manifestement,ilétaitnécessaired’augmenterladose. Maisc’étaitfoutupourcesoir-là. M.Xregardaleperdant. Cettesoiréeétaitconsacréeaurecrutement.Lesrangsdevaientêtreétoffésaprèsl’élimination,il yavaitdeuxnuits,decettenouvellerecrue. Dessièclesauparavant,lorsquelesvampiresétaientbienplusnombreux,laSociétécomptaitdes centaines de membres, répartis sur l’ensemble du continent européen ainsi que dans les nouvelles coloniesd’AmériqueduNord.Désormais,lapopulationvampireavaitdiminué,ainsiquel’effectifde la Société. Question de pragmatisme. Il n’était pas bon de garder les éradiqueurs inactifs. Ceux-ci étaientrecrutésspécifiquementsurleurpropensionàlaviolence,etleurinstinctmeurtriernepouvait êtrelaisséenfrichedusimplefaitquelesciblessefaisaientrares.Unnombreassezélevéd’entreeux avaitdûêtreéliminépouravoirtuéd’autreséradiqueursdansdesconflitsderivalité,quiéclataient plusvolontiersenpérioded’inactivité.Poursedistraire,ilsavaientaussicommencéàs’enprendreà deshumains. Alorsquelapremièreréactionconstituaitundéshonneuretunenuisance,laseconderelevaitde l’inacceptable. Non que l’Oméga se soucie des contingences humaines. Le contraire aurait été plus exact.Maisladiscrétion,lesagissementsdansl’ombre,lesassassinatspromptementexécutésétaient lasignaturedestueursdevampires.L’attentiondeshumainsétaittoujoursunemauvaisechose,etrien detelquedesmortspourrendrelesHomosapiensnerveux. Raison de plus qui expliquait que le management des nouvelles recrues soit si délicat. Celles-ci faisaient généralement preuve de plus de haine que de concentration. Il était crucial de trouver le momentopportunafindepréserverlanaturesecrètedelaguerrequiopposaitdepuisdessièclesles vampiresàlaSociété. Néanmoins,ilétaitnécessaired’étofferlesrangs. M.Xregardaleperdantetsourit,attendantavecimpatiencelanuitàvenir. Peuavant19heures,M.Xsedirigeaverslesfaubourgsettrouvafacilementle3461PillarStreet. Il gara son minivan et attendit, passant le temps à observer la maison à deux étages. Elle était caractéristique de l’Amérique moyenne. Quatre cent cinquante mètres carrés, nichés au centre d’un petitterrainoùs’élevaitunarbremassif.Lesvoisinshabitaientassezprèspourlireaupetitdéjeuner lamarquedecéréalesdesgaminsetlesoircelledelabièredesparents. Unevienormaleetheureuse.Toutdumoinsenapparence. Laportegrillagées’ouvritbrusquementetleperdantdel’entraînementdel’après-midis’élança comme s’il s’échappait d’un navire en perdition. Sa mère lui emboîta le pas et resta sur le seuil à regarderle4x4commes’ils’agissaitd’unebombeprêteàexploser. M.Xabaissalavitreetadressaàlamèreunsignedelamain.Auboutd’uncourtinstant,ellelui renditsonsalut.Leperdantmontantdansleminivan,lesyeuxbrillantsdeconvoitiselorsqu’ilaperçut lessiègesencuiretlescommandesdutableaudebord. —'Soir,ditM.Xendémarrant. L’adolescent,avecdesgestesdésordonnés,finitparleverlesmainsetinclinerlatête. —Sensei. M.Xsourit. —Contentquetuaiesputerendredisponible. — Ouais, mais ma mère est une chieuse pas possible. Le perdant essayait d’avoir l’air cool et accentuaitlesmotsgrossiers. — Tu ne devrais pas parler d’elle de cette façon. Perplexe, l’adolescent eut besoin d’un peu de tempspourajustersoncomportementdedur. —Elleveutquejesoisrentréà23heures.Onestensemaine,etjedoistravaillerdemainmatin. —Alorsnousveilleronsàcequetusoisrentréàl’heure. —Oùonva? —Del’autrecôtédelaville.Ilyaquelqu’unquej’aimeraisteprésenter. Unpeuplustard,M.Xs’arrêtadansunelonguealléequiserpentaitentredesspécimensd’arbres illuminés et des sculptures de marbre de facture antique. Au sol, des buissons taillés en forme d’animauxressemblaientàdesdécorationssurungâteauenpâted’amandeverte:chameau,éléphant, ours.Latailleavaitétéréaliséeparunexpert,etlesformesétaientextrêmementréalistes. Siçac’estpasdel’entretien!songeaM.X. — Waouh ! (Pour tout voir, le perdant exerça sur son cou moult torsions dignes d’une séance d’entraînement.)Qu’est-cequec’est?Unparc?Vousavezvuça!Hé,c’estunlion!Voussavez,je croisqueçameplairaitd’êtrevétérinaire,plustard.Çaseraitcooldesauverlesanimaux. Le perdant se trouvait dans la voiture depuis moins de vingt minutes et M. X saturait déjà. L’adolescentétaitcommedugravierdansdelasalade:quelquechosequ’onavaitenviederecracher toutdesuite. Etpasseulementparcequ’ilrépétait«voussavez»jusqu’àplussoif. Aprèsuntournant,unedemeuremassiveenbriquesrougesapparut. BillyRiddleétaitdehors,adosséàunecolonneblanche.Ilportaitsonjeantrèsbassurleshanches, quidévoilaitl’élastiquedesessous-vêtements.Iljouaitavecuntrousseaudeclés,qu’ilbalançaitau bout d’un cordon. Lorsqu’il aperçut le Hummer, il se redressa et un sourire se dessina sous le pansementdesonnez. Leperdantremuasursonsiègecommes’ilavaitétépiégé. Billy se dirigea vers la portière avant du côté passager ; il bougeait son corps musclé avec facilité. Lorsqu’il aperçut le perdant assis sur le siège avant, il lui jeta un regard noir. Le perdant détachasaceinturedesécuritéetposalamainsurlapoignée. —Non,déclaraM.X.Billyvas’asseoiràl’arrière. Leperdantsecaladenouveausurlesiègeetsemorditlalèvre. Commeleperdantnelibéraitpaslesiègeavant,Billyouvritlaportièrearrièred’uncoupsecet monta.IlcroisalesyeuxdeM.Xdanslerétroviseuretl’hostilitésemuaenrespect. —Sensei. —Billy,commentvas-tucesoir? —Bien. —Parfait.Rends-moiserviceetremontetonpantalon. Billyremontasaceintureetposasesyeuxsurlanuqueduperdant.Illaregardafixementcomme s’ilvoulaityperceruntrouet,àenjugerparl’agitationdesdoigtsduperdant,celui-cilesavait. M.Xsourit. Toutestaffairedechimie,pensa-t-il. CHAPITRE12 Bethsecaladanssonfauteuilets’étiralesbras.L’écrandesonordinateurscintillait. Rienàdire,Internetétaitdrôlementpratique. D’aprèslesrecherchesqu’elleavaiteffectuéesenligne,le816WallaceAvenueétaitlapropriété d’un certain Fritz Perlmutter. Il l’avait acquise en 1979 pour un peu plus de 200 000 dollars. Lorsqu’elle effectua une recherche sur le nom « Perlmutter » sur Google, elle trouva un certain nombre de personnes dont le prénom avait pour initiale « F », mais aucune ne vivait à Caldwell. Aprèsavoircherchépourriendansdesbasesdedonnéesgouvernementales,elledemandaàTonyde piraterquelquessitespourelle. Il s’avéra que Fritz était un type honnête qui respectait la loi. Sa situation financière était irréprochable.Iln’avaitjamaiseudeproblèmesaveclesimpôtsniaveclapolice.N’avaitjamaisété marié non plus. En outre, il appartenait au groupe privé de clients de la banque locale, ce qui signifiaitqu’ilavaitbeaucoupd’argent.MaiscefuttoutcequeTonyréussitàdécouvrir. Aprèsunrapidecalcul,elleenconclutqueletrèsrespectableM.Perlmutterdevaitavoirdansles soixante-dixans. Pourquoiquelqu’uncommeluiavait-ilaffaireàsonmaraudeurdeminuit? L’adresseétaitpeut-êtrefausse. Tuparlesd’unscoop!Untypevêtudecuirnoiretarméjusqu’auxdentsquibalançaitdefausses infos?Impensable! Quoiqu’ilensoitle816WallaceStreetetFritzPerlmutterétaittoutcequ’elleavait. EncompulsantlesarchivesduCaldwellCourierJournal,elledécouvritplusieursarticlessurla maison. Celle-ci figurait au registre national des demeures historiques comme un magnifique exemple du style fédéral. Elle trouva également quelques chroniques sur les travaux réalisés après son acquisition par M. Perlmutter. Bien évidemment, l’association historique locale essayait depuis desannéesdevisiterlapropriétépourvoirlesrésultatsdestravaux,maisM.Perlmutteravaitdécliné toutes les propositions. Dans les courriers au rédacteur en chef, la frustration sous-jacente des mordusd’architecturesemêlaitàuneapprobationtimoréedesrestaurationsextérieurs. Toutenrelisantleschroniques,BethpritunepastilleRenniequ’ellecroqualaréduisantenfine poudrequivintselogerdanslesreplisdesesmolaires.Sonestomacfaisaitdenouveaudessiennes. Etelleavaitfaim.Géniale,commecombinaison. Peut-êtreétait-celafrustration.Danslefondellen’avaitrienapprisdeplus. Quiddunumérodetéléphoneportablequel’hommeluiavaitdonné?Impossibleàtracer. Danscenéantd’informations,elleétaitplusquejamaisdéterminéeàresteràl’écartdeWallace Avenue.Elleéprouvaitcommeunvaguebesoind’allerseconfesser. Elleregardal’heure.Presque19heures. Cédantàlafaim,elledécidad’allerdîner.Autantfairel’impassesurlaSainte-Mèreetopterpour lesnourrituresterrestres. Ellesepenchapourregarderdel’autrecôtédelacloison.Tonyétaitdéjàparti. Ellen’avaitpasdutoutenviederesterseule. Suruneimpulsion,elledécrochaletéléphoneetappelalepostedepolice. — Ricky ? C’est Beth. L’inspecteur O’Neal est dans le coin ? D’accord, merci. Non, pas de message.Non.Lebipezpas.C’estpasimportant. C’étaitaussibien.Dur-à-cuiren’étaitpasexactementlegenredecompagniefaciledontelleavait besoin. Ellejetauncoupd’œilàsamontre,l’espritabsorbéparlacoursedel’aiguilledesminutes.Les heures de la soirée s’étiraient devant elle comme un parcours d’obstacles, heures à fuir et à surmonter. Sipossiblerapidement. Peut-être qu’elle passerait chez le traiteur et irait voir un bon film après. Tout pour retarder le moment de rentrer chez elle. En y réfléchissant, elle ferait probablement mieux de prendre une chambredansunmotelpourlanuit. Aucasoùl’hommereviendraitlachercher. Elle venait de se déconnecter de son ordinateur lorsque le téléphone sonna. Elle décrocha à la secondesonnerie. —Ilparaîtquetumecherches. LavoixdeButchO’Nealétaitrocailleuse,sedit-elle.Maisagréable. —Hum,ouais.(Ellerepoussasescheveuxenarrière.)T’estoujourslibrepourdîner? Sonriresonnacommeungrondementsourd. —Jeseraidevantlejournaldansunquartd’heure.Ilraccrochajusteavantqu’ellepuisseglisser uncommentaireanodindugenre«c’estjustehistoirededîner». Aprèslecoucherdusoleil,Kolhersedirigeaverslacuisineenemportantleplateaud’argentavec les restes de son repas. Dans la cuisine aussi, tout était top qualité. Typique de Audazs. Équipement industriel en acier inoxydable. Profusion de placards et plan de travail en granit. Innombrables fenêtres. Tropdelumière. Fritzsetenaitprèsdel’évier,occupéàrécurerquelquechose.Ilregardapar-dessussonépaule. —Maître,vousn’aviezpasàrapporterleplateau. —Çafaitrien. Kolherdéposaleplateausurlecomptoirets’yappuya.Fritzarrêtal’eau. —Désirez-vousquelquechose? Àvraidire,etpourcommencer,ilauraitaiménepasêtreuntelabruti. —Fritz,vousavezpasdesouciàvousfairepourvotreboulotici.Jevoulaisjustequevousle sachiez. — Merci, maître. (La voix du majordome était extrêmement calme.) Je ne sais pas ce que je deviendrais si je n’avais plus personne dont m’occuper. Et j’ai la faiblesse de considérer cette demeurecommemonfoyer. — Elle l’est. Pour tout le temps que vous le voudrez. Kolher se retourna et se dirigea vers la porte.IlétaitpresquesortidelapiècequandFritzpritlaparole. —Vousaussiêtesicichezvous,maître. Ilhochalatête. —J’aidéjàunendroitoùcrécher.Pasbesoind’unautre. Kolher,d’humeurbelliqueuse,s’engageadanslecouloir.Bonsang,ilvalaitmieuxqueBethsoit saineetsauve.OuDieuvienneenaideàceluiquis’enétaitprisàelle. Etsielleavaitdécidédel’éviter?Peuimportait.Bientôt,soncorpsallaitressentirunbesoinque lui seul pourrait assouvir. Alors tôt ou tard, elle n’aurait d’autre choix que de revenir vers lui. Ou mourir. Ilsongeaàladouceurdesanuque.Ressentittoutelavoluptédesalanguecourantlelongdela veinequipartaitdesoncœur. Ses canines s’allongèrent comme si elle se trouvait devant lui en chair et en os. Comme s’il pouvaitplantersesdentsdanssachairets’abreuvertoutsonsaouldesonsang. Lecorpssaisidetremblements,Kolherfermalesyeux.Sonestomac,repudenourriture,semua enundouloureuxpuitssansfond. Iltentadesesouvenirdeladernièrefoisqu’ils’étaitnourri.Celafaisaitcertesuncertaintemps, maisprobablementpasaussilongtempsqu’illepensait. Ils’efforçaderecouvrersoncalme.Desemaîtriser.C’étaitcommetenterderalentiruntrainau freinàmain,maisilparvintnéanmoinsàreprendresesespritsetàcalmersasoifdesang. Lorsqu’ilrevintàlaréalité,ilfutenproieàunmalaise,commes’ilétouffait. Cettefemelleconstituaitunvéritabledangerpourlui.Sielleavaitlepouvoirdesusciterceteffet surluisansmêmesetrouverphysiquementdanslapièce,ellepourraitbienêtresonpyrocante… Sondétonateur,enquelquesorte.Lavoieexpressversl’autodestructionassurée. Kolhersepassalamaindanslescheveux.Quellefoutueironiedusortqu’ildésirecettefemelle plusqu’aucuneautre. Maisl’ironien’avaitpeut-êtrerienàyvoir.Peut-êtreétait-ceainsiquefonctionnaitcesystèmede pyrocantes.Cetteenviedémentedeposséderletrucquipouvaitvousdétruireavaitdequoivousfaire péteruncâble. Aprèstout,oùseraitl’éclatesionpouvaitfacilementéviterd’yêtreaccro? Ilétaitnul.IldevaitsedéchargerdelaresponsabilitédeBeth.Vitefait.Dèsquesatransitionserait passée,illaconfieraitauxbonssoinsd’unautremâle.Uncivil. L’imagetrashducorpsmeurtrietensanglantédujeunemâlesurgitdevantsesyeux. Commentunfoutucivilarriverait-ilàlaprotéger? Iln’avaitpaslaréponse.Maisquellesétaientlesautresoptions?Iln’allaitpaslagarderaveclui. Ilpourraitpeut-êtreladonneràl’undesesfrèresd’armes. Ah,ouais,etquichoisirait-ildanslelot?Rhage?Quil’ajouteraitàsonlongtableaudechasse ou,pire,ladévoreraitparerreur?V.avectoussesproblèmes? Zadiste? Enplus,croyait-ilvraimentqu’ilpourraitsupporterl’idéequel’undecesguerriersselafaisait? Ouais,tuparles. Qu’est-cequ’ilétaitfatigué! Viszs se matérialisa devant lui. Ce soir-là, il ne portait pas sa casquette de base-ball ; Kolher parvintvaguementàdistinguerleréseaucomplexedestatouagesautourdesonœilgauche. —J’aitrouvéBillyRiddle.(Desamaingantée,V.allumaunecigaretteroulée.Lorsqu’ilexpirala fumée, une odeur de tabac turc se répandit dans l’air.) Il a été arrêté pour agression sexuelle il y a quarante-huitheures.Ilhabitechezsonpapa,quisetrouveêtreunsénateurdesÉtats-Unis. —Remarquablepedigree. —Difficiledemieuxfaire.J’aiprislalibertéd’effectuerquelquesrecherches.NotreamiBillya des antécédents au rayon délinquance juvénile. Violence. Agressions sexuelles. J’imagine que le directeur de campagne du paternel se réjouit que le gamin ait dix-huit ans. Maintenant, toutes ses infractionscommemajeursontinscritesdanssoncasier. —T’asréussiàdégoteruneadresse? —Ouais.(Viszssourit.)Tuvasréglersoncompteautype? —Tul’asdit. —Alors,allons-y. Kolhersecoualatête. —Jevousrejoindraitoietlesautresiciplustard.J’aiuntrucàfaireavant. Ilsentitlesyeuxduvampirerivéssurlui,sonintelligenceviveanalysantlasituation.Detousses frères d’armes, Viszs avait les capacités intellectuelles les plus développées, mais ce privilège lui coûtaitcher. Kolher, pour sûr, avait ses propres démons, mais jamais il n’aurait souhaité avoir à porter la croixdeViszs.Lacapacitédevoirlesévénementsfutursétaitunterriblefardeau. V.portaàseslèvreslacigaretterouléeetenexhalalentementlafumée. —J’airêvédetoilanuitdernière. Kolherseraidit.Ils’yattendaitplusoumoins. —J’aipasenviedesavoir,monfrère.Vraimentpas.Levampireacquiesça. —Souviens-toijusted’untruc,d’accord? —Envoie. —Deuxgardestorturéssebattrontl’uncontrel’autre. CHAPITRE13 —Génial,ledîner,déclaraBethlorsqueButcharrêtasavoituredevantsonimmeuble. Il acquiesça. Elle était intelligente, marrante, et belle à en tomber le cul par terre. Et s’il franchissaitlaligne,ellen’hésitaitjamaisàlerenvoyerdanssescordes. Elleétaitaussiincroyablementsexy. Il gara la voiture, sans arrêter le moteur. Il se disait que couper le moteur pourrait donner l’impressionqu’ilattendaitqu’elleluiproposed’entrer. Cequi,biensûr,étaitlecas.Maisilnevoulaitpasqu’ellesesentemalàl’aisesicen’étaitpasce qu’elleavaitentête.Voilàqu’ilsetransformaitenmecbien. —T’asl’airsurprised’avoirpasséunbonmoment,déclara-t-il. —Unpeu,oui. Butchpromenasesyeuxsurelle,àcommencerparsesgenouxquidépassaientsousl’ourletdesa jupe.Grâceàl’éclairagedutableaudebord,ildistinguaitlescontoursmagnifiquesdesoncorps,son coulongetexquis,seslèvresàlaperfectioninégalée.Ilvoulaitl’embrasser,icidanslapénombre, surlesiègeavantdesavoiturebanalisée,commes’ilsétaientdesadolescents. Puisilvoulaitentreravecelledanssonappartementetnepasenressortiravantlepetitmatin. —Merciencore,dit-elle. Elleluiadressaunsourireettenditlamainverslapoignée. —Attends. Ilagitrapidement,pourqu’ellen’aitpasletempsdepenseretluinonplus.Ilpritsonvisagedans sesmainsetcollasabouchecontrelasienne. Kolhersematérialisadanslacourderrièrel’appartementdeBethetsentitcommeunpicotement sursapeau. Elle se trouvait tout près. Mais aucune lumière chez elle. Suivant une intuition, il fit le tour du bâtiment.Ilaperçutuneberlinegaréedevant.Elleétaitàl’intérieur.Kolhers’engageasurletrottoir et,commes’ilfaisaitunesimplepromenadenocturne,passadevantlavoiture.Ils’immobilisa,figé. Savuerestreinteluisuffisaitpourvoirqu’untypeétaitvautrésurelle.Commesilepuissantdésir sexueldumâlehumainneconstituaitpasunindicesuffisant. Putain,ilpouvaitsentirledésirdecesalaudàtraverslacarrosserie! Kolhers’élançaenavant.Sonpremierréflexeauraitétédedéfoncerlaportièreetdemassacrer celuiquiavaitoséposerlesmainssurelle.Sortirletypeparlecolbacketluiarracherlagorge. Maisauderniermoment,ilsecontraignitàopérerunreplidanslesténèbres. Filsdepute. Ilvoyaitrouge,littéralement,tantilétaitremonté.Qu’unautremâleembrasseceslèvres,caresse cecorpsdesesmains… Ungrondementsourdmontadesapoitrinejusqu’àseslèvres. Elleestàmoi Iljura.Bordel,maisdansqueluniversparallèlecroyait-ilvivre?Elleétaitsoussaresponsabilité temporaire, mais elle n’était pas sa shellane. Elle pouvait se taper qui elle voulait. Où elle voulait. Quandellevoulait. Maisl’idéequ’ellepuisseaimercequecetypeétaitentraindeluifaire,qu’ellepuissepréférerle goûtd’unbaiserhumain,suffisaitàfairebattrelestempesdeKolher. Bienvenuedanslemondemerveilleuxdelajalousie,pensa-t-il.Leticketd’entréevousdonnedroit à une migraine atroce, à une envie quasi irrépressible de commettre un meurtre et à un complexe d’infériorité. Super! Bonsang,ilavaithâtederetrouversavied’avant.Àlasecondemêmeoùelleauraiteffectuésa transition,ilsecasseraitdecetteville.Etprétendraitquejamais,augrandjamais,iln’avaitrencontré lafilledeAudazs. ButchO’Nealembrassaitsuperbien. Ses lèvres étaient fermes, mais délicieusement douces. Il ne montrait pas trop d’empressement, mais lui faisait comprendre qu’il était tout à fait prêt à aller plus loin et que ce n’était pas une plaisanterie. Detoutprès,ilsentaitbon,unmélanged’après-rasageetdelingepropre.Elleavançalesmains pourletoucher.Soussespaumes,sesépaulesétaientlargesetmassives,soncorpslégèrementarqué endirectiondusien.Toutenluiévoquaitlapuissanceet,àcemomentprécis,ellesouhaitaêtreattirée parlui.Vraiment. Malheureusement,elleneressentaitpascettedoucepointededésespoir,cetteenviedévorante.Pas cequ’elleavaitéprouvélanuitprécédenteavec… Tuparlesd’unmomentpourpenseràunautre… Butchs’écartaetplissalesyeux. —Çalefaitpas,pourtoi,pasvrai? Elleeutunpetitrire.C’étaitduDur-à-cuiretoutcraché.Directcommeàsonhabitude. —Tuembrassessuperbien,O’Neal,jetel’accorde.C’estdoncpasunequestiondetechnique. Ilserassitderrièrelevolantetsecoualatête. —Tuparlesd’uncompliment! Maisiln’avaitpasl’airterriblementblessé. Etmaintenantqu’elleavaitl’espritplusclair,elleseréjouissaitden’éprouveraucuneattirance.Si elleenavaitpincépourlui,sielleavaitvouluêtreaveclui,illuiauraitbrisélecœur.Elleenétait convaincue. Dans dix ans, s’il tenait jusque-là, il imploserait littéralement à cause du stress, de la laideur et de la douleur de son boulot. Déjà, son job le dévorait. Année après année, la blessure se faisaitplusprofondeetpersonne,personnenepouvaitl’empêcherdesombrer. —Attentionoùtumetslespieds,Randall!S’exclama-t-il.C’estdéjàassezgravedesavoirqueje t’excitepas.Maislapitiéquejelissurtonvisageestunevraietorture. —Désolée,dit-elleensouriant. —Jepeuxteposerunequestion? —Vas-y. —Çasepassecommententretoietleshommes?Est-ceque…t’aimesleshommes?Enfin,tu nousaimes? Elle éclata de rire en songeant à ce qu’elle avait fait la nuit précédente avec cet étranger. La questiondesonorientationsexuelleavaittrouvéuneréponse.Fermeetdéfinitive. —Ouais,j’aimeleshommes. —Untypet’afaitquelquechose?Dumal? Bethsecoualatête. —Jepréfèregarderçapourmoi. Ilbaissalesyeuxverslevolantetlaissacourirsamainautour. —C’estvraimentmoche.Parcequet’esgéniale.Vraiment. Ilseraclalagorgecommes’ilsesentaitmalàl’aise. Penaud.Bonsang,Dur-à-cuireétaittoutpenaud.Sousl’impulsiondumoment,ellesepenchavers luietl’embrassasurlajoue. —Toiaussi,t’esvraimentgénial. —Ouais,jesais.(Illuidécochalesourirequiétaitsamarquedefabrique.)Maintenant,bougeton culetentredanscebâtiment.Ilesttard. ButchregardaBethtraverserdevantlespharesdelavoiture,sescheveuxflottantauvent. C’étaitvraimentunesupernana,pensa-t-il.Unenanavraimentbien. Et, bon sang, il aurait pu jurer qu’elle avait vu ce qui l’attendait. Cette tristesse dans ses yeux signifiaitqu’elleavaitvulatombeauborddelaquelleilsetenaitdéjà.Finalement,c’étaitaussibien qu’ellenesoitpasattiréeparlui.Sinon,ilauraitpufaireensortequ’elletombeamoureusedelui, histoiredenepasallertoutseulenenfer. Ildémarralavoiture,sansretirersonpieddufreintandisqu’ellemontaitlesmarchesdel’entrée. Elle avait posé la main sur la poignée et lui adressait un signe quand il aperçut quelque chose qui bougeaitdansl’obscurité. Ilarrêtalevéhicule. Unhommevêtudenoirsedirigeaitversl’arrièredubâtiment. Butchsortitdelavoitureet,ensilence,traversalapelouseencourant. CHAPITRE14 Toute l’attention de Kolher tendait vers un seul objet Beth. Ce n’est qu’après avoir traversé la moitiédelaCourqu’ilentenditl’humainderrièrelui. —Police!Stop! Puisilyeutcebruitpartropfamilierd’unrevolverpointésurlui. —Faisvoirtesmains! Lorsqu’il perçut l’odeur de l’homme, Kolher sourit. Au désir s’était substituée l’agressivité, et l’enviedesebattreétaitdésormaisaussifortequ’avaitétésondésirsexuel.Décidémentcetypeétait gonfléàbloccesoir-là. —J’aiditstopetlesmainsenl’air! Kolhers’immobilisaetportalamainàsonblousonpoursaisirl’unedesesarmes.Cetypeavait beauêtreflic,ilallaitlebuteretfaireunejoliepetiteentailleàsonartère. Àcemoment-là,Bethouvritlaportevitréecoulissante. Kolhersentitsonodeuret,sur-le-champ,eutuneérection. —Lesmainsenl’air! —Qu’est-cequisepasse?demandaBeth. — Rentre à l’intérieur, aboya l’humain. Les mains en l’air, connard ! Ou je te fais un trou à l’arrièreducrâne. Le flic se trouvait désormais à trois mètres et se rapprochait encore. Kolher leva les mains. Il n’allaitpasletuerdevantBeth.Enoutre,leflingueseraitenpositionpourtireràboutportantdans troissecondes.Mêmeluinepourraitsurvivreàunteltir. —O’Neal… —Bordeldemerde,Beth,barre-toi! Une main lourde s’abattit sur l’épaule de Kolher, et celui-ci laissa le policier le pousser contre l’immeuble. —Tuvasmedirecequetufousàtraînerparici?ordonnal’humain. —Jemepromène,réponditKolher.Ettoi? LeflicsaisitlesbrasdeKolheretlestiraversl’arrière.Trèsvite,lesmenottessuivirent.Letype étaitunvraiprodumétal. KolherregardadansladirectiondeBeth.Decequ’ilpouvaitdistinguer,elleavaitserrésesbras autour de son corps. L’air tout autour d’elle était alourdi par la peur, comme une couverture qui l’enveloppaitdelatêteaupied. C’étaitpasvraimentleplan,pensaKolher.Elleavaitdenouveaupeurdelui. —Laregardepas,ordonnaleflic,quipoussalevisagedeKolhercontrelemur.C’estquoiton nom? —Kolher,réponditBeth.Ilm’adits’appelerKolher. —T’asentenducequejet’aidit,bébé.Va-t’en,rétorqual’humaind’untonhargneux. —Moiaussi,jeveuxsavoirquic’est. —Jeteferaiunputainderapportdemainmatinpartéléphone,çateva? Kolher grogna. Il ne pouvait nier que la faire rentrer était une foutue bonne idée. Mais il n’appréciaitpasdutoutletonquelepolicierprenaitpourluiparler. L’humainfouillalespochesdublousondeKolheretentiralesarmesuneàune.Troisshuriken, uncouteauàcrand’arrêt,unpistolet,unechaîne. —BordeldeDieu,murmuraleflictandisqu’illaissaittomberlachaîned’acier,quiallarejoindre lerestedesarmes.T’asdespapiers?Maispeut-êtrequet’avaisplusdeplacepourunportefeuille,vu tonartillerie! Quandleflicmitlamainsuruneépaisseliassedebillets,iljuraencore. —Jevaisaussitrouverdeladrogue,j’imagine,out’asdéjàtoutvenducesoir? Kolher laissa le flic le retourner et le pousser violemment, dos au mur. Il le regarda fixement tandisqu’ilretiraitlesdaguesdesonholsteretpensaàl’intenseplaisirqu’iléprouveraitlorsqu’illui déchireraitlagorgedesesdents.Ilsepenchaenavant,coutendu.Ilnepouvaitpass’enempêcher. —O’Neal,attention!s’écriaBeth,commesielleavaitludanssespensées. LeflicplaqualecanondesonpistoletsurlecoudeKolher. —Alors,tonnom? —Tum’arrêtes? —Toutjuste! —Pourquelmotif? —Voyonsvoir.Intrusiondansunepropriétéprivée.Détentiond’armes.T’asunpermis?Jeparie quenon.Etgrâceàcesshuriken,jediraimeurtre,aussi.Ouais,çadevraitlefaire. —Meurtre?murmuraBeth. —Tonnom?ordonnaleflic,quilevalesyeuxverslui. —Tudoisêtremédium,réponditKolheravecunsourirepincé. —Quoi? —Àproposdel’accusationdemeurtre.(Kolherritdoucementet,lavoixrauque,ajouta:)Tut’es déjàtrouvédansunehoussemortuaire,inspecteur? Delarage,bruteetintense,suintadesporesdel’homme. —T’avisepasdememenacer! —C’estpaslecas. Lecrochetdugauchefenditl’airàlavitessed’uneballedebase-balletKolhernefitrienpour l’éviter. Le poing puissant du flic vint s’écraser contre sa mâchoire et projeta sa tête en arrière. La douleurexplosadanssatête. —Butch,arrête! Bethseprécipitaencourant,commesielleenvisageaitdes’interposerentrelesdeux,maisleflic lamaintintàdistanceetlarepoussa. Kolhercrachadusang. —Ilaraison.Rentre. Parcequeçaallaitsaigner. Dèsledébut,aveccequ’ilavaitentrevudecepelotageenrègle,leflicneluirevenaitpas.Mais s’il osait encore une fois parler à Beth sur ce ton, Kolher se ferait un plaisir de faire goûter à sa denturelesjoiesdelaliberté.Après,seulement,iltueraitcefilsdepute. —Rentre,Beth,ditKolher. —Ferme-là!hurlaleflic. —Quoi,tuvasencoremefrappersijelabouclepas?Leflicrapprochasonvisagedeceluide Kolher. —Non,jevaistedescendre. —Çameva.J’aimelesblessuresparballe.(Kolherbaissalavoix.)Maispasdevantelle. —Vatefairefoutre. Mais le flic recouvrit les armes et l’argent avec son manteau. Puis il saisit le bras de Kolher et l’embarqua. Bethcrutqu’elleallaitvomirlorsqu’ellevitButchemmenerKolher. Entre les deux hommes, l’agressivité avait la consistance du plomb et, alors même que Kolher était menotté et tenu en respect par une arme, Beth craignait pour la sécurité de Butch. Elle avait l’impressionqueKolherselaissaitarrêterdesonpleingré. MaisButchdoitprobablementlesavoir,pensa-t-elle.Sinon,ilauraitreplacésonarmedansson holsteraulieudelaisserlecanonappuyécontrelatempedeKolher. Elle savait que Butch n’était pas un tendre avec les criminels, mais est-ce qu’il était dingue au pointd’entuerun? À en juger par l’expression meurtrière qu’elle lisait sur son visage, la réponse était un « oui » franc et massif. En outre, il réussirait probablement à s’en tirer. Une mort brutale guettait ceux qui avaientfaitlechoixdelaviolenceet,manifestement,Kolhern’avaitrienducitoyenmodèle.Sionle retrouvaitavecuneballedanslanuquedansuneruelleouflottantdanslefleuve,quis’enétonnerait? Cédantàsoninstinct,Bethsedirigeaencourantdevantlebâtiment. Butch avançait vers son véhicule comme s’il portait une charge instable ; elle courut pour le rattraper. —Attends,jeveuxluiposerunequestion. —Quoi?Tuveuxconnaîtresapointureouquoi?AboyaButch. —Quarante-neuf,articulaKolherd’unevoixtraînante. —Jem’ensouviendraipourNoël,connard. Bethbonditpourseplacerdevanteuxetlescontraindreàs’arrêterouluipassersurlecorps.Elle fixaKolherdroitdanslesyeux. —Qu’est-cequetumevoulais? Elleauraitjuréquesonregard,derrièreseslunettesdesoleil,s’étaitadouci. —Jevoulaispasqueleschosessepassentcommeça. Butchlapoussad’ungestevigoureuxdelamain. —J’aiuneidée:situmelaissaisfairemonboulot? —Latouchepas!grondaKolher. —Ouais,causetoujours. ButchpoussaKolhersansménagement. Lorsqu’ilsatteignirentlavoiture,Butchouvritlaportièrearrièreetpoussalecorpsimposantde Kolheràl’intérieur. —Quies-tu?hurla-t-elle. Kolher la regarda, parfaitement immobile, en dépit du rempart que formait le corps de Butch devantlui. —C’esttonpèrequim’aenvoyé,articula-t-ildistinctement. Puisils’installasurlesiègearrière. Betheneutlesoufflecoupé. ElleeutvaguementconsciencequeButchclaquaitlaportièrearrièreetqu’ilsedirigeaitversle siègeduconducteur. —Attends!s’écria-t-elle. Maislavoitureavaitdéjàdémarré,etsespneusavaientcrisséetlaissédesmarquessurl’asphalte. CHAPITRE15 Butchdécrochalecombinéetdemandaaucentrald’envoyerimmédiatementunpolicierdansla courdel’immeubledeBethpourcollecterlesarmesetl’argentquisetrouvaientsoussonmanteau. En conduisant, il gardait un œil sur la route et l’autre sur le rétroviseur intérieur. Le suspect le regardaitfixement,unlégersouriresursonvisagehostile. Bon sang, ce type était gigantesque. Il occupait la quasi-totalité du siège arrière, la tête inclinée pouréviterdesecognercontreletoitlorsquelavoitureroulaitdansdesornières. Butchavaithâtedelefairesortirdelafoutuevoiture. Moinsdecinqminutesplustard,ilobliquadansTradeStreetetsegarasurleparkingdupostede police,aussiprèsquepossibledelaportedederrière.Ilsortitduvéhiculeetouvritlaportièrearrière. —Tiens-toitranquille,OK?dit-ilensaisissantlebrasdeKolher. Kolherseleva.Butchlepoussa. Maislesuspectreculaets’éloignaduposte. —Pasparici. Butchl’agrippa,enfonçantsestalonsdanslebéton,tirantdetoutessesforces. Maislesuspectétaitdotéd’uneforcephénoménale.Ilavançaitrésolument,traînantButchderrière lui. —Tucroisquejevaishésiteràtirer?demandaButchalorsqu’ilportaitlamainàsonarme. Puistoutbasculaenuninstant. JamaisButchn’avaitvuquelqu’unbougeràcettevitesse.L’instantd’avant,letypeavaitlesmains menottéesderrièreledos;celuid’après,lesmenottesgisaientausol. Avec une totale économie de mouvements, Butch se retrouva désarmé, victime d’une prise d’étranglementfulguranteetentraînédansl’ombre. L’obscuritélesavala.Toutensedéfendant,Butchserenditcomptequ’ilsetrouvaitdanslaruelle étroiteséparantlepostedepolicedubâtimentdebureauxadjacent.Ellen’étaitlargequed’unmètre cinquante,maislongued’unevingtainedemètresenviron.Sanséclairage.Nifenêtres. Quand Butch vint heurter avec force le mur de briques, le peu de souffle qu’il avait réussi à reprendre fut expulsé brutalement hors de ses poumons. Il fut soudain soulevé du sol ; d’une seule main,sonadversaireletenaitparlecou. —T’auraisdûresterendehorsdeça,inspecteur,grondal’homme.T’auraisdûpassertonchemin etlalaisserveniravecmoi. Butchcherchaitàs’agripperàlapoignedefer.Lamainpuissanteplaquéecontresagorgeluiôtait peu à peu la vie. Butch s’étranglait, suffoquait. Sa vue commençait à se brouiller et il sentait qu’il allaitperdreconscience. Il savait qu’il ne pourrait pas s’en sortir, cette fois. On le sortirait de la ruelle dans un sac mortuaire.Commecethommeleluiavaitpromis. L’instantd’après,Butchcessaderésister,brasballants.Ilvoulaitlutter.Ilenavaitlavolonté.Mais pluslaforce. Quantàlamort,elleluiétaitindifférente.Ilallaitmourirenservice,certescommeuncrétinqui n’avaitpasdemandéderenfort.Maiscettemortétaitplusrapideetpréférableàunelongueagoniesur unlitd’hôpital,causéeparunemaladieincurable.Etbienplushonorablequelesuicide,optionque Butchavaitdéjàconsidéréeunefoisoudeux. Avec son dernier souffle de vie, il se força à regarder fixement le visage de l’homme. L’expressionqu’ilvitfutcelled’unemaîtrisetotale. Cetypeenestpasàsoncoupd’essai,songeaButch.Etlemeurtreluiposeaucunproblème. Bonsang,Beth. Qu’est-cequ’unhommecommeluiétaitcapabledefaireàBeth? Kolhersentitlecorpsdupolicierserelâcher.Ilétaitencoreenvie,maisàpeine. L’absence totale de peur chez cet humain était remarquable. Le flic avait eu la haine de se faire avoircommeça,s’étaitdéfenducommeunpro,maisjamaisiln’avaiteupeur.Alorsquedésormais l’Estompeétaitsurlui,ilétaitrésignéàmourir.Voirepeut-êtresoulagé. Bonsang.Kolherpouvaittoutàfaitimaginerressentirlamêmechose. Quelgâchisdetuerquelqu’uncapabledemourircommeunguerrier.Sanspeurnihésitation.De telshommesétaientrares,vampiresethumainsconfondus. Laboucheduflicsemitàremuer.Ilvoulaitparler.Kolhersepenchaverslui. —Lui…faispas…demal. —Jesuislàpourlasauver,sesurpritKolheràrépondre. —Non! Unevoixrésonnadanslaruelle. Kolhertournalatête.Bethcouraitdansleurdirection. —Lâche-le! Ildesserrasonempriseautourducoudupolicier.Iln’avaitpasl’intentiondetuercetypedevant elle.IlavaitplusbesoinqueBethluifasseconfiancequed’envoyerceflicrencontrersoncréateur. Beth s’arrêta devant eux et Kolher baissa le bras ; l’humain tomba à terre. Des halètements entravésetdesrâlesrésonnèrentdanslaruelle. Elles’agenouillaprèsdupolicierenregardantversKolher. —Tuasfailliletuer! Kolherjura;ilsavaitqu’ildevaitsebarrervitefait.D’autresflicsallaientsûrementsepointer. Ilregardaàl’autreboutdelaruelle. —Ettupensesalleroùcommeça? LacolèredeBethrendaitsavoixaussiacéréequ’unelame. —Tuveuxquejerestedanslecoinpourqu’onm’arrêteencore? —Tuméritesd’allerentaule! Chancelant, le policier s’efforça de se mettre debout, mais ses genoux flanchèrent. Mais il repoussalesmainsdeBethquandellevoulutl’aider. Kolher devait trouver un endroit obscur pour se dématérialiser. Si Beth avait été secouée de le voir s’apprêter à tuer un homme, elle aurait la trouille de sa vie en le voyant disparaître sous ses yeux. Kolherseretournaets’éloignaàgrandesenjambées.Iln’aimaitpasl’idéedelalaisserici,mais quefaired’autre?S’ilsefaisaitbuter,quiveilleraitsurelle?Ilnepouvaitpassepermettred’alleren prison. Les cellules étaient équipées de barreaux d’acier et, à l’aube, jamais il ne pourrait se dématérialiser. Face à ces deux éventualités, si des policiers tentaient de l’appréhender ici et maintenant,sonseulchoixseraitdetouslesmassacrer. Quepenserait-elledeluialors? —Resteoùtues!hurla-t-elle. Tandisqu’ilcontinuaitàavancer,ilentenditlespasdeBeth,quis’approchaitencourant. —Jet’aiditderesteroùtues! Ellel’agrippaparlebrasettiraavecforce. Kolherlaregardafixement,rendufurieuxparlatournurequ’avaientpriselesévénements.Grâce àcettepetitescèneavecsonpotelepolicier,Bethétaitdésormaisterrifiéeparlui,etveillersurelle allait être une vraie galère. Il doutait de disposer du temps nécessaire pour la convaincre de l’accompagnerdesonpleingré.Ildevraitdoncpeut-êtreserésoudreàl’emmenercontresavolonté quandviendraitlemomentdelatransition.Etçan’allaitpasêtrelajoie,nipourl’unnipourl’autre. Lorsquel’odeurdeBethparvintjusqu’àsesnarines,ilsutimmédiatementquecechangementétait imminent. Peut-être devait-il l’emmener avec lui maintenant. Kolher regarda autour de lui. Il ne pouvaitpasvraimentlachargersursonépauleici,àmoinsdequinzemètresdupostedepolice.Et passouslesyeuxdecefoutuflic.Non,ildevraitrevenirjusteavantl’aubeetl’enlever. Puis il l’enchaînerait dans les appartements de Audazs s’il devait en arriver à cette extrémité ; c’étaitsoitça,soitellemourrait. —Pourquoitum’asmenti?hurla-t-elle.Tun’aspasconnumonpère. —Si. —Menteur,éructa-t-elle.Tun’esqu’untueuretunmenteur. —Aumoins,lapremièrepartieestjuste. Bethécarquillalesyeuxd’effroi,l’horreurétaitlisiblesursonvisage. —Cesshuriken…danstespoches.TuastuéMary,pasvrai? Ilfronçalessourcils. —J’aipastuédefemmes. —J’airaisonpourladeuxièmepartieaussi. Kolherjetauncoupd’œilaupolicier,encoresonnéàterre,maisquicommençaitàrécupérer. Merde,pensa-t-il.EtsiBethn’avaitpasjusqu’àl’aube?Etsielledisparaissaitetqu’iln’arrivait pasàlaretrouver? Ilbaissalavoix. —Tuaseudenombreusesfringalesdernièrement,pasvrai? Ellesursauta. —Quoi? —T’astoutletempsfaim,maistugrossispas.Ettuesfatiguée.Trèsfatiguée.Lesyeuxtebrûlent aussi,surtoutdanslajournée.(Ilsepenchaverselle.)Turegardesdelaviandecrueettutedemandes quelgoûtçaa.Tuasmalauxdents,surtoutàcellesduhaut.Tesarticulationstefontmalettutesensà l’étroitdanstoncorps.Toujoursplus. Ellecillaetouvritlabouche. Derrièreelle,lepolicierseremitsursespieds,chancelaetretombaausolsurlecul.Kolherparla plusvite. —T’asl’impressiondenepasêtrecommelesautres,pasvrai?Commesilesautresavançaientà une vitesse différente, plus lentement. Tu penses être anormale, différente, à part. Tu tiens pas en place.Tusensquequelquechosevat’arriver,quelquechosedeprodigieux,maistuignoresceque c’est ou comment l’arrêter. Dans ton lit, t’arrives pas à trouver le sommeil, effrayée par tes rêves, perdue dans un environnement familier. (Il s’interrompit.) T’as presque jamais senti d’attirance sexuelle,maisleshommestetrouventincroyablementdésirable.Lesorgasmesquejet’aidonnésla nuitdernièreétaienttespremiers. C’était tout ce dont il pouvait se rappeler de son existence dans le monde des humains avant sa transition. Elleleregardafixement,abasourdie. —Situveuxsavoircequit’arrive,tudoisveniravecmoi.Maintenant.Tuvasêtremalade,Beth. Etjesuisleseulàpouvoirt’aider. Ellereculad’unpas.Regardalepolicier,quisemblaitgoûterauxjoiesdelapositionallongée. Kolherlevalesmains. —Jeteferaiaucunmal,jetelepromets.Sijevoulaistetuer,j’auraispulefairededixmanières différenteslanuitdernière. Elle tourna de nouveau la tête dans sa direction, et il ferma les yeux lorsqu’il sentit qu’elle se souvenait avec précision de tous les événements de la nuit précédente. Son désir parvenait à ses narinescommeundouxeffluve.Puisilcessabrusquement. —TuallaistuerButch. Enréalité,iln’enétaitpassisûr.Lesbonsadversairesétaientrares. —C’estfaux. —T’auraispu. —Quelleimportance?Ilrespireencore. —Seulementparcequejesuisarrivéeàtemps. Kolhergrogna,puissedécidaàjouersameilleureCarte. —Jevaisteconduireàlamaisondetonpère. Bethécarquillalesyeux,puislesplissadenouveau,soupçonneuse. Elleregardaencoreendirectiondupolicier.Ilavaitréussiàseremettredebout,unemainappuyée contrelemur,latêteinclinéecommesielleétaittroplourdepoursoncou. —Monpère,hein? Savoixétaitempreinted’incrédulité. Maisaussidecequ’ilfallaitdecuriositépourqu’ilsachequ’ilavaitréussiàl’appâter. —Letempspresse,Beth.Ilyeutunlongsilence. Lepolicierlevalatêteetregardaversleboutdelaruelle. Dans une minute ou deux, ce type allait tenter une nouvelle arrestation. Sa détermination était palpable. —Jem’envaismaintenant,déclaraKolher.Viensavecmoi. Elleseraplusfortsonsaccontreelle. —Justepourqueleschosessoientclaires,j’aiaucuneconfianceentoi. Ilacquiesça. —Pourquoit’auraisconfiance? —Etj’aidéjàeudesorgasmesavant. —Alorspourquoit’asététellementsurprised’enavoir?demanda-t-ild’unevoixdouce. —Vite,murmura-t-elle,s’éloignantdel’inspecteur.OntrouverauntaxisurTradeStreet.J’aipas demandéàceluiquim’aconduiteicid’attendre. CHAPITRE16 Tandis qu’elle avançait à toute allure dans la ruelle, Beth savait qu’elle jouait avec sa vie. Les probabilitésétaientfortespourqu’ellesefasseavoir.Paruntueur.Maiscommentpouvait-ilsavoirà cepointcequ’elleressentait? Avantdetournerlecoindelarue,ellejetaundernierregardàButch.Lamaintendueverselle,il cherchaitàl’atteindre.L’obscuritédissimulaitsestraits,maissonélandésespéréversellefranchitla distancequilesséparait.Ellehésita,ralentissantlerythme.Kolherlasaisitparlebras. —Beth.Viens. Quelecielluivienneenaide!Elleseremitàcourir. Àl’instantoùilsdébouchèrentdansTradeStreet,ellehélauntaxi.Dieumerci,ils’arrêtanet.Ils s’engouffrèrent à l’intérieur, puis Kolher donna au chauffeur une adresse située à quelques rues seulementdecellequ’ilavaitprécédemmentindiquéeàBethsurWallaceAvenue. Manifestementunetactiquedesécurité. Ildoitenavoiràrevendre,decestactiques,songea-t-elle. Tandisqueletaxidémarrait,ellesentitsonregardpesersurelle. —Ceflic,demanda-t-il,ilestimportantpourtoi? Elle prit son téléphone portable dans son sac et composa le numéro du standard du poste de police. —Jet’aiposéunequestion,dit-ild’untonsec. — Va te faire foutre. (Lorsqu’elle entendit la voix de Ricky à l’autre bout du fil, elle prit une profondeinspiration.)Est-cequeJoséestlà? Ilfallutmoinsd’uneminutepourmettrelamainsurluietilétaitdéjàdehorsàchercherButch lorsqu’elle mit fin à la communication. José n’avait pas posé beaucoup de questions ; celles-ci viendraient en temps et en heure, elle le savait pertinemment. Et comment allait-elle pouvoir lui expliquerqu’elles’étaitenfuieavecunsuspect? Cequi,vraisemblablement,faisaitd’elleunecomplice. Beth remit son téléphone dans son sac. Ses mains tremblaient et elle se sentait comme prise de vertige. Elle n’arrivait pas à reprendre son souffle non plus, alors même que le taxi avait l’air conditionnéetqu’ilfaisaitfraisàl’intérieur.Elleouvritlavitre;del’airchaudethumides’engouffra dansl’habitacleetluiébouriffalescheveux. Qu’est-cequ’elleavaitfait?Avecsoncorpslanuitprécédente?Avecsavieàcetinstantmême? Qu’est-cequiallaitsuivre?L’incendiedesonappartement? Elle se détestait d’avoir mordu à l’hameçon, le seul auquel elle était incapable de résister. Car manifestement cet homme était un criminel. Qui la terrifiait, mais dont pourtant elle ne pouvait oublierl’ardeurdesbaisers. Etellelehaïssaitd’avoircomprisquesesorgasmesétaientlespremiers. —Arrêtez-vousici,ordonnaKolherauchauffeurdixminutesplustard. Bethréglalacourseavecunbilletdevingtdollarsetpensaquec’étaitunechancequ’elleaitde l’argent sur elle. L’argent de Kolher, ce gros paquet de billets, se trouvait dans la cour de son appartement.Iln’auraitpaspuréglerlacourse. Était-ellevraimentsurlepointd’accompagnercethommechezlui? Letaxidémarraetilss’engagèrentsuruntrottoirbienentretenud’unquartierrésidentielluxueux. Le changement de décor frisait l’absurde, entre la violence de la ruelle obscure et ces gazons et massifsproprets. Elleétaitprêteàparierqueleshabitantsdecequartiern’avaientjamaisfuilapolice. EllejetaunregardàKolher,quilasuivaitàquelquespas.Ilinspectaitlesalentours,commes’il s’attendait à être attaqué, même si elle se demandait ce qu’il pouvait bien voir derrière ses lunettes noires.Ellenecomprenaitpaspourquoiils’obstinaitàlesporter.Outrenuireàsavue,ceslunettes constituaient un signe distinctif majeur. Quiconque croisait le couple serait en mesure de décrire l’hommeavecprécisionenunclind’œil. Mêmesiseslongscheveuxnoirsetsahautestatureauraientsuffi. Elle tourna la tête. Dans son dos, le bruit des bottes martelant le béton résonnait comme des poingscontreuneportemassive. —Alors,ceflic?(LavoixdeKolher,profonde,résonnatoutprès.)C’esttonamant? Bethfaillitéclaterderire.Bonsang,ilavaitl’airjaloux. —J’aiaucuneintentiondeterépondre. —Pourquoi? —Parcequerienm’yoblige.Jeteconnaispas.Jetedoisrien. —T’asapprisassezbienàmeconnaîtrelanuitdernière,rétorqua-t-ild’untonsec.Etmoi,j’ai apprisàtrèsbienteconnaître. Terrainglissant, pensa-t-elle alors qu’elle sentit une excitation immédiate entre ses jambes. Bon Dieu,toutesleschosesquecethommesavaitfaireavecsalangue… Elle croisa les bras sur la poitrine et regarda fixement une demeure de style colonial très bien conservée. De la lumière filtrait de plusieurs fenêtres, rendant l’ensemble accueillant et familier. Probablementparcequecesdemeuresfamilialesétaientuniverselles.Etuniversellementattirantes. Ellenediraitpasnonàunpetitséjourd’unesemainedansl’unedecesbâtisses. —Lanuitdernièreétaituneerreur,déclara-t-elle. —C’estpasvraimentl’impressionquej’aieue. —Ehbientutegoures.Surtoutelaligne. Il tendit le bras vers elle avant même qu’elle se rende compte qu’il avait esquissé le moindre mouvement. Elle marchait et, l’instant d’après, se retrouvait dans ses bras. D’une main, Kolher la saisitàlabaseducou;del’autre,ilattirafermementsonbassincontrelesien.Sonsexeenérection étaitcommeunelanièreépaissetoutcontresonventre. Ellefermalesyeux.Lemoindrecentimètredesapeaupritvie,lachaleurinondanttoutsoncorps. Elledétestaitl’effetqu’ilproduisaitsurellemais,commelui,elleétaitincapabledecontrôlerquoi quecesoit. Elleattenditqu’ilplaquesabouchecontrelasienne,maisils’abstint.Ilapprochaseslèvresdeson oreille. —Mefaispasconfiance.M’aimepas.Jem’entape.Maismemensjamais.(Ilprituneprofonde inspiration,commes’ill’attiraitàl’intérieurdelui.)Encemomentmême,jepeuxsentirtondésir.Je pourraist’allongersurcetrottoiretêtresurtoienmoinsd’uneseconde.Ettumerepousseraispas, pasvrai? Non,probablementpas. Parcequ’elleétaitstupide.Etquemanifestementelleavaitenviedemourir. LeslèvresdeKolhers’attardèrentsursoncou.Puisilsemitàeffleurerlégèrementsapeauavec salangue. —Dedeuxchosesl’une:ouonselajouecivilisésetonattendd’êtrerentrésouonfaitçaici.Les deuxmevont,etj’aiuneenviedingued’êtreentoi,ettoi,tudiraspasnon. Bethagrippasesépaulesàtraverssonblousondecuir.Elleauraitdûlerepousser,maiselleen étaitincapable.Ellel’attiraplusprèsencorecontresoncorps,poussantsesseinscontresontorse. Il laissa échapper un râle de désespoir, à mi-chemin entre un grognement de satisfaction et une supplicationdouloureuse. Ah,pensa-t-elle,retrouvantunpeudepouvoir. Elles’écartadeluisatisfaite,maisàsoncorpsdéfendant. —Laseulechosequirendecettesituationquelquepeusupportableestlefaitquetumeveuilles encoreplus.Ellerelevalementonetseremitàavancer.Ellesentaitsesyeuxsursoncorps,comme s’illatouchaitdesesmains. —T’asraison,confirma-t-il.Jetueraispourt’avoir.Bethfitvolte-face,pointantsurluiundoigt accusateur. —Onyest!Tunousasvus,Butchetmoi,nousembrasserdanslavoiture,c’estça? Kolherhaussaunsourcilinterrogateur.Puisesquissaunlégersourire,ens’abstenanttoutefoisde répondre. —C’estpourçaquetul’asattaqué? —J’aiseulementessayéderésisteràl’arrestation. —Àd’autres,murmura-t-elle.Alors,c’estça?Tul’asvum’embrasser? Kolher s’approcha d’elle, réduisant l’espace entre leurs deux corps. Tout en lui exhalait la menace. —Ouais,jel’aivu.Etj’aidétestélevoirtetoucher.Satisfaite?Vas-y,assènelecoupdegrâceet dis-moiqu’ilestmeilleuramantquemoi.Çaseraitunmensonge,biensûr,maisçameferaitquand mêmeunputaindemaldechien. — Mais qu’est-ce que ça peut bien te faire ? demanda-t-elle. Toi et moi on a passé qu’une nuit ensemble.Mêmepas!Justequelquesheures. Il serra la mâchoire. Elle savait qu’il grinçait des dents, à en juger par la façon dont ses joues creusées remuaient. Mieux valait qu’il porte ses lunettes de soleil, car elle savait qu’il l’aurait assassinéeduregard. Lorsqu’une voiture passa dans la rue, elle se rappela qu’il était recherché par la police et que, techniquement,elleaussi.Maisqu’est-cequileurarrivait,desedisputersurletrottoir…commedeux amants? —Écoute,Kolher,jeveuxpasmefairearrêtercettenuit.(Jamaisellen’auraitpenséqu’elledirait çaunjour.)Onaqu’àcontinueràmarcher.Avantqu’onnoustrouve. Elleseretourna,maisilluisaisitfermementlebras. —Tulesaispasencore,déclara-t-ild’unevoixsombre,maistuesàmoi. Pendantunefractiondeseconde,ellesentitsoncorpsoscillerverslui. Puiselleseressaisitetsecoualatête.Elleenfouitsonvisagedanssesmains,commepoureffacer lavisiondelui. Ellesesentaitmarquée,maisleplusdinguedanstoutecettehistoire,c’étaitqu’elles’enfoutait. Carelleaussilevoulait. Cequinelaissaitrienprésagerdebonsursonétatmental. MonDieu,commeelleauraitaimérevenirenarrière.Siseulementellepouvaitseretrouverdeux joursplustôt,assiseàsonbureau,avecDicketsonnumérodebosslibidineux. Elleferaitdeuxchosesautrement.D’unepart,elleappelleraituntaxiaulieuderentreràpiedchez elle,etjamaissaroutenecroiseraitcelledeBillyRiddle.D’autrepart,unefoisrentréechezelle,elle ferait son sac et se rendrait dans un motel. Et ce dealer de drogue Don Juan sur les bords ne la trouveraitjamais. Ellevoulaitseulementretrouversaviepitoyableetennuyeuse.Ridicule,n’est-cepas?Alorsqu’il n’yavaitpassilongtempsellepensaitquechangerdevieétaitleseulmoyendesesauverelle-même. — Beth. (Sa voix était moins tendue.) Regarde-moi. Elle secoua la tête et ôta les mains de son visage. —Toutirabien. —Ouais,c’estça.Encemomentmême,unmandatd’arrêtaprobablementétédélivrécontremoi. J’errelanuitàtraverslavilleavecuntypecommetoi.Ettoutçaarriveparcequejesuisprêteàtout pour en savoir plus sur mes parents décédés, et que je suis prête à risquer ma vie s’il existe une chanceinfimedegrappillerunpeud’informations.Jet’assurequejesuistrèstrèsloindecroireque toutirabien. IllaissacourirsondoigtsurlajouedeBeth. —Jeteferaipasdemal.Jenelaisseraipersonnetefairedumal. Ellesefrottalefrontetsedemandasiellesesentiraitdenouveaunormaleunjour. — Si seulement tu n’étais jamais apparu sur le seuil de ma porte. J’aurais aimé ne jamais te rencontrer. Illaissaretombersamain. —Onestpresquearrivés,répondit-ild’untonlaconique. Butchcessad’essayerdesereleverets’effondra. Ilrestaassislàunpetitmoment,àrespirer.Ilsemblaitincapabledefairelemoindremouvement. Non parce que sa tête était douloureuse, bien qu’elle le soit. Ni parce que ses jambes étaient faibles,cequiétaitlecas. Ilavaithonte. Cen’étaitpastantdes’êtreprisuneracléeparunhommeplusfortquelui,mêmesisonegoavait morfléunmax. Non,lahontevenaitdufaitqu’ilavaitfoiréetmisendangerlavied’unejeunefemme.Lorsqu’il avaitcontactélecentralpourfairerécupérerlesarmes,ilauraitdûdemanderquedeuxofficiersde policel’attendentdevantlepostedepolice.Ilsavaitquecesuspectétaitparticulièrementdangereux, maisilétaitconvaincud’arriveràlegérerseul. Ouais,tuparles,ilavaitassurécommeunpro.Ils’étaitfaitbotterleculenrègle.Etmaintenant Bethétaitaveccetueur. Dieuseulsavaitcequiallaitluiarriver. Butch ferma les yeux et appuya son menton sur ses genoux. Sa gorge le tuait, mais sa tête l’inquiétait bien plus encore. Elle refusait de fonctionner correctement. Ses pensées étaient incohérentes, ses processus cognitifs complètement flingués. Peut-être avait-il été privé d’oxygène suffisammentlongtempspoursecramerlesneurones. Ilessayadesereprendre,maisneréussitqu’àsombrerencoreplusdanslebrouillard. Puis,parcequesoncôtémasochistesemanifestaittoujoursàpointnommé,lepasséluirevinten mémoire. Parmi le tas d’images nébuleuses qui affluaient dans sa tête, une s’imposa et lui fit venir les larmesauxyeux. Une adolescente. Âgée d’une quinzaine d’années tout au plus. Qui montait dans une voiture inconnue.Etquiluiadressaitunsignedelamainparlavitretandisquelavoituredisparaissaitdansla rue. Sasœuraînée.Janie. Soncorpsavaitétéretrouvédanslesboisderrièrelestadedebase-balllelendemainmatin.Elle avaitétéviolée,frappéeetétranglée.Maispasdanscetordre. Depuis son enlèvement, Butch était devenu insomniaque. Vingt ans plus tard, il n’avait toujours pasretrouvélesommeil. Il songea à Beth, lui adressant un dernier regard par-dessus son épaule alors qu’elle s’enfuyait aveclesuspect.Lapenséequ’elleavaitdisparuaveccetueurfutlaseulepenséequipermitàButchde seremettresursespiedsetdetraînersacarcassejusqu’aupostedepolice. —Eh!O’Neal!(Josépiladanslaruelle.)Qu’est-cequivousestarrivé? —Ilfautenvoyerunmessageàtouteslespatrouilles.(Bonsang,maisqu’est-cequec’étaitque cette voix ? Rauque, comme s’il s’était époumoné deux heures durant pendant un match de foot.) Hommeblanc,deuxmètres,centvingtkilos.Vêtudecuirnoir,lunettesdesoleil,cheveuxnoirslongs auxépaules.(Butchtenditlebraspourprendreappuicontrelebâtiment.)Lesuspectn’estpasarmé. Seulementparcequejel’aidépouillé.Maisilaurasûrementrefaitsonstockenmoinsd’uneheure. Ilfitunpasenavantetvacilla. —BonDieu! Josélesaisitparlebraspourlesoutenir. Butchs’efforçadenepasprendreappuicontresoncollègue,maisilavaitbesoindesonaide.Ilne parvenaitpasàactionnersesjambescorrectement. —Accompagnéd’unefemmeblanche.(Savoixsebrisa.)Unmètrequatre-vingts,longscheveux noirs.Porteunejupebleueetunchemisierblanc.(Ilmarquaunepause.)Beth. —Jesais.Elleaappelé.(LevisagedeJosésedurcit.)Jeneluiaipasdemandédedétails.D’après savoix,ellen’étaitpasdisposéeàendonner. Butchsentitsesgenouxfaiblir. —Toutdoux,inspecteur.(Josélesoutint.)Onvayallerdoucement. Aumomentd’entrerdanslepostedepoliceparlaportedederrière,Butchchancela. —Ilfautquejelaretrouve. —Reposez-vousjustesurcebanc. —Non… Josérelâchasonappui;Butchs’écroulacommeunemasse. Lamoitiédesofficiersduposteoupresqueseprécipitèrentverslui.Aveclesregardsinquietsde ceshommesenuniformeposéssurlui,Butchsesentitpitoyable. —Jevaisbien,aboya-t-il.Puisilposasatêteentresesgenoux. Commentavait-ilpulaisserleschosesenarriverlà?SiBethétaitretrouvéemortelelendemain matin… —Inspecteur?(Josés’accroupitpourplacersonvisagedanslechampdevisiondeButch.)Ona appeléuneambulance. —J’enaipasbesoin.Lemessageàtouteslespatrouillesabienétéenvoyé? —Ouais,Rickys’enoccupeàl’instantmême.Butchrelevalatête.Lentement. —Bonsang,qu’est-cequiestarrivéàvotrecou?demandaJosé,lesoufflecourt. —Ons’enestservipourmemaintenirau-dessusdusol.(Ildéglutitplusieursfois.)Est-cequeles armesontétérécupéréesàl’adressequej’avaisdonnée? —Ouais.Lefricaussi.Merde,maisquic’est,cetype? —J’enaipaslamoindreputaind’idée. CHAPITRE17 KolhermontalesmarchesduperrondelademeuredeAudazs.Laportes’ouvritavantmêmequ’il aittouchélapoignéedecuivre.Fritzsetrouvaitdel’autrecôté. —Maître,jenesavaispasquevous… Ledoggensefigealorsqu’ilaperçutBeth. — Fritz, j’aimerais vous présenter Beth Randall. (Le majordome ne cessait de la regarder.) Tu nouslaissesentrer? Fritzs’inclinaprofondément. — Naturellement, maître. Mlle Randall, c’est un honneur de finalement vous rencontrer en personne. Bethsembladécontenancée,maisréussitàesquisserunsourirelorsqueledoggenseredressaet s’écartadel’encadrementdelaporte. Lorsqu’elleluitenditlamain,Fritzeneutlesoufflecoupéetjetauncoupd’œilendirectionde Kolher,sollicitantsonautorisation. —Allez-y,murmuraKolherenrefermantlaporte.Iln’avaitjamaiscomprislesstrictestraditions desdoggen. FritzsaisitcérémonieusementlamaindeBethdanssesdeuxmainsetbaissalatête.Ilprononça trèsvitedesmotsenlangueancienne. Beth était au comble de l’étonnement. Mais comment aurait-elle pu savoir qu’en lui tendant la mainelleavaitaccordéleplusgranddeshonneursàunêtredesonespèce?Entantquefilled’un princeps,elleétait,dansleurmonde,unearistocratedehautrang. Desjoursdurant,Fritzseraitsurunpetitnuage. —Onseradansmesappartements,déclaraKolher,unefoislecontactrompu. Ledoggenhésita. —Maître,Rhageestici.Ilaeu…unpetitaccident.Kolherjura. —Oùilest? —Danslasalledebainsdubas. —Aiguillesetfil? —Enbasaussi. —QuiestRhage?demandaBethalorsqu’ilstraversaientlevestibuledelademeure. Kolhers’arrêtadanslesalon. —Tuattendsici. MaisBethluiemboîtalepas. Ilseretourna,montrantdudoigtlapiècepar-dessussonépaule. —C’estunordre. —Jen’attendsnullepart. —Putain,faiscequejetedis! —Non. Elleavaitrépondusanss’énerver.Elleledéfiaitavecuncalmeabsoluetunedéterminationsans faille.Commes’iln’étaitpasplusunobstaclesursoncheminqu’unpetittapis. —BordeldeDieu!Trèsbien.Gerbetondîner. Tandisqu’ilsedirigeaitverslasalledebains,l’odeurdusang,toutlelongducouloir,luiemplit lesnarines.Lablessuresemblaitmauvaise,etilauraitaiméqueBethnesoitpassiobstinée. Rhage leva la tête lorsque Kolher poussa la porte. Le bras du vampire pendait par-dessus le lavabo.Ilyavaitdusangpartout:unemaresombreausoletunepetitemaresurlereborddulavabo. —Bordel,Rhage,qu’est-cequis’estpassé? —J’aiétécharcuté.Parunéradiqueurquim’atouchédirectementdanslaveine,jusqu’àl’os.Je pisselesang. Kolher distingua vaguement Rhage avancer la main vers son épaule et la relever. Main vers l’épaulepuisenl’air. —Tul’aseu? —Unpeumonneveu! —Oh…mon…Dieu…,articulaBeth.OhmonDieu!Ilestvraimententraindeserecoudre… —Salut!C’estquilamignonne?demandaRhage,interrompantsonmouvement. Ilyeutunsonétranglé,puisKolhersedéplaçapour,desoncorps,masquerlascèneàBeth. —Besoind’aide?demanda-t-il,mêmesitousdeuxsavaientpertinemmentqueKolhernepouvait rienfaire. Savueneluipermettaitmêmepasderecoudresespropresblessures,encoremoinscellesd’un autre. Kolher méprisait cette faiblesse qui le contraignait à compter sur ses frères d’armes ou sur Fritz,danscescas-là. — Non, ça va aller, répondit Rhage dans un rire. Je me débrouille pas mal avec les aiguilles, commetusais.Ettonamie,quic’est? — Beth Randall, je te présente Rhage. L’un de mes associés. Rhage, voici Beth et elle est pas actrice,compris? —Reçucinqsurcinq.