journal canaries cap vert
Transcription
journal canaries cap vert
G R A N D E U R N AT U R E ou la parole des enfants - Association loi 1901 EXPÉDITION 2012-2013 Février - Mars D o m i n i q u e , B a n c d ’ a r g e n t. . . L e s b a l e i n e s ! Un voyage, ce sont des rencontres, des sensations, mais aussi des couleurs. Ce journal est vert. Vert, comme la Dominique, comme les arbres, les jardins , le zïon. Toutes les nuances du vert au transparent, des rivières et des cascades! Et bleu. Bleue comme la mer du banc d’argent, comme le bleu sombre des baleines à bosse, bleu comme le ciel alizéen... Bleu, comme le regard des baleines et la chaleur que l’on ressent dans le coeur ! En fait, c’est tout un arc-en-ciel de sensations que nous avons vécu pendant ces deux mois. Tournez la page, et suivez nous : “Over the rainbow ”! Christophe P.S.: Nous avons changé de responsable journal c’est Evolène qui a fait cette maquette et c’est un gros travail. Miren a corrigé la plupart des textes. A d re sse : 152 gra nde Tél: 04 67 43 25 64 ru e haute 3 4200 Sèt e w w w. g r a n d e u r n a t u r e . o r g ES CALE R AP IDE À FORT DE F R ANC E . . . Pa r C h a r l e s Le 8 février : Ce matin, il faut être efficace, donc après les tâches, on va à terre pour acheter du matos pour le bateau et faire quelques courses. Je suis dans l’équipe avec Nina, Evolène, Théo et Ludo. Tout est très cher parce qu’ils importent tout de République-Dominicaine. Les commerçantes avec qui je fais affaire me mettent à l’aise direct « Ça va doudou, que te faut-il ? » Ça me fait bizarre quand même mais c’est purement commercial ! Cette halle est envahie de touristes. Kélig, Simon, Mike et Kévin nous rejoignent. Ils étaient au Lider Price, acheter 2 ou 3 trucs. Thierry revient avec un peu de matériel. Kélig veut acheter des épices alors je lui dis qu’il faut aller au stand où il y a ma copine ! Elle est rudement contente de nous expliquer comment sont fabriquées les différentes sortes d’épices, et les autres produits qu’elle vend. Avec le groupe on se dit qu’il reste à acheter du pain et un maillot de bain pour Nina. Les rues sont très animées, c’est le carnaval. Des chars défilent avec de la musique à fond !! On va boire un jus de fruit mais il se trouve que celui-ci est dégueu, y’a que de la flotte. Les filles partent de leur côté et tous les autres on rentre au bateau. Une question se pose, est-ce qu’on part à 12 h en Dominique pour y être demain dans la matinée? (option n°1) ou est-ce qu’ on trouve un petit mouillage peinard, pour taper des textes, ranger, bricoler un peu, et on part le lendemain matin tôt? (option n°2). Après manger on met les voiles sur Belle Fontaine. On y arrive rapidement, chacun fait ses occupations, moi je tape mon texte sur l’ordinateur mais Evolène et Kélig me virent gentiment car je suis mou du clavier ! Et il y a plein d’autres textes à taper en retard. Je décide alors de bricoler un peu, je répare 2 coulisseaux et recale le joint du capot de la cuisine. Thierry et Ludo refont un nouvelle patte d’oie, cela nécessite des épissures. Une fois le bricolage terminé je vais plonger seul, trop agréable. Mais c’est dommage je m’y suis pris un peu trop tard, il n’y avait plus beaucoup de lumière pour y voir suffisamment clair dans l’eau. Mais j’ai vu une rascasse volante, ce poisson vit généralement dans la mer rouge, les eaux côtières de l’Afrique du sud et de la Polynésie. Son corps est strié de bandes alternativement claires et foncées, elle a de longues nageoires dorsales et pectorales qui prennent des formes bizarres ! Je remonte pour continuer mon livre « Le bagne » écrit par Albert Londres, c’est un chouette bouquin. On mange et je m’y replonge avant de sombrer dans le sommeil… Charles W E L C O M E T O PA R A D I S E . . . P a r E v o l è n e Le 09 février. Nous levons l’ancre et nous éloignons doucement de la Martinique. Euh… passé la pointe, c’est pas doucement mais à fond les ballons qu’on rejoint la Dominique. On gagne du nœud comme dit Nina. En longeant la côte on était caché du vent, mais là on se prend la trentaine de nœuds de vent dans les voiles, ça bouge beaucoup, j’étais à l’intérieur en train de bosser, d’expliquer à Mike qui s’est mis à faire des maths, mais je sors en vitesse avec une pressante envie de vomir. La Dominique se détache bien au loin sur un ciel bleu parsemé de nuages par-ci par-là. On s’entraîne à parler anglais ; Kélig connait bien leur façon de parler, elle a passé 6 mois ici, avant de faire les expés sur GN. Elle connaît bien, Christophe aussi, Thierry connaît pas mal non plus il faisait du charter entre la Martinique, Sainte-Lucie il y a à peine quelques années. Mais pour nous, ceux qui n’ont jamais touché le sol montagneux de l’ile, c’est une image que nous nous sommes faite de la Dominique. Une image qu’on retouche au fur et à mesure des récits, de ce qu’on lit, ce qu’on nous raconte, les photos qu’on voit, qu’on cherche pour faire un tableau de plus en plus précis. Aujourd’hui on la voit et au fur et à mesure qu’on s’approche l’image s’affine ! La découverte des gros nuages qui s’accro- 2 W E L C O M E T O PA R A D I S E . . . P a r E v o l è n e chent au sommet, la végétation dense, touffue et bien verte qui recouvre cette terre, et à l’approche du mouillage on commence à rencontrer la population. Ah la population… l’image du rasta au longues dreads qui écoute du reggae en fumant son joint vient très vite à l’esprit… Mais bien sûr que la Dominique ce n’est pas que ça. Je ne pourrais pas vous dire « C’est aussi les gens comme ci, les gens comme ça » parce que je ne sais pas. Mais c’est pendant ces deux semaines ici qu’on va le découvrir. Chaque membre de l’équipage sera chargé de faire le portrait d’un habitant, d’une personne rencontrée sur l’île pendant nos randonnées, parler de lui, de sa vie, c’est ce qui sera décidé demain enfin c’est ce qui nous sera donné comme contrat pour l’escale. Moi ça me va. Je trouve l’idée bonne, ça entraine pas mal de chose comme poser des questions aux gens donc essayer de parler anglais, et puis on donnera tous un exemple de mode de vie. Avec nos 11 exemples ça commencera à donner une idée réelle à petite échelle, c’est intéressant. Mais je reviens à la journée car justement, comme nous l’avait prévu Christophe un peu plus tôt, un rasta dans une jolie barque à moteur nous accoste: « Eh sister bienvenue en Dominique si vous avez besoin d’un guide, ou… » Kélig connait, on n’a pas besoin d’un guide pour visiter la rivière indienne, faire les courses, amener les poubelles et tout ça. Peu de temps après, on pose l’ancre et nous voilà en Dominique, l’ile aux 365 rivières, aux 162 espèces d’oiseaux, aux sources d’eau chaude et lacs bouillants, et au innombrables cascades, à la plus grande réserve indienne des Caraïbes, et à bien plus de choses encore et j’ai bien envie de dire inutile de s’emballer trop. Pour l’instant on n’est encore sur le bateau et honnêtement sur le bateau on peut-être mouillé au Cap-vert, en Guyane ou en Dominique, on est quand même un peu dans notre bulle ! Evolène 2 KG DE PÂTES À LA CRÈME... Par Ludo Le 10 février : Aujourd’hui, c’est dimanche en Dominique. Nous venons d’arriver et nous n’avons pas fait l’entrée dans le pays, donc personne ne va à terre ! Nous en profitons pour faire une petite journée contrat avec les jeunes, la dernière remonte au séjour en Guyane. D’ailleurs nous leur avions proposé de faire des petits exposés sur la Guyane, pour changer des contrats où il s’engagent à travailler 1 heure tous les matins ou à s’appliquer à mieux s’investir dans la vie collective. Les thèmes étaient variés ou a priori intéressants, certains avait choisi de parler du bagne, de la vie sur le fleuve, de la cuisine locale etc.… Mais (presque) personne n’a fait l’effort de faire un écrit à nous faire partager, à nous l’équipage mais aussi à vous qui suivez notre voyage. Les contrats du jour perdent de leur intérêt, nous abrégeons en leur imposant de faire le portrait d’une personne en Dominique que nous ferons nous aussi, nous en profitons pour discuter entre adultes et organiser les différent écrits, à préparer pour la fin du mois, les bilans pour l’ASE, une réponse à envoyer à Marec notre superviseur psychologue-clinicien de son état, nous parlons aussi d’un bilan de mi-voyage à faire avec les jeunes, il sera différent de celui qu’on a fait au Cap-Vert, car il sera déjà temps de commencer à réfléchir à la suite. Nous le ferons d’ailleurs lors de la relève d’équipage, je m’en irai à la fin du mois pour laisser la place à Marion. C’est la fin d’une belle aventure qui approche, éprouvante parfois, lorsque à avoir la tête dedans, j’ai eu envie de tout envoyer promener !! Mais ce sera sûrement un drôle de moment à vivre de quitter ce microcosme flottant dans lequel je vis depuis 5 3 2 KG DE PÂTES À LA CRÈME... Par Ludo mois. Je risque d’être désorienté pendant quelque jours. En attendant ce n’est pas fini. Il y a les randos et je compte bien savourer ces derniers jours. Depuis le temps que l’on me parle de Dominique à bord, j’ai hâte de la rencontrer ! Ensuite, les loustics s’en iront voir les baleines (non je ne suis même pas jaloux !) et il continueront leur beau voyage. J’espère surtout qu’ils feront en sorte de le rendre beau. Bon, ce n’est pas tout, mais Christophe et Théo nous ont préparé de 2 kg de pâtes à la crème, j’ai une plongée à faire avec Evolène et un peu de lecture à poursuivre. Jorge Amado a découvert l’invasion des poissons scorpions dans la mer des Caraïbes tandis que je transporte des marchandises dans mon saveiro de Margogipe à Bahia, entre deux verres de cachaça Evolène tourne et vire, fait des bulles, elle se prend pour une sirène au milieu du soleil couchant qui transperce la surface. Demain, c’est journée lessive à la rivière. Ludo. L’AV E N T U R E C ’ E S T D E M A I N . . . P a r C h r i s t o p h e Le 11 février : Ecrit sur une plage de la côte nord est au premier matin de la rando avec Evolène et Théo. Lundi nous étions à Portsmouth, mais comme c’était carnaval, tout était fermé, et il y avait du gros son dans la ville, mais nous n’étions pas partis pour le carnaval, mais pour laver notre linge à la rivière. Thierry était parti de son côté voir si c’était possible de faire l’entrée douanière en Dominique. Mais il fallait retrouver le chemin pour l’endroit où on lavait le linge. Kelig en avait une idée approximative, mais elle préfère demander à un jeune devant sa maison. Plutôt que de nous expliquer comment y aller, il part s’habiller pendant que sa mère fait la causette, puis nous guide. En fait nous étions sur la bonne voie, il suffisait de continuer sa rue, qui tout en haut, devient un chemin de terre. Et là, prendre le premier petit chemin sur la gauche. Une fois à la rivière, chacun se cherche un endroit au milieu de l’eau, avec une plaque lisse et propre pour laver le linge. Et du linge, j’en ai à laver, la dernière fois, c’était à Saint Laurent du Maroni. Tout le monde s’y met, à part Mike et Simon, qui l’ont fait en navigation, et la veille au bateau. Chacun s’active de la brosse sur ses habits, c’est agréable d’être au milieu de l’eau et de laver et rincer. Quand j’ai fini, il ne reste que Nina et Kelig, qui ont encore une pile de linge à côté d’elles. Je pars avec Ludo et Charles, Ludo rentre au bateau, il est de cuisine; avec Charles nous nous dirigeons vers les bruits du carnaval, car je veux retirer des sous à la banque, et voir s’ il y a quelques magasins ouverts. Nous voilà à côté du camion avec la musique, quelques dizaines de gens qui dansent, boivent, ou qui sont cuits. Les habits sont vulgaires, et hyper sexués, la musique est mauvaise ! Charles regarde tout ça un peu crispé « dire que je ressemble à ceux là quand je fais la teuf ! J’ai honte, c’est lamentable !» C’est vrai que cela me donne pas envie. À la banque, je retire 1000$EC (284€) qui nous serviront pour les randonnées car tous les magasins sont fermés. L’après-midi, c’est le moment de faire les groupes de rando ! « Qui a envie de faire quoi ? » Mike sait juste qu’il préfère rester au bateau et qu’il n’a pas envie de marcher. (Super, ça commence positif). 4 L’AV ENT U R E C ’EST DE U X-M AIN S . . . P a r C h r i s t o p h e Thierry préfère rester seul au bateau pour faire quelques travaux et il n’y a pas de nécessité qu’un groupe reste avec lui au bateau. Donc c’est rando pour tout le reste de l’équipage. Les autres fois ce sont les adultes qui ont fait les groupes de randonnées. On retente un « qui a envie de quoi ? ». Charles n’a pas envie de refaire une rando avec Kévin, Kévin veut partir avec Kélig, Mike redit qu’il n’a pas envie de marcher (déjà qu’il n’avait pas envie de partir en rando)… Je propose que l’on tire au sort ! Ce que l’on fait, mais Charles se retrouve avec Nina et Kévin, et Nina n’a pas très envie de partir avec Kévin. Mike propose à Charles d’échanger, pourquoi, on ne sait pas, il s’imagine sûrement qu’un groupe avec Nina et Kévin ne marchera pas ?! Kélig dit que cela suffit, on a tiré au sort et ce sont les groupes qui ont été tirés qui partiront ! Du coup chacun part préparer son sac. Pour certains c’est la ruée sur les coffres à provision, on part pour 5 jours, peur de manquer et regard sur ce que prenne les autres !! Finalement, certaines choses ne changent pas en 4 mois ! Je laisse mes deux camarades prendre ce qu’il faut, je ferai mon sac demain matin, au calme ! Pareil pour la destination, je propose que l’on parte à l’opposé des autres ; Kélig part au nord, Ludo au centre puis au sud, je propose que l’on parte tranquillement à pied plein est ! Mes deux camarades sont d’accord, ils ne savent pas encore ce qui les attend ! L’aventure c’est demain !! Christophe LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Du 12 au 16 février Pour cette randonnée, je n’ai pas envie de me limiter à l’écriture d’une seule journée, comme nous l’avions convenu avec mes camarades. Nous avons effleuré plusieurs modes de vie pendant ces 5 jours et c’est cela que j’ai envie de vous transmettre : la marche dans la nature, les rencontres en stop, le territoire caraïbe, la visite chez James, le bivouac chez les rastas. Mais je vais commencer par le début car je suis l’écrivain de la première journée, ce mardi 12 février, ce mardi gras où nous avons quitté le bateau, sac au dos, Kevin, Charles, Nina et moi. Nous partons pour le village de Capuchin, pointe Nord-Ouest de l’île. Je ne connais pas du tout cette partie, et même si c’est aujourd’hui la sixième fois que je pose le pied en Dominique, il y a encore bien des coins que je ne connais point. J’ai dans l’idée, bien sûr, de rendre visite aux différentes personnes déjà rencontrées les autres années, comme Ginette et sa famille dans la réserve caraïbe, James et son camping écologique (toujours très intéressant de discuter avec lui sur la situation en Dominique), mais j’ai aussi très envie de découvrir de nouveaux sites, de rencontrer d’autres personnes sur cette île aux innombrables ressources. Petit point tout d’abord sur la Dominique, île des Antilles peuplée tout d’abord par les Indiens Arawaks qui se seraient tous faits manger par une autre peuplade d’Indiens, les Caraïbes. Ce sont ces derniers qui habitaient l’île lorsque Christophe Colomb est arrivé, un certain dimanche de l’année 1493, et qui, simplement, l’a rebaptisée Dominique, en hommage à ce Dimanche de découverte. L’île s’appelait initialement « Waitukubuli », l’île au grand corps. De ce nom historique, il reste la marque de bière nationale, la Kubuli, et le Waitukubuli national trail, chemin de randonnée parcourant une large surface de l’île. Un chemin que nous avons tous emprunté à un moment ou à un autre, pendant nos randonnées. La Dominique, après avoir été française, anglaise, française, puis anglaise, est restée sous colonisation Britannique jusqu’en 1978, date de son indépendance. Elle est toujours sous tutelle de la Couronne, faisant partie du Commonwealth, tout comme le Canada ou l’Australie d’ailleurs. La monnaie est le dollar EC, comptez 3 EC pour 1€. 5 LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG L’île fait 50km de long, et 25 de large. Elle compte 73000 habitants. Roseau en est la capitale. Mais revenons à notre randonnée et à cette pointe nord que je vais découvrir. L’objectif est Capuchin, début du segment 13 du Waïtukubuli national trail. Il longe la côte nord jusqu’à Pennville, environ 8 km, 4 heures de marche. Nous quittons Portsmouth à pied, lorsqu’un pick-up arrive. On tend le pouce et il s’arrête. Deux personnes sont déjà à l’arrière, les cheveux au vent. On grimpe, et déjà, nous manquons de perdre Nina par-dessus bord, elle n’était pas bien installée lorsque le conducteur a démarré. Première frayeur ! Nous goûtons les sensations des cheveux dans le vent, du paysage qui défile, ça fait sourire, « ça dégomme » comme dirait Kevin. Le monsieur nous dépose à Toucari bay, un village de pêcheurs en bord de mer. Nous nous approchons d’une distillerie de bois d’inde, entendez par distillerie, un toit de tôle abritant un grand four à bois en tôle également, recouvert par un alambic de tôle, d’où sort un vieux tuyau. Une montagne de feuilles de bois d’inde, posée à côté. Le bois d’inde est un arbuste dont les feuilles sont utilisées en tisane, contre les maux de ventre, et distillées, elles se transforment en « bay rum », essence de bois d’inde utilisée en massage contre les douleurs musculaire, et diluée dans l’eau contre les coups de froid. L’odeur peut rappeler le clou de girofle. Nous ramassons quelques pamplemousses à terre, chargeons nos sacs déjà bien chargés, et nous repartons sur la route. Quelques pas effectués, un pouce tendu et un 4x4 s’arrête. C’est un Suisse qui habite ici depuis 25 ans. Il travaille pour le gouvernement et s’occupe du sport à l’école. Il aime énormément la vie en Dominique pour ses gens, la tranquillité, la nature. La seule difficulté, nous dit il, c’est qu’ici on ne gagne pas beaucoup d’argent, et la vie est quand même assez chère. Il n’est donc pas simple de vivre complètement relax. Il nous dépose à Cottage, nous marchons sur la petite route au travers de la forêt où poussent pamplemousses, mangues, cocos, c’est beau, tout ce vert. À chaque personne rencontrée, un sourire, un « enjoy your day », (profite de ta journée) un « take care », (prenez soin de vous) , un « have a good day », (bonne journée). Ce sont les premiers mots que Nina s’empresse de répéter pour être au point à la prochaine personne croisée. Les premières impressions sont qu’on se sent bien ici, à l’aise, détendu. Les oiseaux piaillent, même le nôtre d’oiseau, le Kévin, espèce endémique de Ronchon, qui n’arrête pas de demander si nous pourrons faire du stop à la prochaine voiture ! D’ailleurs, elle est là la prochaine voiture, un pick-up, conduit par un rasta avec 3 Françaises à l’arrière roulant un joint de Marijuana. Ah oui, c’est ça aussi la Dominique, l’herbe circulant facilement, même si c’est complètement i-llé-gal !!! Nous montons à l’arrière du pick-up et le rasta nous dépose à l’embranchement de deux routes en nous disant, c’est celle de gauche. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me semble bizarre. Je demande à d’autres personnes au bord de la route, confirmant mon intuition, c’est bien celle de droite. Il ne faut pas toujours faire confiance au rasta. Nous terminons notre route jusqu’au début du sentier dans un bus. Notre équipe se prépare à la marche, on met les chaussures, on mange des fruits secs, on regarde la carte. On ne sait pas trop si nous arriverons au terme de la rando avant la nuit ou pas. Nous longeons la côte, la rencontre de la mer Caraïbe avec l’océan Atlantique. Les alizés soufflent fort, ça moutonne. On voit très nettement les Saintes et la Guadeloupe. Le chemin s’enfonce dans la forêt, parmi les fougères arborescentes, les cocotiers (on voit d’ailleurs plein de cocos germées sur le chemin) et plein d’autres arbres que je ne connais pas. On reconnait quand même les feuilles papier toilette déjà vues en Guyane, autrement appelées les mélasto-matacées, et tiens, je reconnais cette odeur. Justement le bois d’inde dont nous avons vu les feuilles tout à l’heure. 6 LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Nous longeons une rivière et apercevons une petite cascade. Je propose de nous y baigner, mais Nina et Kévin ne sont pas motivés. On continue notre chemin. Charles en tête, Nina en deuze et Kévin et moi à l’arrière. On entend Nina crier puis plus rien. « Nina, tout va bien ?? » « Y’a un serpent ! » On la rattrape et effectivement un long serpent violet foncé est en travers du chemin. Il mesure plus d’un mètre et a des taches jaunes, mais que sur le premier tiers du corps. Nous l’observons et le prenons en photo. Nous apprendrons par la suite qu’il faut se méfier de ce serpent, qu’il peut se dresser et mordre, mais il n’est pas mortel. Il n’y a d’ailleurs pas d’animaux mortels en Dominique. On y trouve seulement le boa constrictor, qui peut tuer mais seulement par étouffement. Le chemin est très bien balisé. On aperçoit des marques jaune et bleu partout. On pique-nique tout en haut du sentier que nos montons depuis 1h30. Pause sur un banc, en plein vent. On entend de la musique, des percussions, sûrement le carnaval. On s’imagine un village, ou le vent qui transporte les sons à travers le relief escarpé. Soin des premiers bobos, et on repart. On descend et découvre un jardin cultivé. Tellement contents d’y voir des pamplemousses, des mangues, des oranges que nous nous engageons sur le chemin de gauche. On ramasse les fruits à terre et on continue à descendre. Le chemin se rétrécit et nous ne voyons plus de balises. Bizarre !! Et si on s’était trompés ?? On décide de tout remonter jusqu’au jardin. Demi-tour ! Effectivement nous retrouvons notre chemin, large et balisé. Tel le chant des sirènes, la vue du jardin nous a tellement emballés qu’on en a oublié nos marques. Nous continuons le chemin, Kévin à la trace de Charles, et Nina et moi, à l’arrière, nous discutons en marchant, mais Nina s’est rajouté une difficulté, elle mange un pamplemousse. Pas facile de faire trois choses en même temps ! Il est presque 16h et nous apercevons des maisons. Nous arrivons au bout du sentier. Kévin est trop heureux: « On l’a fait, on l’a fait ! ». Charles relativise en disant que ce n’était que 8km ! Objectif désormais, trouver un endroit pour dormir. Les premières personnes à qui nous posons la question nous disent que nous pouvons nous installer dans n’importe quel endroit qui nous plaît. Nous empruntons la route qui monte et une dame nos informe que tout en haut de la route il y a « Cold Soufrière » avec un carbet pour installer nos hamacs. C’est parti, on grimpe, on grimpe, Kévin désespère, Nina est derrière mais a le sourire. Ça continue de grimper et on ne voit pas la fin de la route. On aperçoit une cabane de jardin en tôle sur le côté. Charles visite, il y a moyen de dormir ici. On hésite. Je suis gênée de m’installer sans autorisation. Il n’y a personne autour. J’essaie d’arrêter deux voitures, mais peut-être que je leur fais peur, ils tracent. Un bus arrive à fond, il pile. Il nous dit que le propriétaire du jardin ne nous posera pas de problème si nous dormons dans sa cabane mais que sinon, à Cold Soufrière, nous serons beaucoup mieux sous le carbet. Ok, on se concerte, verdict, let’s go to Cold Soufriere ! On reprend la grimpette. Tout en haut, nous voyons la mer des deux côtés. Il faut encore marcher. On commence à en avoir plein les claquettes et même ras la casquette pour Kévin ! Mais voilà que nous y sommes, Cold Soufrière, sa rivière, on va pouvoir se laver… Surprise, il y a bien un carbet, bonne nouvelle, mais de rivière point ! Seulement des flaques d’eau bouillonnantes sentant l’œuf, pourri je rajouterai ! Seule Nina se risque à une baignade-lavage dans les flaques. Le lieu est sympa, sinon, et on accroche les hamacs, on part en mission bois pour le feu et on attaque la cuisine. Ce soir, pâtes chinoises-kwak aux épices créoles… Un délice ! Charles est un peu soucieux du nid de chauve-souris au-dessus de nos hamacs, mais une fois couché, elles étaient toutes parties. Il est 20h30 à la montre de Kévin, chacun regagne son hamac. Demain nous allons voir Ginette. Kélig 7 LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Mercredi 13 Janvier, réserve caraïbe. Nous émergeons de nos hamacs à l’abri du carbet Cold Soufrière. J’ai trop bien dormi, je me sens en forme. Mais pas de chance, le vent renverse notre gamelle d’eau chaude et n’ayant pas beaucoup d’eau, on va faire sans. Tant pis, pas de boisson chaude pour ce matin. Aujourd’hui avec mon équipe nous voulons aller dans la réserve Caraïbe, en espérant que la famille que connait Kelig s’y trouve. Donc on se met en route sans plus tarder. Il y a une trotte pour y aller ! Quand un taxi ou une voiture passe, on l’arrête « Hi, can you drive us to Caraïbe reserv ? » et hop, on saute dans le pick up, ou on s’installe dans le minibus. Vers 13h30, Crayfish river n’est plus très loin. Un dernier petit coup de stop, et nous voilà arrivés chez Ginette Lucia. Kelig a tout de suite reconnu son échoppe. Ce sont des souvenirs locaux fabriqués par des Indiens Caraïbes, il y a également des fruits et légumes de son jardin. De jolies peintures ornent les murs, et Kelig nous montre celle qu’elle a peinte avec Morgane et Juliette lors de son dernier passage. Ils ont une très grande famille, ils vivent tous ensemble. PORTR AIT DE BOWERS... Par Ch ar le s Il y a les parents, Ginette et Bowers, qui ont eu 5 enfants. Je visite leur terrain, parle un moment avec un de leur fils, Anthony. Je m’intéresse aussi beaucoup à Bowers et son travail et sa façon de penser. Il cultive plein de choses, oignons, fruits à pain, dachine, bananes, cacao, café, etc. Bref plein de fruits et légumes qu’ils vendent et qu’ils mangent. La vie en Dominique c’est cher et c’est pour cela que Bowers, 65 ans, né en 1948, ici même à Crayfish river, veut que ses enfants n’aient pas besoin de faire de crédits, ou de se ruiner la santé au travail pour subvenir à leurs besoins. Ils ont tous une maison en construction, sauf Anthony qui a fini la sienne, et leur deux filles qui vivent chez leur mère. Je demande à ses garçons pourquoi ils ne peuvent pas terminer leur maison en dur : les matériaux coûtent très cher et ils n’ont pas beaucoup d’argent. Je discute longtemps avec Bowers, pose des questions, mais quand j’aborde le sujet politique et économique, il emploie des mots trop compliqués, je ne comprends rien ! Il est content, du moment que sa famille ne manque de rien, que tout le monde a une place où dormir, de quoi manger, qu’ils se portent bien ! Il aime aussi travailler dans son jardin, se fiche pas mal de ce qu’il mange, d’ où il dort. Il lui faut peu pour être heureux. C’est un personnage très touchant, intéressant. En même temps que je parle avec lui, on voit le carnaval défiler dans la rue en contrebas. Ça ne l’intéresse pas, il me dit: « Là, il y a des gens qui sautent partout, qui se saoulent, et après ils vont à l’église, se faire pardonner leurs péchés, c’est ridicule ! ». Lui il ne boit pas, il fume juste un peu, le soir. Il trouve que le carnaval, ça n’a pas de sens, et moi je trouve que cela ne lui correspond pas du tout. Il me parle d’un gros accident qu’il a eu a l’âge de 40 ans. Une voiture l’a renversé, l’a grièvement blessé. Les médecins qu’il a consultés lui ont tous dit: «Tu ne pourras plus marcher, c’est foutu !». Il s’est donc tourné vers un busch doctor. Un an de soins lui a été nécessaire pour retrouver l’usage de ses jambes, de son corps. C’est grâce à de multiples soins : massages, cataplasmes, tisanes, bains et un peu d’exercice, qu’il a pu de nouveau marcher, « s’est senti fort » (en créole), et surtout grâce aux plantes. Il a appris leur usage, et actuellement, il est également un busch doctor. Il fabrique de la snake oil, huile de serpent, coconut oil, huile de coco, pour soigner les douleurs corporelles. Ce soir, on dort dans la maison d’Anthony, ce soir avec Nina on cuisine, on se régale de bonnes pâtes, de fruit à pain frit, et en dessert, des bananes avec du chocolat fondu. Nickel, on est au top ! Après le repas je me fais une toilette, je bouquine. Dehors, il y a une pluie battante. Je suis trop content qu’on soit bien installés, au sec, à l’intérieur. Je m’endors paisiblement. Charles. 