(Rhagesepenchapouressayerdel’apercevoir.)Enchanté,Beth. —Vousêtessûrdenepasvouloirplutôtalleràl’hôpital?demanda-t-elled’unevoixfaible. — Non. Cette blessure est juste moche. C’est quand on doit se servir du gros intestin comme garrotqu’onsaitquec’estdusérieux! UnsonétranglésortitdelabouchedeBeth. —Jevaisl’emmenerenbas,déclaraKolher. —Oui,s’ilvousplaît…J’aimeraisvraiment…aller…enbas. Kolhermitsonbrasautourd’elle.Ilserenditcompteàquelpointlascènel’avaitébranléeàla façondontelles’appuyacontrelui.C’étaitsibondesentirqu’elleavaitbesoindesaforce! Tropbon,enfait. —Çavaaller?demandaKolheràsonfrèred’armes. —T’inquiète.Jeparsdèsquej’aifini.J’aitroisjarresàcollecter. —Jolitrophée. — J’en aurais récupéré plus si ce type n’avait pas surgi comme ça de nulle part. Je comprends pourquoituaimestantlesshuriken. (Rhage opéra un mouvement de la main, comme s’il faisait un nœud.)Tohretlesjumeaux(ilsaisitunepairedeciseauxsurlelavaboetcoupalefil)continuentle travaildelanuitdernière.Ilsdevraientêtreaurapportdansdeuxheures,commetul’asdemandé. —Dis-leurdefrapperavantd’entrer. Rhageacquiesçaeteutlaprésenced’espritdes’abstenirdetoutcommentaire. KolherreconduisitBethlelongducorridoretsesurpritàluicaresserl’épaule.Ledos.Puisillui passa la main autour de la taille, laissant ses doigts s’enfoncer dans sa chair souple. Elle trouva sa placenaturellement,latêtecontresapoitrine,tandisqu’ilscontinuaientàavancer. Tropagréable.Tropfamilier,pensa-t-il. Maisilnerelâchapassonétreinte. Ilauraitaiméretirercequ’illuiavaitditsurletrottoir.Surlefaitqu’elleluiappartenait. Car c’était faux. Il ne voulait pas faire d’elle sa shellane. Il était à bout, jaloux. À imaginer les mains de ce flic qui la pelotait. Furieux de n’avoir pas tué cet humain, après tout. Les mots étaient sortistoutseuls. Ahmerde! Cette femelle lui mettait le cerveau à l’envers. Comme si elle parvenait à lui faire perdre toute maîtriseetàlemettreencontactavecsapartdefolie. Contactqu’ilpréféraitéviter. Aprèstout,lafolieétaitplutôtlaspécialitédeRhage.EtlaConfrériepouvaittrèsbiensepasser d’unautremembredéjanté. Bethfermalesyeuxets’appuyacontreKolher,essayantdechasserdesonespritlavisiondecette blessure béante. C’était comme s’efforcer de bloquer la lumière du soleil avec ses mains : des fragmentsdel’imagepassaientàtravers.Toutcesang,rougeetbrillant,lemusclerosefoncéàvif,le contrastechoquantavecleblancdel’os.Etcetteaiguillequitransperçaitlapeau,tirantlachair,dans laquellesefaufilaitlefilnoir… Ellerouvritlesyeux. Ouvert,c’étaitmieux. Qu’importecequedisaitl’homme,cen’étaitpasunepetiteégratignure.Ildevaitalleràl’hôpital. Etelleauraitinsistéavecplusdevigueursiellen’avaitpaseuàfairetantd’effortspourconvaincre sondînerthaïderesteroùilétait. Enoutre,cetypeavaitl’aircompétentpoursesoigner. C’étaitaussiunvraicanon.Mêmesilablessuremonopolisaitl’attention,ellen’avaitpasétésans remarquerlabeautédesonvisageetdesoncorps.Descheveuxblondscoupéscourt,desyeuxbleu irisé,unvisagefaitpourlesécransdecinéma.IlétaitvêtucommeKolher,pantalondecuirnoiret bottes,maisilavaitretirésachemise.Lesmusclesimpressionnantsdesontorsesaillaientàlalumière duplafonnier.Sansparlerdutatouage–undragonmulticolore–quicouvraitlatotalitédesondos. CommesiKolheravaitpufréquenterdescomptablesmaigrichonsbiencommeilfaut. Desdealers.Ceshommesétaientclairementdesdealers.Pistolets,armesblanches,paquetdefric. Iln’yavaitqu’euxpoursebattreaucouteaupuisserecoudreeux-mêmes. Ellesesouvintquel’hommeavaitsurlapoitrinelamêmemarquecirculairequeKolher. Ilsdoiventfairepartied’ungang,pensa-t-elle.Oudelamafia. Elleeutsoudainbesoind’air;Kolherlalâchalorsqu’ilsentrèrentdansunepièceauxmursjaune citron. Elle ralentit le pas. L’endroit ressemblait à un musée ou à une demeure qu’elle s’attendait à voirenphotodansDemeuresarchitecturales.Destenturesépaissesauxcouleurspâlesencadraientde larges fenêtres, des toiles de maîtres ornaient les murs, des objets d’art étaient disposés avec goût. Ellebaissalesyeuxsurletapis.Ilvalaitprobablementplusquesonappartementtoutentier. Peut-êtrequ’ilsnedealaientpasseulementducrack,del’ecstasyetdel’héroïne,pensa-t-elle,mais qu’ilrevendaitaussidesantiquitésaumarchénoir. Étrangecombinaison. —C’estbeau,murmura-t-elletandisqu’ellelaissaitcourirsesdoigtssuruncoffret.Trèsbeau. Commeellen’obtintquelesilencepourtouteréponse,ellejetauncoupd’œilàKolher.Deboutà l’entréedelapièce,ilavaitcroisélesbrassursontorseetsemblaitsursesgardes,alorsmêmequ’il setrouvaitchezlui. Est-cequecetypesedétendaitjamais?s’interrogea-t-elle. — T’as toujours été collectionneur ? demanda-t-elle en s’efforçant de gagner du temps pour recouvrersoncalme. Ellesedirigeaversuntableaudel’écoled’HudsonRiver.Seigneur!C’étaitunThomasColequi valaitsûrementplusieurscentainesdemilliersdedollars. —C’estmagnifique. Elle regarda par-dessus son épaule. Toute l’attention de Kolher était fixée sur elle et non sur le tableau.Sonvisageétaitdépourvudetouteexpressiondefiertéoudepossession. Cequin’étaitpascourantchezquelqu’undontonadmiraitlacollection. —Cettemaisonn’estpaslatienne,déclara-t-elle. —Tonpèrevivaitici. Ouais,c’estça. Etpuismerde!Ellel’avaitsuiviici.Autantjouerlejeu. —Manifestement,ilavaitpasmald’argent.Ilfaisaitquoidanslavie? Kolher avança dans la pièce, en direction d’un magnifique portrait grandeur nature d’un personnagequiressemblaitàunroi. —Suis-moi. —Quoi?Tuveuxquejetraversecemur… Il appuya sur un côté du cadre, qui s’ouvrit vers l’extérieur pour donner accès à un couloir sombre. —Oh!S’exclama-t-elle. Ilfitungestedubras. —Aprèstoi. Beths’approchaavecprécaution.Lalueurdelanternesàgazseréfléchissaitsurlapierrenoire. Ellesecourbaetaperçutunescalierquidescendaitencolimaçon. —Qu’est-cequ’ilyaenbas? —Unendroitoùnouspouvonsparler. —Pourquoionrestepasenhaut? —Parcequetuaimeraisautantqueleschosessepassentenprivé.Etmesfrèresnevontpastarder àarriver. —Tesfrères? —Ouais. —T’enascombien? —Cinqmaintenant.Tunousfaisperdredutemps.Avance.Turisquesrien,jetelepromets. Ouais,àd’autres. Néanmoins,elleposalepiedsurlereborddoréducadre.Ets’enfonçadansl’obscurité. CHAPITRE18 Bethprituneprofondeinspirationet,nonsanshésitation,tenditlesmainsendirectiondelaparoi depierre.L’airnesentaitpaslemoisi;aucunehumiditénonplus.Ilyfaisaitjustetrès,trèssombre. Lentement, avec précaution, elle descendit les marches. Les lanternes étaient comme des lucioles, à dispenserdelalumièrepluspourelles-mêmesquepourceuxquiempruntaientl’escalier. Enfin,elleatteignitlepieddel’escalier.Elledistinguauneporteouvertesurladroite,ainsiquela lueurchaudedebougies. Lapièces’apparentaitàl’escalier,avecdesmursnoirs,unéclairagefaibleetlamêmepropreté. Lesbougies,quidansaientàleurposte,produisaientuneffetapaisant.Enposantsonsacsurlatable basse,ellesedemandasiKolherdormaitlà. Lesdimensionsdulitauraientconvenu. Etcesdraps,c’étaitvraimentdusatinnoir? Elleseditqu’ilavaitdûattirerungrandnombredefemmesdanssonantre.Nulbesoind’êtreun géniepourimaginercequisepassaitunefoislaportefermée. Soncœurbonditdanssapoitrinelorsqu’elleentenditlecliquetisd’unverrou. —Parle-moidemonpère,dit-elled’untonabrupt.Kolherpassaàcôtéd’elleetôtasonblouson. Ilportaitendessousuntee-shirtsansmanches,etelleadmiralaforcebrutedecesbras,sesbicepset sestricepsquisaillirentlorsqu’ilretirasoncuir.Elleaperçutlestatouagesquicouraientsurlaface internedesesavant-braslorsqu’ilenlevaleholstervide. Ilsedirigeaverslasalledebains;elleentenditl’eaucouler.Lorsqu’ilensortit,ilseséchaitle visageavecuneserviette.Ilremitseslunettesdesoleilavantdeleversonregardverselle. —Tonpère,Audazs,étaitunmâlequiméritaitlerespect.(Kolherlançalaserviettehumidedans lasalledebainsetsedirigeaverslesofa.Ils’assit,lescoudessurlesgenoux.)C’étaitunaristocrate duvieuxcontinentavantqu’ildevienneunguerrier.Il…ilétaitmonami.Monfrèredansleboulot quejefais. «Frère».Iln’avaitquecemotàlabouche. Ils étaient dans la mafia. Pas de doute possible. Kolher esquissa un sourire, comme s’il se remémoraitunsouvenirplaisant. —D.étaitdoué.Rapide,intelligent,habileaucouteau.Maisaussicultivé.Ungentleman.Ilparlait huitlangues.Ilatoutétudié,desreligionsàl’histoiredel’artenpassantparlaphilosophie.Ilpouvait parler des heures durant de Wall Street et t’expliquer pourquoi la chapelle Sixtine est en fait une œuvremaniéristeetnondelaRenaissance. Kolhers’adossaausofaetposasonbraspuissantsurledossier.Illaissatombersesgenouxvers l’extérieur,jambesécartées. Ilavaitl’airàsonaiseetrepoussaversl’arrièreseslongscheveuxnoirs. Sexyendiable. —Audazsneperdaitjamaissoncalme,mêmequandçatournaitmal.Ilneperdaitjamaisdevue sonobjectif.Ilestmortaveclerespectdesesfrères. KolhersemblaitdéplorerladisparitiondupèredeBeth.Oudel’hommeauquelilfaisaitréférence pourlesbesoinsde… Àquoijouait-ilenfait?sedemanda-t-elle.Àquoiçal’avançaitdedébitertoutescesconneries? Ilavaitdéjàréussiàl’attirerjusqu’àsachambre. —EtFritzm’aditqu’ilt’adorait. Bethfitlamoue. —Àsupposerquejecroieneserait-cequelequartdecequetudis,simonpèrem’aimaitàce point,pourquoines’est-iljamaisdonnélapeinedeseprésenter? —C’estcompliqué. — En effet, c’est très compliqué d’aller voir sa fille, de lui tendre la main et de décliner son identité.Vraimenttrèsdur.(Elletraversalapièce,pourfinalementseretrouveràcôtédulit.Elles’en éloignarapidement.)Etpuistoutcelaïussursoncôtéguerrier…Luiaussiétaitdanslamafia? —Lamafia?Onn’estpasdanslamafia,Beth. — Vous êtes juste des tueurs indépendants en plus d’être des trafiquants de drogue ? Hmm… À bien y songer, la diversification est probablement une bonne stratégie commerciale. Sans compter qu’il faut un max de fric pour entretenir une maison comme celle-là. Et la remplir de toutes ces œuvresd’artdontlaplaceseraitaumusée. —Toutcetargent,Audazsenahéritéetilétaittrèsdouépourlefairefructifier.(Kolherappuya sa tête contre le dossier, comme s’il admirait la demeure.) Tu es sa fille, et tout cela t’appartient désormais. Elleplissalesyeux. —Oh,vraiment? Ilacquiesçait. Quelleconnerie!pensa-t-elle. —Etilestoùletestament?Etl’exécuteurtestamentaire,aveclespapiers?Attends,laisse-moi deviner, la propriété est en cours d’expertise. Depuis une trentaine d’années. (Elle frotta ses yeux douloureux.)Tusais,Kolher,t’aspasàmeraconterdecraquespourmemettredanstonlit.Mêmesi j’enaihonte,t’asjusteàledemander. Elle prit une longue et triste inspiration. Jusqu’à ce moment-là, elle n’avait pas pris conscience qu’unepetitepartied’ellecroyaitobtenirdesréponses.Enfin. Ledésespoirpouvaitvraimentconduireàfairen’importequoi. —Écoute,jevaism’enaller.Toutcelaaété… Kolherseretrouvadevantelleenunclind’œil. —Jepeuxpastelaisserpartir. Lapeurenserrasoncœur,maisellefitbonnefigure. —Tupeuxpasm’obligeràrester. Illevalesmainsverssonvisage.Ellereculad’unbond,maisiln’interrompitpassongeste. Dupouce,illuicaressalajoue.Dèsqu’ils’approchaitunpeutrop,elleétaitcommehypnotiséeet lamêmechosesepassait:ellesentaitsoncorpsoscillerverslesien. —Jenetemenspas,répondit-il.Tonpèrem’aenvoyécartuvasavoirbesoindemonaide.Croismoi. Ellereculabrusquement. —Jeveuxplust’entendreprononcercemot. Ilsetenaitdevantelle,uncriminelquiavaitétéàdeuxdoigtsdetuerunpolicierensaprésence,et ilespéraitqu’elleallaitcroireneserait-cequ’unmotduramassisdeconneriesqu’illuiavaitdébité. Tandis qu’il lui caressait le visage comme un amant. Il devait la prendre pour la dernière des connes. — Écoute, j’ai eu accès à mon dossier. (Sa voix ne flancha pas.) Mon certificat de naissance indiquequejesuisnéedepèreinconnu,maisilyavaitunenotedansledossier.Mamèreadéclaréà uneinfirmièrelorsdel’accouchementqu’ilétaitmort.Elleaétéincapablededonnerunnomcarelle aperduconnaissanceàlasuitedel’hémorragieetestmortepeuaprès. —Jesuisdésolé,maiscen’estpascequiestarrivé. —T’esdésolé,ouais,tuparles. —Jejouepas… —Tuparles!MonDieu,penserneserait-cequ’unesecondequejepourraisenapprendreunpeu sureux,mêmeindirectement…(Elleleregardad’unairdégoûté.)Tuesd’unecruauté! Illaissaéchapperunjuron,unsonmauvaisetfurieux. —Jesaispasquoifairepourquetumecroies. — N’essaie même pas. T’as zéro crédibilité. (Elle saisit son sac.) C’est probablement mieux commeça.Finalement,j’aimeautantqu’ilsoitmortplutôtquedesavoirquec’étaituncriminel.Ou qu’onavécutoutcetempsdanslamêmevillesansqu’ilsoitvenumevoirneserait-cequ’unefois, sansqu’ilsesoitdemandéquijepouvaisêtreouàquoijeressemblais. —Illesavait.(Denouveau,lavoixdeKolherétaittrèsproche.)Ilteconnaissait. Bethfitvolte-face.Ilétaitsiprèsqu’illadominaitdetoutesataille. Ellebonditenarrière. —Arrêteçatoutdesuite. —Ilteconnaissait. —Arrêtededireça! —Tonpèreteconnaissait,criaKolher. —Danscecas,pourquoiest-cequ’ilnevoulaitpasdemoi?hurla-t-elleenretour. Kolhergrimaça. —C’estpasça.Ilveillaitsurtoi.Toutetavie,ilaététoutprès. Ellefermalesyeuxets’entouradesesbras.Ellen’arrivaitpasàcroirequ’unefoisdepluselle étaitàdeuxdoigtsdeselaisseravoir. —Beth,regarde-moi.Jet’enprie. Elleouvritlespaupières. — Donne-moi ta main, dit-il. Donne-la-moi. Comme elle ne réagissait pas, il prit sa main et la posacontresapoitrine,sursoncœur. —Surmonhonneur.Jenet’aipasmenti. Il s’immobilisa, comme pour lui laisser l’occasion de déchiffrer la moindre expression de son visageetdesoncorps. Etsic’étaitvrai?sedemanda-t-elle. —Ilt’aimait,Beth. Necroispasça.Necroispasça.Necrois… —Alorspourquoiest-cequ’iln’estpasvenumechercher?murmura-t-elle. —Ilespéraitquejamaistun’auraisàfairesaconnaissance.Quetun’auraispasàvivrelegenre deviequiétaitlasienne.(Kolherbaissalevisageverselle.)Maisilamanquédetemps. Ilyeutunlongsilence. —Quiétaitmonpère?demanda-t-elledansunsouffle. —Ilétaitcequejesuis. Kolherouvritlabouche. Descrocs.Ilavaitdescrocs. Ellefrissonna,saisied’effroi.Ellelerepoussa. —Espècedesalaud! —Beth,écoute-moi! —Pourquetumedisesquetuesunputaindevampire?(Ellesepenchaversluietluifrappala poitrinedesespoings.)Espècedesalaud…tordu!Situveuxmettreenscènetesfantasmes,trouve quelqu’und’autre. —Tonpère… Ellelegiflaavecforce.Enpleinvisage. —T’aventureplussurceterrain!Essaiemêmepas! Sa main était douloureuse et elle la ramena sur son ventre. Elle avait envie de pleurer. Parce qu’elle avait mal, qu’elle avait essayé de lui faire mal et qu’il ne semblait nullement affecté par la giflequ’elleluiavaitdonnée. —Merde,tuaspresquefaillim’avoir,gémit-elle.Maisilafalluquetuaillestroploinetquetu mefasseslecoupdesfaussesdents. —Ellessontvraies.Regardebien. D’autresbougiess’allumèrentdanslapièce,alluméesparpersonne. Betheneutlesoufflecoupé.Soudain,elleeutl’impressionquerienn’étaittelqu’ilparaissait.Les règlesétaientautres.Laréalitéglissaitdansuneautredimension. Elletraversalapièceencourant. Ilsetrouvaitdevantlaportelorsqu’ellel’atteignit.Elleseramassasurelle-même,commedans uneprièrepourletenirloind’elle. —Net’approchepasdemoi. Ellesaisitlapoignéeetl’actionnadetoutessesforces. Lapoignéenebougeapasd’unmillimètre. Lapaniqueaffluaitdanssesveinescommedel’essence. —Beth… —Laisse-moipartir! Lapoignéedelaporteluimeurtrissaitlapaumedesmainstandisqu’elletiraitdessusdetoutesses forces. LorsqueKolherposalamainsursonépaule,ellesemitàhurler. —Metouchepas! Elle s’écarta vivement de lui. Bougea dans toute la pièce. Il la suivait, se rapprochant, inexorablement. —Jevaist’aider. —Laisse-moi! Ellesemithorsdeportéeets’élançaendirectiondelaporte.Cettefois,elles’ouvritsansmême qu’elleaitactionnélapoignée. Commesousl’actiondesavolontéàlui. Elleluijetaunregardhorrifié. —Toutçan’estpasréel. Ellemontal’escalierencourant,netrébuchantqu’uneseulefois.Lorsqu’elletentad’actionnerle loquet du tableau, elle se cassa un ongle, mais parvint à manœuvrer le mécanisme. Elle traversa le salonencourant.Sortitentrombedelamaison… Kolhersetenaitdevantelle,surlapelouse. Beths’arrêta. La terreur submergea son corps, l’effroi et l’incrédulité enserrant son cœur. Elle crut devenir folle. —Non! Elles’enfuit,àtoutesjambes,auhasard,tantquec’étaithorsdesaportée. Mais il la suivait, alors elle accéléra encore. Elle courut jusqu’à en perdre haleine, jusqu’à être aveugléeparl’épuisement,lesjambesmeurtries.Maistoujours,illasuivait. Elleselaissatomberdansl’herbe,lecorpssecouédesanglots. Pelotonnéeenchiendefusil,commepourseprotégerd’unepluiedecoups,ellepleura. Lorsqu’illasouleva,ellenerésistapas. Àquoibon?S’ils’agissaitd’unrêve,ellefiniraitparseréveiller.Ets’ils’agissaitdelaréalité… Ilallaitdevoirluiendirevachementplussurlaviedesonpère. Bethdanslesbras,Kolherregagnaitlamaisonetsesappartements;ilsentaitlesvaguesdepeur, deconfusionetladétressequisubmergeaientlajeunefemme.Illadéposasurlelitetlibéraledrap du dessus pour qu’elle puisse s’y en rouler. Puis il se dirigea vers le sofa et s’y assit, en pensant qu’elleapprécieraitqu’ilresteloind’elle. Ellefinitparseretourner;ilsentitsesyeuxsurlui. —J’attendsdemeréveiller.Queleréveilsonne,dit-elled’unevoixrauque.Maisc’estpascequi vasepasser,pasvrai? Ilsecoualatête. —Commentc’estpossible?Comment…(Elles’éclaircitlavoix.)Desvampires? —Onestjusteuneespècedifférente. —Desbuveursdesang.Destueurs. —Plutôtuneminoritépersécutée.Raisonpourlaquelletonpèreespéraitquelechangementnese produiraitpassurtoi. —Lechangement? Ilacquiesçad’unairsinistre. —MonDieu!(Elleplaquaunemainsursabouchecommesielleallaitêtremalade.)Medispas quejevais… Unevaguedepaniqueaffluadanssoncorps,créantuneffluvedanslapiècequiatteignitKolher comme une bouffée d’air froid. Il ne pouvait pas supporter son angoisse et voulait faire quelque chosepourlasoulager.Saufquelacompassionn’étaitpasvraimentsonrayon. Siseulementilpouvaitsebattrecontrequelquechosepourelle. Maisiln’yavaitrienàcombattrepourlemoment.Rien.Lavéritén’étaitpasunecible.Ellen’était pasnonplussonennemie,mêmesiellelafaisaitsouffrir.Lavéritéétait…toutsimplement. Kolherselevaets’approchadulit.Ils’yassitlorsqu’ilconstataqu’ellenecherchapasàs’écarter delui.Seslarmesavaientl’odeurd’unepluiedeprintemps. —Qu’est-cequivam’arriver?murmura-t-elle. Ledésespoirdesavoixindiquaitqu’elles’adressaitàDieu,pasàlui.Ilréponditquandmême. — Le changement va arriver très vite. Il nous frappe tous vers l’âge de vingt-cinq ans. Je t’apprendraiàprendresoindetoi.Jetemontreraiquoifaire. —MonDieu… —Unefoislechangementintervenu,tuaurasbesoindeboire. Elles’étranglaets’assitd’unbond. —Jamaisjenetueraiquelqu’un! —Cen’estpascommeçaqueçamarche.Tuaurasbesoindusangd’unvampiremâle.C’esttout. —C’esttout,répéta-t-elled’unevoixatone. —Ons’attaquepasauxhumains.C’estunevieillelégende. —Lesvampiresneprennentpasles…humains? — Pas pour boire leur sang, éluda-t-il. Certains vampires le font, mais leur force est de courte durée.Pourvivre,nousdevonsnousnourrirauprèsdenotreespèce. —Tudisçacommesic’étaitnormal. —Çal’est. Ellesetut.Puis,commesiellevenaitdecomprendre,elleajouta: —Tumelaisseras… —Tuboirasmonsang.Quandlemomentviendra. Elle laissa échapper un son étranglé, comme si elle avait voulu hurler mais que sa gorge était restéebloquée. —Beth,jesaisquec’estdur… —Non,tun’ensaisrien. —…parcequejesuispasséparlà,moiaussi. Elleleregarda. —Toiaussi,t’asapprisd’uncoupquetuétaisl’und’eux? Elle ne le défiait pas. Elle espérait seulement que quelqu’un ait une expérience similaire à la sienne.N’importequi. — Je savais qui étaient mes parents, répondit-il. Mais ils étaient morts au moment de ma transition. J’étais seul. Je ne savais pas ce qui allait m’arriver. Crois-moi, je sais ce que c’est, la confusion. Ellelaissaretombersoncorpscontrelescoussins. —Mamèreaussienétaitune? —Elleétaithumaine,d’aprèscequeAudazsm’adit.Lesvampiress’accouplentparfoisavecdes humains,bienquelesenfantssurviventrarement. —Est-cequejepeuxarrêterlechangement?Est-cequejepeuxempêcherqu’ilarrive?Ilsecoua latête. —Çafaitmal? —Tuvastesentir… —Pasmoi.Est-cequejevaistefairemal? Kolherdissimulasasurprise.Personnenesesouciaitdelui.Lesvampirescommeleshumainsle craignaient. Son espèce le vénérait. Mais personne ne s’était jamais soucié de lui. Il ne savait pas commentgérercesentiment. —Non,çanemeferapasmal. —Est-cequejepourraistetuer? —Jetelaisseraipasfaire. —Promis?demanda-t-elleavecinsistanceenagrippantsonbras. Iln’arrivaitpasàcroirequ’ilallaitluipromettredeseprotéger.Àsademande. —Jetelepromets. Iltenditsamainpourlaposersurlasienne,maisarrêtasongeste. —Çaarriveraquand? —Jepeuxpasteledireavecprécision.Maisbientôt.Elleselaissaallercontrelescoussins.Puis sepelotonnasurlecôté,loindelui. —Jevaispeut-êtremeréveiller,murmura-t-elle.Jepeuxpeut-êtreencoremeréveiller. CHAPITRE19 Butch avala d’un trait son premier scotch. Grossière erreur. Sa gorge était à vif et il eut l’impressiond’embrasserunchalumeau.Dèsquesatouxsefutcalmée,ilencommandaunautreà Abby. —Onvalaretrouver,affirmaJoséenreposantsabière. L’autreinspecteurs’entenaitàdel’alcoolléger,carilallaitrentreretretrouversafamille.Butch, lui,étaitlibredesemettreaussiminablequ’illevoulait. Joséjouaitavecsonverre,décrivantdescerclessurlecomptoir. —Vousn’êtespasresponsable,inspecteur. Butchéclataderireetavalasondeuxièmescotch. —Ouais,ilyavaitfouledansmavoitureaveclesuspect.(Illevaledoigtafind’attirerl’attention d’Abby.)Jesuisencoreàsec. —Paspourlongtemps. Elles’approchaaveclabouteilledesinglemaltetluisouritenremplissantsonverre. José déplaça son tabouret de bar comme s’il désapprouvait la descente de Butch, et devoir la fermerlefaisaitgrimacer. Tandisqu’Abbys’éloignaitversunautreclient,Butchjetauncoupd’œilàJosé. —J’ail’intentiondememettreminable,cesoir.Vousdevriezpasrester. —Jenevouslaissepasici,réponditJoséenfourrantunepoignéedecacahouètesdanssabouche. —Jerentreraientaxi. — Nan. Je reste jusqu’à ce que vous ayez votre compte. Puis je vous traînerai jusqu’à votre appartement. Vous regarderai vomir pendant une heure. Vous mettrai au lit. Avant de partir, je programmerailacafetière.Etjelaisseraidel’aspirineàcôtédusucrier. —J’aipasdesucrier. —Àcôtédelaboîtedesucre,alors. Butchsourit. —Vousauriezfaituneépousedutonnerre,José. —C’estcequelamiennemedit. Ilsgardèrentlesilencejusqu’àcequ’Abbyaitversélequatrièmescotch. —Lesshurikenquej’airécupéréssurlesuspect,ditButch.Onenestoù? — Ce sont les mêmes que ceux qu’on a trouvés sur la scène de l’attentat et près du cadavre de Cherry.ModèleTyphon.Centgrammesd’acierinoxydable440.Dixcentimètresdediamètre.Centre amovible.OnpeutselesprocurersurInternetpour12dollarsouauprèsd’académiesd’artsmartiaux. Etnon,iln’yavaitpasd’empreintes. —Lesautresarmes? —Unjeudecouteauxclinquants.Lesgarsdulaboenbavaientd’envie.Enmétalcompositeaussi durquedudiamant,fabricationmanuelle.Magnifiques.Pasdefabricantidentifié.Quantaupistolet, c’est un bon vieux Beretta neuf millimètres, modèle 92G-SD. Extrêmement bien entretenu. Naturellement,lenumérodesérieaétélimé.Letrucbizarre,c’étaitlesballes.Jamaisrienvucomme ça.Creuses,rempliesd’unesortedeliquide.Lesgarspensentquec’estjustedel’eau.Maispourquoi est-cequequelqu’unjoueraitàça? —Vousvousfoutezdemoi. —Pasdutout. —Etpasd’empreintes? —Nan. —Surrien? —Nan.(Joséterminalescacahouèteset,d’ungestedelamain,indiquaàAbbyqu’ilenvoulait d’autres.)Onariensurlesuspect.Nickel.Unvraipro.Jevouspariequ’ilestoriginairedelaGrosse Pomme.RienàvoiraveclespetitsbranleursdeCaldwell. — Vous me dites ça maintenant, après le temps que j’ai passé à vérifier auprès des services d’urgencesdelapolicedeNewYork. Abbyarrivaavecunsupplémentdecacahouètesetdescotch. —Labalistiquetravaillesurlepistoletpouressayerdetrouverquelquechose,ajoutaJosésurle même ton. On vérifie aussi l’argent. Demain à la première heure, on filera toutes nos infos aux collèguesdeNewYork,maisçarisquedepasfairebienlourd. Butchjuraetobservaleboldecacahouètespendantqu’Abbyleremplissait. —SiquelquechosearriveàBeth… Ilneterminapassaphrase. — On les trouvera, répondit José. Et que Dieu lui vienne en aide s’il touche au moindre de ses cheveux.Ouais,Butchtraqueraitlui-mêmesonassaillant. —QueDieuluivienneenaide,répéta-t-iltandisqu’ilvidaitsonverrepourfairedelaplaceau suivant. Épuisé,Kolhers’assitsurlesofaetattenditqueBethseremetteàparler.Ilavaitl’impressionque son corps s’affaissait sur lui-même, que ses os s’affaiblissaient sous le poids de la chair et des muscles. Tandisqu’ilserepassaitlascènedelaruellederrièrelepostedepolice,ilpritconsciencequ’il n’avaitpaseffacélamémoiredupolicier.Cequisignifiaitquelapolicedisposaitmaintenantd’une descriptionprécisepourmenersesrecherches. Merde!Ilavaitétésiimpliquédanstoutcefoinqu’ilenavaitoubliédeseprotéger. Ilcommençaitàserelâcher.Dangereusement. —Commentt’assupourlesorgasmes?demandabrusquementBeth. Ilseraidit.Toutcommesaqueue,simplementenl’entendantparler. Tandisqu’ilremuaitpourfaireunpeuplusdeplacedanssonpantalon,ilsedemandas’ilpourrait éviterdeluirépondre.Ilnevoulaitpasparlermaintenantdelanuitqu’ilsavaientpasséeensemble. Pasavecelleallongéedanssonlit.Àquelquescentimètresàpeinedelui. Ilpensaàsapeau.Douce.Lisse.Chaude. —Commentt’assu?répéta-t-elle. —C’estlavérité,hein? — Oui, murmura-t-elle. C’était différent avec toi parce que t’es pas… parce que t’es… Merde, j’arrivemêmepasàprononcerlemot. —Peut-être.(Ilrapprochasesmainsl’unedel’autre,entremêlantsesdoigts.)J’ensaisrien. Pourluiaussi,ç’avaitétédifférent,mêmesi,techniquementparlant,elleétaitencorehumaine. —Butch,leflic,c’estpasmonamant. Kolhersentitqu’ilrelâchaitsonsouffle. —Tantmieux. —Alorssijamaistulerevois,letuepas. —OK. Il y eut un long silence, puis Kolher entendit Beth remuer dans le lit. Il entendit le délicat froissementdesdrapsdesatin. Il imagina le frottement de ses cuisses l’une contre l’autre, puis se vit glisser sa main pour les ouvrir. Les écarter encore plus en y enfouissant la tête. Se frayant avec des baisers un chemin vers l’endroitoùilvoulaitdésespérémentêtre. Ildéglutitetsentitsapeausecontracter. —Kolher? —Ouais? —T’avaisvraimentpasl’intentiondecoucheravecmoilanuitdernière? Desimagesflouesdeleurétreinteluirevinrentetilfermalesyeux. —Non. —Alorspourquoitul’asfait? Comment j’aurais pu faire autrement ? pensa-t-il, mâchoire crispée. Il avait été incapable de la laisserseule. —Kolher? —Parcequejedevais,répondit-il. Il tendit les bras, cherchant à se détendre. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, ses instincts se mettaient en branle, comme s’il livrait un combat. Il entendait le souffle de Beth au momentoùilquittaitseslèvres,lesbattementsdesoncœur,lesangdanssesveines. —Pourquoi?demanda-t-elleencoredansunmurmure. Ilferaitmieuxdepartir.Delalaisserseule. —Dis-moipourquoi. —Tum’asfaitprendreconscienceàquelpointjesuisfroid. Denouveau,lefroissementdesdrapsdanslelit. —J’aimeteréchauffer.J’aimetesentir. Undésirsauvageluitorditlesentraillesetl’estomac.Kolherretintsonsouffle.Attendantdevoir si la sensation allait passer. Mais elle ne fit que s’intensifier. Merde, il ne s’agissait pas juste d’un désirsexuel.Maisd’unbesoindesang. Sonsangàelle. Ilselevad’unbondets’éloignad’elle.Ildevaitvraimentsortirdelà.Battrelepavé.Sebattretout court. Etpuis,ildevaitsenourrir. —Écoute,fautquej’yaille.Maisjeveuxqueturestesici. —T’envapas. —Illefaut. —Pourquoi? Ilouvritlabouche,dénudantsescaninesquis’allongeaient. Ce n’était pas la seule partie de son anatomie qui demandait à entrer en action. Son membre en érection était une élongation raide et douloureuse contre sa braguette. Lui-même se sentait tiraillé entrecesdeuxbesoins.Sexe.Sang. CeuxdeBethdanslesdeuxcas. —Tuprendslafuite?murmura-t-elle. C’étaitsurtoutunequestion.Agrémentéed’unepetitepointedesarcasme. —Attention,Beth. —Pourquoi? —Jesuissurlepointdecraquer. Elleselevadulitets’approchadelui.D’ungesteferme,elleposasamainsursapoitrine,juste sursoncœur.Ladeuxièmes’enroulaautourdesataille. Ilémitunchuintementlorsqu’elleplaquasoncorpsausien. Maisaumoinsledésirsexuelpritlepassurl’autrebesoin. —Tuvasmedirenon?demanda-t-elle. — Je veux pas profiter de toi, répondit-il en serrant les dents. La soirée a été suffisamment éprouvantepourtoi.Elleagrippasesépaules. — Je suis en colère. Effrayée. Désorientée. Je veux que tu me fasses l’amour jusqu’à ce que je senteplusrien,jusqu’àcequejesoiscomplètementengourdie.C’estmoiquit’utilise.(Ellebaissales yeux.)MonDieu,c’esthorrible. Tuparles.Ilétaitplusquevolontairepourselaisserutiliserparellecommeça. Del’index,illuicaressalementon.Mêmesil’odeurpuissantequiémanaitdesoncorpsluidisait sans la moindre ambiguïté ce dont son corps avait besoin, il aurait vraiment aimé pouvoir voir clairementsonvisage. —Reste,murmura-t-elle. Illevoulait,maissasoifdesanglamettaitendanger.Elleavaitbesoindetoutessesforcespour affronterlatransition.Quantàlui,safaimétaitsiintensequ’ellerisquaitdelalaisserexsangue. Elleretirasamaindesataille.Pourlaposersursonmembreviril. Kolher sentit son corps réagir violemment, il avait le souffle court. Son halètement emplit le silencedelapièce. —Tumeveux,dit-elle.Etjeveuxquetumeprennes. Lorsqu’ellecaressasonsexedesapaume,une,ilsentitavecunedouloureuseacuitélefrottement traverserlasecondepeaudesonpantalondecuir. Justedusexe.C’étaitjouable.Ilpouvaitcontenirl’autrebesoin.Illepouvait. Maisétait-ilprêtàparierlaviedeBethlà-dessus? —Nedispasnon,Kolher. Ellesehissasurlapointedespiedsetplaquaseslèvrescontrelessiennes. Partieterminée,pensa-t-ilenl’attirantdetoutessesforcescontrelui. Il enfonça sa langue dans sa bouche tandis qu’il l’agrippait fermement par les hanches et la plaquait contre lui. Elle gémit de satisfaction, et il accentua encore sa pression. Il aimait sentir ses ongless’enfoncerdanssondos,ilaimaitcettedouleurquiluiindiquaitqu’elleétaitaussiaffaméeque lui. Enunéclair,elleseretrouvasouslui,allongéesurlelit;ilrelevasajupeetdéchirasaculotte avec une brutale impatience. Il réserva le même traitement à son chemisier et à son soutien-gorge. Plustard,ilsauraientletempsdesavourer.Pourlemoment,c’étaitdusexepur. Tandisqu’illaissaitcourirsabouchesursesseins,elleluienlevasachemised’ungesteappuyé.Il luilaissajusteletempsdedéboutonnersonpantalonetdelibérersonsexeenérection.Puisilpassa sonavant-brassoussesgenoux,luirelevalesjambesets’enfonçaenelle. Ill’entenditgémirquandillapénétravigoureusement;lachaleuretlespulsationsdesoncorpsle saisirentalorsqu’elleatteignaitl’orgasme.Ilsefigeapours’imprégneretselaissercaresserparles vaguesdesajouissance. Ilfutsubmergéparunpuissantinstinctdepossession. Avec effroi, il prit conscience qu’il voulait la marquer. La marquer comme sienne. Il voulait sentircetteodeurspécialesurtoutsoncorps,afinqu’aucunautremâlen’osel’approcher.Afinque toussachentqu’elleluiappartenait. Etqu’ilsredoutentlesconséquencessijamaisl’envieleurprenaitdelaposséderàleurtour. Or,ilsavaitqu’iln’enavaitpasledroit.Ellen’étaitpassienne. Ilsentitsoncorpss’immobilisersouslesien;illaregarda. —Kolher?murmura-t-elle.Kolher,çava? Ilesquissaunmouvementpourseretirer,maisellesaisitsonvisageentresesmains. —Toutvabien? L’Inquiétudequ’ilperçutdanssavoixagitcommeundéclencheur. Uneterribledéferlantelesubmergeaetsoncorpssedéconnectadesonesprit.Incapabledepenser davantage,incapabledes’arrêter,ilpritappuisursesbrasets’enfonçaauplusprofondd’elle.Latête dulitcognacontrelemuràl’unissondesonva-et-vient.Elleluisaisitlespoignetspourtrouverun pointd’ancrage. Unsongraveexplosadanslapièceetenfla;ilpritalorsconsciencequelegrondementvenaitde lui.Tandisqu’unefièvres’emparaitdetoutsoncorps,sesnarineshumèrentlaflagranceviriledela possession. Ilétaitincapabledes’arrêter. Seslèvresseretroussèrent,sesmusclesétaientenfeuetilplaquasonbassincontreelle.Ensueur, latêtesaisiedevertiges,incapabledepenser,lesoufflecourt,ilprittoutcequ’elleluioffrait.Prit toutetenredemanda,laissantsedéchaînersesinstinctsanimauxàmesurequ’elleselaissaitelleaussi aller,jusqu’àcequetousdeuxs’abandonnentàcettesauvagerie. Iljouitviolemment,laremplissant,allantetvenantàl’intérieurd’elle,sonorgasmen’enfinissant pas,jusqu’àcequ’ilprenneconsciencequ’ellejouissaitenmêmetempsquelui,tousdeuxs’agrippant l’unàl’autre,submergéspardesvaguesdepassion. C’étaitl’unionlaplusparfaitequ’ilaitjamaisconnue.Puistoutviraaucauchemar. Lorsque le dernier sursaut quitta son corps pour gagner le sien, quand ce dernier instant cessa, l’équilibredesesdésirsbascula.Sonbesoindesanglesubmergeadansunedéferlanteinouïe,aussi puissantqueledésirsexuelqu’ilavaitressenti. Ildénudasescaninesetplongeaverssoncou,verslaveineaffleurantdélicieusementàlasurface de sa peau diaphane. Il était sur le point d’enfoncer profondément ses canines, la gorge sèche, assoiffé d’elle, torturé par le spasme de la faim qui tourmentait son âme, lorsque subitement il s’arrêta,horrifiéparcequ’ils’apprêtaitàfaire. Ilsedégagead’elle,rampasurlelitetselaissatomberausol,surlecul. —Kolher? Alarmée,elleesquissaunmouvementverslui. —Non! Ledésirqu’ilavaitdeboiresonsangétaittropfort,soninstincttroppuissant.Sielles’approchait trop… Illaissaéchapperuneplainte,essayantdedéglutir.Sagorgeétaitcommedupapierdeverre.La sueurinondasoncorps,dansunedéferlantenauséeuse. — Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Kolher s’éloigna en rampant, le corps douloureux,lapeauenfeu.Surelle,l’odeurdesexeétaitcommeuneprovocationàlamaîtrisedelui. —Beth,laisse-moi,jedois… Maisellecontinuaitàapprocher.Ils’effondrasurlesofa. — Putain de merde, recule ! (Il dénuda ses canines et émit un chuintement sonore.) Si tu t’approchesencore,jevaistemordre,compris? Elles’arrêtasur-le-champ.Laterreurobscurcitl’airentreeux,puisBethsecoualatête. — Tu me ferais pas de mal, affirma-t-elle avec une conviction naïve qui le frappa par sa dangerosité. Illuttapourarticulerquelquesmots. — Rhabille-toi. Remonte. Demande à Fritz de te reconduire chez toi. J’enverrai quelqu’un pour veillersurtoi. Il haletait, maintenant, la souffrance lui nouant le ventre, avec une intensité proche de ce qu’il avaitexpérimentélapremièrenuitdesatransition.Jamaisiln’avaiteutantbesoindeMarissa. MonDieu,qu’est-cequim’arrive? —Jeveuxpasm’enaller. —Illefaut.J’enverraiquelqu’unpourveillersurtoijusqu’àcequejepuisserevenir. Un tremblement le gagna au niveau des cuisses, les muscles en tension par la pression qu’il imposait à son corps. Son esprit et ses besoins physiques s’étaient déclaré la guerre, avaient tiré l’épéesurlechampdebataille.Etilconnaissaitd’oresetdéjàlevainqueursiellenes’éloignaitpas delui. —Beth,jet’enprie.J’aimal.Etjesaispascombiendetempsjepeuxmecontrôler. Ellehésita.Puisserhabillaenhâte. Ellesedirigeaverslaporteetseretournaverslui. —VA-T’EN! Elleobéit. CHAPITRE20 Ilétaitunpeuplusde21heuresquandM.Xs’engageadansledrive-indeMcDonald’s. —Jesuisheureuxquevousayeztouslesdeuxaimélefilm.Maisj’aiautrechoseentêtepource soir,mêmesinousdevonsfairevite.L’undevousdoitêtrerentrépour23heures. Billyjuratoutbastandisqu’ilss’arrêtèrentdevantlemenuéclairé.Ilcommandadeuxfoisplus quesoncomparse.Quiproposadepayersapart. —C’estpourmoi,annonçaM.X.Évitezjustederenverserquoiquecesoit. TandisqueBillymangeaitetquel’autre,leperdant,jouaitavecsanourriture,M.Xlesconduisit verslaWarZone.Cetendroitàl’ambiancelaserétaitleprincipallieudedraguedesmoinsdedix-huit ans,sarelativeobscuritéétantidéalepourdissimuleraussibienl’acnéquelesémoispitoyablesdes adolescents. Ce soir-là, l’ambiance était à son comble dans ce bâtiment à un étage bondé d’adolescentsfébrilesetd’adolescentesboudeusesqu’ilsessayaientd’impressionner. M.Xsortittroispistoletsettroisviseursetendonnaunàchacundesgarçons.Billyfutprêten moinsd’uneminute,l’armedanslamaincommes’ils’agissaitd’unprolongementdesonbras. M.Xjetauncoupd’œilauperdant,quisedébattaitencorepourfixerlesbandesduviseurautour desesépaules. Le garçon avait l’air pitoyable, la lèvre inférieure pendante tandis que ses doigts s’affairaient autourdeslanièresenplastique.Billyaussileregardait.Commes’ilétaitdelanourriture. — J’ai pensé que nous pourrions nous livrer à une petite compétition amicale, annonça M. X lorsqu’ilspassèrentenfinlestourniquets.Pourvoirlequeld’entrevousauraledessussurl’autre. Quand ils entrèrent dans la zone de combat, les yeux de M. X s’habituèrent rapidement à l’intérieurtendudeveloursnoiretauxlasersdesautresjoueurs.L’espaceétaitassezgrandpourla trentainedeparticipantsquidansaientautourdesobstacles,riantetcrianttandisqu’ilss’affrontaientà coupdefauxlasers. —Séparons-nous,déclaraM.X. Billysemitenmouvementaveclarapiditéd’unanimal,tandisquesoncomparseclignaitdeses yeuxdemyope.L’instantd’après,lecapteuraucentredesapoitrinesedéclencha.Leperdantbaissa lesyeuxcommes’ilnecomprenaitpascequis’étaitpassé. Billysefonditdenouveaudansl’obscurité. —Tuferaismieuxdetemettreàcouvert,fiston,murmuraM.X. M. X resta à l’écart sans cesser d’observer la moindre de leurs actions. Billy toucha son adversaireencoreetsousdiversangles,sejouantdesobstacles,alternantentrerapiditéetlenteurpuis tirantdeplusloin.Laconfusionetl’angoisseduperdantaugmentaientchaquefoisquesedéclenchait lalumièredelaciblequ’ilavaitsurlapoitrine,etledésespoirlepoussaitàbougeravecunmanque decoordinationinfantile.Illaissatombersonfaisceaulaser.Trébucha.Secognal’épaulecontreune barrière. Billyexultait.Sacible,défaillante,faiblissait,maisilnefitpreuved’aucunepitié.Mêmelorsque sonadversairelaissatombersonarmeets’appuya,fourbu,contreunmur,Billyletouchaencore. Puisdisparutdansl’ombre. Cette fois-ci, M. X suivit Billy, observant ses mouvements avec un tout autre objectif que celui d’évaluersesperformances.Riddleétaitrapide,semouvaitentrelesobstaclesenmousse,serepliaità l’endroitoùsetrouvaitsonadversairepourluitendreuneembuscadeàrevers. M.Xanticipal’endroitverslequelBillysedirigeait.Ilobliquarapidementàdroiteetsuivitlespas deRiddle. Puisiltirasurluiàboutportant. Abasourdi,Billybaissalesyeuxverslacibleentourantsapoitrine.C’étaitlapremièrefoisque soncapteursedéclenchait. —Beauboulot,cesoir,déclaraM.X.Tuasbienjoué.Jusqu’àmaintenant. Billyrelevalatêteetposasamainsurlacibleclignotante.Sursoncœur. —Sensei. Ilprononçalemotcommeunamant,aveclacrainteetl’adorationd’unamant. Bethn’avaitpasdutoutl’intentiondedemanderaumajordomedelareconduirechezelle,parce qu’elle était trop ébranlée pour mener une conversation normale avec quiconque. Dans la rue, elle pritsontéléphoneportablepourappeleruntaxi.Ellecomposaitlenumérolorsqueleronronnement d’unmoteurdevoitureluifitleverlatête. LemajordomesortitdelaMercedesetinclinalatête. — Le maître m’a appelé. Il aimerait que je vous raccompagne chez vous, maîtresse. Et je… j’aimeraisvousreconduire. Il semblait si sérieux, si plein d’espoir, comme si elle lui faisait une faveur en le laissant s’occuper d’elle. Mais elle avait besoin d’être seule. Après tout ce qui s’était passé, son esprit bouillonnait. —Merci,maisnon.(Elleseforçaàsourire.)Jevaisjuste… L’hommeserembrunit.Ilressemblaitàunchienquivenaitdesefairebattre. Alorsquelesbonnesmanièresluiavaientfaitdéfaut,laculpabilité,enrevanche,lasaisit. —Bond’accord. Sansluilaisserletempsdefaireletour,elleouvritlaportièrepassageretseglissaàl’intérieur. Lemajordomesemblatroubléparsoninitiative,maisserepritrapidement,unlargesouriresurson visageridé. Tandisqu’ilseglissaitderrièrelevolantetdémarraitlemoteur,elledéclara: —J’habite… —Oh,jesaisparfaitementoùvoushabitez.Nousavonstoujourssuoùvousétiez.Toutd’abordà l’hôpital St. Francis dans l’unité néonatale de soins intensifs. Puis vous avez été recueillie par l’infirmière.Nousavionsespéréqu’ellevousgarde,maisl’hôpitalainsistépourqu’ellevousrende. Vousêtesalorsentréedanslesystème.Cequenousavonsdéploré.Vousavezd’abordétéplacéechez les McWilliams sur Elmwood Avenue, mais vous êtes tombée malade et vous avez été de nouveau hospitaliséepourunepneumonie. Ilmitleclignotantettournaàgaucheaprèsunstop.Ellepouvaitàpeinerespirer;ellebuvaitses paroles. —PuisvousavezétéplacéechezlesRyan,maisilyavaittropd’enfantslà-bas.Puiscefurentles Goldrich, qui habitaient une maison à deux niveaux sur Raleigh Street. Nous avons pensé que les Goldrichvousgarderaient,maislafemmeesttombéeenceinte.Vousavezensuiteétéplacéedanscet orphelinat.Nousdétestionsvousvoirlà,parcequ’onnevouslaissaitpassuffisammentjouerdehors. —Vousnecessezdedire«nous»,murmura-t-elle,effrayéeàl’idéed’ycroire.Maistellement désireuseaussi. —Oui.Votrepèreetmoi. Beth se couvrit la bouche du dos de la main et chercha à capturer du regard le profil du majordomeafindes’enimprégnercommepourlegarderenmémoire. —Ilmeconnaissait? —Ohoui,maîtresse.Toutescesannées.Delamaternelleaulycéeenpassantparl’écoleprimaire. (Il croisa son regard.) Nous étions si fiers de vous lorsque vous avez obtenu cette bourse universitaire.J’étaisprésentàlaremisedesdiplômes.J’aiprisdesphotospourlesmontreràvotre père. Lemajordomejetaunregardobliqueverslesiègepassageretsourit. —Nousavonstouslesarticlesquevousavezécrits.Mêmeceuxquidatentdevosannéesdelycée etd’université.LorsquevousavezdébutéauCaldwellCourierJournal,votrepèrerefusaitd’allerse coucherlematintantquejeneluiavaispasapportélejournal.Mêmes’ilavaiteuunenuitdifficile,il refusaitdeprendredurepostantqu’iln’avaitpaslucequevousaviezécrit.Ilétaitsifierdevous. Ellefarfouilladanssonsacàlarecherched’unmouchoirenpapier. —Tenez,ditlemajordome. Illuitenditunpaquetdemouchoirs. Bethsemouchaaussidélicatementqu’elleleput. —Maîtresse,vousdevezsavoirlecrève-cœurquec’étaitpourluideresterloindevous.Ilsavait quesinonilvousmettraitendanger.Lesfamillesdesguerriersdoiventêtreprotégées;vous,vousne l’étiezpascarvousétiezélevéecommeunehumaine.Ilespéraitaussiquevousn’auriezpasàvivrela transition. —Avez-vousconnumamère? — Peu. Ils ne sont pas restés longtemps ensemble. Elle s’est enfuie peu de temps après leur rencontreaprèsqu’elleadécouvertqu’iln’étaitpashumain.Elleneluiapasditqu’elleétaitenceinte, et ce n’est que lorsqu’elle fut sur le point d’accoucher qu’elle a repris contact avec lui. Je pense qu’elleétaiteffrayéeenpensantàl’êtrequ’elleallaitmettreaumonde.Malheureusement,letravaila commencé et elle a été conduite dans un hôpital humain avant que nous puissions nous mettre en rapportavecelle.Maisvousdevezsavoirqu’ill’aimait.Profondément. Bethenregistralesinformations,sonespritlesabsorbaitetremplissaitlestrous. —MonpèreetKolherétaientproches? Lemajordomehésita. — Votre père adorait Kolher. Comme nous tous. Il est notre maître. Notre roi. C’est pourquoi votrepèrel’aenvoyéversvous.Vousnedevezpaslecraindre.Ilnevousferapasdemal. —Jesais. Lorsqu’ils arrivèrent en vue de son immeuble, elle regretta de ne pas pouvoir passer plus de tempsaveclemajordome. —Noussommesarrivés,déclara-t-il.1188ReddAvenue,appartement1B.Mêmesi,sivousmele permettez,nivotrepèrenimoin’approuvionsquevoushabitiezenrez-de-chaussée. Lavoitures’arrêta.Ellenevoulaitpasensortir. —Pourrais-jevousposerd’autresquestions?Plustard?demanda-t-elle. —Faitesdonc,maîtresse,jevousenprie.Ilyatantdechosesquej’aimeraisvousraconter. Ilsortitduvéhicule,maisellerefermaitdéjàlaporteaumomentoùilarrivaàsonniveau. Ellesongeaàluitendrelamainetàleremercierdemanièreformelle. Aulieudequoi,ellesejetaaucouduvieilhommeetleserradanssesbras. QuandBetheutquittélachambre,lebesoindesangdeKolherserappelaàluid’autantplusfort quec’étaitluiquiavaitdemandéàlajeunefemmedepartir. Il passa son pantalon et se traîna jusqu’au téléphone, appela Fritz, puis Tohrment. Sa voix ne cessaitdeflancheretildutrépéterplusieursfoissespropospoursefairecomprendre. Dès qu’il eut mis fin à sa conversation avec Tohr, les haut-le-cœur commencèrent. Il gagna en titubantlasalledebainset,mentalement,appelaMarissa.Ilsepenchaau-dessusdestoilettes,maisson estomacnecontenaitpasgrand-chosed’autrequedelabile. Il avait attendu trop longtemps, pensa-t-il. Ignoré les signaux que son corps lui avait envoyés depuis un certain temps déjà. Puis il avait rencontré Beth et sa chimie interne avait été toute chamboulée.Pasétonnantqu’ilsoitdevenufou. L’odeurdeMarissaluiparvintdelachambre. —Seigneur?appela-t-elle. —J’aibesoin… Beth,songea-t-il,enproieàunehallucination.Illavoyaitdevantlui,entendaitsavoixdanssatête. Iltenditlebras.Sansrienrencontrer. —Seigneur?Tuveuxquejeterejoigne?demandaMarissadepuisl’autrepièce. Kolheressuyalasueurdesonvisageetsortitdelasalledebains.Iltitubaitcommeunivrogne.Il cherchaàprendreappui,maisbasculaenavant. —Kolher! Marissaseprécipitaverslui. Ilselaissatombersurlelitetl’entraînaaveclui.LecorpsdeMarissaseplaquacontrelesien. IlsentitceluideBeth. Kolher enfouit son visage dans les draps marqués de l’odeur de Beth. Tandis qu’il prenait une profondeinspirationpourtenterderecouvrersesesprits,touteslesodeursluirappelaientBeth. —Seigneur,iltefauttenourrir. LavoixdeMarissaluiparvintdetrèsloin,commesiellesetrouvaitdansl’escalier. Il dirigea son regard en direction du son mais ne distingua rien. Il était totalement aveugle désormais.Curieusement,lavoixdeMarissasefitplusforte. —Seigneur,ici.Prendsmonpoignet.Maintenant.Ilsentitunepeauchaudetoutcontresapaume.Il ouvritlabouche,maisneparvintpasàactionnercorrectementsesbras.Iltenditlamain,touchaune épaule,uneclavicule,lacourbured’uncou. Beth. Lafaimpritledessusetilseredressa,entourantlecorpsdesacompagne.Avecungrognement,il enfonça ses dents dans la chair délicate au-dessus d’une artère. Il but avec avidité, submergé par la vision de la femme aux cheveux noirs qui était sienne, l’imaginant se donnant à lui, Imaginant que c’étaitellequisetrouvaitdanssesbras. Marissaeutlesoufflecoupé. LesbrasdeKolherluibrisaientpresquelesos,soncorpsmassifformaitcommeunecageautour d’ellependantqu’ils’abreuvait.Pourlapremièrefois,ellesentittouteslescourburesdesoncorps. Y compris ce qu’elle identifia comme une érection, quelque chose qu’elle n’avait jamais senti auparavant. Lespossibilitéss’avéraientexcitantes.Etterrifiantes. Marissa sentit son corps se détendre et essaya de reprendre son souffle. C’était ce qu’elle avait toujoursattendudelui,mêmesisapassionavaitquelquechosedechoquant.Maisàquoipouvait-elle s’attendre?Ilétaitunmâlederacepure.Unguerrier. Quiavaitfinalementprisconsciencequ’ilavaitbesoind’elle. Lecontentementsesubstituaàlasensationd’inconfort;timidement,ellelaissacourirsesmains sur ses larges épaules nues, liberté que jamais elle n’avait prise auparavant. Il émit un son rauque, comme s’il voulait qu’elle continue. Avec ravissement, elle enfouit ses mains dans sa chevelure. Si douce. Qui l’aurait cru ? Un mâle si viril… mais quelle douceur dans ces noires ondulations ! Commecelledesesrobesensatin. Marissa voulait lire dans son esprit, ce qu’elle ne s’était jamais risquée à faire par le passé, de peur qu’il s’en offusque. Mais tout était différent maintenant. Peut-être irait-il même jusqu’à l’embrasser après. Lui faire l’amour. Peut-être pourrait-elle rester à ses côtés désormais. Elle aimeraitvivreavecluidanslademeuredeAudazs.Oun’importeoùailleurs.Peuimportait. EllefermalesyeuxetseconcentrasurlespenséesdeKolher. Pourdécouvriràquellefemelleilpensaitréellement.Lafemellehumaine. C’étaitunebeautébruneauxyeuxmi-clos.Elleétaitallongéesurledos,lapoitrinedénudée.De sesdoigts,Kolhercaressaitlapointedurcieetrosedesesseinstandisqu’ilembrassaitsonventreet progressaitverslebas. Marissalâchal’imagecommeduverrebrisé. Kolhern’étaitpaslàavecelleàcetinstantmême.Cen’étaitpasàsoncouqu’ils’abreuvait.Ce n’étaitpassoncorpsqu’ilseraittoutcontrelesien. Quantàsonérection,ellen’étaitpasdesonfait.Neluiétaitpasdestinée. Tandisqu’ilbuvaitsonsang,quesesbrasvigoureuxleserraienttoutcontrelui,Marissasemità pleurersurcetteinjustice. Sursesespoirs.Sursonamour.Surlui. Quelle ironie finalement qu’il la vide de son sang ! Elle souhaitait désormais qu’il termine le travail.Qu’ils’abreuvejusqu’àladernièregoutte.Etlalaissemourir. Illuiavaitfalludesannées,uneéternité,avantdeprendreconsciencedelavérité. Jamaisilneluiavaitappartenu.Jamaisilneluiappartiendrait. MonDieu,ilneluirestaitplusrienàprésentquecetteillusions’étaitévanouie. CHAPITRE21 Bethdéposasonsacsurlatabledel’entrée,ditbonjouràBouhetsedirigeaverslasalledebains. Ellejetauncoupd’œilàladouche,maisseravisa.Mêmesilejetchaudauraitfaitdubienàsoncorps raidi,ellepréféraitconserversursapeaul’odeurdeKolher.Unefragrancemerveilleuse,érotiqueet épicée.Quineressemblaitàriendecequ’elleavaitconnuparlepasséetqu’ellenepourraitjamais oublier. Ellesedirigeaverslelavabo,selava,lapeauentresescuissesdélicieusementsensiblesetunpeu àvif.Maisladouleurluiimportaitpeu.Kolherpouvaitrecommencerquandilvoulait. Ilétait… Aucunmotneluivintàl’esprit.Seulementl’imagedeluis’abandonnantenelle,sesépaulesetsa poitrine massives, en sueur, s’immobilisant lorsqu’il s’était donné à elle. Lorsqu’il l’avait marquée commesienne. C’est l’impression qu’elle avait eue. Comme si elle avait été dominée par un homme qui avait laissésurellesonempreinte.Prise. Etelleenredemandait.Toutdesuite. Ellesecoualatête,pensantqu’elledevaitcesserd’avoirdesrelationssexuellesnonprotégées.Il étaitdéjàsuffisammentgravequ’ellesesoitlaisséallerdeuxfois.Laprochainefois,ilsprendraient leursprécautions. Ensortantdelasalledebains,ellesurpritsonrefletdanslemiroiretsefigea.Ellecourbaledos etapprochasonvisagedumiroir. Elleétaitexactementtellequ’elleétaitlematinmême.Maisellesesentaitétrangèreàelle-même. Elle ouvrit la bouche et examina ses dents. Lorsqu’elle toucha les deux canines de la mâchoire supérieure,pasdedoutepossible,ellesétaientdouloureuses. MonDieu,elleétaitqui?Elleétaitquoi? EllesongeaàKolheraprèsl’amour.Ils’étaitécartéd’elle,soncorpsàdeminutenduàl’extrême, comme si ses muscles allaient transpercer sa peau. Lorsqu’il avait dévoilé ses dents, ses canines étaientpluslonguesquelapremièrefoisqu’ellelesavaitaperçues.Commesiellesavaientpoussé. Sonbeauvisageétaitdéforméparlasouffrance.C’étaitçaquil’attendait? Des petits coups secs se firent entendre de l’autre côté, comme si quelqu’un frappait à sa vitre. ElleentenditBouhmiaulerenguisedebienvenue. Prudemment,Bethpassalatêteparl’encadrementdelaporte. Quelqu’unsetrouvaitderrièrelaportevitrée.Unepersonneimposante. —Kolher? Elleseprécipitaetouvritlaporteavantmêmed’avoirvérifiél’identitéduvisiteur. Lorsqu’elledécouvritcequisetenaitsurleseuil,elleregrettasonimprudence. Cen’étaitpasKolher,mêmesil’hommeluiressemblait. Des cheveux noirs mais coupés court. Un visage dur. Des yeux bleus à l’éclat intense. Intégralementvêtudecuir. Lesnarinesdesonvisiteurfrémirentetilfronçalessourcils,laregardantfixement.Puisilsembla seressaisir. —Beth? Savoixgravesemblaitamicale.Levisiteuresquissaunsourirequidénudasescanines. Ellenesursautamêmepas. MonDieu,àquellevitesseelles’habituaitàtoutescesbizarreries! — Je m’appelle Tohrment ; je suis un ami de Kolher. (Le type lui tendit la main.) Vous pouvez m’appelerTohr. Elleluiserralamain,sanstropsavoirquedire. —Jevaisrestericiunpetitmoment.Jeseraidehorssivousavezbesoindequoiquecesoit. L’homme… le vampire – ou quoi qu’il puisse être – fit demi-tour et se dirigea vers la table de jardin. —Attendez,dit-elle.Pourquoine…Entrez,jevousenprie. Ilhaussalesépaules. —OK. Aumomentoùilentra,Bouhsemitàmiaulerbruyammentetdonnadescoupsdepattessurles bottes du visiteur. Le chat et le vampire se saluèrent comme des amis de longue date et, lorsque Tohrmentseredressa,sonblousondecuirs’ouvrit.Desdagues.SemblablesàcellesdeKolher.Elle supposa aussi que le type d’armes dont Butch avait délesté Kolher se trouvait également dans les pochesdecethomme. —Voulez-vousquelquechoseàboire? Ellegrimaça.Pasdesang.Jevousenprieneditespas«dusang». Illuisourit,commes’ildevinaitcequ’elleavaitentête. —Vousavezdelabière? Delabière?Ilbuvaitdelabière? —Euh,jecroisqueoui. Elledisparutdanslacuisine.RapportadeuxBudweiser.Elleaussiavaitbienbesoind’unebière. Aprèstout,ellejouaitleshôtessesavecunvampire.Sonpèreavaitétéunvampire. Sonamantétaitunvampire. Ellerenversalacanetteetbutavecavidité. Tohrmenteutunpetitrire. —Lanuitaétérude? —Vousn’avezpasidée,répondit-elleens’essuyantlabouche. —Jecroisquesi.(Levampirepritplacedanssonfauteuilbergère,soncorpsmassifdébordantde lastructureetrendantminusculeledospourtanthautdusiège.)Jesuisheureuxdevousrencontrer enfin.Votrepèreparlaitbeaucoupdevous. —C’estvrai? —Ilétaitsacrémentfierdevous.Ilfautquevoussachiez…qu’ilestrestéàdistancepourvous protéger,etpasparcequ’ilnevousaimaitpas. —C’estcequeFritzm’adit.Kolheraussi. —Commentçasepasseaveclui? —Kolher? —Oui. Ellesesentitrougiretsedirigeaverslacuisinepourqu’ilnevoiepassaréaction.Elleattrapaun paquetdegâteauxau-dessusdufrigoetendisposaquelques-unssuruneassiette. —Ilest…commentdire? Elles’efforçaitdetrouverlesmotsjustes. —Enfaitjecroisquejesais. Ellerevintetluitenditl’assiette. —Vousenvoulez? —Avoineetraisins,dit-ilenenprenanttrois.Mespréférés. —Voussavez,jecroyaisquelesvampiresnebuvaientquedusang. —Non.Lesangcontientdesnutrimentsnécessaires,maisonaaussibesoind’aliments. —Etl’ail? — J’adore. (Il s’appuya contre le dossier du fauteuil et mordit joyeusement dans les gâteaux.) J’adorel’ailfritdansunpeud’huiled’olive. Çaalors.Cetypeestpresquecool,pensa-t-elle. Non,c’étaitfaux.Sonregardacérénecessaitdescruterlesfenêtresetlaportevitrée,commes’il surveillaitlesenvirons.Ellesutsansl’ombred’undouteque,s’ilapercevaitquelquechosequinelui plaisaitpas,ils’extirperaitdufauteuilenunefractiondeseconde.Paspourvérifierlesverrous.Mais pourattaquer. Ilenfournaunautregâteaudanssabouche. Maisaumoins,saprésenceétaitapaisante.Enquelquesorte. —Vousn’êtespascommeKolher,déclara-t-ellesoudain. —Personnen’estcommelui. —Ouais. Ellemorditdanssongâteauets’assitsurlefuton. — C’est une force de la nature, ajouta Tohr en inclinant son verre. Quelqu’un d’implacable, ne vousytrompezpas.Maispersonneneveilleramieuxsurvous,àsupposerqu’ildécidedelefaire.Ce quiestlecas. — Comment vous le savez ? murmura-t-elle en se demandant ce que Kolher avait bien pu lui raconter.Tohrs’éclaircitlavoixetrougitlégèrement. —Ilvousamarquée. Ellefronçalessourcilsetbaissalesyeuxpours’inspecter. —Jesensl’odeur,expliquaTohr.L’avertissementsesentsurtoutvotrecorps. —L’avertissement? —Commesivousétiezsashellane. —Saquoi? —Sacompagne.L’odeursurvotrepeauestporteused’unmessagepuissantpourlesautresmâles. Alorselleavaitvujuste.Surlerapportsexuelqu’ilsavaienteuensembleetsasignification. Jenedevraispasm’enréjouir,etpourtantc’estlecas,pensa-t-elle. —Vousn’êtespascontre,hein?demandaTohr.Êtreàlui. Ellepréféranepasrépondreàlaquestion.Suruncertainplan,ellevoulaitapparteniràKolher. Surunautre,ellesesentaitplusensécuritéenrestantcellequ’elleavaittoujoursété.Seule. —Vousenavezune?demanda-t-elle.Unecompagne?Uneexpressiondeprofondattachement illuminalevisageduvampire. — Elle s’appelle Wellsie. Nous avons été promis l’un à l’autre avant notre transition. Tomber amoureuxl’undel’autrefutinespéré.Entoutefranchise,jel’auraischoisiesijel’avaisrencontrée danslarue.Pasmalledestin! —Detempsàautre,leschosessegoupillentbien,murmura-t-elle. —Ouaip!Certainsmâlesontplusieursshellane,maisj’arrivepasàm’imagineravecuneautre femelle.C’estpourçaqueKolherafaitappelàmoi. Ellehaussaunsourcilinterrogateur. —Pardon? —Lesautresfrèresontdesfemellesauprèsdequiilss’abreuvent,maisilsn’ontpasavecellesde liens émotionnels. Rien ne les empêcherait… (Il s’interrompit et mordit dans un autre gâteau.) Commevousêtes… —Jesuisquoi? Elle avait le sentiment de savoir à peine qui elle était. Dès lors, elle se sentait prête à entendre l’opiniondeparfaitsétrangers. —Belle.JamaisKolhernevousauraitconfiéeauxsoinsd’unautredesfrèrescar,s’ilsavaient essayédetenterquoiquecesoit,ilsseseraientattiréunpaquetd’ennuis.(Tohrhaussalesépaules.)Et puis certains des frères sont vraiment dangereux. Personne n’oserait laisser une femelle seule avec eux,entoutcasunefemelleàquiontient. Ellen’étaitpastrèssûredevouloirrencontrercettebande. Uneminute,pensa-t-elle. —Kolheradéjàuneshellane?demanda-t-elle.Tohrfinitsabière. —Jepensequ’ilvaudraitmieuxquevousenparliezdirectementaveclui. Cequin’équivalaitpasàun«non». Unsentimentdedéceptionpritnaissancedanssapoitrine;elleretournadanslacuisine. MonDieu!Voilàqu’elledevenaitsentimentaleàproposdeKolher.Ilsavaientcouchéensemble deuxfois,etdéjàelleétaittoutetourneboulée. Jevaissouffrir,pensa-t-elleendécapsulantuneautrebière.Lorsqueleschosessegâteraiententre eux,elleallaitatrocementsouffrir. Sansparlerdufaitdesemétamorphoserenvampire.MonDieu. —Vousvoulezquelquechosed’autreàgrignoter?demanda-t-elle. —Ouais,çaseraitgénial. —Delabière? —Non,c’estbon. Ellesortitdelacuisineaveclepaquet.Ilsgardèrentlesilencetandisqu’ilsfinissaientlesbiscuits. Mêmeceuxquiétaientcassésaufonddupaquet. — Vous auriez autre chose à manger ? demanda-t-il. Elle se leva, consciente qu’elle aussi avait encoreunpetitcreux. —Jevaisvoircequejepeuxnouspréparer. —Vousavezlecâble? Ildésignaitsonpostedetélévision. Elleluilançalatélécommande. —Oui.Jecroisqu’ilyaunesoiréespécialeGodzillasurTBScesoir. —Super!(Levampireétenditlesjambes.)Jesuistoujoursducôtédesmonstres. Elleluisourit. —Moiaussi. CHAPITRE22 Butchseréveillaaveclasensationquequelqu’unluivrillaitunclouàtêteplatedanslatête. Ilouvritunœil. Non,c’étaitletéléphonequisonnait. Ildécrochalecombinéetleplaçaàproximitédesonoreille. —Ouais? —Bonjour,trésor. LavoixdeJoséréveillaladouleurlancinantedansNoncrâne. —Quelleheure?Croassa-t-il. —Onzeheures.J’aipenséquevousaimeriezsavoirqueBethvenaitd’appeler.Ellevoulaitvous parler.Elleavaitl’aird’allerbien. Soulagé,Butchsentitsoncorpsserelâcher. —Letype? — Elle n’en a pas parlé. Mais elle a dit qu’elle aimerait vous parler à un moment donné aujourd’hui.J’aiannulél’alertecarelleappelaitdechezelle. Butchs’assit. Avantdeserecoucherimmédiatement. —Jemesenspassuperbien,murmura-t-il. —J’imagine.C’estpourquoijeluiaiditquevousseriezpasjoignableavantl’après-midi.Juste pourquevoussachiez,j’aiquittévotreappartementà7heurescematin. Ahbordel! Butchretentalapositionverticaleenseforçantàresterbiendroit.Lapièceseremitàtanguer.Il étaitencoresaoulcommeuncochon.Avecunefoutuegueuledebois. Maisilavaitduboulot. —J’arrive. — J’éviterais si j’étais vous. Le capitaine va vous tomber dessus. Les affaires internes se sont pointéespouravoirdesinfossurcequis’estpasséavecBillyRiddle. —Riddle?Pourquoi? —Allons,inspecteur. Ouais,illesavaitpertinemment. —Écoutez,vousêtespasvraimentenétatd’affronterlecapitaine.(LavoixdeJoséétaitégaleet pragmatique.)Vousdevezdessaouler.Reprendrevosesprits.Venezplustard,jevouscouvre. —Merci. —J’ailaissél’aspirineàcôtédutéléphoneavecungrandverred’eau.J’aipenséquevousseriez pas en état d’aller jusqu’à la cafetière. Prenez-en trois, décrochez votre téléphone et dormez. S’il arrivequelquechosed’intéressant,jepassevousprendre. —Jet’aime,chérie. —Alorsachète-moiunvisonetdesbouclesd’oreilleendiamantpournotreanniversaire. —Çamarche. Il raccrocha au bout de deux tentatives et ferma les yeux. Dormir encore un peu. Après, il se sentiraitpeut-êtredenouveauunêtrehumain. LedernierarticlequeBethcorrigeaittraitaitd’unevagued’usurpationd’identité.Onauraitditque l’articlesaignait,tantelleavaitapportédecorrections. Dernièrement,les«vraismecs»deDickserelâchaientetsereposaientdeplusenplussurelle.Il nes’agissaitplusd’erreursdefond,maisdefautesdegrammaireetd’erreursstructurelles.Comme s’ilsn’avaientjamaisentenduparlerduCodetypographique. Dans le cadre d’une collaboration, la correction ne la dérangeait pas. À condition que le journalistequiavaitrédigélepremierjetdel’articleaitfaitunminimumderelecture. Beth plaça l’article dans sa boîte d’envoi et regarda fixement l’écran de son ordinateur. Elle affichaunfichiersurlequelelleavaittravaillétoutelajournée. OK,qu’avait-ellebesoindesavoird’autre? Ellerelutsalistedequestions. Pourrai-je sortir dehors en plein jour ? À quelle fréquence devrai-je me nourrir ? Combien de tempsvivrai-je? Sesdoigtscoururentsurleclavier. Contrequivousbattez-vous? Puis,As-tuune… Quelétaitlemotdéjà?«shellane»? Elletapa«femme». Mon Dieu, elle redoutait la réponse de Kolher. Même s’il n’en avait pas, auprès de qui se nourrissait-il? Etqu’est-cequ’elleressentirait?S’ilselaissaitalleràsafaimavecelle? Instinctivement,ellesavaitqueceseraitcommefairel’amouraveclui.Sauvage.Dévorant.Àla laissermeurtrieetsansforces. Etdansunétatd’extasecomplet. —Çabossedur,Randall?demandaDickd’unevoixtraînante. Ellequittalefichierafindefaireapparaîtreàl’écransaboîtedemessagerie. —Toujours. —Tusaisqu’onracontedestrucssurtoi? —Ahouais? —Ouais,quetuétaissortieaveccetinspecteurdelacriminelle,O’Neal.Deuxfois. —Etalors? Dicksepenchasurlebureaudesonemployée.Bethportaitunelargechemiseàcolrond,desorte qu’iln’yavaitpasgrand-choseàvoir.Ilseredressa. — Bon boulot. Fais-lui ton petit numéro. Vois ce que tu peux apprendre. On pourrait peut-être fairelaunesurlesbrutalitéspolicièresavecluienfigurecentrale.Continuecommeça,Randall,etje pourraisbienmelaisserconvaincredetefilerunepromotion. Dicks’éloignad’unpasnonchalant,ravidejouerauchefpaternaliste. Quelconnard! Sontéléphonesonna,elleaboyasonnomdanslecombiné. Àl’autrebout,unsilence. —Maîtresse,vousallezbien? Lemajordome. —Désolée,etoui,jevaisbien. Elle appuya sa tête contre sa main libre. Comparée aux manières de Kolher, Tohr et consorts, l’arrogancemasculineetgrossièreversionDicksemblaitabsurde. —S’ilyalamoindrechosequejepuissefaire… —Non,non,toutvabien.(Elleéclataderire.)Riendontjenesachemedébrouiller. —J’auraisprobablementmieuxfaitdem’abstenird’appeler(lavoixdeFritzs’évanouitdansun murmure),maisjenevoulaispasquevoussoyezpriseaudépourvu.Lemaîtreacommandéundîner spécialcesoir.Pourvousetlui,seuls.J’aipenséquejepourraispeut-êtrepasservousprendreetnous irionsvoustrouverunerobe. —Unerobe? Pourunesortederendez-vousavecKolher? L’idéeluiparutgéniale,maiselleessayadefreinersatendanceauromantisme.Ellenesavaitpas vraimentdequoiétaientfaitesleschoses. Niquiilsefaisaitenl’occurrence. —Maîtresse,j’aiconsciencedememontrerprésomptueux.Ilvavousappelerenpersonne… Aumêmemoment,ellereçutunappelsursadeuxièmelignetéléphonique. —Jevoulaissimplementquevoussoyezprêtepourcesoir.Surl’écrans’affichalenuméroque KolheravaitfaitmémoriseràBeth.Ellesouritbêtement. —J’adoreraisça.Vraiment. —Bien.Danscecas,nousironsaucentrecommercial.IlyaunmagasinBrookslà-basaussi.Le maîtreapassécommandedevêtements.Jecroisqu’ilveutêtreàsonavantagepourvousaussi. Elleraccrocha,unsourireidiotauxlèvres. KolherlaissaunmessagesurlaboîtevocaledeBethetseretournadanssonlitpouratteindrele réveil en braille. Quinze heures. Il avait dormi environ six heures, soit plus que de coutume, mais c’étaitgénéralementcedontsoncorpsavaitbesoinaprèss’êtreabreuvédesang. MonDieu,ilvoulaittellementqu’ellesoitlàaveclui. Tohr avait appelé à l’aube pour lui faire son rapport. Beth et lui avaient veillé toute la nuit et regardédesfilmsdeGodzillaet,àenjugerparletondesavoix,Tohrétaitàmoitiétombéamoureux d’elle. Kolheravaitbeaulecomprendre,çaluifoutaitquandmêmelahaine. Mais,c’étaitsûr,ilavaitfaitlebonchoixenenvoyantTohr.Rhageauraitsûrementtentéquelque chose,etKolherauraitdûsévir.Luicasserunbras,ouunejambe.Oulesdeux.EtViszs,sansavoirla beautéravageusede«Hollywood»,avaitlalibidoautop.LevœudecélibatprononcéparFhurieétait fort,maispourquoil’attirersurlechemindelatentation? Zadiste? Iln’avaitpasmêmeconsidérécetteoption.Lacicatricequicouraitsursonvisageauraitfoutuà Bethlatrouilledesavie.Bordel,mêmeKolherarrivaitàlavoir.Etpuislaterreurqu’ilinspiraità une femelle était ce qui excitait le plus Z. Il marchait au truc comme la plupart des mâles avec la lingerieVictoria’sSecret. Non,Tohrreprendraitduservicesilebesoinsefaisaitdenouveausentir. Kolhers’étira.Lecontactdesdrapsdesatincontresoncorpsnulefitdenouveauselanguirde Beth.Maintenantqu’ils’étaitabreuvédesang,soncorpsétaitplusfortquejamais,commesisesos étaient en carbone et ses muscles en acier. Il était redevenu lui-même et tout en lui réclamait d’être pousséàfond. Sicen’estqu’ilregrettaitamèrementcequis’étaitpasséavecMarissa. Il repensa aux événements de la nuit. Dès qu’il avait relevé la tête de son cou, il avait compris qu’ilavaitfaillilatuer.Etnonparcequ’illuiavaitpristropdesang. Elles’étaitécartée,lecorpstremblant,enproieàladétresse,ets’étaitprécipitéehorsdulit. —Marissa… —Seigneur,jetelibère.Detonengagement.Vis-à-visdemoi. Ilavaitjuré,seméprisantpourtoutlemalqu’illuiavaitinfligé. —Jenecomprendspastacolère,avait-elleajoutéd’unevoixfaible.C’estcequetuastoujours désiréetjetel’accordedèsmaintenant. —J’aijamaisvoulu… —Êtreavecmoi,complétaMarissa.Jesais. —Marissa… —Jet’enprie,nedisrien.Jenesupporteraipasd’entendrelavérité,mêmesijelaconnais.Tuas toujourseuhonted’êtreliéàmoi. —Putain,maisdequoituparles? —Jetedégoûte. —Quoi? —Tucroisquejen’airienremarqué?Tun’espèresqu’unechose,êtrelibérédemoi.Unefois quej’aibu,tuterefermescommesitudevaisteforcerpoursupportermaprésence.(Elles’étaitmise àpleurer.)Jemesuistoujoursefforcéed’êtresoignéequandjevienstevoir.Jepassedesheuresdans lasalledebains,àmelaver.Maisjenetrouvepaslasaletéquetusemblesvoir. —Marissa,arrête.Arrête.Çan’arienàvoiravectoi. —Oui,jesais.J’aivulafemelle.Danstonesprit.Ellehaussalesépaules. —Jesuisdésolé,déclara-t-il.Etjamaistunem’asdégoûté.Tuesbelle… — Ne dis pas ça. Pas maintenant. (La voix de Marissa était devenue dure.) Contente-toi de regretterqu’ilm’aitfallutoutcetempspourvoircequiatoujoursétélà. —Jecontinueraiàteprotéger,promit-il. —Non.Tun’asplusàtesoucierdemoi.Nonquetul’aiesjamaisfait. Elles’enétaitallée,sonodeurfraîchedebrisemarineflottantdansl’airavantdedisparaître. Kolhersefrottalesyeux.Ilétaitrésoluàsefairepardonnerleschosesd’unefaçonoud’uneautre. Il ne savait pas quoi faire pour se racheter, compte tenu de l’enfer qu’il lui avait fait vivre. Mais il n’étaitpasdisposéàlalaisserruminerlapenséesordidequ’ellen’avaitjamaiscomptépourlui.Ou qu’illatrouvaitsaled’unemanièreoud’uneautre. Certes, il ne l’avait jamais aimée. Mais jamais il n’avait voulu la faire souffrir, raison pour laquelleilluiavaitdemandésisouventdelequitter.Sielleseretirait,sielleluisignifiaitclairement qu’elle ne voulait pas de lui, elle serait toujours en mesure de maintenir son rang dans le cercle aristocratique qui était le sien. Au sein de cette classe sociale, une shellane rejetée était considérée commeunbienendommagé. Maintenantqu’ellel’avaitquitté,touteignominieluiseraitépargnée.Etilavaitl’impressionque, lorsquelanouvelles’ébruiterait,personneneseraitsurpris. Bizarrement, il n’avait jamais réellement songé à la façon dont Marissa et lui se sépareraient, peut-êtreparcequ’aprèstantdesièclesilsupposaitqueçan’arriveraitjamais.Maisjamaisiln’aurait penséquecemomentarriveraitparcequ’ilselieraitàuneautrefemelle. Etc’étaitcequiarrivait.AvecBeth.Aprèsl’avoirmarquéelanuitprécédente,ilnepouvaitplus prétendrequ’ilnes’attachaitpasémotionnellementàelle. Iljuraàvoixhaute,carilensavaitsuffisammentlongsurlecomportementetlapsychologiedes vampires mâles pour se rendre compte qu’il s’était fourré dans le pétrin. Bordel, tous deux étaient maintenantdanslepétrin. Un mâle avec ce type d’attachement était dangereux. Surtout lorsqu’il allait devoir quitter sa femelle. Etlaconfierauxsoinsd’unautre. Ilessayad’oublierlesconséquences,décrochalecombinéetappelaàl’étage,pensantqu’ilavait besoindemangerquelquechose.Commepersonnenedécrochait,asupposaqueFritzétaitpartifaire lescourses. Bonne initiative. Kolher avait demandé aux frères de passer dans la soirée et ils aimaient beaucoupmanger.Ilétaittempsdefairelepointsurcequ’ilsavaienttrouvé. LebesoindevengerAudazsbrûlaitenlui. Brûlaitd’autantplusfortqu’ilserapprochaitdeBeth. CHAPITRE23 Butch se dirigea vers le bureau du capitaine. Son holster, dépourvu de son arme, lui semblait étrangementléger.Sonportefeuille,tropplatsanssonbadge.Ilavaitl’impressiond’êtrenu. —Qu’est-cequis’estpassé?demandaJosé. —Jeprendsdesvacances. —Bordel,qu’est-cequeçaveutdire? Butchs’engageadanslecouloirendirectiondelasortie. —LapolicedeNewYorkatrouvéquelquechosesurlesuspect? Josélesaisitparlebrasetl’entraînadansunesalled’interrogatoire. —Qu’est-cequis’estpassé? —Jesuissuspendu,sanssolde,jusqu’auxrésultatsdel’enquêteinterne.Quiconclura,onlesait touslesdeux,quej’aifaitunusageinappropriédelaforce. Josésepassaunemaindanslescheveux. —Jet’avaisditdetetenirloindessuspects. —CeRiddleméritaitbienpire. —C’estpaslaquestion. —Marrant,c’estjustementcequem’arépondulecapitaine. Butchsedirigeaverslemiroirsanstainetseregarda.BonDieu,ilvieillissait.Oupeut-êtreétait-il seulementfatiguéduseulboulotqu’ilaitjamaisvoulufaire. Brutalitépolicière.Moncul.Ilprotégeaitlesinnocentspaslespetitesfrappesquijouaientlesgros durs. Le problème était qu’il existait bien trop de lois en faveur des criminels. Si seulement les victimesquivoyaientleurviebriséeparlaviolenceavaientlamoitiédecettechance. —Jesuispasàmaplaceicidetoutefaçon,murmura-t-ilàvoixbasse. —Quoi? Iln’yavaitjusteplusdeplacepourdestypescommeluidanslemonded’aujourd’hui,pensa-t-il. Butchseretourna. —Alors,lapolicedeNewYork.Qu’est-cequ’onadécouvert? Joséleregardapendantunlongmoment. —Suspendudetesfonctions,c’estça? —Jusqu’àcequ’onmevireofficiellement. Les mains sur les hanches, le regard au sol, José secoua la tête, comme s’il adressait des remontrancesàseschaussures.Ilréponditnéanmoins. —Nada.C’estcommes’ilavaitsurgidenullepart.Butchjura. —Cesshuriken.Jesaisqu’onpeutselesprocurersurleWeb,maisonpeutaussilesacheterdans desboutiques,pasvrai? —Dansdesacadémiesd’artsmartiaux. —IlyenadeuxàCaldwell. Lentement,Joséacquiesça. Butchsortitdesclésdesapoche. —Àplustard. —Attends.Onadéjàenvoyéquelqu’unserenseigner.Lesdeuxacadémiesontdéclaréqu’ellesne sesouvenaientdepersonnecorrespondantàladescriptiondususpect. —Mercidutuyau. Butchs’avançaverslaporte. —…Inspecteur.Hé,O’Neal.(JosésaisitButchparl’avant-bras,)Bordel,tuveuxbienattendreune minute? Butchleregardapar-dessussonépaule. —C’estlemomentoùtuvasmeconseillerderesterendehorsdel’enquête?Gardetasalive. — Pour l’amour de Dieu, Butch, je suis pas un ennemi. (José le fixa de son regard brun et pénétrant.)Lesgarsetmoi,onestderrièretoi.Pournous,tufaiscequetuasàfaireettut’esjamais trompé.Tousceuxquetuastabassésl’avaientmérité.Maispeut-êtrequetuaseudelachance.Situ avaisblesséquelqu’unqui… —Laissetomberlesermon.Jesuispaspreneur.Ilposalamainsurlapoignéedelaporte. Joséaugmentalapressiondesamain. —Tuessuspendu,O’Neal.Temêlerd’uneenquêtequit’aétéretiréeneramènerapasJanie. Butchaccusalecoup. —Toiaussi,tuvisessouslaceinture? Joséretirasamain,avecsurlevisageuneexpressionquisemblaitdirequ’iljetaitl’éponge. —Jesuisdésolé.Maistudoissavoirqu’ent’obstinantturéussisjusteàt’attirerplusd’ennuis.Ça aiderapastasœur.Çal’ajamaisaidée. Lentement,Butchsecoualatête. —Jelesais,merde! —Tuessûr? Ouais,ill’était.IlavaitprissonpiedenfoutantuneracléeàBillyRiddle,etc’étaitpourvenger Beth.Rienàvoiravecsasœur.Janieétaitpartie.Ilyavaitdeçatrès,trèslongtemps. MaisleregardtristedeJoséluidonnaitl’impressionqu’ilsouffraitd’unemaladieincurable. —Çavaaller,sesurprit-ilàdire,mêmes’iln’encroyaitpasuntraîtremot. —Évitedetenterlediable,inspecteur. —J’aijamaisriensufaired’autre,José. M. X se renversa dans son fauteuil et pensa à la nuit qui l’attendait. Il était prêt à refaire une tentative,mêmesilecentre-villeétaitsoushautesurveillanceaprèsl’attentatàlavoiturepiégéeetla découverte du cadavre de la prostituée. Il allait être plus dangereux de patrouiller à proximité du Screamer’s,maislerisquedesefaireprendrerendaitledéfiencoreplusexcitant. Etpuislesrequinsnesepêchaientpaseneauxclaires.Pourtraquerlesvampires,ildevaitallerlà oùilssetrouvaient,ils’endélectaparanticipation. Ilavaitfignolésestechniquesdetorture.Cematinmême,avantdepartirpourl’académie,ilavait faituntourdansl’atelierqu’ilavaitaménagédanssagrange.Sesoutils,bienrassemblés,brillaientde tout leur éclat : une roulette de dentiste, des couteaux de différentes tailles, un marteau à panne sphérique,unburin,unescieSawzall. Unecuilleràmelon.Pourlesyeux. Biensûr,toutl’artconsistaitàrestersurlalignedecrêteentresouffranceetmort.Ilétaitpossible defairesouffrirquelqu’undesheures,desjoursdurant.Lamortétaitl’interrupteurultime. Uncoupretentitàlaporte. —Entrez,ditM.X. La réceptionniste apparut, une femme robuste aux bras aussi massifs que ceux d’un homme et, pourainsidire,pasdepoitrine.Sescontradictionsnecessaientd’étonnerM.X.Endépitdufaitqu’une envieaiguëdepénislapoussaitàprendredesstéroïdesetàsouleverdelafontecommeungorille, elle persistait à se maquiller. Et à être impeccablement coiffée. Avec son tee-shirt dévoilant son nombriletsesleggings,elleressemblaitàunedrag-queenaurabais. Elleledégoûtait. Ondevraittoujourssavoirquionest,songea-t-il.Etquionn’estpas. —Yauntypequidemandeàvousparler.(Savoixétaittropbassed’environuneoctaveetdemie.) O’Neal,jecroisquec’estlenomqu’iladonné.M’atoutl’aird’unflic,maisapasmontrédebadge. —Dites-luiquej’arrivedansuneminute.Espèced’erreurdelanature,ajouta-t-ilmentalement. M.Xneputs’empêcherderirelorsquelaporteserefermasurelle.Lui.Peuimporte. Lui, un homme dépourvu d’âme chargé d’éradiquer les vampires, qui la traitait d’erreur de la nature?Aumoins,luiavaitunemission.Etunplan.Cesoir,elleallaitretournerauGold’sGym.Juste aprèsavoirrasésabarbenaissante. Unpeuavant18heures,Butcharrêtalavoiturebanaliséedevantl’immeubledeBeth.Tôtoutard, il devrait rendre le véhicule de police, mais sa suspension n’équivalait pas encore à un renvoi. Il attendraitquelecapitaineluidemandederendrelafoutuebagnole. Ils’étaitrendudanslesdeuxacadémiesd’artsmartiauxetavaitparléauxdirecteurs.L’und’eux s’étaitmontréodieux.Leprototypemêmedudingueàquilesartsmartiauxétaientmontésauciboulot etquiseprenaitpourunAsiatique.Mêmes’ilétaitaussiblancqueButch. Quantàl’autre,ilavaitjusteéténormalementbizarre.Ilressemblaitàunlaitierdesannées1950, lescheveuxblondsmanifestementdécolorésparunesortedelotion,etunlargesourireénervantqui auraitfaitlesheuresdegloired’unemarquededentifriceilyapresquecinquanteans.Letypes’était montréonnepeutplusconciliant,maisquelquechoseclochait.LedétecteurdeconneriesdeButch avaitflairéquelquechosedepasnetàlaminuteoùM.Pommadeavaitouvertlabouche. Et puis le type cocottait comme une vraie poule. Butch monta quatre à quatre les marches du perronetsonnachezBeth. Il lui avait laissé un message sur sa boîte vocale au bureau pour l’avertir qu’il passerait. Il s’apprêtait à actionner de nouveau la sonnette quand, par la porte vitrée, il l’aperçut qui s’avançait dansl’entrée. BordeldeDieu! Elleportaitunerobeportefeuillenoirequiauraitpuluirefilerlamigraine,tantelleluiallaitàla perfection. L’échancrure plongeante dévoilait la naissance de ses seins. La taille bien prise mettait merveilleusement en valeur ses hanches minces. La fente laissait apparaître l’éclat de ses cuisses à chacundesespas.Sestalonshautssoulignaientladélicatessedeseschevillesravissantes. Ellelevalatêtedusacdanslequelellefarfouillaitetsemblasurprisedelevoir. Elleouvritlaporte. —Butch. —Salut. Ilsesentitaussiintimidéqu’unadolescent. —J’aieutesmessages,dit-elled’unevoixdouce.Ilreculapourqu’ellepuissesortir. —T’asunpeudetempspourparler? Mêmes’ilconnaissaitdéjàlaréponse. —Là,non,désolée. —Oùtuvas? —J’aiunrendez-vous. —Avecqui? Elleleregardaavecunecalmedétermination;ilsutquesaréponseseraitunmensonge. —Personneenparticulier. Ouais,tuparles. —Qu’est-cequis’estpasséavecletypedelanuitdernière,Beth?Oùilest? —Jesaispas. —Tumens. LesyeuxdeBethrestèrentrivéssurlessiens. —Situveuxbienm’excuser… Ill’attrapaparlebras. —Vapaslerejoindre. Le ronronnement grave d’un moteur emplit le silence qui s’était installé entre eux. Une grande Mercedesauxvitresteintéess’arrêta.Unevoituredecaïddeladrogue. —Ah,putain,Beth!(Ilpressasonbras,cherchantdésespérémentàattirersonattention.)Faispas ça.Tudevienscompliced’unsuspect. —Lâche-moi,Butch. —Ilestdangereux. —Pastoi,peut-être? Butchrelâchasonemprise. —Demain,ajouta-t-elle.Onseverrademain.Viensmevoiraprèsleboulot. Dansunetentativedésespérée,Butchsemitentraversdesonchemin. —Beth,jepeuxpastelaisser… —Tucomptesm’arrêter? Pascommeflic;cen’étaitplusensonpouvoir.Pasàmoinsd’êtreréintégré. —Non,jevaispast’emmener. —Merci. —C’estpasunefaveurquejetefais,ajouta-t-ild’untonamertandisqu’ellepassaitdevantlui. Beth,jet’enprie.Elles’arrêta. —Cen’estpascequetucrois. —J’ensaisrien.Pourmoientoutcas,c’estonnepeutplusclair.Tuprotègesuntueur,etilyade forteschancesquetuteretrouvesdansunejolieboîteenpin.Tusaisquic’est,cetype?J’aivuson visage de près. Quand d’une main il me serrait le cou et voulait me tuer. Un type comme lui a le meurtredanslesang.C’estdanssanature.Commenttupeuxallerlerejoindre?Putain,commenttu peuxaccepterqu’unmeccommeluisoitenliberté? —Ilestpascommeça. Mais ses mots avaient l’intonation d’une interrogation. La portière de la voiture s’ouvrit ; un hommedepetitetaillevêtud’unsmokingensortit. —Maîtresse,ya-t-ilunproblème?luidemandal’hommed’untonempreintdesollicitude,tout enjetantàButchunregardnoir. —Non,Fritz.Aucunproblème.(Elleesquissaunsourirepeuassuré.)Demain,Butch. —Situvisjusque-là. Ellepâlit,maisseprécipitaaubasdesmarchesetseglissadanslavoiture. Quelquesinstantsplustard,Butchmontadanslasienne.Etlesfila. LorsqueHaversentenditdespassedirigerverslasalleàmanger,illevalesyeuxdesonassiette, sourcilsfroncés.Ilavaitespérépouvoirdînersansêtreinterrompu. Maiscen’étaitpasundoggenvenantl’informerqu’unpatientréclamaitsonassistance. —Marissa! Ilselevadesonsiège. Elleesquissauntimidesourireàsonintention. —Jemesuisditquejeferaismieuxdedescendre.J’enaiassezdepassertantdetempsdansma chambre. —Jesuisraviquetumefassesl’honneurdetacompagnie. Il lui tira une chaise tandis qu’elle s’approchait de la tête. Il se félicitait d’insister pour que le couvertdeMarissasoittoujoursdressé,mêmeaprèsavoirperdul’espoirqu’elleviendraitprendre sesrepasaveclui.Cesoir-là,l’effortnesemblaitpasporteruniquementsurlefaitdedescendredîner. Elle portait une magnifique robe de soie noire sous une veste au col officier. Ses cheveux étaient lâchéssursesépaulesetsetissaientdefilsd’oràlalueurdesbougies.Elleétaitmagnifique;Havers sentitl’animositélegagner.QuelleinsultequeKolhernesachepasappréciertoutcequ’elleavaità offrir,quecettefemelleexquisedesangnoblenesoitpasassezbienpourlui. Justebonneàlenourrir. —Commentvatontravail?demanda-t-elletandisqu’undoggenluiversaitduvin. Unautreplaçadevantelleuneassiettedenourriture. —Merci,Philipp.Karolyn,çaal’airdélicieux. Ellepritunefourchetteetrepoussadoucementlerôtidebœuf. Grandsdieux,songeaHavers.Toutétaitpresquenormal. — Mon travail ? Bien. On ne peut mieux, même. Comme je te l’ai dit, j’entrevois une avancée. Boiredusangappartiendrapeut-êtrebientôtaupassé. Illevasonverreetbut.Lebourgogneauraitdûsemarieràlaperfectionaveclebœuf,maisilne letrouvapasàsongoût.Toutdanssonassietteprenaitungoûtaigresursalangue. —Jemesuistransfusédusangstockécetaprès-midietjemesensmerveilleusementbien. Enréalité,cetteaffirmationtenaitquelquepeudel’exagération.Ilnesesentaitpasmalade,mais quelquechoseclochait.Iln’avaitpasencoreressentil’affluxnormaldeforce. —Oh,Havers,dit-elled’unevoixdouce.Evangalinetemanquetoujours,n’est-cepas? —Atrocement.Etboiredusang…nem’esttoutsimplementpasagréable. Non, il était résolu à ne plus rester en vie à la manière ancienne. Désormais, le procédé serait clinique.Uneaiguillestériliséereliéeàunepocheetperfusée. —Jesuistellementdésolée,réponditMarissa.Haverstenditlamain,paumeretournée. —Merci. Ellemitsamaindanslasienne. — Je suis désolée de m’être montrée aussi… préoccupée. Mais les choses vont aller mieux maintenant. —Oui,répliqua-t-ilavecconviction. Kolher était tout à fait le genre de barbare qui s’obstinerait à boire du sang à la veine, mais au moinsMarissan’auraitplusàsubircetoutrage. —Toiaussi,tupourraisessayerlatransfusion.Turetrouveraistaliberté. Elleretirasamainetpritsonverredevin.Elleportalebourgogneàseslèvresmaisenrenversa unpeusursaveste. — Oh, zut ! murmura-t-elle, essuyant le vin qui tachait la soie. J’ai de terribles problèmes de coordination. Elleretirasavesteetladéposasurlachaisevideàcôtéd’elle. —Tusais,Havers,jecroisquej’aimeraisessayer.Boiredusangn’estplusàmongoûtnonplus. Une délicieuse sensation de soulagement, comme l’esquisse d’une ouverture, le submergea. La sensationluisemblaitlégèrementétrangère;ilnel’avaitplusressentiedepuissilongtemps.L’idée mêmed’uneaméliorationpossibleluiétaitdevenueunconceptétranger. —Vraiment?murmura-t-il. Elleacquiesça,repoussasescheveuxpar-dessussonépauleetpritsafourchette. —Oui,vraiment. C’estalorsqu’ilvitlesmarquesàsoncou. Deuxtrousenflammés.Unetraînéerougeàl’endroitdelasuccion.Descontusionsviolettessurla peaudesaclaviculeoùelleavaitétéagrippéeparunemainvigoureuse. L’horreurluicoupal’appétitetluibrouillalavue. —Commentpeut-iltetraiterainsi?murmuraHaversdansunsouffle. Marissaportalamainàsoncouet,d’ungestevif,ramenasescheveuxversl’avant. —Cen’estrien.Vraiment,cen’estrien. Haversregardaittoujoursl’endroitdésormaisrecouvertcommes’ilcontinuaitàvoircequ’elle s’évertuaitàcacher. —Havers,jet’enprie.Dînons.(Ellerepritsafourchettecommesielles’apprêtaitàluifaireune démonstration.)Jet’enprie.Dînons. —Commentlepourrais-je? Iljetasescouvertssurlatable. —Parcequec’estterminé. —Qu’est-cequil’est? —J’airompumonengagementavecKolher.Jenesuisplussashellane.Jenelereverraiplus. Haverslaregardafixementpendantuninstant,avantdedemander: —Pourquoi?Qu’est-cequiachangé? —Ilatrouvéunefemellequ’ildésire. Sousl’effetdelacolère,lesangdeHaverssefigea. —Etquiose-t-iltepréférer? —Tunelaconnaispas. —Jeconnaistouteslesfemellesdenotremilieu.Quiest-ce? —Ellen’estpasdenotremilieu. —Alors,c’estunedesÉluesdelaViergescribe? Danslahiérarchiesocialedesvampires,ellesseulesavaientunrangplusélevéqu’unefemellede l’aristocratie. —Non,elleesthumaine.Outoutdumoinsàdemihumaine,d’aprèscequej’aipuendéduireen lisantlesimagesmentalesdeKolher. Haverssefigea.Humaine.Unehumaine? Marissaavaitétédélaisséepourune…Homosapiens? —LaViergescribea-t-elleétécontactée?demanda-t-ild’unevoixblanche. —C’estsondevoir,paslemien.Maissoissûrqu’ilvaallerlatrouver.Toutest…terminé. Marissapritunpetitmorceaudebœufetleportaàsabouche.Ellemâchasoigneusement,comme si elle avait oublié comment faire. Ou peut-être que l’humiliation qu’elle ressentait rendait la déglutitiondifficile. Havers se cramponna aux bras de son siège. Sa sœur, sa sœur magnifique et pure, avait été ignorée.Utilisée. Maisaussibrutalisée. Et tout ce qui subsistait de son union avec leur roi était la honte d’être rejetée au profit d’une humaine. L’amour de Marissa n’avait jamais eu la moindre signification pour Kolher. Ni son corps ni sa lignéeimmaculée. Et désormais, ce guerrier avait sali son honneur. Non, les choses bien étaient loin d’être terminées. CHAPITRE24 KolherenfilalavestequivenaitdechezBrooks.Elleétaitunpeuserréeauxépaules,maisilavait dumalàtrouverdesvêtementsàsatailleetiln’avaitdonnéaucuneindicationàFritz. Mêmesilavesteavaitététailléesurmesure,ilseseraitnéanmoinssentiàl’étroit.Ilétaitmille foisplusàsonaisedanssonblousondecuiravecsesarmesquedanscevêtementdelainepeignée. Ilsedirigeaverslasalledebainsetclignadesyeuxpoursevoirdanslemiroir.Lecostumeétait noir.Toutcommelachemise.C’étaittoutcequ’ilpouvaitdistinguer. Grandsdieux,ilavaitprobablementl’aird’unavocat. Ilretiravivementsavesteetlaposasurlecomptoirenmarbre.D’ungesteimpatient,iltirases cheveuxenarrièreetlesnouaaumoyend’unlienencuir. OùétaitFritz?ÇafaisaitaumoinsuneheurequeledoggenétaitpartichercherBeth.Bethetlui auraientdûêtrerentrésmaintenantmais,au-dessus,lamaisonsemblaitvide. Ah,merde! Kolherauraitétéaucombledel’agitationmêmesilemajordomenes’étaitabsentéquedepuisune minute.Ilbrûlaitd’impatiencedevoirBeth,netenaitpasenplaceetavaitdumalàseconcentrer.Tout ceàquoiilpensait,c’étaitenfouirsonvisagedanslescheveuxdeBethetintroduirelapartielaplus duredesonanatomieauplusprofondd’elle. BonDieu,lescrisqu’ellepoussaitlorsqu’ellejouissait. Iljetauncoupd’œilàsonreflet.Etremitsaveste. Mais le sexe n’était pas tout. Il voulait la traiter avec respect, pas seulement la mettre dans son pieu.Ilvoulaitallerdoucement.Luiparler.Bordel,luioffrirtoutcequelesfemellesdésiraient:un peud’amouretdetendresse. Ilmimaunsourire.L’accentua.Ilavaitl’impressionquesesjouesétaientsurlepointdecraquer. Ouais,leromantismeàdeuxballesn’étaitpassaspécialité.Maisilpouvaitapprendre.Pasvrai? Ilsefrottalajoue.Putain,qu’est-cequ’ilyconnaissaitenromance? Soudain,ilsesentitridicule. Non,c’étaitpireencore.Cenouveaucostumel’exposaitetluidonnaitàvoirunevéritéquinelui plaisaitpas. Ilchangeaitpourunefemelle.Simplementpouressayerdelasatisfaire. Unlienseformait,pensa-t-il.Raisonpourlaquelleiln’auraitjamaisdûlamarquer,etjamais,au grandjamais,selaisseralleràunetelleintimitéavecelle. Ilsereditqu’unefoislatransitiondeBethterminéetoutseraitfinientreeux.Ilretourneraitàsa vie.Quantàelle… MonDieu,cettedouleurintense,commes’ilavaitétéfrappéenpleinepoitrine… —Kolher,mec?LavoixdeTohrmentretentitdanslapièce. La voix de baryton de son frère d’armes était un soulagement qui arrivait à point nommé et l’aidaitàserecentrer. Ilpassadanslachambreetgrimaçalorsqu’ilentenditsonfrèresifflertoutbas. —Hében,regardez-moiça!s’exclamaTohr. IltournaautourdeKolher. —Vatefairefoutre. —Merci,maisnon.Jepréfèrelesfemelles.(Iléclataderire.)Maisjedoisadmettrequet’asun sacréstyle. Kolher croisa les bras sur sa poitrine, mais la veste le serrait tellement aux entournures qu’il craignitdefairecraquerlacouturedansledos.Ilrelâchalesbras. —Pourquoit’eslà? —J’aiappelésurtonportablemaist’aspasdécroché.T’asditquetuvoulaisqu’onseretrouve touscesoir.Àquelleheure? —Jesuisoccupéjusqu’àuneheuredumatin. —Uneheure?répétaTohrd’unevoixtraînante. Kolher posa ses mains sur ses hanches. Il ressentit un profond sentiment de malaise, comme si quelqu’uns’étaitintroduitchezlui. Quelleboulette,pensa-t-il,cerendez-vousavecBeth.Maisc’étaittroptardpourtoutannuler. —OK,onaqu’àdireminuit,répondit-il. —Jeprévienslesautres. Ilavaitl’impressionqueTohraffichaitunsourireamusé,maissavoixnetrahitrien.Ilyeutun silence. —Hé,Kolher? —Quoi? —Elleestaussibellequetulepenses.Justepourquetusaches. Sin’importequelautremâleavaitosédireça,ilauraitétébonpoursefairerefairelenez.Mais mêmesilaremarquevenaitdeTohr,Kolhersentitl’agacementlegagner.Iln’aimaitpasqu’onlui rappelleàquelpointBethétaitirrésistible.Ilnepouvaitalorss’empêcherdepenseraumâleauquel elles’uniraitpourlavie. —Tuveuxenvenirquelquepartouc’estjustepourparler? Ilnes’agissaitnullementd’uneinvitationàpoursuivre,maisTohrs’engageanéanmoinsdansla brèche. —T’esvraimentaccroàelle. Kolherpensaqu’ilauraitdûs’entenirà«Vatefairefoutre». —Etjecroisqu’elleressentlamêmechose,ajoutaTohr. Ouais,génial.Ilsesentaitmieux.Commeça,ilrisquaitenplusdeluibriserlecœur. Bordel,cerendez-vousétaitvraimentunemauvaiseidée.Maisqu’est-cequ’ilimaginaitavecson romantismeàdeuxballes? Kolherdénudasescanines. —Jeresteprèsd’elleletempsdelatransition.C’esttout. —Ouais,tuparles. Kolherémitungrondementsourd,maisl’autrevampirehaussalesépaules. —Jet’aijamaisvuavanttemettresurtontrenteetunpourunefemelle. —C’estlafilledeAudazs.TuveuxquejesoiscommeZadisteavecsesputes? —BonDieu,non!Siseulementilpouvaitarrêtersesconneries,celui-là.Maisçameplaîtquetu soisavecBeth.T’esrestéseultroplongtemps. —C’esttonopinion. —Etcelledecertainsautres. Kolhersentitlasueurperlersursonfront. LafranchisedeTohrluidonnaitl’impressiond’êtrepiégé.Toutcommelefaitqu’iln’étaitcensé que protéger Beth, alors qu’il s’évertuait à lui donner l’impression qu’elle avait une importance spécialepourlui. —T’asriend’autreàfaire? —Non. —C’estbienmaveine. Sentant l’impatience le gagner, Kolher se dirigea vers le sofa et prit son blouson de motard. Il devait refaire son stock d’armes et, puisque Tohr ne semblait pas du tout pressé de partir, cette distractionavaitleméritedeluiChangerlesidées. —Lanuitoùilestmort,déclaraTohr,Audazsm’aditquet’avaisrefusédet’occuperdesafille. Kolherouvritleplacardetatteignitlecoffrequirenfermaitlesshuriken,lesdaguesetleschaînes. Ilfitsonchoix. —Et? —Qu’est-cequit’afaitchangerd’avis? Kolherserralamâchoiredetoutessesforces,àdeuxdoigtsd’exploser. —Ilestmort.Jeleluidois. —Tuluidevaisaussidesonvivant. Kolherfitvolte-face. —Yaautrechosequetuveuxvoiravecmoi?Sinon,dégage! Tohrlevalesmains. —Toutdoux,monfrère. —Vatefairefoutre!J’aipasl’intentiondeparlerd’elle,niavectoiniavecpersonne.Compris? Etferme-ladevantlesautres. —C’estbon,c’estbon.(Tohrserepliaverslaporte.)Maisaccorde-toiunefaveur.Reconnaisce quisepasseaveccettefemelle.Unefaiblessequ’onnieestfatale. Kolhergrognaetadoptaunepostureoffensive,lapartiesupérieureducorpsinclinéeversl’avant. —Unefaiblesse?Etc’estunmâleassezconpourtomberamoureuxdesashellanequimefaitla leçon?Tutefousdemoi! Ilyeutunlongsilence. — Je suis heureux d’avoir trouvé l’amour, reprit Tohr d’une voix douce. Tous les jours, je remercielaViergescribequeWellsiefassepartiedemavie. Kolherneputretenirsacolère,déclenchéeparquelquechosequ’ilneparvenaitpasàidentifier. —T’espathétique. Tohrémitunchuintement. — Et toi, t’es mort depuis des siècles. T’es juste trop minable pour trouver une tombe et te coucher. Kolherjetasonblousondecuir. —Aumoins,jenesuispasàlabotted’unefemelle. —Tul’aurasvoulu.Approche. En deux enjambées, Kolher franchit la distance qui les séparait. L’autre vampire se campa, tête baissée.Tohrmentétaitunmâleénorme,auxépauleslargesetauxbrasrobustes.Uneatmosphèrede menacecirculaitentrelesdeuxvampires. Kolheresquissaunsourirefroidetsescaniness’allongèrent. — Si tu passais moitié moins de temps à courir après ta femelle et deux fois plus à défendre l’espèce,onauraitpeut-êtrepasperduAudazs.T’yasdéjàpensé? LasouffrancedeTohr,aussipalpablequelesangquis’écoulaitd’uneplaieenpleincœur,emplit l’air.Kolhereninspiral’effluve,laissaladétressepénétrerenprofondeursespoumonsetsonâme.Il se haïssait d’avoir porté un coup aussi bas à un mâle aussi honorable et courageux. Alors qu’il attendait que Tohr porte son attaque, il accueillit la haine pour lui-même comme une vieille connaissance. —J’arrivepasàcroirequet’aiesditça,déclaraTohr,lavoixvibranted’émotion.Tudevrais… —Gardetonputaindeconseil. —Vatefairefoutre.(Tohrluiassenauncoupvigoureuxàl’épaule.)Tul’entendrasquandmême. Tuferaismieuxd’apprendrequisonttesvéritablesennemis,espècedeconnardarrogant.Avantdete retrouvertoutseul. Kolherentenditàpeinelaporteclaquer.Lavoixqui,danssatête,luihurlaitqu’ilétaitladernière desmerdesétaitplusfortequelereste. Ilprituneprofondeinspirationetvidasespoumonsdansuncripuissant.Lesonvibradanstoute la pièce, résonna contre les portes, les armes au sol, le miroir de la salle de bains. Les bougies flamboyèrent furieusement, leurs longues langues de feu léchant les murs, avides de liberté et de destruction.Kolherhurlajusqu’àcequ’ilsentequesagorgeallaitexploseretquesapoitrinelebrûle. Lorsqu’ilrefermalabouche,ilneressentitpasdesoulagement.Justeduremords. IlsedirigeaversleplacardetsortitleBerettaneufmillimètres.Aprèsl’avoirchargé,illeplaça dans la ceinture de son pantalon, dans le dos. Puis il se dirigea vers la porte et monta les marches deuxpardeuxpourgagnerlepremierétage. Ilentradanslesalonetécouta.Lesilenceétaitprobablementunebonnechosepourtoutlemonde. Ildevaitseressaisir. Ilarpentalademeureets’arrêtadevantlatabledelasalleàmanger.Elleavaitétédresséecomme ill’avaitdemandé.Deuxcouverts.Cristaletargenterie.Bougies. Etilavaittraitésonfrèred’armesdemâlepathétique?Siçan’avaitpasétéàAudazs,ilauraittout bazardéd’ungestedubras.Iltenditlamaincommes’ilétaitsurlepointdepasseràl’acte,maisla veste le serrait. Il en saisit les revers, prêt à la déchirer et à la brûler, quand la porte de la maison s’ouvrit.Ilseretourna. Ellevenaitd’arriver.Elleétaitsurleseuilets’engageaitdanslevestibule. Kolherlaissaretombersesbraslelongducorps. Elleétaitvêtuedenoir.Lescheveuxremontés.Ellesentait…larosedenuitépanouie.Ilhumale délicatparfum,soncorpsseraidit,sespulsionsluiordonnantuneseulechose,secouchersurelle. PuisilperçutlesémotionsdeBeth.Elleétaitsursesgardes,nerveuse.Ilressentitclairementsa méfiance,ainsiqu’unesatisfactionperverseàlavoirhésiteràleregarder. Sacolèrelereprit,viveetintense. Fritzétaitoccupéàrefermerlaporte,maislecontentementdudoggenétaitperceptibledansl’air autourdelui,brillantcommelesoleil. —J’aipréparéduvindanslesalon.Jeservirailepremierplatdansunedemi-heure,sicelavous convient. —Non,ordonnaKolher.Nousdîneronstoutdesuite. Fritzsemblatroublé,puisperçutl’étatémotionneldeKolher. —Àvotreconvenance,maître.Toutdesuite. Lemajordomedisparutcommesiquelquechosebrûlaitdanslacuisine. KolherregardafixementBeth. Ellerecula.Probablementàcausedesonregardnoir. —Tuasl’air…différent,déclara-t-elle.Danscesvêtements. —Vapascroirequejesuisdevenucivilisé. —C’estpascequejecrois. —Tantmieux.Finissons-enalors. Kolhersedirigeaverslasalleàmanger,pensantqu’ellelesuivraitsiellelevoulait.Etdanslecas contraire,bordel,C’étaitprobablementmieux.Iln’étaitpasdutoutpressédesesentirpiégéautour d’unetable. CHAPITRE25 BethregardaKolhers’éloignerd’unpasnonchalantcommes’ilsefoutaitroyalementdesavoirsi elleallaitdîneraveclui. Sielleneseledemandaitpasdéjàelle-même,elleseseraitsentiecomplètementinsultée.Ill’avait invitée.Pourquoi,alors,toutcecinémaquandellesepointait?Elleeutenviedeprendresescliqueset sesclaquesetdeleplanterlà. Maisellelesuivit,sentantqu’ellen’avaitpaslechoix.Elleavaittantdequestionsauxquelleslui seulpouvaitrépondre. S’il avait été possible d’obtenir les informations de quelqu’un d’autre, Dieu lui en était témoin, ellel’auraitfait. Tandisqu’illaprécédait,elleregardafixementsanuqueets’efforçadenepastenircomptedela hâte avec laquelle il avançait. Ce qui venait de se passer était un raté. Il était magnifique à voir. L’impact vigoureux de ses talons sur le sol faisait vibrer ses épaules sous sa luxueuse veste pour contrebalancer la poussée de ses jambes. Ses bras se balançaient légèrement et elle savait que ses cuissessecontractaientetserelâchaientàchacundesespas.Ellel’imaginanu,lesmusclesbandés. LavoixdeButchrésonnadanssatête.«Unhommecommeluialemeurtredanslesang.C’est danssanature.» Pourtant,Kolherl’avaitrenvoyéechezellelanuitprécédentequandilétaitdevenuundangerpour elle. Elleseditqu’elleferaitmieuxderenonceràconcilierlescontradictions.C’étaitcommetenterde liredansdumarcdecafé.Elledevaitsefieràsestripesetcelles-ciluidisaientqueKolherétaitson seulrecours. Lorsqu’elle entra dans la salle à manger, elle fut surprise par la magnifique table dressée pour eux, avec des fleurs en son centre, des tubéreuses et des orchidées. Des bougies ivoire. De la porcelaineétincelanteetdel’argenterie. Kolherfitletourdelatableettiraunechaise,attendantqu’elleprenneplace.Leregardmenaçant. MonDieu,commeilétaitsexydanscecostume!Lecolouvertdesachemisedévoilaitsoncou,la soienoiredonnantàsapeauunlégerhâle.Dommagequ’ilsoitd’unehumeurdechien.Sonvisage était aussi fermé que son humeur était massacrante et, avec ses cheveux tirés en arrière, le contour agressifdesamâchoireressortaitd’autantplus. Quelquechoseavaitdûlemettredanscetétat.Ungrostruc. Superrencard,pensa-t-elle.Unvampiredansunétatdefureur,prêtàtoutcasser. Prudemment, elle s’approcha. Pendant qu’il rapprochait le siège, elle aurait juré qu’il s’était penchéverssescheveuxpourleshumerprofondément. —Pourquoit’estantenretard?demanda-t-iltandisqu’ilprenaitplaceenboutdetable. Commeellegardaitlesilence,illuijetauncoupd’œil,l’arcbrundesonsourcilhaussévisible au-dessusdeslunettesdesoleil. —Fritzadûtepersuaderdevenir? Poursedonnerunecontenance,Bethpritsaservietteetladépliasursesgenoux. —Non,c’estpasça. —Alorsdis-moi. —Butchnousasuivis.Onadûlesemer. Ellesentitl’espaceautourdeKolhers’assombrircommesisacolèreabsorbaitlalumière. Fritzentra.Ilportaitdeuxpetitesassiettesdesaladequ’ilposadevanteux. —Duvin?demanda-t-il. Kolheracquiesça. Lorsque le majordome eut rempli les verres et se fut retiré, Beth prit sa lourde fourchette en argentetseforçaàmanger. — Pourquoi t’as peur de moi maintenant ? demanda Kolher avec, sembla-t-il, une pointe de sarcasmedanslavoix,commesilapeurdeBethl’agaçait. Desafourchette,Bethpiqualasalade. —Hmm?Peut-êtreparcequ’ondiraitquet’esprêtàétranglerquelqu’un? —T’avaisdéjàpeurquandt’esarrivée.Avantmêmedemevoir.Jeveuxsavoirpourquoi. Ellegardalesyeuxrivéssursonassiette. —Peut-êtreparcequ’onm’arappeléquet’asfaillituerundemesamislanuitdernière. —Putain,tuvaspasremettreça! —T’asvoulusavoir,non?rétorqua-t-elle.T’enprendspasàmoisilaréponseteplaîtpas. Kolhers’essuyalabouched’ungesteimpatient. —Jel’aipastué,pasvrai? —Justeparcequejet’enaiempêché. —Etc’estçaquitetravaille?Lesgens,engénéral,aimentjouerleshéros. Ellereposasafourchette. —Tusaisquoi?J’aipasdutoutenvied’êtreavectoilàmaintenant. Ilcontinuaàmanger. —Alorspourquoit’esvenue? —Parcequetum’asinvitée! —Crois-moi,jepeuxsupporterunrefus. Commesiellenecomptaitpaspourlui. —C’étaituneerreur. Elleposasaservietteàcôtédesonassietteetseleva.Iljura. —Assieds-toi. —Medispascequej’aiàfaire. —Jereprends:assieds-toietboucle-la. Elleleregardabouchebée. —Espècedeconnardarrogant! —T’esladeuxièmeàmedireçacesoir,mercibeaucoup. Fritzchoisitcemoment-làpourfairesonentréeavecdespetitspainschauds. BethjetaunregardfurieuxàKolheretfitsemblantdes’êtrelevéepourprendrelabouteillede vin.Ellen’avaitpasl’intentiondepartirdevantFritz.Etpuiselleavaitsoudainenviederester. Pours’engueulerencoreunpeuavecKolher. —Tucherchesquoi,àmetraitercommeça?reprit-ellequandilssefurentdenouveauseuls. Ilterminasasalade,reposalafourchettesurleborddesonassietteet,desaserviette,setamponna lescommissuresdeslèvres.Commes’ilavaitprisdescoursdemaintien. —Onvajouerfranc-jeu,répondit-il.T’asbesoindemoi.Alorsarrêtedegambergersurceque j’aurais pu faire à ce flic. Ton pote Butch est toujours en vie, pas vrai ? Alors c’est quoi le problème? Bethleregardad’unairfurieux.Elles’efforçaitdeliresonregardderrièreseslunettesdesoleil, cherchait un peu de douceur, quelque chose à quoi se raccrocher. Mais les verres sombres dissimulaientcomplètementsesyeuxtandisquesestraitstendusnelaissaientrienparaître. —Commentlaviepeutavoirsipeud’importancepourtoi?sedemanda-t-elleàvoixhaute. Illuidécochaunsourirefroid. —Pourquoilamortenatantpourtoi? Beths’enfonçadanssonsiège.Ellevoulaitêtreleplusloinpossibledelui.Commentavait-ellepu fairel’amour–non,couché–aveclui?Iln’avaitpasdecœur. Soudain,ellesesentitblessée.Nonparcequ’ilsemontraitdurvis-à-visd’elle,maisparcequ’elle était déçue. Elle avait vraiment voulu qu’il soit différent de ce qu’il semblait être. Elle avait voulu croirequelesélansdetendressefaisaientautantpartiedeluiquesescôtésdurs. Ellefrottalarougeurquiluiétaitapparuesurlesternum. —Siçatefaitrien,jepréféreraisrentrer. Ilyeutunlongsilence. —Ah,merde…,murmura-t-ildansunsouffle.C’estpascommeçaqueç’auraitdûsepasser. —Non,eneffet. — J’avais pensé que tu méritais… je sais pas… une sorte de rendez-vous. Un truc normal. (Il éclatad’unriredurtandisqu’elleleregardaitavecsurprise.)C’estcon,hein?Ilvaudraitmieuxque jem’entienneàcequejesaisfaire.Jem’entireraimieuxent’apprenantàtuer. Au-delà de la fierté apparente, elle sentit autre chose. De l’insécurité ? Non, pas ça. Comme il fallaits’yattendreaveclui,c’étaitquelquechosedeplusintense. Delahainedesoi. Fritz entra, débarrassa les assiettes de salade et réapparut avec de la soupe, de la vichyssoise froide.Tiensdonc,pensa-t-ellel’airabsent.Engénéral,onsertd’abordlasoupe,puislasalade.Mais peut-êtrequelesvampiresavaientd’autresmœurs.Commecettecoutume,pourunhomme,d’avoir plusieursfemmes. Sonestomacsecontracta.Non,ellen’allaitpasypenser.Ellerefusaitsimplementd’ypenser. —Écoute,justepourquetusaches,déclaraKolherenprenantsacuiller,jemebatspourprotéger, non parce que je prends mon pied à tuer. Mais j’ai tué des milliers de gens. Des milliers, Beth. Tu comprends?Jepeuxpasfairecommesilamortmetouchait.Jepeuxpas. —Desmilliers?répéta-t-elle,abasourdie. Ilacquiesça. —Ettutebatscontrequi? —Dessalaudsquitetueraientjusteaprèstatransition. —Deschasseursdevampire? — Des éradiqueurs. Des humains qui ont vendu leur âme à l’Oméga en échange d’un règne de terreur. —L’Oméga,c’estqui,ouquoi? Lorsqu’elle prononça le nom, les bougies se mirent à flamboyer furieusement, comme si elles étaienttourmentéespardesmainsinvisibles. Kolherhésita.Lesujetsemblaitlemettremalàl’aise.Luiquin’avaitpeurderien. —Tuveuxdirelediable?reprit-elle. — Pire. C’est pas comparable. Le premier est une métaphore. L’autre est réel. Très réel. Heureusement,l’Omégaaunhomologue,laViergescribe.(Ilesquissaunsourireironique.)Peut-être «qu’heureusement»esttropfort.Maisilyaunéquilibre. —DieuetLucifer. — Peut-être dans ton langage. D’après notre légende, les vampires ont été créés par la Vierge scribecommeseuleetuniquedescendance.L’Omégaluienviaitlepouvoirqu’elleavaitdedonnerla vie et méprisait les pouvoirs qu’elle avait donnés aux vampires. Alors il inventa la Société des éradiqueurs. Il se sert d’humains car il est incapable de créer et les humains ont un potentiel de violencefacilementmobilisable. Tout ça est vraiment trop bizarre, pensa-t-elle. Vendre son âme. Les morts-vivants. Tout ça n’existaitpasdanslemonderéel. Pourtant,elledînaitbeletbienavecunvampire.Toutçaétait-ilréellementimpossible? Ellepensaaubelhommeblondqu’elleavaitvuserecoudre. —Vousêtesplusieursàvousbattre,pasvrai? —Mesfrères.(Ilbutunegorgéedevin.)Quandlesvampiresontprisconsciencequ’ilsétaient menacés, ils ont fait appel aux mâles les plus robustes et les plus vigoureux. Entraînés à se battre. Entraînés à combattre les éradiqueurs. Pendant des générations, ces guerriers ont été unis aux femelles les plus fortes jusqu’à l’émergence d’une sous-espèce distincte de vampires. Les plus puissantsontétéenrôlésdanslaConfrériedeladaguenoire. —Vousêtesdesfrèresdesang? Ileutunpetitsourire. —Façondeparler. Sonvisagesereferma,commesilaquestionétaitpersonnelle.Ellesentitqu’iln’étaitpasdisposé àendireplussurlaConfrérie;maislaguerrequ’ilslivraientsuscitaitbeaucoupdecuriositéchez elle. Surtoutparcequ’elleétaitsurlepointdedevenirl’unedeceuxqu’ilprotégeait. —Donc,tutuesdeshumains. —Oui,mêmesienfaitilssontquasimentdéjàmorts.Pourdonneràsescombattantslalongévité et la force dont ils ont besoin pour combattre, l’Oméga leur prend leur âme. (Une expression de dégoût se forma sur son visage.) Même si avoir une âme n’a jamais empêché un humain de nous pourchasser. —Tu…nenousaimespas,hein? — Premièrement, la moitié de ce qui coule dans tes veines vient de ton père. Deuxièmement, pourquoijedevraisaimerleshumains?Ilsm’ontbattucommeunchienavantmatransitionet,s’ils me cherchent pas d’embrouilles, c’est parce qu’ils sont morts de trouille devant moi. À ton avis, qu’est-ce qui se passerait si le monde connaissait l’existence des vampires ? Les humains nous pourchasseraientmêmesansappartenirauxéradiqueurs.Leshumainssesententmenacéspartoutce quiestdifférentetilscherchentàl’éliminer.Cesontdegrossesbrutesquis’enprennentauxfaibleset chientdansleurfrocdevantlespuissants.(Kolhersecoualatête.)Etpuisilsm’énervent.Ilsuffitde voirlafaçondontleurespècedécritlamienne.IlyaDracula,cesuceurdesangimpitoyablequis’en prend aux faibles. Il y a les films de série B et les pornos. Sans parler de tout ce cirque autour de Halloween : canines en plastique, capes noires. Les seules choses sur lesquelles ces crétins ont vu juste,c’estqu’onboitdusangetqu’onnepeutpass’exposeràlalumièredujour.Toutleresten’est qu’un amas de conneries concocté pour nous aliéner et susciter la peur parmi les masses. Sans compterquetouscesmythessontpropagéspardeshumainslassésdevivrequis’imaginentqueles ténèbresc’estl’éclate. —Maisvousnenouschassezpasvraiment,hein? —Arrêteaveccemot.C’esteux,Beth.Pasnous.Pourlemoment,t’espascomplètementhumaine, etbientôttuleserasplusdutout.(Ilmarquaunepause.)Etnon,jeleschassepas.Maiss’ilssemettent entraversdemonchemin,làilsontdegrosproblèmes. Elle réfléchit à ce qu’il venait de dire en s’efforçant d’ignorer la panique qui s’emparait d’elle chaquefoisqu’ellesongeaitàlatransitionquil’attendait. —Lorsquetut’enesprisàButchcommeça…C’estquandmêmepasun…euh…éradiqueur? —Ilaessayédem’éloignerdetoi.(LamâchoiredeKolherseserra.)Jeferaitoutpourqueça arrivepas.Etmêmes’ilesttonamant,s’ilessaieencore… —Tum’aspromisdenepasletuer. —Jeletueraipas.Maisjeleménageraipas. Dur-à-cuireavaitdusouciàsefaire,pensa-t-elle. —Pourquoitumangespas?demandaKolher.Ilfautquetumanges. Ellebaissalesyeuxsursonassiette.Manger?SavieressemblaitsoudainàunromandeStephen Kingetils’inquiétaitdesonalimentation? —Mange.(Ilfitunsignedetêteendirectiondesonboldesoupe.)Ilfautquetusoisaussiforte quepossiblepourlechangement. Bethpritsacuiller,justepourqu’illuifoutelapaix.Lasoupeavaitungoûtdecolle,mêmesielle devaitêtreparfaiteetparfaitementassaisonnée. —T’esarméencemomentmême,n’est-cepas?demanda-t-elle. —Oui. —Tugardestoujourstesarmes? —Oui. —Etquandona… Ellesetutavantquelesmots«faitl’amour»luiéchappent. Ilsepenchaenavant. —J’aitoujoursunearmeàportéedemain.Mêmequandjeteprends. Bethdéglutit.Lesimagesérotiquess’évanouirentquandellepritconsciencequ’ellesedemandait toujourssielleavaitaffaireàunvraiparanoouunvraitueur. Ahbordel,pensa-t-elle.Kolherétaittoutsaufsimple.Maissûrementpashystérique. Unlongsilences’installaentreeux,jusqu’àcequeFritzdébarrasselesbolsdesoupeetapporte les assiettes d’agneau. Elle remarqua que la viande destinée à Kolher avait été coupée en petits morceaux.Bizarre,sedit-elle. —Ilyaquelquechosequejeveuxtemontreraprèsledîner. Ilpritsafourchetteetduts’yprendreàdeuxfoisavantd’arriveràpiquerquelquesbouchéesde viande. C’estàcemoment-làqu’elleremarquaqu’ilnes’étaitpasmêmedonnélapeinedejeteruncoup d’œilàsonassiette.Sonregardétaitdirigéverslatable. Unfrissonlaparcourut.Untrucclochaitvraiment.Elleregardaattentivementleslunettesdesoleil qu’ilportait. Elle se souvint de ses doigts qui exploraient son visage lors de leur première nuit, comme s’il essayaitdelavoirparletoucher.Puisellepritconsciencequ’iln’enlevaitjamaisseslunettes,comme siellesneservaientpasuniquementàbloquerlalumièremaisàluirecouvrirlesyeux. —Kolher?dit-elled’unevoixdouce. Iltenditlebrasverssonverredevin;samainneserefermaquelorsqu’iltouchalecristaldesa paume. —Quoi?(Ilportaleverreàseslèvres,maislereposa.)Fritz,apportez-nousduvinrouge. —Toutdesuite,maître.(Fritzapportauneautrebouteille.)Maîtresse? —Oui,merci. — Tu voulais me poser une question ? demanda Kolher quand la porte de la cuisine se fut refermée. Elles’éclaircitlavoix.Elledevaitdécoderleschoses.Cherchantdésespérémentunefailleenlui, elleessayaitmaintenantdeseconvaincrequ’ilétaitaveugle. Si elle était maligne, ce qui restait encore à démontrer, elle ferait mieux de lui poser toutes ses questions.Puisderentrerchezelle. —Beth? —Oui…c’estvraiquevousnepouvezpassortirpendantlajournée? —Lesvampiresnesupportentpaslalumièredujour. —Qu’est-cequisepassedanscecas? —Desbrûluresdusecondoudutroisièmedegrédèsl’exposition.Lacombustionseproduitpeu après.Vautmieuxpasjoueravecça. —Maismoi,jepeuxsortirpendantlajournée. —Lechangementnes’estpasencoreproduit.Etpuis,vasavoir!Peut-êtrequetupourrasencore lefaireaprès.C’estdifférentpourceuxquiontunparenthumain.Lescaractéristiquesvampiressont diluées.(Ilbutunegorgée,humectantseslèvres.)Maistuvaspasserparlatransition,cequisignifie quelesangdeAudazsestfortdanstesveines. —Touslescombienjedevrai…menourrir? —Audébut,assezsouvent.Peut-êtredeuxoutroisfoisparmois.Mêmesi,làencore,pasmoyen delesavoiràl’avance. —Aprèslapremièrefois,oùtuseraslà,jeferaicomment… Kolherémitungrognementquilafittaire.Ellelevalesyeuxetsetassasursachaise.Denouveau, ilavaitl’airfurax. —Jemechargeraidetetrouverquelqu’un,déclara-t-il,sonaccentplusmarquéquedecoutume. Jusqu’àcequecemomentarrive,tuteservirasdemoi. — J’espère que ça durera pas trop longtemps, murmura-t-elle en pensant qu’il n’avait pas l’air raviàl’idéedel’avoirsurlesbras. UnrictussedessinasurleslèvresdeKolherlorsqu’ilregardadanssadirection. —T’ashâtedetrouverquelqu’und’autre? —Non,jepensaisjusteque… —Quoi?Tupensaisquoi? Sontonétaitdur,aussidurqueleregardqu’illuijetaitderrièreseslunettesdesoleil. Difficilededireclairementqu’elleavaitl’impressionqu’iln’étaitpasravideseretrouveravec elle.Lerejetlablessaitmêmesiellepensaitqu’elleseraitsûrementmieuxsanslui. —Je…Tohraditquetuétaisleroidesvampires.Jemedisaisquetudevaisêtretrèsoccupé. —Mesgarsferaientmieuxdelaboucler. —C’estvrai?C’esttoileroi? —Non!Aboya-t-il. Siçacen’étaitpasuneportequ’illuiclaquaitenpleinefigure… —T’esmarié?Jeveuxdire,t’asunefemme?Deux,peut-être?demanda-t-elle. Lesmotsseprécipitaienthorsdesaboucheetelleseditqu’elleferaitmieuxdevidersonsac.Il étaitdenouveaud’humeurmassacrante.Cen’étaitpascommesiellerisquaitd’empirerleschoses. —Bordel,non! Sa réponse lui procura une sorte de soulagement. Bien qu’elle soit sans ambiguïté sur ce qu’il pensaitdesrelations. Ellebutunegorgéedevin. —Ilyaunefemmedanstavie? —Non. —Alorscommenttufaispourtenourrir? Unlongsilence.Quin’avaitriend’encourageant. —Ilyaeuquelqu’un. —Eu? —Oui. —Jusqu’àquand? —Dernièrement.(Ilhaussalesépaules.)Onajamaisétéproches.Onallaitpastrèsbienensemble. —Tufaiscommentmaintenant? —Putain!T’esunevraiejournaliste,toi! —Comment? Illaregardapendantunlongmoment.Puissonvisagechangea,commesil’agressivitélequittait. Ilreposadoucementsafourchetteàcôtédesonassietteetplaçasonautremainsurlatable,paume retournée. —Etmerde! Endépitdesonjuron,l’airautourdeluisemblaitplusdoux. Toutd’abord,ellenecrutpasàsonchangementd’humeur,maisilretiraseslunettesdesoleiletse frottalesyeux.Lorsqu’illesremit,elleremarquaquesapoitrines’élargissait,commes’ilcherchaità reprendrelecontrôle. —Beth,jecroisquejevoulaisquecesoittoi.Mêmesijeresteraipaslongtempsdanslesparages aprèstatransition.(Ilsecoualatête.)Putain,jesuisvraimentqu’unpauvrecrétin! Beth cligna des yeux. Elle ressentait une sorte d’excitation sexuelle à l’idée qu’il pourrait boire sonsangpoursurvivre. —Maist’inquiètepas,dit-il.Çaarriverapas.Etjetetrouverairapidementunautremâle. Ilrepoussasonassietteenporcelaineencoreàmoitiéremplie. —Tut’esnourriquandpourladernièrefois?demanda-t-elle. Ellerepensaitàlaterriblepulsiondontelleavaitététémoin. —Lanuitdernière. Bethressentitcommeunepressiondanslapoitrine,commesisespoumonsétaientcongestionnés. —Maistum’aspasmordue. —Ças’estpasséaprèstondépart. Elleimaginauneautrefemmedanssesbras.Lorsqu’ellepritsonverredevin,samaintremblait. Ouah ! Ses émotions battaient toutes sortes de records, ce soir. Terreur, colère, jalousie maladive… Etmaintenant? Dubonheur?Ellen’ycroyaitpastrop. CHAPITRE26 Bethreposasonverredevin,souhaitantêtreenmesuredemieuxsecontrôler. —Çateplaîtpas,hein? —Quoi? —Quejeboivelesangd’uneautrefemelle. Elleéclatad’unriresinistre.Elleseméprisait.Leméprisait.Méprisaittoutelasituation. —Tucherchesàenfoncerleclou? —Non.(Ils’interrompit.)L’idéequ’unjourtumarquerasdetesdentslapeaud’unautremâleet quetuprendrassonsangentoimedonneenviedejouerducouteau. Bethleregardafixement. Danscecas,pourquoiturestespasavecmoi? Kolhersecoualatête. —Maisj’aipasledroitdepensercommeça. —Pourquoi? —Parcequetupeuxpasêtreàmoi.Peuimportecequej’aiditauparavant. Fritzentra,débarrassapuisservitledessert.Desfraisessurdesassiettesenargent.Accompagnées d’unesauceauchocolatetd’unpetitbiscuit. Entempsnormal,BethauraittoutavaléàvitessegrandV,maiselleétaittropchambouléepour manger. —T’aimespaslesfraises?demandaKolheralorsqu’ilenportaituneàsabouche. Sesdentsd’unblancéclatantmordirentlachairrouge.Ellefrissonnaetseforçaàdétournerle regard. —Si. — Tiens. (Il prit une fraise dans son assiette et se pencha vers elle.) Laisse-moi te donner à manger. Desesdoigtseffilés,Kolhermaintenaitfermementlaqueuedufruit,lebrassuspenduenl’air. Ellevoulaitprendrecequ’illuioffrait. —Jesuiscapabledemangertouteseule. —Jesais,dit-ild’unevoixdouce.Maisc’estpaslaquestion. —T’ascouchéavecelle? Kolhercilla. —Lanuitdernière? Elleacquiesça. —Quandtuboisdusang,est-cequetufaisl’amouravecelle? —Non.Etlaisse-moirépondreàtaprochainequestion.Jecoucheavecpersonned’autrequetoià l’heureactuelle. Àl’heureactuelle,serépéta-t-elle. Bethbaissalesyeuxendirectiondesesmains.Ellesesentaitbêtementblessée. —Laisse-moitedonneràmanger,murmura-t-il.Jet’enprie. Bonsang,grandisunpeu!sesermonna-t-elle. Ilsétaientadultes.Aulit,c’étaitgénialentreeux,cequineluiétaitjamaisarrivéavecunhomme avant.Allait-ellevraimentpartirjusteparcequ’elleallaitleperdre? Quand bien même il lui aurait promis un avenir radieux, un homme comme lui n’était pas du genreàseposer.C’étaitunguerrierquibattaitlepavéavecdestypesdesatrempe.Dansladouceur d’unfoyer,ils’ennuieraitcommeunratmort. Pourlemoment,ilétaitlà.Pourlemoment,ellelevoulait. Beth se pencha en avant, entrouvrit les lèvres et prit le fruit entier dans sa bouche. Kolher la regarda faire. Ses narines se dilatèrent. Lorsque le jus du fruit coula le long du menton de Beth, il chuinta. —J’aienviedelécherça,murmura-t-ildansunsouffle. IlsepenchaenavantetsaisitlamâchoiredeBethdanslecreuxdesapaume.Ilpritsaserviette. Bethposasamainsurlasienne. —Aveclalangue. UnsongraveetprofondquivenaitdelapoitrinedeKolherenfladanslapièce. Kolhersepenchaverselleetinclinalatête.Bethaperçutsescanineslorsqu’ilouvritlaboucheet sortitlalangue.Illéchalejusàmêmelapeaupuiss’écarta. Ilséchangèrentunlongregard.Lesbougiesvacillèrent. —Viensavecmoi,dit-ilenluiprenantlamain. Beth n’hésita pas. Elle posa sa main dans la sienne et le laissa l’entraîner loin de la table. Il la conduisit dans le salon, vers le portrait et à travers le mur. Ils descendirent l’escalier, l’obscurité emplieparl’immensitédelaprésencedeKolher. Lorsqu’ils atteignirent le bas des marches, Kolher conduisit Beth dans ses appartements. Beth regardalelit.Ilavaitétéfait;lesoreillersétaientbienalignéscontrelatêtedulit,lesdrapsdesatin semblaient aussi vaporeux qu’une eau calme. Beth sentit tout son corps vibrer au souvenir de ce qu’elleavaitressentilorsqu’ilétaitsurelleetqu’ilallaitetvenaitàl’intérieurd’elle. Ilssedirigeaientdenouveauverslelit,constata-t-elle.Etellemouraitd’impatience. Ungrondementrauqueluifitleverlatêteetregarderpar-dessussonépaule.Kolherlafixaitde sonregardcommesielleétaitunecible. Ilavaitludanssespensées.Ilsavaitcequ’ellevoulait.Etétaittoutdisposéàlasatisfaire. Ils’avançaverselle.Elleentenditlaportesefermeretseverrouiller.Elleregardaautourd’elle, sedemandants’ilyavaitquelqu’und’autredanslapièce.Ilsétaientseuls. Kolherposasamainsursoncouet,desonpouce,l’inclinaversl’arrière. —J’aieuenviedet’embrassertoutelasoirée. Elles’étaitpréparéeàuneétreintevigoureuse,àprendretoutcequ’illuidonnerait.Or,seslèvres effleurèrent sa peau dans un baiser langoureux. Elle sentait son désir dans tous ses muscles tendus, maismanifestementilvoulaitprendresontemps.Ilrelevalatêteetluisourit. Elles’étaittotalementhabituéeauxcanines,pensa-t-elle. — Ce soir, on va prendre notre temps, déclara-t-il. Elle l’arrêta avant qu’il l’embrasse de nouveau. —Attends.J’aiquelquechoseàte…T’asdespréservatifs? Ilfronçalessourcils. —Non,pourquoi? —Pourquoi?T’aspasentenduparlerdesMST? —Jesuispasporteurdecesmaladies;ettoi,tupeuxrienmerefiler. —Qu’est-cequet’ensais? —Lesvampiresnesontpasréceptifsauxvirushumains. —Cequiveutdirequetupeuxavoirtouslesrapportssexuelsquetuveux?Sansrienrisquer? Ilacquiesça,etellesesentitsaisied’unlégermalaise.MonDieu,aveccombiendefemmesilavait dû… —Enplus,t’espasfertile,ajouta-t-il. —Qu’est-cequet’ensais? — Crois-moi. On le saurait tous les deux si c’était le cas. Et puis t’auras pas tes premières chaleursavantcinqansenvironaprèslatransition.Etmêmeàcemoment-là,laconceptionn’estpas garantiecar… —Attends.C’estquoiencorecettehistoiredechaleurs? —Lesfemellessontfertilesàpeuprèstouslesdixans.C’estunevraiechance. —Pourquoi? Ilseraclalagorge.Semblamêmeunpeugêné. — C’est une période dangereuse. Tous les mâles sont réceptifs à différents stades quand ils se trouventprèsd’unefemmependantcettepériode.Ilssontincapablesdesecontrôler.Ilpeutyavoir desbagarres.Etlafemelle,elle…euh…lespulsionssonttrèsintenses.C’estcequel’aientendudire. —T’aspasd’enfants? Ilsecoualatête.Puisfronçalessourcils. —MonDieu! —Quoi? —Jet’imaginaispendantcettepériode.(Soncorpsvacillacommes’ilavaitfermélesyeux.)Je m’imaginaisêtrel’undeceuxquetuutiliserais. Undésirsexuelintenseémanadelui.Ellesentitcommeunebourrasquedansl’air. —Çadurecombiendetemps?demanda-t-elled’unevoixrauque. —Deuxjours.Silafemelleest…biensatisfaiteetbiennourrie,ellerécupèrevite. —Etl’homme? —Lemâleesttotalementépuiséàlafin.Commeasséché.Vidédesonsangaussi.Illuifautplus de temps pour récupérer, mais j’ai jamais entendu personne s’en plaindre. Jamais. (Il marqua une pause.)Çameplairaitd’êtreceluiquitesoulage. Ilreculabrusquement.Ellesentitcommeuncourantd’airfroidquandsonhumeurchangeaetque s’évanouitlachaleurdudésir. —Maisceseraledevoird’unautremâle.Etsonprivilège. Sontéléphoneportablesemitàsonner. Alorsqu’illesortaitdesapocheintérieuredansungrondementféroce,ellesesentitdésoléepour lapersonnequisetrouvaitauboutdufil. —Quoi? Ilyeutunepause. Ellesedirigeaverslasalledebainspourluilaisserunpeud’intimité.Etaussiparcequ’elleen avaitbesoinégalement.Lesimagesquisesuccédaientdanssatêteluidonnaientunesortedevertige. Deuxjours.Deriend’autrequelui? Quand elle regagna la chambre, Kolher était assis sur le sofa, les coudes sur les genoux, à ruminer. Il avait enlevé sa veste et ses épaules paraissaient très larges dans la chemise noire qu’il portait.Elles’approchaetentraperçutl’éclatd’unrevolversouslaveste.Ellefrissonnaunpeu. Il releva la tête quand elle prit place à ses côtés. Elle aurait aimé pouvoir mieux lire en lui et regrettaqu’ilporteseslunettesdesoleil.Elletenditlamainverssonvisage,caressalalignedurede sajoue,samâchoirevigoureuse.IlentrouvritleslèvrescommesilacaressedeBethluicoupaitle souffle. —Jeveuxvoirtesyeux,dit-elle. Ilsereculaunpeu. —Non. —Pourquoi? —Àquoibon? Ellefronçalessourcils. —Avecceslunettes,c’estdurdesavoircequetupenses.Etlà,maintenant,j’aimeraissavoirce quetupenses. Oucequetusens,cequiestencoreplusimportant. Ilhaussalesépaules. —Commetuvoudras. Commeiln’esquissaitaucungestepourlesretirer,elleapprochalamainetfitglisserleslunettes sur son visage. Il avait les paupières baissées et ses cils noirs contrastaient fortement avec la blancheurdesapeau.Iln’ouvritpaslesyeux. —Tuveuxpasquejelesvoie? Ilcontractasamâchoire. Elle regarda les lunettes. Lorsqu’elle les leva devant la flamme d’une bougie, elle ne voyait quasimentrienàtravers,tantellesétaientfoncées. —T’esaveugle,c’estça?demanda-t-elled’unevoixdouce. Seslèvresseretroussèrent,maispasdansunsourire. —Tutedemandesmaintenantsijepourraisprendresoindetoi? Son hostilité ne la surprit nullement. Elle imaginait qu’un homme comme lui devait détester la moindredesesfaiblesses. —Non,c’estpasçadutout.Jevoudraisjustevoirtesyeux. D’ungestesoudain,Kolherl’attiracontrelui.Ellefutdéséquilibréeetseulelaforcedesbrasdu vampirel’empêchadetomberausol.Elleremarqualerictussinistredesabouche. Lentement,ilsoulevalespaupières. Betheneutlesoufflecoupé. LesirisdeKolherétaientd’unecouleurexceptionnelle,d’unvertpâleluminescent,sipâlesqu’ils en étaient presque blancs. Bordés par ses cils noirs et épais enfoncés dans leurs orbites, ses yeux étincelaientcommes’ilsétaientallumésdel’intérieurdesoncrâne. Puiselleremarquasespupilles.Malformées.Deminusculestachesnoiresentêted’épingle. Elleluicaressalevisage. —Tesyeuxsontmagnifiques. —Ilssontinutiles. —Magnifiques. Elleleregardatandisqu’ilexaminaitsonvisage.Ilplissafortementlesyeux,commes’ilessayait detoutessesforcesdevoir. —Çaatoujoursétécommeça?murmura-t-elle. — Mon handicap visuel remonte à ma naissance. Ma vue a empiré après la transition et va probablementdevenirencoreplusmauvaiseaufildutemps. —Donctupeuxvoir? —Oui.(IlpassasamaindanslescheveuxdeBeth.Quandlesbouclesroulèrentsursesépaules, elle prit conscience qu’il retirait une à une les épingles de son chignon.) J’aime quand tes cheveux sontlâchés,parexemple.Etjesaisquetuestrèsbelle. Desesdoigts,KolhersuivitlescontoursduvisagedeBeth,puisdescenditlégèrementlelongde soncouetdesaclavicule.Sesdoigtscontinuèrentleurexplorationetouvrirentuncheminentreses seins. Bethsentitsoncœurbattreàtoutrompre.Sespenséesralentirent.Lemondes’évanouitetiln’y eutplusqueKolher. — On fait tout un plat autour de la vue, murmura-t-il tandis qu’il posait sa paume contre le sternum de Beth. (Elle en ressentit tout le poids. Sa chaleur. Un avant-goût du poids de son corps lorsqu’ilseraitallongésurelle.)Letoucher,legoût,l’odorat,l’ouïe.Lesquatreautressenssonttout aussiimportants. Il se pencha vers elle et plaqua sa bouche dans son cou. Elle ressentit comme une légère égratignure.Sescanines,pensa-t-elle.Quicouraientlelongdesagorge. Ellevoulaitqu’illamorde. Kolherinspiraprofondément. —Leparfumdetapeaumefaitbander.Instantanément.Ilmesuffitdesentirtonodeur. Ellesecabradanssesbras,sefrottacontresescuisses,poitrinedressée.Ellelaissatombersatête enarrièreetémitunpetitgrognement. —Ah,j’aimeceson,dit-il.