8 PORTR AIT DE GENETTE... Par Ni n a Genette, c'est une femme souriante qui a la joie de vivre et qui la transmet. Elle a un enfant, Anthony, qui s'est montré possessif avec moi. Comme moi j'aime pas être possédée, surtout avec quelqu'un que je ne connaît pas, j'en ai parlé et ça s'est arrangé. Elle a un autre enfant, un mec, Bronze, qui bosse dur pour sa maison ! Lisa, qui est handicapée mais qui le vit très bien et sa famille aussi. Bowers le père travailleurs, Egenette 25 ans toujours chez elle. C'est une famille normale qui vit bien avec un grand jardin de pleins de choses. Bonnes bananes, mangues, muscades etc. Ce qui m'a touché c'est quand Genette m'a dit que partout où je suis je serais la bienvenue, "You are welcome, you are welcome !" disait-elle, et que plus tard j'aurais un big big big copain et que ce sera le bon et que j'aurais de beaux enfants avec. ça touche. Nina. LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Jeudi 14 février, chez Ginette. Je me réveille et je vois Anthony faire rôtir des fruits à pain dans le feu. Je descends en cherchant Kelig qui lave la vaisselle, et je dis bonjour à Ginette. J’ai été conduire Lisa à l’école spécialisée. Les enfants étaient marrants et Lisa était contente. Quand on retourne chez Ginette, je reste tout le temps avec elle. Elle me donne plein de choses (colliers, attrape doudou, des fruits…) On est allés à la boutique, et chercher des œufs dans le poulailler. Quand Lisa revient de l’école, Ginette nous a préparé à manger. Après on part en direction de chez James, un copain de Kelig. Mais moi je n’avais pas envie de partir, parce que j’étais bien chez elle. Un peu comme une tatie. Chez James, au début, il n’était pas là. Un monsieur nous a fait monter dans la forêt et nous montre une chambre pour poser les hamacs. C’est trop cher pour nous alors on décide d’installer notre bâche, mais finalement on trouve un meilleur emplacement, sous une maison en bambou. Après on prépare à manger dans la cuisine de la forêt. On rencontre une famille de Français très sympas. Nina et Charles nous font des chips au feu de bois. Après nous allons dormir dans nos hamacs. Kevin. Sur le chemin pour aller chez Jem, nous avons été pris en stop par un chauffeur de camion, conduisant sable et gravier sur un chantier. Il me disait qu’il gagne 2600 dollars EC par mois en travaillant 5 jours par semaine, ce qui équivaut à environ 900 euros. Il m’a précisé que son salaire était plus élevé que la moyenne car il y a peu de travailleurs ayant le permis poids-lourd. 9 LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Chez Jem : Le matin de notre départ, j’ai pu discuter un peu avec Jem. J’apprécie toujours ces moments avec lui, car il connaît bien la Dominique et en plus il parle français. C’est quand même plus facile pour échanger. Il me disait que depuis 2 ou 3 ans, le gouvernement de Dominique était beaucoup moins exigeant envers le développement touristique. Avant, sur le site officiel de l’île, il était clair que le pays cherchait des investisseurs en écotourisme, maintenant, à partir du moment où les investisseurs apportent de l’argent, il est possible de tout construire, hôtels de luxe avec plein de lumière, thalasso… On y met à la rigueur une éolienne et quelques panneaux solaires pour se donner bonne conscience, mais voilà tout ! Autre nouvelle, les Chinois investissent à fond en Dominique, ce sont les champions de la construction : les routes, les écoles, les hôpitaux, pas de problème, les Chinois sont sur le coup ! D’ailleurs, selon Jem, ça évolue très nettement dans les domaines de la santé et de l’éducation. Et puis, le projet de géothermie, à l’étude depuis déjà quelques années verrait le jour d’ici deux à trois ans selon lui. La Dominique serait alors alimentée à 100% avec les énergies renouvelables. Elle l’est déjà à 70% grâce à l’hydroélectricité. Kélig. Vendredi 15 février : Ce matin-là, je n’arrive pas à me lever. Kélig vient me chercher pour me relever. Une fois levée, j’enlève mon hamac et mon duvet et je viens à table prendre mon petit-déj. Je vois Kélig, Charles et Kévin manger. Je range toutes mes affaires, mon sac est prêt. Je me fais un petit-déj rapidos ! Pain, céréales, ça passe crème. On range tout en faisant en sorte de ne rien oublier. Aujourd’hui nous aimerions aller à Hot Soufrière, le chemin passe dans la forêt. On va se renseigner. Pour info, pour ceux qui ne le savent pas, c’est une rivière d’eau chaude et comme l’indique son nom, elle est très soufrée ! On descend, on dit au revoir à Jem, un ami de Kélig. Nous discutons un peu, on le paie pour la bonne nuit que l’on a passée et pour la cuisine qu’il nous a prêtée. On lui donne 50 dollars et on repart, on fait du stop. Une voiture nous amène devant le chemin de randonnée. On marche. On croise les autres randonneurs, Cristobal, Evo, Théo. Ils reviennent de Victoria Falls. On leur dit: « C’est marrant, nous aussi on y va ! ». On se sépare, tchao les amis, on se revoit au bateau. On arrive, des rastas du Zion nous accueillent, on se dirige vers la rivière, il y a un qui fait sa lessive. Il nous dit que le chemin que nous voulons prendre est dangereux. Changement de programme. On va voir la cascade, on prend juste un sac à dos. On marche sur les rochers, traverse la rivière une centaine de fois pour arriver au final à la chute, elle est grande. Là où s’écoule l’eau, il y a un bassin. J’y vais, me presse, glisse et tombe, on s’en fout ! L’eau tombe puissamment, on dirait un hélicoptère à l’atterrissage. Il y a beaucoup de vent, je me les pèle, l’eau est glacée. Je descends un peu plus bas dans un bassin un peu plus tranquille. Je fais ma lessive et me lave. Charles est content. Kélig et Kévin aussi je pense. On mange un sandwich sucré car on n’a plus rien. Pâte d’amande, BN, pruneaux et voilà qu’on repart, c’est beau, on marche sur les rochers, on retraverse la rivière plus de fois. On arrive le soir, on n’a plus rien à manger. Alors Charles et moi, on y va, on parle et dans le chemin, on se regarde. Une odeur de beue nous arrive dans le nez. On devient un peu taré. Il y a des plantations. En haut du chemin, il y a une épicerie. On achète des pâtes et un peu de viande. Pendant ce temps, un homme, un rasta vient vers Charles et lui dit: « Tiens, fume ça ! », un joint qu’il venait d’allumer et un autre tout roulé « pour la demoiselle ». Oui, on les a fumés, oui on les a acceptés et pour finir, oui on a fait les cons. En fait, j’ai pas grand-chose à dire sur ça à part que c’est dommage. Je n’ai pas de regrets, mais je redoute la réaction de mes éducateurs. Je veux juste qu’il comprenne que je n’ai pas trahi leur confiance, qu’ils comptent beaucoup pour moi et que c’est grâce à eux que je suis ici. Leur amour et leur confiance est ce qu’il y a de plus précieux pour moi… Je les aime beaucoup ! Nina 10 P ORT R AIT DE MOSES ET LES R A STA S . . . Pa r Kél i g Chez les rastas : Ce fut ma première fois à Victoria Falls. Je n’avais pas encore rencontré cette petite communauté rasta. Trois Français étant déjà installés sous le carbet au bord de la rivière, (nous apprendrons plus tard que ce n’était en fait que Ludo, Simon et Mike), rasta Moses, le boss du lieu nous propose d’accrocher nos hamacs sous sa terrasse couverte à côté de la chambre des enfants. Très bonne idée, car cela nous a permis de discuter plus facilement avec lui, au cœur de la famille. On se rend compte tout d’abord que nous avons des amis en commun, mais dommage, ils ne sont pas en Dominique actuellement. Mon regard se pose sur une affiche accrochée au mur. Conférence à Lyon avec Rasta Moses, bush doctor, qui présentera son livre « Zion valley herbal medecine ». Vous pensez bien qu’il n’en faut pas plus pour que mon cerveau et ma curiosité se mettent en marche. Un tas de questions surgit. Devant tant de curiosité et de questionnements, Moses me met le livre dans les mains ; c’est le seul qui lui reste. Le stock est pour le moment épuisé. Ce livre est à l’initiative d’un français et ami de Moses, Olivier Pizzighini. Il a voulu que le savoir de Moses ne parte pas en fumée comme son herbe. Laisser une trace… Il a donc mis en image, en page, les textes de Moses et sa famille sur la religion rasta et ses connaissances pointues de la médecine-feuille, comme on dit en créole. Le livre est illustré par de très jolies aquarelles et croquis au crayon de cet Olivier Pizzighini. Faute de pouvoir acheter ce livre, je vais essayer de vous retranscrire ce que j’ai retenu de son contenu ainsi que les commentaires et compléments de Moses, assis à côté de moi, sirotant sa Kubuli et fumant son herbe. Tout d’abord ce Moses, Moses James, né en 1950 et fils d’une tribu de 14 enfants. Il vit sur le domaine au côté de deux de ses frères, Rasta Plow ou Man of the Land et O’Farel. Ses deux fils l’entourent, Israël et Junior, qui est lui marié à une autrichienne, Christine. Tous les deux sont parents de trois enfants, Edonijah (9 ans), Shashamane (7 ans) et Edia Marie (5 ans). Trois enfants à l’énergie débordante que le grand-père, Moses, essaie de canaliser. Il est très attentionné avec eux et ils passent beaucoup de temps ensemble. Moses est aussi et surtout un bush doctor, c'est-à-dire qu’il connaît toutes les vertus médicinales des plantes. Elles poussent toutes dans son jardin. Il soigne bien entendu sa grande famille et on fait appel à lui dans le village pour des conseils. En plus de ses connaissances des plantes, Moses est accoucheur pour les femmes. Il a désormais transmis son savoir à son fils Junior qui a pu veiller sur les trois accouchements de sa femme dans la petite case en bois. Chaque jour, Moses fait un petit rituel à la rivière, comme une prière à la nature, à Jah, et en retour il reçoit chaque fois un signe. C’est l’esprit de la rivière qui lui fait secouer ses locks. Moses vit selon les quelques principes de la religion rasta. Oui car le rastafarisme est avant toute autre chose une religion qui est apparue en Jamaïque dans les années 70, à la fin de la colonisation et au départ des blancs de la Caraïbe. Certains ne veulent plus de l’influence occidentale, dont le catholicisme. Il faut trouver un autre dieu, une autre religion. Ils se tournent alors vers l’Afrique, la Terre Mère et son seul pays qui n’est pas été colonisé, l’Ethiopie. Son empereur, du nom de Hailié Selassié, couronné en 1930, serait un descendant du roi Salomon. Le lien avec l’histoire biblique est fait. Par la résistance adoptée face à l’occident, Hailé Selassié est considéré comme le messie. Il va donc devenir le roi des rois, le guide, être la référence de cette nouvelle religion. Hailé Selassié se fait appelé Ras Tafari, la tête créateur. La nouvelle religion s’appellera donc le Rastafarisme. Le Dieu adulé portera le nom de Jah, dérivé de Jéhovah. La Bible reste tout de même la fondation du Rastafarisme, mais pas la Bible que nous connaissons, celle qui fut réécrite dans les années 70 (je ne me souviens plus de l’auteur, mais il était noir américain je crois) et qui démontre que 11 P ORT R AIT DE MOSES ET LES R A STA S . . . Pa r Kél i g Dieu et ses disciples étaient tous noirs. Selon l’un des principes de la Bible et donc de la religion Rasta, Jésus aurait dit: “Tu ne passeras point de rasoir ni de peigne dans tes cheveux”; les rastas portent des dreadlocks, ce qui veut dire, nœuds terrifiants. C’est aussi un refus des normes esthétiques de la société occidentale. Les rastasmans mangent aussi ital (prononcé aïtal), ce qui veut dire pas de chair, pas d’œufs, pas de poissons. Ils disent d’ailleurs que le monde moderne devrait arrêter de manger tous ces animaux malades et pleins de médicaments. Et enfin, il y a la ganja, qui est pour eux la source juste, le Saint sacrement du rastaman. Herbe de la sagesse qui aurait poussé sur la tombe du roi Salomon. Après avoir fumé, le rasta atteindrait l’état de contemplation nécessaire à la prière. Herbe qui serait tout de même bonne pour la vue, les glaucomes, l’asthme, la névralgie, la dépression, l’insomnie. Juste pour information, elle pousserait très très bien aux côtés de l’aloé véra. Le mouvement rasta s’est répandu rapidement dans la Caraïbe au tout début des années 70 et les rastamans n’étaient pas toujours bien vus par les autorités, car trop en marge du sens commun. C’est pourquoi en Dominique, en 1974, sous le gouvernement répressif de Patrick John, une loi anti-rasta est apparue, qui donnait le droit aux citoyens de tirer à vue sur les rastamans. Beaucoup d’entre eux à ce moment ont coupé leurs dreadlocks, ont fait de la prison ou sont allés se réfugier dans le Zion (ancien mot hébreu signifiant refuge), c'est-à-dire la nature, la forêt, pour organiser la résistance. Ce gouvernement est tombé en 1979. Kélig LES CONSEILS DE MOSES... Quelques conseils et connaissances de Moses : Toujours semer quand la lune décroît, car selon lui, si tu suis le calendrier de Babylone (comprenez l’occident, le monde moderne), tu seras toujours en retard sur la nature. Pour faire la cuisine au feu de bois, toujours installer trois pierres, ça éloigne les mauvais esprits. ET SES PLANTES... Par Kélig Vertus des plantes : La sensitive stimule le système digestif. (à gauche). La sauge : très bon pour les maux de ventre, en tisane. C’est une herbe de purification, sa fumée nettoie l’aura. Selon Moses, il est bon de se connecter avec l’énergie de cette plante en en fumant les feuilles séchées. L’aloé véra : Soulage l’eczéma, les plaies et les brûlures. L’ortie : en tisane, nettoie le système circulatoire et soulage l’urticaire (en cataplasme j’imagine). La chicorée : Excellent pour le foie. La citronnelle : En tisane, très bon contre l’état grippal. La cannelle : Avec une tisane de feuilles, calme les nausées et les diarrhées. 12 LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Le thym donne du courage et chasse les cauchemars. Il aide aussi à la régulation du corps. (à gauche). Le gingembre est un stimulant comme tout le monde le sait, mais il est aussi très bon contre les coups de froid et fièvre. Le plantain est bon pour les yeux. C’est aussi un laxatif, un anti-inflammatoire, un antiseptique. Le chardon béni est bon pour les infections intestinales et associé à de la verveine rouge, il est excellent contre les crises d’épilepsie. Le romarin est un bon antiseptique. (à gauche) L’aneth soulage les douleurs gastro-intestinales. Le basilic est un antiseptique, un anti-nauséeux et pour les jeunes mamans, il stimule les montées de lait. Kélig LE P ORT R AIT DE LA R I V IÈR E BLANCH E . . . Pa r Kév i n Je ne sais pas parler anglais alors je fais le portrait d’une rivière, la Rivière Blanche. C’est une rivière qui part du Boiling lake, elle est blanche, car il y a du soufre dedans. Elle descend les montagnes et traverse les forêts. Après, elle forme une super grande cascade, qui s’appelle Victoria falls, je me suis baigné dedans, il paraît que c’est bon pour les boutons. Ensuite, elle continue son chemin jusqu’à la mer. Dans la rivière, on peut faire la lessive, se baigner, pêcher des écrevisses. En tout cas, moi, j’en ai vu plein, des rivières, en Dominique. Elles sont belles et très claires. Kévin. 13 LA R ANDO DE CHARLES, NINA, KÉVIN & KÉLIG Le 16 février : (dernier jour de rando) Ce matin, nous quittons Moses et la communauté rasta de bonne heure. 7h, nous décollons, sacs au dos, remontant le chemin jusqu’à la route. Kévin, subitement se rappelle avoir oublié sa casquette. Il pose son sac et court de toutes ses grandes jambes pour le récupérer. C’est en plus un cadeau de Théo, alors pas d’hésitation. Kévin nous rejoint et nous montons dans un bus pour Grand Bay. Ce matin, nous avons envie de nous baigner dans une source d’eau chaude à Soufrière. J’avais, dans un premier temps, eu l’idée de rejoindre Grand Bay à Soufrière à pied, par le sentier, mais notre taximan nous a tout de suite mis dans un autre taxi. Tout cela a été trop vite pour moi. Bus, marche, bus, marche, nous arrivons sur le site de Soufrière. Ce matin, je suis en pleine réflexion. Hier soir, Charles et Nina n’ont pas été réglo avec moi. Je leur ai fait confiance et apparemment, je n’aurais pas dû. Ça me questionne, mais pour le moment, je n’ai pas envie de leur parler, je suis déçue. Je les laisse à leur petit-déjeuner et je remonte à la petite rivière pour trouver de l’eau plus chaude afin de me vider la tête. Je me déniche une jolie flaque dans laquelle je peux m’asseoir avec une mini-cascade sous laquelle je plonge ma tête. Que c’est bon ! C’est chaud, ça détend, ça ramollit. Je suis dans la forêt, il n’y a personne. C’est très agréable ! Je peux redescendre plus sereine et attaquer une discussion avec mes compagnons sous le carbet. Je leur parle de la confiance, de la relation qu’il y a entre eux et moi. Charles est dépité et a peur de la réaction de Christophe et Nina appréhende la réaction de Thierry et Christophe. Nous reverrons cela au bateau, pour le moment il est important qu’ils aillent eux aussi se détendre sous l’eau chaude. J’en profite pour écrire. Il est 11h30, nous décidons de partir vers Roseau manger un morceau. Le budget de départ diminue, il nous faut calculer et compter chaque dépense pour qu’il nous reste assez d’argent afin de prendre le bus pour Portsmouth. Une glace, un snack, un jus ou une cuisse de poulet, c’est au choix (je suis la seule à avoir pris un jus) et nous voilà dans le bus pour Portsmouth. Ambiance sieste digestive ! Sur le chemin du bateau, je dépense les derniers dollars de la rando en achetant du pain. Voilà nous réembarquons tous les 4 à bord de Grandeur Nature, plus que 50 centimes dans mon porte-monnaie ! Randonnée agréable où j’ai repris contact avec la Dominique et appris de nouvelle choses. L’humeur en dent de scie de Nina, le manque d’autonomie de Kévin et le rapport à la confiance de Charles et Nina m’ont parfois pesé, mais ce fut largement compensé par les rencontres, les moments de rigolade, de satisfaction quand on grimpe et la beauté de la Dominique. Kélig 14 R ANDO THÉO, E VOLÈN E & CH R I STOP H E Du 12 au 16 Février. Premier jour : Départ de rando le 12. Nous partons du bateau vers 9 heures 30, pour aller de l’autre côté de l’île ! Nous partons de Portsmouth, pour rejoindre la baie de Wilford Bay, qui est à une trentaine de kilomètres d’ici. Nous marchons toute la journée et nous ferons une pause à Dos d’âne où nous achèterons une glace à la cacahuète, exquise ! Nous ferons la pause de midi dans une rivière... toute la marche, c’est vert, enfin c’est le Zion, la terre promise. Il y a plein d’arbres fruitiers (manguier, bananiers, pamplemoussiers,…), et de la citronnelle, pour le plus grand plaisir de Christophe. Nous arriverons à Calibishie tard, et nous établirons le camp ce soir un peu plus loin, sur une plage. Il y aura un beau coucher de soleil. Théo. 2ème jour : Le jour filtre à travers les feuilles du buisson sous lequel on est cachés. Le soleil incendie la vallée de l’autre côté de la baie, d’un bel orange, jaune voire ocre. Les vagues de l’Atlantique viennent s’échouer sur la plage. Une belle journée s’annonce, même si au premier pas en sortant du hamac, je prends conscience de courbatures ! Pas la peine de marcher longtemps pour qu’un pick-up nous prenne en stop. Il nous emmène jusqu’à Marigot. On achète une machette qui servira peu de temps après, car à la première pause, Théo commence à éclater les cocos ! Nous voilà vite avec une petite réserve. Mmmh… Quoi de mieux qu’un bout de coco à grignoter de temps à autres ! On démarre le Waitukubuli, c’est un chemin de rando qui traverse l’île du nord au sud. Nous, c’est juste un petit segment qu’on fait, celui pour rentrer dans la réserve des Indiens Caraïbes. Mais pas commode, le chemin ! Déjà, avant de trouver la bonne route, (parce qu’il n’est balisé que dans un sens) on arrive plusieurs fois dans un champ de bananes ou autres cultures. Et quand on le trouve, on galère. Sentier de chèvre, montée qui se rapproche de l’escalade… J’exagère, mais quand enfin on passe de l’autre côté de la crête, on ne sait plus marcher en descente. C’est vrai qu’avec le soleil qui tape et la chaleur de midi, ce ne sont pas les meilleures conditions. Du coup dans des moments comme ça, on n’est pas très sensibles à ce qui nous entoure, mais c’est très beau. Evolène. Au détour du Waitukubuli, nous tombons sur une série de carbets, dont un très grand avec des tables et une estrade. Mais tout est vide, et inutilisé. C’est un décor pour les touristes, pour leur montrer comment vivaient les Amérindiens avant… Je reconnais l’endroit, nous somme juste en dessous de Crayfish river, où vivent Ginette et sa famille. Mais ce soir, Kélig et son groupe y sont sûrement. Et s’ils n’y sont pas, nous ne voulons pas leur griller la politesse. Je me rappelle qu’il y a une cascade et un bassin où il fait bon se baigner après avoir bien marché, ce qui est le cas ! On se lave tous les trois, c’est agréable, je n’ai plus envie de repartir. Théo va se renseigner au bureau pour voir s’il est possible que nous installions nos hamacs sous un des carbets. Il revient en nous disant que c’est possible, moyennant, la modique somme de 100$EC. Et encore il nous fait un prix car cela devrait nous coûter 150dollars. Il ne reste plus qu’à reprendre le chemin et trouver un endroit pour la nuit. Arrivés à Salybia, nous demandons à un monsieur qui tient une échoppe au bord de la route où se trouve le chemin. Il propose de nous le montrer, rien à faire pour qu’il nous lâche, même une fois que nous avons rejoint le chemin balisé. 15 R ANDO THÉO, E VOLÈN E & CH R I STOP H E Il nous amène en courant à moitié jusqu’à l’église, puis au cimetière, puis à la rivière. En passant à côté du cimetière, il nous dit qu’il s’appelle John Stiven’s, qu’il a 67 ans, il nous montre la tombe de son père. Arrivés tout en bas, il nous tend la main et nous demande de l’argent. Il a fait un long chemin pour nous, je lui dit que je le remercie, que c’est gentil de nous avoir accompagné, mais que je ne vais pas lui donner d’argent ! Il insiste, je ne vais rien lui donner ? Je lui propose une poignée de main et mes remerciements, et il finit par partir. Nous cherchons un petit coin au près de la rivière, et nous décidons de remonter à l’église. Il y avait des maisons et une école vide. L’école est abandonnée, mais propre. Nous allons demander à une maison à côté la permission d’y dormir. Un monsieur nous montre où nous installer. Il habite lui aussi l’école ! Pour l’instant, le seul Dominiquais avec qui nous avons parlé, c’est ce monsieur qui nous a réclamé des sous. 3ème jour : 14 février 2013 Il a plu au moins quatre fois dans la nuit et un peu ce matin, contents d’être à l’abri dans l’ancienne école de Salybia. Nous remontons sur la route direction Castle Bruce. Nous sommes pris en stop par la directrice de l’école de Sineku, puis par un élu du parlement pour la réserve indienne. Il nous explique que dans la réserve il n’y a pas de propriété privée. La terre appartient à tous. Nous parlons aussi des Haïtiens qui sont nombreux dans l’île. Il nous dit que s’ils viennent là, c’est qu’ils n’ont pas le choix et qu’il est normal de les accueillir ! Il trouve même que les Dominiquais devraient plus s’inspirer des Haïtiens car ce sont des gens courageux et très travailleurs. Des vertus qui se sont un peu perdues d’après lui ! Lui, il est admiratif des Haïtiens, le problème, c’est les passeurs et cette économie souterraine ! Je trouve son discours intéressant et pas si courant que cela ! Malheureusement nous sommes arrivés à Castle Bruce, il nous dépose en face du plus grand supermarché du village où nous n’achetons rien, nous trouvons du pain dans une maison et nous prenons la route de Saint-Sauveur, après une pause coco jaune (vive la machette !). Nous sommes pris par un agriculteur de Saint-Sauveur, il produit de l’essence de bois d’inde qu’il vend en Angleterre. Ensuite, nous sommes pris par un pick-up qui livre des sacs d’engrais. Il nous dépose en haut de Petite Soufrière, petit village où cannelle et fèves de cacao sèchent au bord de la route. On descend tout en bas et nous mangeons au bord de la rivière avant d’attaquer la piste qui mène à Rosalie. En fait, il s’agit d’une montée qui devait relier Rosalie. Pour l’instant c’est une piste en terre de 6 mètres de large sur 2 ou 3 kilomètres, puis cela s’arrête d’un coup pour devenir un simple petit sentier. À Rosalie, nous cherchons où les tortues viennent pondre. Il y a une petite cabane au bout d’un grand complexe hôtelier. Un homme d’entretien nous dit que la saison des tortues, c’est mars et avril. On demande s’il est possible de dormir dans la petite cabane un peu délabrée, mais les employés nous disent qu’il faut demander à la direction de l’hôtel ! Evolène insiste pour que l’on reprenne la route, je suis crevé, mais il n’est que 16h. On repart donc avec l’idée de faire du stop et de se rapprocher de Délice et de Victoria Falls. Nous sommes suants et puants après nos deux heures de marche au soleil ; heureusement, nous sommes pris par des pick-up, donc dans le hayon ! Un rasta qui nous prend sur quelques kilomètres à La Plaine nous dit que l’on peut dormir chez d’autres rastas à la White River. Il nous marque leur nom sur un papier. Le dernier pick-up qui nous prend nous dépose au début du chemin qui y mène après s’être 16 R ANDO THÉO, E VOLÈN E & CH R I STOP H E renseigné sur ces fameux rastas auprès de la pompiste de Délice. Si les renseignements avaient été mauvais, il nous aurait ramenés chez lui à La Plaine. Au bout d’un petit chemin, quelques maisons et un vieux rasta qui nous dit que oui c’est là, nous sommes arrivés ! Il nous propose de dormir sous une terrasse avec nos hamacs ou sous le carbet d’accueil. Nous choisissons le carbet qui est au bord de la rivière, ce qui veut dire que l’on peut se laver, s’installer et préparer notre repas. Demain, nous leur donnerons un peu de sous pour la nuitée. Mais l’endroit est superbe avec ses deux rivières et tout au bout, nous attend la chute Victoria. Christophe « We have often lost the trail, but not the way » Un réveil chez les rastas avec, cette fois, le glouglou de la White River et le chant des oiseaux en bruit de fond. On se met rapidement en route pour aller à la cascade Victoria. Rasta Plow nous rappelle qu’il faut rester près du lit de la rivière, le chemin reste entremêlé. Finalement on suit tellement son indication qu’on fait du canyonning la moitié du temps ; mais peu importe, c’est tellement bien de se balader ici. Au début on essaye de ne pas se mouiller, mais à force ce ne sont plus les mêmes critères, l’ambition régresse et la priorité passe au chemin le plus pratique. À ce jeu une seule règle, ne pas se faire mal. Théo et Christophe sont devant, quand à mon tour j’escalade un gros rocher et je vois la cascade dans toute sa splendeur, je suis ébahie. C’est magnifique. À une trentaine de mètres au dessus, la rivière se jette dans le vide comme une avalanche de neige et atterrit en bas dans un bassin où l’on va se baigner. On est comme dans un trou, la végétation vert éclatante est partout, les lianes tombent d’en haut, le soleil arrive dans notre champ de vision et des arcs-en-ciel se forment avec la brume que crée la cascade. En regardant en haut, j’ai l’impression de voir des milliers de gouttes en suspension tomber lentement. Je crie à Christophe qui est à l’eau: « J’ai jamais vu un truc aussi beau de ma vie ! » Je ne sais pas s’ il a entendu avec le bruit assourdissant que fait la cascade, peu importe, j’essaye de profiter du moment, je me remplis d’énergie. On rentre plus facilement qu’à l’aller, on découvre des bouts de chemin au fur et à mesure. On récupère les sacs. On discute un peu avec un des frères rasta, il est plus compréhensible qu’hier soir. En repartant, on croise le groupe de Kélig, Nina, Kevin et Charles, on se résume quelquesunes de nos aventures et nous continuons notre route. Pas de passage, on rêve d’une voiture qui passe et nous prenne, on délire même pour que ce soit un camion de glaces. Evolène On descend la petite pente de Délice vers la mer, mais après, la route remonte raide, on décide de faire du stop… Des Guadeloupéens en vacances nous prennent, ils sont déjà trois, on se tasse à quatre à l’arrière. Ils nous font faire un long bout de route et nous déposent au croisement entre la route de Roseau et Grand Bay. Je les remercie en leur disant qu’ils nous ont sauvé la vie ! 