(Ilremontasamainetlaposasurlabasedesagorge.)Encore,Beth. Illuiléchalecou.Ellegémitdenouveau. —Ouais,c’estça.C’estça. Denouveau,illaissacourirsesdoigts,cettefoissurlenœuddesarobe,qu’ildéfit. —J’aipasvouluqueFritzchangelesdraps. —Quoi?murmura-t-elle. —Dulit.Aprèstondépart.Jevoulaissentirtonodeurquandj’yétaiscouché. Sarobes’ouvrit.Elleressentitdel’airfraissursapeautandisquelamaindeKolherremontaitle longdesonbuste.Auniveaudusoutien-gorge,ildécrivitdescerclesautourdubonnetendentelle,de plusenpluspetits,jusqu’àcaressersonmamelon. Beth, le corps agité d’une secousse, agrippa les épaules de Kolher. Ses muscles étaient tendus à l’extrêmeàforcedelamaintenirdanscetteposition.Elleregardasonvisageterribleetmagnifique. SesyeuxétincelaientlittéralementetlalumièresereflétaitsurlapoitrinedeBeth.Lapromesse d’unrapportsexuelaussipassionnéqu’intenseetlafaimqu’ilavaitdelaposséderétaientmanifestes dans la crispation de sa mâchoire. Dans la chaleur de son corps. Dans la tension qui saisissait ses jambesetsapoitrine. Maisilrestaitpleinementmaîtredelui-même.Etd’elle. —Tusais,j’aiététroppressantavectoi,dit-il. Ilbaissalatêteverslaclaviculedelajeunefemme.Illamorditlégèrement,sansécorchersapeau. Puisilpassasalangueàl’endroitdélicatoùill’avaitmordue.Ildescenditverssonsternum. —Jet’aipasencoreprisecommeilfaut. —J’ensuispassisûre,répondit-elled’untonbrusque. Il éclata de rire, un long grondement, son souffle chaud et humide sur la peau de Beth. Il lui embrassa les seins, puis saisit son mamelon dans sa bouche à travers la dentelle. De nouveau, elle s’arc-bouta,aveclasensationqu’unbarrageavaitrompuentresesjambes. Kolherrelevalatête,unsourired’anticipationsurleslèvres. D’ungestedoux,ilfitglisserlabretelledesonsoutien-gorgeetretiraladentelle.Sonmamelon devint plus dur encore. Elle le regarda enfouir sa tête brune contre sa peau blanche. Sa langue, brillanteetrose,commençaàlalécher. Sesjambess’écartèrentd’elles-mêmes,etilritdenouveau,unriremasculindesatisfaction. Ilglissalamaindanslesplisdesarobe,caressasahancheetprogressaverssonventre.Iltrouva laceinturedesaculotteetglissasondoigtsousladentelle.Unpeu. Il imprima à son doigt un mouvement d’aller et retour, chatouillement sensuel à quelques centimètresdel’endroitoùelledésiraitqu’ilaille.Oùelleavaitbesoinqu’ilaille. —Encore,dit-elle.Encore. LamaindeKolherdisparutentièrementsousladentellenoire.Bethpoussauncrilorsquesamain touchasonsexechaudethumide. —Beth? Elleétaitàpeineconsciente.Consuméetotalementparsacaresse. —Hmm? —Tuveuxsavoirquelgoûttuas?murmura-t-il,latêtecontresesseins. Sonlongdoigts’introduisitdanssoncorps.Commes’ilvoulaitqu’ellesachequ’ilneparlaitpas desabouche. Ellel’agrippaàtraverssachemiseensoie,legriffantdesesongles. —Lapêche,dit-il.(Desabouche,ildescendaitlelongdesonventreetembrassaitsapeau.)C’est commegoûterunepêche.Delachairsoyeusesurmeslèvresetmalanguequandjetelèche.Douceet sucréedansmagorgelorsquej’avale. Prochedel’orgasme,elleémitungémissement,commesielleperdaitlaraison. D’ungesterapide,illapritdanssesbrasetl’entraînaverslelit.Lorsqu’ill’allongea,ilécartases jambesdesatêteetposalabouchecontreladentellenoireentresescuisses. Elle gémit et enfouit ses mains dans la chevelure de Kolher. Kolher retira le lien de cuir. Des vaguesnoiresroulèrentsurleventredeBeth,commelebattementdesailesd’unfaucon. —Lapêche,répéta-t-il.(Illuienlevasaculotte.)Etj’adorecefruit. L’éclatterribleetmagnifiquedesesyeuxparcouruttoutlecorpsdeBeth.PuisKolherbaissade nouveaulatête. CHAPITRE27 Haversdescenditdanssonlaboratoireetfitlescentpas,sespantouflesclaquantcontrelelinoléum blanc. Aprèsavoirfaitdeuxfoisletourdelapièce,ils’arrêtadevantsonpostedetravail.Ilcaressale cou émaillé et gracieux de son microscope. Jeta un regard à l’armée de vases en verre et aux bataillonsdefiolessurlesétagères.Ilentenditleronronnementdesréfrigérateurs,lebourdonnement del’unitédeventilationauplafond.Captal’odeuraseptiséedudésinfectant. Cetenvironnementscientifiqueluirappelasesobjectifsderecherche. Lafiertéqu’ilretiraitdesescapacitésintellectuelles. Il se considérait comme un être civilisé. Capable de gérer ses émotions. De réagir de façon logiqueauxstimuli.Maiscettehaine,cettecolère,nepouvaitpasêtreainsirégentée.L’émotionétait tropviolente,tropénergisante. Iléchafaudaitdesplansdanssatête,desplansviolents. Maisqu’est-cequ’ilcroyait?S’ilosaitbrandirneserait-cequ’uncouteausuissesouslenezde Kolher,c’estbienlui,Havers,quiseretrouveraitàpisserlesang. Ilavaitbesoindequelqu’unrompuàtuer.Quelqu’unsusceptibled’approcherleguerrier. La solution s’imposa à lui dans toute son évidence. Il sut vers qui se tourner et comment le trouver. Haverssedirigeaverslaporte,unsouriredecontentementsurleslèvres. Maislorsqu’ilaperçutsonrefletdanslemiroirquisurplombaitlelavaboévasédulaboratoire,il se figea instantanément. Ses yeux fuyants brillaient d’un éclat trop vif et trop intense. Le sourire mauvaisqu’ilaffichaitluiétaittotalementétranger.L’échauffementsursonvisageétaitl’anticipation d’uneissueterrible. Ilnesereconnutpassouscemasquedevengeance.Ilhaïssaitcequ’ilvoyait. Oh,monDieu! Comment pouvait-il ne serait-ce que nourrir de telles pensées ? Il était médecin. Soignant. Il se consacraitàsauverdesvies,pasàlesprendre. Marissaavaitditquetoutétaitfini.Elleavaitrompul’engagement.EllenereverraitplusKolher. Pourtant,neméritait-ellepasd’êtrevengéepourlafaçondontelleavaitététraitée? Le moment était venu de frapper. L’action à l’encontre de Kolher devait être pensée indépendammentdeséventuellesrépercussionssurMarissa. Havers sentit un frisson le parcourir et supposa que c’était de l’horreur face à l’ampleur de ce qu’il envisageait. Puis son corps vacilla, et il dut se retenir pour ne pas tomber. Le vertige qui le saisissaitchamboulaittoutautourdelui;Haverstitubaets’effondrasurunechaise. Lesoufflecourt,ildéfitsonnœudpapillonpourmieuxrespirer. Lesang,songea-t-il,latransfusion. Çanefonctionnaitpas. Saisi de désespoir, il tomba à genoux. Terrassé par son échec, il ferma les yeux et se laissa sombrerdanslenéant. Kolherroulasurlecôté,sanscesserd’enlacerBeth,leursdeuxcorpsunis.Tandisquesonsexeen érection était encore en elle, il repoussa vers l’arrière les cheveux de son amante, humides de sa sueurdélicate. Elleestàmoi. Ilembrassaseslèvresetconstataavecplaisirqu’ellecontinuaitàrespirerfort. Illuiavaitfaitl’amourcommeilfallait,pensa-t-il,lentementetdefaçondéterminée. —Tuvasrester?demanda-t-il. Elleéclatad’unrirerauque. —Jesuispassûredepouvoirbougerpourlemoment.Alorsoui,jecroisquerestercouchéeici estunebonneoption. IlappuyaseslèvrescontrelefrontdeBeth. —Jeseraideretourjusteavantl’aube. Alorsqu’ilseretiraitducoconchauddesoncorps,ellerelevalatête. —Oùtuvas? —J’aiunrendez-vousavecmesfrères;puisondoitsortir. Il sortit du lit et se dirigea vers le placard, s’habilla de cuir et fixa son holster autour de ses épaules.Ilglissaunedaguedechaquecôtéetpritsonblouson. —Fritzresteici,ajouta-t-il.Sit’asbesoindequelquechose,décrochelecombinéetcomposele 40.Çasonneenhaut. Bethenroulaledrapautourdesoncorpsetseleva. —Kolher,dit-elleenluitouchantlebras.Reste.Ilsepenchapourluidonnerunrapidebaiser. —Jevaisrevenir. —Tuvastebattre? —Oui. —Maiscommentc’estpossible?T’es…Elles’interrompit. —Jesuisaveugledepuistroiscentsans. Betheneutlesoufflecoupé. —T’essivieuxqueça? Kolheréclataderire. —Ouais! —Jedoisadmettrequet’esbienconservé!(LesouriredeBeths’évanouit.)Etmoi,combiende tempsjevaisvivre? Kolhersentitlefroidl’envahiretsoncœurmanquaunbattement. Etsiellenesurvivaitpasàlatransition? Ilsentitsonestomacseretourner.Lui,quiétaitcommeculetchemiseaveclaGrandeFaucheuse, éprouvaitsoudaindesnœudsàl’estomacetunepeurdelamort. Maiselles’ensortira,pasvrai?Pasvrai? Ilpritconsciencequ’ilavaitlevélesyeuxversleplafondetsedemandaàquiils’adressait.La Viergescribe? —Kolher? IlattiraBethcontreluietlaserrafort,commes’ilpouvaitphysiquementlaprotégerd’undestin funeste. — Kolher, dit-elle dans le creux de son épaule. Kolher, mon cœur, je peux plus… je peux plus respirer. Immédiatement,ildesserrasonétreinteetbaissalesyeuxsurelle,essayantdefixersonregardsur elle.L’effortfitsaillirsestempes. —Kolher,qu’est-cequisepasse? —Rien. —T’aspasréponduàmaquestion. —Parcequej’aipaslaréponse. Elle sembla décontenancée, mais se reprit et se hissa sur la pointe des pieds. Elle lui déposa un baisersurleslèvres. —Quelquesoitletempsquej’aie,j’aimeraisqueturestesavecmoicettenuit. Onfrappaàlaporte. —Hé,Kolher?(LavoixdeRhagesepropageaàtraversl’acier.)Onesttouslà. Bethreculaetserralesbrasautourd’elle.Ilsentitque,denouveau,elleserefermait. Ilétaittentédel’enfermerdanslapièce,maisnepouvaitsupporterl’idéedelatraitercommeune prisonnière. Et son intuition lui disait que, même si elle souhaitait vivement que les choses soient autrement, elle était résignée à son destin, tout comme au rôle que Kolher y jouait. À ce stade, les éradiqueursneconstituaientpasundangerpourelle,carilslapercevaientcommeunehumaine. —Tuseraslàquandjerentrerai?demanda-t-ilenpassantsonblouson. —Jesaispas. —Situpars,j’aibesoindesavoiroùtetrouver. —Pourquoi? —Lechangement,Beth.Lechangement.Écoute,tuseraisplusensécuritésiturestais. —Peut-être. Ilgardapourluilejuronquiluimontaitauxlèvres.Iln’allaitpaslasupplier. — L’autre porte dans le couloir, dit-il. Elle mène à la chambre de ton père. Peut-être que tu aimeraisyjeteruncoupd’œil. Kolherpartitavantdeseridiculiser. Lesguerriersnesuppliaientpas.Ilsdemandaientmêmerarement.Ilsprenaientcequ’ilsvoulaient ettuaients’ilsledevaient. Maisilespéraitvraimentqu’elleseraitlààsonretour.Ilaimaitl’idéequ’ellerestedormirdans sonlit. Bethserenditdanslasalledebainsetpritunedouche,laissantl’eauchaudecalmersesnerfsàvif Lorsqu’elleensortit,elleseséchaetremarquaunpeignoirnoirsuspendu.Ellelepassa. Elle renifla les revers et ferma les yeux. L’odeur de Kolher l’imprégnait complètement, un mélangedesavon,d’après-rasageetde… Unvampiremâle. MonDieu.Toutçaétaitvraimentréel? Elleregagnalachambre.Kolheravaitlaisséleplacardouvert;elles’ydirigeapourjeteruncoup d’œilàsesvêtements.Elledécouvritàlaplaceunecachetted’armesquilasaisitd’effroi. Elleregardalaportequimenaitàl’escalier.Ellepensaits’enallermais,mêmesiellelesouhaitait vivement,ellesavaitqueKolheravaitraison.Elleétaitplusensécuritéici. Sanscompterquelachambredesonpèreconstituaitunattraitindéniable. Elle irait y faire un tour, en espérant que ce qu’elle y découvrirait ne lui donnerait pas de palpitations.Avecsonamant,elleavaitdéjàplusquesoncomptedechocs. Arrivéesurlepalierdubas,elleresserralesreversdupeignoir.Leslanternesàgaztremblotaient etdonnaientl’impressionquelesmursétaientvivants.Elleregardalaporteenface.Avantdeperdre toutcontrôled’elle-même,ellesedirigeaverselle,ensaisitlapoignéeetl’ouvrit. Del’autrecôté,ellefutaccueillieparl’obscurité;unmurnoirsemblableàunpuitssansfondou l’espace infini. Elle franchit le montant et toucha la paroi, espérant trouver un commutateur et non unebêtequilamordrait. Pasdechancecôtélumière.Maisuneminuteplustard,samainétaittoujoursàl’extrémitédeson bras. Elle avança dans le vide, se déplaçant lentement sur la gauche, puis son corps heurta un objet volumineux. Avec les poignées en laiton et l’odeur de cire citronnée, elle en déduisit qu’il devait s’agird’unecommode.Ellepoursuivitsonexploration,àtâtons,jusqu’àcequ’elletrouveunelampe. Celle-cis’allumaenproduisantuncliquetis;lalueurluifitclignerdesyeux.Labasedelalampe étaitenfineporcelaineorientale;latablesurlaquelleelleétaitposée,enacajou,présentaitderiches ornements.Nuldoutequel’appartementdesonpèreétaitmeublédanslemêmestyleluxueuxqueles piècesàl’étage. Lorsquesesyeuxsefurentadaptésàl’obscurité,Bethregardaautourd’elle. Oh…Mon…Dieu… Partout,desphotosd’elle.Noiretblanc,portraits,photoscouleur.Dessus,elleavaittouslesâges, de l’enfance à la vingtaine, à l’université. Une des photos était très récente et devait avoir été prise alors qu’elle quittait les locaux du Caldwell Courier Journal. Elle se souvenait de ce jour-là. Il neigeaitpourlapremièrefoisdel’hiveretelleriait,lesyeuxlevésversleciel. Laphotodataitdehuitmois. Lapenséequ’elleauraitpurencontrersonpèrequelquesmoisauparavantlafrappadanstoutesa véritétragique.Quandétait-ilmort?Quellevieavait-ileue? Une chose était claire : il avait un goût sûr. Du style. Et, de toute évidence, il appréciait le raffinement. La chambre de son père était resplendissante. Sur les murs d’un rouge profond était exposée une autre collection spectaculaire de paysages de l’école d’Hudson River dans des cadres dorés.Ausol,destapisorientauxbleu,rougeetor,quirayonnaientcommedesvitraux.Maislejoyau delapièceétaitsanscontestelelit.Sastructuremassive,sculptéeàlamain,étaitornéedetenturesen veloursd’unrougeprofondquipendaientd’unbaldaquin.Surlechevetàcôtédulitsetrouvaientune lampeetuneautrephotod’elle.Surladroite,unréveil,unlivreetunverre. Ilavaitdormidececôté-là. Beth s’approcha et saisit le livre relié. Il était en italien. Sous le livre était placé un magazine. Forbes. Elleremitlelivreetlemagazineenplaceetregardaleverre.Ilcontenaitencoreunpeud’eau. Elle inspecta la pièce autour d’elle, à la recherche de vêtements ou d’une valise qui auraient pu suggérer la présence d’un invité. Son regard fut attiré par le bureau d’acajou de l’autre côté de la pièce. Elle s’y dirigea et prit place dans une chaise à l’allure de trône, dont les bras massifs l’enveloppèrent.Prèsdusous-mainencuirsetrouvaitunepetitepiledepapiers.Desfacturespourla maison.L’électricité.Letéléphone.Lecâble.ToutesaunomdeFritz. Toutétaitsi…normal.LebureaudeBethétaitluiaussiencombrédefacturessimilaires. Bethjetauncoupd’œilauverreposésurlatabledechevet. Savieavaitprisfinbrutalement,songea-t-elle. Se faisant l’effet d’une intruse, mais incapable de résister, elle ouvrit le mince tiroir sous le bureau. Des stylos Montblanc, des attache-lettres, une agrafeuse. Elle referma le tiroir, puis en inspecta un autre, plus grand. Il était rempli de dossiers. Elle en prit un. Il s’agissait de dossiers financiers… Bordel de Dieu ! Son père était plein aux as. Blindé. Elle jeta un coup d’œil à une autre page. Blindé;desmillionsdemillionsdemillions. Elleremitledossierenplaceetrefermaletiroir.L’étatdesesfinancesexpliquaitlamaison.Les œuvresd’art.Lavoiture.Lemajordome. Près du téléphone se trouvait une photo d’elle dans un cadre en argent. Elle la prit en essayant d’imaginersonpèreentraindelaregarder. Yavait-ilquelquepartunephotodelui?sedemanda-t-elle. Est-ilseulementpossible,techniquementparlant,deprendreunvampireenphoto? Ellerefitletourdelapièceetregardachacundescadres.Elle.Ellen’yavaitqu’elle. Bethserapprocha. D’unemaintremblante,ellesaisituncadredoré. Ilcontenaitunephotoennoiretblancd’unefemmeauxcheveuxnoirsquiregardaittimidement endirectiondel’appareil.Elleavaitlamainportéeàsonvisage,commesielleétaitgênée. Cesyeux,songeaBethavecperplexité.Touslesjoursdesavie,elleavaitregardélesmêmesdans lemiroir. Samère. Ellepassaledoigtsurleverreducadre. Elle s’assit machinalement sur le lit et leva la photo aussi près que possible sans que sa vue se brouille. Comme si la proximité avec cette photo avait pu abolir la distance, le temps, la conduire auprèsdelafemmesurlaphoto. Samère. CHAPITRE28 Voilà qui était mieux, songea M. X en portant sur son épaule un vampire civil inconscient. Il avançaitàpasrapidesdanslaruelle,puisouvritl’arrièreduminivanetydéposasaproiecommeun sacdepommesdeterre.Iljetaunecouvertureenlainesurlecorps. Ilsavaitquesonsystèmed’approvisionnementfonctionnaitetqu’opterpouruntranquillisantplus fort(l’acépromazineaulieuduDemosedan)faisaittouteladifférence.Sonintuitionavaitétébonne,à savoirprivilégierlestranquillisantspourchevauxaulieudessédatifsmisaupointpourleshumains. Ilavaitnéanmoinsfalludeuxfléchettesd’acépromazineavantquelevampires’effondreausol. M.Xjetauncoupd’œilpar-dessussonépauleavantdes’installerderrièrelevolant.Laprostituée qu’ilavaittuéegisaitdansuncollecteurd’eauxpluviales,sonsangsaturéd’héroïnes’infiltrantdans les eaux usées. La fille avait même poussé la gentillesse jusqu’à lui filer un coup de main pour l’injection.Biensûr,elles’attendaitàunedosed’héroïnepure. Outoutdumoinsàunedosesuffisantepourendormirunélan. Lapolicelaretrouveraitaupetitmatin.Commetoujours,M.Xavaitfaitleschosesproprement: gantsenlatex,chapeaurivésurlatêtequidissimulaitsescheveux,vêtementsennylondensequine laisseraientpasdefibres. Et,Dieuluienétaittémoin,lafillenes’étaitpasdutoutdébattue. Calmement,M.XmitlemoteurenmarcheetrejoignitTradeStreet. Par anticipation, de la sueur perla au-dessus de sa lèvre supérieure. L’excitation, la décharge d’adrénaline qu’il avait ressentie dans son corps lui faisait regretter l’époque où il pouvait encore avoir des rapports sexuels. Même si le vampire ne lui donnait aucune information, le reste de la soirées’annonçaitplaisant. Ilcommenceraitparlemarteau,pensa-t-il. Non,lafraisededentisteseraitplusappropriée.Souslesongles. Le mâle reviendrait immédiatement à lui. Ça ne rimait à rien de le torturer alors qu’il était inconscient. C’était comme donner des coups de pieds dans un cadavre ; ce ne serait qu’un échauffement.Despluslégers.Illesavaitpertinemment,comptetenudecequ’ilavaitinfligéaucorps desonpèrequandill’avaitdécouvert. Il entendit un son à l’arrière. Il regarda par-dessus son épaule. Sous la couverture, le vampire bougeait. Bien.Ilétaitvivant. M.Xdirigeadenouveausonregardsurlarouteetfronçalessourcils.Ilsepenchaversl’avantet agrippalevolant. Devant,desfeuxstops’étaientallumés. Lesvéhiculesétaientàl’arrêt,l’underrièrel’autre.Descônesorangeétaientdisposéssurlaroute. Deséclairsbleusetblancsannonçaientuneprésencepolicière. Unaccident? Non. Un barrage routier. Deux flics, lampes torches à la main, inspectaient les voitures. Un panneauaveclamention«POINTDECONTRÔLEDEL’ALCOOLÉMIE». M. X écrasa la pédale de frein. Il fouilla dans son sac noir, en sortit le pistolet à fléchettes et décocha une autre flèche au vampire pour le réduire au silence. Avec les vitres foncées et la couverturenoire,lesflicsauraientdumalàledécouvrir.Tantquelemâlenebougeaitpas. Quandcefutàsontour,M.Xabaissalavitretandisquelepolicierapprochait.Salampetorche éclairaletableaudebord. —Bonsoir,officier,ditM.Xd’untonaimable. —Vousavezbucesoir,monsieur? Le flic était un quidam d’âge moyen. Autour de la cinquantaine. Avec une moustache qui aurait méritédessoinsplussoutenus.Descheveuxgrisquijaillissaientdesoussonchapeaucommedela mauvaiseherbe.Sicen’étaitlecollierantipucesetlaqueue,ilavaittoutduchiendeberger. —Non,officier. —Maisjevousconnais! —Ahbon? Le sourire de M. X s’élargit tandis que son regard se rivait sur la gorge de l’homme. La frustrationluifitsongeraucouteauqu’ildissimulaitdanslaportièredelavoiture.Iltenditlebraset, dudoigt,effleuralapoignéedelaportièrepoursecalmer. —Oui,vousenseignezlejujitsuàmonfils. Quandlepoliciersepenchaenarrière,lalueurdesalampetorchesedéportasurlecôtéetvint éclairerlesacnoirposésurlesiègepassager. —Darryl,approchequejeteprésentelesenseidePhillie. Tandis que l’autre policier s’approchait d’un pas tranquille, M. X s’assura que le sac était bien fermé.Cen’étaitpaslapeinedelaisservoirlepistoletàfléchettesouleGlockneufmillimètresqu’il renfermait. Pendant cinq bonnes minutes, il échangea des amabilités avec les hommes en bleu tout en imaginantlesmultiplesfaçonsdelesfairetaire. Lorsqueenfinilredémarra,ilserenditcomptequ’iltenaitlecouteaudanslamain,quasimentsur sesgenoux.Ilavaitsoncompted’agressivitéàévacuer. Kolherfixalecontourfloudubâtimentcommercialàunétage.Depuisdeuxheures,Rhageetlui étaient en planque devant l’académie des arts martiaux de Caldwell, pour repérer une éventuelle activité nocturne. L’académie occupait l’extrémité d’un petit centre commercial, devant une rangée d’arbres.Rhage,quiavaitsurveilléleslieuxlanuitprécédente,enestimaitlatailleàquelquesixcents mètrescarrés. Largementdequoiabriteruncentred’éradiqueurs. Leparkingavaitétéaménagéàl’avantdubâtiment,surtoutelalongueur,etoffraitdechaquecôté entredixetquinzeplacesdestationnement.Unedoubleportevitréeàl’entrée.Uneentréelatéraleà deuxportes.Deleurposted’observationdanslesbois,KolheretRhageavaientvuesurleparkinget lesentréesdubâtiment. Lesautressitesavaientmenéàdesimpasses.DanslasalledefitnessGold’sGymseregroupaient desférusdegonflette.Leclubfermaitàminuit,rouvraità5heuresdumatinetn’avaitconnuaucune activité suspecte au cours des nuits précédentes. Idem pour le club de paint-ball, où un calme plat régnait dès la fermeture des portes. Les académies d’arts martiaux constituaient les pistes les plus sérieuses;Viszsetlesjumeauxsurveillaientlaseconde. Bienqueleséradiqueurspuissents’exposeràlalumièredujour,ilschassaientlanuit,carc’étaità cemoment-làquesortaientleurscibles.Àmesurequel’aubeapprochait,lescentresderecrutementet d’entraînement de la Société étaient souvent utilisés comme lieux de rassemblement, mais pas toujours.Enoutre,commeleséradiqueurschangeaientfréquemmentd’endroit,unlieupouvaitêtre trèsactifpendantunmois,unesaisonouuneannéeettotalementdésertéparlasuite. LamortdeAudazsneremontaitqu’àquelquesjours,etKolherespéraitquelaSociétén’avaitpas encoredéménagé. Iltouchasamontre. —Bonsang,ilestpresque3heures. Rhagebougeaderrièrel’arbreoùilsecachait. —J’imaginequeçaveutdirequeTohrneviendrapascesoir. KolherhaussalesépaulesetespéravivementqueRhagechangedesujet. Cequ’ilnefitpas. —Çaluiressemblepas.(Rhagemarquaunepause.)Maisçaapastropl’airdetesurprendre. —Non. —Pourquoi? Kolherfitcraquersesarticulations. —Jeluiaicherchédesembrouilles.J’auraispasdû. —J’aipasbesoindesavoir. —C’estmieuxcommeça.(Puis,pourquelqueraisonobscure,ilpoursuivit.)Jedoism’excuser auprèsdelui. —Çaseraitunepremière. —Jesuissiterriblequeça? — Non, répondit Rhage sans fanfaronner comme à son habitude. C’est juste que tu te trompes rarement. —Maisj’aicarrémentmerdéavecTohr. Rhageluiadministraunetapedansledos. — Pour être celui qui s’embrouille souvent avec les autres, laisse-moi te dire un truc : presque toutpeuts’arranger. —J’aiparlédeWellsie… —C’étaitpeut-êtrepasunebonneidée. —Etdecequ’ilressentpourelle. —Merde! —Ouais,tul’asdit.T’imaginespasàquelpoint. —Pourquoi? —Parcequeje… Parcequ’ilsesentaitstupideàl’idéededétruireneserait-cequ’unemiettedecequeTohravait réussiàfairedepuisdeuxsiècles.Endépitdesamissiondeguerrier,Tohravaitétabliunerelation avecunefemelledevaleur.Leurunionétaitforteetaimante.IlétaitleseuldelaConfrérieàyêtre parvenu. KolherpensaàBeth.L’imaginaquis’avançaitverslui,luidemandantderester. Ah, il espérait vraiment la retrouver dans son lit à son retour. Et pas parce qu’il voulait la posséder.Pourdormiràsescôtés.Goûterunpeudereposensachantqu’elleétaitensécuritéetavec lui. Ah,bordel!Ilavaitlaterribleimpressionqu’ilallaitdevoirresterauxcôtésdecettefemelle.Pour untemps. —Parceque?demandaRhage. Kolhersentitunchatouillementdanssesnarines.Unelégèreodeuracidulée,commedutalcpour bébé,flottaitdansl’air. —Sorslematosdebienvenue,dit-ilenouvrantsonblouson. — Combien ? demanda Rhage en se retournant. Ils entendirent des brindilles craquer et des feuillesbruisser.Lebruits’amplifia. —Trois.Aumoins. —Yipiii! Les éradiqueurs arrivaient droit sur eux par une clairière du bois. Bruyants, ils parlaient et marchaientsansprendredeprécautions.Puisl’und’euxs’arrêta,devenantsilencieux.Lesdeuxautres l’imitèrent. —Bonsoir,lesgars,ditRhageensemontrantàdécouvert. Kolher opta pour une approche plus discrète. Tandis que les éradiqueurs, corps incliné et couteauxtirés,encerclaientsonfrèred’armes,Kolherlongeal’oréedesbois. Puisilsurgitdel’ombre,soulevadusoll’undeséradiqueursetengagealecombat.Illuitrancha la gorge, mais n’avait pas le temps de l’achever. Rhage se battait contre le deuxième, mais le troisièmeétaitsurlepointdefrapperlevampireàlatêteavecunebattedebase-ball. Kolhersejetasurlemort-vivantSammySousa,l’entraînaausoletlepoignardaàlagorge.Des sonsétranglésmontèrentdansl’air.Kolherregardaauxalentours,aucasoùd’autresseraientarrivés ouquesonfrèreaiteubesoind’aide. Rhagesedébrouillaitcommeunchef. MêmepourdesyeuxaussifaiblesqueceuxdeKolher,Rhageétaitmagnifiqueàvoiraucombat. Coups de poing. Coups de pied. Mouvements rapides. Réflexes animaux. Puissance et endurance. Il étaitexpertducombatàmainnue.Sanscesse,ilenvoyaitleséradiqueursàterre,quimettaientdeplus enplusdetempsàserelever. Kolherretournaauprèsdupremieréradiqueurets’agenouillaprèsducorps.Celui-ciétaitsaiside convulsions.Kolherfouilladanssespochesetprittouslespapiersqu’iltrouva. Ils’apprêtaitàlepoignarderenpleinepoitrinelorsqu’ilentendituncoupdefeu. CHAPITRE29 —Alors,Butch,tucomptesresterjusqu’àlafindemonservice,cesoir? Abbysourittandisqu’elleluiversaitunautrescotch. —Possible. Iln’enavaitpasenviemais,aprèsquelquesverresdeplus,ilpourraitchangerd’avis.Àcondition qu’ilréussisseàseleverquandilseraitsaoul. Laserveusesedéportaverslagauchepourregarder,par-dessusl’épauledeButch,unautreclient. Elleluiadressaunclind’œiltoutenmontrantsondécolleté. Elleassuraitsesarrières.C’étaitprobablementunebonneidée. LetéléphoneportabledeButchvibracontresaceinture.Illeprit. —Ouais? —Onaretrouvéuneautreprostituéemorte,annonçaJosé.J’aipenséqueçat’intéresserait. —Où?(Ilsautadesontabouretdebarcommes’ilavaitunendroitoùaller.Puis,lentement,se rassit.) —Àl’intersectiondeTradeStreetetdela5e.Maisvienspas.Tuesoù? —McGrider’s. —Dixminutes? —Çamarche. Enproieàunegrandefrustration,Butchrepoussasonverredescotch. Alorsc’estcommeçaqu’ilallaitfinir?Àsesaoulertouslessoirs?Peut-êtresedégotterait-ilun boulotdedétectiveprivéoud’agentdesécuritéjusqu’àcequ’onlevirequandilneseraitplusqu’une épave?Àvivreseuldanssondeux-piècesjusqu’àcequesonfoielelâche? Iln’avaitjamaisétédugenreàfairedesprojets,maispeut-êtrequ’ilétaittempsdes’ymettre. —C’étaitpasbon?demandaAbbyenencadrantleverredesesseins. D’ungesteabsent,iltenditlamainendirectionduverre,leportaàseslèvresetlereposa. —Ça,c’estleButchquejeconnais. Mais,alorsqu’elles’apprêtaitàremplirdenouveauleverre,ilposasamaindessus. —Jecroisquej’aimoncomptepourcesoir. —OK.(Ellesourittandisqu’ilsecoualatête.)Maistusaisoùmetrouver. Ouais,malheureusement. Il fallut plus de dix minutes à José. Une bonne demi-heure s’était écoulée lorsque Butch vit l’inspecteur se frayer un chemin parmi les buveurs, silhouette sinistre dans ses vêtements décontractés. —Onlaconnaissait?demandaButchavantmêmequel’inspecteursesoitassis. —UneautrefilledeBigDaddy.CarlaRizzoli.Pseudo:Candy. —Mêmemodeopératoire? Josécommandaimmédiatementunevodka. —Oui.Gorgetranchée.Dusangpartout.Destracessurleslèvrescommesielleavaitbavé. —Del’héroïne? —Probable.Lemédecinlégisteferal’autopsiedemainenarrivant. —Desindicessurlascènedecrime? — Une fléchette. Comme celles avec lesquelles on anesthésie les animaux. Elle est en cours d’analyse. (José avala la vodka d’un trait, tête rejetée en arrière.) Et on m’a dit que Big Daddy est furax.Ilveutsevenger. — Ouais, ben espérons qu’il s’en prendra au petit ami de Beth. Peut-être qu’une guerre le fera sortir de sa cachette. (Butch posa ses coudes sur le bar et frotta ses yeux douloureux.) Bon sang, j’arrivepasàcroirequ’elleleprotège. —Ouais,sijem’attendaisàça.Quefinalementellesetrouvequelqu’un… —Uncaïd. Josélevalatête. —Onvadevoirlaconvoquer. —Ouais,jesais.(Butchplissalesyeuxpourmieux,voir.)Écoute,jedoislavoirdemain.Laissemoid’abordtenterlecoup,d’accord? —Jepeuxpas,O’Neal.Tun’espas… —Si,tupeux.Tuasqu’àl’interrogerlelendemain. —L’enquêteavance… —S’ilteplaît.(Butchn’arrivaitpasàcroirequ’ilenétaitarrivéàsupplier.)Allez,José.Jesuisle mieuxplacépourlafaireparler. —Pourquoi? — Parce qu’elle était là lorsqu’il a failli me tuer. José baissa les yeux sur la surface sale du comptoir. —Jetedonneunjour.Etqueçaresteentrenous,sinonlecapitaineauramatête.Après,quoiqu’il arrive,ilfaudraquejel’interrogeauposte. Butchacquiesçatandisqu’Abbyrevenaitverseuxd’unpasdansant,unebouteilledescotchdans unemainetunebouteilledevodkadansl’autre. —Vousavezl’airàsec,lesgars,dit-elleengloussant. Danssonlargesourireetsesyeuxvides,lemessagesefaisaitplusfort,plusdésespéré,àmesure quelanuitavançait. Butchpensaàsonportefeuillevide.Àsonholstervide.Àsonappartementvide. —Ilfautquejesorted’elle,murmura-t-ilendescendantdutabouret.D’ici,jeveuxdire. Le bras de Kolher absorba le choc du coup de feu. Le torse du vampire se tordit comme de la corde.Laforceducouplefitbasculerenavant,maisilserelevavite.D’unmouvementrapide,ilse mitàl’abri,pournepaslaisserautireurunedeuxièmechance. Lequatrièmeéradiqueuravaitsurgidenullepart.Quantàsonfusilàcanonscié,ilétaitchargéà bloc. Derrièreunpin,Kolherinspectarapidementsablessure.Ellen’étaitpastropprofonde.Delapeau etdumusclearrachésdesonbiceps.L’osétaitintact.Ilpouvaitcontinueràsebattre. Iltirauneétoiledejetetsortitàdécouvert. Puisunelumièreintenseilluminalaclairière.Ilbattitenretraitedanslebois. Ah,merde! Désormais,tousallaientypasser.LabêtesortaitdeRhage.Etallaitleurpéteràlagueule. Les yeux de Rhage lançaient une lueur aussi blanche que des phares tandis que son corps se métamorphosaitdansdesdéchirementsetdesruptures.Unechosehorriblepritsaplace,lesécailles luisant sous la lune, les griffes déchirant l’air. Les éradiqueurs ne comprirent pas ce qui les frappa quand la créature les attaqua, tous crocs dehors, les pourchassant jusqu’à ce que leur sang coule à flots. Kolher resta en arrière. Il avait déjà assisté à ce type de combat et savait que la bête n’avait nullementbesoind’aide.S’ils’approchaittropprès,ilrisquaitluiaussid’ylaisserdesplumes. Quandtoutfutterminé,lacréatureémitungrognementsisonorequelesarbressepenchèrent,les branchessecouéesparlesouffleanimal. C’étaitunvéritablecarnage.Iln’yavaitaucunechanced’identifierleséradiqueurscariln’yavait mêmeplusdecorps.Mêmeleursvêtementsavaientétédévorés. Kolhers’avançadanslaclairière. Lacréature,haletante,fitvolte-face. Kolherparlad’unevoixbasse,enveillantàgardersesmainslelongducorps.Rhagesetrouvait quelquepartàl’intérieurmais,jusqu’àcequ’ilrefassesonapparition,onnepouvaitpastropcompter surlefaitquelabêtesesouviennedesmembresdelaConfrérie. —Toutvabien,déclaraKolher.Toietmoi,onadéjàconnuça. Le poitrail de la bête se levait et s’abaissait et ses narines s’élargissaient quand elle prenait de l’air. Ses yeux luisants étaient rivés sur le sang qui coulait le long du bras de Kolher. Elle laissa échapperungrognement,toutesgriffesdehors. —Laissetomber.T’aseucequetuvoulais.T’esrepue.Maintenant,laisserevenirRhage. Lacréaturesecouad’avantenarrièresatêteimmense,maissesécaillescommencèrentàvibrer. Uncriaigudeprotestations’élevadesagorge,puisilyeutuneautreillumination. Rhageretombanuausol,facecontreterre. Kolher se précipita et s’agenouilla, main tendue. La peau du guerrier ruisselait de sueur et il tremblaitcommeunnouveau-nédanslefroid. LecontactprovoquaunmouvementchezRhage.Ilessayadeleverlatête.Envain. Kolherpritlamainduguerrieretlaserra.Ladouleurdelaréintégrationétaittoujoursintense. —Détends-toi,Hollywood.Toutvabien.Toutvabien. Ilretirasonblouson,dontilrecouvritlevampire. —Tuvasrestericietdemelaisserm’occuperdetout. Rhage murmura quelque chose et se recroquevilla. Kolher ouvrit son téléphone portable et composaunnuméro. —Viszs?Onabesoind’unevoiture.Toutdesuite.Tutefousdemoi?Non,ilfautquejeramène Rhage.Onvientd’avoirunevisitedel’autrecamp.MaisdisàZadistedenepasfairen’importequoi. IlraccrochaetregardaRhage. —Jedétesteça,déclaralevampire. —Jesais.(Kolherécartalescheveuxdétrempésdesangduvisageduvampire.)Onvateramener àlamaison. —J’aipasaimévoirqu’ontediraitdessus. Kolhersouritdoucement. —C’estcequ’ondirait. Bethremua.Elleenfonçasatêteplusprofondémentdansl’oreiller. Quelquechoseclochait. Elleouvritlesyeuxtandisqu’unevoixmasculineetgravebrisaitlesilence. —Hé,hé,voyonsvoirquiestlà… Bethserelevad’unbond.Et,saisiedepanique,regardaendirectionduson. L’hommeprèsd’elleavaitdesyeuxnoirssansvie.Unvisageduravecunecicatricequilebarrait toutdulong.Descheveuxsicourtsqu’ilssemblaientras.Etdelonguescaninesdénudées. Bethpoussaunhurlement. Ilsourit. —Lesonquej’aimeleplusaumonde. Elleposaunemainsursabouche. MonDieu,cettecicatrice.Ellecouraitlelongdesonfront,sursonnez,sursajoueettoutautour de sa bouche. Le jambage du « S » déformait sa lèvre supérieure, soulevant l’un des côtés dans un rictuspermanent. —T’admireslechef-d’œuvre?demanda-t-ild’unevoixtraînante.Etencoret’aspasvulereste. Bethjetaunregardàsontorsemassif.Ilportaituntee-shirtnoirmoulantàmancheslongues.Au niveau de ses pectoraux, de petits anneaux étaient visibles sous le tissu, comme si ses mamelons étaient percés. Quand elle releva la tête vers son visage, elle remarqua qu’il avait un anneau noir tatouéautourducouetunélargisseurdanslelobedesonoreillegauche. —Jesuispasmal,non? Sonregardfroidétaitcommelaréminiscenced’uncauchemar,froidcommedesendroitsobscurs d’oùl’espoirétaitbanni,froidcommel’enferlui-même. Oublielacicatrice,pensa-t-elle.Sesyeuxétaientbienpluseffrayants. Ilsétaientrivéssurellecommes’illajaugeaitpoursoncercueil.Oupourcoucheravecelle. Beth s’écarta de lui. Et commença à regarder tout autour d’elle à la recherche d’un objet susceptibledefaireofficed’arme. —Quoi,jeteplaispas? Bethjetauncoupd’œilverslaporte;iléclataderire. — Tu crois que tu pourrais courir assez vite ? dit-il. (Il sortit le bas de son tee-shirt de son pantalondecuir.Ilportasesmainsàsabraguette.)Jesuisprêtàparierquetupeuxpas. —Éloigne-toid’elle,Zadiste. La voix de Kolher retentit aux oreilles de Beth comme un soulagement bienvenu. Jusqu’à ce qu’elleremarquequ’ilneportaitpasdechemiseetqu’ilavaitlebrasenécharpe. Illuijetaàpeineunregard. —Ilesttempsdepartir,Z. Zadisteluidécochaunsourirefroid. —Tuveuxpaspartagerlafemelle? —Tupréfèreslesrapportstarifés,Z. —Jeluilaisseraivingtdollars.Siellesurvit. Kolher n’avait cessé d’avancer en direction de l’autre vampire, jusqu’à ce que tous deux se retrouventnezànez.L’aircraquaautourd’eux,surchargéd’agressivité. —Tulatouchespas,Z.Tularegardesmêmepas.Tuvasdireaurevoiretfoutrelecampd’ici. Kolherdégageasonbrasdel’écharpe,dévoilantunbandageautourdesonbiceps.Ilyavaitune tache rouge au centre, comme s’il saignait, mais il semblait disposé à faire son affaire de l’autre vampire. —Jesuissûrqueçat’afoutulesboulesdedemanderqu’onteramènecesoir,ditZadiste.Etque cesoitmoileplusprès. —Melefaispasregretterdavantage. Zadistesedéportasurlagauche.Kolherl’imita,protégeantBethdesoncorps. Zadisteeutunpetitrire,profondetmauvais. —Tuveuxtebattrepourunehumaine? —C’estlafilledeAudazs. Zadistepenchalatête,examinantlestraitsdeBethdesesyeuxnoirscommeunpuits.Auboutd’un instant,sonvisagebrutals’adoucitlégèrementetsonrictuss’effaça.Ilrentrasontee-shirtdansson pantalonsanslaquitterdesyeux.Commes’ils’excusait. MaisKolhernes’écartapas. —Tut’appellescomment?demandaZadisteàBeth. —Elles’appelleBeth.(KolherseplaçadanslechampdevisiondeZadiste.)Disaurevoiràla dame. Ilyeutunlongsilence. —C’estbon.Commetuveux. Zadistesedirigeaverslaporte,delamêmedémarchemeurtrièrequeKolher.Avantdesortir,il s’arrêtaetseretourna. Il avait dû être très beau avant, songea Beth. Bien que son manque de séduction ne soit pas à imputerdirectementàsacicatrice.Maisauxflammesquileconsumaientàl’intérieur. —Enchanté,Beth. Bethsoupiraquandlaporteserefermaetquelesverrousfurentactionnés. — Tout va bien ? demanda Kolher. (Elle sentait le regard de Kolher courir sur tout son corps, puislevampireposalamainsurlasienne.)Ilt’apas…touchée,aumoins?Jet’aientenduecrier. —Non,non,j’aijusteeupeur.Jemesuisréveilléeetilétaitlà. Kolher s’assit sur le lit, ne cessant de la caresser de la main comme s’il avait du mal à croire qu’elleétaitsaineetsauve.Untremblementagitaitsesmains. —T’esblessé,dit-elle.Qu’est-cequ’ils’estpassé? Ilplaçasonbrasautourd’elleetl’attiracontrasontorse. —C’estrien. —Alorspourquoit’aslebrasenécharpe?Etcebandage?Etpourquoitusaignesencore? —Chut… IlposasonmentonsurlefrontdeBeth.Ellesentaittremblerlecorpsdesonamant. —Tuvasbien?demanda-t-elle. —J’aijustebesoindeteserrercontremoi,d’accord? —Absolument. Dèsquelestremblementsdesoncorpss’apaisèrent,Beths’écarta. —Qu’est-cequ’ilsepasse? KolherpritlevisagedeBethdanssesmains.Appuyaseslèvrescontrelessiennes. —Jel’auraispassupporté…s’ilt’avaitpriseàmoi. —Cetype?T’inquiètepas,jen’irainullepartaveclui.(PuisellecompritqueKolherneparlait pasd’unrendez-vous.)Tucroisqu’ilallaitmetuer? Nonquelapossibilitésoitàexclure.Sifroids.Sesyeuxétaientsifroids. Sansrépondre,KolherplaquasabouchecontrecelledeBeth.Ellel’arrêta. —Quic’est?Qu’est-cequiluiestarrivé? —JeveuxplustevoirprèsdeZ.Jamais. Ilreplaçaunemèchedecheveuxderrièrel’oreilledeBeth.Soncontactétaittendre.Maispassa voix. —Tum’entends? Elleacquiesça. —Maisque… —S’ilentredansunepièceetquejesuisdanslamaison,viensmechercher.Sijesuispaslà,tu t’enfermesdansl’unedespiècesdusous-sol.Lesmurssontenacier,etilnepeuts’ymatérialiser.Et letouchepas.Jamais.Mêmeparinadvertance. —C’estunguerrier? —Tucomprendscequejetedis? —Oui,maisçam’aideraitsij’ensavaisunpeuplus. — C’est l’un des membres de la Confrérie, mais il est quasiment dépourvu d’âme. Malheureusement,onabesoindelui. —Pourquoi,s’ilestaussidangereux?Ouc’estseulementvis-à-visdesfemmes? —Ilhaittoutlemonde.Saufpeut-êtresonfrèrejumeau. —Oh,génial!Ilssontdeux? —HeureusementpourFhurie.Ilestleseulàpouvoircommuniqueraveclui,mêmesi,làencore, rienn’estgaranti.(KolherembrassaBethsurlefront.)Jeveuxpast’effrayer,maistudoisprendreles chosesausérieux.Zadisteestunanimal,maisjecroisqu’ilrespectaittonpère;ilestpossiblealors qu’il te foute la paix. Mais je veux courir aucun risque avec lui. Ni avec toi. Promets-moi que tu resterasloindelui. —Jetelepromets. Ellefermalesyeuxets’appuyacontreKolher.Ilpassasonbrasautourd’elle,puisl’enleva. —Viens.(Ill’attirapourqu’elleselève.)Viensdansmachambre. Lorsqu’ils entrèrent dans la chambre de Kolher, Beth entendit la douche s’arrêter. Quelques instantsplustard,laportes’ouvrit. Le guerrier qu’elle avait rencontré auparavant, celui à la tête de jeune premier qui se recousait toutseul,ensortitlentement.Ilavaituneservietteautourdelatailleetsescheveuxgouttaient.Ilse déplaçait comme s’il avait quatre-vingts ans, comme si tous les muscles de son corps étaient douloureux. MonDieu,pensa-t-elle.Iln’avaitpasdutoutl’airdanssonassietteetquelquechoseclochaitau niveau de son ventre. Celui-ci était gonflé, comme s’il avait avalé un ballon de basket. Elle se demandasisablessureétaitinfectée.Ilavaitl’aird’avoirdelafièvre. Ellejetaunregardàsonépauleetfronçalessourcilsquandelleparvintàpeineàdistinguerune cicatrice.Commesicetteblessureluiavaitétéinfligéedesmoisauparavant. —Rhage,commenttutesens?demandaKolherens’écartantdeBeth. —J’aimalauventre. —Ouais,j’imagine. Rhagevacillaenregardanttoutautourdeluidanslapièce,lesyeuxàpeineouverts. —Jerentrechezmoi.Mesfringuessontoù? —Tulesasperdues.(Kolherpassasonbrasvalideautourdel’épauledesonfrèred’armes.)Ettu restesici.TuvaspieuterdanslachambredeD. —Non. —Commencepas.Etc’estpasunevalse.Appuie-toisurmoi,bordel! Le vampire s’affaissa sur lui ; les muscles de Kolher se raidirent pour accuser le poids de son frèred’armes.Lesdeuxmâlesprogressèrentlentementendirectiondupalier,puisdelachambrede Audazs.Bethrestaenarrière,àunedistanceraisonnable,etregardaKolheraiderRhageàsemettre aulit. Leguerrierposalatêtesurl’oreilleretfermalesyeux.Ilplaçasamainsursonventre,grimaçaet lalaissaretomber,commesilamoindrepressions’apparentaitàunevéritabletorture. —Jemesensmal. —Ouais,l’indigestion,c’estunevraiesaloperie. —VousvoulezdesRennie?LâchaBeth.Del’Alka-Seltzer? Lesdeuxvampiresregardèrentdanssadirection,etelleeutl’impressiond’êtreimportune. Detoutesleschosesstupides… —Ouais,murmuraRhagetandisqueKolheracquiesçait. Beth retourna à l’endroit où elle avait laissé son sac et opta pour l’Alka-Seltzer, qui contenait aussi de l’aspirine. Elle se dirigea vers la salle de bains de Kolher, prit un verre et prépara le médicament. Lorsqu’ellerevintdanslachambredesonpère,elletenditleverreàKolher.Ilsecoualatête. —T’enrenverserasmoinsquemoi. Ellerougit.Ilétaitsifaciled’oublierqu’ilnepouvaitpasvraimentvoir. EllesepenchaversRhage,maisneparvintpasàatteindresabouche.Enmaintenantlespansde son peignoir, elle prit place sur le matelas et s’agenouilla près de lui. Elle se sentait mal à l’aise à l’idéed’êtreaussiproched’unhommeviriletnuenprésencedeKolher. ComptetenudecequiétaitarrivéàButch. Mais Kolher n’avait rien à craindre dans ce cas précis. Peu importe que l’autre vampire soit si sexy:elleneressentitaucundésirenseglissantauprèsdelui. Etpuisiln’allaitpasluifairedesavances.Pasdansl’étatdanslequelilétait. Doucement,ellesoulevalatêtedeRhageetportaleverreàseslèvresexquises.Illuifallutcinq minutespouravalerlemédicament.Quandileutfini,Beths’apprêtaàdescendredulit.Ellen’allapas trèsloin.Subitement,RhagesetournasurlecôtéetposalatêtesurlesgenouxdeBeth,passantson brasmuscléautourd’elle. Ilcherchaitduréconfort. Bethnesavaitpascequ’ellepouvaitfairepourlui;maisellereposaleverreetluicaressaledos, passant la main sur son effroyable tatouage. Elle lui murmura des choses qu’elle aurait aimé que quelqu’unluidisequandelleavaitétémalade.Luichantonnaunechanson. Au bout d’un moment, la tension se relâcha dans sa peau et ses os. Il commença à respirer profondément. Lorsqu’ellefutcertainequ’ils’étaitendormi,ellesedégageaavecprécautiondesonétreinte.Elle rassemblasesforcespoursetournerversKolher.Sûrementqu’ilcomprendraitqu’iln’yavaitrien… Lechoclasaisitsur-le-champ. Kolhern’étaitpasfurieux.Loindelà. —Merci,dit-ild’unevoixrauque.(Lafaçondontilinclinaitlatêtetraduisaitpresquel’humilité.) Mercideprendresoindemonfrère. Ilenlevaseslunettesdesoleil. Etlaregardaavecunairdetotalevénération. CHAPITRE30 M.XjetalascieSawzallsursonétabliets’essuyalesmainssuruneserviette. Ah,merde!songea-t-il.Lefoutuvampireétaitmort. Ilavaittoutessayépourluifairereprendreconnaissance,mêmeleburin,etavaitmislagrange dansunétatépouvantable.Ilyavaitdusangdevampirepartout. Aumoins,çaallaitêtrefaciledetoutnettoyer. M.Xsedirigeaverslesdoublesportesetlesouvrit.Devantlui,lesoleilselevaitauloinsurla crête,illuminantd’orlepaysage.Ilreculatandisquel’intérieurdelagranges’illuminait. Le corps du vampire s’enflamma, la mare de sang sous la table se transformant en nuage de fumée.Ladoucebrisematinaleemportaauloinlapuanteurdelachaircalcinée. M.Xsortitdanslalumièredupetitmatinetobservalabrumequinimbaitlaprairie.Iln’étaitpas disposé à se déclarer vaincu. Son plan aurait fonctionné s’il n’était pas tombé sur ces flics et s’il n’avait pas dû se servir de ses fléchettes supplémentaires pour s’assurer de la passivité de son prisonnier.Illuifallaitjusterefaireunetentative. Ilbrûlaitdudésirderecommenceràtorturer. Pourlemoment,pourtant,ildevaitsecontenterdesecalmeraveclesprostituées.Cescrétinsde flicsluiavaientrappeléqu’ilnetravaillaitpasenvaseclos.Qu’ilpouvaitsefaireprendre. Même si les éventuels démêlés avec la loi ne constituaient qu’une gêne mineure, il tirait une grandefiertédufaitquesesopérationssedéroulentsansaccroc. Raisonpourlaquelleilavaitchoisilesputescommeappât.Toutd’abord,ils’étaitditquesiune ou deux mouraient, leur mort susciterait peu d’émotion. Il était peu probable qu’elles aient une famille pour les pleurer, et les flics ne subiraient aucune pression pour épingler au plus vite un suspect. Les suspects, quant à eux, ne manqueraient pas, parmi les souteneurs et les voyous qui arpentaientlesruessombres.Lapolicen’auraitquel’embarrasduchoix. Mais ce n’était pas une raison pour qu’il se relâche. Ou qu’il recoure de façon excessive à la valléedesputes. Il rentra dans la grange, rangea ses outils et se dirigea vers la maison. Il vérifia ses messages avantdeprendreunedouche. Ilenavaitplusieurs. Le plus important était de Billy Riddle. Manifestement, le jeune homme avait fait une rencontre perturbantelanuitprécédenteetavaitappeléunpeuaprèsuneheuredumatin. C’étaitunebonnechosequ’ilchercheduréconfort,songeaM.X.Lemomentétaitsansdoutevenu d’avoiravecluiuneconversationsursonavenir. Uneheureplustard,M.Xpritsavoiturepourserendreàl’académie,enouvritlesportesetles laissadéverrouillées. Leséradiqueurssommésaurapportcommencèrentàarriverpeudetempsaprès.Illesentendait parleràvoixbassedanslecouloirquijouxtaitsonbureau.Ilsétaientvêtusdetreillisnoirs,levisage austère ; un seul seulement avait encore un teint assez coloré. Les cheveux bruns de M. O se détachaientdesautres,commesesyeuxmarron. Plus un éradiqueur restait au sein de la Société, plus il perdait ses caractéristiques individuelles physiques.Lescheveuxbruns,noirsourouxdevenaientgriscendrépâle;lesteintsjaunes,rougesou hâlésviraientaublanc.Engénéral,leprocessusprenaitunedizained’années,etlespremièresmèches blondesn’étaientpasencoreapparuesdanslacheveluredeO. M.Xselivraàunrapidecalcul.Quandtouslesmembresdesdeuxescadronsprincipauxfurent arrivés,ilverrouillalaported’entréedel’académieetconduisitlegroupeausous-sol.Leursbottes résonnaient lourdement et bruyamment sur les marches métalliques, en écho à la puissance de leur corps. M.Xn’avaitpasagencédefaçonparticulièrelasalledesopérations.Ils’agissaitd’uneancienne salle de classe équipée d’une douzaine de chaises, d’un tableau noir, d’un poste de télé et d’une estrade. L’agencementbanalnerelevaitpasuniquementdusubterfuge.M.Xnesouhaitaitpasincorporer de gadgets high-tech susceptibles de détourner l’attention de l’auditoire. La dynamique de groupe étaitaucentreetaucœurdecesréunions. — Parlez-moi de la nuit dernière, dit-il en jetant un regard à ses tueurs. Comment cela s’est-il passé? M. X écouta les rapports, sans se laisser impressionner par les excuses. Il y avait eu deux assassinatslanuitprécédente.Illeuravaitfixéunquotadedix. Enoutre,queldéshonneurquecesoitO,l’unedesdernièresrecrues,quiaitétél’auteurdesdeux meurtres.M.Xsecroisalesbrassursapoitrine. —Quelestleproblème? —Onn’enapastrouvé,réponditM.M. —J’enaibientrouvéun,moi,rétorquaM.X.Sansgrandedifficulté,quiplusest.QuantàM.O,il enatrouvédeux. —Maispasnousautres.(M.Mregardalesautres.)Leseffectifsontdiminuédanscettezone. —Ilnes’agitpasd’unproblèmegéographique,murmuraunevoixdanslefond. Les yeux de M. X balayèrent l’auditoire avant de se fixer sur la chevelure foncée de O dans le fonddelasalle.Iln’étaitpassurprisquecesoitluiquiaitprislaparole. O était l’un de leurs meilleurs éléments, en dépit de sa qualité de nouvelle recrue. Grâce à ses réflexes et à son endurance extraordinaires, il était un excellent combattant mais, comme tous les éléments au-dessus du lot, il était difficile à contrôler. Raison pour laquelle M. X l’avait mis avec ceux qui avaient des siècles d’expérience. O risquait de dominer tout groupe composé d’individus inférieurs,mêmelégèrement,àlui. — Pourriez-vous développer, M. O ? M. X n’était pas du tout intéressé par l’opinion de cet homme.Maisilétaittoutàfaitdisposéàmouchercettenouvellerecruedevantlesautres. Ohaussalesépaulesets’exprimasuruntonquifrisaitl’affront. —C’estunproblèmedemotivation.Iln’yaaucuneconséquenceencasd’échec. —Etqueproposez-vous?demandaM.X. Osepenchaenavant,saisitMparlescheveuxetluitranchalagorgeavecuncouteau. Lesautreséradiqueurss’écartèrentetadoptèrentunepostured’attaque,alorsqueOs’étaitrassiset essuyaitcalmementdesesdoigtslalamedesoncouteau. M.Xdénudasesdents.Puisrepritlecontrôledelui-même. Il traversa la pièce pour se rendre auprès de M. L’éradiqueur était encore en vie, haletant, et essayaitdefreinerl’hémorragiedesesmains. M.Xs’agenouilla. — Vous allez tous vous en aller. Sur-le-champ. Nous reprendrons demain matin, lorsque vous aurezdemeilleuresnouvellesàm’apporter.M.O,vousrestez. Quand O défia l’ordre qui venait de lui être donné et initia un mouvement pour se lever, M. X figeal’hommesursachaise,prenantlecontrôledesmusclespuissantsdesoncorps.Surlemoment, Osemblasouslechocets’évertuaàcombattrel’empriseexercéesursesbrasetsesjambes. Maiscettebataillen’étaitpasdecellesqu’ilpouvaitgagner.L’Omégaconféraittoujoursquelques avantages supplémentaires au grand éradiqueur. La capacité de domination mentale sur les autres tueursenfaisaitpartie. Dèsquelapiècefutvide,M.XprituncouteauetpoignardaM.Menpleinepoitrine.Ilyeutun éclairdelumière,puisunbruitseclorsquel’éradiqueursedésintégra. M.XjetaunregardfurieuxàO. —Sivousrefaitesencorequelquechosedecegenre,jevousdéfèredevantl’Oméga. —Non,vousneleferezpas.(Bienqu’ilsoitàlamercideM.X,M.On’enavaitpaspourautant abandonné son arrogance.) Vous n’aimeriez pas donner l’impression que vous êtes incapable de contrôlervoshommes. M.Xseleva. — Attention, O. Vous sous-estimez le goût de l’Oméga pour les sacrifices. Si je vous offrais commeprésent,ilseraitdesplusreconnaissants.(M.XsedirigeaversM.Oetlaissacourirundoigt le long de sa joue.) Si je devais vous attacher et l’appeler, il prendrait le plus grand plaisir à vous déballer.Etmoiàregarder. Openchalatêteenarrière,plusencolèrequ’effrayé. —Nemetouchezpas. —Jesuisvotrechef.Jepeuxfairedevoustoutcequimechante. D’une main, M. X saisit la mâchoire de O et enfonça son pouce entre les lèvres et les dents de l’homme.Iltiralevisagedel’éradiqueurenavant. —Alorssoignezvosmanières,netuezplusjamaisunmembredelaSociétésansmapermission expresseetnousseronsbonsamis. LesyeuxmarrondeOlancèrentdesflammes. —Etmaintenantqu’est-cequevousmedites?demandaM.X. Iltenditlamainetlapassasurlachevelurecouleurchocolatdel’éradiqueur. Omarmonnaquelquechose. —Jenevousaipasentendu. M.XappuyasonpoucecontrelacavitérebondiesouslalanguedeO,jusqu’àcequedeslarmes perlent au coin de ses yeux. Lorsqu’il relâcha sa pression, il passa son doigt humide sur la lèvre inférieuredeO. —J’aiditquejenevousavaispasentendu. —Oui,sensei. —Bongarçon. CHAPITRE31 Marissa n’arrivait pas à trouver une position confortable dans son lit. Peu importe de quel côté ellesetournaitoùlafaçondontelledisposaitlesoreillers,rienn’yfaisait. C’étaitcommesisonmatelasétaitenpierreetsesdrapsenpapierdeverre. Ellerejetalescouvertures,selevaetsedirigeaverslesfenêtresferméesetdissimuléesderrière d’épaissestenturesensatin.Elleavaitbesoind’air,maisimpossibledelesouvrir.C’étaitlematin. Elles’allongeasurlaméridienneetremontasespiedsnussoussachemisedenuitensoie. Kolher. Ellenecessaitdepenseràlui.Chaquefoisqu’unenouvelleimaged’euxluivenaitàl’esprit,un juronluimontaitauxlèvres.Choquant. Toujours, elle avait été docile. Adorable. La perfection et la douceur faites vampire. La colère étaitentotaleoppositionavecsanature. ÀceciprèsqueplusellepensaitàKolher,pluselleavaitenviedecogner. Àsupposerqu’ellesachefermerlepoing. Ellebaissalesyeuxverssamain.Oui,ellesavait.Mêmesisonpoingparaissaitridiculementpetit. Surtoutcomparéausien. Être la shellane vieille fille et vierge du plus puissant des vampires était l’enfer sur terre. Son échec comme femelle avait réduit à néant le peu d’estime qu’elle avait d’elle-même. L’isolement mettaitendangersasantémentale.Lahontefaceàl’obligationdevivrechezsonfrèrecarellen’avait pasd’endroitàellel’avaitpiquéeauplusprofondd’elle-même. Elleétaithorrifiéedelafaçondontlesautreslaregardaientetparlaientd’ellederrièresondos. Elle avait parfaitement conscience d’être un sujet constant de conversation, qu’elle était enviée, plainte, épiée, un personnage de légende. Elle savait que son histoire était racontée aux jeunes femelles,mêmesielleignorait–etpréféraitqu’ilensoitainsi–sic’étaitenguised’avertissementou d’encouragement. Kolhern’avaitpasdutoutconsciencedelasouffrancequ’illuiavaitinfligée. Pourpart,elleétaitresponsabledecetétatdefait.Secoulerdanslerôledelafemelledouceet aimanteluiavaitsemblélachoseàfaire,laseulefaçondesemontrerdigne,laseulechancedefinir parpartagersavieaveclui. Pourenarriveràquoi? Àcequ’ilsedégotteunehumaineauxcheveuxbrunspourlaquelleiléprouvaitdessentiments. MonDieu,larécompenseàtousseseffortssetrouvaitquelquepartentreinjusticeetcruauté. Sanscompterqu’ellen’étaitpaslaseuleàsouffrir.Depuisdessiècles,Haverss’angoissaitàson sujet. Enrevanche,toutallaittoujoursbienpourKolher.Commeàcetinstantmême.Encemoment,il étaitprobablementallongé,nu,auprèsdecettefemelle.Faisantbonusagedesonmembreviril. Marissafermalesyeux. Elle pensa à la sensation éprouvée lorsqu’on était plaqué contre son corps, tenu dans ses bras vigoureux,consuméparlui.Elleavaitététropchoquéeparl’imagepourressentirlemoindredésir.Il étaitsimassif,allongé,surlafemellebrune,lesmainsenfouiesdanssescheveux,saboucheaspirant vigoureusementàsagorge.Enoutre,sonmembrevirilluifaisaitunpeupeur. Qu’elleironie. Elle avait rêvé pendant si longtemps de ce qu’elle ressentirait à ce moment-là. Quand il la prendrait. Quand elle lui donnerait sa virginité et qu’elle connaîtrait la sensation d’avoir un mâle à l’intérieurdesoi. Touteslesfoisqu’ellelesavaitimaginésensemble,elleavaitressentidelachaleurdanstoutson corpsetunchatouillementsursapeau.Maislaréalitél’avaitsubmergée.Ellen’yavaitpasdutoutété préparée ; elle avait souhaité que cela dure un peu plus longtemps et que cela soit un peu moins intense.Elleavaitl’impressionqu’unpeuplusdedouceurluiauraitconvenu. Maislàencore,cen’étaitpasàellequ’ilpensait.Denouveau,Marissaserralepoing. Elle ne voulait pas le récupérer. Elle voulait qu’il goûte un peu de cette douleur qu’il lui avait infligée. KolherenlaçaBethetl’attiraplusprèsdelui,regardantRhagepar-dessuslatêtedesonamante. Lavoirsoulagerlasouffranceduvampireavaitromputoutessortesdebarrièresenlui. Sollicitude vis-à-vis de ses frères, sollicitude vis-à-vis de lui, pensa-t-il. C’était le code le plus anciendesguerriers. —Viensmerejoindreaulit,luimurmura-t-ilàl’oreille. Ellelelaissalaprendreparlamainetlaconduiredanssachambre.Unefoisàl’intérieur,ilferma etverrouillalaporte,puiséteignittouteslesbougiesàl’exceptiond’uneseule.Ensuite,ildénouala ceinturedupeignoirqu’elleportaitetlaissaglisserlesatinlelongdesesépaules.Sapeaunueluisait àlalueurdeladernièrebougie. Kolherretirasonpantalonencuir.Puistousdeuxs’allongèrentl’uncontrel’autre. Ilnevoulaitpascoucheravecelle.Pasmaintenant.Ilvoulaitjustequ’ilssedonnentl’unàl’autre du réconfort. Sentir sa peau chaude contre la sienne, son souffle qui venait soulever légèrement le duvetdesapoitrine,soncœurbattreàquelquescentimètresdusien.Ilvoulaitluioffrirlamêmesorte d’apaisement. Ilcaressaseslongscheveuxsoyeuxetrespiraprofondément. —Kolher? Savoixétaitdélicieusedanslesilencedelachambre,etilaimasentirsagorgevibrercontreses pectoraux. —Ouais. Ill’embrassasurlehautducrâne. —Tuasperduqui? Ellechangeadeposition,posantsonmentonsurlapoitrineduvampire. —Perdu? —Quileséradiqueurst’ont-ilspris? Laquestionsemblaittotalementincongrue.Maisellenel’étaitpas.Elleavaitvulesconséquences d’uncombat.Savaitplusoumoinsqu’ilnecombattaitpasuniquementpoursonespèce,maispourlui. Unlongmoments’écoulaavantqu’ilpuisserépondre. —Mesparents. IlsentitBethpasserdelacuriositéàlapeine. —Jesuisdésolée. Ilyeutunlongsilence. —Qu’est-cequis’estpassé? C’étaitunequestionintéressante,pensa-t-il.Parcequ’ilexistaitdeuxversions.Danslestraditions vampires, cette nuit sanglante avait pris toutes sortes d’implications héroïques, y compris l’avènementd’unguerrierd’exception.Maislafictionn’étaitpasdesonfait.Sonpeupledevaitcroire enlui,etilavaitcréécedontcelui-ciavaitbesoinpoursoutenirsafoimalplacée. Luiseulconnaissaitlavérité. —Kolher? KolherregardalebeauvisagedeBethquiluiapparaissaitbrouillé.Ilétaitquasimentimpossible d’ignorerladouceuraveclaquelleelles’étaitexprimée.Ellevoulaitluioffrirdelacompassionet, pouruneraisonmisérable,ilenvoulait. —Ças’estpasséavantmatransition,murmura-t-il.Ilyatrèslongtemps. IlposasamainsurlescheveuxdeBeth,sessouvenirsluirevenantdanstoutelavivacitédeleur cruauté. —EntantquePremièrefamille,onpensaitêtreàl’abrideséradiqueurs.Nosfoyersétaientbien défendus,biencachésenforêt,etondéménageaittoutletemps. KolherserenditcomptequecontinueràcaresserlescheveuxdeBethluipermettaitdepoursuivre sonrécit. — C’était l’hiver. Une froide nuit de février. L’un de nos domestiques avait révélé l’endroit où nous nous trouvions. Les éradiqueurs arrivèrent à quinze ou vingt et massacrèrent tout sur leur passageavantdefranchirnosremparts.Jamaisjen’oublierailebruitdeleurscoupscontrelaporte de nos appartements personnels. Mon père s’empara de ses armes tout en me forçant à me cacher dans un réduit. Il m’y enferma juste avant qu’ils défoncent la porte avec un bélier. Mon père était habileàl’épée,maiseuxétaientnombreux. BethportasamainauvisagedeKolher.Vaguement,ilentenditlesmotsdouxqu’elleprononçait. Kolherfermalesyeuxetvitlesimagesépouvantablesquiavaienttoujourslepouvoirdeletirer dusommeil. —Ilsmassacrèrentlesdomestiquesavantdetuermesparents.Jevistoutgrâceàuntroudansle bois.Commejetel’aidéjàdit,mavueétaitmeilleureàl’époque. —Kolher… — Pendant le massacre, ils firent tellement de bruit que personne ne m’entendit hurler. (Il tressaillit.)J’aiessayédesortir.J’aiactionnéleverrou,maisilétaitrobusteetmoi,faible.J’aiessayé decreuserleboisjusqu’àcequemesonglessoientensang.J’aidonnédescoupsdepieds…(Son corpsréagissaitausouvenirhorribled’êtreconfiné,sarespirations’accélérait,soncorpsétaitgagné parunesueurfroide.)Unefoisleséradiqueurspartis,monpèreessayademerejoindre.Ilsl’avaient poignardéenpleincœuretil…Monpèremourutàdeuxpasduréduit,alorsqu’ilvenaitversmoi. J’aicontinuéàl’appelerencoreetencorejusqu’àcequejen’aieplusdevoix.Jel’aisuppliédevivre alorsmêmequejevoyaislaviediminuerpuiss’éteindredanssesyeux.Desheuresdurant,jerestai piégé dans le réduit avec leurs corps, à observer les mares de sang qui s’élargissaient. La nuit d’après,desvampirescivilsarrivèrentetmefirentsortir. Ilsentitunecaresseréconfortantesursonépaule;ilportalamaindeBethàseslèvresetembrassa sapaume. —Avantdepartir,leséradiquèrentenlevèrenttouteslestentures.Quandlesoleilselevaetentra danslapièce,touslescorpsbrûlèrent.Jen’avaisplusrienàenterrer. Quelquechosetouchasonvisage.Unelarme.CelledeBeth. Iltenditlamainetcaressasajoue. —Pleurepas. Maisilchérissaitlacompassionqu’elletémoignaitàsonégard. —Pourquoi? —Çanechangerien.J’aipleuréenassistantàtoutelascèneetilssontmortsquandmême.