17 R ANDO THÉO, E VOLÈN E & CH R I STOP H E On cherche du pain à acheter, on nous dit qu’il faut aller jusqu’au centre de Grand Bay. Evolène, qui était derrière, fait du stop, et un papi nous dépose dans l’allée principale. Pas de pain dans les magasins, mais des beignets et du poulet frit. Nous les mangeons et échangeons quelques mots avec un Haïtien, qui essaye de me convaincre qu’il est Dominiquais. “Regardez c’est ma maison”, il me montre une ruine ! Nous reprenons la route vers Soufrière, elle monte, monte, jusqu’à Tête Morne. Et il y a des maisons jusqu’en haut de la colline. Cela monte raide, Evolène traine les pieds. Une mamie a pitié d’elle, elle arrête un pick-up qui nous fait un bout de montée. Tout en haut, la route devient un chemin, nous retrouvons les marques jaune et bleu du Waitukubuli…Superbe vue sur la baie de Soufrière, avec même des bancs et des carbets pour se reposer ! Le chemin descend raide au milieu des arbres, il est un peu trempé et glissant, après l’énorme grain qui est passé pendant que nous mangions à Grand Bay. En bas de la vallée, cela sent le soufre. Nous arrivons aux sources d’eau chaudes. Mais les trois petits bassins sont vides, seul le grand est rempli. L’eau n’est pas trop chaude, et mes camarades font un peu la tronche ! « C’est ça les sources d’eau chaude ?» L’eau est couleur rouille, et elle sent la rouille ! Après la marche, c’est quand même très agréable de se tremper dans l’eau, et Evolène finit par se laisser convaincre au moment où on s’apprêtait à sortir. Ensuite vient la cogitation sur où on va. Evolène est cuite, elle préférerait descendre jusqu’au village de Soufrière, Théo ne sait pas trop. On décide d’aller demander si le domaine de Bois Côtelette est loin, et on nous répond que non. On décide d’y aller, et on y va en 40 minutes. Christophe. Le domaine de Bois Côtelette est une des plus anciennes plantations françaises en Dominique. Le domaine était abandonné jusqu’à ce que Jonathan et sa famille le rachètent. Le terrain fait 53 acres, ce qui vaut 21 hectares. Nous y sommes arrivés à 17h30, la famille était assez surprise de nous voir ! Leurs chiens nous ont aboyé dessus. Ils ont mis un peu de temps à comprendre que nous voulions y dormir, au début ils ont voulu qu’on dorme dans leur poulailler, mais ils nous ont prêté leur tente 8 places, finalement. Leur fille, qui s’appelle Emma, nous aide à mettre la tente en place, nous passons la nuit avec beaucoup de vent à tel point que les sardines se décrochent. Le lendemain matin, Christophe prend du temps pour faire son portrait sur le père, Jonathan. Nous partons vers 11heures. Pour finir, leur projet c’est de réhabiliter le domaine, et de le faire visiter aux touristes. Ils cultivent café, et cacao. Il compte que dans deux ans, ce sera ouvert au public. Ce fut une belle rencontre. Théo 18 P ORT R AIT DE JON ATHAN . . . Pa r C h r i s t o p h e Portrait de Jonathan 47 ans. Nous avons atterrit au Domaine de "Bois Cotlette" pensant le trouver abandonné, comme il y a 3 ans quand Wilfried y étais passé en randonnée et qu'il avait sympathisé avec le gardien. Je ne m'étend pas plus sur l'accueil qui nous a été fait car Théo a fait un texte sur ce moment là. Le matin avant de reprendre la route pour revenir à Portsmouth, j'avais décidé d'interviewé John. J'ai passé une bonne partie de la nuit à faire dans ma tête les phrases en Anglais que j'allai lui poser! Car l'anglais ne me viens pas facilement, je ne le parle jamais. Quand je lui ai demandé, il m'a montré un fauteuil et il a dit: "Ok, Go!" Je lui ai demandé pourquoi la Dominique? Il était venu plusieurs fois pour son travail et il avait trouvé l'île fantastique, il a commencé à en parler à sa famille et il est revenu avec sa femme en vacances. En se baladant en voiture et en se perdant il est tombé sur ce domaine abandonné et il a dit:"je le veux!" Si j'ai bien compris aux Etats-Unis d'Amérique il a une société d'investissement. Il s'est renseigné sur le domaine, il appartenait depuis la fin du 18e siècle à la famille Below qui l'avait laissé à l'abandon depuis plus d'une vingtaine d'années. Il a acheté toute la propriété il y à 8 mois, 25 hectares, pour 1 million de dollars US. Il n'y avait plus que quelques bâtiments debout et des ruines envahit par la végétation, il a prévu d'investir la même somme pour tout remettre en état et en exploitation! Il a replanté plusieurs milliers de pieds de caféiers et de cacaoyers, qui ont toujours été la production du Domaine. Pour l'instant il récolte sur les anciens pieds encore en état, il faudra 4 à 5 ans pour que ceux qu'il a planté produisent. Son projet et de refaire entièrement les bâtiments comme ils étaient et d'y accueillir les touristes pour leur montrer comment ont cultive et fabrique café et cacao de manière artisanal, et de leur vendre le produit fini. Quand je lui fait remarquer que cela ne remboursera pas les sommes investit, il sourit et admet que s'il est venu s'installer avec toute sa famille, 3 garçons et 1 fille, c'est que le lieu et le style de vie lui plaît et qu'il pense que c'est le meilleur cadre pour vivre avec sa famille. Là je n'ai pas pu m'empêcher de lui parler d'un de mes livres préféré, d'un de mes auteur préféré: Radieuse Aurore de jack London, je lui ai expliqué que son "histoire" m'y faisait penser, je lui en ai conseillé la lecture! Je lui ai demandé si ses enfants avaient envie de devenir "Cultivateur"? Mais pour lui il ne s'agit pas de cela, mais d'agro-tourisme et d'accueil qui a vocation a faire venir des gens dans son domaine, donc des rencontres. Je lui ai aussi demandé s'il se sentait bien accepté par les Dominiquais. Il m'a dit qu'il avait de très bon rapports avec les gens du coin, il a déjà crée une dizaine d'emplois et ses enfants jouent avec les enfants de ses employés. Pour l'instant il n'y a pas de ligne électrique ce sont des panneaux solaires qui fournissent l'électricité il n'y a pas non plus d'arrivée d'eau, ni de rivière, ce qui est rare en Dominique, l'île au 365 rivière. Je lui demande pourquoi alors était installé là le plus grand domaine de la Dominique d'après les livres d'histoire? Il m'explique que les cultures du café et du cacao ne nécessitent que l'eau des précipitations et pas d'arrosage. il récupère aussi l'eau de pluie pour leur besoin, entre autre un jardin potager conséquent car ils veulent aussi faire table d'hôtes. pour l'eau potable ils doivent aller dans un village proche. Rentré au bateau j'ai lu qu'il y avait au Nord-ouest un autre domaine, aujourd'hui complètement en ruines, avec une source qui était acheminée jusqu'à Bois Cotlette. La ligne téléphonique arrive à 1/4 de milles de chez eux, mais ils ont installé une antenne relais donc ils ont internet ce qui permet aux enfants de faire l'école à la maison. La mer n'est qu'a 1 milles de la maison au bout de la vallée qui lui appartient en entier, et dans le temps il y avait un débarcadère pour les marchandises. ce qui m'a plut chez cet homme et sa famille c'est le fait qu'ils habitent sur place, dans des tentes, qu'ils se soient tous embarqués dans ce rêve! En partant je lui ai dit que je pensait qu'il avait fait le bon choix en en venant s'installer là, et que je lui souhaitait bonne chance pour ses projets! Cela lui a vraiment fait plaisir! Et que j'étais d'accord avec lui, c'était un très bel endroit! Cela l'a fait sourire, même si je préfèrais chez moi! cela l'a carrément fait marrer! Avant de partir j'ai fais une photo de toute la famille, on s'est serré la main et nous sommes partis! une chouette brève rencontre. Christophe. 19 R ANDO THÉO, E VOLÈN E & CH R I STOP H E Pendant que Christophe pose des questions à John, père de la famille américaine, je vais un peu discuter avec la fille, Emma, qui a mon âge. Elle me parle de leur vie, d’ici, où il y a seulement une pièce pour le travail scolaire, puis un carbet pour la cuisine et des tentes pour les chambres. Ils sont 4 enfants de 15,14,10 et 8 ans mais ne vont pas à l’école, les programmes c’est sur l’ordi, mais ils l’ont commencé en retard donc doivent avancer 2 fois plus vite. Elle et son frère aident souvent les 2 petits, ou parfois elle aide ses parents au jardin ou à la cuisine. Elle est contente d’être ici en Dominique parce que c’est beau mais ses amis lui manquent, et au début c’était difficile parce qu’elle ne connaissait personne. Elle aurait bien aimé retourner pour le lycée, mais ses parents ne sont pas trop d’accord. Dans le futur elle aimerait être médecin, ou écrire des livres, mais elle ne pense pas habiter en Dominique, parce qu’elle trouve l’île trop petite, il n’y a pas de grands hôpitaux, ou les études nécessaires pour ce qu’elle veut faire de sa vie. Evolène. Nous descendons à Soufrière pour trouver un taxi pour Roseau, sans savoir que le groupe de Kélig est là, lui aussi, dans les bassins d’eau chaude. À peine arrivés sur la route, un taxi nous charge en disant : « Roseau, Roseau !» et il part à l’opposé, à Scott Head, déposer quelqu’un. Il revient à fond à Soufrière, et fait toutes les rues, en klaxonnant, il veut à tout prix remplir son taxi. Il se décide enfin à partir pour Roseau, quasiment plein. Le conducteur est un vrai fou du volant, il ne supporte pas d’être doublé, surtout par un autre taxi qui pourrait lui piquer des clients. Nous sommes contents d’arriver entiers à Roseau ! Là, nous commençons par boire un bon jus mixé ! Nous nous mettons en quête d’un livre sur le Waitukubuli, nous finissons par le trouver dans une boutique pour touristes du front de mer, et du même coup nous trouvons le premier glacier. En cherchant un snack pour notre repas de midi, nous trouvons un deuxième glacier, il faut bien goûter ! Nous mangeons une galette jamaïcaine, accompagnée d’une boisson au gingembre…Bon, il est temps de trouver un taxi co pour Portsmouth mais en chemin nous tombons sur un troisième glacier, malgré nos estomacs pleins, nous trouvons encore le courage de continuer notre étude sur les glaces en Dominique ! Nous n’avons même pas fini notre glace 20 R ANDO THÉO, E VOLÈN E & CH R I STOP H E qu’un gars nous saute dessus en nous demandant si nous voulons aller à Portsmouth, je lui demande ce que cela coûte, il nous répond, le prix normal, 9$EC ! Je lui demande qui conduit, il nous répond que c’est son père, et que c’est un très bon chauffeur. Juste le temps de finir nos glaces et de jeter nos emballages à la poubelle. Et nous nous retrouvons dans un taxi, grand et complet avec nous ! En effet, la conduite est tranquille, on s’endort à moitié. On arrive au bateau, nous sommes les premiers rentrés. Voilà, l’aventure est finie, et pour les chaussures d’Evolène qui tenaient avec des élastiques depuis le matin, c’est aussi la fin. Elle termine pieds nus sur la plage. Christophe. C’était une belle rando, l’ambiance n’était pas trop mal entre nous, tout s’est passé comme on le voulait, la seule déception serait qu’on n’a pas fait beaucoup de rencontres, il faut sûrement un peu plus de temps pour ça. Mais sinon, la Dominique, c’est une cascade de beauté ! Evolène. C’était beau, c’était agréable de marcher au milieu de toute cette verdure, tout m’émerveillait, la végétation, les couleurs. Le stop a tout le temps marché. Nous avons vite vu que 4 jours, ce serait un peu court pour rencontrer des gens, en changeant tout le temps d’endroit, et en arrivant en fin de journée. Le randonneur en Dominique se pose toujours les mêmes questions dans la journée. D’abord, où trouver de l’eau, heureusement, dans chaque village, des robinets sont à la disposition de tous ! Trouver de quoi manger le midi, puisque nous avons décidé de ne cuisiner que le soir, et d’acheter de quoi manger le midi. Mais quand nous rentrions dans un magasin, nous nous demandions toujours quoi acheter, et il nous est arrivé de ressortir sans rien. Et enfin, tous les soirs, se pose la question d’où on va dormir. Nous avons choisi de partir avec des hamacs et une bâche, mais il n’était pas facile de trouver des maisons assez grandes, les carbets ne sont pas très courants, et nous ne voulions pas déranger les gens. Nous avons passé une nuit sous les arbres, une nuit dans une école abandonnée, une nuit chez les rastas au bord de la White River, et une nuit dans une tente prêtée dans la famille américaine. Christophe 21 RANDO SIMON, MIKE & LUDO 1er jour : Aujourd’hui, c’est le départ pour les randos. Moi je suis de rando avec Ludo et Simon. Pour aujourd’hui, nous avons décidé d’aller à Titou Gorge qui est un tunnel entre deux grosses falaises. Il porte bien son nom, car ça ressemble vraiment à une gorge. Nous voilà dans un taxi qui nous emmène à Roseau, la capitale de la Dominique. Arrivés à Roseau, nous commençons à marcher pour aller à Titou Gorge. Nous arrivons à faire du stop. Le chauffeur nous dit qu’il n’y va pas mais qu’il peut nous avancer un peu. Voilà, le chauffeur nous a déposés devant un croisement. Il nous dit de prendre à droite. Donc, nous voilà avec les sacs sur le dos et avec les chaussures sur on ! Nous marchons un peu, et réessayons de faire du stop. Ça marche, un pick-up nous amène directement au parking de Titou Gorge. Arrivés au parking, nous le remercions et allons devant Titou Gorge. Arrivés à Titou Gorge, il y a plein de monde, beaucoup de touristes et nous apercevons des dames qui vendent des boissons, gâteaux sous le carbet où nous allons dormir ! En attendant qu’il y ait moins de monde, nous montons un peu plus haut. Nous préparons à manger. L’eau chauffe, l’eau est chaude, l’eau tombe sur moi… Aïe ! Eh oui, le réchaud était mal calé ! Tant pis, nous remettons de l’eau à chauffer et cette fois-ci nous calons bien le réchaud. Voilà l’eau est chaude, nous pouvons manger. Après, nous allons nous baigner dans Titou Gorge, nous allons voir comment c’est ! L’eau est très très froide. Nous voilà sortis. L’eau est froide donc il fait froid. Les dames qui vendent des boissons partent, nous nous installons. Après, je repars avec Simon faire une petite balade. Nous revenons au carbet avec des bananes très bizarres. Mais nous les mangeons quand même. Ludo allumé le feu. La nuit tombe, il nous prépare le repas. Ce soir, ce sera spaghetti ! Nous avons terminé de manger et nous buvons une tisane à la citronnelle fraîchement cueillie par Simon ! À présent, nous voilà dans nos hamacs ; c’est dur de s’endormir à cause d’un oiseau qui a un cri aigu, mais nous nous endormons quand même. Mike Réveil à Titou Gorge. Je lance le feu et prépare le petit-déj. Simon et Mike dorment encore. Ça bouge. Rangement du camp. Je saute dans l’eau fraîche pour me réveiller. Nous partons vers les lacs que je voulais voir : Fresh water lake et Boeri lake. Deux lacs d’eau douce, très proches l’un de l’autre. Nous marchons sur la route en béton. Elle va jusqu’au premier lac. Seuls les touristes y montent. Peu de chance de se faire prendre en stop. Nous laissons les dernières maisons du village de Laudat. Derrière nous, à mesure que nous montons, le vent fraîchit. Une borne indique que nous sommes sur la plus haute route de Dominique. Une patte d’oie nous impose de choisir un ordre entre les deux lacs. On tire à pile ou face, le Boeri l’emporte et tant mieux, car il faut marcher 45 minutes dans la forêt. Un banc nous permet cependant de faire une pause fruits secs en contemplant le Fresh water lake. L’eau est réellement fraîche. Le sentier qui y monte est glissant, humide et caillouteux. Mike râle, il a peur de se faire mal. Simon traîne un peu. Son sac le gêne. J’échange le mien avec lui, c’est mieux alors qu’il est plus lourd. 35 minutes sur un joli sentier et nous voilà au bord du Boeri. Il fait 415 pieds de profondeur (plus de cent mètres), bordé de forêt humide et de gros rochers sur lesquels je glisse. Nous atteignons une plateforme en bois après 3 heures. C’est un ancien carbet très bien situé mais il a été vaincu par l’humidité et le vent. Une deuxième pause fruits secs. Une touriste croisée plus bas me donne sa carte de l’île. Nous repartons mais cette fois on triche. Un couple nous prend en stop, retour au village de Laudat. Pause repas, pâtes chinoises dans un abri bus. 22 RANDO SIMON, MIKE & LUDO Les gars s’amusent à bricoler des balais avec des feuilles de citronnelle. Je pose des questions aux gens qui passent sur le chemin que je veux faire, pour rejoindre le village de Trafalgar, pour aller voir les chutes du même nom ! Des rastas prennent le temps de me conseiller, un chauffeur de camion veut nous emmener et nous loger pour 100 dollars EC. Mais nous prenons le chemin balisé, qui n’est autre que le fameux Waitukubuli National Trail, le GR local. A la sortie du village, nous croisons un paysan. Je lui propose de l’aide, il se marre et nous demande si on sait faire. Son sourire rayonne et son sourire impressionne. Et sa gentillesse me touche lorsqu’il me propose de prendre des pamplemousses sur des arbres qui sont à lui. La saison est finie. Ce sont les derniers. Les autres ont été vendus en Guadeloupe. Je me délecte et en fourre quelques uns dans mon sac pour la balade. Thank you man ! Ludo Trafalgar Falls- Scotts Head Nous voilà donc en montée sur un petit chemin bordé de citronnelle, mais ceci s’applique à peu près à tous les chemins et routes, donc ce n’est pas une caractéristique significative ! Donc revenons à ce sympathique petit chemin qui passe dans les champs de dachines, pamplemousses et bananes, qui sont les plus courants selon moi. Mais ici, tout peut pousser, comme le dit si bien Ludo, donc on trouve une multitude de choses. Après, le chemin quitte les champs pour suivre une arête de la montagne, dans la forêt, c’est très beau ! Mais heureusement que nous avons pris ce chemin dans le sens descendant, ça grimpe sec ! Sur la fin, Ludo respire. Une paire de pamplemousses oubliée sur un arbre ! Après que le chemin a débouché dans un abattis, il va les chercher, grimpe dans l’arbre, me lance les fruits et finalement, en savoure un. L’autre est réservé pour demain matin. Après l’abattis, on arrive très vite au village de Trafalgar. On demande donc pour les chutes. Pas compliqué, c’est tout droit ! Un peu de marche et nous y voilà. L’entrée est payante, et en même temps Ludo demande si on peut dormir dans le carbet des chutes. Mais le garde est catégorique, c’est non ! Après avoir payé cher (13 dollars EC par personne), nous voilà au carbet avec une petite vue sur les chutes jumelles. On pose les sacs devant celle qui nous paraît accessible. Mike part dans les sources d’eau chaude pendant que Ludo et moi on va se geler les fesses dans le bassin de la chute. C’était un instant génial ! Dans l’eau avec une chute énorme juste à côté, c’est impressionnant. Après on rejoint Mike dans son bain, très chaud ! C’était trop génial, j’ai adoré ! Finalement on ressort après une heure et il n’y a plus personne à l’entrée, on aurait pu dormir ! On retourne au village avec l’espoir de dormir chez quelqu’un gratuitement. On demande donc au premier mec venu. Ici vous pouvez, c’est 50 dollars. Il nous explique que où qu’on aille, ils nous demanderont des sous ! Ok merci, au revoir ! On demande à un rasta et il nous conduit dans un vieil hôpital pourri ! Ludo dit non, c’est pas possible donc le rasta nous conduit chez sa sœur assez sympa. Elle nous a permis à Mike et moi de nous couper une calebasse. Je la remercie. Elle nous fait dormir chez son fils qui a une cabane pas loin. Bonne nuit à deux dans un lit avec Mike. Simon 23 RANDO SIMON, MIKE & LUDO Le lendemain, nous voilà donc à Scott Heads après un voyage en minibus de puis Trafalgar. On se dirige vers la plage de galets, mais une dame nous interpelle pour nous faire payer. Ludo se dit qu’il aurait dû prendre un weekpass à Trafalgar, vu que c’est valable partout. La femme nous l’a fait cool, c'est-à-dire un ticket pour nous trois. Elle est plus cool que le gardien de Trafalgar qui lui nous a interdit de dormir là-bas. Sur la plage, quelqu’un fait des empilements de galets en équilibre. C’est la classe. J’ai pris mon masque donc je vais voir comment c’est par ici et c’est pas mal. Il y a plein de coraux, Ludo a plus exploré que moi. Il va falloir commencer à s’inquiéter de l’endroit où on va dormir. Avec Ludo, on part sur la colline voir où on va dormir. Il y a un reste de fort avec un vieux canon, et plein d’herbes tout autour et une superbe vue. Au départ, on comptait dormir dans les herbes, mais en voyant un gros grain à l’horizon, nous avons monté une tente express avec la bâche et le canon. Puis corvée ramassage d’herbe pour les matelas ! Nous n’avons que les hamacs, rien d’autre ! Simon Soufrière-Tête Morne-Victoria Falls Nous quittons le rocher de Scott Heads où nos avons passé une drôle de nuit, direction Soufrière by bus ! Nous remplissons les bouteilles d’eau en utilisant un des nombreux robinets qui longent les rues. C’est d’ailleurs curieux de voir par endroit des compteurs d’eau en même temps que des robinets en libre service. Mais tout le monde n’a peut-être pas l’eau à la maison et ceux qui l’ont la payent. Je demande le chemin pour passer dans la vallée suivante. C’est une balade que m’a conseillée Christophe. Elle m’a l’air très sympathique. Le chemin serpente à flanc de colline. Il nous offre de beaux paysages alternant forêt et vue sur la mer. Nous passons rapidement le col et descendons vers le village de Tête Morne. Nous croisons beaucoup de gens, je sens de la moquerie dans les regards des ados. Pas de bus, la route est bien raide. Une jeune femme parlant français nous conseille d’attendre le car. Je suis surpris. Elle vit en Guadeloupe depuis longtemps. Mais le bus ne vient pas et nous continuons. Nous formons un petit groupe de personnes. Un bus arrive et nous grimpons tous dedans. Ironie du sort, le bus remonte la côte dans l’autre sens pour la descendre à nouveau. Nous sommes sur la côte est, à Grand Bay. Un autre bus nous emmène jusqu’à petite Savane où il s’arrête. De là, un rasta arrête une voiture où nous nous entassons à six plus les sacs. Mais la mauvaise surprise tombe quand le chauffeur me demande 15 dollars. Je râle, ça c’est le prix du bas, je lui laisse finalement 10 dollars. Heureusement que je lui avais demandé de ne pas nous emmener jusqu’aux chutes. Nous regagnons un petit parking où il y a un petit restaurant rasta, un rastarant ! Avant de nous engager sur le chemin de la cascade un rasta nous accueille. Il nous propose de nous abriter, car un grain arrive. Des Français attendent. Je reconnais les sacs de Kélig et son groupe et les déplace pour les protéger de la pluie. Les gens me disent que le chemin est difficile. Ils renoncent à y aller sans 24 RANDO SIMON, MIKE & LUDO guide. L’heure tourne et je me sens fatigué à force de mauvaises nuits. Je propose aux gars de dormir là, sous un carbet que me propose le jeune rasta qui est le fils de Moses, dont tout le monde parle dans l’île. Le prix est correct. Nous irons aux chutes demain matin. Je ne regrette pas car le carbet est super bien situé en bordure de rivière. Nous nous baignons et installons les hamacs et passons le temps à nous promener. Le frère de Moses, Plow, nous montre ses plantations « personnelles » et son jardin plutôt bien fourni. Il nous fait goûter un nouveau fruit, la mangostine. C’est apparemment très prisé. Le goût est doux, il faut manger la pulpe qui entoure les graines, comme le cacao. Kélig arrive et quand on se fait la bise, Rasta Plow dit « I like to see that », j’aime voir ça. Je n’ai jamais vu quelqu’un avec des yeux d’une couleur pareille. Bleu profond, transperçant quand il lève le tête vers la lumière du soleil, c’est magnifique. La nuit approche, je vais préparer le feu, sans pouvoir compter sur mes compères. Je ferai aussi le repas. C’est seulement une fois que tout est prêt qu’ils me proposent de l’aide. Du coup, je la refuse. D’ailleurs, en fin de repas, je leur fais remarquer qu’en terme d’autonomie, participation, prise d’initiative, proposition d’idée, ils ne sont pas au top. Ça rend la rando un peu fade à mon goût. Demain est une autre journée, aux saveurs nouvelles. Ludo Aujourd’hui nous allons à la cascade de Victoria, nous posons nos sacs au rastarant d’à coté puis nous y allons. Le chemin est dur, c’est des rochers très glissants, en fait ce n’est pas un chemin, il faut remonter la rivière. Nous mettons 45 min à y aller, arrivés à la chute, nous nous baignons, puis sautons d’un rocher, ça fait peur ! Un photographe nous a pris en photo quand on a sauté. Fini la baignade, nous allons voir le photographe pour lui demander de nous prendre en photo avec notre appareil photo, il veut bien et nous propose de nous envoyer les photos qu’il a prises de nous, par mail, il nous passe son adresse et nous lui laissons la nôtre. Voilà nous repartons pour retourner au rastarant. Le retour est glissant, Simon et moi , nous arrivons à ne pas tomber mais Ludo arrive à tomber. Nous voilà au restaurant. After, on rentre au bateau Mike-i 25 UN JOUR ENTR E DEUX R ANDO...Par Théo Le 17 février: Ah, c'est l'heure ; La musique résonne ! Je trouve que la nuit a été un peu courte. Au programme aujourd'hui : Lessive du linge de préparation à la deuxième randonnée ; ce matin après le petit dej et les tâches, certains vont laver leur linges à la rivière. C'est cool, il y a pleins d'eau douce alors autant en profiter ! Car sur le bateau, on lave tout à l'eau de mer. Après ça on reviens au bateau, j'étends mon linge et j'attaque les textes de randos. Je suis pas trop inspiré, sauf pour celui sur Bois Côtelette. Je fais une pause baignade. Au goûter, on parle des premières randos et des deuxièmes, car on repart demain. Cette fois ci, je part avec Ludo, Nina et Simon. On se voit et on se dit qu'on part demain vers Castle Bruce, et on fera aussi le bolling lake. Je fais mon sac et part me coucher, car demain, on marche ! Good night. Théo R A N D O K É L I G, C H A R L E S , M I K E . . . 1er jour : Mike Aujourd’hui, nous partons pour une nouvelle aventure. Kélig, Charles et moi avons décidé d’aller chez Ginette, une dame que Kélig connaît. Allez, les sacs sur le dos et les chaussures sur on. Avant d’arriver chez Ginette, nous marchons un peu, et nous nous arrêtons dans un carbet à côté d’une petite cascade, un jardin chinois comme dirait Charles ! Après le sandwich beurre de cacahuètes, sardines, nous reprenons la route. Nous traversons un village indien, nous le visitons, il est très beau. Nous avons eu de la chance, car normalement, il faut payer. Voilà, nous arrivons chez Ginette, je fais connaissance avec elle et le reste de sa famille. Ensuite, elle nous montre l’endroit où nous allons dormir. Après être installés je pars chercher une bouteille de gaz avec Tamika, la petite fille de Ginette. Je prends le taxi avec Tamika et nous nous arrêtons devant chez un monsieur. C’est lui qui vend le gaz. Voilà, la bouteille est changée. Nous reprenons un taxi pour rentrer. Nous sommes rentrés. Je pars avec Kélig et Charles acheter deux, trois trucs. Ensuite nous achetons plein de choses à Ginette pour chaque membre du bateau. Oui Ginette a une boutique d’artisanat d’art Caraïbe. Après le moment marrant à choisir des calebasses, des petites boîtes etc…, nous partons boire un jus dans le salon. Moi, je regarde la télé, même si je ne comprends rien. Ensuite, Kélig, Charles et moi partons dans notre petite maison pour la nuit. Nous mangeons puis Charles et moi lisons un peu et tout le monde se couche. Merci Ginette pour ton accueil et merci pour le collier que tu m’as offert. 26 R A N D O K É L I G, C H A R L E S , M I K E . . . 