(Ilse tournasurlecôtéetl’attiratoutcontrelui.)Siseulementj’avaispu…Jecontinueàrêverdecettenuitlà.J’aiététellementlâche.J’auraisdûêtreavecmonpère,àmebattre. —Maistuauraisététué. —Commeilconvientàunmâle.Enprotégeantlessiens.Cequiesthonorable.Aulieuderester cachédansunréduit. Ilchuintadedégoût. —Tuavaisquelâge? —Vingt-deuxans. Ellefronçalessourcils,commesielleavaitpenséqu’ilétaitbeaucoupplusjeune. —C’étaitavanttatransition? —Ouais. — De quoi avais-tu l’air à l’époque ? (Elle caressa les cheveux de son amant.) C’est difficile d’imaginerquetupouvaistenirdansunréduit,avectatailleactuelle. —J’étaisdifférent. —T’asditquetuétaisfaible. —C’étaitlecas. —Alorspeut-êtrequetuavaisbesoind’êtreprotégé. —Non!(Illaissaexplosersacolère.)Unmâleprotège.Jamaisl’inverse. D’ungestebrusque,elles’écartadelui. Tandisquelesilences’installaitentreeux,ilsutqu’ellepensaitàcequ’ilavaitfait.Dehonte,il retirasesmainsducorpsdelajeunefemme.Ilrouladecôtépourseretrouverloind’elle,allongésur ledos. Jamaisiln’auraitdûluiraconter. Ilpouvaittrèsbienimaginercequ’ellepensaitdeluimaintenant.Aprèstout,commentaurait-elle punepasêtrerévoltéeparsalâcheté?Parlefaitqu’ils’étaitmontréfaibleaumomentoùsafamille avaitleplusbesoindelui. Avec un pincement au cœur, il se demanda si elle allait encore le désirer. Si elle l’accueillerait encore dans la chaleur de son corps. Ou tout cela était-il désormais révolu ? Maintenant qu’elle savait? Ilattenditqu’elleserhabilleets’enaille. Ellerestacouchée. Naturellement,pensa-t-il.Ellecomprenaitquesatransitionétaitinévitable,etelleavaitbesoinde sonsang.C’étaitparnécessité. Ill’entenditsoupirerdansl’obscurité.Commesielleserésignait. Ilignoraitcombiendetempsilsrestèrentainsi,allongéscôteàcôtesanssetoucher.Desheures, probablement.Ils’endormitbrièvement,etseréveillaquandBethremuacontrelui,posantsajambe nuepar-dessuslasienne. Uneboufféededésirleparcourut,qu’ilrefrénaavecdureté. BethlaissacourirsamainsurletorsedeKolher.Descenditlelongdesonventreetdesahanche. Ilretintsonsouffletandisqu’ilavaituneérection,lamaindeBeths’approchantdelazonedélicatede sonanatomie. Bethserrasoncorpscontrelesien,sesseinscontresonflanc,sonsexecontresescuisses. Peut-êtrequ’elledormaitencore. Puisellelepritdanssamain. Kolhergémit,ledosarqué. Ellelecaressaitdesamainassurée. Instinctivement,ilsetenditverselle,avidedecequ’ellesemblaitluioffrir,maisellel’arrêta.Elle passaàgenouxet,enappuyantsursesépaules,leforçaàs’allongersurlematelas. —Cemomentestpourtoi,murmura-t-elleenl’embrassanttendrement. Ilpouvaitàpeineparler. —Tuveux…encoredemoi? Perplexe,ellefronçalessourcils. —Pourquoijenevoudraisplusdetoi? Avecungémissementpitoyabledesoulagementetdegratitude,Kolhervoulutl’attirerplusencore àlui.Maisellenelelaissapasfaire.Ellelerepoussasurlematelas,saisitsespoignetsetramenases brasau-dessusdesatête. Ellel’embrassadanslecou. — La dernière fois que nous avons été ensemble, tu t’es montré très… généreux. Tu mérites le mêmetraitement. — Mais ton plaisir est le mien. (Il s’était exprimé d’une voix râpeuse.) Tu sais pas à quel point j’aimetefairejouir. —J’ensuispassisûre. Illasentitremuer,puissamainenserrasonsexeenérection.Ils’arc-boutasurlematelasetlaissa échapperungémissementgrave. —J’enaipeut-êtreunepetiteidée. —T’espasobligéedefaireça,ajouta-t-ild’unevoixrauque,essayantdenouveaudelatoucher. Elles’appuyadetoutsonpoidscontresespoignetspourl’immobiliser. —Détends-toi.Laisse-moifaire. Kolher, incrédule et le souffle court, la regarda tandis qu’elle appuyait ses lèvres contre les siennes. —Jeveuxtefairel’amour,murmura-t-elle. Dansunfroissementsoyeux,lalanguedeBeths’introduisitdanslabouchedeKolher.Lapénétra. Effectuadesallersetretourscommesiellelepossédait. Kolhersentittoutsoncorpsseraidir. À chacune de ses poussées, elle s’enfonçait plus profondément en lui, sous sa peau et dans son cerveau.Danssoncœur.Elleleprenait,prenaitpossessiondelui.Apposaitsamarquesurlui. Quand sa langue quitta sa bouche, elle continua à explorer son corps. Beth lécha son cou. Ses mamelons.Griffalégèrementsonventre.Mordillasonosiliaque. Kolher saisit la tête de lit et tira, imprimant à tout le lit un mouvement et un craquement de protestation. Lesvaguesdechaleurquilesubmergeaientluidonnaientl’impressionqu’ilallaits’évanouir.La sueurperlaitsursapeau.Soncœurbattaitsivitequ’ilcommençaitàs’emballer. Des mots se bousculèrent sur ses lèvres, flux de conscience en langue ancienne, expression gutturaledecequ’elleluifaisait,delabeautéqu’elleavaitàsesyeux. Lorsqu’elle prit son sexe en érection dans sa bouche, il faillit jouir. Il cria, le corps saisi de spasmes.Elleseretira,luilaissantunpeudetempspourrécupérer. Puisellelesoumitàunevraietorture. Ellesavaitparfaitementquandagiretquands’arrêter.Sabouchehumidesurleglandépaisdeson sexe, ses mains qui s’activaient le long de son pénis lui procuraient des sensations auxquelles il pouvaitàpeinerésister.Ellel’amenaencoreetencoreauborddelajouissance,jusqu’àcequ’illa supplie. Alorsellel’enfourcha.Ilbaissalatêteetvitquesescuissesétaientécartéesau-dessusdesonsexe enérection.Ilfaillitéjaculer. —Prends-moi,gémit-il.Jet’enprie. Elle le prit à l’intérieur d’elle ; la sensation se répercuta dans tout le corps de Kolher. Tendue, humideetchaude,ellel’enveloppait.Ellecommençaàbougerdansunrythmelent.Ilnerésistapas longtemps.Lorsqu’iljouit,ileutl’impressiond’êtrecoupéendeux,l’énergielibéréecréantuneonde dechocquiserépercutadanslapièce,fittremblerlesmeubles,éteignitlesbougies. Lorsqu’ilrevintlentementàlui,ilpritconsciencequec’étaitlapremièrefoisquequelqu’unen avaitfaitautantpourlesatisfaire. Ilavaitenviedepleurerdejoiequ’elleaitencorevouludelui. Dans l’obscurité, Beth sourit en entendant les gémissements de Kolher tandis que son corps bougeaitaurythmedusien.L’intensitédel’orgasmedesonamantfutsurlepointdedéclencherle sien.Elles’appuyacontresontorselorsquelesondesdeplaisirlaparcoururent. Commeellecraignaitd’êtretroplourde,elleébauchaunmouvementpours’écarter,maisill’en empêchaenlamaintenantparleshanches.Ilprononçadessonsmerveilleuxqu’ellenecompritpas. —Quoi? —Resteoùt’es,répéta-t-ildanssalangue. Ellerepritplaceau-dessusdeluietsedétenditcomplètement. Ellesedemandaitcequ’illuiavaitditpendantqu’elleluifaisaitl’amour,maisletondesavoix, déférent,laudateur,étaitexplicite.Quelsqu’aientétésesmots,c’étaientlesmotsd’unamant. —Lalanguequetuparlesestmagnifique,dit-elle. —Aucunmotn’estdignedetoi. Savoixsemblaitdifférente.Ilavaitl’airdifférentavecelle. Pas de barrières, pensa-t-elle. Il n’y avait plus de barrières entre eux à cet instant même. Cette méfianceimplacable,cetteattitudedeprédateurtoujourssursesgardesavaitdisparu. Defaçonétonnante,ellesesentitdevenirprotectriceàsonégard. C’étaitbizarred’éprouvercessentimentspourquelqu’undetellementpluspuissantphysiquement. Maisilavaitbesoindeprotection.Àcetinstantoùilselaissaitaller,ellesentaitsavulnérabilité.Son cœurétaitàportéedesamain. MonDieu,cettehistoirehorriblesurlamortdesesparents. —Kolher? —Hmm? Ellevoulaitleremercierdeluiavoirdit.Maisellenevoulaitpasanéantirlafragilecommunion quis’étaitétablieentreeux. —Quelqu’unt’adéjàditàquelpointtuesbeau?dit-elle. Ilhaussalesépaules. —Lesguerriersnesontpasbeaux. —Tul’es.Pourmoi.D’unebeautéàcouperlesouffle. Il cessa de respirer. Puis il l’écarta d’elle. D’un mouvement rapide, il sortit du lit et, quelques instantsplustard,lalumières’allumadanslasalledebains.Elleentenditl’eaucouler. Elleauraitdûsavoirqueçan’allaitpasdurer.Cequinel’empêchaitpasd’avoirenviedepleurer saperte. Bethcherchasesvêtements,lestrouvaetlespassa. LorsqueKolhersortitdelasalledebains,ellesedirigeaitverslaporte. —Oùtuvas?demanda-t-il. —Travailler.Jesaispasquelleheureilest,maisj’arrivegénéralementvers9heures.Jedoisdéjà êtreenretard. Elleneparvenaitpasàdistinguerlapièceautourd’elle,maisellefinitpartrouverlaporte. —Jeveuxpasquetupartes. Kolhersetrouvaittoutprèsd’elleetsavoixlafitsursauter. —J’aiunevie.Jedoislareprendre. —Tavieestici. —Non. Bethtâtonnapourtrouverlesverrous,maiselleneparvintpasàlesactionner,mêmelorsqu’elley mittoutessesforces. —Tuvasmelaissersortird’ici?murmura-t-elle. — Beth. (Il prit sa main dans la sienne, forçant la jeune femme à s’arrêter. Les bougies s’allumèrentcommes’ildésiraitqu’ellelevoie.)Jesuisdésolédenepasêtre…plusfacile. Elles’écartadelui. —Jevoulaispastemettremalàl’aise.Jevoulaisquetusachescequejeressentais.C’esttout. —C’estdurpourmoidecroirequejetedégoûtepas.Bethleregarda,incrédule. —MonDieu,maispourquoi? —Parcequetusaiscequis’estpassé. —Avectesparents?(Elleleregardabouchebée.)Jevaisêtreclaire.Tucroismedégoûterparce quetuasétéforcéd’assisteraumassacredetamèreetdetonpère? —J’airienfaitpourlessauver,aboya-t-il. —Tuétaisenfermé. —J’aiétélâche. —Non,c’estfaux.(Elleavaitprobablementtortdesemettreencolèreaprèslui,maispourquoi n’arrivait-ilpasàvoirlepasséplusclairement?)Commenttupeuxdire… —J’aiarrêtédecrier! Savoixricochadanstoutelapièce,lafaisantsursauter. —Quoi?murmura-t-elle. —J’aiarrêtédecrier.Quandilseneurentfiniavecmesparentsetledoggen,j’aiarrêtédecrier. Leséradiqueursfouillaientnosappartements.Ilsétaientàmarecherche.Jesuisrestésilencieux.J’ai mismamainsurmabouchepourm’empêcherdecrier.J’aipriépourqu’ilsmetrouventpas. —Biensûr,dit-elled’unevoixdouce.Tuvoulaisvivre. —Non,rétorqua-t-il.J’avaispeurdemourir. Ellevoulutletoucher,maiselleétaitcertainequ’ils’écarterait. — Kolher, tu ne comprends pas ? Tu es une victime, tout comme eux. La seule raison pour laquelletuesencorelàaujourd’huiestquetonpèret’aimaitsuffisammentpourtemettreensécurité. Tut’estucartuvoulaissurvivre.Iln’yapasdehonteàça. —J’aiétélâche. —Nesoispasridicule!Tuvenaisdevoirtesparentsmassacréssoustesyeux!(Beth,quiavait parléd’unevoixdurcieparlafrustration,secoualatête.)Tuferaismieuxderepensertafaçondevoir cesévénements.Cesheuresterriblest’ontmarqué,cequiestcompréhensible,maistuprendstoutde travers.Toutdetravers!Laissetombertonlaïussurl’honneurduguerrieretfous-toiunpeulapaix. Silence. Ah,bordel!Ilmanquaitplusqueça.Letypes’ouvreàelleetelleluirenvoiesahonteenpleine figure.Super,pourencouragerl’intimité. —Kolher,jesuisdésolée.J’auraispasdû… Illuicoupalaparole.Savoixcommesonvisageétaientaussidursquedelapierre. —Personnem’ajamaisparlésurceton. Etmerde! —Jesuisvraimentdésolée.Jecomprendspas… Kolherlapritdanssesbrasetlaserrafortcontrelui,enluiparlantdenouveaudanscettelangue étrange.Lorsqu’ils’écarta,ilterminasonmonologueparunmotquiressemblaità«leelane». —C’estcommeçaqu’ondit«salope»enlanguevampire? —Non,pasdutout.(Ill’embrassa.)C’estjusteunefaçondedirequej’aivachementderespect pourtoi.Mêmesijenesuispasd’accordavectafaçondevoirmonpassé. Bethposasamainsurlecoudesonamantetlesecoualégèrement. —Maistupeuxaumoinsaccepterl’idéequecequis’estpassénechangepasl’opinionquej’aide toi.Mêmesij’aiénormémentdepeinepourtoiettafamilleetpourcequevousavezdûendurer. Ilyeutunlongsilence. — Kolher, répète après moi : oui, Beth, je comprends et j’ai confiance en la sincérité de tes sentimentspourmoi.(Denouveau,elleluisecoualecou.)Allez,répèteaprèsmoi.(Unautresilence.) Maintenant. —Oui,dit-il,lèvresserrées. MonDieu,s’ilseraitencoreplusseslèvres,ilallaitfairesautersesdentsdedevant. —Oui,quoi? —Oui,Beth. —J’aiconfianceenlasincéritédetessentimentspourmoi. Ilmarmonnalesmots. —Bien. —T’esdure,tusaisça? —Ilvautmieuxsijedoisresteravectoi. Soudain,ilpritlevisagedeBethdanssesmains. —Jeleveux,déclara-t-ilavecfougue. —Quoi? —Queturestesavecmoi. Elleeneutlesoufflecoupé.Unespoirténus’enflammadanssoncœur. —C’estvrai? Ilfermalesyeuxetsecoualatête. —Ouais.Etc’estcomplètementstupide.C’estdingue.Etdangereux. —Çadoitpastechangerbeaucoup. Iléclataderireetlaregarda. —Ouais,t’asraison! MonDieu!Latendressequ’ellelisaitdanslesyeuxdeKolherluibrisaitlecœur. —Beth,jeveuxresteravectoi.Maistudoiscomprendrequetuvasdevenirunecible.Etjesais pascommentteprotéger.Jesaispascomment… —Ontrouvera,répondit-elle.Onyarriveraensemble.Ill’embrassa.Unbaiserlong.Langoureux. Amoureux. —Turestesalors?demanda-t-il. —Non.Ilfautvraimentquej’ailletravailler. — Je veux pas que tu partes. (Il prit le menton de Beth dans sa main.) Je déteste l’idée de pas pouvoirêtreavectoidehorspendantlajournée. Maislesverrouss’actionnèrentetlaportes’ouvrit. —Commenttufaisça?demanda-t-elle. —Tuserasrentréeavantlecrépuscule. Cen’étaitpasunerequête.Loindelà. —Jeseraideretourunpeuaprèslecoucherdusoleil.Ilgrogna. —Jeprometsd’appelers’ilyalemoindretrucbizarre.(Ellefitlesyeuxronds.Bonsang,ilallait falloirqu’elleredéfinissecemot.)Jeveuxdiredeplusbizarre. —J’aimepasça. —Jeseraiprudente. Ellel’embrassapuismontalesescaliers.Ellesentaitencoresesyeuxsurellelorsqu’elleouvritle tableauetentradanslesalon. CHAPITRE32 Beth se rendit à son appartement, donna à manger à Bouh et arriva au bureau juste après midi. Pourunefois,ellen’étaitpasaffaméeettravaillapendantl’heuredudéjeuner.Plusoumoins.Ellene parvenaitpasvraimentàseconcentreretselivrasurtoutàunerotationdespilesdedocumentsqui encombraientsonbureau. Butchluilaissadeuxmessagespendantlajournée,confirmantleurrendez-vousàl’appartement deBethvers20heures. À16heuresenviron,elledécidad’annulersonrendez-vousaveclui. Rien de bien n’en sortirait. En aucun cas, elle ne dénoncerait Kolher à la police et, si elle s’imaginait que Dur-à-cuire prendrait des gants avec elle parce qu’il l’aimait bien et qu’ils se trouvaientdanssonappartement,ellenefaisaitquesementiràelle-même. Néanmoins,ellen’avaitnulleenviedejouerlesautruches.Ellesavaitqu’elleallaitêtreconvoquée pouruninterrogatoire.Commentpourrait-ilenêtreautrement?TantqueKolherrestaitsuspect,elle seraitdanslecollimateurdelapolice.Elledevaitprendreunbonavocatetattendred’êtreconvoquée auposte. Enrevenantdelaphotocopieuse,ellejetauncoupd’œilparlafenêtre.Lecieldefind’après-midi étaitcouvert,annonciateurd’oragesdansl’airépaisetlourd.Elledutdétournerleregard.Sesyeux luifaisaientmaletl’inconfortnedisparaissaitpasquandelleclignaitdesyeux. Revenueàsonbureau,elleavaladeuxaspirinesetappelalepostedepolicepourparleràButch. Lorsque Ricky l’informa qu’il était en congé administratif, elle demanda à parler à José. Il prit immédiatementlecombiné. —LasuspensiondeButch.C’estarrivéquand?demanda-t-elle. —Hieraprès-midi. —Ilvaêtreviré? —Officieusement?Probablement. Butchn’allaitdoncpaspasseràsonappartement,aprèstout. —Oùtues,mam’zelleB?demandaJosé. —Aubureau. —C’estvrai? Savoixétaitplustristequ’agressive. —Vérifielenumérod’appel. Josésoupiralonguement. —Jedoisteconvoquer. —Jesais.Tupeuxmelaisserletempsdeprendreunavocat? —Tucroisquetuvasenavoirbesoin? —Ouais. Joséjura. —Tudevraisresterloindecethomme. —Jeterappelleplustard. —Uneautreprostituéeaététuéelanuitdernière.Mêmemodeopératoire. Illuifallutquelquesinstantspourdigérerl’information.EllenesavaitpascequeKolheravaitfait lorsqu’ilétaitsorti.Maispourquoiaurait-iltuéuneprostituée? Àfortiori,deuxprostituées. L’angoisselagagnaetbattitàsestempes. MaisellenepouvaitsimplementpasimaginerKolhertrancherlagorged’unepauvrefemmesans défenseetlalaisseragoniserdansuneruelle.C’étaitunguerrier,pasuntueur.Etmêmes’ilagissait endehorsducadredelaloi,ellenepouvaitpasl’imaginertuerquelqu’unquinel’avaitpasmenacé. Surtoutaprèscequiétaitarrivéàsesparents. —Écoute-moibien,Beth,repritJosé.J’aipasbesoindetedireàquelpointlasituationestgrave. Cethommeestnotresuspectprincipaldanstroismeurtres,etfaireobstructionàlajusticeestundélit sérieux.Mêmesiçadoitmedéchirerlecœur,jet’arrêterai. —Ilatuépersonnelanuitdernière. Sonestomacseretourna. —Tuadmetssavoiroùilest. —Jedoisyaller,José. —Beth,jet’enprie.Arrêtedeleprotéger.Ilestdangereux… —Ilapastuécesfemmes. —C’estcequetucrois. —T’étaisunvraiami,José. —Bordel!(Ilajoutaquelquesmotsenespagnol.)Grouille-toideprendreunavocat,Beth. Elle raccrocha, prit son sac et éteignit son ordinateur. La dernière chose qu’elle souhaitait était que José vienne lui passer les menottes au bureau. Elle devait repasser chez elle, prendre des vêtements,etallerchezKolheraussivitequepossible. Peut-être pouvaient-ils disparaître purement et simplement tous les deux. Peut-être était-ce leur seuleoption.Cartôtoutard,lapolicelestrouveraitàCaldwell. DansTradeStreet,ellefutsaisiedecrampesd’estomacetlachaleurluipompaittoutesonénergie. Dès qu’elle fut arrivée chez elle, elle se versa un verre d’eau glacée mais, quand elle essaya de le boire,sesintestinsseretournèrent.Elles’étaitpeut-êtrechopéunegastro.ElleavaladeuxRennieet pensaàRhage.Illuiavaitpeut-êtrerefiléquelquechose. MonDieu,sesyeuxlafaisaientatrocementsouffrir. Ellesavaitqu’elledevaitcommenceràfairesonsac,maiselleretirasesvêtements,passaunteeshirt et un short et s’assit sur le futon. Elle voulait juste se reposer un petit moment mais, une fois assise,ellen’arrivaplusàseremettreenmouvement. Auradar,commesisesneuronessebouchaientdanssoncerveau,ellerevitlablessuredeKolher. Il ne lui avait pas dit comment il s’était fait ça. Et s’il avait attaqué une prostituée et que la femme s’étaitdéfendue? Desesdoigts,Bethcommençaàsemasserlestempestandisquelanauséelasaisissaitetfaisait remonterdelabiledanssagorge.Deslumièresdansèrentdevantsesyeux. Non,cen’étaitpasunegastro.Ellesepayaitunemigraineinfernale. Kolherrecomposalenuméro. Manifestement,Tohrmentvisualisaitlenumérodel’appelantetl’évitaitcommelapeste. Merde!Kolherdétestaitavoiràs’excuser,maisilvoulaitvraimentréglercettehistoire.Sinonles chosesallaientdégénérer. Ilpritletéléphoneportableavecluidanslelitets’appuyacontrelatêtedulit.Ilvoulaitappeler Beth.Justepourentendresavoix. Ouais, tu parles qu’il disparaîtrait après sa transition ! Il supportait à peine d’être loin d’elle pendantdeuxpetitesheures. Bon sang, il était drôlement accro à cette femelle. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il avait dit pendantqu’elleluifaisaitl’amour.Puisilavaitdécrochélegroslotenl’appelantleelaneaumoment oùellepartait. Ilferaitmieuxdel’admettre.Ilétaitprobablemententraindetomberamoureux. Etcommesiçanesuffisaitpas,elleétaitàdemihumaine. Enplusd’êtrelafilledeAudazs. Maiscommentnepasl’adorer?Elleétaitsiforte,lamêmevolontéquelasienne.Ilpensaàla façondontelleluiavaittenutêteàproposdesonpassé.Peuauraientosé,etilsavaitdequielletenait soncourage.Sonpèreauraitprobablementfaitlamêmechose. Sontéléphoneportablesonnaetildécrocha. —Ouais? — On a des problèmes. (C’était Viszs.) Je viens de lire le journal. Une autre prostituée a été retrouvéemorte.Dansuneruelle.Vidéedesonsang. —Et? —J’aipiratélabasededonnéesdulégiste.Danslesdeuxcas,lesfemmesavaientdesblessuresau cou. —Merde,Zadiste! —C’estcequejepense.J’arrêtepasdeluidired’arrêtersesconneries.Fautquetuluiparles. —Cesoir.Disauxfrèresdeveniricid’abord.Jevaisleconfronterdevanttoutlemonde. —Bonneidée.Etnous,onenlèveratesmainsdesagorgequandill’ouvrira. —TusaisoùestTohr?J’arrivepasàlejoindre. —Aucuneidée,maissituveuxjepeuxpasserchezluienallantchezD. —D’accord.J’aibesoinqu’ilsoitlàcesoir. Kolherraccrocha. Merde!Quelqu’unallaitdevoirmettreunemuselièreàZadiste. Ouluienfoncerunedaguedanslapoitrine. Butchlaissalavoitures’arrêterdoucement.Iln’espéraitpasvraimenttrouverBethchezelle,mais sedirigeaquandmêmeverslaporteetsonna.Pasderéponse. Surprise,surprise. Ilfitletourdubâtimentetpénétradanslacour.Lanuitétaittombéedepuislongtemps,maistout était éteint chez elle, ce qui n’était pas encourageant. Il posa ses mains contre la porte vitrée pour tenterdevoiràl’intérieur. Beth!MonDieu! Ellegisaitsurlesol,facecontreterre,lebrastendudevantelleversuntéléphonequirestaithors deportée.Elleavaitlesjambesécartées,commesielles’étaittorduededouleur. Non! Ilcognacontrelavitre. Elleremualégèrement,commesiellel’avaitentendu. Butch se dirigea vers une fenêtre, enleva l’une de ses chaussures et passa son poing dedans. Il frappalavitreavecjusqu’àcequecelle-cisefissureetsebrise.Ententantd’atteindreleverrou,ilse coupa, mais se foutait royalement de même perdre un bras pour la sauver. Il s’engagea dans l’ouvertureetrenversaunetableenplongeant. —Beth,tum’entends? Elleouvritlabouche.Laremualentement.Sansréussiràarticulerunson. Ilcherchadusangmaisn’entrouvapas,alorsillafitroulersurledos.Elleétaitaussipâlequ’une épitaphe de pierre tombale, moite et à peine consciente. Elle ouvrit les yeux : ses pupilles étaient complètementdilatées. Il lui étendit les bras, à la recherche de traces de piqûres. Il n’en vit aucune, mais n’allait pas perdreplusdetempsàluienleverseschaussurespourregarderentresesorteils. Butchouvritsontéléphoneportableetappelalesurgences. Lorsqu’ilobtintuneréponse,iln’attenditpaslesformulesdepolitesse. —J’aiuneoverdoseprobable. Bethtentadeleverlebrasetsecoualatête.Elleessayaitdeluienleverletéléphonedesmains. —Ducalme,mabelle.Jevaism’occuperde…Lavoixdel’opérateurl’interrompit. —Monsieur?Allô? —Conduis-moichezKolher,gémitBeth. —Qu’ilaillesefairefoutre. —Pardon?ditl’opérateur.Monsieur,vouspouvezmedirecequisepasse? —Overdose.Jecroisquec’estàl’héroïne.Sespupillessontfixesetdilatées.Ellen’apasencore vomi… —Kolher,ilfautquej’aillechezKolher. —…maisnecessedeperdreetdereprendreconnaissance… Bethserelevabrusquementetluifittomberletéléphonedesmains. —Jevaismourir… —Non,putain!hurla-t-il. EllesaisitButchparlachemise.Toutsoncorpstremblait,delasueurmaculantsontee-shirt. —J’aibesoindelui. Butchlafixadroitdanslesyeux. Ils’étaitgouré.Surtoutelaligne.C’étaitpasuneoverdose.C’étaitunecrisedemanque. Ilsecoualatête. —Non,mabelle. —Jet’enprie.J’aibesoindelui.Jevaismourir. Soudain, elle passa en position fœtale, comme si une vague de douleur venait de la couper en deux.Letéléphoneluiéchappa,horsdeportée. —Butch,jet’enprie. Putain!Elleavaitl’airmalenpoint.Commesielleallaityrester. S’il la conduisait aux urgences, elle risquait de mourir pendant le transport. La méthadone était censéesoulagerlescrisesdemanque,pasprovoquerdesdescentescommeça. Putain. —Aide-moi. —Ahputain!s’exclamaButch.C’estloin? —Wallace. —Avenue? Elleacquiesça. Butchneselaissapasletempsdepenser.Illapritdanssesbrasettraversalacour. Ilallaitfoutreunebelleracléeàcefilsdepute. Kolher croisa les bras et s’appuya contre le mur du salon. Autour de lui, les membres de la Confrérieattendaientqu’ilprennelaparole. Tohr, lui aussi, était là mais, dès l’instant où il avait passé la porte, il s’était refusé à croiser le regarddeKolher.Parfait,songeaKolher.Onvafaireçaenpublic. —Mesfrères,onadeuxchosesàrégler.(IlfixalevisagedeTohr.)J’aigravementoffensél’un devous.C’estpourquoij’octroieunhonorisàTohrment. Tohrmentfutsaisidesurprise.Toutcommelerestedel’assemblée. C’était une action sans précédent, et il le savait. Un honoris était avant tout un coup porté en représailles,etceluiàquiilétaitaccordéavaitlechoixdel’arme.Poing,dague,pistolet,chaînes.Ce rituelavaitpourobjectifdelaverl’honneurdel’offenséaussibienquedel’offenseur. Le choc perceptible dans la pièce n’était pas dû à l’acte en soi. Les membres de la Confrérie avaient l’habitude de ce rituel. Compte tenu de leur nature agressive, chacun d’entre eux avait à un momentoffenségravementl’undesfrères. MaisKolher,endépitdetoutessesactions,n’avaitjamaisaccordéd’honorisàcejour.Carselon laloivampire,quiconquelevaitlamainsurluioulemenaçaitd’unearmeétaitpassibledelapeinede mort. — Devant ces témoins, écoute-moi, dit-il d’une voix forte et claire. Je t’absous de toutes les répercussions.Tuacceptes? Tohrbaissalatête.Lesmainsdanslespochesdesonpantalondecuir,ilsecoualentementlatête. —Jepeuxpastefrapper,Seigneur. —Ettupeuxpasnonplusmepardonner? —Jesaispas. —Jepeuxpast’envouloir. Mais,bonsang,ilauraitaiméqueTohraccepte.Ilsavaienttouslesdeuxbesoindedépasserça. —Jereferaimapropositionàunautremoment. —Etjecontinueraiàladécliner. — Qu’il en soit ainsi. (Puis Kolher jeta un regard furieux à Zadiste.) Passons maintenant à ta putaindevieamoureuse. Z.quisetenaitderrièresonfrèrejumeau,avançad’unpasnonchalant. —Siquelqu’uns’esttapélafilledeAudazs,c’esttoi,pasmoi.C’estquoileproblème? Desfrèreslaissèrentéchapperdesjurons. Kolherdénudasescanines. —Jevaispasrelever,Z.Maisjusteparcequejesaisàquelpointtuaimeslescoupsetquejesuis pasd’humeuràtefaireceplaisir.(Ilseredressa,pourparerunéventuelmouvementdeZ.)Jeveux quetutecalmesaveclesputes.Ou,aumoins,quetunettoiesaprèstoi. —Dequoituparles? —Onapasbesoindetoutecettepub. ZadisteregardaFhurie,quidéclara: —Lescorps.Lesflicslesonttrouvés. —Quelscorps? Kolhersecoualatête. —Bordel,Z.!Tucroisvraimentquelesflicsvontpaschercheràrésoudrelemeurtrededeux femmesqu’onalaisséseviderdeleursangdansuneruelle? Zadisteavançasiprèsqueleurstorsessetouchèrent. —Jesaispasdequoituparles.Sens-moi.Jedislavérité. Kolherinspiraprofondément.Ilhumal’odeurdel’outrage,uneodeuraciduléesemblableàcelle d’undéodorantcitronné.Maisilnesentitniangoissenisubterfuge. Lehic,c’étaitqueZ.n’étaitpasseulementuntueurassoiffédesang,maisaussiunfieffémenteur. —Jeteconnaistropbien,déclaraKolherd’unevoixcalme,pourcroireuntraîtremotdeceque tudis. Z.commençaàgrogner.Fhuries’avançarapidement,entourantdesonavant-braspuissantlecou desonfrèrejumeauettirantlevampireenarrière. —Toutdoux,Z.,ditFhurie. Zadistesaisitlepoignetdesonjumeauetsedégagea.Sonregardbrûlaitdehaine. —Undecesquatre,Seigneur,jevais… Un bruit semblable à un tir de canon l’interrompit. Quelqu’un cognait de toutes ses forces à la ported’entrée. Ensemble, les frères sortirent du salon et se dirigèrent vers le vestibule, leurs pas lourds accompagnésducliquetisdeleursarmes. Kolhercontrôlalemoniteurinstallédanslemur. Lorsqu’il vit Beth dans les bras du flic, il en eut le souffle coupé. Il ouvrit la porte et saisit le corpstandisquel’hommeseprécipitaitàl’intérieur. C’estlemoment,pensa-t-il.Lemomentdelatransition. LeflicvibraittoutentierdecolèrequandillaissapasserBethdesesbrasàceuxdeKolher. —Espècedefilsdepute!Commenttupeuxluifaireça? Kolhernesedonnapaslapeinederépondre.Bethdanslesbras,ilsedirigead’unpasrapidevers sesfrères.Ilsentaitleurétonnement,maiscen’étaitpaslemomentdedonnerdesexplications. —Qu’onmelaissetuercethumain,aboya-t-il.Jeveuxpasqu’ilquittelamaisontantquejeserai pasrevenu. Kolhertraversalesalonàtoutevitesse.Poussaletableau.Descenditlesescaliersaussivitequ’ille put. Letempsétaitcompté. ButchregardaledealerdedroguedisparaîtreavecBeth.Latêtedelajeunefemmesebalançait tandisqu’ilss’éloignaienttouslesdeux,sescheveuxflottantdansl’aircommeundrapeausoyeux. Pendantuninstant,ilfutcommeparalysé,tirailléentresonenviedecrieretsonbesoindepleurer. Quelgâchis.Quelterriblegâchis. Puisilentenditlaporteserefermeretseverrouillerderrièrelui.Etserenditcomptequ’ilétait entouréparlescinqfilsdeputelesplusmenaçantsqu’ilaitjamaisvus. Unemainatterritsursonépaule,aussilourdequ’uneenclume. —Çatediraitderesterdîner? Butchlevalesyeux.Letypeportaitunecasquettedebase-balletavaitunesortedemarque–un tatouage?–surlevisage. —Çatediraitd’êtreledîner?demandaunautre,auxalluresdetop-modèle. Denouveau,Butchsentitlacolèrelegagner,épaissirsesmusclesettendresesos. Ilremontasonpantalon. Cesgarsavaientenviedes’amuser?pensa-t-il.Parfait.C’estpartipouruneputaindedanse! Pourmontrerqu’iln’avaitpaspeur,Butchlesfixal’unaprèsl’autredanslesyeux.Lesdeuxqui venaientdeparler.Puisletypeàl’allurerelativementnormalequisetenaitderrièreeux.Ainsiqu’un autre type avec une tignasse pour laquelle des femmes auraient payé sans hésiter des centaines de dollarsdansunsalonchicos. Puisledernier. Butchfixalevisagebalafré.Desyeuxnoirsluirendirentsonregard. Cetype,pensaButch,c’estdeluiqu’ilfallaitseméfier. D’unhaussementd’épaules,ilsedégageadel’emprise. —Dites-moiuntruc,lesgars,commença-t-ild’unevoixtraînante.Vousportezducuirparceque çavousexcite?Voustrempezvotrequeueentrevous? Butchheurtasiviolemmentlaportequesesdentsdufonds’entrechoquèrent. Letop-modèleplongeasonvisageparfaitdansceluideButch. —Àtaplace,jeferaisgaffeàcequejedis. —Pourquoi,mec,quandtugardesunœildessus?Tuvasmeroulerunepellemaintenant? UngrognementcommeButchn’enavaitjamaisentendusortitdelagorgedutype. —C’estbon,c’estbon.(Celuiquisemblaitleplusnormals’avança.)Recule,Rhage.C’estbon. Onsecalme. Ilfallutautop-modèleprèsd’uneminutepourlâcherButch. —C’estbon.Onrestecool,murmuraM.Normal,tapotantsonpotedansledosavantderegarder Butch.Toi,rends-toiserviceetboucle-la. Butchhaussalesépaules. —Qu’est-cequej’ypeux,moi,sileblondrêvedemetripoter? Letypes’élançadenouveauetM.Normal,cettefois,necherchapasàretenirsonami. Le poing qui vint heurter la mâchoire de Butch résonna dans toute sa tête. Sous l’effet de la douleur,Butchlaissalibrecoursàlaragequil’animait.LapeurdecequipouvaitarriveràBeth,la hainerefouléedecesvoyous,lafrustrationrelativeàsonboulot,toutsortitdelui.Ilplaqualeplus granddeshommesausol. Surlemoment,legarsfutsurpris,commes’ilnes’attendaitpasàautantdevitesseoudeforce chezButch,quienprofita.Enguisedereprésailles,ilfrappaleblondauvisage,puislesaisitparla gorge. L’instant d’après, Butch était allongé sur le dos, l’homme, à califourchon sur sa poitrine, l’immobilisantfermementausol. Le type prit le visage de Butch dans sa main et le pressa comme un citron. Butch avait les plus grandesdifficultésàrespirer;ilhaletait. — Peut-être bien que je vais rendre une petite visite à ta femme, déclara le type, et me la faire plusieursfois.Qu’est-cequet’endis? —J’aipasdefemme. —Tacopine,alors. Butchaspiraunpeud’air. —J’enaipasnonplus. —Silesnanasveulentpasdetoi,qu’est-cequitefaitcroirequetupourraismebrancher? —Jevoulaistefoutrelahaine. Letypeplissasesyeuxbleusélectriques. Ildevaitporterdeslentilles,pensaButch.Personnen’avaitlesyeuxdecettecouleur. —Ahouais?demandaleblond. — Si j’avais attaqué le premier (Butch inspira plus profondément encore) tes gars seraient intervenus tout de suite. Ils m’auraient réglé mon compte. Sans que j’aie la moindre chance de t’atteindre. Le blond relâcha un peu son emprise et éclata de rire tandis qu’il délestait Butch de son portefeuille,desesclésetdesontéléphoneportable. —Hélesmecs,jecroisquecetypemeplaîtbien!s’exclamaleblond. Quelqu’unseraclalagorge.Discrètement. Le blond se remit debout. Butch, haletant, roula sur le côté. Lorsqu’il leva les yeux, il crut halluciner. Deboutdanslevestibulesetrouvaitlepetithommeâgéenlivrée.Ilportaitunplateaud’argent. —Excusez-moi,messieurs.Ledînerseraservidansenvironunquartd’heure. —Dites,cesontdescrêpesauxépinards?demandaleblondensedirigeantversleplateau. —Oui,Monsieur. —Génial! Lesautreshommesseregroupèrentautourdumajordomeetseservirent.Etprirentdesserviettes àcocktail.Commes’ilsnevoulaientpasrisquerderenverserquoique,cesoit. Putain,maisqu’est-cequec’estquetoutcecirque? —Puis-jevousdemanderunefaveur?ditlemajordome. M.Normalacquiesçavigoureusement. —Apportezunautreplateauetontueratoutcequevousvoudrez. Ouais,finalement,cetypeestpeut-êtrepassinormalqueça. Lemajordomesouritcommesilaréponseletouchait. — Si vous envisagez de saigner l’humain, seriez-vous assez aimable de le faire dans la cour arrière? —Aucunproblème,réponditM.Normalenenfournantuneautrecrêpedanslabouche.Bonsang, Rhage,t’asraison!Cescrêpessonttropbonnes! CHAPITRE33 Kolhersentaitledésespoirlegagner.Iln’arrivaitpasàfairereprendreconnaissanceàBeth. Sapeaunecessaitderefroidir. Denouveau,alorsqu’elleétaitallongéesurlelit,illasecoua. —Beth,Beth!Tum’entends? Bethremualesmains,maisKolhereutl’impressionqu’ils’agissaitd’unspasmeinvolontaire.Il colla son oreille contre sa bouche. Beth continuait à respirer, même si les intervalles entre deux expirationsétaientd’unelongueuralarmante.Alarmante,aussi,lafaiblessedesonsouffle. Merde! Il dénuda son poignet et était sur le point de s’ouvrir une veine lorsqu’il prit conscience qu’il voulaitlatenirdanssesbrassielleétaitcapabledeboire. Quandelleseraitcapabledeboire. Ilretirasonholster,entiraunedagueetenlevasachemise.Iltâtasoncoujusqu’àcequ’iltrouve lajugulaire.Ilplaçalapointedeladaguecontresapeauetsecoupa.Lesanggicla. Ilpassasondoigtsurl’entailleetleportaauxlèvresdeBeth.Lorsqu’ill’enfonçadanssabouche, lalanguedelajeunefemmerestainerte. —Beth,murmura-t-il,reviens. Illuidonnaencoredesonsang. —Bordel,meurspas!(Lesbougiess’illuminèrentdanslapièce.)Jet’aime,bordel!Lâchepas! La peau de Beth commençait à virer au bleu, même lui pouvait percevoir le changement de couleur. Il se mit à prier avec frénésie, des prières anciennes dans la vieille langue des vampires. Des prièresqu’ilcroyaitavoiroubliées. Bethneremuaitpas.Elleétaitbeaucouptropimmobile.L’Estompeplanaitsurelle. Saisidefurie,KolhersemitàhurleretagrippalecorpsdeBeth.Illesecouasifortqueleslongs cheveux de la jeune femme s’emmêlèrent. Il berçait son corps, fixant de ses yeux aveugles le mur noirdevantlui. Marissa accorda le plus grand soin à sa toilette, résolue à paraître à son avantage lorsqu’elle descendraitpourlepremierrepasdelanuit.Aprèsavoirinspectésagarde-robe,elleoptapourune longue robe de mousseline de soie ivoire. Elle l’avait achetée la saison précédente chez Givenchy, mais ne l’avait encore jamais portée. Le corsage était plus moulant et plus échancré que ce qu’elle portaithabituellement,maislaformeempiregarantissaituneffetgénéraldesplusdécents. Elle se brossa les cheveux, qu’elle laissa détachés. Ils étaient si longs désormais qu’ils lui arrivaientauxhanches. Enlesregardant,ellepensaàKolher.Unefois,illuiavaitditàquelpointilsétaientsoyeux.Elle lesavaitlaissépousserensupposantqu’ilapprécierait.Etqu’ilnel’apprécieraitellequedavantage. Peut-êtreallait-ellecoupersesondulationsblondes.Lestailleràgrandscoupsdeciseaux. Lacolère,quis’étaitcalmée,bouillonnadenouveauenelle. Soudain,Marissapritunedécision.C’enétaitterminédegardertoutpourelle.Ilétaittempsde partager. Puisl’imagedeKolherluirevint.Sahautestature.Sestraitsfroidsetdurs.Saprésenceterrifiante. Serait-ellevraimentcapabledel’affronter? Jamais elle ne le saurait si elle n’essayait pas. Et puis elle n’avait nullement l’intention de le laisservoguerverssonavenirquelqu’ilsoitsansluidirecequ’elleavaitsurlecœur. Ellejetauncoupd’œilàsonréveil.Siellenedescendaitpaspourledîneretn’aidaitpassonfrère àlacliniquecommeelleleluiavaitpromis,Haversauraitdessoupçons.Elleferaitmieuxd’attendre unpeuavantdeserendrechezKolher.Elleavaitsentiqu’ildemeuraitchezAudazs;elleiraitplus tard. Etattendraitqu’ilrevienne. Certaineschosesvalaientlapeinequ’onattende. —Mercid’avoiracceptédemevoir,sensei. —Billy,commentvas-tu?(M.Xposalemenuqu’ilavaitlupourpasserletemps.)Tonappelm’a inquiété.Etjenet’aipasvuaucours. Riddlepritplacedanslebox;ilavaitl’airpluscalme.Sesyeuxétaienttoujoursbleusetnoirset l’épuisementselisaitsursestraits. —Quelqu’unm’enveut,sensei. Billycroisalesbrassursapoitrine.Ilmarquaunepause,commes’iln’étaitpassûrdecequ’il devaitraconter. —Çaaunrapportavectonnez? —Possible.Saispas. —Entoutcas,jesuiscontentquetusoisvenumetrouver,mongarçon.(Autresilence.)Tupeux mefaireconfiance,Billy. Riddleprituneprofondeinspiration,commes’ils’apprêtaitàplongerdansunepiscine. —MonpèreestàWashington,commed’habitude.Alorshiersoir,j’aifaitunepetitefêteavecdes potes.Onafuméquelquesjoints… —Tunedevraispas.Lesdroguesillicitesnesontpasunebonnechose. Malàl’aise,Billyremuasursonsiègeetcommençaàjoueraveclachaîneenplatinequ’ilportait autourducou. —Jesais. —Continue. —Mespotesetmoi,onétaitprèsdelapiscine.Ilyenavaitunquivoulaitpasserunpetitmoment seulavecsacopine.Jeleuraiditd’allerdanslacabine,maiselleétaitfermée.Jemesuislevépour allerchercherlacléet,quandjesuisrevenu,untype,surgidenullepart,setenaitdevantmoi.Ilétait immense,bordel.Delongscheveuxnoirs.Vêtudecuir. Laserveuses’approcha. —Quedésirez-vous? —Plustard,aboyaM.X. Tandisqu’elles’éloignait,M.XfitunsigneàBilly.Riddlepritleverred’eaudeM.Xetlebut. —Ilm’afoutulatrouilledemavie.Ilm’aregardécommes’ilvoulaitmebouffertoutcru.Puis mon pote s’est pointé ; il se demandait où j’étais passé avec la clé. Le type a dit mon nom et s’est volatilisé, juste au moment où mon pote arrivait. (Billy secoua la tête.) Sauf que je me demande encorecommentilafaitpourpasseràtraverslemur.Monpèreenafaitposerunl’annéedernière toutautourduterrainparcequ’ilavaitreçudesmenacesterroristesouuntrucdugenre.Lemurdoit faire, je sais pas, près de quatre mètres de haut. Et la maison était fermée et le système de sécurité branché. M.XbaissalesyeuxverslesmainsdeBilly.Ellesétaientpresséesl’unecontrel’autre. —J’ai…jedoisreconnaîtrequej’aiunpeulesjetons,sensei. —Ilyadequoi. LemalaisedeRiddlesemblas’accroîtreàmesurequ’ilvoyaitsescraintesconfirmées. —Billy,dis-moi.J’aibesoindesavoir.Tuasdéjàtuéunanimal? LechangementbrusquedeconversationsuscitachezRiddleunfroncementdesourcils. —Dequoivousparlez? —Tusais.Unoiseau.Unécureuil.Peut-êtreunchatouunchien? —Non,sensei. —Non?(M.XregardaBillydanslesyeux.)Jen’aipasdetempsàperdreaveclesmensonges, mongarçon.Billyseraclalagorge. —Ouais,peut-être.Quandj’étaisplusjeune. —Qu’est-cequetuasressenti? Billysentitdelachaleurgagnersanuque.Ildesserralesmains. —Nada.J’airienressenti. —Allons,Billy.Tudoismefaireconfiance. LesyeuxdeBillyétincelèrent. —D’accord.Peut-êtrequeçam’abienplu. —Ouais? —Ouais. Riddleavaitpéniblementarticulésaréponse. —Bien.(M.Xlevalamainpourattirerl’attentiondelaserveuse.Ellepritsontempspourvenir.) Onreparleradecethommeplustard.D’abord,j’aimeraisquetumeparlesdetonpère. —Monpère? —Vousêtesprêtsàpassercommande?demandalaserveused’untonsnob. —Qu’est-cequetuveux,Billy?C’estpourmoi.Riddlerécitalamoitiédumenu. Quandlaserveusesefutéloignée,M.Xreposalaquestion. —Tonpère? Billyhaussalesépaules. —Jelevoispasbeaucoup.Mais…c’est…voussavez.Unpaternel.Qu’est-cequeçapeutfaire? —Écoute-moibien,Billy.(M.Xsepenchaverslui.)Jesaisquetuasfuguétroisfoisdecheztoi avantl’âgededouzeans.Jesaisquetonpèret’aenvoyéeninternatàlaminutemêmeoùtamèreaété enterrée. Et je sais que, quand tu t’es fait renvoyer de Northfield Mount Hermon, il t’a envoyé à Groton. Quand là encore tu t’es fait renvoyer, il t’a placé dans une académie militaire. J’ai l’impressionqu’ilasurtoutessayédesedébarrasserdetoicesdixdernièresannées. —Ilestsuperoccupé. —Ettun’aspasétéfacile,pasvrai? —Possible. —Ondiraitquelesrelationsnesontpasidylliquesentretoiettoncherpèreadoré.(M.Xmarqua unepause.)Dis-moilavérité. —Jelehais,lâchaRiddle. —Pourquoi? Denouveau,Billycroisalesbrassursapoitrine.Sesyeuxperdirenttoutechaleur. —Pourquoiest-cequetulehais,mongarçon? —Parcequ’ilrespire. CHAPITRE34 Bethfixaitunesortedenéantvaporeuxquis’étendaitdevantelle.Ellesetrouvaitdansunpaysage onirique,auxcontoursnébuleuxquisuggéraientquecequ’elleavaitdevantlesyeuxétaitinfini. Une silhouette, éclairée par l’arrière, émergea de la brume et s’approcha. Elle sentit qu’il s’agissaitd’unêtremasculin,quelqu’ilsoit,etnesesentaitpasmenacée.Elleavaitl’impressiondele connaître. — Père ? murmura-t-elle, sans réellement savoir si elle s’adressait à son père ou à Dieu luimême. L’hommeétaitencoreassezloin,maisillevalamainpourlasaluer,commes’ill’avaitentendue. Bethavança,labouchesoudainemplied’ungoûtqu’elleneparvintpasàidentifier.Elleportale doigtàseslèvres.Quandelleleleva,ellevitdurouge. Lasilhouettebaissalamain.Commes’ilsavaitcequelatachesignifiait. Bethréintégrasoncorps.C’étaitcommeêtrecatapultéeetatterrirsurdugravier.Toutsoncorps étaitdouloureux. Ellehurla.Quandelleouvritlabouche,ellesentitdenouveaucegoûtdanssabouche.Parréflexe, elleavala. Quelquechosedemiraculeuxseproduisit.Commeunballonqu’onregonflait,sapeausegorgea devie.Sessensdevinrentvivants. Sansriendistinguer,elleagrippaquelquechosededur.Etfitsiennelasourcedugoût. KolhersentitlecorpsdeBethsaisidesecoussescommesielleavaitétéélectrocutée.Puisellese mitàboireaucoudeKolheravecfrénésie,avecdesmouvementsintensesdelabouche.Ellepassales brasautourdesépaulesduvampireetplantasesonglesdanssachair. Avecungrognementdetriomphe,ill’étenditdenouveausurlelitpourfaciliterlacirculationdu sang.Ilinclinalatêtepourluidonnerlibreaccèsàsoncou.Ellesehissasursapoitrine,samassede cheveuxinondantlapoitrinedeKolher.Lebruitmouillédelasuccionainsiquelefaitdesavoirqu’il luidonnaitlavieprovoquèrentchezluiuneérectionphénoménale. Il la tint serrée tout contre lui, lui caressant les bras. L’encourageant à prendre plus de lui. À prendretoutcedontelleavaitbesoin. Trèslongtempsaprès,Bethlevalatête.Passalalanguesurseslèvres.Ouvritlesyeux. Kolheravaitlesyeuxrivéssurelle. Ilavaituntroubéantdanslecou. —Oh,monDieu…qu’est-cequejet’aifait? Elletenditlamainpourarrêterlesangquis’écoulaitdesaveine. KolhersaisitlesmainsdeBethetlesportaàseslèvres. —Veux-tudemoicommehellren? —Quoi? Elleavaitdumalàpenser. —Épouse-moi. Elleregardaletroudanssagorgeetsentitsonestomacsenouer. Ladouleurlasaisitbrusquementdanstoutesonintensité.Lasubmergea.Lamenaauxportesde l’agonie.Ellesecourbaetroulasurlematelas. Kolherselevad’unbondetposalatêtedeBethsursesgenoux. —Jesuisentraindemourir?murmura-t-elle. —Non,leelane.Tuvaspasmourir.Çavapasser,répondit-il.Maisçanevapasêtreunepartiede plaisir. Parvagues,toutsonsystèmedigestifétaitsaisideconvulsions;elleseretournad’unmouvement brusque, pour se retrouver sur le dos. La douleur l’empêchait quasiment de distinguer le visage de Kolher, mais ses yeux étaient élargis par l’angoisse. Il prit sa main dans la sienne et la serra fort lorsquelavaguesuivantedetorturelasaisit. Savuebaissa.Revint.Baissaencore. Toutsoncorpsétaitensueuretmouillaitlesdraps.Elleserralesdentsets’arc-bouta.Setourna d’uncôtépuisdel’autre.Essayadefuir. Ellenesavaitpascombiendetempstoutçadura.Desheures.Desjours. Kolherrestatoutletempsàsescôtés. Kolhersoupiradesoulagementpourlapremièrefoisunpeuaprès3heuresdumatin. Bethavaitfinipars’apaiser. Elles’étaitmontréesicourageuse.Elleavaitsupportéladouleursansgémirnipleurer.Mêmelui avaitsuppliéquesatransitionprennefin. Elleémitunsonrauque. —Quoi,maleelane? IlapprochasonoreilledeslèvresdeBeth. —Douche. —D’accord. Ilsortitdulit,fitcoulerl’eauetrevintlachercher.Illasoulevadoucementetlaportadansses bras jusqu’à la salle de bains. Elle ne pouvait pas tenir debout, alors il l’assit sur le comptoir en marbre,luienlevasesvêtementspuislarepritdanssesbras. Il entra dans la douche, protégeant le corps de Beth de son dos. Il voulait s’assurer que le changementdetempératureetd’humiditéneluiseraitpasdésagréable.Commeelleneprotestaitpas, illaissal’eaucoulersursespieds,aucasoùlasensationseraittropforte.Peuàpeu,illaplaçasousle jetd’eau. Ellesemblaaimerlasensationdel’eau,puisqu’elletenditlecouetouvritlabouche. Ilvitsescanines:illestrouvamagnifiques.D’unblanclumineux.Acérées.Ilserappelacequ’il avaitressentitandisqu’elles’abreuvaitàlui. Kolherlaramenacontreluiuncourtmoment,latenantdanssesbras.Puisildéposasespiedsau soletlasoutintd’unseulbras.Desamainlibre,ilpritlabouteilledeshampoingetenversaunpeu surlehautdesatête.Ilfitmousserpuisrinça.Ilpritensuitelesavonetmassadoucementsapeaudu mieuxqu’ilputsanslalâcheretenveillantbienàrincertoutelamousse. Il la reprit dans ses bras, arrêta l’eau, sortit de la douche et attrapa une serviette. Il l’enveloppa dedans et l’adossa contre le comptoir, l’appuyant contre le mur et le miroir. Avec précaution, il essuyasescheveux,sonvisage,soncou,sesbras.Puissespieds,sesmollets,sesgenoux. Sapeauseraitultrasensiblependantunmoment.Ainsiquesavueetsonouïe. Pendantlatransition,ilavaitcherchélessignesquesoncorpschangeait,maisn’enavaitvuaucun. Elle avait la même taille qu’auparavant. Elle lui arrivait à la même hauteur. Il se demandait si elle pourraittoujourss’exposeràlalumièredujour. —Merci,murmura-t-elle. Il l’embrassa et la porta sur le sofa. Puis il retira les draps mouillés et l’alèse. Il eut du mal à refairelelit.Illuifallutdutempspourtrouverl’autreparureetileuttouteslesdifficultésdumondeà lesmettrecorrectement.Lorsqueenfinileutterminé,ildéposaBethsurlesdrapsdesatinpropres. Sonprofondsoupirfutleplusgrandcomplimentqu’onluiaitjamaisadressé. Kolhers’agenouillaàcôtédulitetpritsoudainconsciencequesonpantalonencuiretsesbottes étaienttrempés. —Oui,murmura-t-elle. Ill’embrassasurlefront. —Oui,quoi,maleelane? —Jeveuxt’épouser. CHAPITRE35 De nouveau, Butch fit les cent pas dans le salon et s’arrêta devant la cheminée. Il regarda les bûchesdansl’âtre.Ilimaginaitladouceurd’unfeudanscettepièceenhiver.Leplaisiràregarderles flammesassissurlesofaensoie.Lemajordomeservantdesgrogsoud’autresdouceurs. Qu’est-cecettebandedebrutespouvaitbienfoutredansunendroitpareil? Butchentendaitlebruitdeshommesdanslevestibule.Ilsavaientpassédesheuresdanscequ’il supposait être une salle à manger, à actionner leurs mâchoires. Au moins, ils avaient bon goût en matièredemusique.Duraphardcorerésonnaitdanstoutelamaison:2Pac,Jay-Z,D-12.Detempsen temps,ilpercevaitdeséclatsderirepar-dessuslamusique.Desvannesdemacho. Pourlamillionièmefoisaumoins,iljetauncoupd’œilàlaporteprincipale. Lorsqueceshommesl’avaientpoussédanslesalonavantdesedirigerverslasalleàmanger,ily avaitdecelauneéternité,Butchavaittoutd’abordpenséàs’enfuirmêmes’ildevaitpourçabriser unevitreavecunechaise.IlappelleraitJosé.Rameuteraittoutelabrigade. Maisavantqu’ilesquisselemoindremouvement,ilentenditunevoixàsonoreille. —J’attendsqueça,quetuessaiesdeprendrelatangente. Butch avait fait volte-face. Le balafré au crâne rasé était campé à ses côtés, mais le policier ne l’avaitpasentenduapprocher. — Vas-y, mec. (Ce barge aux yeux noirs fixait Butch avec l’intensité d’un requin.) Défonce la porte. Pars, cours ! Va chercher de l’aide. Mais tu peux être sûr d’une chose : je te lâcherai pas. Commeuncorbillard. —Zadiste,laisse-letranquille.(Letypeaveclachevelureabondantevenaitdepasserlatêtepar l’encadrementdelaporte.)Kolherveutqu’ongardel’humainenvie.Pourlemoment. LebalafréavaitjetéundernierregardàButch. —Essaie.Essaie,justepourvoir.Jepréfèretetraquerquedîneraveceux. Puisilsortitd’unpasnonchalant. Malgrélesmenaces,Butchavaitcherchéàobserverleplusdechosespossible.Iln’avaitaperçu aucun téléphone et, à en juger par le panneau de sécurité qu’il avait vu dans le vestibule, toutes les fenêtresetlesportesdevaientêtresurveillées.Impossibledesefairelamallesanssefaireremarquer. EtpuisilnevoulaitpasabandonnerBeth. MonDieu,sijamaisellemourait… Butchinhala.Fronçalessourcils. Bordel,qu’est-cequec’étaitencorequeça? Lestropiques.Ilsentaitl’océan. Ilseretourna. Unefemmed’uneextraordinairebeautésetenaitdansl’embrasuredelaporte.Éléganteetracée, elleportaitunerobevaporeuseetsesmagnifiquescheveuxblondsluidescendaientparvaguesjusque danslebasdudos.Sonvisageétaitd’uneperfectionremarquable;sesyeuxavaientlacouleurbleu pâleduverreroulé. Ellerecula,commesielleavaiteupeurdelui. —Non,dit-il.(Ils’avança,pensantauxhommesdanslapièceauboutduvestibule.)N’yretournez pas. Elleregardaautourd’elle,commesiellevoulaitappeleràl’aide. —Jenevousferaiaucunmal,ajouta-t-il. —Commentpourrais-jelesavoir? Elleavaitunlégeraccent.Commetouslesautres.Russe,peut-être? Iltenditlesmains,paumesverslehaut,pourluimontrerqu’iln’avaitpasd’armes. —Jesuisflic. Ouais,c’étaitplustoutàfaitvrai,maisilvoulaitlarassurer. Ellerelevalebasdesarobe,commesielles’apprêtaitàdécoller. Putain, il n’aurait jamais dû dire ça ! Si elle était la nana d’un des mecs, elle allait sûrement se tirer,maintenantqu’ellesavaitqu’ilappartenaitàlapolice. —Jenesuispasenservice,dit-il.Pasd’arme,pasdebadge. Brusquement, elle lâcha le bas de sa robe. Ses épaules se raidirent comme si elle cherchait à rassembler son courage. Elle s’avança un peu, se déplaçant de manière fluide et gracieuse. Butch gardalesilenceetessayadesefairepluspetitqu’ill’était,moinsmenaçant. —Engénéral,onnemelaissepasapprocherceuxdevotreespèce,dit-elle. Ouais,ilpouvaittoutàfaitimaginerquelesflicsn’étaientpasleshôteshabituelsdelademeure. —J’attends…uneamie. Elle pencha la tête. Alors qu’elle s’approchait, il se sentit presque aveuglé par sa beauté. Son visageétaitfaitpourlesunesdesmagazinesdemode,soncorpslongetadmirable,faitpourarpenter lespodiums.Quantàsonparfum…Ils’insinuaitparsesnarines,danssoncerveau.Ellesentaitsibon quedeslarmesluimontèrentauxyeux. Elleétaitirréelle,pensa-t-il.Sipure,sipropre. Ilavaitl’impressiondedevoirselaverlesdentsetseraserpourpouvoirluidireunmotdeplus. Qu’est-cequ’unenanacommeellefaisaitàtraîneraveccettebande? Le cœur de Butch se serra à l’idée de ce à quoi elle pouvait bien leur servir. Mon Dieu. Sur le marché du sexe, juste une heure avec une femme comme elle pouvait apporter des milliers et des milliersdedollars. Pasétonnantquecettemaisonressembleàunmusée. Marissaseméfiaitdel’humain,surtoutenraisondesataille.Elleavaitentendutantd’histoiressur eux.Qu’ilshaïssaientlesvampires.Qu’ilspourchassaientceuxdesonespèce. Maiscelui-cisemblaittoutfairepournepasl’effrayer.Ilnebougeaitpas;ilrespiraitàpeine.Ilse bornaitàlaregarder. Cequiétaitperturbant,etpasseulementparcequ’ellen’avaitpasl’habituded’êtreregardée.Ses yeuxnoisettebrillaientdanssonvisagedur,nelaissantrienpasser,observanttoutd’elle. Celui-ciétaitintelligent.Intelligentet…triste. —Commentvousappelez-vous?demanda-t-ildoucement. Elle aimait sa voix. Profonde et grave. Un peu dure, comme s’il était en permanence un peu enroué. Ellesetrouvaitmaintenanttrèsprèsdelui,àquelquespas.Alorselles’arrêta. —Marissa.Jem’appelleMarissa. —Butch.(Ilportalamainàsalargepoitrine.)Euh…Brian.O’Neal.Maisonm’appelleButch. Illuitenditlamain,puislaretira,l’essuyavigoureusementcontrelajambedesonpantalon,puis latenditdenouveau. Elleperditcontenance.Letoucherétaittroppourelleetellerecula. Ilbaissalentementlamain,sanssemblerdutoutsurprisqu’ellel’aitrejeté. Pourtant,ilnecessaitdelafixer. —Queregardez-vous? Elleramenasesmainslelongducorsetdesarobe,commepoursecouvrir. Butchsentitl’embarrasmonterlelongdesanuqueetluifairerougirlesjoues. —Désolé.Vousenavezprobablementmarredetouscesmecsquivousreluquentavecdesyeux demerlansfrits.Marissasecoualatête. —Aucunmâlenemeregarde. —J’aibeaucoupdemalàlecroire. C’étaitvrai.TousétaientterrifiésdecequeKolherpourraitleurfaires’ilsposaientlesyeuxsur elle. MonDieu,sitousavaientsucommeelleavaitétépeudésirée. —Parceque…(Lavoixdel’humainsebrisa.)MonDieu,vousêtessi…tellement…belle. Ilseraclalagorgecommes’ilétaitdésireuxderetirercequ’ilvenaitdedire. Elle pencha la tête et l’étudia. Le ton de sa voix avait un je-ne-sais-quoi qu’elle ne pouvait déchiffrer.Unenotedouloureuse. Ilsepassalamaindanssescheveuxbrunsépais. —Jeferaismieuxdemetaire.Avantdevousmettreencoreplusmalàl’aise. LesyeuxdeButchnequittaientpassonvisage. Ilavaitvraimentdebeauxyeux,pensa-t-elle.Sichaleureux.Avecunepointedenostalgiedèsqu’il laregardait.Commes’ilnepouvaitavoirquelquechosequ’ildésirait. Elleconnaissaitçasurleboutdesdoigts. L’humainéclataderire;c’étaitunsonquivenaitdutréfondsdesapoitrine. —Etsij’essayaisdeneplusvousfixer?Çapourraitêtrepasmal.(Ilfourralesmainsdansles pochesdesonpantalonetregardalesol.)Voyez.Jenevousfixeplus.Jenevousfixeplusdutout.Eh, envoilàunbeautapis!Vousaviezremarqué? Marissasourittimidementetfitunpasdeplusdanssadirection. —Jecroisquej’aimelafaçondontvousmeregardez.Lesyeuxnoisetterevinrentimmédiatement sefixersursonvisage. — Je n’ai vraiment pas l’habitude, expliqua-t-elle. Elle porta la main à son cou, puis la laissa tomber. —Bonsang,vousnepouvezpasêtreréelle,ditl’humaind’unevoixdouce. —Pourquoi? —C’estjustepaspossible. Elleeutunpetitrire. —Pourtant,jelesuis. Denouveau,ils’éclaircitlavoix.Luidécochaunsouriredebiais. —Çavousembêtesijevousdemandedemeleprouver? —Comment? —Jepeuxtouchervoscheveux? Denouveau,sapremièrepenséefutdes’enfuir.Maispourquoi?Ellen’étaitengagéeauprèsde personne.Sicethumainvoulaitlatoucher,pourquoinelepourrait-ilpas? Surtoutqu’elleaussiledésirait.Plusoumoins. Ellepenchalatêtepourlaissersescheveuxtomberenavant.Ellepensaluitendreunemèche.Mais non.Elleallaitlelaisserapprocher. Cequ’ilfit. Il tendit la main. Elle était grande. Marissa reprit son souffle. Mais l’humain ne toucha pas la boucleblondequisebalançaitdevantlui.Sesdoigtss’attardèrentsurunebouclereposantsurl’épaule deMarissa. Ellesentitdelachaleursursapeau,commes’ill’avaittouchéeavecuneallumette.Enuninstant, lasensationsepropageaàtoutsoncorps,commesiunefièvrelagagnait. Qu’est-cequiluiarrivait? De son doigt, l’humain écarta la boude, puis lui caressa l’épaule. Sa paume était chaude. Vigoureuse.Forte. Ellelevalesyeuxverslui. —Jenepeuxplusrespirer,murmura-t-elle. Butchfaillittomberàlarenverse. MonDieu,pensa-t-il.Elleledésirait. L’innocent étonnement qu’elle exprimait à son contact lui était plus précieux que les rapports sexuelslesplusintensesqu’ilaitjamaiseus. Butchsentitsoncorpss’emballer,sonérectiontendresonjean,demandantàsortir. Toutçan’estpasréel, pensa-t-il. Ça devait être un jeu. Une femme de sa beauté ne fricotait pas aveccestypessansconnaîtretouteslessubtilités.Etêtrepasséemaîtredanscertaines. Illaregardareprendreunerespirationmalassurée.Puisellesepassalalanguesurleslèvres.Le boutétaitrose.MonDieu! Quelleremarquableactrice!Sansdoutelameilleureputequ’ilaitjamaisrencontrée.MaisButch avaitmorduàl’hameçon.Alorsqu’ellelevaitlesyeuxverslui,ilétaitprêtàachetertoutcequ’elle avaitàvendre. ButchlaissacourirsondoigtlelongducoudeMarissa.Sapeauétaitsidouce,sipâle,qu’ilavait peurdelaisserunemarquejusteenlatouchant. —Vousvivezici?demanda-t-il. Ellesecoualatête. —Jevischezmonfrère. Ilfutsoulagé. —Super. D’ungesteléger,illuicaressalajoue.Fixasabouche.Quelgoûtaurait-elle? Butchlaissasonregards’aventurerplusbas,verssesseins.Ilssemblaientavoirgonfléetpousser contrelecorsetdesarobedélicate. —Vousmeregardezcommesivousaviezsoif,ditMarissad’unevoixincertaine. MonDieu.Elleavaitraison.Ilmouraitdesoif! —Maisjecroyaisqueleshumainsnes’abreuvaientpas,ajouta-t-elle. Butch fronça les sourcils. Elle parlait de façon bizarre, mais la langue de Butch n’était manifestementpassalanguematernelle. Butch tendit les doigts vers la bouche de Marissa. Il s’arrêta et se demanda si elle aurait un mouvement de recul s’il essayait de toucher ses lèvres. Probablement, pensa-t-il. Pour continuer le jeu. —Votrenom,dit-elle,c’estButch? Ilacquiesça. —Vousavezsoifdequoi,Butch?murmura-t-elle. Butchfermalesyeuxensentantsoncorpsvaciller. —Butch?demanda-t-elle.Est-cequejevousaiblessé? Ouais,sionconsidèreledésirincontrôlablecommeuneformededouleur,pensa-t-il. CHAPITRE36 Kolhersortitdulitetpassaunpantalondecuirettee-shirtnoirspropres. Beth dormait profondément, allongée sur le côté Quand il se pencha sur elle pour l’embrasser, elleremua. —Jemonte,luidit-ilenluicaressantlajoue.Maisjequittepaslamaison. Elle acquiesça, caressa la paume de sa main de ses lèvres et retomba dans le repos bienfaisant dontelleavaittantbesoin. Kolhermitseslunettesdesoleil,verrouillalaportederrièreluietmontal’escalier.Ilsavaitqu’il arboraitsourirestupideetsatisfaitetquesesfrèresnemanqueraipasdesepayersatête. Maisils’enfoutaitroyalement! Il allait faire d’elle sa shellane. Il allait avoir une compagne Et ils pouvaient tous aller se faire voir. Ilouvritletableauetentradanslesalon. Iln’encrutpassesyeux. Marissa vêtue d’une longue robe ivoire. Le flic devant elle, qui lui caressait le visage, manifestementtroublé.Toutautourd’eux,dansl’air,leparfumdélicieuxdusexe. Rhagearrivaentrombedanslapièce,dagueaupoint.Indubitablement,ilétaitprêtàfairedupetit boisdel’humainquiosaittoucherlasupposéeshellanedeKolher. —Enlèvetesmains… Kolherbonditenavant. —Rhage!Arrête! RhageseressaisittandisqueButchetMarissaregardaientautourd’eux,paniqués. RhagesouritetlançaladagueàKolheràtraverslapièce. —Tue-le.Ilméritelamortpouravoiroséposerlamainsurelle,maisest-cequ’onpeuts’amuser unpeuavecluiavant? Kolherattrapalecouteau. —Retournedanslasalleàmanger,Hollywood. —Ah,allez!Tusaisbienquec’estmieuxdevantunpublic. Kolhereutunsouriresatisfait. —Pourtoiseulement,monfrère.Maintenant,laisse-nous. Illuirenvoyaladague,queRhageremitdanssonétuienquittantlapièce. —Mec,Kolher,desfois,t’esvraimentlourd.Lourddechezlourd. KolherregardaMarissaetleflic.Ilapprouvaitlafaçondontl’humainavaitcherchéàlaprotéger desoncorps.Peut-êtrecetypeétait-ilplusqu’unbonadversaire. Butchfixalesuspectd’unregardnoiret,desesbras,tentadeprotégerMarissa.Celle-cirefusade resterderrièrelui.Luipassadevant,seplaçantenpremièreligne. Commesielleessayaitdeleprotéger,lui? Illasaisitparsonbrasmince,maisellerésista. Le meurtrier aux cheveux noirs s’avançait, et elle lui adressa la parole d’un ton sec dans une langue que Butch ne reconnut pas. Elle commença à s’enflammer. L’homme acquiesça à de nombreusesreprises.Peuàpeu,ellerecouvrasoncalme. Puisl’hommeposasamainsurl’épauledeMarissaettournalatêteversButch. MonDieu,cetypeavaituneplaiebéantedanslecou,commesiquelqu’unl’avaitmordu. L’hommepritlaparole.Hésitante,Marissarépondit,puisrépétasaréponsed’untonplusassuré. —Qu’ilensoitainsi,déclaralesalaudavecunpetitsourire. MarissasedéplaçadesorteàsetrouveràcôtédeButch.Elleleregardaetrougit. Unedécisionavaitétéprise.Unedécision… D’ungestebrusque,l’hommesaisitButchparlagorge.Marissacria. —Kolher! Ah,merde!Pasçaencore,seditButchtandisqu’ilsedébattait. — Tu sembles l’intriguer, murmura le meurtrier à l’oreille de Butch. Alors je vais te laisser la vie.Maissituluifaisdumal,jet’écorchevif. Marissaparlaitvitedanscettelangueétrangère;nuldoutequ’elleinjuriaitletype. —Ons’estcompris?demandal’homme. Butchfixasonregardsurleslunettesdesoleil. —Ellen’arienàcraindredemoi. —T’asintérêtàcequeçarestecommeça. — Toi, en revanche, c’est une autre histoire. L’homme le lâcha. Rajusta la chemise de Butch. Sourit. Butchfronçalessourcils. Merde,ilyavaitquelquechosequiclochaitvraimentaveclesdentsdutype. —OùestBeth?demandaButch. —Ensécurité.Ellevabien. —Pasgrâceàtoi. —Uniquementgrâceàmoi. —T’asunefaçonbienàtoidevoirleschoses.Jeveuxenjugerparmoi-même. —Plustard.Etuniquementsiellesouhaitetevoir. De nouveau, Butch sentit la colère le gagner ; le salaud sembla percevoir le mouvement qui s’emparaitdesoncorps. —Faisgaffe,leflic.T’esdansmonunivers,maintenant. Ouais,vatefairefoutre,monpote. Butchétaitsurlepointderépliquerquandilsentitqu’onluiagrippaitlebras.Ilbaissalesyeux. DelapeurselisaitdanslesyeuxdeMarissa. —Butch,jevousenprie,murmura-t-elle.Non.Lesuspectacquiesça. — Tu vas te montrer poli et rester avec elle, dit l’homme sur un ton plus doux alors qu’il regardaitMarissa.Elleseréjouitdetacompagnie,etellemériteunpeudebonheur.Onverrapour Beth.Plustard. M.XreconduisitBillyàlademeuredesRiddledesheuresplustard,qu’ilsavaientpasséàparler toutenconduisantauhasarddanslaville. LepassédeBillyétaitparfait,etpasuniquementenraisondelaviolencedontilavaitfaitpreuveà l’égard des autres. Son père était tout à fait le genre de modèle que M. X aimait. Un dingue qui se prenaitpourDieu.LetypeétaitunancienjoueurdelaLiguedefootballnationale,massif,agressifet portésurlacompétition,quiavaittourmentéBillydepuislejouroùlegarçonétaitvenuaumonde. Riendecequefaisaitsonfilsn’étaitjamaisassezbien.M.Xavaitunfaiblepourl’histoiredela mortdelamèredugarçon.Samèreétaittombéedanslapiscineunaprès-midioùelleavaittropbuet Billy l’avait retrouvée, flottant à la surface, le visage dans l’eau. Il l’avait sortie de l’eau et avait essayédelaranimeravantd’appelerlessecours.Àl’hôpital,tandisquelecadavre,uneétiquetteau doigtdepied,étaitconduitàlamorgue,ledistinguésénateurdugrandÉtatdeNewYorkavaitdéclaré quesonfilsl’avaittuée.Naturellement,Billyauraitdûcommencerparappeleruneambulanceplutôt qu’essayerdejouerlessecouristes. M. X ne remettait pas en question les vertus du matricide. En l’occurrence cependant, Billy, qui avaitreçuuneformationdesecouriste,avaitvraimentessayédesauverlaviedesamère. — Je hais cette maison, murmura Riddle en fixant les briques illuminées, les colonnes et les volets. —Dommagequetusoissurtoutesceslistesd’attente.L’universitét’auraitpermisd’enpartir. — Ouais, j’aurais pu entrer dans une université ou deux. S’il ne m’avait pas forcé à faire des dossierspourlesuniversitéscotées. —Qu’est-cequetuvasfairealors? Billyhaussalesépaules. —Ilveutquejedéménage.Quejemedégotteunboulot.C’estjuste…quejesaispasoùjepeux aller. —Dis-moiBilly,est-cequetuasunepetiteamie? Billysourit,unesortederictusauxcommissuresdeslèvres. —J’enaiplusieurs. Oui,M.Xpouvaitparfaitementsel’imaginer,unbeaugarçoncommelui. —Quelqu’unenparticulier? LesyeuxdeBillyglissèrentsurlui. — C’est bien pour prendre son pied. Mais elles sont tout le temps après moi. À m’appeler. À vouloirsavoiroùjesuis,cequejefais.Ellesenveulenttropet,euh…je… —Tuquoi? Billyplissalesyeux. —Vas-y,mongarçon.Iln’yarienquetunepuissesmedire. —Je…euh…préfèrequandellessontdifficilesàavoir…(Ils’éclaircitlavoix.)J’aimequand ellesessaientdes’échapper. —Tuaimeslesattraper? —J’aimelesprendre.Vousvoyezcequejeveuxdire?M.Xacquiesça,enpensantquec’étaitun pointdeplusenfaveurdeRiddle.Pasdeliensavecsafamille.Pasdeliensavecunepetiteamie.Quant àsondysfonctionnementsexuel,lacérémonied’intégrationpermettraitd’yremédier.Riddleposala mainsurlapoignéedelaportière. —Entoutcas,merci,sensei.C’étaitgénial. —Billy. Riddles’arrêtaetjetaunregardpar-dessussonépaule.Ilattendait. —Oui,sensei? —Quedirais-tudetravaillerpourmoi? LesyeuxdeBillyétincelèrent. —Vousvoulezdireàl’académie? —Plusoumoins.Jevaisteparlerdecequetuaurasàfaireettupourrasyréfléchir. CHAPITRE37 Bethroulasurlecôté,cherchantKolher,avantdesesouvenirqu’ilétaitmonté. Elles’assit,lesbrasautourd’elleaucasoùladouleurreviendrait.Commeellenesentitrien,elle se leva. Elle était nue et regarda son corps. Tout semblait comme avant. Elle remua un peu. Tout semblaitfonctionner. Àceciprèsqu’ellevoyaitmal. Ellealladanslasalledebains.Retiraseslentillesdecontact.Savueétaitparfaite. Ilyaaumoinsunavantage. Waouh!Descanines.Elleavaitdescanines. Ellesepencha,appuyaunpeudessus.Ilallaitluifalloirunpeudetempspours’habitueràmanger aveccesexcroissances,pensa-t-elle. Suivantsonimpulsion,ellelevalesmains,lesdoigtsécartéscommedesgriffes.Chuinta. Cool. Désormais,Halloween,çaallaitvraimentêtrelepied! Ellesebrossalescheveux,passalepeignoirdeKolheretsedirigeaverslesescaliers.Arrivéeen haut,ellen’étaitpasdutoutessoufflée. Aumoins,ellenesueraitplussangeteauàlagym!Quandellesortitparletableau,elleaperçut Butchassissurlesofaenfaced’uneblondeàlabeautéstupéfiante.Auloin,elleentendaitdesvoix masculinesetdelamusiqueforte. Butchlevalatête. —Beth!(Ilseprécipitaverselle,laserranttrèsfortdanssesbras.)Tuvasbien? —Jevaisbien.Toutàfait. Cequiétaitsurprenant,comptetenudeceparquoielleétaitpassée. Butchs’écartaetpritsonvisagedanssesmains.Ilfixasesyeux.Fronçalessourcils. —T’aspasl’airdeplaner. —Ben,nonpourquoi? Ilsecoualatêted’unairtriste. —T’espasobligéedemementir.C’estmoiquit’aiconduiteici,tutesouviens? —Jem’envais,ditlablondeenselevant.Immédiatement,Butchsetournaverselle. —Non,nepartezpas. Ilretournaverslesofa.Ilregardalafemme,etjamaisBethn’avaitvuunetelleexpressionsurle visagedeButch.Ilétaitlittéralementcaptivé. —Marissa,permets-moideteprésentermonamie(ilaccentualemot)BethRandall.Beth,jete présenteMarissa. Bethlevaunemain. —Salut. Lablondelafixaitdesyeuxdel’autrecôtédelapièce,l’examinantdelatêteauxpieds. —C’esttoilafemelledeKolher,ditMarissa,suruntonderespectmêlédecrainte.(Commesi Bethavaitréussiunesorted’exploit.)Cellequ’ilveut. Bethsentitdelachaleurluimonterauxjoues. —Euh…ouais,jecroisquec’estmoi. Ilyeutunsilencegêné.LeregarddeButchallaitd’unefemmeàl’autre,sourcilsfroncéscomme siluiaussivoulaitêtredanslesecret. Bethaussiauraitaimésavoirdequoiilretournait. —VoussavezoùestKolher?demanda-t-elle. Butchserenfrogna,commes’ilnevoulaitpasqueBethsoitaucontactdecethomme. —Ilestdanslasalleàmanger. —Merci. —Attends,Beth.Onaà… —Jem’envaispas. Butchprituneprofondeinspirationetexpiradansunsifflementlent. —Jesavaisquetuallaisdireça.(Ilregardalablonde.)Maissituasbesoindemoi…euh…je seraiici. BethsouritintérieurementtandisqueButchreprenaitplaceàcôtédelafemme. Danslevestibule,lebruitdesconversationsd’hommesetletempogravedurapaugmentèrent. —Alors,qu’est-cequetuluiasfait,àl’éradiqueur?demandal’un. —J’aiallumésaclopeavecunfusilàcanonscié,réponditunautre.Ilestpasredescendupourle petit-déjeuner,çajetelegarantis. Laréponsefutponctuéederiressonores.Etde«boum»,commedespoingsvigoureuxmartelés surunetable. Bethresserralespansdesonpeignoir.Ilauraitprobablementétéplusintelligentdecommencer pars’habiller,maisellenevoulaitpasattendrepourvoirKolher. Elletournaàl’angleduvestibule. Quand elle fit son apparition dans l’encadrement de la porte, toutes les conversations cessèrent. Des têtes se tournèrent ; des yeux la fixèrent. Le rap hardcore emplit le silence, martèlement des bassesetpsalmodiedesvoix. MonDieu.Jamaisdesavieellen’avaitvuautantd’hommesaussigrandsvêtusdecuir. Ellereculad’unpasaumomentoùKolher,auboutdelatable,seleva.Ilsedirigeaverselle,le regardintense.Nuldoutequ’ellevenaitd’interrompreunesortedemomentsacréentrehommes. Elle essaya de penser à ce qu’elle pourrait lui dire. Il allait probablement vouloir la jouer cool devantsesfrères,dugenre«je-suis-un-dur-cette-nana-est-juste-une…» Kolherlaserradanssesbrasetenfouitsonvisagedanssescheveux. —Leelane,murmura-t-ilàl’oreille.(Desamain,illuicaressaledos.)Mabelleleelane. Il s’écarta d’elle et l’embrassa sur la bouche. Son sourire se fit plus tendre tandis qu’il lui caressaitlescheveux. Beth sourit. Manifestement, son homme n’avait aucun problème avec les manifestations d’affectionenpublic.Bonàsavoir. Ellepenchalatêtepourregarderpar-dessussonépaule.Effectivement,ilsavaientunpublic.Les hommesrestaientbouchebée.Positivementabasourdis. Ellefaillitéclaterderire.Voirunebandedetypesàlaminepatibulairedînantautourd’unetable dresséeavecargenterieetporcelaineétaitdéjàassezincongruensoi.Maislesvoirtotalementsidérés relevaitdel’absurde. —Tumeprésentes?dit-elleavecunsignedetêteendirectiondugroupe. KolherpassalebrasautourdesépaulesdeBeth,laserrantcontrelui. —VoicilaConfrériedeladaguenoire.Mescamaradesdecombat.Mesfrères.(Ilfitunsigneen directionduplusbeau.)TuconnaisdéjàRhage.AinsiqueTohr.Celuiavecleboucetlacasquettedes Sox, c’est Viszs. Celui aux cheveux longs, là-bas, c’est Fhurie. (D’une voix hargneuse, il ajouta :) QuantàZadiste,ils’estdéjàprésenté. LesdeuxhommesqueBethconnaissaitdéjàluisourirent.Lesautresluiadressèrentunsignede tête,àl’exceptiondubalafré,quisebornaàlafixer. Cetypeaunjumeau,sesouvint-elle.Maiselleauraiteudumalàdirelequel. Mêmesiceluiàlacheveluresplendideetauxmagnifiquesyeuxjaunesluiressemblaitunpeu. — Messieurs, déclara Kolher. Je vous présente Beth. Puis il se mit à parler dans cette langue qu’ellenecomprenaitpas. Lorsqu’ileutterminé,legroupesemblareprendresonsouffle. Kolherlaregarda,sourireauxlèvres. —Tuasbesoindequelquechose?Est-cequetuasfaim,leelane? Bethportalamainàsonventre. —Enfait,oui.Etj’aiuneenviebizarredebaconetdechocolat.Vasavoir… —Jevaisteservir.Assieds-toi. Illuidésignalachaisequ’iloccupaitprécédemmentpuisdisparutparuneporteàdoublesbattants. Bethjetaunœilauxhommes. Super. Elle se tenait là devant eux, nue sous son peignoir, seule devant une demi-tonne de vampires. Impossible de prendre un air détaché. Elle se contenta de se diriger vers la chaise de Kolher.Ellen’allapasloin. Il y eut le grincement au sol de cinq chaises qu’on repoussait. Les membres de la Confrérie se levèrentcommeunseulhomme.Lescinqvampiressedirigèrentverselle. Beth regarda le visage des deux qu’elle connaissait, mais leur expression grave n’avait rien d’encourageant. Puisilstirèrentleurcouteau. Dansuncliquetismétallique,cinqdaguesnoiresétincelèrenthorsdeleurfourreau. Paniquée, Beth recula, les mains levées devant elle. Elle se cogna contre un mur et était sur le pointd’appelerausecoursKolherlorsqueleshommess’agenouillèrentencercleautourd’elle.D’un mêmemouvement,commedansunechorégraphie,ilsplantèrentleurdaguedanslesolàsespiedset inclinèrentlatête.Lesondel’acierheurtantleboissonnaitautantcommeunengagementquecomme uncridebataille. Lesmanchesdesdaguesvibrèrentdansl’air. Lemartèlementdurapsepoursuivait. Leshommessemblaientattendreuneréponsedesapart. —Mmm,merci,dit-elle. Ilsrelevèrentlatête.Danslestraitsdursdeleurvisageétaitgravéeuneexpressiondecomplète vénération.Mêmelevisagedubalafréexprimaitlerespect. Surcesentrefaites,Kolherarrivaavecunchocolatbienchaud. —Lebaconarrive.(Ilsourit.)Hé,ondiraitqu’ilst’aimentbien! —Dieumerci,murmura-t-elle,l’œilfixésurlesdagues. CHAPITRE38 Marissasouritetpensaquel’humaindevenaitdeplusenplusséduisantàmesurequ’ellepassaitdu tempsaveclui. —Commeça,votremétierconsisteàprotégervotreespèce.C’estbien. Àsescôtés,Butchremualégèrement. — En fait, je ne sais pas ce que je vais faire maintenant. J’ai comme l’impression d’être entre deuxboulots. En entendant le carillon de la pendule, Marissa se demanda combien de temps ils avaient passé ensemble.Lesoleilselevait. —Quelleheureest-il? —Unpeuaprès4heuresdumatin. —Jedoisyaller. —Quandpourrai-jevousrevoir? Elleseleva. —Jenesaispas. —Quediriez-vousdedînerensemble?(Ilbonditsursespieds.)Dedéjeuner?Vousfaitesquoi demain?Elleéclataderire. —Jenesaispas. Jamaisauparavantellen’avaitétécourtisée.C’étaitagréable. —Ah,bordel,murmura-t-il.Jesuisentraindetoutfairefoirer,pasvrai? Lesmainssurleshanches,ilfixaitletapiscommes’ilsedégoûtaitlui-même. Marissas’approcha.Butchrelevalatête. —Jevaisvoustoucher,maintenant,dit-elled’unevoixdouce.Avantdepartir. LesyeuxdeButchétincelèrent. —Jepeux?Butch? —Oùvousvoudrez,répondit-ildansunsouffle.Marissalevalamainensongeantqu’elleallait simplementlaposersursonépaule.MaisleslèvresdeButchlafascinaient.Ellelesavaitregardées remuertandisqu’ilparlaitetsedemandaitquelletextureellesavaient. —Votrebouche,dit-elle.Elleest… —Quoi? Savoixétaitrauque. —Adorable. MarissaposasondoigtsurlalèvreinférieuredeButch.Sonsoufflepuisaitdel’airsursapeauet, quandilexpirait,l’airrevenaitchaudethumide. —C’estdoux,dit-ellesanscesserdepasserledoigtsurseslèvres. Butchfermalesyeux. De son corps émanait l’odeur la plus enivrante qu’elle ait jamais connue. Elle avait perçu la fragrancecapiteuselapremièrefoisqu’ellel’avaitvu.Maintenant,ellesaturaitl’air. Curieuse,MarissaintroduisitsondoigtdanslabouchedeButch.Celui-ciouvritbrusquementles yeux. Elle tâta ses dents et trouva étrange l’absence de canines. Lorsqu’elle enfonça son doigt plus profondémentencore,c’étaithumideetchaud. Lentement, les lèvres de Butch se refermèrent autour de son doigt. Puis sa langue commença à décriredescercles. Marissasentitcommeunevaguedanstoutsoncorps.Ellesentitlapointedesesseinssedurciret quelquechosesepassaitentresesjambes.Commeunedouleur.Unefaim. —Jeveux… Ellenesavaitpascommentcontinuer. ButchpritlamaindeMarissaetpenchalatêteenarrière,suçantsondoigtsurtoutelalongueur jusqu’àcequ’ilressortedesabouche.Sesyeuxplongésdanslessiens,ilretournasamain,léchala paumeetpressaseslèvrescontresapeau. Marissaselaissaallercontrelui. — Que voulez-vous ? demanda-t-il à voix basse. Dites-moi, mon cœur. Dites-moi ce que vous voulez. —Je…nesaispas.Jen’aijamaisressenticelaavant. Sa réponse sembla briser l’enchantement. Le visage de Butch se durcit et il lâcha la main de Marissa.Illaissaéchapperunjurontandisqu’ils’écartaitd’elle. Marissalefixa. —J’aifaitquelquechosequivousadéplu? Dieuétaittémoinqu’ellesemblaitexcellerdanscedomainedèsqu’ils’agissaitdeshommes. —Déplu?Non,vousfaitesexactementcequ’ilfaut.Vousêtesunevraiepro.(Ilsepassalamain danslescheveux.Ilparaissaitluttercontrelui-même,commes’ilétaitperdu.)C’estjustequecepetit jeudel’innocencemefaitpéterlesplombs. —Jeu? —Voussavezbien,cepetitjeudelaviergeinnocente.Elles’avançatoutenessayantdeformuler saréponse,maisillevalesmains. —Onestassezprèspourl’instant. —Quoi? —S’ilvousplaît,bébé.Çasuffit. Marissaserembrunit. —Cequevousditesn’apasdesens. —Ah,vraiment?répondit-il.Écoutez.Votresimpleprésencesuffitàm’exciter.Vousn’avezpasà faire comme si vous étiez quelqu’un d’autre. Et… euh… ce que vous faites ne me pose pas de problème.Jenevaispasnonplusvousarrêterpourça. —Pourquoiest-cequevousm’arrêteriez? Ilécarquillalesyeux,maisMarissan’avaitpaslamoindreidéedecedontilparlait. —Jem’envais,dit-elled’untonbrusque. Butchsemblaitdeplusenpluscontrariéàmesurequeletempspassait. —Attendez.(IltenditlamainpoursaisirlebrasdeMarissa.Etbaissasamainaumomentoùilsse touchèrent.)J’aitoujoursenviedevousrevoir. Marissafronçalessourcilsetregardalamainaveclaquelleill’avaittouchée.Illafrottaitcomme s’ilcherchaitàsedébarrasserd’unesensation. — Pourquoi ? demanda-t-elle. Manifestement vous n’appréciez pas mon contact à cet instant même. —Euh…Ouais.(Illaregarda,l’aircynique.)Écoutez,combienest-cequeçavamecoûterpour quevousvouscomportieznormalement? Elle lui jeta un regard furieux. Avant l’épisode avec Kolher, elle aurait peut-être simplement boudé.Maisplusmaintenant. —Jenevouscomprendspas,dit-elle. —Commevousvoudrez,bébé.Maisdites-moi,ilyadestypesquionttellementdemalàbander quevousêtesobligéedefairecepetitnuméro? Marissa ne comprenait pas tout de la langue courante qu’il utilisait, mais elle finit par saisir sa pensée.Épouvantée,elleseredressa. —Jevousdemandepardon? Illafixa,mâchoirecrispée.Puisilsoupira. —Ahbordel!(Ilsefrottalevisage.)Écoutez,oubliezça,d’accord?Onaqu’àfairecommesion nes’étaitjamaisrencontrés… —Jen’aijamaisétéprise.Monhellrenn’appréciaitpasmacompagnie.Enconséquencedequoi jen’aijamaisétéembrassée,touchéeoumêmeserréedanslesbrasd’unhommequiéprouvaitdela passionpourmoi.Maisjenesuispas…jenesuispasindigne.(Savoixsebrisa.)Jen’aijamaisété désiréeauparavant. Butchécarquillalesyeux,commesiellevenaitdelegifler. Marissadétournalatête. —Etjen’aijamaistouchéunmâle,murmura-t-elle.Jenesaispasquoifaire. L’humainexpiralonguement,commes’ilexpulsaittoutl’oxygènedesoncorps. —SainteMarie,mèredeDieu,murmura-t-il.Jesuisdésolé.Jesuis,vraiment,vraimentdésolé. Je…suisqu’unconnard,jemesuiscomplètementtrompésurvous. L’horreurqu’ilressentaitàlapenséedecequ’illuiavaitditétaitsipalpablequ’elleesquissaun faiblesourire. —Vousêtessincère. —Ouais,bordel.Euh…oui,jelesuis.J’espèrenepasvousavoirtotalementoffensée.Maisc’est impossible.MonDieu…jesuissiconfus. Ilétaitlivide. MarissaposalamainsurlebrasdeButch. —Jevouspardonne. Incrédule,iléclataderire. —Vousnedevriezpas.Vousdevriezêtreencolèreaprèsmoi.Aumoinsunesemaine,peut-être unmois.Ouplus.J’aicomplètementfranchileslimites. —Maisjeneveuxpasêtreencolèreaprèsvous.Ilyeutunlongsilence. —Onpeutsevoirdemain? —Oui. Butchsemblaitabasourdiparsabonnefortune. — Vraiment ? Mince, vous êtes bien partie pour la sainteté, vous savez ? (De son doigt, il lui caressalajoue.)Où?Qu’est-cequivousirait? Marissaréfléchit.Haversseraitfouderages’ilsavaitqu’ellevoyaitunhumain. —Ici.Jevousverraiici.Demainsoir. Ilsourit. —Parfait.Etmaintenant,commentvousrentrez?Vousvoulezquejevousdépose?Vousvoulez untaxi? —Non,jem’encharge. —Attendez…avantdepartir. Ils’avançaverselle.SonodeurdélicieusearrivaauxnarinesdeMarissaetellel’aspiraenelle. —Jepeuxvousembrasser?Mêmesijeneleméritepas?Commelevoulaitlacoutume,ellelui tenditledosdesamain. ButchlapritetattiraMarissacontrelui.Denouveau,ellesentitcettevibrationdanssonsanget entresesjambes. —Fermezlesyeux,murmura-t-il. Elleobtempéra. Doucement,seslèvreseffleurèrentsonfront.Puissatempe. Elleécartaleslèvresquandladoucesuffocationrevint. —Jamaisvousnepourrezmedéplaire,dit-ildesavoixrâpeuse. Puisseslèvreseffleurèrentsajoue. Elleattenditlasuite.Lorsqueriennevint,elleouvritlesyeux.Ils’étaitécartéetlaregardaitde loin. —Partez,dit-ilvousverraidemain. Elleacquiesça.Puissedématérialisajustedevantsesyeux. Butchhurlaetrecula. Bordeldemerde! Ilregardasamain.Ilpouvaitencoresentirsapaumedanslasienne.Encoresentirsonparfum. Maiselles’étaitbeletbienvolatilisée.Pfiff!Ellesetenaitlàdevantluiet,l’instantd’après… Betharrivaencourantdanslapièce. —Tuvasbien? —Non,jevaispasbien,aboya-t-il. Lesuspectentra. —OùestMarissa? —Commentlesaurais-je?Elles’estvolatilisée!Devant…elleétait…Jeluitenaislamainet… Il avait l’air d’un crétin absolu et ferma son clapet. Mais pourquoi n’aurait-il pas le droit de paniquer?Ilcroyaitenlesloisdelaphysiquetellesqu’illesconnaissait. Laloidelagravitéetdelapesanteur.E=mc2quiluidonnaitlavitesseàlaquelleilarrivaitaubar ducoin. Lesgensnesevolatilisaientpascommeçad’unepièce! —Jepeuxluidire?demandaBethàsonhomme. Lesuspecthaussalesépaules. —Engénéral,jepréfèrepas,parcequ’ilvautmieuxqu’ilssachentrien.Maisétantdonnécequ’il avu… —Medirequoi?Quevousêtesunebandede… —Vampires,complétaBeth. Butchlaregarda,agacé. —Ouais,c’estça.Essaieencore,chérie. AlorsBethcommençaàparleretàluiraconterdeschosesqu’iln’arrivapasàcroire. Quand elle se tut, il la regarda en silence. Son intuition lui disait qu’elle ne mentait pas. Mais c’étaitjustetropdifficileàaccepter. —J’arrivepasàlecroire,luidit-il. —Moiaussi,j’aieudumal. —Jem’endoute. Il commença à arpenter la pièce, en pensant qu’un verre serait le bienvenu. Les deux autres le fixaient. Puisils’arrêtadevantBeth. —Ouvrelabouche. Ilentenditungrognementméchantderrièrelui,commeunventfroiddanssondos. —Kolher,toutvabien,ditBeth.Restecalme. Beth ouvrit la bouche, révélant deux longues canines qui n’étaient pas là avant. Butch sentit ses genouxvacillerquandiltenditlamainpourlestoucher. Une main épaisse s’abattit sur son bras, exerçant une pression si forte que les os du poignet manquèrentdesebriser. —Ypensemêmepas,grognalecompagnondeBeth. — Laisse-le, ordonna-t-elle d’une voix douce. (Mais elle ne rouvrit pas la bouche après que Kolhereutrelâchélapression.)Ellessontvraies,Butch.Toutça…estonnepeutplusréel. Butchlevalesyeuxverslesuspect. —Alorscommeçat’esunvampire,c’estça? —Tuferaismieuxdelacroire,leflic. Cetteespècedesalaudsouriait,dévoilantsescaninesmonstrueuses. Tuparlesd’unmatos,pensaButch. —Tul’asmordueettransforméeenvampire? —Çanemarchepascommeça.Onnaîtvampire. Ehben,cetteinfoallaitdécevoirtouslesfansdeDracula.Pasdedentsquipoussaient. Butchselaissatombersurlesofa. —T’astuécesfemmes?Pourboireleur… —Sang?Non.Cequicouledanslesveinesdeshumainsnemepermettraitpasderesterenvie longtemps. —Tumedisquetun’asrienàvoiraveccescrimes?Onatrouvédesétoilesdejetsurlesscènes decrime,lesmêmesquecellesquetuavaissurtoilanuitoùjet’aiarrêté. —Jelesaipastuées,leflic. —Etletypedelavoiture? Letypesecoualatête. —Jechassepasleshumains.Ceuxquejecombatsn’ontrienàvoiravectonmonde.Quantàla bombe,onaperdul’undesnôtresdansl’attentat. Bethétouffaunson. —Monpère,murmura-t-elle. L’hommelapritdanssesbras. —Etonrecherchelesalaudquiafaitça. — Des idées sur qui a appuyé sur le bouton ? demanda Butch, ses instincts de flic refaisant surface. Letypehaussalesépaules. —Onaunepiste.Maisc’estnotreproblème,pasletien. Ouais,etButchn’avaitaucuneraisondeposerlaquestion.Cariln’appartenaitplusàlapolice. LetypecaressaledosdeBethetsecoualatête. —Jevaispasderaconterdecraques,leflic.Detempsentemps,ilarrivequ’unhumainsemêle denosaffaires.Etsiquelqu’unmenacenotreespèce,jeletue,peuimportequiilest.Maisjenesuis plusdisposéàtolérerlesperteshumainescommeavant,etpasuniquementparcequ’ellesnousfont courirunrisque. IlposaunbaisersurleslèvresdeBethetlaregardadanslesyeux. Aumêmeinstant,lesautresmembresdugangfirentleurentréedanslapièce.Leurregardfroid luidonnaitl’impressiond’êtreuninsectesousunmicroscope.Ouunrôtidebœufsurlepointd’être découpé. M.Normals’avançaetluitenditunebouteilledescotch. —Ondiraitquet’enasbienbesoin. Ouais,tucrois? Butchenavalaunegorgée. —Merci. —Onpeutletuer,maintenant?demandaceluiquiportaitleboucetunecasquettedebase-ball. Bethrépliquad’unsonsec. —Laissetomber,V. —Pourquoi?C’estjusteunhumain. —Etmashellaneestàdemihumaine.L’hommevapasmourirjusteparcequ’ilestpasdesnôtres. —Bonsang,t’aschangédediscours. —Tuferaisbiendet’yfaire,monfrère. Butchseleva.Puisqu’ilsdiscutaientdubien-fondédesamort,ilvoulaitêtredelapartie. —J’apprécietonaide,dit-ilaucompagnondeBeth.Maisjepeuxm’enpasser. Ilsedirigeaversletypeàlacasquette,lamainserréeautourdugoulotdelabouteilledescotchau casoùildevraitlaluibrisersurlecrâne.Ils’approchatoutprès,etleursnezsetouchaientpresque.Il sentaitquelevampires’échauffait,prêtàsebattre. — Je suis ton homme, connard, dit Butch. C’est probablement moi qui perdrai, mais je te préviens,jecogneméchamment,etjeteferaisouffriravantquetumetues.(Puisillevalesyeuxvers lacasquettedutype.)MêmesijedétestefoutreuneracléeàunautrefandesRedSox. Ilyeutunéclatderirederrièrelui. —Çavaêtresympaàregarder,ditquelqu’un.LetypequisetenaitdevantButchplissalesyeux. —TudisvraiàproposdesSox? —JesuisunpurproduitduSud.Etlavictoirede2004m’afiléunesacréepatate. Ilyeutunlongsilence. Levampiregrogna. —J’aimepasleshumains. —Ouais,ben,j’aimepastroplessuceursdesang.Autresilence. Letypesecaressaitlebouc. —CommentonappellevingttypesquiregardentlaCoupedumondedebase-ball? —LesNewYorkYankees,réponditButch. Le vampire éclata d’un rire sonore, retira sa casquette de base-ball et se tapa la cuisse avec. La tensions’étaitévanouie. Butchlaissaéchapperunprofondsoupir,commes’ilavaitfaillisefaireécraserparuntrente-huit tonnes.Ilbutuneautregorgéedescotchetseditqu’ilvenaitdevivreuneputaindenuit. —Dis-moiqueCurtSchillingétaitpasundieu,ditlevampire. Ilyeutungrognementcollectif. —S’ilnousrefaitl’articlesurVaritek,jemebarre,murmural’undeshommes. —Schillingétaitunvraiguerrier,réponditButchenavalantuneautregorgéedesinglemalt.Il tenditlabouteilleauvampire,quienavalaunebonnelampée. —Amen,ditlevampire. CHAPITRE39 LorsqueMarissapénétradanssachambre,elletournoyaautourd’elleetlaissavirevoltersarobe. —Oùétais-tu? Elles’immobilisasur-le-champ.Larobeserabattitsursestalonsdansunbruissement. Havers,assissurlecabriolet,avaitlevisagedansl’ombre. —Jet’aidemandéoùtuétais. —Jet’enprie,n’emploiepasceton… —Tuasétévoircettebrute. —Cen’estpas… —Neledéfendspasdevantmoi! Cen’estpascequ’elles’apprêtaitàfaire.ElleallaitdireàsonfrèrequeKolheravaitécoutéses récriminations et accepté toute la responsabilité. Qu’il s’était excusé et que ses regrets étaient tangibles.Mêmesisesmotsnepouvaientpasréparercequis’étaitpassé,elleavaiteulesentiment d’êtreentendue. Et même si son ancien hellren avait constitué le motif de sa visite chez Audazs, elle n’était pas restéepourlui. —Havers,jet’enprie.Leschosesontchangé. Aprèstout,Kolherluiavaitannoncéqu’ilallaitprendreunecompagne.Quantàelle,elleavait… rencontréquelqu’un. —Tudoism’écouter. —Non.Jesaisquetucontinuesàlevoir.Çamesuffit. Haversseleva.Ilsedéplaçaitsanslagrâcehabituellequilecaractérisait.Quandilapparutenpleine lumière,Marissafuthorrifiée.Sapeauavaitprisuneteintegrisâtreetilavaitlesjouescreusées.Il avaitperduénormémentdepoidsdernièrement.Iln’avaitplusquelapeausurlesos. —Tuesmalade,murmura-t-elle. —Jevaisparfaitementbien. —Latransfusionn’apasfonctionné,n’est-cepas? —N’essaiepasdechangerdesujet!(Illuilançaunregardfurieux.)MonDieu,jen’auraisjamais penséquenousenarriverionslà.Àcequetufassesleschosesencachette. —Jenet’airiencaché! —Tum’asditquetuavaisbrisél’engagement. —C’estlecas. —Tumens. —Havers,écoute-moi. —Jeneveuxplust’écouter!(Ilnelaregardapastandisqu’ilquittaitlapièce.)Tuestoutcequi mereste,Marissa.Nemedemandepasderestertranquillementassisetd’êtreletémoinsilencieuxde tadestruction. —Havers! Laporteclaqua. Résolue,Marissaluiemboîtalepas. —Havers! Il se trouvait déjà en haut des escaliers et ne lui adressa pas un regard. Il agita furieusement la mainderrièreluidansl’air,commepourlachasser. Marissaretournadanssachambreets’assitdevantsacoiffeuse.Illuifallutunlongmomentavant quesarespirationredeviennenormale. LacolèredeHaversétaitcompréhensible,maiseffrayantedeparsonintensitéetsarareté.Jamais ellen’avaitvusonfrèredansuntelétat.Ilétaitclairqu’ellenepourraitpasluiparlertantqu’ilnese seraitpascalmé. Demain,elleluiparlerait.Elleluidiraittout,mêmequ’elleavaitrencontréunnouveaumâle.Elle leva la main devant elle, la sensation encore présente de cet homme lui léchant le doigt. Elle en voulaitdavantage. Sescaniness’allongèrentlégèrement. Quelgoûtavaitsonsang? AprèsavoirinstalléBethdanslelitdesonpère,Kolherretournaàsesappartementsetpassaune chemiseblancheetunpantalonlargeblanc.Ilpritunrangdeperlesnoiresénormesdansuncoffret d’ébèneets’agenouillasurlesolàcôtédulit,assissursestalons.Ilpassalecollierautourdeson cou,posasesmains,paumesretournées,sursescuissesetfermalesyeux. Tandisqu’ilmaîtrisaitsarespiration,sessenss’aiguisèrent.IlentendaitBethremuerdanslelitde l’autrecôtéducouloiretsoupirertandisqu’elleenfouissaitsatêtedanslesoreillers.Lerestedela maisonétaitasseztranquilleetseulesdesubtilesvariationsluiparvenaient.Quelques-unsdesfrères dormaientenhautetilentendaitdespas. IlauraitpariéqueButchetV.discutaientencorebase-ball. Kolhersourit.Cethumainvalaitlecoup.L’undesplusagressifsqu’ilaitjamaisrencontrés. Etquantàl’attirancedeMarissapourleflic,ilfaudraitvoiroùçamènerait.Ilétaitdangereuxde nouercetypederelationavecquelqu’undel’autreespèce.Naturellement,lesfrèresdelaConfrérie couchaientavecdenombreuseshumaines,maisengénéralpourunenuit,etlessouvenirspouvaient s’effacer rapidement. Lorsque les émotions s’en mêlaient, et avec le temps, il était plus difficile d’effacerlessouvenirsd’uncerveauhumain.Leschosessegravaient.Etremontaientàlasurfaceplus tard.Créaientdesproblèmes. Peut-êtreMarissaallait-ellejouerunpeuaveccetypeavantdeleviderdesonsang.Cen’étaitpas unproblème.Maisenattendantqu’elleletueouqu’elleleprennecommecompagnon,Kolherdevait surveillerdeprèslasituation. Kolher fit taire ses pensées et commença à psalmodier en langue ancienne, se servant des sons pourmettreaurepossesfonctionscognitives.Ilétaitunpeurouilléetbutasurlesmots.Ladernière fois qu’il avait prononcé ces prières, il avait dix-neuf ou vingt ans. Le souvenir de son père à ses côtésàluisoufflerlesmotsétaituneagréablediversion,maisils’efforçadegardersonespritvide detoutepensée. Lesperlescommencèrentàseréchaufferaucontactdesapeau. Ilseretrouvadansunecour.L’architecturedestyleitalienétaitblanche;lafontaine,lescolonnes etlesolenmarbrebrillaienttousd’unefaiblelueur.Laseuletouchedecouleurétaitapportéepardes oiseauxchanteursperchésdansunarbreblanc. Kolherarrêtasesprièresetseleva. —Celafaitlongtemps,guerrier. Lamajestueusevoixdefemmeluiparvenaitdanssondos. Ilseretourna. Laminusculesilhouettequis’approchaitdeluiétaitentièrementdrapéedansdelasoienoire.Sa têteetsonvisageétaientrecouverts,ainsiquesesmainsetsespieds.Elleglissaverslui,sedéplaçant dansl’airimmobile.SaprésencemettaitKolhermalàl’aise. Kolherinclinalatête. —Viergescribe,commentallez-vous? —Ouplusexactement,commentvontleschosespourvous,guerrier?Vousêtesvenudemander unchangement,n’est-cepas? Ilacquiesça. —Je… —Voussouhaitezbriserl’engagementquivouslieàMarissa.Vousaveztrouvéuneautrefemelle quevoussouhaitezprendrecommeshellane. —Oui. —Cettefemelleestlafilledevotrefrèred’armesAudazs,quisetrouvedansl’Estompe. —Vousl’avezvu? LaViergescribeeutunpetitrire. —Nemeposezpasdequestions.Jen’airienditquantàvotrepremièrequestioncarvousvous êtesmontrépoli,maissurveillezvosmanières,guerrier. Merde. —Jevousprésentemesexcuses,Viergescribe. —Jevouslibère,Marissaetvous,devotreengagement. —Merci. Ilyeutunlongsilence. Kolherattenditqu’elleseprononcesurlasecondepartiedesarequête.Iln’allaitpasserisquerà poserlaquestion. —Dites-moi,guerrier.Pensez-vousquevotreespècesoitindigne? Kolher fronça les sourcils puis, très vite, reprit un visage neutre. La Vierge scribe n’allait pas tolérerlesregardsnoirs. —Alors,guerrier? Iln’avaitpaslamoindreidéedelàoùellevoulaitenvenir. —Monespèceestféroceetfière. —Jenevousaipasdemandédedéfinition.Jevousaidemandécequevouspensiezd’elle. —Jeconsacremavieàlaprotéger. —Pourtant,vousnevoulezpasdirigervotrepeuple.Jenepeuxqu’endéduirequevousneleur accordezpassuffisammentdevaleuretquevouscombattezsoitparcequevousaimezcela,soitparce quevousvoulezmourir.Qu’enest-il? Cettefois-ci,Kolhernecherchapasàresterimpassible. —Monespècesurvitgrâceàl’actiondemesfrèresd’armesetàlamienne. —Àpeine.Enfait,ellenecessededéclineraulieudecroître.Laseulecolonieestcelledelacôte estdesÉtats-Unis.Etmêmelesmembresquilacomposentviventisoléslesunsdesautres.Iln’existe pasdecommunauté.Iln’yaplusdefestivals.Lesritessontpratiquésenprivé,danslemeilleurdes cas. Personne ne sert de médiateur dans les conflits ; personne n’est là pour leur insuffler un peu d’espoir.QuantàlaConfrériedeladaguenoire,elleestmaudite.Tousceuxquilacomposentsont tourmentés. —LesmembresdelaConfrérieontleurs…problèmes.Maisilssontforts. — Vous devriez être plus fort encore. (Elle secoua la tête.) Vous avez failli à votre lignée, guerrier. Vous avez failli à votre mission. Alors dites-moi, pourquoi devrais-je accéder à votre requête de prendre cette sang-mêlé comme reine ? (La tunique de la Vierge scribe remuait tandis qu’elle secouait la tête.) Mieux vaut que vous continuiez à la servir avec votre personnel que de donner à votre peuple une autre figure insignifiante. Maintenant, partez, guerrier. Nous en avons terminé. —Jesouhaiteraisparlerpourmadéfense,répondit-il,dentsserrées. —Vousn’yêtespasautorisé. Ellesedétourna. —J’implorevotrepitié. Il détestait avoir à prononcer ces mots et, quand il l’entendit rire, devina qu’elle le savait. La Viergescriberevintverslui. Elles’exprimad’unevoixdure,aussidurequelescontoursdesatuniquenoirecontrelemarbre blanctoutautour. —Sivousavezl’intentiond’implorer,guerrier,faites-lecorrectement.Agenouillez-vous. Kolherseforçaàobtempérer.Illadétestait. —Jepréfèrecela,murmura-t-ellesuruntonquiétaitredevenuaimable.Qu’avez-vousàdire? Ilravalalesmotshostilesetseforçaàprendreuneattitudeimpassiblequin’étaitqu’unmensonge éhonté. —Jel’aime.Jeveuxl’honorer,passimplementl’avoirpourréchauffermonlit. —Alorstraitez-laconvenablement.Maisiln’yaaucuneraisond’organiserunecérémonie. —Permettez-moid’exprimermondésaccord,répondit-il.Avectoutlerespectquejevousdois. Ilyeutunlongsilence. —Aufildessiècles,vousnem’avezjamaisdemandéconseil. Ilrelevalatête. —Est-cecequivousadéplu? — Ne me posez pas de questions ! rétorqua-t-elle d’un ton sans appel. Ou je ferai en sorte que cettesang-mêlévoussoitenlevéeplusvitequevotreprochainsouffle. Kolherbaissalatêteetenfonçasespoingsdanslemarbre. Ilattendit. Attenditsilongtempsqu’ileutlatentationdereleverlatêtepourvoirsielleétaitpartie. —Jevaisvousdemanderunefaveur,dit-elle. —Parlez. —Vousallezdirigervotrepeuple. Kolherrelevalatête,lagorgeserrée.Iln’avaitpusauversesparents,ilavaitàpeineréussiàfaire ce qu’il fallait pour Beth, et la Vierge scribe voulait qu’il assume la responsabilité de toute son espèce? —Querépondez-vous,guerrier? Commesi«non»étaituneoptionpossible. —Qu’ilsoitfaitselonvosdésirs,Viergescribe. — Cela est mon ordre, guerrier. Ce n’est ni un désir ni une faveur que je vous demande. (Elle laissaéchapperunsonexaspéré.)Relevez-vous.Voussaignezsurmonmarbre. Ilserelevaetlaregarda.Ilgardalesilence,sedisantqu’elleallaitprobablementajouterd’autres conditions. Elles’adressaàluid’unevoixdure. —Vousnedésirezpasêtreroi.C’estuneévidence.Maisc’estvotreobligationparnaissanceetil estgrandtempsquevousl’assumiez. Kolhersepassalamaindanslescheveux,lesmusclesdesoncorpstendusparl’angoisse. LavoixdelaViergescribes’adoucit.Unpeu. — Ne vous inquiétez pas, guerrier. Vous ne serez pas seul. Vous viendrez vers moi et je vous aiderai.Vousconseillerfaitpartiedemonrôle. Ce qui était une bonne chose, car il allait avoir besoin d’aide. Il n’avait aucune idée de ce que dirigerimpliquait.Ilsavaittuerd’unecentainedemanièresdifférentes,ilmaîtrisaittouteslesformes de combat et gardait la tête froide quand tout autour de lui s’enflammait. Mais parler devant des milliersdepersonnes?Ilsentitsonestomacsenouer. —Guerrier? —Oui,jeferaiappelàvous. —Maisilnes’agitpasdelafaveurquevousmedevez. —Quelleest…(Ilbattitl’airdesamain.)Jeretirecequejeviensdedire. LaViergescribeeutunpetitrire. —Vousaveztoujoursapprisvite. —Illefallaitbien. S’ildevaitêtreroi. Elleserapprochaenflottant;ellesentaitlelilas. —Tendezvotremain. Ilobtempéra. Lesplisdelatuniquenoirebruissèrenttandisqu’elletendaitlebras.Quelquechoseatterritdansla maindeKolher.Unanneau.Unlourdanneaud’orsertid’unrubisdelatailled’unenoix.Ilétaitsi chaudqueKolherfaillitlelaissertomber. LeRubisdesténèbres. —Vousleluidonnerezdemapart.Etj’assisteraiàlacérémonie. Kolherserrasifortl’anneauquecelui-ciluimorditlapeau. —C’estunimmensehonneur. —Oui,maismaprésencerépondàunautreobjectif. —Lafaveur. Elleéclataderire. —Bienvu.Unequestionposéesousformed’affirmation.Vousneserezpassurprisalorssijene vousrépondspas.Maintenantpartez,guerrier.Rendez-vousauprèsdevotrefemelle.Espéronsqu’elle constitueunbonchoixpourvous. Lasilhouetteseretournaets’éloigna. —Viergescribe? —Nousenavonsterminé. —Merci. Elles’arrêtaprèsdelafontaine. Les plis de sa tunique bruissèrent alors qu’elle tendait le bras vers l’eau qui coulait. Par l’ouverture de la soie, une lumière éclatante apparut, comme si ses os luisaient et que sa peau était translucide. Au moment où sa main toucha l’eau, un arc-en-ciel apparut à l’endroit du contact, emplissantlacourblanche. Kolhersentitqu’ilrecouvraitlavue;lechocluitiraunchuintement.Lacour,lescolonnes,les couleurs, elle : il pouvait tout distinguer clairement. Il se focalisa sur l’arc-en-ciel. Jaune, orange, rouge,violet,bleu,vert.Lescouleursavaientl’éclatdesjoyaux;ellesfendaientl’airetleurlumière neluiblessaitpaslesyeux.Ils’absorbadanscettevision,enimprégnasonesprit,s’yaccrocha. LaViergescribeseretournaversluietabaissalamain.Immédiatement,lescouleursdisparurent etlavuedeKolhersebrouilladenouveau. Elleluiavaitfaitcecadeau,sedit-il.Toutcommeelleluiavaitoffertl’anneaupourBeth. — Vous avez raison, dit-elle d’une voix douce. J’avais espéré que nous serions plus proches. Votrepèreetmoiavionsunlien,etcessièclesontétélongsetpénibles.Sansculte,sanspsalmodie, sanshistoireàpréserver.Jesuisinutile.Oubliée. Mais pire encore, poursuivit-elle, je peux voir l’avenir, et il est sombre. La survie de l’espèce n’estpasassurée.Vousn’yparviendrezpasseul,guerrier. —J’apprendraiàdemanderdel’aide. Elleacquiesça. —Nousallonsrepartirdezéro,vousetmoi.Etnousallonstravaillerensemble,commeilsedoit. —Commeilsedoit,répéta-t-ilpoursefamiliariseraveclesmots. — Je viendrai ce soir, dit-elle. Et la cérémonie aura lieu comme il convient. Nous vous prépareronsunengagementapproprié,guerrier,etnousferonsleschosescommeilconvient.Sicette femelleveutdevous. IlavaitlesentimentquelaViergescribesouriait. —Monpèrem’avaitditvotrenom,dit-il.J’aimeraisl’employer,sivouslepermettez. —Vousavezmapermission. —Nousvousverronsdonccesoir,Analisse.Lespréparatifsserontfaits. CHAPITRE40 M.XobservaBillyRiddleentrerdanslebureau.Riddleportaitunpolobleumarineetunbermuda decoton.Bronzé,ilparaissaitfortetenbonnesanté. Unsolidegaillard,pourreprendreuneexpressiondésuètequidataitdujeunetempsdeM.X. —Sensei. Billyinclinalatête. —Commentvas-tu,mongarçon? —J’airéfléchi. M.Xattenditlaréponse,surprisdeserendrecomptedel’importancequ’illuiaccordait. —Jeveuxtravaillerpourvous. M.Xsourit. —Bien,mongarçon.C’esttrèsbien. —Qu’est-cequej’auraiàfaire?Dois-jeremplirdesformulairespourl’académie? —C’estunpeuplusqueça.Etl’académieneserapasàproprementparlertonemployeur. —Maisjecroyaisquevousaviezdit… — Billy, tu vas devoir comprendre un certain nombre de choses. En outre, il y a une sorte d’initiation. —Commeunbizutage?Pasdeproblème.J’enaipasséplusieursdéjà.Pourlefootball. —C’estunpeuplusdurquecela,j’enaipeur.Maisnet’inquiètepas,jesuispasséparlàetjesais quetut’ensortirastrèsbien.Jetediraicequ’iltefaudraapporteretjeresteraiàtescôtés.Toutle temps. Aprèstout,assisterauriteeffectuéparl’Omégan’étaitpasunévénementàmanquer. —Sensei, je… euh… (Riddle s’éclaircit la voix.) Je voulais vous dire que je vous laisserai pas tomber. M.Xesquissaunsourireensongeantqu’ils’agissaitdelapartielaplusagréabledesontravail. Ilselevaets’approchadeBilly.Illuiposaunemainsurl’épaule,appuyasursesosetfixales grandsyeuxbleusrivéssurlui. Billyentradansunesortedetranse. M.Xsepenchaet,avecprécaution,enlevalaboucled’oreilledeBilly.Ilpritensuitelelobeentre lepouceetl’indexetlemassalégèrement. Ils’exprimaitd’unevoixdouceetcalme. —Jeveuxquetuappellestonpèreetquetuluidisesquetudéménages,aveceffetimmédiat.Disluiquetuastrouvédutravailetquetuvassuivreunprogrammedeformationintensive. M.XretiraàRiddlesaRolexenacierinoxydable,puisouvritlecoldesonpolo.Ilintroduisitsa main,suivantlachaînedeplatinequeBillyportaitautourducou.Ildéfitl’attacheetlaissaglisserles maillonsdanssamain.Parlecontactaveclapeau,lemétalétaitchaud. —Quandtuparlerasàtonpère,tugarderastoncalmequoiqu’iltedise.Tulerassurerassurton avenir et tu lui diras que tu as été sélectionné parmi de nombreux candidats pour une mission très importante.Tuluidirasqueturestesjoignablesurtontéléphoneportable,maisqu’ilnepourrapaste voir,cartuserasendéplacement. M. X passa la main sur la poitrine de Billy, sentant les muscles, la chaleur de la vie, le bourdonnementdelajeunesse.Tantdepouvoirdanscecorps,songea-t-il.Tantdeforce. —Tuneparleraspasdel’académie.Tuneparleraspasdemoi.Ettuneluidiraspasquetuvas venirvivreavecmoi.(M.Xluiparlaitàl’oreille.)Tudirasàtonpèrequetuesdésolépourtoutce quetuasfait.Tuluidirasquetul’aimes.Puisjepasseraiteprendreetjet’emmènerai. Tandis que Billy respirait profondément, dans un abandon total, M. X se remémora sa propre cérémonied’intégration.Unbrefinstant,ilsouhaitaavoirréfléchiplussoigneusementàl’offrequ’il avaitacceptéeilyadesdécennies. Ilseraitunvieilhommemaintenant.Unvieilhommeavecdespetits-enfants,peut-être,sijamaisil avaittrouvéunefemmeauprèsdequiilauraitpurester.Ilauraitmenéuneviemoyenne,auraitpeutêtretravaillédansl’unedesusinesdepapeterieoudansunestationessence.Ilauraitétéunhomme anonyme,unparmidescentainesdemillionsasticotésparleurfemme,quibuvaientavecleurspotes et passaient leurs précieuses journées dans une atmosphère de vague frustration car ils n’étaient personne. Maisilauraitétévivant. EnregardantlesyeuxbleusbrillantsdeBilly,M.Xsedemandas’ilavaitenfaitgagnéauchange. Parce qu’il n’était plus maître de sa vie. Il était au service de l’Oméga et de ses désirs. Le plus importantdesserviteurs,maisriendeplusqu’unserviteur. Dontonnepleureraitjamaislaperte. Soit parce qu’il ne cesserait jamais de respirer… soit peut-être parce qu’il ne manquerait à personne,unefoissonderniersoufflerendu. Ilfronçalessourcils. Nonquecelaaitunequelconqueimportance,carilétaitimpossiblederevenirenarrière.Ceque Riddleapprendraitparlui-mêmecesoir. M.Xrelâchasonemprisesurlecorpsetl’espritdeBilly. —Noussommesd’accord?demanda-t-il. Billyacquiesça,encoreétourdi.Ilregardasoncorps,commes’ilsedemandaitcequis’étaitpassé. —Bien.Maintenant,donne-moitontéléphoneportable.(Billyleluitendit.M.Xsourit.)Qu’est-ce quetumeréponds,mongarçon? —Oui,sensei. CHAPITRE41 Beth se réveilla dans le lit de Kolher. À un moment donné de la journée, il avait dû venir la chercheretlaporterjusquedanssesappartements. Elleétaitallongéecontrelui,lapoitrinedeKolherdanssondos.Ilavaitpasséunbrasautourde sataille.Etsamainentresescuisses. Sonsexeenérection,lourdetchaud,reposaitcontresahanche. Bethseretourna.Kolher,lesyeuxclos,respiraitlentementetprofondément.Ellesouritenpensant qu’illadésiraitmêmependantsonsommeil. —Jet’aime,murmura-t-elle. Ilouvritlespaupières.C’étaitcommeêtreaveuglépardesspots. — Quoi, leelane ? Tu vas bien ? (Puis il enleva sa main, comme s’il venait juste de prendre consciencedel’endroitoùellesetrouvait.)Désolé.Je…euh…T’asprobablementpasenvie…Sipeu detempsaprès… Elleluipritlamainetlaguidaentresescuisses,enappuyantsesdoigtscontresoncorps. Sescaniness’allongèrentsursalèvreinférieuretandisqu’ilprenaitunerespirationprofonde. —Pourtoi,jesuistoujoursprête,murmura-t-elle.Ellesaisitdanslamainsonmembreviril. Lorsqu’ilgémitets’approchad’elle,ellesentitbattrelecœurdesonamant,lesangcoulerdans sesveines,sespoumonsseremplir.C’étaittrèsbizarre.Ellesentaitl’intensitédesondésirpourelle, etpasjusteparcequ’ellelecaressait. Lorsqu’ilbougealesdoigtsetglissaenelle,sonproprecorpsrépondit,etellesentaitqueledésir qu’ilressentaitnefaisaitquecroître.Àchaquebaiser,àchaquecaresse,àchaquecoupdelangue,à chaquefrisson. Kolher les força l’un et l’autre à prendre leur temps. Alors qu’elle voulait se mettre sur lui, il l’allongea sur le dos et lui donna du plaisir alors même que son propre corps était au bord de l’extase.Ilsemontraitsitendre,siaimant. Ilsesurélevaau-dessusdesescuissesouvertes,sesbraspuissantssupportantsoncorps.Seslongs cheveuxnoirssemêlaientauxsiens. —J’aimeraistantvoirtonvisageclairement,dit-il,yeuxplissés,tentantdedistinguerlestraitsde sonamante.Justeunefois,j’aimerais… ElleposasesmainssurlesjouesdeKolher,aucontactrugueuxdesabarbenaissante. —Jevaistedirecequetuverrais,murmura-t-elle.Jet’aime.C’estcequetuverrais. Ilfermalesyeuxetsourit.L’expressiontransformasonvisage.Ilirradiaitdebonheur. —Ah,leelane,situsavaistoutlebonheurquetumedonnes. Il l’embrassa. Puis, lentement, s’introduisit en elle. Lorsqu’il l’eut remplie, emmenée au bout d’elle-même, rejointe, il s’immobilisa. Il lui parla en langue ancienne, puis dans celle qu’elle comprenait. Son«Jet’aime,mafemme»futaccueilliparunsourireradieux. Butchseretourna,àdemiréveillé.Celitn’étaitpaslesien.Ilétaitallongédansunlitjumeau,pas dans son lit king size. Les oreillers n’étaient pas non plus les siens. Ils étaient d’un moelleux incroyable,commesisatêtereposaitsurunebrioche.Lesdraps,euxaussi,étaientbienplusfinsque lessiens. Leronflementàsescôtésvintconfirmersasupposition.C’étaitsûr:iln’étaitpaschezlui. Il ouvrit les yeux. D’épaisses tentures étaient suspendues aux fenêtres, mais la lueur provenant d’unelumièredelasalledebainsétaitsuffisantepourluipermettrededistinguerlapièce.Elleétait décoréeavecstanding.Antiquités,tableaux,papierpeintchic. Il regarda dans la direction d’où provenait le ronflement. Dans l’autre lit jumeau, un homme dormaitàpoingsfermés,drapsetcouverturesremontésjusquesouslementon. Toutluirevint. Viszs.Sonnouveaupote. FandesRedSox,commelui.Hackerdegénie.Etputaindevampire. Butchposalamainsursonfront.Illuiétaitarrivédenombreusesfoisdesesaouleret,auréveil, dedécouvriravecstupéfactionquisetrouvaitàsescôtés. Maiscettefois-ci,c’étaitletop. Comment en étaient-ils… ? Ah oui. Ils s’étaient effondrés après avoir descendu la bouteille de scotchdeTohr.Tohr.DiminutifdeTohrment. MonDieu,ilconnaissaitmêmeleursnoms.Rhage,Fhurie.EtceZadiste,àvousfoutrelesjetons devotrevie.Ouais,pasdeTom,DicketHarrychezlesvampires.Mais,sérieusement,imaginezun suceurdesangrépondantaunomdeHoward.Oud’Eugène. Oh,non,Tom,jet’enprie,memordspas. DouxJésus,ilperdaitlespédales. Quelleheureétait-il? —Eh,leflic,ilestquelleheure?demandaViszs,encoresonné. Butchtenditlebrasverslatabledechevet.ÀcôtédesamontreétaientposésunecasquettedesRed Sox,unbriquetenoretungantdeconduitenoir. —Dix-septheurestrente. — Cool. (Le vampire se retourna.) Ouvre pas les tentures avant deux heures. Sinon, je crame ! Mesfrèress’occuperontdetoiettufinirasdansunsacmortuaire. Butch sourit. Vampires ou pas, il comprenait ces types. Ils parlaient le même langage que lui. Avaientlamêmevisiondumondequelui.Ilsesentaitàl’aiseaveceux. Cequiavaitdequoifilerlesjetons. —Tusouris,ditViszs. —Commenttulesais? —J’yconnaisunrayonenémotions.T’eslegenredemecàavoirlapatatelematin? —Bordel,non.Etc’estpaslematin. —Çal’estpourmoi,leflic.(ViszsseretournaetregardaButch.)Tusais,t’assuyfairelanuit dernière. Je connais pas beaucoup d’humains qui s’en seraient pris à Rhage ou à moi. Qui plus est devanttouslesautresfrères. —Eh,mefaispaslegrandjeu.Onsortpasensemble. MaisButchn’enétaitpasmoinstouchéparcetémoignagederespect. Viszsplissalesyeux.Sonintelligenceétaitsivivequ’êtrejaugéparluiéquivalaitàseretrouverà nu. —T’asvraimentenviedemourir. Cen’étaitpasunequestion. —Çasepeut,réponditButch. IlattenditqueViszsluidemandeuneexplication.Commelaquestionnevintpas,Butchluifitpart desasurprise. —Onesttousdanslemêmecas,murmuraViszs.C’estpourquoijedemandepasdedétails. Ilsgardèrentlesilencependantunmoment. Denouveau,Viszsplissalesyeux. — Tu peux pas retourner à ton ancienne vie, le flic. Tu le sais, ça ? Parce que t’as vu trop de choses.Onpourraitpaseffacertoustessouvenirs. —T’esentraindemediredemechoisiruncercueil? —J’espèrequenon.Maisçadépendpasdemoi.Maisdetoi,pourbeaucoup.(Ilyeutunepause.) T’aspasl’aird’avoirtropdechosesquit’attendent,pasvrai? Butchlevalesyeuxversleplafond. QuandlesmembresdelaConfrérieluiavaientpermisdevérifiersesmessageslematin,iln’yen avaitqu’un.Ducapitaine,quiluidisaitdeseprésenterpourlesrésultatsdel’enquêteinterne. Tuparles.Commesic’étaitunrendez-vousauquelilmourraitd’envied’assister.Ilenconnaissait l’issue.Ilallaitêtreviréetsacrifiécommesymboledelaluttecontrelabrutalitépolicière.Oumutéà untravaildebureau. Quantàsafamille,sonpèreetsamère,Dieumerci,étaientencoredecemonde,dansleurmaison duSud,entourésdeleursenfantsencoreenviequ’ilschérissaienttant.Sanscesserdeporterledeuil deJanie,ilscoulaientpourtantdesannéesderetraiteheureuses.LesfrèresetsœursdeButchétaient préoccupésparleursenfants–enavoir,lesélever,enfaired’autres–etétaienttotalementprispar leurs obligations familiales. Dans le clan O’Neal, Butch n’était qu’une note en bas de page. Le mauvaisélémentquin’avaitpasréussiàprocréer. Lesamis?Joséétaitleseulquiauraitpuvaguements’apparenteràunami.Abbyn’enétaitpas mêmeune.Justeunefillequ’ilbaisaitdetempsàautre. EtaprèslarencontreavecMarissalanuitdernière,cetypederapportsexuelnel’intéressaitplus. Iljetauncoupd’œilauvampire. —Non,j’airienquim’attend. —Jesaiscequec’est. Viszsremuacommes’ilessayaitdetrouveruneplaceconfortable.Ils’allongeasurledosetposa unbraspuissantsursesyeux. Butch fronça les sourcils quand il aperçut la main gauche du vampire. Elle était recouverte de tatouages,defiguresdensesetsophistiquéesquicouraientsurledosdelamain,lapaumeetautourde chacundesesdoigts.Ilavaitdûsouffrirlemartyrepourselesfairefaire. —V.? —Ouais? —C’estquoi,touscestatouages? —Jet’aipasprislatêteavecmesquestions,leflic.(Viszsretirasonbras.)Sijesuispasdeboutà 20heures,réveille-moi,d’accord? —Çamarche. Butchfermalesyeux. CHAPITRE42 Dans les appartements du bas, Beth arrêta la douche, prit une serviette et cogna sa bague de fiançaillessurlecomptoirenmarbre. —Oh,non…Pasbon…Vraimentpasbon… Ellepritdélicatementsamain,enpensantqu’ilvalaitmieuxqueKolhersoitenhaut,às’occuper des préparatifs de la cérémonie. Sauf si le bruit qu’avait fait la bague en cognant contre le marbre s’étaitpropagéjusqu’aupremierétage. Elle serra son corps de ses bras avant de regarder, persuadée qu’elle avait descellé le rubis ou cassélapierre.Maislejoyauétaitintact. Non qu’elle soit pressée de recommencer. Elle n’était pas du genre à porter des bijoux et il lui faudraitunpeudetempspours’habitueràl’anneauautourdesondoigt. Tous les petits ajustements de la vie quotidienne allaient-ils être aussi difficiles ? se demanda-telle.Sonfiancéluiavaitglisséunecaillassehorsdeprixaudoigt. Tuparlesd’uneplaie! Tandis qu’elle se séchait, un sourire se dessina sur son visage. Kolher avait été si fier de lui glisserl’anneauautourdudoigt.Illuiavaitditqu’ils’agissaitd’uncadeaud’unepersonnedontelle feraitlaconnaissancecesoir-là. Lorsdesonmariage. Elles’interrompit.MonDieu,cemot.«Mariage». Quiauraitcruqu’elle… Quelqu’unfrappaàlaporte. —Beth?Vousêteslà? Lavoixféminine,inconnue,étaitassourdie. BethpassalepeignoirdeKolheretsedirigeaverslaporte,sansl’ouvrir. — C’est Wellsie. Je suis la shellane de Tohr. J’ai pensé que vous aimeriez que quelqu’un vous aidepourcesoir;j’aipenséàunerobepourvous,aucasoùvousn’enauriezpasdéjàune.Etpuisje suisjustecommetoutlemonde,j’aienviedefairevotreconnaissance. Bethouvritlaporte. Waouh! Wellsie n’était pas comme tout le monde : chevelure d’un roux flamboyant, visage de déesse gréco-romaine,aurademaîtrisetotaled’elle-même.Sarobebleuviffaisaitressortirsonteintcomme uncield’automnesurdesfeuillesauburn. —Euh,salut,ditBeth. —Salut. Les yeux de Wellsie, couleur de sherry, étaient pénétrants sans être froids. Surtout dès qu’elle souriait. —MonDieu,vousêtessuperbe.PasétonnantqueKolhersoittombéfollementamoureuxdevous. —Vousvoulezentrer? Wellsieentradanslapièce.Elleportaitunelongueboîteplateetungrandsac.Elledégageaitun airresponsable,sansparaîtrepourautantarrogante. —Tohrafaillinepasmedirecequisepassait.LuietKolhersontenbisbille. —Bisbille? Wellsie roula des yeux, ferma la porte depuis l’autre bout de la pièce, puis posa la boîte sur la tablebasse. —Detempsentemps,lesmâlescommeeuxs’échauffentàproposdebroutilles.C’estinévitable. Tohrneveutpasmediredequoiils’agit,maisjel’imagine:honneur,faitsd’armes,ounous,leurs femelles.(Wellsieouvritlaboîte,révélantdesplisdesatinrouge.)Ilsontboncœur,maisilpeutleur arriverdetempsentempsdeperdreleurcalmeetd’allertroploin. ElleseretournaetsouritàBeth. —Assezparléd’eux.Vousêtesprête? En général, Beth se montrait assez réservée avec les inconnus. Mais tout chez cette femme au franc-parleretauxyeuxpleinsdebonsensinspiraitconfiance. — Pas sûr. (Beth éclata de rire.) Je ne connais pas Kolher depuis longtemps, mais j’ai l’impressionqu’onestfaitsl’unpourl’autre.J’yvaisàl’instinct,pasdefaçonraisonnée. —J’airessentilamêmechosepourTohr.(LevisagedeWellsies’adoucit.)Ilm’asuffideposer lesyeuxsurluipoursavoir. Elleposaunemaindistraitesursonventre. Elleestenceinte,pensaBeth. —C’estpourquand? Wellsierougit,apparemmentplussouslecoupdel’inquiétudequedubonheur. —Danslongtemps.Unan.Sijepeuxlegarder.(Ellesepenchaetsortitlarobedesaboîte.)Ça vousdiraitdepassercetterobe?Onfaitàpeuprèslamêmetaille. Larobeétaitancienne,avecunhautdedentellenoireornédeperlesbrodéesetunejupeample.Le satinrougereflétaitlalumièredesbougies,dontilconservaitl’éclatdanssesplis. —Elleest…spectaculaire. Bethtenditlamainpourtoucherlesatin. —Mamèrel’avaitfaitfairepourmoi.Jemesuismariéeilyaprèsdedeuxcentsansdanscette robe. Vous n’êtes pas obligée de mettre le corset, mais j’ai apporté les jupons. Ils sont si mignons. Maissurtout,sivousn’aimezpaslarobeousivousaviezprévuautrechose,jenem’enoffusquerai absolumentpas. — Vous avez perdu la tête ! Vous croyez que je vais refuser votre proposition et me marier en short? Bethpritlarobeetcourutpresquejusqu’àlasalledebains.Passerlarobeétaitcommeremonter letempset,lorsqu’ellerentradanslapièce,elleneputs’empêcherd’enfairebruisserlesjupons.Elle était un peu serrée en haut, mais la jeune femme se fichait bien de ne pas pouvoir prendre d’inspirationample. —Vousêtesmagnifique,ditWellsie. — C’est la plus belle chose que j’aie jamais portée. Vous pouvez m’aider pour les derniers boutonsdansledos? LesdoigtsdeWellsieétaienthabilesetrapides.Quandelleeutterminé,ellepenchalatête,mains jointes. —Vousluifaiteshonneur.Lerougeetlenoirsemarientmerveilleusementbienàlacouleurde voscheveux.Kolhervaavoiruneattaquequandilvavousvoir. —Vousêtessûredevouloirmelaprêter? Etsiellerenversaitquelquechosedessus? —Lesvêtementssontfaitspourêtreportés.Cequin’estpaslecaspourcetterobedepuis1814. (Wellsiejetauncoupd’œilàsamontreincrustéedediamants.)Jevaisremonterpourvoircomment se passent les préparatifs. Fritz va probablement avoir besoin d’aide. Les membres de la Confrérie aimentmanger,maisilsnesontpasdouéslemoinsdumondepourlacuisine.Onauraitpupenser qu’ilss’entireraientmieuxavecuncouteau,comptetenudeleurmétier. BethseretournaversWellsie. —Aidez-moiàdéfairecesboutonsetjevousaccompagne. Aprèsl’avoiraidéeàenleverlarobe,Wellsiesemblaithésiter. — Écoutez, Beth… je suis heureuse pour vous. Vraiment. Mais je dois me montrer honnête. Il n’estpassimpled’avoirl’undecesmâlespourcompagnon.J’espèrequevousm’appellerezsivous avezbesoindequelqu’unàquivousconfier. —Merci,ditBeth,enpensantqu’ellepourraitbienlefaire. Elles’imaginaitassezbienWellsiedonnerdebonsconseils.Probablementparcequecettefemme avaitl’airdetoutcontrôlerdanssavie.Ellesemblaitsi…compétente. Wellsiesourit. — Et peut-être que je pourrais aussi vous appeler de temps en temps. Mon Dieu, j’ai attendu si longtempsd’avoirquelqu’unàquiparleretquipuissemecomprendre. —AucundesmembresdelaConfrérien’adefemme? —Iln’yaquevousetmoi,machère. Bethsourit. —Danscecas,onferaitbiendeseserrerlescoudes. Kolhermontaaupremier,ensedemandantquiavaitdormioù.Ilfrappaàlaportedel’unedes chambres d’amis. Butch répondit. L’humain se séchait les cheveux avec une serviette. En avait une autreautourdelataille. —TusaisoùestV.?demandaKolher. —Ouais,ilserase. Delatête,leflicpointapar-dessussonépauleets’écartapourlelaisserpasser. —T’asbesoindemoi,chef?demandaV.depuislasalledebains. Kolhergloussa. —Sic’estpasmignon,toutça. «Vatefairefoutre»luiarrivadesdeuxcôtéstandisqueViszssortaitdelasalledebains,vêtu d’uncaleçon.Ilavaitlesjouesblanchesetunrasoiranciencontresajoue.Ilavaitlesmainsnues. Bordel. La main gauche de V. était levée, ses tatouages sacrés énonçant les terribles conséquences qui guettaientceuxquientreraientencontactavec.Kolhersedemandaitsil’humainavaitlamoindreidée decequeV.pouvaitfaireavec. Probablementpas,carsinonleflicnesepromèneraitpasàmoitiénu,l’airdétendu,danslapièce. —V.,j’aiuntrucàrégleravantlacérémonie. En général, Kolher travaillait seul mais, s’il devait régler son compte à Billy Riddle, il voulait Viszs pour le seconder. Les humains n’avaient pas l’obligeance de se désintégrer quand on les poignardait,maislamaingauchedesonfrèresauraitprendresoinducorps.Enquelquesinstants,le cadavreauraitdisparu. V.sourit. —Donne-moicinqminutesetj’arrive. —Çamarche.(KolhersentaitlesyeuxdeButchsurlui.Manifestement,letypevoulaitsavoirce quisepassait.)Vautmieuxqueturestesendehorsdeça,leflic.Surtoutcomptetenudetonmétier. —Jesuisplusflic.Autantquetulesaches. Intéressant,pensaKolher. —Tuveuxbienm’expliquer? —J’aiexplosélenezd’unsuspect. —Dansunebagarre? —Lorsd’uninterrogatoire. Dansunsens,cen’étaitpassurprenant. —Pourquoi? —Ilavaitessayédeviolertafuturefemme,vampire.Jemesuispassentid’humeuràmemontrer conciliantquandiladitqu’elledemandaitqueça. Kolhersentitungrognementluimonterdelagorge.Lesonétaitcommeunorganismevivantqui auraitprisnaissancedanssesentrailles. —BillyRiddle. —Betht’aparlédelui? Kolherfilaverslaporte. —Magne-toiletrain,V.,aboya-t-il. Lorsqu’ilarrivaenbas,KolhersentitlaprésencedeBethetl’accueillitlorsqu’ellearrivaparle tableau.Ils’avançaetlapritdanssesbras,laserrantcontrelui.Illavengeraitavantqu’ilssoientunis. Ellen’enméritaitpasmoinsdesonhellren. —Tuvasbien?murmura-t-elle. Ilacquiesça,levisageenfouidanssescheveux,puisregardalashellanedeTohr. —SalutWellsie.C’estbienquetusoislà. Lafemellesourit. —J’aipenséqu’elleauraitbesoind’unpeudesoutien. —Jesuisheureuxquetusoislà. Il s’écarta de Beth pour faire un baisemain à Wellsie. Viszs entra dans la pièce, complètement armé. —Kolher,c’estbon?Onyva? —Vousallezoù?demandaBeth. —J’aiquelquechoseàrégler.(IllaissacourirsamainlelongdubrasdeBeth.)Lesautresrestent icipouraideràtoutpréparer.Lacérémoniecommenceraàminuitetjeserairentréavant. Elle semblait vouloir protester, puis regarda Wellsie. Quelque chose semblait passer entre elles deux. —Prendssoindetoi,finitparrépondreBeth.S’ilteplaît. —T’inquiètepas.