2ème jour : Kélig « De chez Ginette à Titou Gorge ou quand nos pieds collent à la boue… » Debout 6h30 ce matin dans la petite cabane en bois du haut de chez Ginette. Je mets l’eau à chauffer et je pars faire pipi au milieu du vétiver… Vue sur la mer… On peut dire que c’est une journée qui commence bien. Petit-déj avec Mike et Charles et je descends rapidement à la maison car j’aimerais discuter avec Ginette. En même temps, ce n’est pas facile de l’arrêter, elle est toujours en train de courir partout. Mais je profite d’un de ses moments de réflexion pour la coincer entre la table et la gazinière afin de lui parler de son fils, Anthony. Il a fait des avances déplacées à Nina qui un, ne se font pas (Nina a 15 ans, lui en a 40), deux lui ont fait peur et trois ne m’ont pas plu. Ginette ne semble pas plus surprise que ça. Elle m‘explique qu’Anthony a été malade et qu’il est maintenant dépressif, bizarre, voire même violent parfois. Ginette est désolée. Elle me dit qu’elle en parlera tout d’abord à la famille puis ils discuteront avec Anthony. Les garçons arrivent. Ginette leur dresse une jolie table avec une nappe rouge sur laquelle elle leur sert une grande tasse de lait sucré. Mais attention, Ginette peut arrêter un transport à tout moment. Il faut être prêt à déguerpir en un rien de temps. Mais c’est Charles cette fois qui se lève d’un bond et qui court après le bus. Direction Pont-Cassé, début de notre randonnée. Bye Ginette et à samedi sur le bateau. 30 minutes de bus plus tard, nous arrivons au départ du segment 4 du Waitukubuli qui relie Pont-Cassé à Titou-Gorge en passant par les flancs du Morne Trois Pitons. Le ciel est gris, tiens, v’là la pluie. On s’équipe de nos ponchos et on s’enfonce dans la forêt, ou plus exactement la rainforest. Le chemin est boueux, voire même très boueux. On est propre, on sent bon, alors on évite les flaques, on calcule l’angle de marche, on zieute les chicanes possibles… ça monte, mais wouah que c’est beau. Les arbres sont beaux, très hauts, avec des contreforts magnifiques qui feraient des maisons parfaites pour les Hobbits. Voilà 30 minutes que nous marchons sous une pluie fine, nous apercevons déjà un carbet. On s’y arrête pour boire un peu d’eau. Et chanceux que nous sommes, c’est ce moment précis que la pluie a choisi pour tomber plus fort encore ! C’est donc le moment d’une pause gâteau, rigolade, etc… La pluie ne s’arrêtant pas, on se demande même si on ne va pas aller à Roseau voir s’il y a un cinéma. Mais non, ça se calme. On se remet en route. Nous traversons un pont de bois pas tout à fait fini car il y a encore l’échafaudage en place. Echafaudage construit en branches solides, en troncs fins, construction qui fascine notre ouvrier charpentier, Charles. Le sentier semble se corser. Des cordes sont installées pour nous aider à monter le chemin boueux, on fait presque de l’escalade. Heureusement que les branches et les racines sont fiables et nombreuses. Nous continuons de grimper pendant une heure, lorsque nous arrivons à un deuxième carbet. On dirait que le ciel est bleu, le soleil perce un peu à travers les feuilles et la vue est sûrement très jolie. Et voilà, on est dans la grande forêt et on ne voit rien autour. Le chemin est désormais plus plat et nous, beaucoup plus sales. 27 R A N D O K É L I G, C H A R L E S , M I K E . . . Si nous étions précieux au début, il n’en est plus de même désormais. Nos pieds ont trempé plusieurs fois dans la boue, l’eau, les flaques. On en les compte même plus. Mike ne cherche même plus les passages plus secs. Il fonce droit dans le tas et je crois qu’il a raison. Ça lui vaut de plus d’être le champion des glissades avec cul posé à terre. En tout cas, on se marre bien tous les trois et c’est très agréable. On marche d’un bon rythme et personne ne râle. On croise beaucoup de gommiers blancs, arbre avec lequel les indiens construisaient leur pirogue, mais qui donne aussi une sève blanche que l’on peut utiliser comme encens ou allume-feu, comme le bois-encens rencontré en Guyane. Charles et Mike en font une belle récolte pour parfumer leur cabine. Au 3ème carbet, nous avons failli perdre Charles qui a fait un vol plané en se prenant le pied dans une branche. Heureusement, plus de peur que de mal. J’en profite quand même pour lui nettoyer ses lunettes, il y a peut-être un rapport. Nous ne savons pas très bien où nous en sommes sur la carte. Alors c’est reparti. Pause pique-nique au bord de la rivière ensoleillée, c’est très joli ! Dommage que les sardines et le maquereau soient difficiles à digérer. On se remet en route. On traverse beaucoup de rivières. Pas étonnant que l’on surnomme la Dominique l’île aux 365 rivières. Nous croisons notre 4ème carbet. Nous sommes à Middlehams Falls. Il y a un Américain assis là, qui me parle, mais que je ne comprends pas vraiment, accent trop difficile pour moi ! Si, indication tout de même, il nous resterait 1h30 jusqu’à Titou Gorge. On est content, nous laissons nos sacs sous le carbet et courons tout légers que nous sommes sur le sentier qui mène à la cascade. Elle est superbe. La cassure dans la roche est grandiose. Photo, photo et hop, on repart, je dirai même on galope. Le chemin est maintenant plus beaucoup plus emprunté donc plus aménagé. Des marches en rondins ou en troncs de fougère arborescente pour éviter de se mettre les pieds dans la boue. La forêt est moins dense, on aperçoit quelques cultures. On voit maintenant le paysage, c’est beau !!! C’est beau et c’est bon de se sentir plus ouvert. Ça fait du bien, ça respire ! On croise un super carbet qui ferait un très bon spot pour un bivouac et nous voilà sur la route qui mène à Laudat puis à Titou Gorge. Il est 16h30 lorsque nous arrivons à destination. Une brochette d’Américains, venus du bateau de croisière amarré à Roseau, se baigne dans le bassin. On attend bien sagement qu’ils repartent et nous nous installons dans la maison en construction. Nos amis ne sont pas encore arrivés. Peut-être ne vous en ai-je pas parlé, mais ce soir nous retrouvons Kévin, Evolène et Thiery pour faire la balade du Boiling Lake ensemble. C’est une envie que nous avons avec Thierry. Les Américains repartent. Nous attrapons savon et serviette et avec mes deux compères, on part se décrasser. Enfin plutôt visiter tout d’abord la gorge de Titou à la nage. Charles se croit dans Pirates des Caraïbes, prêt à esquiver l’attaque des indiens. On file ensuite dans la petite eau chaude et c’est bon de se détendre les muscles, tout contents et aussi tout fatigués de leur marche du jour. Je crois que le sommeil de tout le monde sera lourd. Ce soir, puréesaucisses collective. On se raconte nos aventures du jour, à la lueur des bougies dans la maison en construction où nous avons élu domicile ce soir. Un couple de Français nous demande même si nous habitions ici. Les jeunes installent leur hamac sous le carbet à côté. Thierry et moi entre les poteaux de la maison. La pluie tombe finement, c’est agréable d’être à l’abri. 28 R A N D O K É L I G, C H A R L E S , M I K E . . . 3ème jour : « journée Boiling Lake » Allez hop, hop, hop, je saute du hamac, range mes affaires. Thierry, Kélig, Evolène, Kévin, Mike et moi prenons un bon petit-déj. Aujourd’hui au programme, comme le titre l’indique, on va au Boiling Lake. À peu près 4 heures de marche. Thierry y est déjà allé plusieurs fois, il sera notre guide. 9h, on se met en marche. C’est plein de marches en bois qui se succèdent tout du long. En marchant, je me dis que c’est beaucoup de boulot et d’entretien. Le pas est ferme et décidé. On rattrape le groupe d’Américains devant nous. Thierry nous guide à travers la vallée de la Désolation qui porte bien son nom. Pas d’arbre, pas une touche de verdure, seulement des cailloux, du soufre et la terre qui vit, ainsi que des flaques de boue en ébullition. Avec Thierry, on se dit que c’est sûrement ici le Mordor ou bien encore un décor de la guerre des étoiles. On chope un peu d’argile et hop, on file dans les bains d’eau chaude avant d’aller voir le lac bouillant. Il y a plusieurs bassins. On n’y reste pas trop longtemps, l’eau chaude ça ramollit. Bon, on se rhabille, on va voir ce lac. Je trouve ça assez impressionnant mais on n’y voit pas grand-chose. Il y a beaucoup de nuages et de vapeur d’eau. On y passe un peu de temps, mais les estomacs crient famine, alors on se trouve un petit coin à l’abri du vent. Sardines, pain, fruits secs, au top ! On retourne à Titou Gorge. On y arrive vers 16h et chaque groupe repart de son côté. On marche sur la route, mais un garde nous interpelle et nous dit « Hi, can I look your pass ? » « Ohoh, we haven’t any pass !! » Au final, on achète 6 passes. Kélig, Mike et moi on repart sans perdre de temps, car on ne sait pas où dormir. On fait du stop, on veut aller à Trafalgar, aux chutes d’eau, en espérant y trouver un carbet pour dormir. On demande à une dame où on peut mettre nos hamacs. Elle nous indique le stade de foot, de toutes façons, on n’a plus trop le choix, le jour vient à décliner. Pour mettre le hamac, c’est la galère, alors une dame nous dit qu’elle a une maison vide et qu’elle peut nous y faire dormir. La maison est trop confort : deux gros lits et un canapé bien moelleux, une douche et tout le tralala. Kélig tend un bout pour sécher le linge et pouf paf badaboum… L’armoire tombe, mais on a trop eu peur car il y avait une télé et plein de bouteilles d’alcool et par chance, on a juste casser une petite bouteille d’anti-termite. Il y a eu plus de peur que de mal !!! Je cuisine et tout le monde file se coucher sans plus tarder. Charles Un petit texte de Kévin : Nous sommes dans la vallée de la Désolation. Thierry va chercher de l’argile. On continue un peu et Thierry nous dit « c’est là !» C’est une grande baignoire d’eau chaude avec une cascade. J’ai trouvé ça super beau. Je me suis vite mis de l’argile sur le visage, et j’ai sauté dans l’eau, mais après Thierry, car j’avais un peu peur. Thierry nous dit qu’on peut escalader la cascade pour aller dans une autre baignoire. C’était trop bien, on avait du mal à sortir de l’eau ! Kévin 29 R A N D O K É L I G, C H A R L E S , M I K E . . . 3ème et 4ème jour : texte collectif… Nous quittons ce matin notre belle maison à laquelle Mike tient tant. Nous allons rendre les clés et remercier la dame. Nous expliquons un petit bout de l’incident d’hier soir… Juste la bouteille de produit anti-termite brisée. Tant pis pour la télé, de toute façon, elle n’est pas cassée !! La dame ne semble pas nous retenir plus longtemps, nous repartons bien contents. Direction Roseau ce matin, mais avant petit ramassage de graines au bord de la route. Les poches bien remplies, nous montons dans un bus. Nous voilà à la ville et les dépenses s’enchaînent à vive allure. Nous commençons par compléter le cadeau du vainqueur du dernier pronostic, Théo. Ensuite, une idée lumineuse nous arrive. Et si nous achetions des jolis tee-shirts pour tout le monde ?! Et la deuxième idée… Et si nous mangions une glace !!! Oh, mais il est bientôt l’heure de manger. Un chauffeur de taxi avec qui nous avons sympathisé nous indique un petit snack local. Charles et Mike sont contents, il y a des assiettes XXL ! Ensuite, troisième idée, Kélig insiste pour goûter les jus de fruits frais au stand du juiceman. Mais malheureusement, sur le chemin, avec son sac à dos, Mike casse un portephoto, souvenir de la Dominique, d’un goût certain, très moche. La vendeuse est embêtée, nous aussi. Coût de l’opération, 15 dollars ! Dommage ! Heureusement le vendeur de jus est là, au coin de la rue ! 315 dollars, on décide de quitter la ville et d’aller se perdre dans la nature, là où l’on ne dépensera plus d’argent ! Direction Layou river et son petit bain d’eau chaude local ! Bus puis marche à pied… Galère selon Mike ou très agréable de regarder la nature verte de Dominique pour Kélig et Charles ! Un couple nous offre des pamplemousses sur le chemin et un pickup nous amène à destination. Il est 16h ; la rivière coule beaucoup, Kélig la trouve changée ! Nous prenons le temps d’installer notre bivouac : trouver des arbres pour disposer la bâche et tendre nos hamacs. Le tout devra être bien étanche si la pluie vient à tomber. C’est un fameux casse-tête mais bien rigolo. Charles et Mike tendent tellement fort le hamac de Mike qu’il se déchire lors de l’essayage, oh-oh !!! Un hamac en moins et un Mike qui va devoir dormir par terre ! Mais pas de problème pour notre Indiana Jones de Sacy sur Marne, il ne craint pas les grenouilles et les vers de terre !! Disposition finale, Mike au rez de chaussée, Charles au 1er et Kélig au 2ème ! Nous avons le temps de nous baigner. Pendant que nous nous préparons, Charles fait un grand feu plein de braises. On se jette dans la rivière fraîche où nous avons repéré de l’autre côté la baignoire d’eau chaude de 3m sur 2. Mais le temps passe trop vite, le jour dé- 30 R A N D O K É L I G, C H A R L E S , M I K E . . . cline déjà. Il est temps de regagner la rive pour cuisiner au feu de bois. Au menu, soupe chinoise et en dessert, grain de pluie. Un bel arbre nous protège, nous et le feu ! Mike est déjà parti rejoindre ses chères grenouilles et Charles et Kélig ne tardent pas non plus ! La pluie s’intensifie. Charles fait la courte échelle à Kélig pour qu’elle regagne son hamac ! Une heure plus tard, le sommeil nous a déjà gagnés lorsqu’un bruit sourd nous réveille en sursaut. Le bout du hamac de Charles vient de casser et Charles est par terre. Par chance, il ne tombe pas sur Mike qui lui, dort comme une masse ! Hamac raccroché, on repart pour la 2ème partie de nuit ! La pluie ne nous quitte plus. Le lendemain matin, elle est toujours là. On décide de rester toute la matinée au bord de la rivière pour écrire, se baigner, flâner, jouer avec le feu, marcher, pêcher des écrevisses qu’il n’y a pas… Soleil et grains alternent jusqu’à midi. Nous replions le bivouac complètement sec et repartons en direction de Portsmouth, au bateau ! Mike : je n’aime pas marcher, mais chaque randonnée que je fais, je vais au bout et je trouve ça excellent ! Kélig : J’ai beaucoup aimé cette randonnée. Pour moi, nous avons bien combiné rencontres des gens et marche dans la nature. J’ai apprécié la compagnie de Charles et Mike. Pas vraiment d’embrouilles, de mauvaise foi, un peu de râlerie chez Mike, mais rien de bien méchant. Je mettrai un point d’honneur à la randonnée du Boiling Lake et au bivouac de Layou river. P ORT R AIT DE EDMOND L’HA ÏT IEN . . . Pa r M i k e Edmond, Haïtien, habite à Port au Prince, la capitale d’Haïti. Edmond est venu en Dominique pour essayer de gagner un peu d’argent. Nous ne savons comment il est venu. Il nous l’a dit, mais il parlait trop bas pour comprendre ce qu’il disait ; ça fait trois ans qu’il est arrivé en Dominique mais maintenant il veut retourner en Haïti, il ne gagne pas assez d’argent en Dominique. Il essaie de vendre des ceintures en cuir et des parfums pour se nourrir et essayer de s’acheter un billet d’avion pour Port au Prince. Il dit que c’est dur de vendre des choses car la Dominique est petite, donc il connaît beaucoup de monde et les touristes ne sont pas forcément intéressés par des ceintures et des parfums. Les Haïtiens quittent beaucoup leur pays pour essayer de gagner de l’argent dans d’autres pays. En Dominique, il y en a pas mal. Ils essaient tout et n’importe quoi pour gagner le minimum d’argent. En Guyane par exemple, les Haïtiens sont connus sous leur nom : gros travailleurs ! Ils coupent la canne à sucre, et tant qu’on ne leur dit pas de s’arrêter. Chaque minute c’est de l’argent, donc ils ne veulent pas perdre le moindre euro. Mike. 31 R A N D O T H I E R R Y, KÉVIN, EVOLÈNE. . . Evolène : Départ du bateau, à nous l’aventure ! Juste l’idée qu’on a 4 jours à se balader sur l’île au gré de nos envies met de bonne humeur. Un homme à qui on demande de l’eau nous propose déjà de passer chez lui, à Bells, si on ne sait pas où aller. Mais pour l’instant le programme c’est Champagne, plus au sud. On prend un bus jusqu’à Roseau où on mange un bout et nous marchons jusqu’à notre première destination. Elle fait partie d’un parc naturel, 5$EC de taxe nous sont donc demandés par personne. On va plonger, Thierry me prête son masque ainsi qu’à Kévin, tour à tour. C’est beau dans l’eau, des milliers de petites bulles s’échappent du sol, en différents endroits. C’est une source chaude qui se dilue dans la mer. Par endroits, l’eau se trouble. Il y des courants chauds, c’est agréable. Les poissons sont divers et colorés, le soleil tape et on voit ses rayons traverser la surface pour illuminer l’eau. Je me mets à flotter sur le dos, je me sens bien, je pourrais presque m’endormir. Mais on finit par se remettre en route. Au détour d’un virage, nous voilà nez à nez avec des graines réglisses, petites graines rouge vif avec le bout noir. On commence à en ramasser mais Kévin est trop efficace quand il fait du stop. On se fait déjà embarquer dans un pick-up pour Soufrière. Thierry : Encore quelques graines et nous voilà dans le coffre du pick-up. Forcément le paysage défile un peu plus vite. Kévin est bien calé mais Evolène, assise sur le rebord rebondit au rythme des cahots. C’est un peu comme si elle se retrouvait assise sur une machine à laver en mode essorage, à tel point qu’elle en perd sa bouteille d’eau. Je regarde la route qui serpente et heureusement que l’on a fait du stop. On arrive à Soufrière avec mission de trouver deux bouteilles d’eau, Kévin ayant également perdu la sienne. Ceci fait, ne reste plus qu’à rejoindre les sources chaudes. Après 16 heures, le gardien n’est plus là, il est 17 heures, parfait ! On pose les sacs et plouf ! Imaginez : une petite piscine avec une eau qui est naturellement à 30 °C, entourée d’arbres, et le chant des oiseaux pour la fin du jour, ça détend les jambes. Sous ce carbet, il y des tables, idéal pour le repas, nouilles chinoises en bon randonneurs. L’autre carbet est plus adapté pour les hamacs. Deux nœuds de cabestan plus tard et voili, le lit est prêt. Emmitouflés dans nos duvets, inutile de vous dire que le sommeil nous rattrape très vite… bonne nuit. Evolène : Le jour se lève. Après une bonne nuit au sec, dans les hamacs, pas de répit, on replie le camp. À 7h du mat, on est déjà partis, sous la pluie, mais avec détermination. La montée jusqu’à Tête Morne est raide. Vers la fin, on arrive à un carbet où l’on s’arrête petit déjeuner. Kevin m’énerve parce qu’il fait un caprice pour un paquet de gâteaux. Dans ces moments-là, j’ai l’impression d’être avec un enfant de 6 ans. La pluie laisse place au ciel bleu et au soleil. On passe le Morne et nous arrivons de l’autre côté. Ça se sent tout de suite, on se prend des rafales de vent, et nous voyons la mer au loin, déchaînée. 32 Thierry : Nous voilà donc en plein vent, à sécher. Sacré contraste entre la montée sous la pluie, et maintenant la descente avec la visibilité qui augmente. Quelques instants plus tard, on aperçoit même Grand Bay, qui se trouve sur la côte au vent. Il y a là des habitations, et cela semble se prolonger jusqu’au bas, dans la vallée. Par-ci par là, des gens nous saluent de leur balcon, par les fenêtres. Comme dans beaucoup d’endroits sur l’île, la vie semble souriante. Encore quelques pas sur la route, et hop ! On prend ce petit chemin sur la gauche, suivre les marques jaune et bleu du Waitukubuli. Bientôt on se retrouve dans les arbres. R A N D O T H I E R R Y, KÉVIN, EVOLÈNE. . . Une petite clairière nous ouvre le passage, grandiose lui aussi ! L’île est toute verte, il faut dire que l’eau est présente partout. Les morne,s dont certains dépassent les 100 mètres, en imposent. Avec Evolène, on imagine par où passe notre sentier qui rejoint Bellevue. Il y a le Morne Plat Pays à franchir, ou peut-être à contourner. On penche pour cette option, mais tout le monde nous indique le même chemin, et forcément, en passant par le Morne, qui n’est pas plat du tout ! Ça grimpe du sur la route, heureusement les paysans nous soutiennent de leur sourire. Certains nous offrent aussi des pamplemousses. Un autre, nous voyant arriver, nous fait remarquer que nos pieds ont l’air lourds. Et quand on lui demande si c’est encore loin, il répond que ce n’est pas très loin, mais à une bonne distance. Merci de ta bienveillance, l’ami, on continue l’ascension en quittant la route pour prendre ce petit sentier. Encore ce vent et ces beaux paysages, mais les cuisses sont dures et les sacs un peu plus lourds. Vivement le sommet. Un dernier lacet et voilà, nous y sommes. Un banc nous tend les bras, petite pause. Il ne reste plus que la descente sur Bellevue, que nous rejoindrons en une demi-heure. Bien mérité, ce petit repas, après 6 heures de randonnée ! C’est cool que notre équipe y soit arrivée. Un panneau nous explique qu’il s’agit d’un chemin utilisé par les esclaves 200 ans auparavant. Kévin : Au bout, j’étais tout content, nous avions une belle vue magnifique, on voit la mer, et les montagnes à côté, et tout le vert. On a acheté à manger au snack, du poulet, un beignet, et en dessert, une mangue. Après, on est descendus à Roseau en bus. Evolène : C’est bon, on trouve un bus pour monter à Titou Gorge. Heureusement d’ailleurs, parce qu’en taxi c’était 6 fois plus cher. Une fois là haut, on retrouve Kélig, Charles, et Mike, ils sont déjà allés se baigner dans les gorges, et nous les conseillent. On n’attend pas longtemps pour y aller. C’est super beau, on nage entre deux parois rocheuses, la végétation bien verte au-dessus, d’où passe un peu de luminosité. Une scène de Pirates des Caraïbes a été tournée ici. On se lave avec la source d’eau chaude qui arrive jusqu’ici. Ça fait du bien après une longue journée de marche comme ça… Charles est déterminé pour faire un feu mais rien à faire ça ne prend pas, le bois est trop mouillé. Il abandonne, découragé. On opte pour l’option réchaud et on se fait un bon petit repas sympa. Troisième jour : Thierry : Le lendemain c’est la rando qui mène au Boiling Lake. Pleins de souvenirs me reviennent en mémoire. Kelig Charles et Mike nous y accompagne. Charles a déjà fait un texte, je lui laisse le soin. (voir p25-26) Evolène : Sur le retour, on s’arrête pour manger, puis on fait tout d’une traite, ça monte, ça descend. Les paysages sont beaux, et le temps aussi. Ça passe vite parce qu’on rencontre deux gars, Camille et Benoît, et on parle avec eux tout du long. 33 P ORT R AIT DE BENOÎT. . . Pa r Ev o lèn e Deux frères, de 25 et 30 ans, qui sont partis 11 mois pour un voyage en bateau, avec un projet en tête : faire un film qui montre les initiatives de jeunes, par les jeunes. Ils se sont fait prêter de l’argent, et aider pour acheter un bateau qu’ils revendront à la fin du périple. Ils veulent voir ou rencontrer des jeunes qui se prennent en main, qui font des projets, ou se bougent pour faire ce qu’ils veulent et arriver à leurs fins par plein de moyens. Des jeunes qui veulent exister, montrer qu’ils sont là et qu’ils veulent faire quelque chose de leur vie. Ça peut être des jeunes jusqu’à 30 ans, l’âge n’a pas d’importance, ce qu’ils veulent, c’est montrer le point commun, le but commun qu’ont ces gens qui ont des vies bien différentes et qui vivent dans différents pays autour de l’Atlantique. Ils veulent donc faire un court reportage d’une cinquantaine de minutes, où ils passent quelques interview et parleront de ce qu’ils ont vu et comment ils l’ont vu. Benoît insiste sur le fait que la caméra est un peu tournée vers eux, c’est leur avis et ce qui les intéresse dans ces différents projets. Il m’explique que c’est important qu’il soit clair que c’est leur point de vue. Il a déjà eu quelques expériences de films, et c’est la conclusion qu’il a l’air de tirer. Mais c’est aussi pour diffuser ce qui se fait, ce qui existe. Comme à Grandeur Nature où l’on veut nous montrer qu’il est possible de vivre de belles choses, voyager, où l’on veut nous motiver à se bouger dans la vie pour faire ce qu’on veut, et qu’on sache qu’il faut y croire. Comme ici où pour les jeunes qui ont perdu l’espoir à force de vie difficile, on veut leur en redonner, eh bien leur film aussi va dans ce sens, ils veulent montrer à des jeunes ce qui se passe ailleurs, ce qui se fait, la détermination de certains. Ils veulent provoquer l’espoir, c’est comme ça que s’appellera leur film : Provocateur d’espoir. Ce n’est pas pour gagner de l’argent ou quoi que ce soit, c’est juste pour ouvrir les esprits. Voyager est probablement le meilleur moyen pour ça et amène plein de bonnes choses, mais tout le monde ne peut pas. Un film est donc surement un bon intermédiaire qui peut déjà faire réfléchir. Je trouve leur projet vraiment intéressant, j’espère que je verrai leur film. Leur asso s’appelle Atlantique connexion, ils ont un site. C’est marrant, ce n’est pas du tout ce qu’ils font dans la vie. Benoît est ingénieur dans une usine de voitures. Avec son équipe, ils cherchent des moyens de transport plus raisonnables comme des voitures collectives, des velibs, ou des voitures plus économiques en carburant. Ils ont même un record du monde pour l’invention d’une voiture qui fait 3000 kilomètres avec 1 litre de gazole. Projet intéressant aussi, qui suscite l’intérêt de deux autres randonneurs, qui partent en conversation là-dessus. De toute façon, on arrive. J’ai bien aimé parler avec eux, enfin je n’ai parlé qu’à Benoît. C’était intéressant, lui aussi était très curieux sur notre projet à nous et a posé plein de questions. De cette manière, c’était vraiment un échange, on en apprend des deux côtés. Comme ils vont en Haïti, à l’île à Vache, où GN est allé beaucoup de fois, on leur dit de passer au bateau pour qu’ils emmènent un livre de l’asso. Benoît passera, et là on se donnera rendez-vous aux Açores, où l’on sera en même temps. Il est possible qu’on se voie à Cuba, aussi. On se suit un peu en fait. Evolène R A N D O T H I E R R Y, KÉVIN, EVOLÈNE. . . Kévin : Kélig, Charles et Mike nous indiquent un carbet pour la nuit. Nous marchons, nous marchons, nous marchons et nous montons. Ah, le carbet ! Il est trop bien, il y a des toilettes, un robinet et on a trop bien dormi. Je me suis même endormi à table. Thierry m’a proposé un morceau de chocolat, je l’ai mangé en dormant, je ne sais pas comment j’ai fait ! Ensuite Thierry m’a même porté dans mon hamac. Thierry : Réveil tranquille sous le chant des oiseaux. Belle cacophonie ce matin. Notre destination du jour, Cochrane, n’est pas loin, nous prenons notre temps. Bon petit déjeuner. Kévin et Evolène partent en mission pour apercevoir les oiseaux. Dommage, ils s’envolent lorsque nos explorateurs arrivent. Deux perroquets verts passent près du carbet. On range les affaires, les sacs sur le dos, et en avant ! Belle balade, toujours dans la forêt. Les jambes ont l’habitude et la cadence ne mollit pas. En chemin, nous faisons un détour par Middleham Falls. Elle est superbe cette cascade. Peut-être cinquante mètres de haut. L’eau se transforme en petites perles avant de rejoindre le trou d’eau en dessous. Encore 34 R A N D O T H I E R R Y, KÉVIN, EVOLÈNE. . . cette belle verdure. Evolène semble apprécier l’endroit. Elle est absorbée pendant dix minutes. Lorsqu’elle se retourne son regard est encore dans le loin. Kévin, lui, est resté bien présent. Ça veut dire que l’on ne l’oublie pas. C’est reparti, le village n’est pas très loin. Nous récoltons un peu d’encens sur les gommiers blancs. Un panneau nous indique « Trou Santi ». Il s’agit d’un dortoir à chauves-souris dans lequel passe une source chaude. Le guano et l’eau chaude, vous comprenez pourquoi on le nomme « Trou Santi » ! Au détour d’un sentier, voilà la route. Les hommes ne doivent pas être trop loin. Ça descend et enfin nos premières maisons. Un jeune, coutelas et pelle à la main, nous escorte jusqu’au village. Kévin : Nous sommes à Cochrane village. Nous allons chercher à manger pour pique-niquer sur le terrain de cricket. Un petit garçon vient me demander de jouer à la balle. J’ai donné mon pamplemousse et j’ai couru pour faire des passes à la balle. J’ai trouvé ce moment génial. Mais le collier que Ginette m’a donné s’est cassé. J’étais triste. Evolène: On finit le repas et je vais parler un peu avec une femme qui habite à côté. Son fils joue avec Kévin. Elle me touche parce qu’elle est attentionnée. Elle ne me connaît pas mais me regarde avec amour. On discute un peu, je laisse Thierry vous en faire un petit portrait. Thierry : Cette gentille dame au regard bienveillant s’appelle John Cadette. Elle est âgée de 49 ans. John vit à Cochrane depuis 9 ans et est mère au foyer de 4 enfants. Ils vivent avec peu de moyens, leur seule ressource est le salaire du mari qui travaille comme agriculteur dans les champs alentours. John se remet tout juste d’un grave problème de santé. Ils ne sont pas riches mais ils ont le sourire, et ça, c’est une belle richesse. Evolène : On la quitte non sans prendre une photo d’elle et de deux de ses fils, Kévin et moi. On a beau être bien différents, nous en touristes et elle qui galère dans la vie, elle dit que la rencontre lui a fait plaisir et qu’on est les bienvenus à Cochrane si un jour on revient en Dominique. Puis on nous envoie chez Julietta, qui a les clés de l’école, où on pourrait éventuellement dormir. Elle aussi est très gentille. Elle a un beau sourire et répond volontiers à nos questions. P ORT R AIT DE J U LIETTA . . . Pa r Th i e r r y Thierry : Julietta, sacrée bout de femme. Elle est pleine d’énergie et l’on sent que beaucoup de choses fonctionnent grâce à sa bonne volonté. Elle est d’ailleurs très connue dans le village. Julietta a 46 ans, en pleine force de l’âge, me confie-t-elle, et est mère de 4 enfants. La plus jeune qui a 21 ans, vit à Roseau chez son grand-père. Les autres sont partis vers les Etats-Unis. Avec son mari, ils vivent tout deux à s’occuper de leur plantation. Ils possèdent deux grandes serres et font pousser beaucoup de légumes qu’ils revendent à l’hôpital ou aux supermarchés. Ils font aussi un peu d’élevage de Polops, mais refusent de les tuer. Elle les aime trop pour leur faire du mal. Leur vie a l’air souriante, autant que son visage. Elle aime beaucoup son jardin et ça se voit. Elle est aussi factrice deux jours par semaine pour le village et donne des cours de catholicisme roman, le soir, pour les plus jeunes. Si vous passez par Cochrane, je parie que vous passerez chez Julietta. Thierry. 35 R A N D O T H I E R R Y, KÉVIN, EVOLÈNE. . . Evolène : Une fois installés dans l’école, l’après-midi touche à sa fin. On va acheter quelques trucs à manger dans une sorte d’épicerie comme il y a partout en Dominique. Au plus grand plaisir de Kévin, on prend même du beurre de cacahuètes pour le petit-déj du lendemain. J’aime quand ça se passe comme ça. Il y a une bonne entente entre nous et on fait de belles rencontres, les gens sont aimables. Kévin : Nous sommes à Cochrane village, nous allons voir Julietta. Nous lui expliquons que Grandeur Nature est déjà venu. Nous lui parlons de Marion. On papote, on papote… Puis elle nous dit qu’elle va voir si on peut dormir dans l’école. C’est d’accord. Dans l’école, on ne peut pas accrocher les hamacs alors on dort au sol. Il y avait beaucoup de moustiques. On mange et on dort. Thierry : Après notre nuit au sec, sous le toit de l’école, merci encore à la communauté de Cochrane, nous reprenons la marche pour notre dernière étape. Nous décidons de descendre à pied jusqu’à Canefield. C’est de la route, le paysage n’est pas des plus beaux, mais nous apercevons la mer… On touche au but ! Nos derniers kilomètres se feront à l’arrivée d’un pick-up. Le soleil commençait à chauffer un peu trop et trop de voitures rendent la balade moins agréable. Nous filons donc vers Roseau. C’est presque dommage d’arrêter la rando si vite. Notre trio fonctionne bien. Kévin est un bon marcheur, avec quelques crises parfois. Mais en parlant, on règle beaucoup de choses. Evolène, qui préfère les descentes, un peu moins rapide en montée, se montre très patiente avec Kévin. On se complète… Il y a aussi le fait de se promener sur cette très belle île qu’est la Dominique. Je vous souhaite tous d’y venir ou d’y revenir ! Evolène : On arrive à Roseau et nous allons nous poser un peu vers l’embarcadère. On espère que le camion de glace va ouvrir, je lis même un passage de mon livre à mes deux compagnons de marche. Finalement, on va manger un bout dans une genre de cabane en bois. Je pose des questions à la dame sur la nourriture, son petit business, ses clients… On retourne à l’embarcadère prendre une glace quand même et nous voilà dans le bus du retour pour Portsmouth. Le trajet en bus, avec les villages qui défilent, c’est la fin de la rando, mais aussi, la fin de l’escale, tout est passé trop vite. Mais je suis contente de ce qu’on y a fait. J’espère revenir sur cette île, un jour. Ça me remémore les beaux paysages de forêt, de rivières, des côtes ou des cascades, des sources chaudes, les grands sourires et les rires bruyants. Je n’oublierai pas ! Arrivés au bateau, ce n’est plus la même ambiance, je préférais la randonnée ! Kévin : J’ai bien aimé la rando parce qu’on était trois. On s’est bien entendus. 36 R A N D O S I M O N , T H É O, N I N A , L U D O . . . 1er jour : On part du bateau, direction Pont-cassé, du bus jusqu’au croisement puis du stop. Un camion nous avance un peu, à son bord, un vieux rasta, on parle avec lui. Lui aussi fait du stop. On marche un peu puis on fait du stop avec Théo. On arrête une voiture, Ludo monte mais il est embêté, il a laissé le rasta en plan. Le conducteur de la voiture rentre chez lui, il nous dit que Pont-Cassé est à un quart de mile. Sur la route, une chute nous détourne, la chute de Salmon. Mignonne petite chute déserte. Tout le monde se baigne et Nina se lave, puis on élit le lieu plage du pique-nique du jour. Encore un peu de stop, mais le chauffeur ne nous dépose pas au départ du sentier que nous avions prévu de prendre, le fameux WNT qui parcourt l’île de bas en haut. Mais voilà, le début de ce segment, on l’a passé… Le mec nous arrête donc devant un style de bar, on demande à l’ancien de service qui nous indique une barrière à passer et après il faut passer à droite. Ok pépé, on fait ça ! Donc on passe la barrière et on se retrouve dans un parc à animaux, avec des chèvres, un petit chat qui vient nous voir, un chien enfermé et surtout un bouc qui fait assez peur à Théo, mais finalement voilà, la fameuse trace bleu et jaune du Waitukubuli. C’est parti alors, en avant marche ! C’est sur des pavés, en plus ! C’est la Carib trace, l’ancienne route principale pour traverser l’île. Elle débouche sur Emerald pool, sans passer par la case billet s’il vous plaît. C’est une chute pas très grande, aménagée, avec plein de touristes… C’est assez caché, c’est joli. Mais je préfère Victoria Falls, plus grand et plus sauvage, plus mérité aussi. Emerald pool c’est trop simple d’y aller… mais le point commun c’est qu’une chute d’eau, c’est la puissance de la nature incarnée, une puissance qui fait peur mais qui attire, qui fascine mais qui est risquée… Donc une chute, c’est puissant, même petite comme celle-là, je suis témoin, je suis allé me mettre en dessous, comme le jeune con que je suis qui aime prendre des risques ! Après la petite baignade fraîche, Ludo discute avec une guide Suisse Allemande qui vit en Dominique depuis 13 ans et qui travaille avec des germanophones. Avec Théo, on part en quête du carbet où nous avions prévu de passer la nuit. Ce soir c’est cuisine à l’eau d’Emerald pool. Simon 2ème jour : Ce matin réveil au carbet de la piscine d’émeraude (Emerald Pool). Après le petit-déj, on finit le Waitubuli National Trail qui mène à Castle Bruce. Arrivés là-bas, nous mangeons et faisons du stop vers Little Soufrière. Nous reprenons la route, et le premier pick-up nous prend en stop ! Théo râle un peu car il est déjà venu par là et le stop avait été plus compliqué. Le chauffeur ramène des collégiens chez eux, vers Petite Soufrière, où nous allons. Les jeunes rigolent beaucoup et semblent se moquer des gens croisés dans les villages et sur la route. Nous traversons Saint-Sauveur, joli bourg où j’aurai voulu m’arrêter. Barques de pêcheurs, vieille église, il dénote des autres endroits aperçus. Un rasta nous aborde tranquillement, il reconnaît Théo, il avait embarqué son groupe dans sa voiture. Il nous questionne sur nos projets et nous dit « do you think », que je perçois comme un encouragement. Nous nous engageons sur une piste, c’est une route en construction financée par le Venezuela, mais les travaux semblent arrêtés. Ce qui a été fait se détériore. La pluie creuse la terre et la végétation repousse. Nina cavale en tong, depuis hier, elle a marché pieds nus, en tong et parfois en baskets sans lacets. Elle a demandé à partir avec moi mais son humeur reste toujours aussi variable. Je la trouve qui m’attend. Théo est loin devant, il discute en patois avec un local. Simon est retrouvé allongé par terre avec son sac, crevé, fatigué. Bizarre ! Nous atteignons Rosalie où les transports tardent à passer. Je discute avec des gens, je m’informe sur un chemin que je souhaite emprunter. Les avis diffèrent. 37 R A N D O S I M O N , T H É O, N I N A , L U D O . . . On me propose des bananes, je me rends compte qu’elles viennent du supermarché, c’est un comble, nous sommes entourés de bananeraies. La journée diminue, il y a un carbet pour dormir sur la plage, mais la description que Théo m’en fait ne donne pas envie ! Alors nous prenons la route et un pick-up finit par nous prendre. À 18h, nous atteignons un centre de formation agricole qu’on nous avait indiqué pour camper. Mais il n’y a personne. Les joueurs nous disent « attendez le gardien ». Je retrouve les jeunes en train de discuter avec un rasta rencontré plus bas. Il rentre de travailler la terre et va se changer chez lui et reviendra s’assurer qu’on ne dorme pas dehors. Il nous hébergera si nécessaire. Le gardien demande à son patron mais il refuse. On croit d’abord qu’il se fiche de notre sort, mais très vite, il interpelle le voisin pour lui demander. Les portes de la grande maison nous sont ouvertes. C’est le luxe, un homme nous donne une chambre et nous montre l’accès à la salle de bain, la cuisine et la télé. Le propriétaire sort de la sieste, il est accueillant, nous dit de faire comme chez nous. Les jeunes sont gênés. Théo s’occupe du repas tandis que je parle au rasta, il insiste pour nous emmener à Sari Sari et me dit de ne pas m’inquiéter pour l’argent. Je lui parle de Simon qui a de la fièvre. Nos hôtes lui font une tisane aux herbes locales et le rasta lui donne un verre de rhum coupé au pamplemousse. Simon devrait bien dormir, d’ailleurs il est bien tard. Théo et moi aménageons une couverture pour mieux dormir par terre et nous verrons de quoi demain est fait. PORTR AIT DE JOHN ... Par Théo Théo et Ludo En finissant le petit bout de chemin qui va de Saint-Sauveur à Rosalie, je rencontre John. Il est assis sur son tas de galets. Il est habillé un peu comme un maçon selon moi. Je lui dis: « do you speak créole, patois ? » Il me répond oui ! Il me dit qu’il a 43 ans et qu’il habite à La Plaine. Il travaille aussi comme homme d’entretien dans une grande maison à Rosalie depuis 9 ans. Je lui demande à quoi servent les galets. Et en fait, il les ramasse sur la plage et fait les murs de la maison avec ça, car le propriétaire qui est un Américain (un Texan) n’aime pas du tout les briques ! Il travaille tôt et toute la matinée pour que l’après-midi, il puisse faire des pauses. Il connaît bien aussi la Martinique car sa fille y habite. Théo R A N D O S I M O N , T H É O, N I N A , L U D O . . . 38 3ème jour : Je me lève de la maison où Micky nous a hébergés, sur la table, il y avait déjà le petit-déj. C'est-à-dire, une omelette, de la salade. On a bien aimé. On se dépêche, il est déjà 9h et on doit monter la cascade de Sari-sari. Un rasta nous accompagne, Ludo lui passe du feu pour allumer son joint. On marche, une longue côte se dresse devant nous. Je suis essoufflé, je vois le rasta devant qui marche à grands pas avec ses poumons encrassés. Après avoir marché une heure, on arrive à la cascade. Simon et moi décidons de ne pas aller nous baigner. Simon est fatigué et moi, je n’ai pas envie. Théo et Ludo vont se baigner. Ils s’amusent comme des enfants. Une fois qu’ils ont fini, on repart. Je suis devant avec Simon et nous parlons. Boum badaboum !!! D’un coup, je me retrouve par terre, une racine m’a fait tomber ! J’ai fait un soleil et je suis retombée sur mon poignet. Je galère à me relever et je vois Simon qui continue à marcher. J’arrive à me relever, puis je cours jusqu’à la rivière pour mettre mon poignet dans l’eau. Simon me crie : « Y’a un rasta à poil ! ». Dans ma tête, je m’en fous du rasta à poil, car j’ai super mal. Ludo arrive avec Théo et le rasta qui nous accompagne depuis le début. Ludo me voit tenir mon poignet. R A N D O S I M O N , T H É O, N I N A , L U D O . . . Il me demande donc où j’ai mal. Je ne lui réponds pas car je suis énervée parce que Simon a continué d’avancer et qu’il ne m’a pas aidé. On arrive sur la route, le rasta me demande si je veux de la glace pour mon poignet. Je lui réponds : « Non, je n’en veux pas ! » parce que je fais la tête de mule. Ludo va au magasin avec Théo. Je m’assois sur un banc et une personne âgée me parle en créole et me dit : « la main tombée ». Je lui réponds oui. Elle me dit qu’il faut aller au centre médical. Au début, je ne veux pas, mais je réfléchis et je me dis il faut y aller, car peut-être, j’ai quelque chose de grave. On va au centre médical, la femme arrive et me prend dans son cabinet avec Ludo, elle regarde mon poignet, elle parle en anglais, je demande à Ludo « qu’est-ce qu’elle dit ? » Ludo me répond que mon poignet est fracturé. Ludo s’arrange pour qu’une ambulance vienne nous chercher et qu’il nous emmène à l’hôpital. Arrivés à l’hôpital, j’attends. Au bout de quelques heures, je passe enfin les radios, ensuite je vais voir un autre docteur et j’attends. Enfin on m’appelle et c’est le dernier docteur que je vois. C’est le chef et le seul blanc de l’hôpital. Et je trouve ça bizarre que le chef soit blanc. Nous sortons de l’hôpital à 17h, Théo avait tellement faim qu’il a mangé mon bout de pain. Ludo a tellement faim qu’il nous paie à manger, une glace, un jus. La glace, nous l’avons mangée à Portsmouth. Après, nous apercevons le bateau, il fait nuit, donc Christophe ne va pas nous voir. Théo se porte volontaire pour aller au bateau chercher l’annexe à la nage. Il revient nous chercher et nous ramène au bateau. Ça sent bon la cuisine. Christophe nous propose du bacon, un œuf et du jus. On a très faim. On mange tout. Ensuite, nous allons nous coucher car après une journée comme celle-là, on est très fatigués. Nina P O R T R A I T D E K E N R OY. . . P a r S i m o n Kenroy a 25 ans et vit à 20 minutes des chutes de Sari-Sari, dans une petite maison en bois. Il est paysan et un peu trafiquant, il a un jardin de légumes et quelques petites plantations de cannabis, pour lui et pour revendre, il donne la ganjah à quelqu’un qui va vendre en Guadeloupe et qui lui ramène l’argent. Les jours ou il travaille dans son jardin, il fume 2 joints, un le matin et eu le soir après le travail, mais les jours un peu tranquilles, par exemple quand il fait le guide pour les touristes, c’est à volonté, il peut en fumer 10 ou 15 en un seul jour ! Il est grand, musclé, pas un poil de graisse, des dreads. Il nous a conduit aux chutes en disant à Ludo « T’inquiète pas pour l’argent, c’est pas grave ». Il avait l’air d’un rastaman, calme, des dreads propres, des joints, mais je ne lui ai pas posé la question. Quand Nina s’est cassé la figure, il a été très prévenant, lui a demandé si ça allait. En redescendant des chutes, il tenait à nous raccompagner, pour être sur qu’il ne nous arrive rien. Le soir où nous avons dormi chez William, il est redescendu pour voir si on avait trouvé un lieu où dormir. Il a aussi des connaissances solides sur les plantes médicinales, dont il se sert pour se soigner, il ne va pas chez le médecin. Simon. 39 R A N D O T H É O, L U D O . . . 1er jour : Je reprends la route avec le camarade Théo, pour deux jours de bonne marche. Mes derniers jours de rando ! Nous avons laissé nos deux estropiés au bateau, Simon du pied et Nina de la main. C’est dommage, nous avions déjà fait une jolie boucle tous les quatre. Heureusement les bobos devraient se résoudre rapidement. Nous quittons donc le bateau avec comme objectif numéro 1 : le Boiling Lake, le lac bouillant. Mais il est un peu tard, nous irons donc demain. J’ai trouvé une jolie boucle pour aujourd’hui : nous retournerons à Pont Cassé pour descendre à Titou Gorge en passant par le Waitukubuli. À 10h30, nous sommes au départ de la rando. Nous avons croisé Moses Junior et sa femme, de Victoria Falls. Ils transportaient des briques pour leur maison en construction, sur lesquelles nous avons voyagé jusqu’ici. Nous achetons quelques fruits au bord de la route à une dame. Et c’est parti, d’entrée, le rythme est soutenu ! Mes cuisses me calment un peu, mais nous gardons une bonne dynamique, à tel point que nous manquons de nous embarquer sur un mauvais chemin. Il est facile de revenir sur nos pas pour retrouver le balisage bleu et jaune. Nous sommes en pleine forêt et à mesure que la route s’éloigne, nous entendons des perroquets, de grands arbres nous entourent. Nous prenons de jolies sessions de montée, des descentes boueuses aménagées avec des cordes. Nous croisons des carbets, et comme ils sont indiqués sur la carte, ils nous permettent de suivre notre progression. Du deuxième, je défie Théo sur un grimper de liane, on pourrait atteindre la canopée (la cime des arbres), tellement elles sont bien accrochées. La marche est agréable, Théo est de bonne compagnie, il est en forme et, je pense, content d’être seul avec moi. Lorsqu’il y a d’autres jeunes, la communication est parfois compliquée. On avait dit pas de casse-croûte avant 13h, alors on s’y tient ! Mais l’arrivée au carbet de Middlehams Falls est bien appréciée. Sandwichs engloutis, nous allons voir le Trou Santi, (trou qui pue où nichent des chauves-souris). Le trou n’est pas très accessible, ça pue, et les bruits ne donnent pas envie d’aller les déranger. Par contre, nous croisons plusieurs ruisseaux et mon instinct me dit de descendre le plus gros. Bingo ! Nous débouchons sur un gros rocher en haut de Middlehams falls, la plus haute chute de Dominique ! La vue plongeante est incroyable. Nous cachons nos sacs derrière un arbre et nous allons au pied de la cascade. Il fait froid mais l’appel de la baignade est trop fort. Retour au carbet pour un petit thé qui réchauffe ! Content d’avoir vu une belle cascade, nous repartons direction Laudat. Nous rejoignons la route mais c’est plus long que prévu, la fatigue arrive alors que la motivation est intacte. Et on finit par y arriver. On me propose un hébergement, un guide, mais je préfère demander l’autorisation de cueillir des pamplemousses ! Il fait sombre, lorsqu’on arrive à Titou Gorge. Nous sommes accueillis par un gardien qui montre son enthousiasme d’avoir de la compagnie pour cette nuit. Nous sautons quand même dans l’eau froide du haut du plongeoir et nous allons dans la gorge. Nous mangeons avec Mickaël, l’homme qui aime parler aux oiseaux. Le sommeil tarde à venir, la pluie tombe. Je m’endors enfin, impatient d’être à demain, mais ravi de cette journée bien remplie. Ludo 40 R A N D O T H É O, L U D O . . . 2ème jour : « les pieds dans la boue, le nez dans le soufre. » Réveil à Titou Gorge sous le carbet. Je suis dans mon hamac et il pleut, Ludo est debout depuis 6h15 car ce matin, on va au Boiling Lake, lac bouillant. La pluie me démotive un peu ! Nous prenons un petit-déj et Ludo me motive pour y aller. Nous allons dire au revoir à Mickael et nous entamons le chemin. Dès le début, il y a des rondins de bois pour le plus grand malheur de Ludo, car pour lui, ça casse le rythme de la marche et ça fait mal à ses genoux de 50 ans ! Il commence à pleuvoir de plus en plus. Ludo met son poncho et moi, je mets simplement mon poncho sur mon sac, car je pense que trempé pour trempé, autant rester comme je suis ! La montée pour aller au Boiling Lake se fait assez vite. C’est bien de marcher en hauteur, le ciel était couvert mais on pouvait apercevoir certaines fois les collines et les vallées toutes vertes. À mesure que l’on s’approchait de la vallée de la désolation, ça sentait, ah non, excusez-moi, ça sentait l’œuf pourri (le soufre) ! Arrivés au sommet, j’étais trempé de la tête aux pieds. Il y avait beaucoup de vent. Nous commençons à descendre et nous apercevons la vallée de la Désolation. La couleur de la roche est grise, même blanchâtre. Il y a de grosses fumées de soufre ! À certains endroits, il y a des flaques bouillonnantes. J’ai fait l’expérience de toucher et je vous confirme, c’est bouillant ! On arrive au lac bouillant. Au milieu, de grosses bulles sortant de l’eau. Il fait très chaud. Nous remontons au carbet pour manger. Au menu des randonneurs du jour, ce sera maquereaux, pâtes chinoises, mayo ensemble et pâtes chinoises à côté, avec un petit thé avant d’entamer la descente. Nous recroisons une personne croisée tôt ce matin à Titou gorge qui nous dit que le chemin pour aller à Wotten Waven peut être trecky, ce qui veut dire que le chemin est piégeux ! Mais bon ! Alors c’est parti ! On commence à prendre le chemin et dès le début de la boue, du vert, des rivières et surtout pour moi, des glissades, de bonnes glissades, de très bonnes glissades même !! La descente est plus longue que la montée et même plus longue que prévue, car au lieu d’aller à Wotten Waven, nous sommes arrivés à Morne Prosper et merde !! Mais c’est bon, en descendant, on aperçoit le panneau du Waitukubuli. Ludo y va direct comme un jeune fou ! Mais moi, j’hésite, je suis fatigué et j’ai trop soif ; mais voilà, j’ai quand même l’air un peu d’un con tout seul devant le panneau, alors, j’y vais. Après une marche un peu marrante, car notre jeune fou faisait de belles glissades, ça y est nous y sommes, les chutes de Trafalgar. Les bains d’eau chaude nous font du bien. En tout, nous avons marché 8 heures. Après, nous sommes rentrés à Roseau pour manger une glace et un petit plat à Portsmouth qui pourrait nous rendre malade. Nous rentrons au bateau et voilà, Ludo, la Dominique c’est fini ! J’aurai passé deux jours superbes en ta compagnie ! Merci ! Théo 41 PORTR AIT DE MISTER PETER. . . p a r L u d o Je rentre de la rivière chargé de mon sac à dos plein de linge humide et propre. Un vieil homme pas tellement vieux me fait signe d'approcher. Assis sur le perron de sa petite vieille bicoque en bois. Il me pose des questions, croyant que je voyage. Il me propose l'hébergement dans la "gehsthouse" adjacente. Mais le but de ma promenade est toute autre. Alors il m'offre des revues touristiques sur l'île, ce qui me donne déjà des idées pour les randos. Peter a 62 ans. Il a passé trente ans à Saint Martin. Il a donc du mal à me conseiller lorsque je lui pose des questions. Ses enfants sont restés là bas, et ses économies ont servies à construire cette petite maison jaune, pour loger les touristes au bord de la plage. Mais ce n'est pas facile, il doit quand même bricoler pour joindre les deux bouts. Il cultive des herbes aromatiques, dont le fameux bois d'Inde, et il rend des petits services aux gens. En parlant de sa vie à l'étranger, il compare Saint Martin et Saint Barth, il parle des lois française, qui sont trop dures et qui empêchent les migrants comme lui de travailler. Il m'explique que les gens vont donc côté Hollandais pour vendre, faire du "buisness". Peter habite près du bateau et je le croise à chaque départ de randos ! J'en profite pour lui raconter un peu ce que nous faisons et que nous voyons. Il a l'air content. Il apprécie cette manière de donner à voir le monde aux jeunes. Un matin, il discutait, alors je suis passé à coté de lui sans lui dire bonjour mais il m' a attrapé pour me saluer avec sa brouette, ses chaussures trouées, et son béret vissé sur la tête. Mais ce qui me touche le plus, c'est son sourire. Ludo. J’Y REVIENDRAIS...par Thierry 42 Le 23 février : De retour de rando après cinq jours à arpenter la belle Dominique avec Evolène et Kévin. C’était bien, c’était chouette, mais on vous l’a déjà raconté dans les textes précédents. D’habitude après les randos, on fait notre lessive et ici on peut même la faire directement à la rivière. Le cadre est superbe, l’eau belle et fraiche, il y a même des petits poissons et autres écrevisses qui nous chatouillent les pieds. Tout cela transforme une corvée en petit moment de détente. Chacun à son rythme, la lessive se termine. Kévin et Mike sont déjà partis. Théo, Evolène et Ludo viennent de nous quitter. Ne reste plus que Charles et moi. Ça tombe bien car nous nous sommes donné comme mission de ramasser des graines. Eh oui, j’ai découvert que j’adore « enfiler des perles ». Non, sans rire, j’aime faire des colliers et bracelets avec les graines ramassées tout au long du voyage, et la Dominique est un très bon fournisseur ! Charles connaît un spot à graines de cardinalier (elles sont toutes belles, d’un rouge brillant) pas très loin de la rivière. Effectivement, sur le bord du chemin nous en ramassons un bon paquet. Plus bas, là ou la rivière se fond dans la mer, il y a aussi des graines Job (grises, quelquefois marbrées de noir et en plus, elles sont déjà percées !). Nous en ramassons un peu, mais il est l’heure, on nous attend au bateau. Il y a même Ginette et un bout de sa famille qui viennent manger au bateau. J’Y REVIENDRAIS...par Thierry Elle nous ramène les petits cadeaux que Kélig, Mike et Charles ont dénichés dans sa boutique. Finalement, Taxico oblige, elles ne resteront que jusqu’à 13 h 00. Je n’aurai vu que son sourire, tant pis, une prochaine fois peut-être… L’après midi, je me dis qu’il faut profiter d’être sur l’île des graines, je retourne avec Charles chercher des graines Job. Christophe nous montre un bon spot. Bonne récolte avec même dégustation de glaces coco… Hum, j’y reviendrai, vous dis-je. Eh oui, car demain nous décollons pour les Saintes avant de rejoindre la Guadeloupe. J’avais un très bon souvenir de la Dominique lors de mes passages avec Tara. Ce sentiment s’est étoffé avec cette escale. Les paysages sont toujours aussi beaux, du morne tout vert à la source chaude, et les rencontres très souriantes. Mer-Sea aux Dominiquais, et à la prochaine… Tit ON QUITTE LA DOMINIQUE... Par Kélig Dimanche 24 février : Aujourd’hui, on quitte la Dominique. On a décidé de ne pas aller directement à Pointe à Pitre, mais de faire une pause mouillage aux Saintes. Mais avant tout, nous allons nous mettre à quai, toujours à Portsmouth, devant le Cabrits park. C’est un ancien fort anglais, où ces derniers ont longuement combattu contre les Français pour ne pas se faire voler cette belle île de la Dominique, ce joyau de la Caraïbe. Il est possible ici de remplir nos réservoirs d’eau pour 15 dollars EC, soit environ 5 euros. Et en plus, on est contents d’avoir de la bonne eau pure de la Dominique, mieux que celle javellisée de Pointe à Pitre. Le vent souffle en mer. Nous avons à peine 20 milles à parcourir. Je pense que l’on va filer. Mais au fait, Charles, pourquoi on part ? Pour aller chercher un panneau solaire à Marie-Galante ! Et Kévin, pourquoi on part ? On va chercher Marion à SantaCruz ! Bon, quelques ratés d’organisation, le planning n’est pas bien au point ! Nous faisons donc un saut à Pointe à Pitre pour aller récupérer un panneau solaire qu’un ami nous a acheté, chez le docteur Caussé, que nous connaissons depuis longtemps. Nous en profiterons pour lui demander son avis de professionnel quant au pied de Simon et à la main de Nina. Ensuite, on file à Goyave, mouillage plus tranquille pour attendre Marion et saluer notre cher Ludo qui va tous nous manquer. Allez, c’est parti pour les Saintes ! On est déjà presque à 10 nœuds, quel puissance ce bateau ! Je profite quand même de ce moment même si le laps de temps est court pour me mettre au travail, parce que j’ai un peu de pain sur la planche. Les bilans de l’Aide Sociale à écrire, les textes de rando à recopier, taper sur l’ordi, les questions bilan données à l’équipage hier soir… 43 ON QUITTE LA DOMINIQUE...par Kélig Et puis je sais qu’une fois en Guadeloupe, nous aurons plein de choses à faire… Courses, internet, cuisine, marché… Allez, ça y est, il est midi, nous mouillons dans l’anse de Crawen. La mer est très claire, c’est tout joli ! Nous ne sommes pas loin de la Dominique, mais nous avons déjà changé de climat. Ici l’air est sec, la végétation est sèche, le soleil pique la peau. Après manger, je vois Kévin qui tourne en rond alors qu’il a des textes à faire, un bilan à réfléchir, un portrait à écrire. Je sais bien qu’il ne s’y mettra pas tout seul. Je m’y colle, il me dicte, j’écris et en contre partie, il doit s’entraîner à lire. On y passe quand même 1h30. Je vaque ensuite à mes occupations. Ce soir, après manger, on commence à lire nos textes de première randonnée. Mike souffle après mes textes longs selon lui, Nina a perdu le sien et Kévin qui a déjà été très chiant tout le repas ne s’est pas entraîné du tout à lire. C’en est trop pour moi ce soir. Ce laisser-aller, cette flemme et ce je m’en foutisme m’exaspèrent au plus haut point. Je me décarcasse et à côté, on se la coule douce ! On se laisse bercer par les grands ! Je dis ce que je pense, je ne mâche pas mes mots et je pars me coucher. Je ne dis bonne nuit à personne en espérant quand même au fond de moi que demain sera meilleur et que chacun fera au mieux pour ça ! Kélig JOURNÉE DÉPENSE... Par Mike Lundi 25 Février : Aujourd’hui nous partons des Saintes, pour partir à Pointe à Pitre, qui se trouve en haute terre de la Guadeloupe. Arrivés à la marina, après s’être amarrés comme il faut et après que le bateau est rangé, nous faisons une équipe pour les courses. Christophe, Kélig, Nina, Evolène et moi, nous sommes volontaires pour y aller. Voilà, les lacets sont faits, et on y va ! Arrivés à Ecomax, nous prenons 3 caddies et nous rentrons dans le magasin. Nous prenons 20 kg de farine, 20 kg de pâtes… Après que les caddies sont pleins, nous allons payer… pauvres gens, ils ont trois articles et ils attendent derrière nous, il n’y a qu’une caisse ! Courses terminées, 523 euros avalés ! Et avant de rentrer au bateau, nous passons chez le médecin pour récupérer un panneau solaire que nous avions commandé et que le médecin était d’accord pour garder jusqu’à notre arrivée : 160 euros pour le panneau ! Sur la route, nous n’arrivons pas à conduire les caddies, tellement ils sont lourds. Arrivés au quai, nous demandons à notre équipage de faire une chaîne, elle se fait vite, impressionnant ! Courses rangées et Christophe, Evolène et moi, nous repartons faire trois courses car nous n’avons pas tout trouvé à l’Ecomax. Nous partons à Champion. Nous achetons ce qu’il faut et 376 euros avalés. Nous rentrons au bateau, nous redemandons une chaîne et elle se fait aussi vite. Courses rangées. 