(Illuidonnaunbaiserlongetlangoureux.)Jet’aime,leelane. —Ilveutdirequoi,cemot? —Quelquechosecomme«machérie». Il prit son blouson sur une chaise et posa un autre baiser sur les lèvres de sa leelane avant de partir. CHAPITRE43 Butch se peigna, se mit un peu d’eau de toilette et revêtit un costume qui ne lui appartenait pas. Toutcommel’armoiredelasalledebainsregorgeaitd’après-rasageetdecrèmesàraserdifférentes, lesplacardsétaientremplisdevêtementsd’hommesdanstouteslestailles.Neufsetdemarque. Iln’avaitjamaisportédeGucciavant. Mêmes’iln’aimaitpasjouerlesparasites,ilnepouvaitpasseprésenterdevantMarissadansles vêtements de la veille. Même s’ils avaient été particulièrement chic – et ce n’était pas le cas –, ils auraientmaintenantempestéautantqu’unbar:unmélangedutabacturcdeV.etd’alcool. Pourelle,ilvoulaitêtreproprecommeunsouneuf. Butchseregardadevantlemiroirenpied;ilsefaisaitl’effetd’unetapette,maisilnepouvaits’en empêcher.Lecostumenoirrayéluiallaitbien.Lachemiseblancheaucolouvertfaisaitressortirson bronzage.QuantàlapairedemocassinsFerragamoqu’ilavaittrouvéedansuneboîte,elleapportait lapetitetouchetendancequ’ilfallait. Il était presque beau, pensa-t-il. Tant qu’elle ne regardait pas de trop près ses yeux injectés de sang. Quitrahissaientlesquatreheuresdesommeiletlaquantitédescotchavalée. Ilentenditunpetitgrattementàlaporte. Ilsefaisaitl’effetd’unegravuredemodeetespéraitquederrièrelaportenesetrouvaitpasl’un desmembresdelaConfrérie.Ilouvritlaporte. Lemajordome,enlevoyant,esquissaunsourire. —Monsieur,vousêtessuperbe.Excellentschoix.Excellentschoix! Butchhaussalesépaules,jouantaveclecoldelachemise. —Ouais,ouais. —Maisilvousmanqueunepochette.Vouspermettez? —Biensûr. Levieilhommesedirigeaversunbureau,tirauntiroiretfarfouilladedans. —Cecidevraitêtreparfait. Ses mains noueuses s’affairèrent auprès du morceau de tissu blanc, qu’il plia avec la dextérité d’unorigamisteavantdeleplacerdanslapochepoitrineducostumedeButch. —Vousvoilàprêtpourvotreinvitée.Elleestici.Voulez-vouslarecevoir? Larecevoir? —Euh…oui. Tandisqu’ilsavançaientdanslevestibule,lemajordomeeutunpetitrire. —J’ail’airridicule,pasvrai?demandaButch.LevisagedeFritzpritunairsérieux. — Non, pas du tout, Monsieur. Je pensais juste que Audazs aurait aimé tout ça. Il aimait que la maisonsoitremplie. —QuiestDa… —Butch? Ilss’arrêtèrenttouslesdeuxenentendantlavoixdeMarissa.Ellesetenaitenhautdesescaliers. En la voyant, Butch en eut le souffle coupé. Elle avait relevé ses cheveux et portait une robe en mousselinedesoierosepâle.Auplaisirmêléderéservequ’elleexprimaenlevoyant,Butchsentitsa poitrinesegonfler. —Salut,baby. Butchs’avançaverselle,conscientdusourireradieuxquiéclairaitlevisagedumajordome. Marissajouaitavecsarobe,commesielleétaitunpeunerveuse. — J’aurais probablement dû attendre en bas. Mais tout le monde est si occupé. J’avais l’impressiondegêner. —Vousvoulezresterunpeuici? Elleacquiesça. —Sicelanevousgênepas.C’estpluscalme. Lemajordomeintervint. —Ilyaunevérandaaudeuxièmeétage.Suivezlecouloir.C’estaubout. Butchluioffritsonbras. —Çavousdit? Marissa glissa sa main sous le bras de Butch. Elle détourna les yeux, avec un rougissement enchanteur. —Oui,oui,toutàfait. Ellevoulaitseretrouverseuleensacompagnie. C’étaitbonsigne,pensaButch. Tandis qu’elle portait un plateau de crudités dans la salle à manger, Beth songea que Fritz et Wellsieauraienttoutàfaitpudirigerensembleunpetitpays.Ilsorganisaientlesalléesetvenuesdes membresdelaConfrérie,leurassignaientdifférentestâches–dresserlatable,installerdesbougies neuves, aider à préparer les plats. Et Dieu seul savait ce qui se passait dans les appartements de Kolher.Lacérémoniedevaits’ydérouler,etRhages’ytrouvaitdéjàdepuisplusd’uneheure. Bethdéposaleplateausurlebuffetetfitdemi-tourverslacuisine.ElleytrouvaFritz,quitentait d’attraperungrandsaladierencristalenhautd’unplacard. —Laissez-moifaire. —Oh,merci,maîtresse. ElleleposasurleplandetravailpuisregardaFritzleremplirdesel. Waouh,bonjourl’hypertension,songea-t-elle. — Beth ? (Wellsie l’appelait.) Vous pouvez prendre à l’office trois bocaux de pêches pour accompagnerlejambon? Beth se rendit dans la petite pièce et alluma la lumière. Des boîtes et des bocaux emplissaient l’espacedusolauplafond,dansuneinfinievariétédedimensions.Ellecherchaitoùsetrouvaientles pêchesquandelleentenditlaportes’ouvrir. —Fritz,voussavezoù… Ellefitvolte-face.EtseheurtadepleinfouetaucorpsmassifdeZadiste. Ilchuintaettousdeuxreculèrenttandisquelaporteserefermaitsureux. Ilfermalesyeuxcommepourchasserunesensationdouloureuse,leslèvresdévoilantsescanines etsesdents. —Jesuisdésolée,murmura-t-elleententantdes’écarterdavantage. Iln’yavaitpasbeaucoupdeplaceetaucuneissuepossible.Ilsetenaitdevantlaporte. —Jenevousavaispasvu.Jesuisvraimentdésolée. Ilportaitunautredesestee-shirtsmoulantsàmancheslongueset,quandilserralespoings,les musclesdesesbrasetdesesépaulessedessinèrentclairement.Certes,ilétaitgrand,maissoncorps vigoureuxdonnaitl’impressionqu’ilétaitimmense. Ilouvritlesyeux.Quandsesyeuxnoirsseposèrentsurelle,Betheutunmouvementderecul. Froids.Sesyeuxétaientsifroids. —Bordel,jesaisbienquejesuislaid,aboya-t-il.Maisc’estpaslapeined’avoirpeurdemoi.Je suispasunsauvage. Puisilpritquelquechoseets’enalla. Beths’affaissacontrelesboîtesetlesbocaux,fixantl’espacevidequ’ilavaitlaissésurl’étagère. Chutney.Ilavaitprisduchutney. —Beth,vousaveztrouvé…(Wellsies’arrêtanetdansl’embrasuredelaporte.)Qu’est-cequ’il s’estpassé? —Rien…ils’estrienpassé. Wellsielafixaduregardtandisqu’elleajustaitletabliersursarobebleue. —Vousmementez,maisc’estlejourdevotremariage,alorsjevaisvouslaisservousentirer commeça.(Elletrouvalejambonetenpritquelquesboîtes.)Dites,pourquoivousn’iriezpasvous reposer un peu dans la chambre de votre père ? Rhage a terminé, et vous pourrez souffler un peu. Vousdevezvousfairebellepourlacérémonie. —Voussavez,jecroisquejevaissuivrevotreconseil. Butchs’adossaaufauteuilàbascule,jambescroisées,repoussantlesoldesonpied.Lerockingchaircraquait. Au loin, des éclairs de chaleur zébraient le ciel. La nuit apportait les effluves du jardin en contrebas. Souslavéranda,Marissatenditlecoupourregarderleciel.Unelégèrebriseestivalesoulevaitles bouclesdesescheveux. Butchseditqu’ilpourraitpassersavieentièreàlaregardersansjamaisselasser. —Butch? —Désolé.Vousdisiez? —Jedisaisquevousétiezbeaudanscecostume. —Cevieuxtruc?Jel’aipassésansréfléchir. Elleéclataderire,exactementcommeill’avaitsouhaitémais,tandisquesonrirerésonnaitàses oreilles,ilredevintsérieux. —C’estvousquiêtestrèsbelle. Marissaportalamainàsoncou.Ellesemblaitnepassavoirquefairedescompliments,commesi ellen’avaitpasl’habituded’enrecevoir. Ilavaitvraimentdumalàlecroire. —Jemesuiscoifféepourvous,dit-elle.Jemesuisditquepeut-êtrevousaimeriezmescheveux coiffésainsi. —J’aimecommevouslescoiffez.Toujours. Ellesourit. —J’aiaussichoisicetterobepourvous. —Ellemeplaît.Mais,voussavez,Marissa,vousn’avezpasàfairetantd’effortspourmoi. Ellebaissalesyeux. —C’estdansmonhabitude. —Alorsdéshabituez-vous.Vousêtesparfaite. Elleluirenvoyaunsourireradieux.Lui,subjugué,lafixaitdesyeux. La brise, qui enflait légèrement, s’engouffra dans les pans de sa robe, autour de la courbe gracieusedeseshanches.Soudain,Butchpritconsciencequ’ilnepensaitplusuniquementàlabeauté deMarissa. Ilfaillitéclaterderire.Jamaisiln’avaitpenséqueledésirpouvaitruinerunmoment,etilaurait bien aimé laisser de côté pour la nuit ses besoins physiques. Ou pour plus longtemps encore. Il voulaitvraimentlatraiteravecrespect.Marissaétaitunefemmedigned’êtreadoréeetdeconnaîtrele bonheur. Il fronça les sourcils. Ouais, et il comptait s’y prendre comment au juste ? Pour la rendre heureuse.Pourl’adoration,ils’entiraitplutôtbien. C’étaitjusteque…lesvampiresviergesétaientunecatégoriedefemmesdontilignoraittout. —Marissa,voussavezquejesuispasdesvôtres.Elleacquiesça. —Jel’aisudèsl’instantoùjevousaivu. —Etçanevousrepoussepas?Nevousennuiepas? —Non.J’aimecequejeressensquandjesuisauprèsdevous. —Etvousressentezquoi?demanda-t-ild’unevoixdouce. — Je me sens en sécurité. Je me sens belle. (Elle marqua une pause et regarda ses lèvres.) Et parfoisaussijeressensd’autreschoses. —Lesquelles? Endépitdesesbonnesintentions,ilvoulaitvraimentl’entendrenommercesautreschoses. —Jeressensdelachaleur.Surtoutici–ellesetouchalesseins–etici. Ellepassalamainsurlazonesituéeentresescuisses. Butchvoyaitdouble,tantsoncœurbattaitlachamade.Tandisqu’ilexpiraittoutsonsouffle,ilétait persuadéquesatêteallaitexploser. —Etvous,vousressentezquelquechose?demanda-t-elle. —Ouais,vouspouvezmecroiresurparole. Lescotchingurgitérendaitsavoixrauque.C’estcequeledésespoirfaitàuntype. Marissatraversalavérandaets’avançadanssadirection. —Jevaisvousembrassermaintenant.Sicelanevousgênepas. Legêner?Ilauraitpulasupplierjustepouravoirledroitdecontinueràlaregarder. Ildécroisalesjambesetseredressa,etsongeaquel’éventualitéquequelqu’unlessurprenneàtout momentl’aideraitàgarderlecontrôledelasituation.IlétaitsurlepointdesereleverquandMarissa s’agenouilladevantlui. EtplaçasoncorpsentrelesjambesdeButch. —Ouah!Doucement. Ill’arrêtaavantqu’elletouchesonsexeenérection.Iln’étaitpassûrqu’ellesoitprêtepourça.Il n’étaitsûrlui-mêmedel’être. —Siondoitfaire…Prenonsnotretemps.Jeveuxquetoutsepassebienpourvous. Ellesouritetilaperçutlapointedesescanines.Sonmembresedurcitplusencore. Bordel,quiauraitcruqueçal’exciteraitcommeça? —J’airêvéquejevousfaisaiscelalanuitdernière,murmura-t-elle. Butchseraclalagorge. —Ahbon? —Vousveniezmerendrevisitedansmachambre.Vousvouspenchiezsurmoi. Ilarrivaitparfaitementàsel’imaginer.Àceciprèsque,danssonfantasmeàlui,ilsétaienttousles deuxnus. — Vous étiez nu, ajouta-t-elle en se penchant vers lui. Moi aussi. Votre bouche était dure sur la mienne. Vous aviez un goût acidulé, comme le scotch, et j’aimais ça. (Les lèvres de Marissa s’approchèrentàquelquescentimètresdessiennes.)Jevousaimais. Grandsdieux.Ilétaitsurlepointdejouir.Etilsnes’étaientpasmêmeembrassés. Elle s’approcha encore pour réduire la distance entre eux, mais il la retint au dernier moment. C’étaittroppourlui.Elleétaittropbelle.Tropsexy.Bientropinnocente. Ilavaitlaissétombertantdegensdanssavie.Ilnevoulaitpasl’ajouteràlaliste. Etpuiselleméritaitunprincepoursapremièrefois.Pasunex-flicminable,danslesfringuesde gigolod’unautre.Iln’avaitaucuneidéedelafaçondontlesvampiresmenaientleurvieprivée.Mais ilcroyaitdurcommeferqu’ellepouvaitsetrouverquelqu’undebienmieuxquelui. —Marissa? —Hmm? Elle ne détournait pas les yeux de ses lèvres. En dépit de sa totale inexpérience, elle donnait l’impressiond’êtreprêteàledévorer. Etluiétaittoutdisposéàselaissermanger. —Cen’estpasvotredésir,Butch?murmura-t-elleens’écartant.(Elleparaissaitinquiète.)Butch? —Oh,non,bébé.C’estpasça. IlremontasesmainsdesépaulesdeMarissaàsoncou,enluimaintenantfermementlatête.Puisil penchalasienneetposaseslèvressursabouche. Marissa haleta, aspirant le souffle de Butch dans ses poumons, le prenant à l’intérieur d’elle. Il émit un grognement de satisfaction, mais resta maître de lui et caressa sa bouche avec sensualité. Tandis que le corps de Marissa se balançait vers le sien, il caressa de la pointe de sa langue le pourtourdesabouche. Elledevaitavoirsibongoût,pensa-t-il,ensepréparantàintroduiresalangueplusprofondément toutenrestantmaîtredelui. MaisMarissaledevança.EllecapturalalanguedeButchdanssaboucheetlasuça. Butchgrognaetserelevad’unbond. Marissainterrompitlebaiser. —Vousn’aimezpas?J’aiaiméquandvousavezfaitcelahieravecmondoigt. —Si,j’aime,répondit-ild’unevoixgutturale.Croyez-moi,j’aimemêmebeaucoup. —Alorsjevaisrecommencer. Ellesepenchaversluietluipritlabouchedansunbaisertorride,leplaquantcontrel’osieravec une force équivalente à celle d’une tonne de briques. Comme en état de choc, Butch ne put qu’agripperlesbrasdufauteuil.Sonattaqueétaitpuissante.Érotique.PluschaudequelesEnfers.Elle s’aplatitcontrelapoitrinedeButchtandisqu’elleexploraitsabouche;ilsecampaplusfermement, s’appuyantdetoutsonpoidssurlesbrasdufauteuil. Soudain,uncraquementsonoresefitentendre. ButchroulaausolavecMarissa. —Qu’est-cequec’estquecep…? Butchlevalamaingauche.Quitenaitlebrasdufauteuilqu’ilavaitagrippé. Ill’avaitcassé. —Vousallezbien?demanda-t-il,lesoufflecourt,enjetantlemorceaudebois. —Oh,oui. Elleluisourit.SarobeétaitprisedanslesjambesdeButch.Soncorpstoutcontrelesien.Presque àl’endroitidéal. Illaregardaetsutqu’ilétaitprêtàtout,prêtàallervoirsouscetterobe,àécartersescuissesde sonbassinetàpénétrerlachaleurdesoncorpsjusqu’àcequ’ilsseperdenttouslesdeux. Àceciprèsque,danssonétatd’excitationactuel,ilnepourraitquelaprendreavecfougue,non luifairel’amourcommeilfallait.Etilétaittellementfoudedésirqu’ilsesentaitcapabledelefaire ici,souslavéranda,dehors.L’interruptionfaitdoncbienvenue. —Relevez-vous,dit-ild’untonsec. Marissafutplusrapidequeluiet,d’unbond,seretrouvasursespieds.Lorsqu’elleluitenditla mainpourl’aideràserelever,illapritpourluifaireplaisir.Pourseretrouversoulevédusolcomme s’ilnepesaitpaspluslourdqu’unjournal. Ilesquissaunsouriretandisqu’ilépoussetaitsaveste. —Vousêtesplusfortequevousenavezl’air. Ellesemblagênéeets’absorbadanslavérificationdesarobe. —Pasvraiment. — Ce n’est pas une mauvaise chose, Marissa. Elle releva les yeux vers les siens puis lentement parcourutsoncorps. Soudain mal à l’aise, Butch prit conscience que son sexe en érection faisait remonter son pantalon.Ilsetournapourréajustersesvêtements. —Quefaites-vous? —Rien. Ilseretournapourluifaireface,nonsanssedemandersilesbattementsdesoncœurallaientfinir parseralentir. Bordel, il n’aurait pas besoin de test d’endurance avant longtemps. Si son cœur supportait un baiserdeMarissa,Butchpouvaitprobablementcourirlemarathon. Entirantunevoiturederrièrelui. Surlebas-côté. —Çam’aplu,déclara-t-elle. Iléclataderire. —Àmoiaussi.Maisj’aidumalàcroirequevoussoyezvier… Butchlaboucla.Etsefrottalessourcilsaveclepouce.Pasétonnantqu’ilnesorteavecpersonne. Ilavaitautantdemanièresqu’unchimpanzé. —Justepourquevouslesachiez,murmura-t-il.Çam’arriveparfoisdemeprendrelespiedsdans letapis.Maisjevaisfaireattention. —Lespiedsdansletapis? —Dediredesconneries.Destrucs.Euh…etmerde!(Iljetauncoupd’œilverslaporte.)Dites, quediriez-vousderedescendrepourvoiroùensontlespréparatifsdelafête? Cars’ilrestaituneminutedeplusici,ilallaitsecouchersurelle. —Butch? Ilseretournapourlaregarder. —Oui,baby? Lesyeuxbrillants,ellepassasalanguesurseslèvres. —J’enveuxplus. Butcheneutlesoufflecoupé.Etsedemandasiellepensaitàsonsang. Enfixantsonvisagemagnifique,ilrevécutcequ’ilavaitsentilorsqu’ellel’avaitplaquécontrele fauteuil.Etilimaginaqu’aulieudel’embrasserelleplantaitsescaninesnacréesprofondémentdans soncou. Ilpensaitqu’iln’yavaitpasdemeilleurefaçonpourluidepartirquedanssesbras. —Toutcequevousvoulezdemoi,murmura-t-il,vouspouvezleprendre. CHAPITRE44 KolherobservaBillyRiddlesortirdelamaisonetprendrelapose,adosséauxcolonnes.Riddle posaàterresonpaquetageetregardaleciel. —Parfait,déclaraKolheràViszs.Onasuffisammentdetempspourletueretrentrer. Mais avant que V. et lui aient pu sortir de l’ombre, un Hummer noir remonta l’allée circulaire. Quandlavoiturepassadevanteux,l’odeuraciduléedetalcpourbébéleurparvintparlavitreouverte. —C’estlameilleure,murmuraKolher. —C’estunéradiqueur,monfrère. —Qu’est-cequetupariesqu’ilvientchercherunenouvellerecrue? —Boncandidat. Billygrimpaàl’intérieuretle4×4seremitenmarche. —Onauraitdûprendremavoiture,soufflaV.Onauraitpulessuivre. —Onapasletempsdelesfiler.LaViergescribearriveàminuit.Ons’enoccupemaintenant.Ici. Kolher bondit devant le Hummer, les mains plantées sur le capot pour forcer le véhicule à s’arrêter. Il regarda à travers le pare-brise tandis que Viszs approchait de côté, se glissant vers la portièreconducteur. Kolher sourit quand la voiture s’arrêta. De l’intérieur lui parvenait une odeur de peur et d’anticipation.IlsavaitlaquelleémanaitdeBillyRiddle.Letypeétaitàcran.L’éradiqueur,quantàlui, étaitprêtàsebattre. Mais il y avait autre chose. Quelque chose clochait. Kolher jeta un rapide coup d’œil aux alentours. —Soissurtesgardes,V. Lebruitd’unmoteurdéchiralanuitettousseretrouvèrentépinglésdanslalumièredesphares. Uneberlinebanales’arrêta,etdeuxhommesensortirentd’unbond,revolveraupoing. —Policed’État.Hautlesmains.Vousdanslavoiture,descendez. Kolheravaitlesyeuxfixéssurlaportièreconducteur.Cequiensortitétaitmassifetviolent.Sous l’odeurdetalcpourbébés’exhalaitlapuanteurdumal. Tandisqu’illevaitlesmains,lemembredelaSociétédeséradiqueursobservaitl’insignesurle blousondeKolher. —MonDieu.Jecroyaisquetuétaisunmythe.LeRoiaveugle. Kolherdénudasescanines. —Riendecequetuasentendudiresurmoiestunmythe. Lesyeuxdel’éradiqueurbrillèrent. —Jesuisimpressionné. — Et moi, ça me brise le cœur qu’on doive se séparer si vite. Mais on vous reverra, toi et ta nouvellerecrue.Trèsbientôt. KolherfitunsignedetêteàViszs,effaçalessouvenirsdeshumainsetsedématérialisa. M.Xétaitaucombledelastupéfaction. LeRoiaveugleétaitenvie. Depuisdessiècles,onracontaitdeshistoiressurlui,ouplutôtdeslégendes,maisiln’yavaiteu aucun témoignage attesté de son existence depuis que M. X avait rejoint la Société. En fait, d’innombrablesrumeurs,alimentéesparladésintégrationdelasociétévampire,prétendaientquele guerrierroyalétaitmort. Maisnon,leroiétaitbeletbienenvie. Grandsdieux.Quelleoffrandeàdéposerdevantl’auteldel’Oméga! —Jevousavaisditqu’ilviendrait.(Billys’adressaitauxhommesdelapoliced’État.)C’estmon professeurd’artsmartiaux.Pourquoivousnousavezarrêtés? Lespoliciersreplacèrentleurarmedansleurholster,leregardfixésurM.X. —Pouvez-vousnousmontrervospapiers,monsieur?demandal’und’eux. M.Xsouritettenditsonpermisdeconduire. —Billyetmoisortonsdîner.Avantpeut-êtred’alleraucinéma. Lepolicierobservaattentivementlaphoto,puislevisagedel’hommequisetenaitdevantlui. —M.Xavier,jevousrendsvotrepermis.Désolépourledérangement. —Àvotreservice,officier. M.XetBillyremontèrentenvoiture. Riddlejura. —Quellebandedecrétins!Pourquoiilsnousontarrêtés? Parce que deux vampires nous sont tombés dessus, pensa M. X. Tu ne t’en souviens pas, tout commecesflics. Jolitourdeforce.Joli. —Quefabriqueicilapoliced’État?demandaM.Xenremettantenmarchelevéhicule. —Monpèreaencorereçuunemenaceterroriste,etilestdécidéàquitterWashingtonpendantun petitmoment.Ilrentrecesoir,etlesflicsvontgrouillericijusqu’àcequ’ilretourneàlacapitale. —Tuasparléàtonpère? —Ouais.Enfait,ilasemblésoulagé. —Jesuissûrqu’ill’est. Billyfouilladanssonsac. —J’aiapportécequevousm’avezdemandé. Iltenaitunejarreencéramiquedotéed’uncouvercle. —C’estbien,Billy.C’estexactementlabonnetaille. —Qu’est-cequ’onvamettrededans? M.Xsourit. —Tulesaurastrèsvite.Tuasfaim? —Nan.Tropvannépourmanger.(Billyserrasespaumesl’unecontrel’autreetappuya,muscles bandés.) Je voulais vous dire, je craque pas facilement. Peu importe ce qui se passera ce soir, je tiendrailecoup. Nousverronstoutça,songeaM.Xtandisqu’ilsedirigeaitverssondomicile.Lacérémonieallait se dérouler dans la grange, et la table de torture serait bien utile. Il pourrait facilement y attacher Billy. Tandisquelacampagnesesubstituaitàlavillelelongdelaroute,M.Xserenditcomptequ’il souriait. LeRoiaveugle. ÀCaldwell. M.XjetaunregardendirectiondeBilly. ÀCaldwellàpourchasserBilly. Tiensdonc!Pourquoi? CHAPITRE45 Denouveau,Bethavaitrevêtularobe.Elleenétaitfolle. —Jen’aipasdechaussures,dit-elle. WellsieretirauneautreépingledesaboucheetlapiquadanslechignondeBeth. —Vousn’êtespascenséeenporter.Bon,laissez-moivousregarder. Wellsie sourit en voyant Beth se mettre à danser dans la chambre de son père, la robe de satin rougescintillantautourd’elle. —Jevaispleurer.(Wellsieportalamainàsabouche.)Jelesais.Dèsqu’ilvavousvoir,jevais memettreàpleurer.Vousêtestellementbelle,etc’estlepremierévénementheureuxdepuis…jene saisplusquand. Beths’arrêta;larobes’immobilisa. —Merci.Pourtout. Wellsiesecoualatête. —Nemeditespasçaoujevaismemettreàpleurertoutdesuite. —Jesuissincère.C’estcomme…jenesaispas,commesij’épousaisunefamilleentière.Etje n’aijamaisvraimenteudefamille. LenezdeWellsieseteintaderouge. —Noussommesvotrefamille.Vousêtesl’unedesnôtres.Maintenant,çasuffit,d’accord. Onfrappaàlaporte. —Toutvabienàl’intérieur?demandaunevoixmasculinedel’autrecôté. Wellsiesedirigeaverslaporteetpassalatêteàl’extérieur,sansouvrirlaporteengrand. —Oui,Tohr.Lesfrèressontprêts? —Qu’est-cequi…tuaspleuré?demandaTohrment.Tuvasbien?MonDieu,c’estàcausedu bébé? — Tohr, tout va bien. Je suis une femelle. Je pleure aux mariages. C’est dans la description du poste. Ilyeutlesond’unbaiser. —C’estjustequejeneveuxpasquetusoiscontrariée,leelane. —Danscecas,dis-moiquelesfrèressontprêts. —Onl’esttous. —Bien.Jevaisl’escorter. —Leelane? —Quoi? Desmotsfurentprononcésdansleurmerveilleuselangue. —Oui,Tohr,murmuraWellsie.Etaprèsdeuxsiècles,jet’épouseraiencore.Mêmesituronfleset quetulaissestraînertesarmespartoutdanslachambre. LaportesefermaetWellsieseretournaversBeth. —Ilsvousattendent.Vousêtesprête? Bethtirasurlecorsagedelarobe.Regardal’allianceenrubis. —Jamaisjen’auraispenséfaireunechosepareille. —Lavieestpleinedemerveilleusessurprises,n’est-cepas? —Eneffet. Les deux femmes sortirent de la chambre de Audazs et pénétrèrent dans les appartements de Kolher. Touslesmeublesavaientdisparuet,àl’endroitoùsetrouvaitprécédemmentlelit,setenaientles membresdelaConfrérie,alignéscontrelemur.Ilsétaientmagnifiquesàvoir,dansleurvesteetleur pantalondesatinnoirs,unedagueornéedejoyauxàlataille. Dès qu’elle aperçut Beth, toute l’assemblée retint son souffle. Les membres de la Confrérie s’agitèrent, puis baissèrent les yeux. Relevèrent la tête. Des sourires timides se dessinèrent sur les visagesrudes. SaufsurceluideZadiste.Ilnelaregardaqu’unefoisavantdebaisserlesyeux. Butch, Marissa et Fritz se tenaient du même côté. Elle leur fit un petit signe. Fritz sortit un mouchoir. Ilyavaitquelqu’und’autredanslapièce. Unepersonneminusculedrapéedenoirdelatêteauxpieds.Mêmesonvisageétaitcouvert. Beth fronça les sourcils. Sous les plis de tissus noirs, il y avait comme une mare de lumière. Commesilasilhouettebrillait. MaisoùétaitKolher? WellsieescortaBethjusquedevantleshommes.Celuiauxbeauxcheveux,Fhurie,s’avança. Bethbaissalatête,essayantdereprendrelecontrôled’elle-mêmeetnotaquelevampireavaitune prothèseàlaplaced’unpied. Ellerelevalatêteverslesyeuxjaunes,nevoulantpassemontrerimpolie.Ilsourit,cequil’aidaà recouvrerunpeusoncalme. Ils’exprimad’unevoixpleineetrégulière. —Nousallonsconduirelacérémonieenanglaisautantquepossible,pourquevouscompreniez. Vousêtesprête? Elleacquiesça. —Avance,Seigneur,dit-il. Bethregardapar-dessussonépaule. Kolher se matérialisa dans l’embrasure de la porte. Beth porta la main à sa bouche. Il était magnifique,vêtud’unetuniquenoireceinturéebrodéedefilnoir.Unelonguedagueàpoignéed’or étaitfixéeàsaceintureet,sursatête,uncerclederubissertisdansunmétalaufinimat. Ils’avançaaveclagrâcequ’elleaimaittant,etsescheveuxretombaientendoucesondulationsle longdesesépaulesmassives,danssondos. Ilneregardaitpersonned’autrequ’elle. Lorsqu’ilsetintdevantelle,ilmurmura: —Tuesbelleàcouperlesouffle. Bethcommençaàsangloter. LevisagedeKolherseteintad’inquiétudetandisqu’illuitendaitlamain. —Leelane,qu’est-cequisepasse? BethsecoualatêteetsentitqueWellsieluimettaitunmouchoirenpapierdanslamain. —Toutvabien,réponditWellsie.Crois-moi,toutvabien.N’est-cepas? Bethacquiesçaetsetamponnalesyeux. —Oui. Kolherluicaressalajoue. —Onpeuttoutarrêter. —Non!S’exclama-t-elle.Jet’aimeetnousallonsnousmarier.Maintenant. DespetitsriressefirententendredanslarangéedesmembresdelaConfrérie. —Jecroisqu’onesttousd’accord,ditl’und’euxd’untonrespectueux. QuandBetheutreprislecontrôled’elle-même,KolheradressaunsignedetêteàFhurie. —NouscommenceronsparlaprésentationàlaViergescribe,ditlefrère. KolherpritBethparlamainetlaconduisitdevantlasilhouetteennoir. — Vierge scribe, voici Elizabeth, fille de Audazs, guerrier de la Confrérie de la dague noire, petite-filleduprincepsMarklon,arrière-petite-filleduprincepsHorusman… L’énumération se poursuivit. Lorsque Kolher se tut, Beth, spontanément, tendit la main vers la silhouette. IlyeutuncrietKolherluipritlebras,letirantenarrière.Plusieursdesfrèresbondirentenavant. — C’est ma faute, déclara Kolher, les bras écartés comme pour la protéger. Je ne l’ai pas suffisammentpréparée.Ellenevoulaitpasvousoffenser. Unrire–grave,chaudetféminin–montadelasilhouette. —Necrainsrien,guerrier.Toutvabien.Approche,femme. Kolhers’écarta,toutenrestantàproximité. Beth s’approcha de la silhouette, angoissée à l’idée de commettre le moindre impair. Elle se sentaitexaminée. —Cethommedemandeàcequetuleprennespourhellren,monenfant.Veux-tudeluis’ilenest digne? —Oh,oui.(BethregardaKolher.Ilétaitencoretendu.)Oui,jeleveux. Lasilhouetteacquiesça. —Guerrier,cettefemmeestdisposéeàteprendrepourépoux.Es-tudisposéàfairetespreuves pourelle? —Oui,jelesuis. LavoixgravedeKolherrésonnadanstoutelapièce. —Es-tudisposéàtesacrifierpourelle? —Jelesuis. —Es-tudisposéàladéfendrecontretousceuxquivoudrontluinuire? —Jelesuis. —Donne-moitamain,monenfant. Hésitante,Bethluitenditlamain. —Paumeverslehaut,murmuraKolher. Bethretournasonpoignet.Lesplisremuèrentetluirecouvrirentlamain.Elleressentitunétrange chatouillement,commeunechargeélectriquedefaibleintensité. —Guerrier. Kolhertenditlamain,quielleaussidisparutdanslesplisnoirsdelatunique. Soudain,Bethsesentitentouréeetenveloppéedechaleur.ElleregardaKolher.Quiluisourit. —Ah!s’exclamalasilhouette.Cetteunionestpositive.Trèspositive. Lasilhouettelâchaleurmain,puisKolherenlaçaBethetl’embrassa. Lespersonnesprésentescommencèrentàapplaudir.Quelqu’unsemoucha. Bethseserraitdetoutessesforcescontresonnouvelépoux.C’étaitfait.C’étaitréel.Ilsétaient… —C’estpresqueterminé,leelane. Kolhers’écartaetretiralaceinturedesatunique.Puisilenlevalevêtement,révélantsontorsenu. Wellsies’avançaetpritlamaindeBeth. —Toutvabiensepasser.Respirezavecmoi. Bethjetauncoupd’œilnerveuxautourd’elletandisqueKolhers’agenouillait,têtebaissée,devant sesfrères.Fritzapportaunepetitetablesurlaquelleétaientposéslerécipientencristalremplidesel, unpichetd’eauetunpetitcoffretlaqué. FhurieseplaçadevantKolher. —Seigneur,quelestlenomdetashellane? —SonnomestElizabeth. Dansungrincement,Fhuriedégainasadaguenoire.EtsepenchasurledosnudeKolher. Bethhaletaets’avançatandisquelalamedescendait. —Non… Wellsielaforçaàresterimmobile. —Restezici. —Quefait… —Vousépousezunguerrier,murmuraWellsied’unevoixfière.Laissez-leprouversonhonneur devantsesfrères. —Non! — Écoutez-moi. Kolher vous donne son corps, se donne tout entier à vous. Tout son être vous appartientdésormais.C’estl’objetdelacérémonie. Fhurierecula,etBethaperçutunfiletdesangcoulerduflancdeKolher. Viszss’avança. —Seigneur,quelestlenomdetashellane? —SonnomestElizabeth. Tandisquelefrèresepenchaitladagueàlamain,Bethfermalesyeuxetserratrèsfortlamainde Wellsie. —Iln’apasbesoindefaireçapourprouversavaleuràmesyeux. —Vousl’aimez?demandaWellsie. —Oui. —Alorsvousdevezacceptersescoutumes. Àsontour,Zadistesortitdurang. —Doucement,Z.,luiditFhurieàvoixbasseenrestantprèsdesonjumeau. MonDieu,faitesqueçacesse. Lesfrèresrépétèrentencoreetencorelerituelenposantlamêmequestion. Quandilseurentterminé,Fhuriepritlepichetd’eauetleversadanslerécipientcontenantlesel. PuisilversaleliquidesaumâtresurledosdeKolher. Bethsecrispaenobservantlesspasmesquisaisissaientlesmusclesdesonépoux.Ellenepouvait pasmêmeconcevoirl’intensitédeladouleurmais,siKolherroulaàterre,ilnelaissaéchapperaucun cri.Tandisqu’ilsupportaitladouleur,sesfrèresluisignifièrentleurapprobation. Fhuriesepenchaetouvritlecoffretlaqué,duquelilsortituntissud’unblancimmaculé.Ilsécha lesblessures,puisroulaletissuetlerangeadanslecoffret. —Lève-toi,Seigneur. Kolhersemitdebout.Surtoutelalargeurdesesépaules,lenomdesashellaneétaitimprimédans sachairenlettresgothiques. FhurieprésentalecoffretàKolher. —Portececiàtashellanecommesymboledetaforce,pourqu’ellesachequetuesdigned’elleet quetoncorps,toncœurettonâmedésormaisluiappartiennent. Kolher s’avança vers Beth, qui, anxieuse, fouillait son visage. Il allait bien. Mieux que bien. Il irradiaitl’amour. Ils’agenouilladevantelle,baissalatêteettenditlecoffret. —Acceptes-tudemeprendrepourépoux?demanda-t-ilenlaregardantpar-dessusseslunettesde soleil.Sesyeuxpâlesetaveuglesbrillaient. Lesmainstremblantes,Bethpritlecoffret. —Oui. Kolhersereleva;Bethlepritdanssesbrasenveillantànepastoucherleszonesendoloriesde sondos. Lesfrèrescommencèrentàpsalmodierdanslalanguequ’ellenecomprenaitpas. —Toutvabien?luidemanda-t-ilàl’oreille. Elleacquiesçaensedisantqu’elleauraitmieuxfaitdes’appelerMary.OuSue. Non,ilavaitfalluquecesoitElizabeth,unprénomàneuflettres. —Dis-moiquejamaisplusonauraàrevivreça?dit-elleenenfouissantsatêtedanslecreuxde sonépaule.Kolhereutunpetitrire. —Tuferaismieuxdetepréparersijamaisonadesenfants. Lesvoixmasculinesenflèrentetlechants’éleva,plusfortencore. Beth regarda les frères, ces hommes fiers qui désormais faisaient partie de sa vie. Kolher se retournaetluipassalebrasautourdelataille.Tousdeux,ilssebalancèrentaurythmeduchantqui emplissait l’air. Les frères ne faisaient plus qu’un tandis qu’ils leur rendaient hommage dans leur langue. Puis soudain une voix s’éleva au-dessus des autres, encore et encore. La voix de ténor était si claire, si pure, qu’elle donnait des frissons et réchauffait le cœur. Les notes claires s’envolèrent toujoursplushaut,transformantlapièceencathédraleetlesfrèresentabernacle. Voieroyaleverslescieux. C’étaitZadiste. Lesyeuxfermés,latêteinclinéeenarrière,labouchegrandeouverte,ilchantait. Lebalafré,leguerriersansâmeavaitunevoixd’ange. CHAPITRE46 Lorsdurepasdenoces,Butchlimitasaconsommationd’alcool.Cequineluifutpasdifficile.Il étaittropoccupéàsedélecterdelacompagniedeMarissa. Ainsi qu’à observer Beth en compagnie de son nouvel époux. Mon Dieu, elle était si heureuse. Tout comme ce vampire terrifiant qu’elle s’était choisi. Lui ne la lâchait pas une seconde et ne détachaitpassonregardd’elle.Toutelanuit,illagardasursesgenoux,luidonnantàmangerdansle creuxdesamaintandisqu’illuicaressaitlecou. Lafêtetiraitàsafin,etMarissaseleva. —Jedoisrentrerchezmonfrère.Enfait,ilm’attendpourdîner. Ce qui expliquait pourquoi elle n’avait rien mangé. Butch fronça les sourcils ; il ne voulait pas qu’elles’enaille. —Quandvousreverrai-je? —Demainsoir? Butchreposasaserviette. —Jeserailà.Jevousattendrai. Ilétaitraidedingued’elle,pensa-t-il. Marissasalual’assembléeetdisparut. Butch saisit son verre de vin en essayant d’occulter le fait que sa main tremblait. Le sang, les canines:ilarrivaitpresqueàs’yfaire.Maissevolatilisercommeça…Ilallaitluifalloirunpeude temps. Dixminutesplustard,ilserenditcomptequ’ilrestaitseulautourdelatable. Iln’avaitnulleenviederentrerchezlui.Enl’espaced’unejournée,ilavaitréussiàmettredecôté savieréelle,àlarepousserdansuncoindesonesprit.Commeunebreloquecasséedelaquelleilse désintéressaitcomplètement. Il regarda les chaises vides et songea aux gens – euh, aux vampires – qui les avaient occupées quelquesminutesplustôt. Iln’appartenaitpasàleurmonde.Ilétaitunintrus. Maiscettesituationn’avaitriendenouveaupourlui.Lesautresflicsétaientdestypesbienmais, misàpartleboulot,ilnepartageaitrienaveceux.MêmeavecJosé.Iln’étaitjamaisallédîneravec euxchezDeLaCruzparexemple. Tandis qu’il fixait les assiettes vides et les verres à demi pleins, il prit conscience qu’il n’avait nullepartoùaller.Nullepartoùilavaitenvied’être.Lasolitudenel’avaitjamaisgênédanslepassé. En fait, elle lui procurait comme une sensation de sécurité. Ça devenait presque comique qu’il le regrettemaintenant. —Dis,leflic.OnvaauScreamer’s.Tuveuxvenir? Butchlevalesyeuxverslaporte.Viszssetenaitdanslevestibule,RhageetFhuriederrièrelui.Le visagepleind’attente,lesvampiressemblaientvéritablementdésireuxqu’ilsejoigneàeux. Butch sourit, du sourire du nouveau à l’école qui finalement n’allait pas se retrouver seul à déjeuner. —Ouais,jeseraisbienpartantpourunetournéedesbars. En se levant, il se demanda s’il devait se changer. Les frères avaient revêtu leurs vêtements de cuir,maisiln’avaitpasenvied’enleverlecostume.Ill’adorait. Etmerdeaimaitcesfringues;ilallaitlesporter.Mêmesiellesn’étaientpasvraimentsonstyle. Butchboutonnalavesteetlalissadevant.Ilvérifiasilapochetteétaittoujoursbienpliéedanssa pochepoitrine. —Maisoui,leflic,t’esbeau,déclaraRhageavecunsourire.Moi,çamedémangedemetrouver unpeudecompagnie,situvoiscequejeveuxdire. Ouais,ilvoyaittoutàfait. Butchfitletourdelatable. —Jedoisvousprévenir,lesgars.Ilyadestypesquej’avaisenvoyésàSingSingquitraînentau Screamer’s.Ilpeutyavoirduvilain. Rhageluidonnaunetapedansledos. —Àtonavis,pourquoitucroisqu’onveutquetuviennes? —Ouais,jem’endoute.(VsouritetabaissasacasquettedesRedSox.)Lesbagarresdebars,c’est parfaitpoursepréparerlegosier. Butchfronçalessourcilset,l’airsérieux,regardaFhurie. —Tonfrèreestoù? Fhurieseraidit. —Z.nevientpas. Tantmieux.Butchn’avaitaucunproblèmepoursortiraveclesautres.Ilétaitsûrque,s’ilsavaient voululetuer,ilseraitd’oresetdéjàmort.MaisceZadiste…c’étaitàsedemanderquandilallaitpéter lesplombs.Etàquiils’enprendraitlemomentoùçaarriverait. Maisbordel,quellevoix! —Ilauneputaindevoix,cetenfantdesalaud,murmura-t-iltandisqu’ilsavançaientverslaporte. Les autres acquiescèrent. Rhage passa son bras charnu autour des épaules de Fhurie. Celui-ci baissa la tête, comme s’il pliait sous le poids d’une charge trop lourde et qu’il cherchait désespérémentàsoulagersondos. Ils sortirent et se dirigèrent vers une Escalade ESV noire. Les phares s’allumèrent à la désactivationdusystèmedesécurité. —Oh,bordel,j’aioublié!(Butchs’immobilisa.Lesvampiress’arrêtèrentetleregardèrent.)À l’arrière! Tandis qu’il courait autour de la voiture, Fhurie et Rhage se remirent en mouvement tout en l’insultantetluidisantdemonterderrière.MaisButchavaitlamainsurlaportièreavantetn’étaitpas disposéàchangerd’avis. —Leshumainsàl’arrière! —Surlecapot! —Écoutez,bandedesuceursdesang,j’ai… —V.,jecroisquejevaislemordre! LeriresonoredeViszsrésonnadanslanuittandisqu’ilseglissaitderrièrelevolant.Sonpremier gestefutd’allumerlasonosifortquele4×4vibrait. EllecrachaitletubedeNotoriousBIG,Hypnotize.Avecunvolumepareil,onpouvaitl’entendre jusqu’àMontréal,pensaButchenmontantdanslavoiture. —Çaalors!s’exclamaRhageens’installantàl’arrière.C’estunenouvellesono? — Respect, messieurs ! (V. alluma une cigarette roulée. Referma son briquet en or.) Je vous laisseraipeut-êtrejoueraveclesboutons. —Pourça,jeseraisprêtàmeprosternerdevanttoi!Lespharess’allumèrent. Zadisteapparutdanslalumière. Immédiatement,Fhurieouvritlaportièredesoncôtéetluifitdelaplace. —Tut’esdécidéàvenirfairelabringueavecnous,aprèstout? ZadistelançaunregardhaineuxàButchtandisqu’ilprenaitplaceàl’arrière,cequeButchneprit paspourlui.Levampiren’avaitpasl’airtrèsheureuxdevoirlesautresnonplus. V.passalamarchearrièreetenfonçalapédaled’accélérateur. Laconversationsepoursuivitpar-dessuslamusique,maisl’ambianceavaitchangé. Normal,puisqu’ilsavaientaveceuxdanslavoitureunegrenadedégoupillée. Butch jeta un coup d’œil à Zadiste. Un éclat noir lui fut renvoyé. Sur le visage du vampire, le souriretrahissaitl’aviditédelaluxureetdumal. HaversreposasafourchettequandMarissapénétradanslasalleàmanger.Ils’étaitinquiétéquand ilnel’avaitpasvueàtable,maisilavaiteupeurdemonterdanssachambre.Danssonétatd’esprit,il auraittrèsmalprissonabsence. —Pardonnemonretard,dit-elleenl’embrassantsurlajoue. Elles’installasursachaisecommeunpetitoiseau,enarrangeantsarobeavecgrâce. —J’espèrequenouspourronsparler. Quelleétaitcetteodeursurelle?sedemanda-t-il. — Ce plat d’agneau a l’air délicieux, murmura-t-elle tandis que Karolyn apportait une autre assiette. Del’après-rasage,sedit-il.Sasœursentaitl’après-rasage. Elleavaitétéavecunmâle. —Oùas-tupassélasoirée?demanda-t-il. Ellehésita. —ChezAudazs. Ilposasaserviettesurlatableetseleva.Sarageétaitsitotalequ’elleleparalysaitpresque. —Havers,pourquoipars-tu? —Commetulevois,j’aifinidedîner.Jetesouhaitedegoûterunreposréparateur. Elleluisaisitlamain. —Tunerestespas. —J’aiquelquechoseàrégler. —Nuldoutequecelapeutattendre. Sesyeuxl’imploraient. —Non,plusmaintenant. Haverssedirigeaverslevestibule,fierducalmedontilfaisaitpreuve.Ils’efforçadesemaîtriser encoreplusetsedématérialisa. Quandilrepritforme,ilfrissonna. Certainespartiesdelavilleétaientimmondes.Vraimentimmondes. Laruellequ’ilavaitchoisiejouxtaitl’undesclubs,leScreamer’s.Certainsvampirescivilsqu’il avait soignés l’avaient informé qu’il s’agissait d’un des lieux de ralliement de la Confrérie. Tandis qu’ilobservaitleshumainsquifaisaientlaqueuepourentrer,ilcompritpourquoi.C’étaituntroupeau agressif,quisuaitlaluxure.Ladépravation. ToutcequelesmembresdelaConfrérierecherchaient. Haverss’appuyacontrelebâtiment,puisseravisa.Lesbriquesétaientdégoûtantesethumidesde condensation.Ilimaginaittoutàfaitletypedeculturequiproliféraitdanscettecrasse. Ilobservalaruelle.Tôtoutard,iltrouveraitcequ’ilcherchait. Oul’inverse. M. X verrouilla la porte d’entrée et sortit dans la nuit. Il était satisfait de la façon dont s’était dérouléelacérémonie.Billyavaiteulechocdesavie,surtoutquandilsutquel’autreoptionétaitde mourir.Maisilavaitsurvécuàl’initiation. Mon Dieu, l’expression sur le visage de Billy lorsqu’il avait vu l’Oméga avait été une récompenseinestimable.Personnenes’attendaitquelemalaitcetteapparence;ilyavaitdequois’y tromper.Dumoins,jusqu’àcequesonregardseposesurvousetqu’ilvousdonneunavant-goûtde votrepropremort. Unepetitegorgéeenattendantledernierverre. Quandlacérémoniefutterminée,M.XavaitportéBillydanslamaison.Riddlesereposaitdansla chambred’amis.Enquelquesorte.Ilétaitentraindevomir,cequidureraitquelquesheures,letemps quelesangdel’Omégaremplaceceluiquicoulaitdepuisdix-huitansdanslesveinesdeBilly.Riddle avaitaussiuneplaieàlapoitrine.Lablessurecouraitdelagorgeausternum,referméeparledoigt de l’Oméga. La douleur allait être terrible, au moins jusqu’au matin. Demain à la nuit tombée, en revanche,ilauraitassezdeforcespoursortir. M. X monta dans le Hummer et se dirigea vers le sud. Il avait demandé à l’un des escadrons principaux de surveiller le centre-ville, et il voulait les observer. Il détestait avoir à le reconnaître, maispeut-êtrequeM.Oavaitraisonàproposdelamotivation.Enoutre,ilvoulaitvoircommentse comportaitlegroupeensituationdecombat.AveclamortdeM.M,ilsongeaitàincorporerRiddle, maisilvoulaitsentirladynamiquedel’escadronavantdeprendrelamoindredécision. Enoutre,Billydevaitêtreévalué.Commeilavaitétésonentraîneurd’artsmartiaux,M.Xavait confiancedanslesaptitudesaucombatdeRiddle.Maisilsedemandaitcommentlegarçonréagiraità son premier assassinat. M. X supposait que la réaction prédominante serait l’excitation, mais ne pouvaitenêtresûr.IlespéraitqueRiddlelerendraitfierdelui. M.Xsouritetserepritimmédiatement. IlespéraitqueM.Rlerendraitfierdelui. Havers sentait l’agitation le gagner. Les noctambules humains ne représentaient aucune menace pourlui,maisiln’avaitpaslamoindretolérancepourleursvices.Aufonddelaruelle,deuxd’entre eux se pelotaient et un autre fumait du crack. Entre les gémissements et l’odeur écœurante, Havers n’avaitqu’unehâte,rentrerchezlui. —Tiensdonc,envoilàunbeaugosse. Haverseutunmouvementderecul.Lafemellehumainequisetenaitdevantluiavaitunetenuequi ne laissait aucun doute quant à son activité, brassière en élasthanne sur les seins et jupe si courte qu’elleluicouvraitàpeinelesexe. Unepublicitéambulantepourlapénétration.Haverseneutlachairdepoule. —Besoindecompagnie?demanda-t-elleensepassantlamainsursonventreetdanssescheveux courtsetgras. —Non,merci.(Haverss’enfonçaplusloindanslaruelle.)Mercibeaucoup.Non. —Beaugosseetgentleman,àcequejevois. Grandsdieux!Elleétaitsurlepointdeletoucher. Illevalesmains.Continuaàavancer.Plusils’enfonçaitdansl’allée,pluslamusiqueétaitforte, carilserapprochaitdelaportedederrièreduclub. — S’il vous plaît, laissez-moi tranquille, dit-il tandis que démarraient les premières notes d’un morceaudesplusobscènes. Soudain,lafemmeblêmitetdécampacommesiellecherchaitàfuirunescènedecrime. —Bordel,maisqu’est-cequetufousici? Derrièrelui,lavoixmasculineétaitchargéed’intonationsmauvaises. Lentement,Haversseretourna.Soncœurcommençaàbattrefort. —Zadiste. CHAPITRE47 Kolheravaitdécidéd’ignorerlescoupsfrappésàlaportedesesappartements.Lebrasautourde latailledesashellane,ilavaitlatêteenfouiedanssoncou.Iln’iraitnullepartsaufsiquelqu’unétaità demimort. —Bordel! Ils’extirpadulit,saisitseslunettesdesoleilet,nu,traversalapièce. — Kolher, lui fais pas de mal, dit Beth d’un ton amusé. Celui qui vient te déranger ce soir a probablementunebonneraisondelefaire. Kolherprituneprofondeinspirationavantd’ouvrirgrandlaporte. —Tuferaismieuxdepisserlesang…(Ilfronçalessourcils.)Tohr. —Onaunproblème,Seigneur. Kolher jura et fit un signe de tête, sans toutefois inviter son frère d’armes à entrer. Beth était couchée,nue,dansleurlit. Illuidésignalecouloir. —Attends-moiici. Kolherpassaunboxer,embrassaBethetverrouillalachambre.Puisilserenditdanslachambre deAudazs. —Qu’est-cequisepasse,monfrère? Il ne se réjouissait pas de l’interruption ou du quelconque problème dont Tohr souhaitait l’entretenir.Maisc’étaitunebonnechosequeTohrsoitvenu.Peut-êtrequeleschosescommençaient às’arrangerentreeux. Tohrs’appuyacontrelebureaudeD. —JesuisallérejoindrelesfrèresauScreamer’s.Jesuisarrivétard. —Ett’asmanquélesébatsdeRhagedansquelquecoinsombre?Queldommage. —J’aivuHaversdansuneruelle. Kolherfronçalessourcils. —Quefabriquaitnotrebondocteurdanscettepartiedelaville? —IldemandaitàZadistedetetuer. Kolherrefermadoucementlaporte. —C’estcequetuasentendu?T’essûr? —Oui.Ilyavaitbeaucoupd’argentsurlatable. —Qu’est-cequeZ.arépondu? — Qu’il le ferait pour rien. Je suis rentré ici tout de suite au cas où il ait décidé d’agir sur-lechamp.Tusaiscommentilest.Ilvapasprendresontemps. —Ouais,ilestefficace.C’estl’undesespointsforts. —Etilrestequ’unedemi-heureavantleleverdujour.Pasassezpouragirsaufs’ilsepointedans lesdixprochainesminutes. Kolher baissa les yeux, les mains sur les hanches. Selon la loi des vampires, Z. était désormais passibledelapeinedemortpourmenacecontrelavieduroi. —Ildevraenrépondredesavie. SilaConfrérienes’enchargeaitpas,laViergescribeleferait. Merde,Fhurie.Iln’allaitpasbienprendrelanouvelle. —ÇarisquedetuerFhurie,murmuraTohr. —Jesais. Puis Kolher songea à Marissa. Havers aussi devrait en répondre de sa vie, ce qui risquait d’anéantirMarissa. Ilsecoualatête,redoutantd’avoiràtuerquelqu’unqu’elleadoraitaprèstoutcequ’elleavaitdéjà endurécommeshellane. —IlfauteninformerlaConfrérie,finit-ilpardire.Jevaislesconvoquer. Tohrappuyasesmainscontreleborddubureau. —Écoute,tuveuxqueBethhabiteavecWellsieetmoiletempsquetoutsoitterminé?Ellesera peut-êtreplusensécuritécheznous. Kolherlevalatête. —Merci,Tohr.Jel’enverraichezvousdèslecoucherdusoleil. Tohrmentacquiesçaetsedirigeaverslaporte. —Tohr? Levampireregardapar-dessussonépaule. —Quoi? —Avantd’épouserBeth,j’aivraimentregrettécequejet’avaisdit.SurWellsieettoietlelien entre vous deux. Maintenant… euh, je comprends. Beth est tout pour moi. Elle est même plus importanteàmesyeuxquelaConfrérie. Kolhers’éclaircitlavoix,incapabledepoursuivre. Tohrsedirigeaversluietluitenditlamain. —Tuespardonné,Seigneur. Kolhersaisitlamaintendueetpritsonfrèred’armesdanslesbras.Ilssetapèrentvigoureusement dansledos. —Ah,oui,Tohr.Ilyaquelquechosequejeveuxquetusaches,maisilfautquetulegardespour toipourlemoment.UnefoisquelamortdeAudazsseravengée,jeraccroche. Tohrfronçalessourcils. —Pardon? —Jenecombattraiplus. —Qu’est-cequeturacontes?Turaccrochesettutemetsautricot?(Tohrsepassalamaindans sescheveuxcourts.)Commentest-cequ’onva… —JeveuxquetudirigeslaConfrérie. Tohrrestabouchebée. —Quoi? — La Confrérie doit être transformée radicalement. Il faut davantage de centralisation et un fonctionnementdetypemilitaire.Finislescombatsindividuels.Etpuis,ilfautrecruter.Jeveuxdes soldats.Jeveuxdesbataillonsentiersdesoldatsetdesinstallationsd’entraînement,lesmeilleuresqui soient.(Kolherleregardasansciller.)Tuesleseulcapabledemeneràbiencettetâche.Tuesleplus senséetleplusstabled’entreeux. Tohrsecoualatête. —Jepeuxpas…MonDieu,c’estimpossible.Jesuisdésolé… — C’est pas une requête. Je t’informe de ma décision. Et quand je l’aurai annoncée lors du premierforum,elleauraforcedeloi. Tohrlaissaéchapperunchuintement. —Seigneur? — Oui. J’ai pas été à la hauteur comme roi. En fait, j’ai jamais assumé la fonction. Mais ça va changer.Toutvachanger.Onvaconstruireunecivilisation,monfrère.Ouplutôt,lareconstruire. LesyeuxdeTohrbrillèrent,puisildétournaleregardetsefrottalesyeuxdesonpouce.Comme siderienétait,commes’ilréagissaitàunelégèreirritation.Ils’éclaircitlavoix. —Tuaccèdesautrône. —Oui. Tohrmitungenouàterre.Etinclinalatête. — Dieu merci ! S’exclama-t-il d’une voix rauque. Notre espèce va retrouver son unité. Tu vas nousguider. Kolher sentit la nausée le gagner. C’était exactement ce dont il ne voulait pas. Il ne pouvait pas supporterlatragédieinhérenteaufaitd’assumerlaresponsabilitédetantd’individus.Tohrnesavaitil pas qu’il n’était pas assez bien ? Pas assez fort ? Il avait laissé ses parents mourir et avait agi commeuncouard,noncommeunmâledigne.Qu’est-cequiavaitchangé? Seulementsoncorps.Passonâme. Ilvoulaitfuircettecharge,partir… Tohrfrissonna. —Nousavonstellementattendu…tellementattenduquetunoussauves. Kolherfermalesyeux.Lesoulagementdésespérédanslavoixdesonfrèreluidisaitàquelpoint ilsavaientbesoind’unroi.Àquelpointleurespèceétaitenproieaudésespoir.TantqueKolherétait vivant,laloinepermettaitàpersonned’autred’assumercettecharge. Kolher posa une main hésitante sur la tête de Tohr. Le poids de ce qui l’attendait, de ce qui les attendaittous,étaitimmense. —Onvasauverl’espèceensemble,murmura-t-il.Tousensemble. Desheuresplustard,Bethseréveilla,affamée.Ellesedégageadel’étreintedeKolher,passaun tee-shirtet,par-dessus,lepeignoirdesonépoux. —Tuvasoù,leelane? Kolhers’étaitexpriméd’unevoixgraveetdétendue.Elleentenditsonépaulecraquer,commes’il s’étirait. Comptetenudunombredefoisqu’illuiavaitfaitl’amour,elleétaitétonnéequ’ilpuissemême bouger. —Mechercherquelquechoseàmanger. —AppelleFritz. —Ilenafaitassezlanuitdernièreetabienméritéunpeuderepos.J’enaiquepourquelques instants. —Beth–letondeKolhers’étaitdurci–ilest17heures.Ilfaitencoresoleil. Elles’arrêta. —T’asditquejepourraispeut-êtresortirpendantlajournée. —Enthéorie,c’estpossible. —Autantquejem’enassure. EllesetrouvaitdevantlaportequandKolherapparutdevantelle,leregardféroce. —Yapasd’urgence. —C’estrien.Jevaisjuste… —Tuvasnullepart,grogna-t-il.(Del’agressivitéémanaitdesoncorpspuissant.)Jet’interdisde quittercettepièce. Lentement,Bethrefermalabouche. M’interdire?Ilm’interdit? Il va falloir tuer cette velléité dans l’œuf, pensa-t-elle en enfonçant son index dans la joue de Kolher. —Laisse-moipasser,Kolher,etsupprimecemotdetonvocabulairequandtut’adressesàmoi. Onabeauêtremariés,ilesthorsdequestionquejemelaissecommandercommeuneenfantpartoi. Onestd’accord? Kolherfermalesyeux.Del’inquiétudeselisaitsurlestraitsdursdesonvisage. —Hé,toutvabien,dit-elleenl’attirantàelle.(Elleluilevalesbraspourqu’illespasseautourde ses épaules.) Je vais juste au salon. S’il se passe la moindre chose, je redescends immédiatement. D’accord? Ils’agrippaàelle,lamaintenantserréetoutcontrelui. —Jedétesteêtreséparédetoi. —Tupourraspasmeprotégerdetout. Denouveau,illaissaéchapperungrognement. Ellel’embrassasouslementonetmontalesmarchesavantqueladisputerecommence.Arrivée surlepalier,elles’arrêta,lamainsurletableau. En bas, elle entendit la sonnerie d’un téléphone portable. Kolher se tenait toujours dans l’embrasuredelaporteetlaregardait. Elle poussa le tableau. La lumière troua l’obscurité. En bas, elle l’entendit jurer et refermer la porte. Kolherfixasontéléphoneportablejusqu’àcequelasonneries’arrête. Ilarpentalapièce.S’assitsurlesofa.Arpentaencorelapièce. Puislaportes’ouvritsurBeth,souriante. —Jesuisapte!S’exclama-t-elle. Ilseprécipitaversellepourtouchersapeau,quiétaitfraîcheetsansbrûlures. —Çabrûlait?T’avaischaud? —Non.J’aieumalauxyeuxàcausedelalumièredehors… —Tuessortiedehors? —Euh,oui.(BethsaisitKolherparlebrasenvoyantquesesgenouxchancelaient.)MonDieu,t’es toutpâle.Vienst’allonger. Ilobtempéra. DouxJésus!Elleétaitsortiedehorsenpleinjour.Enpleinsoleil.Oùjamaisiln’auraitpuallerla secourir.Aumoins,sielles’étaitcontentéedusalon,ilauraitpuavoirunechance… Elleauraitpuêtreincinérée. Desmainsfraîchesécartèrentlescheveuxquiétaienttombésdevantsesyeux. —Kolher,jevaisbien. Illaregarda. —Jecroisquejevaism’évanouir. —Cequi,surleplanphysiologique,estquasimentimpossible.Parcequetuesallongé. — Bordel, leelane, je t’aime tellement que je suis mort de trouille à l’idée de ce qui pourrait t’arriver. Quandelleposaseslèvressurlessiennes,illasaisitparlanuque,pouréviterqu’ellebouge. —Jenepourraispasvivresanstoi. —Tantmieux,carc’estpasleplan.Maintenant,dis-moiuntruc.Commentondit«époux»dans talangue? —Hellren,j’imagine. Denouveau,sontéléphoneportablesonna,cequiluitiraunchuintement. —Répondspendantquejevaisàlacuisine,dit-elle.Tuveuxquelquechose? —Toi. —Tum’asdéjà. —EtjeremercieDieupourcela. IlregardaBethquitterl’appartement,laissacourirsonregardsurlebalancementdeseshanches, et pensa qu’à son retour il voudrait de nouveau la posséder. Il n’en avait jamais assez. Donner du plaisiràcettefemelleétaitlapremièreaddictiondontilsouffrait. Ilsaisitletéléphoneportablesanssedonnerlapeinedevérifierlenumérodel’appelant. —Quoi? Ilyeutunsilence. PuislegrognementdeZadisteluirésonnaauxoreilles. —Alors,onestpasauseptièmeciel?Lemariageapastenusespromesses? Tiensdonc.Voilàquis’annonçaitintéressant. —T’asuntrucàmedire,Z.? —J’aicrucomprendrequetuavaisconvoquélesfrèrestôtcematin.Toussaufmoi.T’aspaumé monnuméro?Ouais,j’imaginequec’estça. —Jesaisexactementcommenttejoindre. Z.laissaéchapperunsoupirdefrustration. —Tusaisquoi?J’enaivraimentmarred’êtretraitécommeunchien. —Alorsnetecomportepascommeunchien. —Vatefairefoutre. —Tusaisquoi,Z.?Onestarrivésauboutdelaroute,nousdeux. — Et c’est arrivé comment ? (Z. éclata d’un rire cynique.) Tu sais quoi, laisse tomber. Je m’en fousetonapasletempsdeseprendrelatête.Tudoisretournerauprèsdetafemelleetmoi,j’appelle paspourmeplaindred’êtremissurlatouche. —Pourquoit’appellesalors? —Ilyauntrucquetudoissavoir. —Ettucomptesmel’apprendre?ditKolherd’unevoixtraînante. — Ouais, répondit Z. Le frère de Marissa veut ta tête. Il était prêt à me payer deux millions de dollarspourlefaire.Àplus. Ilraccrocha. Kolherjetaletéléphoneportablesurlelitetsemassalefront. IlauraitaimécroirequeZ.avaitappelédesonproprechefPeut-êtreavait-ilprisunengagement qu’ilnevoulaitpastenir.Peut-être,aprèsunbonsiècledetotaleimmoralité,ilavaitenfindécouvert qu’ilavaituneconscience. Sicen’estqu’ilavaitattendudesheures,cequisignifiaitqueFhuriel’avaitprobablementtravaillé au corps. L’avait convaincu de passer aux aveux. Comment Z. aurait-il pu sinon savoir qu’il avait contactélesfrères? KolhersaisitsontéléphoneetcomposalenumérodeFhurie. —Tonjumeauvientd’appeler. —Ahouais?ditFhurieavecunsoulagementmanifestedanslavoix. —Tuvaspaspouvoirlesauvercettefois,Fhurie. —Jeluiaipasditquetuétaisaucourant.Kolher,tudoismecroire. —Jecroissurtoutquetuferaistoutpourlesauver. — Écoute-moi. Tu m’as donné un ordre clair, celui de rien dire, et j’ai obéi. Ça m’a été extrêmementdifficile,maisj’aitenumalangue.Z.t’acontactédesapropreinitiative. —Alorscommentilpouvaitsavoirquej’avaisconvoquélesautres? —Montéléphoneasonnéetpaslesien.Iladeviné.Kolherfermalesyeux. —Jedoisl’éliminer,tulesais.LaViergescriben’enexigerapasmoinspoursatrahison. —Qu’est-cequ’ilypeut,s’ilaétéapproché?Ilt’aditcequis’étaitpassé.Siquelqu’unméritede mourir,c’estHavers. — Et il mourra. Mais ton jumeau a accepté un contrat pour me tuer. S’il l’a fait une fois, il est capabledelerefaire.Etlaprochainefois,ilviendrapasmetrouveraprèsquetul’aurasconvaincude lefaire. —Surmonhonneur,ilt’acontactédesapropreinitiative. —Fhurie,j’aimeraisvraimenttecroire.Maistuasdéjàétécapabledet’estropierunefoispourle sauver.Dèsqu’ils’agitdetonjumeau,tuescapabledefaireetdediren’importequoi. LavoixdeFhuriefutsaisiedetressaillements. —Faispasça,Kolher.Jet’ensupplie.Z.s’estaméliorédernièrement. —Etcesfemmesmortes? — Tu sais que c’est la seule façon dont il se nourrit. Il doit bien rester en vie. Et, malgré les rumeurs,ilajamaistuéavantleshumainesdontilsenourrit.Jesaispascequiestarrivéàcesdeux prostituées. Kolherjura. —Seigneur,ilneméritepasdemourirpourquelquechosequ’iln’apasfait.Cen’estpasjuste. Kolherfermalesyeux,avantdedéclarer: —Amène-leavectoicesoir.Jeluidonnerail’occasiondes’expliquerdevantlaConfrérie. —Merci,Seigneur. —Meremerciepas.Lefaitqu’ilparlegarantitpasqu’ilauralaviesauve. Kolherraccrocha. Cen’étaitpaspourZadistequ’illefaisait,maispourFhurie.LaConfrérieavaitbesoindelui,et Kolheravaitlesentimentqueleguerrierneresteraitques’ilpensaitquesonjumeauavaitététraitéde façonjuste.Mêmedanscecas,riennegarantissaitqu’ilneprendraitpassescliquesetsesclaques. KolhersongeaàZadisteetinvoqual’imageduguerrierdanssonesprit. Havers avait choisi le bon assassin. Il était de notoriété publique que Z. n’était lié à rien ni personne,etlebondocteuravaitraisondesupposerqueleguerriern’auraitaucuncasdeconscience s’ils’agissaitdetrahirlaConfrérie.Touslesobservateurss’accordaientaussiàdirequeZ.comptait parmilesraresmâlesdelaplanèteassezviolentspourtuerKolher. Pourtant, quelque chose clochait. Z. se foutait des biens matériels. Comme esclave, il n’avait jamais rien eu à lui. Comme guerrier, il n’en avait jamais voulu. Il était difficile de croire que l’argentpuisseexercersurluiunemotivationaussipuissante. Maislàencore,ilétaittoutàfaitcapabledetuerpourl’amusement. Kolhers’immobilisaquandsesnarinescommencèrentàlechatouiller. Sourcils froncés, il se dirigea vers l’un des systèmes de ventilation qui rafraîchissaient ses appartements.Ilprituneprofondeinspiration. Unéradiqueursetrouvaitsurlapropriété. Celui-làmêmequiétaitauvolantduHummerdevantlademeuredeBillyRiddle. Bethplaçaunetranchedefiletmignonetunpeudesauceauraifortentredeuxtranchesdepain. Ellemorditdedansavecappétit;c’étaitmerveilleux,mêmelanourritureavaitmeilleurgoût. Pendantqu’ellemastiquait,elleregardaitparlafenêtredelacuisineetavaitfixésonregardsurun érable.Sesfeuillesvertsombreétaienttotalementimmobiles.Commeécraséesparlachaleur.Iln’y avaitpaslamoindrebrise,commesil’airlui-mêmeétaitépuiséparlachaleur. Non,quelquechosesedéplaçait. Un homme émergea la haie. Il venait de la propriété voisine. Beth sentit sur sa peau comme un frémissementd’avertissement. Cequiétaitridicule.Letypeportaitunecombinaisondelacompagniedugazetdel’électricitéde Caldwell et avait un bloc-notes à la main. Il n’avait pas l’air particulièrement menaçant, avec ses cheveux pâles et son allure détendue. Il était massif, mais se déplaçait tranquillement. Encore un employéchargédereleverlescompteursqui,aveccettechaleur,auraitvolontierstroquésonposte contreunemploidebureau. Letéléphonemuralsonna.Bethsursauta. Elledécrocha,sansquitterl’hommeduregard.Ils’arrêtaquandill’aperçut. —Allô?dit-elledanslecombiné. Letypedugazseremitàavancer;ilsedirigeaitverslaportedufond. —Beth,redescendsimmédiatement,aboyaKolher. Au même instant, l’employé du gaz jeta un œil à travers la porte vitrée de la cuisine. Leurs regardssecroisèrent.Ilsouritetlevalamain. Bethsentitdesfrissonsluiparcourirlapeau. Iln’estpasvivant,pensa-t-elle. Ellenesavaitpastropcommentellelesavait;ellelesavait,c’esttout. Il y eut un fracas quand la porte du fond vola en éclats, puis Beth entendit un bruit sec. Une aiguillelatouchaàl’épaule.Puiselleressentituneautrepiqûre. Soncorpscommençaàs’engourdir. Elles’effondratêtelapremièrecontrelelinoléum. KolherhurlaquandilentenditBethheurterlesol.Ilmontal’escalierquatreàquatreets’élança danslesalon. Lesoleilluibrûlalapeaucommedel’acide,leforçantàsereplierdansl’obscurité.Ilredescendit danssesappartements,décrochaletéléphoneetappelaenhaut.Illaissasonner.Encoreetencore. Haletant, il respirait vite, la poitrine agitée de spasmes. Piégé. Il était piégé. Piégé au sous-sol tandisqu’elle… Ilhurlasonnom. Ilsentaitl’auradeBeths’affaiblir.Elleétaitemmenéeloind’ici,loindelui. Une furie dévastatrice le gagna, qui fissura le miroir de la salle de bains dans une suite de craquementssinistres.Fritzfinitpardécrocher. —Onaétécambriolés.Butchest… —Passez-moileflic!hurlaKolher. Uninstantplustard,Butchpritlecombiné.Ilétaitàboutdesouffle. —J’aipaspuattraperletype… —T’asvuBeth? —Elleestpasavectoi? UnnouveauhurlementdéchiralapoitrinedeKolher.Ilnepouvaitrienfaire,piégéparlesoleil quiinondaitlaterreau-dessusdelui. Il s’efforça de prendre une profonde inspiration. Mais ne réussit qu’à aspirer une petite goulée d’airavantdehaleterdenouveau. —Leflic,j’aibesoindetoi.J’aibesoin…detoi. CHAPITRE48 MXn’encroyaitpassesyeux. Iln’enrevenaitpas. Ilavaitlareine.Ilavaitenlevélareine. C’était la chance de toute une vie. Et tout s’était passé si tranquillement, comme si c’était dans l’ordredeschoses. Au départ, il ne s’agissait que d’une simple opération de surveillance. C’était une pure coïncidencequel’adressequelevampireluiavaitdonnéelanuitdernièredanslaruellesoitlamême que celle du vampire qu’il avait fait sauter dans sa voiture. Après tout, pourquoi le Roi aveugle habiterait-ildanslamaisond’unguerrierdécédé? Supposant qu’il s’agissait d’un piège, M. X avait fait le plein d’armes et s’était rendu avant la tombéedelanuitàlademeuredeAudazs.Ilvoulaitsurveillerlesalléesetvenues,voirsilesfenêtres étaientoccultéesetvérifierlesvoituresdansl’allée. C’estalorsqu’ilavaitaperçulafemmeauxcheveuxnoirsdanslacuisine.Lerubisdesténèbresà sondoigt.L’anneaudelareine. M. X ne comprenait pas pourquoi elle pouvait s’exposer ainsi à la lumière du jour. Sauf si elle étaitàdemihumaine.Maisquellesétaientlesprobabilités? Quoi qu’il en soit, il n’avait pas hésité un seul instant. Alors même qu’il n’avait pas envisagé d’infiltrerlelieu,ilavaitcassélaporteetavaitététoutàlafoissurprisetsatisfaitquandlesystème d’alarmenes’étaitpasdéclenché.Lafemmeavaitétérapide,maispasassez,etlesfléchettesavaient fonctionnéparfaitementmaintenantqu’ilavaittrouvélebondosage. M.Xjetaunregardpar-dessussonépaule. Lareinegisaitsansconnaissancesurleplancherduminivan. La nuit promettait d’être intense. Nul doute que son mâle viendrait à sa rescousse. Et comme le sang du Roi aveugle coulait probablement dans ses veines, celui-ci serait à même de retrouver sa compagnequelquesoitl’endroitoùM.Xlaconduirait. Dieumerci,ilfaisaitencorejour,cequiluilaissaitletempsdeconsolidersagrange. Ilétaittentéd’appelerdesrenforts.Mêmes’ilavaitconfianceensesaptitudes,ilsavaitdequoile Roi aveugle était capable. Propriété détruite, maison et grange rasées, et tout ce qui se trouvait à l’intérieur.Aubasmot. Le problème était que, si M. X appelait des renforts, il devrait abandonner sa réputation d’infaillibilité. Enoutre,ilavaitsanouvellerecrue. Non,ilsedébrouilleraitsansrenforts.Toutcequirespiraitpouvaitêtretué,mêmeceguerrier.Et M.Xétaitprêtàparierque,aveclafemelleenotage,lerapportdeforceétaitensafaveur. Nuldoutequeleroin’hésiteraitpasàprendrelaplacedesareine. M.Xgloussa.M.Rallaitavoirunepremièrenuitqu’iln’oublieraitpasdesitôt. Butchremontaquatreàquatrejusqu’àlachambred’amisoùViszsetluiavaientdormi. V. faisait les cent pas, piégé au deuxième étage car il lui était impossible de descendre sans s’exposer à la lumière. Manifestement, la fonction de la demeure était avant tout résidentielle ; elle n’étaitpaspenséepourfaireofficedequartiergénéral. Ensituationd’urgencecommemaintenant,cettefailleétaittragique. —Qu’est-cequisepasse?demandaV. —TonpoteKolherestdanstoussesétats,maisilaréussiàmeparlerdutypedansleHummer quevousavezvulanuitdernière.Cetyperessembleàuninstructeurquej’airencontréilyaquelques joursdansuneacadémied’artsmartiaux.Jem’yrendstoutdesuite. Butchpritlesclésdelavoiturebanalisée. —Prendsça. Viszsluilançaquelquechose. D’unemain,Butchattrapalepistolet.Envérifialebarillet.LeBerettaétaitchargé,maisavecdes ballesqu’iln’avaitjamaisvuesauparavant. —C’estquoi,cesballes? Elles étaient noires, au bout transparent, et brillantes comme si elles étaient emplies d’une substancehuileuse. —C’estpasunhumainquetutraques,leflic.Sil’undeceséradiqueurss’approchedetoi,tului tiresenpleinepoitrine.Compris?Faispasdedétail,mêmeenpleinjour.Viselecœur. Butch releva la tête. S’il prenait ce revolver, il franchissait la ligne, il le savait. Il basculait de l’autrecôté. —Commentjepeuxlesreconnaître,V.? —Ilsdégagentuneodeuracidulée,detalcpourbébé,etilsvoientàtraverstoi,directementdans ton âme. En général, ils ont les cheveux et les yeux clairs et sont assez pâles de peau, mais pas toujours. Butchplaçalesemi-automatiquedanssaceinture.Etenterradéfinitivementsonanciennevie. Bizarrement,ladécisionavaitétéfacileàprendre. —Toutestclair,leflic? Viszsluiadministraunetapesurlebras. —Ouais. AlorsqueButchfonçaitverslaporte,V.ditquelquesmotsdansunelangueétrangère. —Quoi?demandaButch. —Visebien,d’accord? —J’aiencorejamaisratéunecible. CHAPITRE49 Marissamouraitd’impatiencederevoirButch.Toutelajournée,ellen’avaitfaitquepenseràlui etlemomentétaitenfinvenudelerejoindre. Mêmesielleétaitpressée,ellevoulaitprendreletempsdediscuteravecHavers.Elleavaitattendu sonretourlanuitprécédenteetpasséletempsenaidantlesinfirmièresdelacliniquepuisenlisant dans sa chambre. Lassée d’attendre, elle avait décidé de lui laisser un mot sur son lit, où elle lui demandaitdevenirlatrouverdèssonretour.Cequ’iln’avaitpasfait. Cesdifficultésdecommunicationavaientassezduré. Elle se dirigea vers la porte de sa chambre et fut surprise de ne pas parvenir à l’ouvrir. Elle fronçalessourcils.Impossibled’actionnerlapoignée.Denouveau,Marissaessaya,mobilisanttoutes sesforcespourmanœuvrerlapoignéedecuivre.Laporteétaitsoitcoincée,soitverrouillée. Lesmursdesachambreétaientfaitsd’acier,desortequ’ellenepouvaitsedématérialiser. —Hé!appela-t-elle.