44 JOURNÉE DÉPENSE... Par Mike Kélig, Nina, Simon sont partis chez le docteur, car ils ont un problème, Nina au poignet, Simon au pied. L’après-midi passe tranquillement. Thierry essaie notre nouveau panneau solaire, mais ça ne marche pas. Ce n’est pas le panneau car il est neuf, ce n’est pas les câbles, c’est sûrement le boitier. Chacun s’occupe à sa manière pour que le temps passe. Je vois partir Kélig, Nina, Théo et Kévin se doucher. Théo et Kévin reviennent. J’y vais à mon tour. Un monsieur m’ouvre la porte et 2 minutes après, Kélig me passe un gel douche car je n’en ai pas. Christophe me dit de me dépêcher de me laver. Douche terminée, cheveux coiffés, nous pouvons aller manger. Arrivés au bateau, nous mangeons. Ludo et Simon nous ont préparé un excellent couscous. À demain ! Mike O N PA R T À G O YA V E . . . p a r N i n a Mardi 26 février : Ce matin, je me lève à 6h, car j’ai un mal de chien au poignet. Ça tombe bien car aujourd’hui, Simon, Kélig et moi allons à la radiologie. Dans 30 minutes, nous partons. Pendant ce temps, je vais réveiller Kélig et Simon. On est prêts à partir, on met nos chaussures, on monte sur le ponton et c’est parti ! On marche pour aller à l’arrêt de bus qui nous conduira au centre ville. Il s’arrête sur une place, on marche un peu jusqu’au cabinet de radiologie qui est à côté de l’église, comme nous l’avait expliqué le docteur Thierry (c’est une connaissance de GN). Comme prévu, on a attendu deux heures dans la salle d’attente. Je me lasse, j’en ai marre, je me plains. « Nina Ben M’Hamed !! » Kélig me regarde et me dit: « C’est toi ça ?!! » Une femme m’emmène dans la salle de radio. Elle me fait une radio du poignet vue de dessus et vue de dessous. Voilà, c’est fini, et pour le tout ça sera 55 euros ! Cette fois, c’est au tour de Simon. Lui, par contre, il a une blessure qui s’est infectée et le docteur voulait vérifier s’il n’y a pas de corps étranger. On attend les résultats ! « Hoolans, Ben M’Hamed ! » On arrive, tout fiers et on nous remet les résultats de nos radios. Simon n’a rien et pour moi, j’ai une « asymétrie du cartilage de l’épiphyse radiale à droite par rapport au côté controlatéral en faveur d’un décollement épiphysaire !!! » Tout un poème… Au final une lésion du cartilage au poignet ! On sort. Pendant qu’on attendait, Kélig nous avait acheté un petit truc à manger. Une fois dehors, on avait encore faim, alors on est allé dans un snack pour acheter 2, 3 trucs. On a le ventre plein. On peut repartir pour prendre le bus. On va voir le médecin avant de rentrer à la marina. Il explique à Simon qu’il doit mettre le pied dans l’eau de mer pour faire tomber sa croûte et ensuite il doit laisser cicatriser. Et moi, je dois porter une meilleure attelle et ne pas forcer pendant trois semaines. Mais je pourrai nager avec les baleines pour faire ma rééducation ! Ok, merci docteur ! Retour au bateau où tout le monde s’inquiétait car cela a duré toute la matinée ! Je vois Ludo, Thierry et Christophe qui font des allers-retours. Internet, billets d’avion, payer la marina, plein de gasoil et on part à Goyave. C’est un mouillage tranquille. On attend l’arrivée de Marion pour partir en Rep Dom. J’ai aimé ce que j’ai vu de la Guadeloupe et direction les baleines. Nina. 45 LA NON-AR R I VÉE DE M AR ION . . .Pa r S i m o n Le 27 février. Le matin, la routine, avec en plus des Hobbie-Cats qui passent… (un Hobbie-Cat, c’est un tout petit cata, un optimist à deux coques en quelque sorte). Des planchistes nous tournent autour, mais c’est qu’il y a du monde ici ! C’est normal, c’est une école de voile, des connaissances du bateau, ils sont déjà venus ici. Après c’était une journée écriture, assez calme, j’ai réussi à m’endormir pendant mon bain de pied médicinal, c’est fort ! Mais l’événement du jour, c’est l’arrivée de Marion, prévue pour ce soir, 20 h 30. Mais voilà, il est 22 h 00 et toujours pas de Marion, c’est louche… À ce moment, je vais me coucher, mais Thierry et Kélig sont déjà partis attendre Marion sur le ponton, ils y resteront jusqu’à une heure du matin… Mais Marion, qu’est elle devenue ?? En sortant de l’aéroport, elle a trouvé le taxi trop cher, et a voulu faire du stop, mais personne n’allait vers Goyave, et puis, d’après ce que j’ai entendu, un aiguilleur du ciel lui a proposé de dormir chez lui, et de la ramener le lendemain matin pour prendre le bus. Marion est donc arrivée le lendemain matin, après de nombreuses hypothèses, comme une grève générale d’avions ou une erreur dans l’achat du billet, ou même un kidnapping organisé par Ludo le trafiquant Colombien. Simon UNE JOURNÉE BILANS... Par Kév i n Jeudi 28 février : Ce matin, Marion arrive. Nous papotons, nous papotons, nous papotons. Puis on va faire les bilans, je passe le premier. Conclusion, je suis paresseux. Kévin. 46 ! HA STA LUEG O LU DO ! . . . p a r C h a r l e s Vendredi 01 Mars : Eh oui, ce jour-ci, ce jour même, Ludo quitte le bateau tôt ce matin. Ses bagages sont prêts, après le petit-déj, il ne tarde pas, fait en sorte d’écourter les adieux. Il n’aime pas les au revoir interminables et moi non plus. Avec Kevin on l’amène en annexe jusqu’au ponton, quelques embrassades plus tard ça y est il s’éloigne, je me dis que cela doit lui faire bizarre de quitter l’équipage de GN après 5 mois d’aventures. Il peut s’en aller tranquille. La relève, Marion, assure ! Bon ce matin, il ne faut pas mollir ! Au programme, quelques courses de frais, une équipe part à terre et à notre retour on ne tarde pas. L’équipage se prépare à partir. On attend Christophe et Kélig, ils étaient au club de voile sur internet. Envoyer et réceptionner, écrire des mails s’ il le faut, aux mamans soucieuses du bien être de leurs filles, fils ! Je ne dis pas ça comme ça, ma mère s’inquiétait. Elle m’envoie des mails et je ne réponds pas tout le temps ! Déjà cinq mois que nous sommes partis, en France le temps peut paraître long. Mais il ne faut pas vous inquiéter, tout se passe bien, on ne risque rien, on ne manque de rien ! Tout va pour le mieux. C’est vrai que je ne pense pas souvent à donner de mes nouvelles, il faut dire que j’ai la tête dans les nuages. J’essaie de m’imaginer de grosses masses qui nagent et sautent autour de nous, une baleine, par exemple ! Eh oui, le moment le plus croustillant du voyage approche à grand pas… Nous partons en direction de Samana, il n’y a pas beaucoup de vent mais la mer est calme. Navigation très très agréable, le bateau avance à 5 noeuds, tranquillement mais sûrement. La saison des baleines c’est jusqu’à fin mars, on a le temps mais il ne faut tout de même pas traîner ! J’suis trop content, je suis du quatrième quart avec Marion et Mike, assister au lever du soleil, c’est très agréable, très joli. Charles. 47 EN ROU TE V E RS LES BALE IN ES . . . p a r E v o l è n e Une journée de navigation toute tranquille. La mer est d’huile, mais ondulée. Elle est douce, délicate. Je dirais, tout en rondeur. Aucune pointe ou pic, les vagues me font penser à des dos d’ânes. Les mouvements du bateau sont légers, juste de quoi bercer. Le soleil est au rendez-vous. Il tape même trop, on décide de se cacher sous le taud, mais qu’est-ce que c’est bon qu’il soit là. En mer, on vit en même temps. On se lève avec, et on se couche avec. C’est notre horloge à nous. Dans la matinée, je me plonge dans un livre, « Des baleines » de William Heathcote. Plein d’images, accompagnées de belles phrases, qui en disent long sur ces gros cétacés. C’est très poétique, même si on apprend des choses concrètes. C’est aussi probablement la façon dont c’est dit qui fait qu’on s’attache tant à elles, à ces êtres exceptionnels. Car c’est vrai, après avoir lu ça, j’en suis devenue amoureuse. J’ai plus que hâte de les voir pour de vrai, et je me mets en quête d’information sur la chasse à la baleine, ce qui ne fait qu’amplifier mon avis sur la cruauté de l’homme, à voir tout ce qu’il ferait pour son profit, je me demande où sera la limite, s’il y en a une. En tout cas, dommage qu’il n’ait su voir dans la baleine qu’un intérêt économique… On passe quasiment l’après-midi à faire le bilan des relations dans le groupe. On a tous plus ou moins pris des notes ou déjà réfléchi et cas par cas, chacun parle un peu de sa relation ou de ce qu’il pense d’untel. C’est bien de discuter de tout cela, mais il faut qu’après il y ait du changement, du résultat, il faut tenir compte de ce qui a été dit. Avant manger, c’est la « minute sport ». Musique entrainante, tous en action ! Marion fait la coach, « allez, on se fait deux séries de 10 pompes, et on enchaîne sur les abdos, c’est parti ! Un, deux, trois… etc ». Elle est motivante, cette Marion, depuis trois jours qu’elle est à bord, je la vois toujours en action, en train de booster, d’aider, de motiver, ou de faire bouger. Waw, ça nous change. Pour nous, les jeunes, qui avions des tendances molles et inactives, c’est sûrement un bon exemple. Evolène. 48 BANDE DE KÉVIN... Par Chr is tophe Le 03 mars : Ça fait bizarre d’être en navigation, que la mer soit calme, qu’il n’y ait pas beaucoup de vent et de faire une moyenne en dessous de 5 noeuds ! C’est la première fois depuis que je suis à bord, presque 3 mois. Peut-être l’effet Marion ? Non l’effet Marion c’est plutôt la reprise de certaines activités, dont la minute sport, qui dure plutôt ½ heure, et qui regroupe une bonne moitié de l’équipage ! Moi je compte sur les baleines et la nage sur Silver Bank pour de longues minutes sport. Mais pour cela il va nous falloir le permis pour le sanctuaire du Banc d’argent et vu que le responsable ne répond pas aux mails que j’envoie depuis octobre, j’espère qu’il n’y aura pas d’embrouilles ! Et encore avant cela il faut arriver en République Dominicaine et au rythme où nous y allons on en a encore pour au moins 48 heures ! Le côté positif de ce beau temps calme c’est que personne n’est malade, que l’on rattrape les textes de la Dominique sur l’ordinateur et que tout le monde fait travailler son cerveau. La fin des bilans et la discussion sur les relations dans le groupe y est aussi sûrement pour quelque chose ?! Reste à traduire toutes ces paroles et ces « bonnes intentions » en actes, mais comme je l’ai dit à Charles et Evolène, j’y réfléchis ! Quart de nuit avec Evolène (justement) et Kévin, mais lui a dormi les ¾ du temps et n’a pas essayé de s’intéresser à notre conversation. Ce qui fait qu’il a été surpris par notre conclusion à la fin du quart quand on lui a dit, qu’à la réflexion, nous les humains sur cette planète nous sommes (collectivement) des Kévin. Je vous sens aussi perplexe que lui, alors je vais tenter de vous expliquer comment on en est arrivé là. Après un long examen de la situation « géopolitique » en partant de Cuba et des Etats-Unis d’Amérique et plus largement du communisme au capitalisme (car nous avons aussi parlé de la Chine et de la France) nous en sommes arrivés aux problèmes sociaux et économiques actuelles et aux choix qui sont faits ou pas ! Et pour vraiment résumer, puisque cela nous a pris 2 bonnes heures, à la conclusion que sur la planète l’Homme se comporte comme Kévin sur le bateau : il ne veut pas apprendre, remet toujours à plus tard ce qu’il faut faire et ne veut jamais analyser les conséquences de son attitude ! Bon je dois admettre que j’ai aussi été inspiré par le feuilletage cet après-midi de 2 petits livres, il s’agit des « Petits cahiers d’exercices d’émerveillement » de Rosette Poletti et Barbara Dobs et « Exercices de Tendresse pour la Terre et l’humain » de Pierre Rabhi et Anne van Stappen. Je crois que c’est Morgane qui nous les a offert, à mon tour je vous les conseille ! (Edition Jouvence, 6,90 € et 6,50€). Christophe. 49 UN TRAIN EN MARCHE... Par Mar ion Lundi 4 mars : Mercredi 27 février : Un déménagement, des papiers, des au-revoir, toute une organisation, des heures et des heures de vol, un choc climatique, un décalage horaire… Pas de doute, c’est le début d’une aventure ! Le pied posé sur le sol guadeloupéen, je sens rapidement que je ne suis pas encore au bout de mon périple pour rejoindre mon équipage, qui m’attend pourtant ce soir… Il est 20h, les taxis m’annoncent entre 100 et 150 euros pour rejoindre Goyave à 25 km de l’aéroport, soit ¼ du prix qu’a coûté un billet pour faire 5000 km en avion… Non, ça c’est sûr, trop cher. L’heure tourne et l’autostop n’étant pas très concluant, j’accepte la proposition d’Aurélien (un aiguilleur du ciel de Pointe à Pitre) de m’héberger pour la nuit. Demain, les bus auront repris leur service, je pourrai rejoindre GN au petit matin. Je me couche à 23h, heure locale, soit à 4h du matin, heure locale de mon organisme. La fatigue devrait s’emparer de moi mais ma tête refuse de se mettre sur off ! Je pense à demain, à l’équipage que je vais retrouver, aux escales que l’on va faire… Ces trois dernières semaines se sont résumées aux préparatifs de départ mais je me rends compte que c’est la première fois que je pense vraiment au voyage, que je me projette. J’ai encore l’esprit en France, je pense à Régis que j’ai quitté quelques heures plus tôt à l’aéroport… Cet entre-deux est assez inconfortable et je mets fin à cette cogitation nocturne en me disant qu’il est temps que le voyage commence vraiment… Ça y est, j’ai hâte, vraiment hâte ! Comme prévu j’arrive à Goyave le lendemain au petit matin, je retrouve le petit club de voile qui selon mes souvenirs donne sur l’anse où est mouillé le bateau. Un petit moment de suspense, mon cœur bat de plus en plus vite et derrière le hangar à bateau, enfin, il est là, ils sont là ! C’est la fin de mon acheminement mais le début, enfin, de l’aventure. De ma 2ème aventure avec Grandeur Nature en réalité… 3 ans après ma 1ère en 2009-2010. Je donne un petit coup de sifflet en direction du bateau (technique datant de l’époque où je soutenais le Stade Brestois 29, toujours très utile dans ce genre de situation). Les bras s’agitent sur le pont et Kélig, Mike et Evolène grimpent dans l’annexe. Retrouvailles chaleureuses où j’apprends que Kélig et Thierry m’ont attendu jusqu’à 2h du matin devant le club de voile… Aïe, je m’en doutais un peu, c’était ce que j’avais annoncé ! Une fois à bord, les retrouvailles continuent. Je suis tellement contente de revoir cet équipage, quitté il y a quelques mois en Corse lors du stage d’été avec en prime deux recrues, deux nouveaux visages.. Nina et Kévin ! Tout le monde est souriant, je raconte mes aventures de la veille, Théo m’offre une part de fondant au chocolat, « une attention spéciale pour ton arrivée » me dit Christophe ! Chacun me réserve un accueil chaleureux, y compris Ludo qui me cède sa place aux côtés de Christophe, qui lui, a préparé la cabine pour m’accueillir. La journée s’enchaîne sur les bilans, le jour suivant, nous partons en navigation pour la République Dominicaine après avoir quitté Ludo. J’apprends peu à peu à découvrir chacun dans le contexte du voyage, et je sens bien que chacun veut me montrer le meilleur de lui-même. Du coup, l’ambiance est très agréable. Les discutions avec Charles, Evolène et Théo sont très joviales, Kévin, avec qui je fais la cuisine le deuxième jour est très présent et donne tout ce qu’il a (en me précisant bien en fin de journée que d’habitude, c’est pas comme ça, pour éviter que je ne m’y habitue…) 50 UN TRAIN EN MARCHE... Par Mar ion Mike me répète régulièrement qu’il avait hâte que j’arrive, Simon reste un peu à distance mais est toujours prêt à me rendre service, et Nina, quand à elle, redoute l’image que je peux avoir d’elle et ce qu’on m’aurait raconté à son sujet. Sauf que moi, j’arrive sur le bateau avec un regard tout neuf. J’ai même presque l’impression que le voyage commence où j’arrive. En fait, c’est nouveau pour moi, d’arriver à mi- parcours d’une expédition… Je ne connais pas l’histoire quant à mon arrivée et tant mieux mais à la fois je trouve l’exercice difficile, de me remettre dans le cinquième mois de l’expédition. Quelles sont les règles établies ? Quelles sont les exigences à ce stade du voyage ? Car c’est vrai, dans un premier temps, je vois surtout ce qui fonctionne et ce qui est agréable à bord. Mais petit à petit, je découvre ce qui n’est toujours pas acquis, dans l’apprentissage de la voile, par exemple, ou bien ce qu’il faut encore rappeler pour que les choses du quotidien soit faite, etc. Et au fond de moi, je me rappelle: « ça fait quand même cinq mois de voyage… ». Cela dit, je trouve qu’il y a un certain dynamisme à bord, de la curiosité, de l’envie d’apprendre. Mais je me rend compte que chacun fait pour soi, que le groupe n’a pas encore découvert la dimension du collectif, et je vois à travers mes discussions avec les uns et les autres que la prise de conscience de ce que peut être le voyage dans le « faire ensemble » n’a pas encore eu lieu… Mais je suis bourrée d’optimisme, et je suis persuadée que cet équipage peut, ensemble, faire de belles choses… Marion. FA U X R Ê V E . . . P a r T h é o Le 05 Mars : « Théo, mets-toi à l’eau, il y a trois baleines devant l’étrave! Charles et Tit y sont déjà ! » Ah, finalement ce n’était qu’un rêve, nous sommes encore en navigation ! En sortant de ma bannette, ça bouge beaucoup. Toutes les personnes qui sont sur le pont sont en ciré intégral. C’est les joies de la navigation au près ; nous filons à environ huit nœuds, nous devrions arriver à Samana ce soir ! Je monte sur le pont, alors hop, je récupère ma tenue que j’avais prêtée à Mike, et il me dit que ça lui a bien servi ! Pendant ce temps, Tit va à la carte, et nous dit qu’il ne faut pas mollir, si on veut y être avant la nuit. Après je vais dans la coque bâbord, avec en arrière pensée de faire une petite sieste. Mike viendra s’allonger en dessous de la table, et Simon nous prendra en photo dans la même position. Ah, c’est l’heure de manger, aujourd’hui c’est Charles de cuisine, pas de chance, c’est le plus malade quand on est au près. Cet après-midi ce sera encore une sieste, puis je prendrai la barre et nous verrons nos premières baleines. Et là, je comprends la citation de Cook « Dans l’après midi, nous aperçûmes ce que nous prîmes tout d’abord pour un rocher, mais ce qui se révéla être le corps d’une baleine que quelques Asiatiques avaient tués, et qu’ils étaient en train de haler au rivage. Ils semblaient essayer de se cacher même derrière cette baleine, dans l’espoir de ne pas être aperçus par nous ». Nous arrivons vers 18 heures, demain nous essaierons d’avoir le permis, ah non, nous irons prendre ce permis, après je retournerai rêver de baleine. Buenas noches ! Théo. 51 PREMIER JOUR À SAMANA...Par Kélig Mercredi 6 Mars : Aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. Aujourd’hui, c’est notre premier jour à Samana, ville au nom très évocateur pour moi. Ici résonnent des mots tels que baleines, jubartes, mégaptères, divas des océans. Tout cela ne vous dit rien encore lecteur, mais laissez-vous guider, après quelques pages, vous saurez tout sur ces fameuses baleines à bosse. Samana, ou plus exactement, Santa Barbara de Samana, ville de République Dominicaine, cachée au fond d’une baie du même nom. Sanctuaire de mammifères marins où viennent chaque année de janvier à avril, 3000 baleines à bosses pour se reproduire et mettre bas. C’est ici que tout commence, que débute cette grande aventure, je dirai même cette aventure exceptionnelle… Ce voyage est déjà en lui-même grandiose, de par le projet, l’itinéraire, le bateau, mais rajoutez à cela l’étape du Banc d’Argent, la rencontre des mammifères marins et des mammifères terrestres et vous faites de ce voyage, un voyage exceptionnel. Mais laissez-moi vous conter un peu cette journée. Christophe et Thierry partent ce matin en ambassadeurs à terre, auprès des autorités, pour régulariser notre entrée dans le pays et rencontrer les responsables du sanctuaire des mammifères marins afin de nous délivrer le permis pour observer les baleines sur le Banc d’Argent. Le Banc d’Argent se situe à 90 milles nautiques au nord-ouest de Samana (c'est-à-dire environ 170km). D’une superficie de 90 km sur 70, où les eaux sont peu profondes (inférieures à 30 m) et abrité par une grande barrière de corail. C’est un petit paradis pour les baleines à bosses qui viennent se reproduire et mettre bas loin de toute activité humaine, de la pollution, du bruit… Mais quand même, l’homme est curieux. Il a envie de voir, d’apprendre et aussi de faire de l’argent, alors on a autorisé sur le Banc d’Argent la présence de trois bateaux de charter qui emmènent des personnes à la semaine découvrir et observer les baleines à bosses. Et en plus de ces trois bateaux de charter, l’autorité du sanctuaire accorde un permis exceptionnel à ce bateau-école français qui emmène des enfants et qui vient presque tous les ans (bon, c’est pas vrai, ce sont eux qui le disent !). Le fait est que ce midi, Christophe a rencontré Peter, le patron du sanctuaire qui n’a émis aucune objection au fait que nous souhaitons aller plusieurs semaines sur le Banc d’Argent. Bon, il faut dire quand même que c’est Christophe, qu’il vient régulièrement à Samana depuis 25 ans et que c’est aujourd’hui sa 10ème fois qu’il vient sur le Banc. Autrement dit, un vieux de la vieille, à qui on ne la fait pas, et il avait intérêt de ne pas y mettre trop d’objections ce Peter. Autant vous dire que l’instant est solennel quand Christophe revient à bord. Roulement de tambour… Ok, c’est bon, les doigts dans le nez, on peut partir demain si on le souhaite ! C’est exactement ce dont j’avais envie… J’ai bien senti la prise de conscience du caractère exceptionnel et unique de l’aventure baleine chez l’équipage aujourd’hui ! Marion qui répétait : « Ah ouais, que trois bateaux, plus nous… Seulement nous et trois bateaux… » et Mike de rajouter : « Ça veut dire que si je viens en vacances 52 PREMIER JOUR À SAMANA...Par Kélig ici avec ma famille, je ne pourrai pas y aller… ». Non, à moins de payer 2000$ US la semaine sur les bateaux de charter. Nous allons donc vivre quelque chose que seulement très peu de gens peuvent vivre. En gros, on est super privilégiés… On a quand même énormément de chance ! Donc programme de l’après-midi… Visite du musée de la baleine… Car c’est pas le tout de voir des baleines, mais encore faut-il s’intéresser à qui elles sont… Et là, même si j’aimerais vous raconter tout ce que je sais sur les baleines à bosses, eh bien je ne le ferai pas, car je vous laisse en tête à tête avec Charles qui s’intéresse à ces gros mammifères depuis quelques jours déjà. Il a épluché tous les livres de la bibliothèque, et va vous en retranscrire un petit condensé. En attendant et seulement pour vous mettre en appétit, quelques infos tout de même… Le saviez-vous ? Il ne fait aucun doute qu’à l’origine, les baleines étaient des mammifères terrestres. Le mésonix serait leur ancêtre. Un carnivore terrestre à l’allure de loup, au museau allongé et qui possédait quatre pattes aux doigts munis de sabots. Il vivait à l’Eocène, c’est-àdire il y a 55 millions d’années, dans des zones marécageuses, et pêchait pour se nourrir. En quelques millions d’années, il a regagné la mer. Les membres se sont raccourcis, le museau s’est allongé et les narines ont migré sur le sommet du crâne pour faciliter la respiration à la surface de l’eau. Le bassin et les membres postérieurs ont disparu pour donner un corps aérodynamique. Plus aucun organe n’est apparent (comme les mamelles, les oreilles et l’appareil génital). La peau devient lisse et la couche de graisse fait une excellente réserve de flottabilité. Les baleines, tout comme les dauphins, les orques et les cachalots sont des mammifères marins. Ils ont le sang chaud, des poumons qui filtrent l’oxygène dissous dans l’air et les femelles allaitent leurs petits. C’est assez rigolo, lorsque nous essayons avec Marion d’expliquer aux jeunes la mutation à partir des pieds de Thierry. C’est d’ailleurs lui qui prend la relève. Ses orteils se colleraient entre eux, ce serait le début d’une grande mutation du mammifère terrestre vers le mammifère marin qu’il est déjà plus ou moins. Toutes ces informations en poche, nous repartons gaiement du musée en direction du marchand de glace, car oui Samana rime aussi avec glace et c’est étrange, tout à coup Kévin comprend l’espagnol… Bizarre ! Une helado « Bon » (c’est la marque) dans le ventre, avec cornet, fruit confit, cacahuètes pilées et chocolat en sauce dessus et nous n’avons plus qu’à nous organiser pour les derniers préparatifs avant notre grand départ de demain ! À nous l’aventure exceptionnelle ! Kélig 53 C ’ E S T A S S E Z G R I S A N T . . . PA R T H I E R R Y Jeudi 7 mars : J’ai vaguement l’impression qu’il va se passer quelques chose… Christophe en bon négociateur, nous a déjà déniché un permis pour accéder au Banc d’Argent, nous imaginions que cela pourrait prendre plus de temps, mais voilà nous l’avons. Pas de perte de temps, on y va ! Quelques courses tout de même, des fruits qui poussent ici sur l’île de la République Dominicaine. De quoi regarnir le carré tribord de belles couleurs, un peu de frais et même 23 m de chaîne pour notre futur mouillage à Silver Bank. Avant de partir , il y a aussi les formalités portuaires. Ne parlant pas l’espagnol et devant l’organisation locale, je m’incline et laisse notre négociateur en chef gérer cette affaire… La météo nous annonce du vent de… je n’ose vous le dire, du vent, de ces régions où soufflent les Alizés, du vent donc de nord ouest ! Et devinez où on se dirige avec GN… : eh oui, au nord ouest. Nos calculs pour arriver au banc d’Argent nous font partir en fin d’après-midi. Mais avec ce vent mieux vaut décoller un peu plus tôt. Il est 3h30, l’équipage s’active. « C’est paré, nous partons ? On y va !... » Ça se gagne ce pèlerinage au pays des baleines. Il va falloir tirer des bords. Nous passerons près de Cabo Samana. Le soleil disparait de l’autre côté de l’horizon et la ronde des quarts commence à bord. Il n’y aura qu’une nuit, certes, mais il ne faut pas traîner. Notre mouillage se situe dans le Nord du Banco de Plata. Nous arrivons du sud, il faut donc traverser sur 35 milles. Il faut aussi savoir que la navigation de nuit est impossible à cause des coraux qui ne sont pas tous répertoriés sur la carte, et encore moins balisés. Le vent toujours debout faiblit. Il va falloir prendre une option. • A la voile, nous arriverons plus tard. • Au moteur, ça peut passer, mais il faut allumer les deux et les pousser un peu. Pas le choix, on opte pour la solution la plus bruyante. J’espère que les baleines seront au rendez-vous. Ça justifierait ces heures de moteur. Nous verrons bien… En tout cas, c’est assez grisant comme approche ! Thierry 54 LES BALE IN ES . . . Pa r M i k e Aujourd’hui, nous arrivons au Banc d’Argent, à Silver Bank, ou aux baleines si vous voulez !!! Arrivés dans le banc, la profondeur remonte, c’est-à-dire de 1856m on se retrouve à 16m. Comme c’était prévu… baleine à 11h, baleine à 6h, pectorale à 12h, caudale à 3h. Et au moins une cinquantaine de fois nous aurons aperçu des baleines, quand vient une baleine juste à côté de l’étrave bâbord. Elle nous montre sa dorsale qui est sous l’aileron. Et nous reconnaissons que c’est « Salt », une baleine qui vient depuis 30 ans au Banc d’Argent, elle a mis au monde 12 baleineaux ! Ensuite elle nous montre sa caudale. Magnifique ! Elle repart et nous continuons notre route. Moteur à fond pour arriver avant la nuit au mouillage, en plein milieu de l’océan. Encore et encore des baleines, c’est incroyable. On nous l’avait promis et on l’a eu !!! Nous arrivons à côté de deux bateaux de pêche. Ensuite nous apercevons Polyxeni, l’épave qu’il y a à côté du mouillage, c’est un cargo qui s’est échoué sur du corail. Christophe me dit qu’il s’est effondré depuis 4 ans !! Christophe connait bien l’épave, il a habité dessus, il la connait depuis 25 ans !!! Il faisait des fêtes dessus, incroyable ce Christophe. Nous voilà mouillés sur un corps-mort qui appartient à un bateau charter qui se nomme Agressor, j’espère que ça ne reste qu’un nom. Nous voilà amarrés, nous rangeons le bateau, puis nous faisons une petite plongée, c’est beau le corail !!! De retour au bateau nous mangeons, nous regardons le soleil se coucher, et comme c’est magnifique, une baleine saute juste à côté du soleil. C’est magnifique ! Le ciel est dégagé, nous allons essayer d’apercevoir le rayon vert du soleil. Yes ! Nous avons vu du vert, c’était un petit rayon ! Voilà une nouvelle journée de l’expédition 2012-2013 de Grandeur Nature ou la parole des Enfants. Mike LA S BALE IN A S . . . Pa r N i n a Samedi 9 mars : Je me lève comme d’hab’, je prends le petit-déj comme d’hab’ et je regarde au loin une belle mer comme d’hab’ et une vague qui déferle comme… non non pas comme d’hab’ ! C’est une baleine ! Et une grosse ! Elle prend son élan et elle saute. Je ne sais pas si vous avez suivi mais nous sommes au Banc d’Argent, là où les baleines viennent mettre bas leurs petits baleineaux. Petit petit… quand il sort, il fait une tonne ! Après, il fait chaud et l’eau est claire, donc parfait pour une plongée, j’y vais avec Marion et on va voir le corail, et un bateau qui s’est échoué, il y a 30 ans. Le Polyxeni, je n’aime pas, je trouve ça triste même s’il n’y a pas eu de mort. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une épave. On retrouve les autres, Kélig, Tit, Mike, Evo, Charles. Kélig propose à ceux qui veulent de rentrer tranquillement, moi ça me va bien, donc j’y vais. On rentre. Marion propose une activité « calligraphie carte », je suis partante, merde, il n’y a pas tout le matos donc je préfère faire avec les crayons de couleur et du papier cartonné. Je dessine la mer, le coucher de soleil et GN. Je vais l’envoyer à Morgane et lui expliquer un peu ce qu’on vit et en l’occurrence les baleines. Ça me fait plaisir. Nina 55 SAUTS EN SÉR IE. . . Pa r S i mo n Dimanche 10 mars : Aujourd’hui, c’est la première sortie baleines, mais pour la première fois, on ne nagera pas avec ces anges aux longues ailes, c’est une sorte d’entrainement à l’approche des baleines. Du coup, on a droit à un briefing approche, et un petit cours de voile. On allume les moteurs, on slalome entre les patates du mouillage, et nous voilà partis, à la rencontre des mégaptères. Et ça commence, « un souffle à 800 mètres », « une dorsale à 200 mètres ». Et puis, en plein milieu du repas, on voit une poursuite, trois mâles poursuivent une femelle, on voit plein de choses. Des caudales, des pectorales, des dorsales, des sauts magnifiques. Tout cela se déroule juste sous nos yeux, à 100 mètres à peine ! Puis tout d’un coup, un mâle devient curieux, il veut visiter le bateau, saute à 100 mètres, puis se rapproche, saute encore et se rapproche. Il finit vraiment tout près, il saute à 10 mètres du bateau ! Puis passe en dessous, et va finalement rejoindre ses compagnons. Dans cette journée, on a vu au moins 50 fois des baleines, en comptant les sauts à l’horizon, les pectorales un peu lointaines et tout ça… Après, à la fin de cette journée assez fournie en baleines, on retourne au mouillage, (accroché à du corail) avant la nuit. Pour une première journée baleines, on a eu de la chance, on a vu quelques baleines de près, c’est très impressionnant ! Simon UN E JOU R NÉE SU R LE BANC D ’ARG ENT. . . Pa r K é v i n Lundi 11 mars : Il est 10h30, on enlève les amarres de notre bouée et on part voir les baleines. Aujourd’hui, il y a de la houle et du vent et on ne peut pas aller se baigner. J’aime bien car elles sont grosses et jolies. Ça fait de gros « splatch » et moi, j’ai peur d’aller dans l’eau parce qu’une baleine, ça fait 12m. Moi, ça me fait toujours plaisir de les voir, même parfois, je « krill » ! Kévin 56 UNE JOURNÉE BIEN REMPLIE... Par Evolène Le 12 mars : Ce matin, c’est tout couvert. D’épais nuages prennent une bonne partie du ciel. Bon, il va falloir revoir la sortie baleine du jour, car pour naviguer sur le banc d’argent, il faut de la lumière, afin de voir les patates de corail qui arrivent à la surface, et surtout, pour pouvoir les éviter. La promenade est donc mise en stand by, mais on n’est pas inactifs pour autant. Moi je me mets à faire le journal. Eh oui, ce matin, on a redistribué les responsabilités. Quelques tâches à bord auxquelles il est nécessaire de penser, ou qu’il faut faire. Chaque jeune est responsable d’un petit travail. Ça peut être s’occuper des stocks de nourriture et fruits et légumes, comme j’ai fait les cinq premiers mois, mais aussi gérer le panneau solaire et ses orientations perpétuelles, s’occuper de remonter l’annexe à bord, faire les peintures, résines, ou réparations sur le bateau, et j’en passe. En tout cas, elles ont été très peu faites depuis le début et Kélig, Christophe, Thierry et Marion les ont réattribuées à chacun en essayant qu’on ait des responsabilités que l’on soit plus susceptibles de faire. Moi maintenant, je suis responsable de l’avancement du journal, qu’on vous envoie environ tous les deux mois. Et même si ce n’est pas moi qui copie les textes, j’ai la mise en page, le choix des photos etc. à faire. Et le mieux, pour ne pas être speed la quinzaine de jours avant de l’envoyer, c’est de ne pas prendre de retard, avancer au fur et à mesure ! Donc Simon, l’ancien responsable journal, me refait un petit briefing sur l’utilisation du logiciel, les résolutions des photos et tout, avant de démarrer. De même, j’explique un peu à Mike les principes de l’intendance. Marion ressort la caméra, tiens, on avait un peu oublié cette idée de film. Elle filme certains d’entre nous en train de faire des trucs. Nina qui prépare un petit cours à l’équipage sur sa responsabilité, la sécurité. Simon, en train de nettoyer un winch. Moi, dans le journal… Mais allez, 11h30, la visibilité s’est améliorée, le soleil est là, vamos. Tous à un poste, les veilleurs de têtes de corail, ceux qui veillent les baleines, d’autres qui font les photos, un barreur, quelqu’un qui note des choses sur les baleines qu’on voit, les cuistots du jour qui préparent à manger… C’est le troisième jour où on sort à la recherche des baleines, mais le sentiment quand on en voit est toujours le même. De l’excitation, le cœur qui bat, une énergie étrange et ce sourire incrédule pendant qu’elles font leur show. Ça saute, ça tape de la pectorale, de la caudale, elles se mettent sur le dos, parfois elles viennent voir le bateau, curieuses. Elles passent dessous, on est tous aux aguets, sur le pont, ne sachant trop où elles réapparaîtront. Quand un baleineau un peu fou-fou s’approche en faisant de joyeux sauts dans l’eau, nous aussi on devient un peu taré(e)s. Et au moment où on ne s’y attend plus parce qu’ils se sont un peu éloignés, lui et sa mère, alors que Simon et Kélig parlent de leurs photos « un peu trop éloignées », l’escorte éclate la surface dans une gerbe d’eau, à moins de 20 mètres de nous. C’est impressionnant, elle est énorme, et semble un instant figée en l’air, avant de retomber sur le dos, dans un gros « splatch ». Les remous secouent la surface encore un moment, avant de reprendre le cours normal des vagues, régulières. L’escorte, c’est comme une tatie, une autre baleine qui accompagne la mère et le petit, et protège un peu. Mais là, après avoir fait son saut spectaculaire, elle part dans une autre direction. On essaye d’interpréter son saut: « Peut être que c’est pour leur dire qu’elle part ? » « Ou pour nous éloigner ?» « Ou pour leur dire de la suivre ?» Mais bien sûr, on ne maitrise pas encore le langage baleine, et il serait surement insolent de dire qu’on les comprend, parce qu’elles sont bien différentes et ne 57 UNE JOURNÉE BIEN REMPLIE... Par Evolène doivent pas fonctionner comme nous, les humains. Il nous arrive plusieurs belles rencontres, dans la journée. Un moment, elles sont six, devant le bateau, à faire leurs spectacles et leurs parades. Un autre moment, le baleineau sort la tête de l’eau un instant, avant de replonger vers sa mère. Je ne vais pas tous les raconter, tous ces moments qui font chaud au cœur, et qui marquent nos esprits, laissant de belles images et d’étranges sensations. On a beaucoup de chance d’être ici, et vivre ça. On ne s’en rend pas toujours compte, nous les jeunes. On oublie de remercier ceux qui nous permettent d’être ici. À commencer par les adultes du voyage, c’est avant tout grâce à eux, si tout ça peut se faire. C’est parce qu’ils sont là, qu’ils acceptent les compromis de l’expé. C’est parce qu’ils y mettent leur énergie, et qu’ils veulent nous permettre de vivre cette aventure. Même quand à force d’avoir la tête dedans vous en avez marre, quand vous êtes à bout ou découragés, on ne pense pas à vous le dire, merci. Merci, pour ce que ce voyage nous a déjà apporté et va encore nous apporter dans ces cinq mois qui restent, et dont on se rappellera aussi dans notre vie. Dans le quotidien à bord, ça parait normal et c’est noyé dans le flot de tout ce qu’il se passe. En parlant de tout ce qu’il se passe, cette journée est décidément bien riche. Car une fois la séquence baleine finie, on part en plongée. Charles et Christophe sont déjà en cuisine, Marion coupe les cheveux de Théo, Nina prépare son quizz pour l’équipage, Simon devient tout bleu au bout d’un quart d’heure dans l’eau, Mike et Kevin n’ont pas envie, ok, on part juste Kélig Thierry et moi. On a choisi une tête de corail depuis le bateau, il faut nager un petit peu, elle est à une centaine de mètres. La visibilité est meilleure que les autres jours, on voit plus ou moins bien le fond, qui est à une vingtaine de mètres au dessous de la surface. Je suis plongée dans mes pensées quand soudain, un gros poisson sort des profondeurs. Un peu jaune, long. Kélig me dit que c’est un barracuda. Je n’en avais encore jamais vu, je suis contente d’en voir un, depuis le temps que j’en entends parler ! Un peu plus tard, le fond remonte en pente douce et émerge à la surface. C’est beau, mais un peu comme un cimetière. Le corail est mort, des branches et autres petits morceaux gisent au sol, comme des os. Mais en allant sur le dessus de la patate et de l’autre côté, c’est comme si tout cela prenait vie. Des couleurs s’ajoutent, des cerveaux de Neptune par-ci par-là, aux motifs originaux. Et surtout, plein de petits poissons aux couleurs vives et variées. Chacun vit sa vie à son rythme, tout en cohabitant. J’arrive à un endroit où il y en a plein, ça me fait penser à un centre ville, ils se croisent et s’entrecroisent, certains se pourchassent, d’autres restent en banc, ou d’autres encore, picorent par-ci par-là, en solitaires. Je descends un peu en apnée, pour entraîner mon souffle, et voir tous ces beaux coraux plus en détail. On espère quelques baleines, mais non, elles restent au loin, hors de notre portée. On rentre donc au bateau, « sportivement ». La soirée se termine, le repas est joyeux, mais on est tous bien contents d’aller se coucher, après une bonne journée comme ça ! Une de plus passée à Silver Bank, chaque jour est à croquer à pleines dents. Je suis contente en me disant que ce n’est que la troisième et qu’il en reste encore beaucoup. Quelques minutes à contempler le ciel étoilé avant d’aller dormir, chaque étoile scintille fort. Les constellations qu’on a étudiées la veille avec Thierry se démarquent bien, c’est magnifique. Evolène. 58 JOYEUX ANNIVERSAIRE VICTOR*... Par Ch ar le s Le 13 mars : Bon ce matin, on se dit que l’on va pouvoir plonger avec les baleines, il n’y a pas beaucoup de vent donc peu de houle mais il y a un gros nuage gris qui prend beaucoup de place dans le ciel. J’espère qu’il ne va pas rester longtemps et nous empêcher de plonger. Heureusement pour nous vers 11h le ciel se dégage. Il y a 3 plongeurs, un barreur, 2 marins, 2 observateurs, un photographe et 2 guetteurs de baleines. Aller, hop hop hop, paré pour naviguer, on installe deux traînes et on navigue au moteur à travers les patates de corail, on hisse le Yankee, nous stoppons les moteurs pour ne pas aller trop vite et cela nous permet d’approcher en douceur la baleine. Si elle est calme et qu’elle reste en place, 3 nageurs se mettent à l’eau pour nager avec elle. C’est trop top, tout le monde a pu nager avec une baleine quelques instants, sauf Christophe mais lui c’est un habitué de l’observation des jubartes. J’ai envie de vous parler de notre rencontre, celle que j’ai vécue avec Evolène, Marion et Simon. Au début, on nage vers une baleine, mais on ne nage pas assez rapidement pour pouvoir la voir. On regagne le bateau, peu après, une baleine et son baleineau font une apparition tout près de la jupe bâbord. On se remet à l’eau immédiatement, il faut être rapide, réagir sans perdre de temps. Hop, deux trois coups de palmes et ils sont là, tout près. Ce que je ressens sur le moment, c’est très fort, je suis calme et tout excité à la fois. Ils se laissent observer mais pas très longtemps, rapidement la mère met quelques coups de caudale entrainant son petit plus loin. Nous n’osons pas les suivre, c’est impossible, elles nagent beaucoup trop vite ! Je regagne le bateau et un journaliste me saute dessus pour filmer nos ressentis, poser des questions sur le comportement des baleines, combien il y en avait etc. Pouvoir se mettre à l’eau avec elles, je trouve ça génial, j’ai hâte de renouveler l’expérience. De vivre de nouvelles rencontres et de frissonner avec elles. Wahoo, trop top vivement demain ! (* Victor, c’est mon frère) Charles 59 LES BALEINES, ÇA TOUCHE ! ... Par Chr is tophe Le jeudi 14 mars : Un texte sur Silver Bank commence par un petit-déjeuner avec le soleil qui se lève sur l'épave du Polyxéni, enfin ce qu'il en reste car la majeure partie du cargo s'est écroulée dans l'eau! La mer s'est calmée et le vent a tourné au Sud Sud-Est, tiens si j'allais voir le cap qu'il faut faire pour rentrer à Samana, car c'est aujourd'hui que nous repartons pour aller chercher Marec. J'allume le GPS et je mets le pointeur sur le Cap Samana: Distance 93 milles cap au 150°, exactement ce que m'indique le compas pour la direction du vent. Quand nous sommes venus c'était NNW soit exactement dans le nez. J'ai l'impression que notre "timing" est un peu à contre temps, mais bon ce n'est pas grave, cela peut changer dans la journée. Un petit-déjeuner sur le Banc d'Argent cela peut se finir par une baleine qui passe devant le bateau et qui emporte avec elle une poignée de nageurs jusqu'au bateau de charter le plus éloigné. Tellement éloigné, ils ont palmé tout le temps, qu'une annexe des charters les ramène à bord. Dans l'annexe Lorenzo qui venait de venir nous voir pour parler du permis pour le Banc d'Argent. ! Mais je ne vous ai pas encore parlé de Lorenzo. C'est quelqu'un que je connais depuis longtemps. Quand je l'ai connu il y a 20 ans, il travaillait comme garde du parc à Samana. Il est marié à une Française et travaille maintenant sur un des bateau de Charter. Comme il est le seul Dominicain présent, il est le représentant de l'administration sur le Banc d'Argent. Il est venu nous dire que pour le permis ont payera la même chose qu'il y a 4 ans, mais qu'ils n'ont pas retrouvé combien c'était! Je lui dis que je m'en occupe une fois rentré à Samana! Quand Lorenzo parle de son travail et des autres personnes que je connais et qui travaillaient pour le sanctuaire c'est: " Heureusement que Lorenzo est là! Lui il travaille vraiment, pas comme les autres responsables sur le banc qui ne faisaient que plonger avec les baleines et écrire un rapport quand il y avait un problème!" Quand je lui parle d'un scientifique Dominicain qui doit venir sur le banc pour étudier le corail, même rengaine, lui il ne fait que parler, pas comme Lorenzo! Enfin vous voyez le genre de personnage, vous en connaissez aussi, c'est moi, moi, moi... Nous en avons un à bord. Donc "le Lorenzo" ramène à bord le groupe de nageurs qui avait suivi fort loin une baleine. On les interviewe avec la caméra, qui est ressortie depuis que Marion est à bord. Kélig nous dit qu'elle n'a pas pu faire de photos avec son appareil et pour cause, l'appareil étanche n'était pas fermé et il est plein d'eau de mer! J'essaye de le sauver en le rinçant, en le remplissant de produit pour les contacts électriques et en le séchant à la bombe d'air sec, mais je crois qu'il est foutu! Dommage c'était le meilleur appareil photo du bord! Bon il est temps de quitter le mouillage et de partir plein Sud vers la sortie du banc, bien sûr nous nous arrêterons pour rencontrer les baleines qui seront sur notre chemin. On constitue les équipes: Barreur et Marins, Guetteurs et Plongeurs, j'appartiens à la dernière catégorie, avec Théo, Kévin et Evolène. On slalome entre les têtes de corail et nous mettons rapidement les deux ailes à la traîne pour profiter du spectacle sous-marin. Il faut faire du SSW pour 60 LES BALEINES, ÇA TOUCHE ! ... Par Chr is tophe sortir du banc avant la nuit. Il y a des baleines partout! Mais la priorité est de sortir de la zone corallienne. Au bout d'une heure, une baleine et un baleineau pas trop loin, nous étions encore dans l'eau, les guetteurs sur le pont nous disent de lâcher la traîne et de nager vers là -> ils nous indiquent la direction avec le bras. Dans l'eau on ne voit rien, il y a juste assez de houle pour que l'on ne voie pas les baleines en surface, pourtant on les entend souffler, pas très loin! Je regarde derrière moi, Evolène et Théo me suivent, pas Kévin qui est resté sur le pont. Je vois un dos à la surface et l'on se remet à nager vite, l'eau est un peu trouble. Enfin on aperçoit une masse sombre et surtout les deux pectorales blanches. On accélère, mais comme elles viennent vers nous on se trouve vite à côté d'elles. Une mère et un baleineau, la baleine doit être surprise de nous voir, elle n'a sûrement pas l'habitude de croiser des mammifères terrestres dans l'eau! Je déclenche ma (mini) caméra, mais je suis peut-être trop près d'elle, elle étend sa pectorale qui me touche la main, je me recule et regarde si je filme toujours, mais la caméra est éteinte et ne veut pas se rallumer! Tant pis, je profite du spectacle! Je ne sais même plus si les autres nageurs sont avec moi, je ne vois plus que la baleine et son baleineau qui me regardent, elles sont calmes et avancent doucement, ce qui m'oblige quand même à palmer un peu, je bois de l'eau de mer dans mon tuba, ce qui me rappelle qu'il y a de la houle, je ne sais même pas où est le bateau, je n'ai pas levé la tête de l'eau une seule fois, je vois l'escorte qui glisse tranquille au fond, c'est signe que notre rencontre est vraiment calme, sinon les baleines partiraient ou l'escorte s'interposerait, je n'ai plus aucune idée du temps qui passe, je regarde toujours la maman baleine qui me regarde elle aussi, elles finissent par s'éloigner un peu et je les laisse partir... On se retrouve 3 têtes flottantes à la surface, on se parle, on a vécu les mêmes émotions, on a été touchés par les baleines au propre comme au figuré! C'était calme, c'était beau, c'était juste pas imaginable! On fait signe au bateau qui vient nous chercher. Une fois remonté à bord, on raconte, Kélig nous dit que la rencontre a duré 1/4 d'heure! On reprend notre souffle, on laisse notre place dans l'eau. Dans la journée nous croiserons quatre autres groupes de baleines, souvent baleines et baleineaux, mais aussi des baleines qui tournent autour du bateau en faisant les folles. Pendant cet après-midi tout le monde a vu des baleines sous l'eau! Mais il est déjà 15 heures, il ne nous reste que 3 à 4 heures pour sortir du banc, nous reprenons la route de Samana et de la sortie de Silver Bank, finalement en seulement 2 H 30 le sondeur annonce qu'il n'y a plus de fond, sans que nous ayons croisé de nouvelles têtes de corail. C'est bientôt l'heure du repas, que nous prenons sur le pont en contemplant le soleil qui se couche et devient une petite tache verte. Puis viennent les quarts de nuit et les rêves qui seront sûrement remplis de visions de baleines! La nuit est calme, on est obligé d'allumer un moteur pour continuer à avancer, avec Simon (car Kévin dort comme d'habitude) nous voyons une météorite traverser la nuit, éclairant d'un rayon vert (bleuté)! Le quart passe vite malgré notre fatigue. Je retourne plonger avec les baleines. Christophe 61 L’EFFET MER ... Par Mar ion Vendredi 15 mars : Vrrrrrrrrrrrr… Le bruit abrutissant du moteur dans nos tympans, ce matin après une nuit de navigation, en direction de Samana. En effet, nous quittons le Banc d’Argent, à regret mais avec excitation à l’idée d’y revenir d’ici 2 ou 3 jours, après avoir récupéré Marec, qui vient passer 10 jours à bord pour le bilan de mi-parcours. Bon la navigation au moteur par pétole, c’est pas très fun mais du coup c’est l’occasion de prendre de l’avance ou rattraper le retard sur ce qu’il y a à faire. Certains noircissent les pages de leur journal de bord, d’autres écrivent leur texte ou des mails et courriers pour la France. Avec Simon, on en profite pour terminer la lettre collective pour le blog. On y raconte notre escale à Samana et notre 1ère semaine au Banc d’Argent… Une semaine comme celle-là fait réfléchir parce qu’on touche du doigt l’extraordinaire, l’incroyable et mieux encore cet univers fabuleux devient notre quotidien, l’extraordinaire devient notre ordinaire. Cette semaine, on peut dire qu’on a vibré, que nos cœurs ont battu sous nos poitrails, que nos poils se sont dressés… Nos regards se sont plongés dans les yeux des baleineaux, nos bras ont escorté la nage majestueuse des longues nageoires blanches des baleines qu’on a croisées et réciproquement notre présence a intrigué, suscité de l’intérêt. En fait, cette semaine, on s’est sentis vivre. Alors, je me suis posé une question : faut-il nécessairement de l’extraordinaire dans notre vie pour se sentir vivre ? Je me rappelle de notre dernière session « glace » à Samana avec Charles, après avoir fait le marché. Devant son double parfum « mangue/caramel », il me dit que quand il rentrera en France, il se précipitera chez le glacier dès la sortie du train. Pendant ce temps, sa glace fond, je lui fais remarquer. Enfin celle d’aujourd’hui je veux dire… Alors c’est ça, en fait une glace c’est éphémère (surtout dans un pays chaud), on en conclut avec Charles que c’est surtout ça qui est bon dans la glace, c’est que ça a une fin. Voilà, à mon avis, une première réponse à ma question : ce qui est éphémère est délectable, sachons saisir l’instant. Je me rappelle aussi de Nina qui regarde la semaine dernière les photos de randonnée en Dominique, elle est nostalgique et regrette de ne pas en avoir plus profité. Elle dit à Evolène qu’elle aimerait y retourner pour le vivre mieux, en étant plus « dedans » 62 L’EFFET MER ... Par Mar ion maintenant qu’elle réalise à quel point c’était génial. Evolène lui répond que désormais les rando de Dominique c’est passé et elle lui conseille d’essayer plutôt de vivre à fond ce qui se passe aujourd’hui pour ne pas avoir de regret plus tard. Je me fais convier à la réflexion collective par Nina qui me demande: « Mais comment je peux faire pour vivre le moment présent ? » Moi qui passe par là par hasard en allant à la cuisine n’ayant qu’une idée en tête « rassasier mon estomac hurlant », me v’là face à une question philosophique qui me prend légèrement de court… « Ben ça Nina, c’est la bonne question, si tu te poses la question, c’est que tu es sur la bonne voie pour trouver la réponse » lui dis-je en espérant que ça lui suffise… Bon, à la tête de Nina, je devine qu’il va falloir que je fasse abstraction de ma faim dévorante pour réfléchir un peu plus. Mais l’odeur de soupe de Christophe et Charles ce soir-là parvient jusqu’à mes narines alors je dis à Nina que profiter du moment présent, c’est déjà aller manger un bon repas après une bonne journée. Et après avoir débattu sur la qualité du moment présent, nous en concluons toutes les 3 que pour apprécier le moment présent, c’est à nous de le rendre savoureux. Et quand Christophe crie « à table ! », je leur chuchote : « Rendons ce repas inoubliable ». Et il le sera, joyeux et convivial, grâce à une bonne humeur générale et en particulier à celle de Nina. Voici donc une autre réponse à ma question… Alors voilà pour résumer, pour vivre le moment présent, il faut d’abord réaliser qu’il est éphémère, ce qui de fait le rend exceptionnel. Et pour ne pas passer à côté, il faut prendre conscience que c’est à nous de le rendre beau, drôle, captivant, émouvant… Bon, ça surchauffe dans ma tête, je reprends le cours de notre journée du 15 mars. Lorsqu’on arrive à Samana en fin d’après-midi, notre lettre collective est prête à poster sur le blog, ainsi que les photos. Christophe part à terre pour donner et prendre les nouvelles, une équipe part faire des courses tandis qu’une autre se paie le luxe de faire des lessives à l’eau douce, car demain on fait les pleins ! C’est la fin de la journée, je m’endors avec le sentiment très agréable d’être là où j’ai envie d’être c’est-à-dire sur Grandeur Nature avec mon équipage le 15 mars 2013 à Samana et ce, même si la musique saturée des bars à terre m’empêche de dormir… Marion 63 ULTIMO PREPARATIVO ANTES LAS BALEINAS. . . P a r T h é o Samedi 16 mars : Nous sommes le 16 mars et Grandeur Nature est mouillé à Santa Barbara de Samana. Nous faisons le plein de fruits et de légumes, d’eau, et nous récupérons aussi notre psychologue et superviseur qui vient passer 10 jours à bord du bateau. Donc au programme ce matin c’est le marché, les lessives et je commence avec Kévin les pleins des réservoirs d’eau du bateau. Charles et Marion font leur lessive, alors c’est parti, les bidons dans l’annexe et « vamos al muelle » (allons sur le quai), quand on arrive Christophe est sur le quai. Il a récupéré un tuyau d’eau et c’est parfait. Il suffit de laisser les bidons dans l’annexe, ça évite de se casser le dos. Après 3 voyages d’eau, Charles me remplace et je fais ma lessive. Après une bonne lessive, je profite des voyages d’eau pour frotter ma cabine à l’eau douce. Christophe revient, je me pose la question, on trace à Silver Bank ou on va mouiller dans un joli petit coin ? Mais finalement, on part demain car on a un vent de sud ouest de 20 nœuds que m’avait annoncé