(Ellecognacontrelaporte.)Hé,venezm’ouvrir!Havers!Ilyaquelqu’un? Laissez-moisortir! Ellefinitparabandonner.Unesensationdefroidluienserralapoitrine. Dèsqu’ellesetut,lavoixdeHaverssefitentendre,commes’ilétaitrestéàattendretoutcetemps derrièrelaporte. —Jeregrettequenousensoyonsarrivéslà. —Havers,qu’est-cequetufais?dit-elleàtraverslaporte. —Jen’aipaslechoix.Jenepeuxpastelaisserlerejoindre. Elles’efforçadeparlerd’unevoixclaireetforte. —Havers,écoute-moi.Cen’estpasKolherquejesuisalléevoir.Kolhervientdesemarieravec quelqu’un qu’il aime, et je ne ressens envers lui aucune animosité. J’ai… rencontré un mâle. Quelqu’unquej’apprécie.Quelqu’unquiveutdemoi. Ilyeutunlongsilence. —Havers?(Ellecognacontrelaporteavecsonpoing.)Havers!Tuasentenducequejeviensde dire?Kolherestmarié,etjeluiaipardonné.Jen’étaispasaveclui. Quandfinalementsonfrèrepritlaparole,ils’exprimad’unevoixétranglée. —Pourquoitunem’asriendit? —Tunem’enaspaslaissél’occasion!Çafaitdeuxnuitsquej’essaie.(Denouveau,ellecogna contrelaporte.)Maintenantlaisse-moisortir.J’airendez-vousavec…quelqu’unchezAudazs. Haversmurmuraquelquechosed’inaudible. —Quoi?dit-elle.Qu’est-cequetuasdit? —Jenepeuxpastelaisseryaller. Quandl’angoissequ’ellepercevaitdanslavoixdesonfrèrepritlepassursaproprecolère,elle sentitcommeunfrissonprémonitoireàlabasedelanuque. —Pourquoi? —Tuneseraisplusensécuritédanscettemaison.Je…oh,monDieu! Marissaappuyasesmainscontrelaporte. —Havers,qu’est-cequetuasfait? Seullesilenceluirépondit. —Havers,dis-le-moi! Bethsentitunedouleurintenseauvisage.Quelqu’unvenaitdelagifler. Sonnée, elle ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans une grange. Maintenue sur une table par des braceletsmétalliquesàsespoignetsetseschevilles. BillyRiddlesetenaitau-dessusd’elle. —Réveille-toi,salope. Bethsedébattit,essayantdesedégager.LesyeuxdeRiddles’attardèrentsursesseins;unrictusse dessinasursabouche. —M.R?(Uneautrevoixmasculine.)Vousvoussouvenezquevousnefaitesplusdansleviol. — Ouais, je sais. (Le regard de Billy se fit plus menaçant.) Quand j’y pense, j’ai envie de la frapper. L’homme aux cheveux blonds qui l’avait enlevée apparut dans son champ de vision. Il avait un fusildechassesurchaqueépaule,canonpointésurelle. —Jetelaisserailatuer,qu’endis-tu?Elleseratapremièrevictime. Billysourit. —Merci,sensei. Leblondsetournaverslesdoublesportesdelagrange.Ellesétaientgrandesouvertessurleciel quis’assombrissait. —M.R.,nousdevonsresterconcentrés,déclara-t-il.Jeveuxquecesrevolverssoientchargéset placéssurcetétabliavecdescartouchesdemunition.Ilnousfautaussipréparerdescouteaux.Tuiras aussi chercher le jerrican d’essence dans le garage ainsi que la torche au butane qui est à côté du Hummer. BillygifladenouveauBeth.Puisobtempéra. Peuàpeu,Bethrevenaitàelle.Elleétaitencoresousl’effetdesdrogues,quienveloppaienttout commedansunrêve,maisàchaquerespirationlebrouillardsedissipait.Etellereprenaitdesforces. La violence qui animait Kolher était si intense que du givre se forma sur les murs de son appartement;sonsouffleformaitdesnuagesdanslapiècerefroidie.Lesbougiestremblotaientdans l’airdense,sansleréchauffer. Kolher avait toujours su qu’il était capable de ressentir une rage aussi puissante. Mais ce qu’il feraitàceuxquiavaientenlevéBethseraitconsignédansleslivresd’histoire. Onfrappaàlaporte. —Kolher? C’était le flic. Kolher ouvrit la porte par le jeu de sa volonté. L’humain sembla quelque peu décontenancéparlatempératurequirégnaitdanslapièce. —Je…euh,jemesuisrenduàl’académiedesartsmartiauxdeCaldwell.Letypes’appelleJoseph Xavier.Personnenel’avudelajournée.Ilaappeléets’estfaitremplacerpoursescours.Onm’a donnésonadresse,alorsj’ysuisallé.Unemaisonàl’ouestdelaville.J’ysuisentrépareffraction. Tout était propre et net. Trop propre. Rien dans le frigo ni dans le garage. Pas de courrier ni de magazines.Pasdedentifricedanslasalledebains.Pasdepreuvenonplusd’undépartencatastrophe. Lamaisonestpeut-êtreàlui,maisilyhabitepas. Kolheravaittouteslespeinesdumondeàseconcentrer.Toutceàquoiilpensait,c’étaitsortirde cetrouàratetpartiràlarecherchedeBeth.Unefoisdehors,ilsauraitlalocaliser.LesangdeKolher quicoulaitdésormaisdanslesveinesdeBethétaitcommeunepucedeGPS.Ilpourraitlatrouveroù qu’ellesoitsurTerre. Ilsaisitsontéléphoneetcomposaunnuméro.Butchesquissaunmouvementpourpartir. —Reste,luiditKolher. Leflics’installasurlesofaencuir,lesyeuxenalerte,lecorpsimmobile.Prêtàtout. LorsquelavoixdeTohrmentsefitentendre,Kolherdonnasesordres. —Cesoir,à22heures,lesfrèresettoivousirezàl’académiedesartsmartiauxdeCaldwell.Vous vous y introduirez et conduirez une fouille en règle. Puis vous déclencherez le système d’alarme. Vous attendrez l’arrivée des éradiqueurs, puis vous les massacrerez un à un, avant d’incendier le bâtiment.Tum’ascompris?Descendres,Tohr.Jeveuxquel’endroitsoitréduitencendres. Iln’yeutaucunehésitationàl’autreboutdufil. —Oui,Seigneur. — Tu surveilleras Zadiste. Fais en sorte de le garder à tes côtés tout le temps, même si tu dois l’enchaîner. (Kolher lança un regard à Butch.) Le flic va surveiller le bâtiment dès maintenant jusqu’aucoucherdusoleil.S’ilremarquequelquechosed’important,ilt’appellera. Butchacquiesça;ilétaitdéjàsursespiedsetsedirigeaitverslaporte. —Çamarchepourmoi,dit-ilpar-dessussonépaule.Auboutdelaligne,Tohrrestaitsilencieux. —Tuveuxqu’ont’aideàretrouver…ajouta-t-ilauboutdequelquesinstants. —Jem’occuperaiseuldenotrereine. CHAPITRE50 Dans l’heure qui suivit, Beth observa ses deux ravisseurs se démener pour tout mettre en place commes’ilsétaientpersuadésqueKolherallaitarriverd’uneminuteàl’autre.Maiscommentcelui-ci aurait-ilbienpusavoiroùelleétaitretenuecaptive?Cen’étaitpascommesileblondavaitlaisséun mot!Entoutcas,pasàsaconnaissance. Denouveau,elletirasurlesbraceletsmétalliquespourregarderdanslagrange.Dehors,lesoleil secouchaitetlesombress’allongeaientsurl’herbeetlegravierdel’allée.AvantqueBillyreferme lesdoublesportes,elleaperçutunedernièrefoislecielquis’assombrissait.Riddleactionnaensuite touteunesériedeverrous. Kolhersemettraitàsarecherche.Ellen’avaitpaslemoindredoutelà-dessus.Maisilluifaudrait probablementdesheurespourlaretrouver,etellen’étaitpassûrededisposerdetantdetemps.Billy Riddle la fixait avec tant de haine qu’elle était convaincue que, tôt ou tard, il ne pourrait plus se contrôler.Etplustôtquetard. — On a plus qu’à attendre, déclara le blond en regardant sa montre. Ce qui ne devrait pas être long.Jeveuxquetusoisarmé.Metsunrevolveràtaceintureetattacheuncouteauàtacheville. Billyétaittropheureuxdesemettreenmouvement;quantauxarmes,iln’avaitquel’embarrasdu choix.Ilyavaitassezdessemi-automatiques,defusilsdechasseetdecouteauxpouréquipertoutun bataillon. Iloptapouruncouteaudechassed’unequinzainedecentimètresetseretournaverslacaptive. Beth,quiavaitlesmainsmoites,sentitlasueurcoulersursespaumes. Riddles’avança. Bethfronçalessourcilsetdirigeasonregardversladroite.Commelesdeuxautres.Quelétaitce bruit? Unesortedegrondement.Letonnerre?Untrain? Quelquesoitcebruit,ilnecessaitdes’amplifier. PuisBethentenditunautrebruit,pluscurieux,commeuncarillon.Elleregardadanslagrange. Surl’établioùétaientplacéeslesmunitions,lesballesremuaientetseheurtaientlesunescontreles autres. Billyregardasonchef. —Putain,maisqu’est-cequec’est? L’hommepritunerespirationprofondetandisquelatempératurebaissaitd’unebonnetrentainede degrés. —Prépare-toi,Billy. Désormais,lebruitétaitdevenuungrondement.Lagrangetremblaitviolemment,delapoussière tombaitdeschevrons,commeuneneigefinequiemplissaitl’air. Billycherchaàseprotégerlatête. Les portes de la grange volèrent en éclats, comme aspirées par un souffle glacé de furie. Le bâtimententiervacillasouslaforcedel’impact,poutresetplanchesdisjointes. Kolhersetenaitdansl’embrasuredelaporte,l’airautourdeluilourddevengeance,demenaceet depromessedemort.Bethsentitsonregardseposersurelle,puisunhurlementguerriertroual’air, sisonorequ’illuivrillalesoreilles. Decemoment-là,Kolherpritledessus. Dans un mouvement si rapide que Beth ne parvint pas à le suivre des yeux, Kolher se campa devantleblondetlecoinçacontrelaported’unestalle.Leblondnefutpasmêmesurprisetdécochaà Kolherunuppercutdanslamâchoire.Lesdeuxhommesselancèrentdansuncorpsàcorpsacharné, heurtantlesmurs,brisantlesfenêtres,cassantlestables.Endépitdeleursarmes,ilsenrestèrentau combatàmainnue,levisagemauvais,leslèvresretroussées,utilisantleurcorpsmassifcommeune armequiinfligeaitetaccusaitlescoups. Bethnevoulaitpasregarder,maisneparvenaitpasàdétournerleregard. Surtout au moment où Billy s’empara d’un couteau et s’apprêta à frapper Kolher dans le dos. Kolherpivotaetsedégagea,projetantBillydansl’air.LecorpsdeRiddleallaatterriràl’autrebout delagrange,surunepiled’armes. Billy,sonné,eutquelquesdifficultésàseremettredebout,lesangluiinondantlevisage. Kolher accusait les coups violents sans céder le moindre pouce de terrain. Il réussit à tenir à distance le blond le temps nécessaire pour ouvrir l’un des bracelets qui maintenaient le poignet de Beth.Celle-cis’affairaensuiteauprèsdudeuxièmeetlibérasonautremain. —Leschiens!Lâcheleschiens,hurlaleblond. Billysortitdelagrangeentitubant.L’instantd’après,deuxpitbullsarrivèrentàfonddetrain. Ils se jetèrent immédiatement sur les chevilles de Kolher, juste au moment où le blond tirait un couteau. Bethselibéradesbraceletsquienserraientseschevillesetsautadelatable. —Fuis!luihurlaKolherensedégageantduchienquiluiavaitagrippélajambetoutenbloquant uncoupdepoingauvisage. C’est ce qu’on va voir, pensa-t-elle en s’emparant de la première chose qui lui tombait sous la main.C’étaitunmarteauàpannesphérique. Beth attaqua le blond au moment où Kolher perdait l’équilibre et tombait. Elle leva le marteau aussihautqu’elleleput,enymettanttoutesaforce.Avantdel’abattresurlanuquedublond. Ilyeutlecraquementd’unosbriséetdusanggicla.C’estalorsqu’undeschiensplantasescrocs danslacuissedeBeth. Bethpoussaunhurlementquandlescrocsacérésluidéchirèrentlapeauets’enfoncèrentdanssa chair. Kolhersedégageaducorpsdel’éradiqueuretbonditsursespieds. L’un des chiens était après Beth, la mâchoire serrée autour de sa cuisse. La bête tentait de l’entraîner au sol pour la mordre à la gorge. Si Kolher tentait de dégager Beth, l’animal lui déchiquetteraitprobablementlacuisse. Les paroles de Viszs lui revinrent en mémoire : deux gardes torturés se battront l’un contre l’autre. Kolhersedégageaduchienquil’avaitsaisiàlachevilleetleprojetaversceluiquiattaquaitBeth. Lesecondanimalforçalepremieràlâchersaproieetlesdeuxbêtess’enprirentl’uneàl’autre. KolherseprécipitatandisqueBethtombaitàterre.Ellesaignait. —Beth… Uncoupdefusilrésonnadansl’air. Kolher entendit un sifflement puis sentit sa nuque le brûler comme s’il venait d’être touché par unetorche. BethsemitàhurlerenvoyantKolherseretournerbrusquement.BillyRiddlereplaçalefusilde chassesursonépaule. LahainequisaisitKolherluifitoubliertoutlereste.Ilfonçaendirectiondelanouvellerecrue, sansmêmes’arrêterquandlefusilpointaitdirectementsursapoitrine.Billyarmalechien;Kolherfit unbonddecôtéavantdeplongerausol.Ilsaisitlecoudel’éradiqueurentresesdentsetlesectionna. PuisilfrappalatêtedeBillyausoljusqu’àcequ’elleexplose. Kolherfitvolte-facepourretournerauprèsdeBeth.Maistombaàgenoux. Troublé,ilregardasoncorps.Ilavaituntroudelatailled’unmelondansleventre. —Kolher!hurlaBeth.(Elles’approchadeluienclaudiquant.) —Jesuis…touché,leelane. —Oh,monDieu.(Elleôtalepeignoirquirecouvraitsoncorpsetl’appuyacontrelaplaie.)Où esttontéléphone? Illevafaiblementlamaintandisqu’ilseretournaitsurlecôté. —Poche. Beths’emparadutéléphoneetcomposalenumérodelamaison. —Butch?Butch!Ausecours!Kolherestblessé.Auventre.Jesaispasoùonest… —Route22,murmuraKolher.UnranchavecunHummernoirgarédevant. BethrépétalesindicationsdeKolher,sanscesserd’appuyerlepeignoircontrelablessure. —Onestdanslagrange.Faisvite!Ilperdbeaucoupdesang. Ungrondementsourdluiparvintdelagauche. Kolher et Beth regardèrent dans la direction d’où venait le bruit. Le pitbull encore en vie, ensanglantémaistoujoursenragé,fonçaitdansleurdirection. Bethn’hésitapasuneseconde.Elletiradesonétuil’unedesdaguesdeKolherets’accroupit. —Amène-toi,Butch.Toutdesuite.(Elleraccrochaetjetaletéléphoneàterre.)Approche,saleté decabot.Approche! Lechiendécrivaitdescerclesautourd’eux;Kolhersesentaitobservé.Labêteenavaitaprèslui, peut-êtreparcequ’ilperdaitbeaucoupdesang.Beth,brasécartés,calaitsesmouvementssurceuxdu chien. Ellesemitàparleràlabête. —C’estluiquetuveux?Ilvafalloirmepassersurlecorps. Lechienbonditsurelleet,commesielleavaitétéentraînéeàtuer,Bethsebaissaetplongeala lamedanslepoitraildel’animal.Labêtefuttuéesurlecoup. BethlaissalecouteauenplaceetretournaauprèsdeKolher.Elletremblaitdetoussesmembres, lesmainsagitéesdesecoussestandisqu’elleremettaitenplacelegarrotdefortune. —Çafaitpasmal,murmura-t-ilquandileutcaptél’odeurdeseslarmes. —Oh,Kolher.(Elleluisaisitlamainetlaserradetoutessesforces.)T’esenétatdechoc. —Ouais,possible.J’arrivepasàtevoir.Oùtues? —Ici.(EllelevalesdoigtsdeKolherverssonvisage.)Tupeuxmesentir? Àpeine,maissuffisammentpourqu’ils’accroche. —J’aimeraisquetusoisenceinte,dit-ild’unevoixrauque.Jeveuxpasqueturestesseule. —Tais-toi! —DemandeàTohretàWellsied’habiterchezeux. —Non. —Promets-le-moi. —Pasquestion,répliqua-t-ellefièrement.Tunevasnullepart. Commeellesetrompait,songea-t-il.Déjà,ilpouvaitsentirqu’ils’enallait. —Jet’aime,maleelane. Bethsemitàsangloter.Seslarmesétoufféesfurentlederniersonqu’ilentendittandisqu’illuttait contrelavaguequil’emporta. Bethnelevapaslesyeux,qu’ellegardaitrivéssurKolher,quandletéléphonesonna. —Kolher,répétait-elle.Kolher… Elle colla son oreille contre la poitrine de son époux. Son cœur continuait à battre, mais faiblement,etilrespiraitencore,lentement.Elleauraittantvoulul’aider,maisellenepouvaitpaslui fairedemassagecardiaque.Pastantqu’iln’étaitpasenarrêt. —Oh,monDieu… Letéléphonecontinuaitàsonner. Ellelepritsurlesolcrasseux,enessayantd’ignorerlamaredesangquis’étaitforméeautourdu corpsdeKolher. —Quoi? — Beth ! C’est Butch. Je suis avec V. On sera là dans un petit instant, mais V doit d’abord te parler. Ilyeutungrésillementdanslefond,commesiunmoteurdevoiturehurlait. Viszss’exprimaavecintensité. —Beth,voilàcequevousallezfaire.Vousavezuncouteau? Bethregardal’autredaguequeKolheravaitencoresurlui. —Oui. Prenez-le. Je veux que vous pratiquiez une incision dans votre poignet. Pratiquez une incision longitudinaleetnontransversale,sinonvousneferiezquetoucherl’os.Puisposezvotrepoignetsur seslèvres.C’estsameilleurechancedesurvivrejusqu’àcequenouspuissionslesecourir.(Ilyeut unepause.)Posezletéléphoneetprenezlecouteau.Jevaiscontinueràvousparler. BethsortitladagueduholsterdeKolher.Ellen’hésitapasunesecondelorsqu’illuifallutentailler sonpoignet.Ellegrimaçadedouleur,sanss’yattarder,tandisqu’elleportaitsonpoignetgaucheàla bouchedeKolher.Desamainlibre,ellerepritletéléphone. —Ilboitpas. —Vousvousêtesdéjàentaillée?Parfait. —Il…avalepas. —Espéronsqu’unpeudesangluicoulequandmêmedanslagorge. —Ilestaussiblesséàcetendroit. —MonDieu…j’arriveaussivitequepossible. ButchaperçutleHummer. —Là-bas! Viszscoupaparlapelouse.Lesdeuxhommesbondirenthorsduvéhiculeetseprécipitèrentvers lagrange. Àl’intérieur,Butchn’encrutpassesyeux.Deuxchiensmassacrés.Dusangpartout.Unseulvrai cadavre.MonDieu,c’étaitBillyRiddle. PuisilaperçutBeth. Elleportaitunlongtee-shirtcouvertdesangetdesaleté.ElleétaitagenouilléeauprèsdeKolher, le poignet posé sur les lèvres de son mari, ses yeux étaient paniqués. Lorsqu’elle les aperçut, elle chuintaetlevaladague,prêteàcombattre. Viszss’avança,maisButchluibarralechemin. —Laisse-moifaire. Lentement,Butchs’approchad’elle. —Beth?Beth,tunousreconnais? Maisplusils’approchaitdeKolher,pluslesyeuxdeBethsemblaientenproieàlafolie. Elleretirasonpoignetdelabouchedesonépoux,prêteàledéfendre. —Toutdoux,baby.Onluiferaaucunmal.Beth,c’estmoi. Elleclignadesyeux. —Butch? —Oui,bébé.C’estmoi,etViszs. Ellelâchaladagueetéclataensanglots. — Tout va bien, tout va bien. (Il tenta de la prendre dans ses bras, mais elle se laissa tomber à terreauxcôtésdeKolher.)Non,baby,laisseV.l’examiner.Çaneprendraqu’uneminute. Elle se laissa attirer à l’écart. Butch déchira sa chemise et l’enroula autour de la taille de Beth, puisilfitunsignedetêteàV. Viszs se baissa pour examiner Kolher. Quand il releva la tête, il avait les lèvres pincées et la mâchoirecontractée. Denouveau,Beths’agenouillaauprèsdeKolheretposasonpoignetcontresabouche. —Ilvaseremettre,hein?Onvaleconduireauprèsd’unmédecin.Àl’hôpital.Hein,Viszs,hein? Ledésespoirrendaitsavoixsuraiguë. Puissoudain,ilsnefurentplusseuls. Marissasematérialisa,accompagnéed’unhommeauregardpaniqué. L’hommes’approchadeKolheretsoulevaletissuimprégnédesang. —Ilfautleconduireàmasalled’opération. —Mavoitureestdevantsurlapelouse,réponditV.Jereviendraifiniriciquandilseraensécurité. L’hommeexaminalablessureaucouetlaissaéchapperunjuron.IlregardaBeth. —Votresangn’estpasassezfort.Marissa,viensparlà. Bethretenaitseslarmestandisqu’elleôtaitsonpoignetdelabouchedeKolher.Elleregardala femmeblonde.Marissahésitait. — Vous êtes d’accord pour que je lui donne mon sang ? Beth lui tendit la dague de Kolher, poignéeenavant. —Peum’importequilenourritpourvuqu’ilaitlaviesauve. Marissas’entaillalepoignet,commesiellel’avaitdéjàfaitdenombreusesfoisparlepassé.Puis ellerelevalatêtedeKolheretluiappuyalabouchecontrel’entaille. Soncorpsfutprisdesoubresautscommes’ilvenaitd’êtrereliéàunebatteriedevoiture. — OK, transportons-le, maintenant, déclara l’homme qui avait pris la responsabilité de la situation.Marissa,gardetonpoignetbienenplace. Beth prit la main de Kolher tandis que les hommes le soulevaient du sol. Ils le portèrent aussi doucementquepossiblehorsdelagrangejusqu’au4x4deViszsetl’allongèrentàl’arrière.Marissa etBethmontèrentauxcôtésdeKolher,tandisqueButchetViszss’installaientàl’avant.Lesautresse dématérialisèrent. Pendanttouteladuréedutrajet,BethcaressalebrasdeKolher,lelongdesestatouages.Sapeau étaitfroide. —Vousl’aimeztant,murmuraMarissa. Bethrelevalatête. —Ilboit? —Jel’ignore. CHAPITRE51 Dans l’antichambre de la salle d’opération, Havers enleva ses gants en latex et les jeta dans un conteneur de recyclage. Après les heures penché au-dessus de Kolher, à recoudre ses intestins et la blessureaucou,sondosétaitdouloureux. —Est-cequ’ilvavivre?demandaMarissaquandilsortitdelasalled’opération. Elleétaitaffaiblieparlatransfusion.Pâle,maisencolère. —Onlesauravite,jel’espère. —Moiaussi. Elleluipassadevant,refusantdecroisersonregard. —Marissa… —Jesaisquetuesdésolé.Maiscen’estpasàmoiquetudoisexprimertesregrets.Tupourrais commenceravecBeth.Sijamaiselleestdisposéeàt’écouter. Laportes’ouvritdansunsifflement;Haversfermalesyeux. Oh,monDieu.Cettedouleuràlapoitrine.Ladouleurdesactesquinepeuventêtreannulés. Haverss’appuyacontrelemuretretirasacalottedechirurgien. Heureusement,leRoiaveugleavaitunevéritableconstitutiondeguerrier,lecorpsvigoureuxetla volontéforte.Mêmes’ilétaitcertainqu’iln’auraitpassurvécusanslesangpresquepurdeMarissa. Ou,commelesupposaitHavers,sanslaprésencedesashellanebrune.Beth,c’étaitsonnom,était restéeàsescôtéspendanttouteladuréedel’opération.Etmêmesileguerrierétaitinconscient,son visageétaitrestétournéverselle.Elleluiavaitparlépendantdesheures,jusqu’àcequesavoixne soitplusqu’unmincefiletrauque. Ellesetrouvaitencoreauprèsdelui,épuiséeaupointdeteniràpeineassise.Elleavaitrefuséde laisserexaminersesblessures,etellen’avaitrienpuavaler. Elleétaitrestéeauprèsdesonhellren. Havers vacilla et se retint aux lavabos, le regard fixé sur l’écoulement. Il avait envie de vomir, maissonestomacétaitvide. Les membres de la Confrérie étaient à l’extérieur. À attendre les informations qu’il allait leur donner. Toussavaientcequ’ilavaitfait. Avantl’opération,Tohrmentl’avaitsaisiparlagorge.SiKolhermouraitsurlatable,Tohrment enavaitfaitleserment,lesfrèresattacheraientHaversparlespiedsetlefrapperaientdeleurspoings nusjusqu’àcequ’ilsaigneàmort.Danssapropremaison. NuldoutequeZadisteleuravaittoutraconté. MonDieu,siseulementilpouvaitretournerdanscetteruelle,songeaHavers.Siseulementiln’y étaitpasallé. Il aurait dû s’abstenir d’une telle requête auprès d’un membre de la Confrérie. Même du plus barbare. Après avoir fait sa proposition à Zadiste, celui-ci l’avait fixé de ses yeux noirs terrifiants, et Haversavaitcomprissur-le-champqu’ilavaitfaituneerreur.Zadisteavaitbeauêtreemplidehaine, iln’étaitpasuntraîtreetils’étaitsentioffenséparlapropositiondeHavers. — Je tuerais gratuitement, avait rétorqué Zadiste, mais uniquement si le contrat était sur toi. Disparaisavantquejetiremadague. Tremblant, Havers avait pris la fuite, non sans découvrir qu’il était pourchassé par ce qu’il supposaitêtreunéradiqueur.C’étaitlapremièrefoisqu’ilsetrouvaitaussiprèsdel’undecesmortsvivants, et il fut surpris par les cheveux clairs et la peau blanche du membre de la Société. Il n’en demeurait pas moins que cette chose était le mal incarné et qu’elle était prête à tuer. Piégé dans la ruelle, terrifié, Havers avait commencé à parler, tant pour mener à bien son plan que pour éviter d’êtremassacré.Toutd’abord,l’éradiqueurs’étaitmontrésceptique,maisHaverssavaittoujoursse montrer persuasif, et le mot « roi », prononcé délibérément, avait éveillé son attention. Des informationsavaientétééchangées.L’éradiqueurétaitparti.Lesdésétaientjetés. Haversprituneprofondeinspirationetcroisalesbrastandisqu’ilgagnaitlecouloir. Aumoins,ilpourraitdonnersaparoleauxfrèresqu’ilavaitfaittoutcequiétaitdesonressort poursauverleroi. Bienquesesactesnesoientpasmotivésparsondésirdesauversaproprevie.L’acquittementétait impossible.Ilallaitêtremisàmortpoursonacte;c’étaitjusteunequestiondetemps. Non,danslasalled’opération,ilavaitfaittoutcequ’ilavaitpu,carils’agissaitpourluiduseul moyenderéparerl’atrocitéqu’ilavaitcommise.Etparcequecescinqmâleslourdementarmésetcet humainvigoureuxquil’attendaientdehorsl’avaientregardécommes’ilsavaientlecœurbrisé. Maissavéritablemotivationétaitautre. Elle tenait à l’intensité de la douleur qu’il avait perçue dans les yeux de cette Beth aux cheveux noirs.Ilneconnaissaitquetropcetteexpressiond’impuissancehorrifiée.C’étaitcellequ’exprimait sonvisagequandilavaitassistéàlamortdesashellane. Haversselavalevisageetsortitdanslecouloir.Lesfrèresetl’humainlevèrentlatêteverslui. — Il a survécu à l’opération. Maintenant, il faut attendre et voir s’il tient le coup. (Havers s’approchadeTohrment.)Tuveuxm’emmenermaintenant? Leguerrierfixasurluiunregardhaineuxetviolent. —Onvategarderenviepourquetut’occupesdelui.Ensuite,ilpourralui-mêmetetuerdeses mains. Haversacquiesçaetentenditunpetitcri.IlvitMarissaporterlamainàsabouche. Ilétaitsurlepointd’allerversellequandl’humainsecampadevantelle.L’hommehésitaavantde luitendreunmouchoir.Ellepritcequ’illuioffraitpuiss’enalla. Bethposasatêtesurl’extrémitédel’oreillerdeKolher.Àsasortiedelasalled’opération,Kolher avaitétéplacédansunlit,mêmes’iln’avaitpasététransférédansunechambrenormale.Haversavait décidé de le garder dans la salle d’opération au cas où une nouvelle intervention d’urgence s’avéreraitnécessaire. La salle aux murs blancs était froide, mais quelqu’un avait posé une fourrure épaisse sur elle, ainsiqu’unecouverturesurlebasdesoncorps.Elleneserappelaitpasquiavaitfaitpreuvedetantde sollicitude. En entendant un cliquetis, Beth jeta un coup d’œil vers les innombrables machines auxquelles Kolher était relié. Elle les examina une à une, sans réellement comprendre la signification des données qu’elle y lisait. Tant qu’aucune alarme ne se mettait en route, elle supposait que tout se passaitdumieuxpossible. Denouveaulebruitsefitentendre. ElleregardaKolher.Etbonditsursespieds. Ilessayaitdeparler,maissaboucheétaitsècheetsalanguepâteuse. —Chut…(Elleluisaisitlamain.Plaçasonvisagedanssonchampdevisionaucasoùilouvrirait lesyeux.)Jesuislà. LesdoigtsdeKolhersemêlèrentauxsiens.Puisilsombradenouveau,inconscient. MonDieu,ilavaitl’airsimalenpoint.Aussipâlequelecarrelagedelasalled’opération.Les yeuxenfoncésdansleursorbites. Ilavaitunbandageépaisautourdelagorge.Sonventreétaitenveloppédegazeetdepansements, etdesdrainsétaientfixésàsesblessures.Uneperfusiondistillaitdesliquidesetdesantalgiques;un cathéterétaitsuspenduàcôtédulit.Desélectrodesd’ECGétaientposéessursapoitrineetuncapteur d’oxygèneétaitfixéàsonmajeur. Maisilétaitenvie.Pourlemoment. Etilavaitreprisconnaissance,neserait-cequel’espaced’unbrefinstant. Son état resta stationnaire pendant les deux jours qui suivirent. Il reprenait brièvement connaissance, puis sombrait de nouveau, revenait à lui et s’enfonçait, comme s’il avait besoin de vérifierqu’elleétaitàsescôtésavantderetourneràlatâcheherculéennedeguérirsoncorps. Mais il fallait bien qu’elle dorme ; les frères lui apportèrent un fauteuil plus confortable, ainsi qu’unoreilleretunecouverture.Elleseréveillaauboutd’uneheure,serrantencoredanslasiennela maindeKolher. Elle mangea quand on l’y contraignit, quand Tohrment ou Wellsie l’exigèrent. Elle prit une douchedansl’antichambredelasalled’opération.Enhâte.Lorsqu’elleregagnalapièce,lesjambes etlesbrasdeKolherbattaientl’airetWellsieavaitfaitappelerHavers. DèsqueBethpritlamaindeKolher,celui-cisecalmaaussitôt. Elleignoraitcombiendetempsencoreilluifaudraitencorevivrecetteattente.Maischaquefois qu’ilrevenaitàlui,ellerecouvraitdelaforce. Elleattendrait.Ellel’attendrait.L’éternités’illefallait. Kolherrepritconnaissance,l’espritbouillonnant.L’instantd’avant,ilétaitinconscient;lesuivant, sescircuitss’étaientréactivésàpleinepuissance.Ilignoraitoùilsetrouvait,etsespaupièresétaient troplourdespourqu’ilpuisseouvrirlesyeux,alorsilselivraàunexamenrapidedesoncorps.Le basducorpssemblaitfonctionner,ilpouvaitremuerlesorteilsetsesjambesétaienttoujoursreliéesà soncorps.Ouah,aïe.Sonventreétaitsidouloureuxqu’ilavaitl’impressiond’avoirétéperforépar undémonte-pneu.Maisilavaitletorsesolide.Ilressentaitunedouleurcuisanteaucou.Latêteétait douloureuse.LesbrasétaientOK.Lesmains… Beth. Ilétaithabituéàsentirsapaumecontrelasienne.Oùétait-elle? Ilouvritlesyeux. Elle se trouvait juste à ses côtés, assise dans une chaise, la tête posée sur le lit comme si elle dormait.Sapremièrepenséefutqu’ilnedevaitpaslaréveiller.Manifestement,elleavaitl’airépuisée. Maisilvoulaitlatoucher.Enavaitbesoin. Desamainlibre,ilessayadel’atteindre,maisavaitl’impressionquesonbraspesaitdeuxcents kilos. Il recommença, déterminé à bouger son bras, le glissant sur la couverture centimètre par centimètre.Ilnesavaitpascombiendetempsilluifallut.Desheurespeut-être. Enfin,ilparvintàtoucheruneboucledesescheveux.Ladouceursoyeuseétaitmiraculeuse. Ilétaitenvieetelleaussi. Kolheréclataensanglots. Lorsqu’ellesentitlessoubresautsdulit,Bethseréveilla,paniquée.Lapremièrechosequ’ellevit futlamaindeKolher.Sesdoigtsétaientenroulésautourd’unelonguemèchedesescheveux. Elleleregarda.Deslarmescoulaientdesesyeux. —Kolher,monamour! Elles’allongeacontreluietluicaressalescheveux.Ilsemblaitenproieàunegrandedétresse. —Tuasmal? Ilouvritlabouche.Aucunsonn’ensortit.Ilcommençaàpaniquer,écarquillantlesyeux. — Du calme, mon amour. Détends-toi, dit-elle. Je veux que tu serres ma main, une fois pour «oui»,deuxfoispour«non».Tuasmal? Non. Avectendresse,elleessuyaleslarmesdesesjouesrâpeuses. —Tuessûr? Oui. —Tuveuxquej’aillechercherHavers? Non. —Tuasbesoindequelquechose? Oui. —Àmanger,àboire,dusang? Non. Ilcommençaàs’agiter,l’implorantdesesyeuxpâlesetterrifiés. —Chut,toutvabien.(Elleluiembrassalefront.)Calme-toi.Onvatrouvercedonttuasbesoin. Onatoutnotretemps. Il posa ses yeux sur leurs mains jointes, avant de fixer de nouveau son regard. Puis il recommença. —Moi?murmura-t-elle.Tuasbesoindemoi?Illuiserralamain,sansrelâcherlapression. —Oh,Kolher…Jesuisàtoi.Onestensemble,monamour. Untorrentdelarmescoulaitsurlevisageduguerrier,sapoitrineétaitsecouéedesanglots,etsa respirationétaitagitéeetrauque. Ellepritsonvisagedanssesmainspourtenterdel’apaiser. —Toutvabien.Jenevaisnullepart.Jenevaispastequitter.Jetelepromets,monamour… Ilfinitpars’apaiserunpeu.Letorrentdelarmesdiminua. Unsonrauquesortitdesabouche. —Quoi? Ellesepencha. —Voulais…tesauver. —Tuasréussi.Kolher,tum’assauvé. Seslèvrestremblèrent. —Je…t’aime. Avecdouceur,elleposaunbaisersurseslèvres. —Moiaussi,jet’aime. —Toi.Dormir.Maintenant. Épuisé,ilfermalesyeux. Bethsentitsavuesebrouiller;elleesquissaunsourire.Sonmerveilleuxguerrierétaitderetour. Àessayerdeluidonnerdesordresdepuissonlitd’hôpital. Kolhersoupiraetsemblas’enfoncerdanslesommeil. Lorsqu’elleeutlacertitudequ’ilavaittrouvélerepos,elles’étiraetpensaquelesmembresdela Confrérie aimeraient savoir qu’il s’était réveillé et avait été suffisamment bien pour parler un peu. Ellepouvaitpeut-êtretrouveruntéléphoneetappelerlamaison. Lorsqu’ellepénétradanslecouloir,ellen’encrutpassesyeux. Devantl’entréedelasalled’opération,lesmembresdelaConfrérieetButchétaientallongéssur lesol,sorted’immensebarrièrehaletantetrespirant.Tousdormaientàpoingsfermésetparaissaient aussiépuisésqu’elle-mêmesesentaitéreintée.ViszsetButchétaientadossésàunmur,l’unàcôtéde l’autre,unpetitrécepteurdetélévisionetdeuxrevolversentreeux.Rhageétaitallongéausolsurle dos,unedagueàlamain,etronflaitdoucement.Tohrmentavaitposésatêtesursesgenoux.Fhurie étaitallongésurlecôté,uneétoiledejetserréecontreluicommepourl’apaiser. OùétaitZadiste? —Ici,répondit-il. Bethsursautaetregardasursadroite.Zadisteétaitarméjusqu’auxdents,revolveràlaceinture, daguescroiséessurlapoitrine,chaîneàlamain.Sesyeuxnoirsbrillantslafixèrentsansciller. —C’estàmoidemonterlagarde.Onfaitdestours. —C’estdangereuxici? Ilfronçalessourcils. —Tunesaispas? —Quoi? Ilhaussalesépaulesetinspectalecouloir.Uneextrémité,puisl’autre. —LaConfrérieprotègelessiens.(Denouveau,ilposasesyeuxsurelle.)Onnelelaisseraitnilui nitoisansprotection. Elle savait qu’il éludait sa question, mais n’avait nullement l’intention de le forcer à répondre. Tout ce qui lui importait était que Kolher et elle soient en sécurité le temps nécessaire pour que Kolherguérisse. —Merci,murmura-t-elle. Zadistebaissapromptementlatête. Impressionnantcommeilrepoussetouteexpressiondegentillesse,pensa-t-elle. —Quelleheureest-il?demanda-t-elle. — 16 heures. Au fait, on est jeudi. (Zadiste se passa la main sur son crâne rasé.) Euh… alors, commentilva? —Ils’estréveillé. —Jesavaisqu’ils’ensortirait. —Vraiment? Sa lèvre se souleva dans un rictus narquois, comme s’il s’apprêtait à faire une plaisanterie douteuse.Puisilsemblaseraviser.Illafixa,sonvisagebalafrédistant. —Ouais,Beth.Vraiment.Aucunfusilnepourraitl’écarterdetoi. PuisZadistedétournalesyeux. Les autres commencèrent à s’agiter. L’instant d’après, tous étaient debout, à la fixer. Butch, remarqua-t-elle,semblaittotalementàl’aiseencompagniedesvampires. —Commentilsesent?demandaTohr. —Assezbienpouressayerdemedirecequejedevraisfaire. LesmembresdelaConfrérieéclatèrentderire.Unriredesoulagement.Defierté.D’amour. —Vousavezbesoindequelquechose,touslesdeux?demandaTohr. Bethregardaleurvisage.Tousattendaientsaréponse.Commes’ilsespéraientqu’elleallaitleur donnerquelquechoseàfaire. Mafamille,c’esteux,pensa-t-elle. —Jecroisqu’onatoutcequ’ilnousfaut.(Bethsourit.)Etjesuissûrequ’ilvoudravousvoirtous trèsbientôt. —Ettoi?demandaTohr.Tutienslecoup?Tuveuxtereposer? Ellesecoualatêteetrouvritlaportedelasalled’opération. —Tantqu’ilnepourrapassortird’icisursesdeuxpieds,jenequitteraipassonchevet. LaporteserefermasurBethetButchentenditViszsdireàvoixbasse: —C’estunesacréefemelle,pasvrai? Ilyeutunmurmured’approbation. — Et quelqu’un à qui il ne faut pas chercher de noises, ajouta-t-il. Bon sang, vous auriez dû la voirquandnoussommesentrésdanscettegrange.Elleleprotégeaitdesoncorps,prêteàledéfendre àmainnuecontreleflicetmoisielleavaitdûlefaire.Commeunemèreavecsonpetit,sivousvoyez cequejeveuxdire. —Elleapeut-êtreunesœur?demandaRhage.Fhurieéclataderire. —Tusauraispasquoifairesiturencontraisunefemelledevaleur. —C’esttoiquimedisça,lemoine?(Hollywoodsefrottalementon,oùavaitpousséunebarbe deplusieursjours,commes’ilréfléchissaitauxmystèresdel’univers.)Tusaisquoi,Fhurie,t’aspeutêtreraison.Maisçaempêchepasderêver. —C’estsûr,murmuraV. ButchpensaàMarissa.Ilnecessaitd’espérerqu’elledescende,maisilnel’avaitpasrevuedepuis son départ, le lendemain matin de l’opération. Elle avait les traits si tirés, semblait si absente, mais c’étaitcompréhensible.Lamortdesonfrèreétaitimminente.EtapprochaitàmesurequeKolherse rétablissait. Butch voulait la rejoindre, mais il n’était pas sûr qu’elle apprécierait sa compagnie. Il ne la connaissaitpassuffisamment.Ilsavaientpassésipeudetempsensemble. Était-ilunecuriositépourelle?Dusangfraisqu’ellevoulaitgoûter?Quelquechosedeplus? Butchlaissasonregarderrerdanslecouloir,commes’ilpouvaitlafaireapparaître. MonDieu,commeilluitardaitdelavoir.Neserait-cequepoursavoirqu’elleallaitbien. CHAPITRE52 Quelques jours plus tard, Kolher batailla pour s’asseoir dans son lit avant de recevoir les membresdelaConfrérie.Ilnevoulaitpasqu’ilslevoientallongé.Laperfusionqu’ilavaitdansle brasettouteslesmachinesderrièreluisuffisaientamplementàsusciterl’angoisse. Mais au moins, le cathéter lui avait été retiré la veille. En outre, il avait réussi à se raser et à prendreunedouche.C’étaitmerveilleuxd’avoirlescheveuxpropres. —Qu’est-cequetufais?demandaBethenlevoyants’agiter. —Jem’assois. —Iln’enestpasquestion. Elleattrapalatélécommandedulitetsurélevalatête. —Ah,bordel,leelane,maintenantjesuisallongéetassisenmêmetemps. —C’estparfaitcommeça. Elle se pencha pour border les draps et il aperçut la courbe de ses seins. Son corps réagit. À l’endroitapproprié. Maisledésirluirappelacequ’ilavaitvuenentrantdanscettegrange.Elle,attachéesurcettetable. Peuluiimportaitdesavoirqueleséradiqueursnepuissentpasbander. Illuipritlamain. —Leelane? —Oui? —T’essûrequetoutvabien? Ilsavaientparlédecequis’étaitpassé,maisilcontinuaitàsefairedusouci. —Jetel’aidit.Macuisseguérit… —Jeveuxpasdirephysiquementseulement,dit-il,désireuxd’écharperencoreetencoreceBilly Riddle.L’espaced’uninstant,levisagedeBeths’obscurcit. —Jetel’aidit.Jevaisbien.Carjerefusequ’ilenailleautrement. —Tuessicourageuse.Forte.Tum’impressionnes.Elleluisouritetsepenchaau-dessusdelui pourluidonnerunrapidebaiser. Ill’empêchadebouger,murmurantdesmotstoutcontreseslèvres. —Mercidem’avoirsauvélavie.Pasjustedanscettegrange.Pourlerestedemesjoursetdemes nuits. Il lui donna un baiser appuyé et se réjouit de l’entendre gémir de plaisir. Son sexe entra en érection;duboutdesdoigts,ilcaressasoncou. —Quedirais-tud’unepetitecavalcadeavecmoi? —Jecroispasquetusoisenétat. —Tuveuxparier? Illuipritlamainetlaglissasouslesdraps. Son rire grave quand elle saisit son membre viril était une pure merveille. Tout comme sa présenceconstantedanslapièce,safaçondeleprotéger,sonamour,saforce. Elle était tout pour lui. Tout son univers. Il était passé de l’attente fataliste de la mort au désir furieuxdevivre.Pourelle.Poureux.Pourleuravenir. —Sionattendaitunjourdeplus?dit-elle. —Uneheure. —Jusqu’àcequetupuissest’asseoirseul. —Çamarche. Heureusement,ilguérissaitvite. Elleretirasamain. —Tuveuxquejefasseentrertesfrères? —Oui.(Ilrespiraprofondément.)Attends.Jeveuxquetusachescequejevaisdire. Ill’attiraversluipourlafaireasseoirsurlelit. —JequittelaConfrérie. Ellefermalesyeuxcommepourluicacherlesoulagementqu’elleéprouvait. —Tuessérieux? — Oui. J’ai demandé à Tohr de prendre le relais. Mais je ne prends pas de vacances. Je dois commenceràdirigernotreespèce,Beth.Etj’aibesoinquetum’aides. Elleleregarda,bouchebée. Iltouchasonvisage. —Jeparled’unrègne.D’unroietd’unereine.Maisjevaisêtrefrancavectoi.Jesaispascequi nousattend.J’aibienquelquesidées,maisjevaisavoirbesoindetoi. —Tout,répondit-elle.Jeferaitoutpourtoi. Kolherlaregarda,émerveillé. Mon Dieu, elle le scotchait. Elle était là, prête à assumer avec lui la responsabilité du monde, mêmes’ilgisaitsurunlitd’hôpital.Safoienluiétaitstupéfiante. —Est-cequejet’aiditquejet’aimais,leelane? —Ilyacinqminutesàpeuprès.Maisjemelassejamaisdel’entendre. Ill’embrassa. —Faisentrerlesfrères.DisàButchd’attendredanslecouloir.Maisjeveuxquetuassistesàla conversation.Ellefitentrerlesguerriersetsereplaçaàsescôtés.Avecprécaution,lesmembresdela Confréries’approchèrentdulit.Bienqu’ilaiteuunebrèveentrevuelematinmêmeavecTohr,c’était la première fois qu’il voyait les autres et que les autres le voyaient. Des quintes de toux montèrent danslapièce,commesilesfrèress’efforçaientdedégagerquelquechosequileurobstruaitlagorge. Kolhersavaitparfaitementcequ’ilsressentaient.Luiaussiavaitunnœuddanslagorge. —Mesfrères… Àcetinstant,Haverspassalaporte.Ils’immobilisasur-le-champ. —Ah,cebondocteur,ditKolher.Entre.Toietmoionauneaffaireàrégler. Haversavaiteffectuédesvisitesrégulières,maisKolhern’avaitpaseuenvie,jusqu’àprésent,de réglerleschoses. —Lemomentestvenu,ajouta-t-il. Haversprituneprofondeinspirationets’avançaverslelit.Ilinclinalatête. —Seigneur. —J’aicrucomprendrequetuavaisessayédemetuer. Lemâlen’essayapasdes’enfuir,cequiétaittoutàsonhonneur.Nidelouvoyer.Etbienquesa peineetsesregretssoientmanifestes,ilneplaidapasl’indulgence. —Oui,Seigneur.C’estmoiquil’aiapproché.(IldésignaitZadiste.)Etquandj’aicomprisqueton frèrenetetrahiraitpas,jemesuisadresséàl’éradiqueur. Kolherhochalatête,s’étantdéjàentretenuavecTohrdesévénementsdecettenuit-là.Tohrn’avait entenduqu’unepartiedelaréponsedeZ. —Seigneur,tudoissavoirquetonfrèreétaitprêtàmetuersimplementpouravoirformulécette requête. Kolher jeta un coup d’œil à Zadiste, qui fixait le médecin comme s’il voulait accrocher sa tête commeuntrophéesurunmur. —Oui,j’enaientenduparler.Z.,jetedoisdesexcuses. Leguerrierhaussalesépaules. —Laissetomber.Jem’entape. Kolhersouritetsongeaquec’étaitZ.toutcraché.Toutletempsfurax. Haverspromenasonregardsurl’assemblée. —Ici,devantcestémoins,j’acceptelasentencedemort. Kolher fixa le médecin d’un regard intense. Et pensa à toutes ces années que sa sœur avait endurées. Même si Kolher n’avait jamais souhaité qu’elle mène une vie si misérable, il était responsabledelafaçondontleschosesavaienttourné. —C’étaitàcausedeMarissa,c’estça?demandaKolher. Haversacquiesça. —Oui,Seigneur. —Danscecas,jenevaispastetuer.Tul’asfaitàcausedelafaçondontj’aitraitéquelqu’unqui t’estcher.Jepeuxcomprendrelavengeance. Havers,souslechoc,semblavaciller.Puisillâchalediagrammequ’iltenaitets’effondraprèsdu lit.IlsaisitlamaindeKolheretlaposasursonfront. —Seigneur,tamiséricordeestinfinie. —Tuparles.Jetelaisselaviesauveparégardpourtasœur.Siturefaisuntrucpareil,jetetue. Pigé? —Oui,Seigneur. —Maintenant,laisse-nous.Tum’examinerasplustard.Maisfrappeavantd’entrer,compris? —Oui,Seigneur. PendantqueHaversdisparaissait,KolherembrassalamaindeBeth. —Justeaucasoùonseraitoccupés,murmura-t-il. Ungloussementcollectifsaisitl’assemblée. Kolherjetaunregardnoiràsesfrères,pourlesfairetaire,puisfitsonannonce.Parlesilencequi suivit,ilsutquelanouvelleétaitunvéritablechoc. —Alors,vousêtesavecTohr?demanda-t-ilaugroupe. —Oui,réponditRhage.Çameva. ViszsetFhurieacquiescèrent. —Z.? Leguerrierfitlesyeuxronds. —Qu’est-cequej’enaiàfoutre?Toi,Tohr,BritneySpears. Kolheréclataderire. —C’étaituneblague,Z.?Aprèstoutcetemps,t’asfinalementretrouvétonsensdel’humour?Tu medonnesuneautrebonneraisondevivre. Z.rougitetmontralesdentstandisquelesautressemoquaientdelui. Kolherprituneprofonderespiration. —Ilyaautrechose,mesfrères.J’accèdeautrône.Commejel’aiditàTohr,nousdevonsnous reconstruire.Nousdevonsfairerenaîtrel’espèce. Les guerriers le fixèrent. L’un après l’autre, ils s’approchèrent du lit et prêtèrent allégeance en langueancienne,l’embrassantàl’intérieurdupoignet.Leurvénérationl’émutetletoucha. LaViergescribeavaitraison,songea-t-il.Ilsétaientsonpeuple.Commentpouvait-ilrefuserdeles diriger? Quandlesguerrierseurentterminé,KolherregardaViszs. —Tuasrécupérélesjarresdesdeuxéradiqueursdelagrange? Viszsfronçalessourcils. —J’enaitrouvéqu’une.Celledelarecruequetoietmoionavaitvuelanuitdelacérémonie.J’y suisretournéetj’aipoignardélecorpspendantqu’ont’opérait.J’aiprissajarredanslamaison. Kolhersecoualatête. —Ilsétaientdeux.Sanslemoindredoute.L’autreétaitceluiquiconduisaitleHummer. —T’essûrdel’avoirtué? — Il était à terre, une balle dans la tête. (Soudain, Kolher sentit Beth s’agiter ; il sera sa main.) Assez,onenreparleraplustard. —Non,çava…,commença-t-elle. —Plustard. Illuiembrassaledosdelamainetlaportaàsajoue.Lesyeuxdanslessiens,ils’efforçadela rassurer,enhaïssantlemondedanslequelill’avaitemmenée. Lorsqu’elleluisourit,Kolherl’attiracontreluietluidonnaunbaiserrapideavantdeseretourner versl’assemblée. — Une dernière chose, dit-il. Vous allez emménager ensemble. Je veux que les membres de la Confrériesoientregroupésaumêmeendroit.Aumoinspourlesprochainesannées. Tohrgrimaça. —Wellsievadétesterça.Onvientjustedefinird’installerlacuisinedesesrêves. — On réfléchira à quelque chose pour vous deux. Surtout avec l’arrivée de l’enfant. Mais les autres,vousallezconnaîtrelesjoiesdelacolocation. Ilyeutdesprotestations.Desérieusesprotestations. —Hé,çapourraitêtrepire,dit-il.Jepourraisvousdemanderd’habiteravecmoi. —Bienvu,réponditRhage.Beth,sijamaistuasbesoindevacances… Kolhergrogna. — Ce que je voulais dire, reprit Hollywood, c’est qu’elle peut emménager avec nous si elle le souhaite.Onprendratoujourssoind’elle. KolherlevalesyeuxversBeth.MonDieu,elleétaitsibelle.Sacompagne.Sonamante.Sareine. Ilsourit,incapablededétachersonregarddesesyeux. —Laissez-nous,messieurs.Jeveuxresterseulavecmashellane. Ensortant,lesfrèreseurentunrired’approbation.Commes’ilsn’avaientpaslemoindredoute surcequ’ilavaitentête. Kolhersedébattitdanssonlitpourseremettredroitetportersursonbassinlepoidsduhautde soncorps. Bethleregardafaire,sansl’aider. Lorsqu’ilfutprêt,ilsefrottalesmainsparanticipation.Déjà,ilpouvaitsentirsapeau. —Kolher,luidit-ellesurletondel’avertissementtandisqu’illuidécochaitunsourireradieux. —Viensunpeuparici,leelane.Unmarchéestunmarché. Mêmesitoutcequ’ilpouvaitfaireétaitlaprendredanssesbras,ilavaitbesoindelatenircontre lui. CHAPITRE53 JoséDeLaCruzserralamaindel’enquêteurspécialiséenincendiescriminels. —Merci.J’attendsvotrerapport. L’hommesecoualatêteenregardantlesdébrisdel’académiedesartsmartiauxdeCaldwell. —Jen’aijamaisrienvudetel.Onjureraitqu’unebombenucléaireaexplosé.Entoutefranchise, jenesaispasquoimettredansmonrapport. Joséregardal’hommes’éloignerversle4x4ducomtéetdémarrer. —Turentresauposte?demandaRickyenmontantdanssonvéhiculedepolice. —Pastoutdesuite.Jedoispasserenville. Rickyluiadressaunsignedemainetmitlecontact. Restéseulsurlelieudel’incendie,Josérespiraprofondément.L’odeurdel’incendieétaitencore prégnante,quatrejoursaprèslesfaits. Tandisqu’ilsedirigeaitverssonvéhiculebanalisé,iljetauncoupd’œilàseschaussures.Elles étaientrecouvertesd’unecouchegrispâleàcausedelasuieomniprésente.Lamatières’apparentait plus à des cendres volcaniques qu’aux restes habituels d’un incendie normal. Les débris eux aussi étaientcurieux.Engénéral,certainespartiesdelastructuresubsistaient,quellequesoitlatempérature desflammes.Ici,ilnerestaitrien.Lebâtimentavaitétéintégralementrasé. Josés’installaderrièrelevolant,mitlecontactetdémarra.Ilpritversl’estsurunedouzainede kilomètres, jusqu’à une partie plus fonctionnelle de la ville. Des bâtiments apparurent, mauvaises herbesurbainesquipoussaientdanslebétonetl’asphalte. Il arrêta le véhicule devant l’un de ces bâtiments. Se gara. Coupa le moteur. Il mit beaucoup de tempsàsortirdelavoiture. Toutenessayantdemaîtriserl’agitationqu’ilressentait,ilsedirigeaversl’entréeprincipale.Un couplesortaitaumêmemomentetluitintlaporte.Ilmontatroisétages,s’engageadansuncouloirau tapismarronuséparlesmilliersdepasquil’avaientfoulé. Laportedevantlaquelleils’arrêtaavaitétérepeintesisouventquesesbattantsétaientquasiment aumêmeniveauquelemur. Ilfrappa,sansattendrederéponse. Ilneluifallutquequelquessecondespourforcerlaserrure.Ilouvritlaporte. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Un corps en décomposition depuis quatre ou cinqjourssentirait,mêmeavecl’airconditionné. Iln’yavaitrien. —Butch?appela-t-il. José referma la porte derrière lui. Le sofa était recouvert de pages sportives du CCJet du New YorkPostdelasemaineprécédente.Descanettesdebièrevidestrônaientsurlatable.Danslacuisine, desassiettesétaientposéesdansl’évieretd’autressurleplandetravail. Josépassadanslachambre.Pournedécouvrirquedesdrapsendésordreetdesvêtementsausol. Ils’arrêtadevantlaportedelasalledebains.Elleétaitfermée. Soncœursemitàbattreplusfort. Ilouvritlaporte,s’attendantàtrouveruncorpspendudansladouche. Maislapièceétaitvide. L’inspecteurdelacriminelleButchO’Nealavaitdisparu.Sanslaisserdetraces. CHAPITRE54 Audazs regarda autour de lui. Le paisible brouillard de l’Estompe s’était dissipé, révélant une courdemarbreblanc.Aucentre,l’eaudelafontainedansaitetjouaitaveclalumièrediffuse,qu’elle captaitetrenvoyaitenmillescintillements.Desoiseauxchanteurspoussaientlachansonnette,comme s’ilsl’accueillaientetannonçaientsonarrivée. Enfindecompte,cetendroitexistevraiment,pensa-t-il. —Soislebienvenu,Audazs,filsdeMarklon.Sansseretourner,ils’agenouillaetbaissalatête. —Viergescribe,vousm’honorezdevotrevisite. LaViergescribeeutunpetitrire.Ellevintseplacerdevantlui,lebasdesatuniquenoireentrant danssonchampdevision.Lalumièrequifiltraitsouslasoieétaitaussibrillantequecelledusoleil. — Comment aurais-je pu te le refuser, Audazs ? C’est la première audience que tu aies jamais sollicitée. (Il sentit quelque chose lui effleurer l’épaule et ses cheveux le chatouiller sur la nuque.) Debout,jeveuxvoirtonvisage. Audazsseleva,dominantlafrêlesilhouette.Ilgardalesmainsjointesdevantlui. — Alors comme ça l’Estompe n’est pas à ton goût, princeps ? demanda-t-elle. Qui plus est, tu veuxquejeterenvoied’oùtuviens? —C’esthumblementquejevousadressecetterequête,avectoutlerespectquejevousdois.J’ai attenduletempsimparti.Jesouhaiteraisvoirmafille.Uneseulefois.Avecvotrepermission. Denouveau,laViergescribeeutunpetitrire. —Jedoisreconnaîtrequetuformulestarequêtebienmieuxquetonroi.C’estunguerrierhabile aveclesmotsquenousavonslà. Ilyeutunsilence. QueAudazsmitàprofitpourpenseràsesfrèresd’armes. Kolherluimanquait.Tousluimanquaient. MaisBethétaitcellequ’ildésiraitvoirplusquetoutaumonde. —Elleestmariée,ditsoudainlaViergescribe.Tafilleestavecunmâletrèsdigne. Ilfermalesyeux,refrénantlaquestionquiluibrûlaitleslèvres.Brûlantd’impatiencedesavoir. EspérantquesonElizabethsoitheureuseaveclecompagnonqu’elles’étaitchoisi. LaViergescribesemblaraviedesonsilence. —Regarde-toi,jamaisunequestion.Quellemaîtrisedesoi!Maisparrespectdesconvenances,je vaistedirecequetumeursd’enviedesavoir.Elles’estunieàKolher.Quiaccèdeautrône.Tafille estreine. Audazs baissa la tête, désireux de dissimuler son émotion et de lui cacher ses larmes. Peut-être penserait-ellesinonqu’ilétaitfaible. —Princeps,ditlaViergescribed’unevoixdouce.Ilyatantdejoieetd’émotiondanstoncœur. Dis-moi,lacompagniedetesfilsdansl’Estompenesuffit-ellepasàréjouirtoncœur? —J’ailesentimentdel’avoirabandonnée. —Ellen’estplusseule. —C’estunebonnechose. Ilyeutunsilence. —Etpourtant,tuveuxtoujourslavoir? Ilacquiesça. La Vierge scribe se dirigea vers les oiseaux, joyeux et chantants, perchés sur la branche d’un arbreblancenfleur. —Quedésires-tu,princeps?luirendrevisite?Unevisiterapide?Danssessonges? —Avectoutlerespectquejevousdois. Il avait conservé son ton formel car elle méritait la déférence qu’il lui témoignait. En outre, il espéraitquecetonl’influenceraitdefaçonpositive. La tunique s’écarta pour laisser apparaître une main lumineuse. Un des oiseaux, une mésange à têtenoire,vintseposersursondoigt. —Tuasététuédefaçondéshonorante,dit-elleencaressantlepoitraildel’oiseau.Aprèsavoir courageusementservil’espècependantdessiècles.Tuétaisunprincepshonorableetunfinguerrier. —Quemesactesvousaientsatisfaitmecombleauplushautpoint. — En effet. (Elle siffla. L’oiseau siffla à son tour, comme s’il lui répondait.) Que dirais-tu, princeps,sijet’offraisplusquetudemandes? LecœurdeAudazss’accéléra. —Jedirais«oui». —Sanssavoircequejet’offre?Nicequejedemandeensacrifice? —J’aiconfianceenvous. — Pourquoi ne pas être roi ? demanda-t-elle d’un ton sec en reposant l’oiseau sur la branche. (EllesetournaversAudazs.)Voicicequejet’offre.Unenouvellevie.Unrôleauprèsdetafille.Une chancedecontinueràtebattre. — Vierge scribe… (De nouveau, il s’agenouilla.) J’accepte, en sachant que je ne mérite pas de tellesfaveurs. — Je ne m’en tiendrai pas à cette réponse. Voici ce que tu devras sacrifier. Tu n’auras aucun souvenirconscientd’elle.Tun’auraspastonapparenceactuelle.Etjerequiersengageunefaculté. Ilignoraitàquellefacultéellefaisaitréférence,maisiln’avaitnullementl’intentiondedemander. —J’accepte. —Tuessûr?Tuneveuxpasyréfléchir? —Jevousremercie,Viergescribe,maismadécisionestprise. —Qu’ilensoitainsi. Elle s’approcha de lui ; des mains spectrales émergèrent de la tunique noire. Simultanément, le voilequiluicouvraitlevisageselevasousl’actiondesavolonté.Lalumièreétaitsiaveuglantequ’il nepouvaitdistinguerlemoindredesestraits. Elle lui saisit la mâchoire et la base de la nuque, et il trembla sous l’action de sa force phénoménale.Elleauraitpuleréduireànéant. —Jeteredonnelavie,Audazs,filsdeMarklon.Puisses-tutrouvercequetucherchesdanscette incarnation. Elleposaseslèvressurlessiennes,etilressentitlemêmechocqu’aumomentdesamort.Toutes lesmoléculesdesoncorpsexplosèrent,soncorpsvolaenéclats,sonâmefutlibéréeets’élevaversle ciel. CHAPITRE55 M. X ouvrit les yeux et distingua vaguement des lignes verticales. Des barreaux ? Non, il s’agissaitdespiedsd’unechaise. Ilétaitallongésurunparquetdur.Étendudetoutsonlongsurleventre.Souslatable. Illevalementonet,denouveau,savuesebrouilla.MonDieu,j’ail’impressionqu’onm’adéfoncé latête… Toutluirevint.LecombatavecleRoiaveugle.Lecoupassenéparcettefemellequil’avaitenvoyé ausol. PendantqueleRoiaveugle,blessé,étaitàterre,lafemelleàsescôtésgardaitlesyeuxrivéssur lui,M.Xavaitrampéjusqu’auminivan.Ilétaitsortidelavilleetavaitconduitjusqu’auxmontagnesà l’oréedeCaldwell.Parmiracle,ilavaittrouvésacabanedanslenoiretavaitpéniblementréussiày entreravantdeperdreconnaissance. Dieuseulsavaitcombiendetempsilétaitrestésansconnaissance. Lafaiblelumièredel’aubefiltraitpardespetitesfenêtresménagéesdanslebois.Était-celejour d’après?Ilendoutait.Ilavaitl’impressionquedesjoursentierss’étaientécoulés. Avec précaution, il remua le bras et toucha la base de sa nuque. La blessure était à vif, mais cicatrisait. Au prix d’une grande concentration et d’efforts intenses, il parvint à se mettre debout et à s’appuyercontrelatable.Ilsesentaitunpeumieuxdanscetteposition. Il avait de la chance. Des blessures sérieuses pouvaient handicaper les éradiqueurs de façon permanente. Au fil des décennies, il en avait rencontré un certain nombre, qui n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes, inaptes au combat et trop faibles pour mettre fin eux-mêmes à leurs souffrancesd’uncoupdepoignard. M.Xregardasesmains.EllesétaientsaliesparlesangséchéduRoiaveugleetlapoussièredusol delagrange. Ilneregrettaitpasd’avoirprislafuite.Parfois,lameilleureoptionpourunchefconsistaitàse désengager d’un combat. Lorsque les pertes étaient trop élevées et la défaite quasiment assurée, la manœuvrelaplusintelligenteétaitdeseretireretdereprendrelecombatunautrejour. M.Xlaissaretombersesbras.Ilallaitluifalloirdutempspourrécupérer,maisildevaitreprendre en main ses troupes. La vacance de pouvoir était dangereuse au sein de la Société. Surtout pour le grandéradiqueurencharge. La porte de la cabane s’ouvrit ; M. X leva la tête, se demandant comment il allait pouvoir se défendre,avantdeserendrecomptequeleleverdujourétaittropprochepourquesonvisiteurpuisse êtreunvampire. Cequ’ilvitdansl’embrasuredelaporteluiglaçalesang.L’Oméga. —Jesuisvenut’aideràreprendredesforces,dit-ildansunsourire. Commelaporteserefermait,M.Xsentitsoncorpstrembler. Uneaideapportéeparl’Omégaétaitplusterrifiantequ’unesentencedemort. ÉPILOGUE LademeureduTombeau.C’estlàoùondevraits’installer,déclaraTohrenplantantsoncouteau dansdestranchesderoast-beefdisposéesdansleplateaud’argentqueluitendaitFritz.Merci. Beth regarda Kolher et songea qu’il avait pleinement récupéré en un mois à peine depuis les événements. Il était en pleine forme. Fort. Impressionnant comme toujours. Arrogant. Tendre. Impossibleetirrésistible. Ilsecaladanssachaiseenboutdetable,luipritlamainetlacaressadesonpouce. Elleluisourit. Ilsavaientemménagédanslamaisondesonpèrepoursaconvalescence,àéchafauderdesprojets pourl’avenir.Chaquesoir,laConfrérievenaitdîner.Fritzétaitauxanges,réjouipartoutescesallées etvenues. — C’est une foutue bonne idée, approuva V. Je pourrai installer un système de sécurité sophistiqué.Lamaisonestplutôtisoléesurlamontagne.Enpierre,etdoncàl’épreuvedufeu.Sion installedesstoresmétalliquesrétractables,onpourras’ydéplacermêmependantlajournée.Cequia étécritiquedanscettemaisonquand…(Ils’interrompit.)Enplus,lamaisonàpasmaldesurfaceen sous-sol,jecrois,qu’onpourraitutiliserpourl’entraînement. Rhageacquiesça. —L’endroitestgrand.Onpourraittousyvivresanss’entre-tuer. —Çadépendplusdetacapacitéàtetairequedelasuperficie,répliquaFhurieavecunsourire. Leguerrierchangeadepositionsursachaise,pourfairedelaplaceàBouh,quis’étaitinstallésur sesgenoux. —T’enpensesquoi?demandaTohràKolher. —C’estpasàmoidedécider.ToutescespropriétésappartenaientàAudazsetsontmaintenantà Beth.(Bethlaregarda.)Leelane?TupourraisenvisagerdelaisserlaConfrérieutiliserl’unedetes maisons? L’une de ses maisons. Ses maisons. Comme, de sa vie, elle n’avait pas même possédé un appartement,elleavaitunpeudemalàprendrelamesuredetoutcequiluiappartenaitdésormais.Il ne s’agissait pas uniquement d’immobilier. Des œuvres d’art. Des terres. Des voitures. Quant à sa fortune,elleétaitastronomique. Heureusement,V.etFhurielafaisaientprofiterdeleursconnaissancesapprofondiesdesmarchés boursiers.Etluienseignaienttouteslessubtilitésdestitres.DesbonsduTrésor.Del’or.Desmatières premières.Lesdeuxguerriersétaientextrêmementdoués. Etextrêmementbonsavecelle. Elleregardaleshommesassisautourdelatable. —LaConfrériepeutavoirtoutcedontelleabesoin. Ilyeutunmurmuredegratitudeetdesverresselevèrentàsasanté.Zadistelaissalesiensurla table,maisfitunsignedetêtedanssadirection. BethregardaKolher. —Maistucroispasqu’ondevraitaussiyvivre? —T’enauraisenvie?demanda-t-il.Laplupartdesfemellespréféreraientavoirunemaisonàelle. —Elleestàmoi,tutesouviens?Etpuiscesonttesplusprochesconseillers,lespersonnesenqui tuasleplusconfiance.Pourquoiteséparerd’eux? —Hé,protestaRhage,jecroyaisqu’onétaittombésd’accordsurlefaitqu’onn’auraitpasàvivre aveclui. KolherlançaunregardnoiràHollywood,avantdeposerdenouveausesyeuxsurBeth. —T’essûre,leelane? —L’unionfaitlaforce,pasvrai? Ilacquiesça. —Maisnousexposedavantage. — On ne pourrait espérer meilleure compagnie. Je ne pourrais rêver mieux que ces hommes merveilleuxpourassurernotreprotection. —Excusez-moi,ditRhage.Ilyenad’autresquisontamoureuxd’elle? —Ouais!s’exclamaV.ensoulevantsacasquettedesRedSox.Raidedingue! Fhurieacquiesça. —Etsiellevitavecnous,onpourragarderlechat.KolherembrassaBethetregardaTohr. —Jecroisqu’ons’esttrouvéunemaison. — Et Fritz sera des nôtres aussi, dit Beth tandis que le majordome entrait dans la pièce. Vous acceptez,Fritz? Lemajordomesemblaitauxangesetilregarda,radieux,lesmembresdelaConfrérie. —Jevoussuivraioùquevousalliez,leroietvous,maîtresse.Etplusilyauradumondedontje devraim’occuper,plusjeseraiheureux. —Ilfaudraqu’onvoustrouvequelqu’unpourvousaider. V.s’adressaàKolher. —Etpourleflic,tucomptesfairequoi? —Tuposeslaquestionparcequec’estunamiouunemenace? —Lesdeux. —Pourquoij’aicommel’impressionquet’asquelquechoseàproposer? —Parcequec’estlecas.Ildevraitveniravecnous. —Uneraisonenparticulier? —J’airêvédelui. L’assembléegardalesilence. —Affaireconclue,ditKolher.Maisrêvesoupas,ildoitêtresurveillé. V.acquiesça. —J’enacceptelaresponsabilité. Tandisquelesfrèrescommençaientàéchafauderdesprojets,Bethbaissalesyeuxverslamainde sonmariquireposaitdanslasienneetsesentitsoudainémueauxlarmes. — Leelane ? dit Kolher d’une voix douce. Tout va bien ? Elle acquiesça, s’émerveillant de la facilitéaveclaquelleillisaitenelle. —Toutvatrèsbien.(Elleluisourit.)Tusais,avantdeterencontrer,jemedisaisquemavieétait tropbanale. —Vraiment? —Etj’aiétécombléeau-delàdemesespérances.J’aireçuunpasséetunavenir.Toute…unevie. Parfois,jenesaisquefairedetoutcebonheur. —C’estdrôle.Jeressenslamêmechose.(KolherpritlevisagedeBethdanssesmainsetposases lèvressurlessiennes.)C’estpourquoijet’embrasseaussisouvent,leelane. Ellepassasonbrasautourdeslargesépaulesdesonmarietposadesbaiserssurseslèvres. —Oh,monDieu!s’exclamaRhage.Ilvafalloirqu’onlesregardesebécotertoutletemps? —Jet’ensouhaiteautant,murmuraV. —Ouais,soupiraRhage.Toutcequejeveux,c’estunebonnefemelle.Maisj’imaginequejevais continueràopterpourlaquantitéjusqu’àtempsquejel’aietrouvée. Desfois,lavie,çacraint. Unriremonta.Quelqu’unlançauneserviette. Fritzapportaledessert. —Messieurs,sivousvouliezbienvousabstenirdelancerlesserviettes.Quiveutdespêches? FINDUTOME1