Christophe, c’est peut-être un peu chiant mais c’est quand-même pour aller voir les baleines à bosses. L’après-midi est calme, même bien calme, Christophe, Kélig et Thierry vont à terre et moi je profite que Marion fasse de la calligraphie pour mettre un peu de couleur dans mon courrier. Ça doit faire plaisir de recevoir une petite carte à l’encre de Chine bleue. Après je plonge dans l’univers du bagne grâce au livre de Henri Charrière ; « Papillon », c’est vraiment super comme livre car c’est une histoire vraie. Marec arrive vers 5h avec un bus Caribtour, il a atterri à Santo Domingo hier soir, il nous donne les nouvelles de France qui ne sont pas au top niveau et il ramène même du courrier ! Mais pas de chance pour moi, la lettre que je pensais recevoir ne sera qu’un chèque et au fait, merci pour le timbre avec le « pollop » dessus mais je vous remercie aussi de m’avoir permis de voir tout ce que je vois en ce moment. Et demain on retourne voir les baleines, ça c’est le top ! Théo COMME UN AIR DE BILAN. . . p a r K é l i g Dimanche 17 mars : Aujourd’hui, 17 mars, comme vous le savez sûrement déjà, nous avons accueilli un nouvel équipier, Marec. Je ne reviendrai pas sur sa fonction à bord, vous avez tous compris je pense ou alors, il vous l’expliquera lors d’un texte. Nous allons vivre une dizaine de jours ensemble sur le bateau au milieu des baleines à bosses du Banc d’Argent. Autant vous dire qu’il souffle un air de bilan sur l’équipage ! Et c’est pourquoi aujourd’hui, j’ai choisi de ne pas vous parler de notre départ pour le Banc, de notre navigation au près, humide, agitée, de notre poulie de palan qui a lâché, à la nuit tombée lorsque Marion s’apprêtait à nous servir une délicieuse purée de légumes pendant que Marec offrait à Neptune son poulet frit du midi… Non, aujourd’hui, j’ai choisi de poser quelques questions à l’équipage. Des questions permettant de faire un petit bilan de nos 5 mois à bord de Grandeur Nature afin que vous lecteurs, vous preniez pleinement conscience de ce que nous vivons ici sur ce bateau. Pas notre quotidien, mais bien l’avancée de chacun, ce qui se passe dans nos têtes. Et personnellement, j’ai trouvé l’exercice fort intéressant. Chacun s’est livré de manière très sincère et spontanée, en exprimant bien plus de choses que lors des bilans collectifs. La parole aux acteurs : 64 COMME UN AIR DE BILAN. . . p a r K é l i g Question 1 : Déjà 5 mois que tu es à bord, saurais-tu expliquer ce qui est différent chez toi maintenant par rapport au début du voyage ? Kévin : « Je fais moins de crises, je dis moins de gros mots. Je me comporte mieux, j’obéis un peu plus qu’avant et je m’entends mieux avec tout le monde. » Théo : « Avant, je pouvais m’énerver très facilement. Je disais beaucoup de gros mots dans une seule phrase. Tout ça a diminué, j’ai pris quelques kilos en plus. Et mon alimentation a beaucoup changé. » Simon : « Mon envie de vivre ma vie. Avant le voyage, je ne foutais rien. J’avais pas de projets, je vivais passivement. Maintenant, j’ai des projets, j’ai envie de vivre ma vie, de croquer à pleine dents dans la vie. Avant, si on m’avait dit, ta vie elle est finie, j’aurais dit ouais, bof, que maintenant, j’aurais les boules. J’aurai loupé plein de trucs que j’aurais pas pu faire. » Mike : « Mon langage est différent, je suis moins vulgaire. Je suis plus conscient des choses. Je suis plus ouvert envers les gens différents, j’aurais jamais parlé avec quelqu’un comme Simon avant. J’ai appris plein de choses, comme m’occuper tout seul, faire la cuisine… » Thierry : « Mon regard par rapport au groupe. Dans le premier temps, mon regard se portait sur les personnalités de chacun et le fonctionnement du groupe. Ayant compris le fonctionnement du groupe, j’essaie de faire avec les personnalités de chacun. Ce petit retour d’expérience de 5 mois me permet de douter un peu moins de mes compétences de capitaine et me fait prendre conscience que je trouve ça chouette de faire partie des skippers de Grandeur Nature. » Charles : « Je suis beaucoup moins susceptible qu’avant. Je m’emporte moins. Je monte moins sur mes grands chevaux. Je ne démarre plus au quart de tour. J’apprécie plus la vie en communauté. J’ai appris à communiquer avec les gens, m’intéresser à eux, à ce qu’ils pensent. J’ai développé beaucoup de centres d’intérêt et en premier la cuisine, puis la rando, la lecture, tenir un journal de bord, etc… » Evolène : « J’ai l’impression d’être plus ouverte à ce que je vis, à ce qui se passe autour de moi. J’ai l’impression d’être plus remplie de plein de choses, de vécus, de connaissances, de relationnel. » Nina : « Je n’ai plus la même vision des choses, je pense le monde différemment. Je pense qu’en France, on n’a pas conscience de ce qui se passe à l’extérieur. Et pourtant, les gens les plus pauvres sont très souriants et accueillants et ça, je m’en suis rendu compte pour la première fois pendant l’escale au Cap-Vert. J’ai pu voir qu’avec pas grand-chose, on peut aussi être heureux et ça, c’est très touchant ! Dans ma tête, j’arrive mieux à maîtriser mes pulsions. Je me laisse moins partir dans l’énervement. Je prends sur moi, même si ce n’est pas facile. Aussi, je grandis physiquement, je grandis dans ma tête alors mon corps suit, je prends des formes, des rondeurs. Je pense plus à mon avenir qu’avant. Je ne regarde plus seulement mes pieds, je regarde plus loin. Je me prépare à être grande. J’ai encore des peurs avec moi par rapport à mon passé qui me retiennent sous l’eau alors que je veux remonter à la surface, me sortir de tout ça. C’est un peu comme un handicap je pense, mais comme tous les handicaps, quand ta tête a compris ton corps fait avec pour vivre. Mais au fond de mon cœur, je suis quand même heureuse. » Christophe : « En général, tous les voyages sont différents. Ça peut paraître une banalité à dire, mais c’est vrai. Chaque groupe est vraiment différent, et du coup, ce qu’on vit est différent du voyage d’avant. Les difficultés ne sont pas les mêmes, les découvertes non plus. Et même moi, je suis différent du voyage d’avant. Je m’adapte aussi au groupe avec qui je vis. Je ne peux pas appliquer ce qui a fonctionné au voyage d’avant. Je n’ai pas une fonction particulière sur le bateau, je ne suis pas skipper, pas éducateur, j’ai juste à être moi-même. J’en suis à plus de la moitié du voyage de ma vie et à 25 ans d’encadrement de voyage avec des jeunes. Pour moi, la vraie difficulté, c’est de garder l’enthousiasme, l’envie, la fraîcheur. » 65 COMME UN AIR DE BILAN. . . p a r K é l i g Kélig : « On peut dire qu’actuellement, après plus de 5 mois, je suis dans une troisième phase. Je m’explique. La première phase, c’est le début, je dirai même les trois premiers mois. Faire en sorte que chacun se sente bien à bord, dans un environnement contenant, rassurant, tout en impliquant chacun dans le fonctionnement du bateau, du voyage. J’accompagne donc beaucoup chacun, ou plutôt ceux qui en ont le plus besoin, pour tout : les textes, le ménage, la lessive, la plongée, les jeux etc… Je motive, j’encourage, je rassure. Mais voilà, cette phase m’a demandé beaucoup d’énergie et forcément, derrière, j’ai comme des attentes enfin plutôt des envies, que ça fonctionne sans béquille comme dirait Nina. Mais voilà, ce n’est pas aussi simple, ça a été ma deuxième phase, je dirai la période Guyane-Dominique. De la fatigue, du ras-le-bol et quelques soupirs de découragement, en voyant que l’autonomie, la prise d’initiative, ou même la continuité du travail sur soi-même, ce n’était pas encore ça. Et là, dans ces moments, c’est pas évident, parce que je sais, enfin plutôt je vois, que nous les grands, notre état d’esprit influe beaucoup sur l’ambiance du groupe. Si moi je soupire, d’autres soupirent… Effet domino ! J’aimerais plutôt qu’on me dise, dans ces moments, Kélig t’es fatiguée, t’inquiète, nous les jeunes on va prendre le relais, on va penser, anticiper, faire tout ce qu’il y a à faire etc… Mais bon, je sais que ce n’est pas évident alors dans ces moments, je réfléchis et je me raisonne. Et c’est là que je suis passée dans ma troisième phase, la phase d’acceptation, je donne l’espace et le temps nécessaire à chacun pour comprendre, pour faire, pour être plus autonome, en fonction de ses difficultés, de ses capacités, de ses limites. Comme le dit si bien Christophe, être patient sans être passif. Je dirai même que c’est en ce moment ma quatrième phase, trouver mon nouveau mode d’intervention, la subtilité entre je suis là et le lâcher prise. » Question 2 : Ce qui a été difficile pour toi pendant ces 5 mois ? Kévin : « Ne plus être chez moi, chez ma nounou, mais maintenant, je me suis habitué au bateau, alors j’aime bien. » Théo : « Ma famille m’a manqué au début, les deux premiers mois. Et me retenir physiquement pour ne pas être violent quand les personnes m’énervent. » Simon : « Vivre avec des adultes qui veulent te faire changer, c’est pas habituel, c’est carrément trop bizarre même ! Le plus difficile pour moi, c’était de devoir changer. » Mike : « Le manque de ma famille, écouter la musique que j’aime au moment où j’ai envie et ne plus avoir de petites copines. » Thierry : « Dans mon fonctionnement habituel, je fuyais les confrontations et les personnes qui ne m’intéressaient pas. Ma nouvelle vie en équipage m’apprend à chercher le pourquoi de ces nœuds et les défaire ensemble. Si le voyage a pour but de faire évoluer les jeunes, il me fait évoluer moi aussi. Ce qui m’est difficile aussi, c’est de rabâcher et de combattre la mauvaise foi. » Charles : « De me dire que le voyage allait durer 10 mois, les relations avec les autres jeunes ont été parfois difficiles. À un moment du voyage, je me souviens, un peu avant la Guyane, ça a été dur d’aller plus vers les autres membres de l’équipage, porter de l’intérêt aux autres jeunes. Aussi l’après-coup d’avoir fumé en Dominique, j’ai eu beaucoup de remords et de réflexion sur ce que je faisais là, mon but dans le voyage et la confiance que pouvaient m’accorder les adultes. Je me suis demandé si j’allais tenir sans fumer jusqu’à la fin du voyage. » Evolène : « Pas beaucoup de choses, je pense que ce qui a été le plus difficile c’était de vivre réellement le voyage en laissant vraiment ce que je vivais à terre. J’ai mis du temps à m’en rendre compte. Après, il y a toujours les petits problèmes relationnels au quotidien, qui pouvaient être difficiles, mais maintenant j’arrive à passer au-dessus et à mieux vivre avec. » 66 COMME UN AIR DE BILAN. . . p a r K é l i g Nina : « C’est de ne pas voir les gens qu’on aime, qui ont été là pour toi, vraiment. Ça coupe court à tout, à tes habitudes. Au début, ça a été dur pour moi de ne pas fumer et aussi, ce qui est difficile pour moi c’est pendant les groupes de parole ou les bilans quand les autres te renvoient ce que tu es. Ce n’est pas facile pour moi de me sentir bien en navigation. Quand on est en nav, je pense tout le temps à dormir alors qu’au mouillage, je n’y pense jamais. Aussi, il y a des gens qui m’énervent sur le bateau alors je ne le montre pas vraiment, pour moi ça des fois, c’est difficile. » Christophe : « Ce qui a été difficile et ça à chaque voyage, c’est de voir le peu d’énergie et de motivation que mettent certains jeunes dans le voyage. Ça me questionne à chaque fois sur eux, mais aussi sur moi. Est-ce que moi j’ai envie de leur apporter ça ou ça doit venir d’eux? Mais j’ai appris à être patient, ce qui ne veut pas dire être passif. Michel Sparagano m’a manqué aussi. » Kélig : « Je pense que le plus difficile c’est de passer de la 2ème à la 3ème phase, l’acceptation, le lâcher prise et se relancer dans le voyage. Mais je me suis motivée avec l’arrivée de Marion, je sais que nous avons un fonctionnement assez proche l’une de l’autre, et que nous allions pouvoir échanger là-dessus. J’ai aussi reçu un courrier de Morgane qui s’imaginait exactement dans quel état d’esprit je pouvais être et qui donc m’a rassurée par rapport à cela et qui m’a remotivée pour la suite. » Question 3 : Ce que tu aimes le plus dans cette vie sur le bateau ? Kévin : « C’est naviguer, parce que c’est calme, plus détendu que quand on est à terre. » Théo : « La mer… En Bretagne, je suis entouré de mer et j’aime bien. Et sur un si petit espace, on peut faire plein de choses. » Simon : « Le soleil, la découverte des gens, c’est vachement sympa, les autres cultures, mais on mange pas assez de glaces. » Mike : « Faire la cuisine, bricoler, comme faire une boîte ou un bateau en bois, et aussi tout ce que je vois pendant le voyage. » Thierry : « Ce que j’aime le plus dans le voyage Grandeur Nature est ce travail de découverte intérieur sur moimême, mais aussi la découverte des pays et îles visitées. J’ai l’impression de beaucoup plus approfondir les connaissances que m’apportent les différentes escales, notamment par le biais des randonnées. » Charles : « Les randonnées parce que c’est tout de suite l’aventure. On est plus autonome et ça nous permet de rencontrer et de discuter plus avec des gens, marcher, se diriger avec la carte, bivouaquer… La rando c’est vraiment ce que je préfère. Et une activité que l’on fait tous ensemble, c’est vraiment nager avec les baleines. Je ne pensais pas que ça allait être aussi bien, j’adore ça ! » Evolène : « Le fait d’avoir des escales très riches, on peut faire des rencontres, mais je pense que les moments de navigation sont aussi importants, ça me permet de réfléchir. Le tout est bien, l’aventure à terre et l’aventure en mer. Ça se complète. Je pense aussi que c’est important qu’on vive tous ensemble tout le temps, ça nous apprend à accepter les gens, à comment être dans le collectif avec les autres. » Nina : « J’adore les escales, avant d’y être, je m’imagine plein de choses, j’aimerais que les escales soient plus longues, prendre plus de temps pour découvrir. Et c’est vrai que ça, c’est super dans ce voyage, toutes les escales. On a de la chance et en même temps, c’est pas donné à tout le monde je pense, il faut du courage ! Je suis contente qu’il y ait aussi un psychologue à qui on peut écrire et parler parce que j’en ai besoin. Je pense que Grandeur Nature, ça m’a beaucoup aidée depuis 5 mois, ça m’a libérée un peu, je me sens mieux alors j’aime ça. Avant, je ne savais pas trop qui était Nina, au fond de moi, mes limites, mes capacités, jusqu’où je peux 67 COMME UN AIR DE BILAN. . . p a r K é l i g aller. Les gens qui sont à terre, qui pensent à moi, qui m’écrivent, ça me motive, ça me fait du bien. Je vois qu’ils sont là, avec moi et qu’ils ne m’oublient pas. » Christophe : « Si je fais ça depuis 25 ans, c’est que j’aime forcément cette aventure, j’aime le collectif, le voyage, la découverte, j’aime le partage. » Kélig : « Le voyage, l’aventure, et la vie de groupe qui oblige à faire un travail sur soi-même. Question 4 : Un moment fort ? Kévin : « A Fernando, quand je jouais sur la plage avec mon copain Cayo. » Théo : « Ma rando à Santo Antao avec Ludo et Charles car on a vu des paysages magnifiques et je garderai toujours l’image de ce paysan, toujours prêt à nous rendre des services et surtout généreux malgré sa pauvreté. Puis ma rando avec Ludo à deux en Dominique. De très bons moments ensemble et ça a sûrement été le meilleur moment du voyage que j’ai pu passer avec Ludo. » Simon : « La rencontre avec José à Fogo au Cap-Vert par rapport à sa générosité, son accueil. On ne trouvera jamais rien de comparable en France. » Mike : « La rencontre avec mon oncle et ma tante en Guadeloupe. » Thierry : « Notre premier saut de baleine à 5 mètres du bateau. » Charles : « Ma première rencontre avec une baleine, le moment le plus fort depuis 5 mois. » Evolène : « J’en ai plusieurs. D’abord la rencontre avec José à Fogo pendant la rando avec Ludo, Simon et Nina. Un homme plein de générosité, c’était touchant. Puis la rencontre avec la baleine avec Christophe et Théo et ça, je ne peux pas le décrire, c’est trop fort. Et ensuite, tous les moments anodins du quotidien où tout va bien sur le bateau et où je me sens heureuse, comme le moment où on a tous chanté pour l’anniversaire de Thierry. » Nina : « Le sauvetage quand j’ai failli tomber de la falaise à la Goméra. » Christophe : « J’espère qu’il est encore à venir, ça peut peut-être expliquer pourquoi je continue à faire ça ! » Kélig : « Je pense que ce sont les au revoir sur le quai d’Alger à Sète. Les larmes ont coulé lorsque j’ai serré Christelle et Morgane dans mes bras et que j’ai bisé Christophe. Partir avec ce bel équipage, novice mais plein d’envies, et moi comme seule garante du projet et du fonctionnement, ça m’a fait un truc quand même, surtout lorsque j’ai vu que c’était mon amoureux à la barre et qu’il embarquait lui aussi dans l’aventure pour 10 mois. » Un moment difficile ? Kévin : « Quand je fais des crises. » Théo : « Mon moment difficile c’est quand je reçois le courrier de mes proches. J’ai reçu une ou deux mauvaises nouvelles de mes amis et comme je suis sur le bateau, je ne peux rien faire. » Simon : « Mes moments difficiles, c’est quand Mike se braque, s’énerve quand on lui dit quelque chose qu’il n’aime pas. Ça me bouffe car en dehors de ça on peut vivre des choses extras. » Mike : « Au début du voyage, l’absence de ma famille. » Thierry : « C’est tous ces petits moments consacrés au combat de la bêtise, ça pompe plein d’énergie et par moment, ça donne vraiment l’impression de pisser dans un violon. » Charles : « Les prises de tête avec Mike à Fernando, j’y pensais tous les jours et ça m’a bien bouffé la tête à ce moment-là. » Evolène : « Je pense que c’était entre la Guyane et la Dominique en janvier-février lorsque je me suis réellement posé la question de ce que je faisais ici, sur le bateau. Ça m’a angoissé, mis des coups de blues. J’y ai du coup beaucoup réfléchi, je pense avoir mieux réalisé l’ampleur du voyage et tout ce qu’il peut m’apporter dans le futur. En conclusion, je me suis dit que tout le monde devrait faire ce voyage. » Nina : « Tous les moments où j’ai le mal de mer et ça me fait penser à ces moments-là aux endroits où je serai le mieux (mon foyer par exemple). 68 COMME UN AIR DE BILAN. . . p a r K é l i g Christophe : « J’espère qu’il est déjà passé ! » Kélig : « Le sauvetage de Nina dans la falaise car je me suis dit à ce moment-là que tout pouvait basculer en un instant. Déjà la vie de Nina puis tout ce qui aurait pu découler derrière. La responsabilité, à qui la faute, les juges, les avocats, etc… » Question 5 : Tu penses au retour, de quelle manière, as-tu des envies ? Kévin : « Oui, que ça va être bien le retour, j’ai envie que tout aille bien, je vais peut-être aller dans un lieu de vie en Bretagne ! » Théo : « Oui, j’ai envie de retrouver ma famille et voir ce qui a changé. Reprendre ma vie d’avant mais différemment. Des envies ? Oui, voir mon neveu et manger une bonne viande ! » Simon : « Je pense souvent au retour mais pas de manière construite, j’ai envie de traverser la France à pied pour aller jusqu’en Belgique, je sais que c’est faisable et je sais que je le ferai. Après j’ai déjà essayé de penser à ce que je pourrais faire comme formation, diplôme, stage, mais je n’ai pas envie de faire des études supérieures, peut-être un CAP comme Charles, faire du woofing aussi, ce qui me permettra peut-être de trouver ma voie. » Mike : « Moins qu’au début mais j’y pense un peu, puis comment ça va se passer tout ça. Je sais que ma mère va en parler avec mon éducateur. J’aimerai reprendre le sport-étude foot et si ça ne marche pas, j’aimerais de toute façon reprendre l’école et faire une formation en ébénisterie. » Thierry : « Oui je pense au retour, la moitié du voyage étant passée c’est comme si un décompte venait d’apparaître, non dans le fait de vouloir rentrer, mais maintenant je sais que je tiendrai la longueur. J’ai la chance de pouvoir dire qu’une grande partie de mes envies est assouvie vu que je voyage avec ma bien-aimée, mais bien sûr je rendrais bien visite de temps en temps à ma famille et mes amis, pourquoi pas pour se faire une soirée crêpes ! » Charles : « Je pense souvent au retour, surtout ce que je vais faire et dans ma tête plein d’idées et d’envies se bousculent. En fait, j’aimerais mener une vie un peu comme ici, voyager, rencontrer, découvrir tout en travaillant. Faire du woofing, du bateau-stop, vivre une aventure seul. » Evolène : « J’y pense un petit peu, mais à chaque fois je me dis qu’il ne faut pas trop y penser et vivre plutôt le présent. Et quand j’y pense quand même, je m’imagine pleine d’élans pour faire plein de choses. » Nina : « Oui j’y pense, j’aimerais être comédienne, c’est un rêve. J’envisage de faire une école de théâtre à mon retour. Dans mon foyer, je vais être dans un groupe de grands, j’ai envie que ça se passe bien et je pense aussi à être plus autonome. » Christophe : « Le plus important pour moi dans le retour, c’est que je vais reprendre ma vie de famille normale, et que je compte bien en profiter. » Kélig : « Oui j’y pense souvent. Je vous avoue que parfois avec Thierry, penser à nos vacances nous fait beaucoup de bien. On rêve voyage mais aussi maison et famille... A suivre !... Kélig 69 L’HISTOIRE DE LA DERNIÈRE CHASSE À LA BALEINE...Par Mike Lundi 18 mars : Aujourd’hui, j’ai passé ma journée à lire dans ma cabine, je me sentais pas bien, mais comme les histoires d’Harry Potter ne doivent pas forcément vous intéresser, je vais vous raconter la dernière chasse à la baleine aux Açores ! Ça tombe bien, on y va ! Aujourd’hui, les Açores sont le dernier endroit où la chasse à la baleine se pratique selon une technique traditionnelle. Alors qu’il était 11h du matin et qu’ un voilier où des chasseurs de baleines sont à bord, il y a un souffle à 50 mètres devant le navire. C’est une famille qui est à bord, un père et ses 5 enfants. Ils manœuvrent pour rattraper la baleine. Les fils ont peur, mais le père y tient ; il veut ramener la baleine à terre. Le père donne des ordres, les fils n’ont pas le choix, ils exécutent, mais après un certain temps, la baleine a disparu. Ils la repèrent, ils s’avancent, ils sont prêts, ils la harponnent, ils lui jettent des lances. C’est un mâle énorme, il mesure 18 mètres ! La baleine sonde après avoir reçu le coup de harpon. L’homme qui s’occupe du harpon a lâché 1000 mètres de cordes. Les hommes sur le pont ont très peur, ils se disent qu’après 1000 ans de chasse, ils peuvent se faire éjecter de leur barque comme ça s’est souvent produit. Les hommes mettent les avirons dans l’eau pour que la baleine ait plus de difficulté. Après 6 heures de combat, la baleine commence à faiblir. Le moment de la tuer est arrivé, le harpon ne sert plus à rien. Ils sortent l’épée du toréro, son manche est fin et élégant. Ils lui donnent plusieurs coups, la baleine commence à… mourir ! Après 1h30 plus tard, les voilà à remorquer la baleine morte et ruisselante de sang ! Voilà la dernière chasse de baleine aux Açores ! Mike VOLVEREMOS AL BANCO DE LA PLATA. . . p a r T h i e r r y Le 19 Mars : Hier à 15h… après une navigation avec une mer agitée, tout l’équipage est heureux. Nous sommes de retour chez nous ! GN a retrouvé son mouillage tout à côté du Polyxéni. Le décor est toujours aussi sublime. Quelques patates de corail tout autour, une mer jolie aux reflets bleu-vert et même la visite d’une maman baleine et de son joli baleineau. Moments privilégiés ? À n’en point douter ! Je me demande même comment seront nos baignades futures, sans pectorales blanches 70 VOLVEREMOS AL BANCO DE LA PLATA. . . p a r T h i e r r y apparaissant au détour d’une patate de corail, ou encore sans ces mélodies sous-marines que nous offrent nos mélomanes des profondeurs. Nous verrons plus tard mais pour le moment, profitons de notre aubaine. Aujourd’hui, c’est un souffle de baleine qui m’a sorti de mes songes. Un coup d’œil au dehors, c’est bien ça. Une caudale nous dit bonjour avant de disparaitre sous les flots. Pas de doute, nous sommes au royaume des baleines. Allons nous y balader. Après le petit-déj et les tâches, vous connaissez la formule, on décolle. Les équipes sont faites, chouette je fais partie de l’équipe baigneurs. Cela consiste à se laisser traîner par un bout amarré à l’arrière de GN, et de l’autre côté à une aile, une planche de bois d’un mètre d’envergure, ayant une forme de manta. Lorsque GN avance, il suffit d’incliner l’aile vers le bas, pour se retrouver sous l’eau. Sans effort, le paysage marin défile dans notre masque et toujours ces mélodies sous-marines… il n’y a que le besoin de respirer pour vous faire remonter à la surface, sinon j’y serais encore, tellement la sensation est belle. Lorsqu’une baleine est dans les parages, ça se voit sur le pont. Même dans l’eau à l’autre bout de la traine de 20 mètres, on sent l’excitation monter d’un cran. Reste aux plongeurs à regarder dans quel sens se tendent les doigts de nos guetteurs. En général, la surprise ne se fait pas attendre. Tout d’abord, on aperçoit deux grandes marques blanches, il s’agit des pectorales, puis une masse sombre ondule et se transforme en baleine. C’est impressionnant de facilité à se mouvoir, et quelle puissance ! Nos mégaptères de 12 mètres et quelque 20 tonnes glissent sans même forcer. Alors qu’avec vos palmes, vous êtes à fond pour les suivre !! et si par chance, elles s’arrêtent et se laissent admirer, vous voilà aux premières places d’un superbe spectacle. Il est alors très dur de trouver la bonne distance et le plus souvent, on se retrouve très près. Les détails de l’œil qui vous observe, des pectorales immenses et blanches qui doivent bien faire dans les 3 mètres. On en oublierait de respirer, c’est fascinant. Un mouvement de caudale et la voilà qui disparaît dans le bleu. Les autres nageurs qui n’étaient pourtant qu’à un mètre de vous, réapparaissent. Toujours dans l’eau, le sourire partout, on se raconte la scène, eh oui c’était bien vrai. GN vient vous récupérer. La vie reprend son cours. Les impressions des nageurs se mélangent à celles de ceux restés sur le pont. On change de rôle, histoire que tout le monde fasse ce beau rêve immergé. Voili notre rythme de vie sur Silver Bank. En général, après tout cela, on rejoint sa bannette vers les 9h30 et le sommeil vous cueille très vite. Rêver de baleines, cétacé tentant !! Thierry. 71 MOI JE M’EN FOU DE PERSONNE SUR CE BATEAU. . . P a r N i n a Le 20 Mars : Je me réveille, une nouvelle journée au Banc d’Argent. Comme tous les matins on décide les rôles d’équipage, les responsabilités : « Guetteur, Marin, Nageur ». Moi guetteuse avec Evolène, on s’est installées à l’avant du bateau pour guetter les patates de corail, mais on n’a pas vraiment fait ça ! On lance un débat sur le voyage, le changement et l’inconstance qui peut jouer des tours, je lui dis qu’on a une base et qu’on se construit avec… que ce n’est pas depuis le début du voyage qu’on commence à faire le travail sur nous, c’est depuis qu’on est né. Revenons à nos moutons. Le repas est prêt, il paraît que l’équipage est affamé. Le bateau avance doucement et sûrement peut-être pour mieux voir les baleines. J’aimerais changer de poste, être marin, je change et je me trouve devant le winch prête aux manœuvrex ! J’attends, j’attends pour moi ce n’est pas bien de trop attendre parce que je pars loin dans mes pensées et dans ma réflexion et je réfléchis au livre que j’ai lu dernièrement « la cause des adolescents » de Françoise Dolto une psychologue super ! Et d’écrire l’adolescence comme une nouvelle naissance ça parait ridicule mais ce qu’elle veut dire par là, c’est que les questions qu’on se pose quand on n’est un enfant ressurgissent à l’adolescence, les angoisses ou peurs qu’on a pu avoir quand on était petit on les a oubliées mais notre corps, lui, se rappelle de tout, même du premier cri qu’on a sorti. Merde y’a une manœuvre, Nina reprends tes esprit, Tit me dit: « C’est les cailloux qui décident » y’a une patate de corail, on doit tirer un bord et je borde et Kévin me relaye. Mon poignet n’est pas au top de sa forme. Petit moment de stress pour le capitaine et l’équipage. Ouf c’est bon. Marion prend la peine de m’expliquer les nœuds indispensable pour les manœuvres. J’aime bien et tout le monde joue le jeu, tout le monde m’encourage, c’est sympa. Je fais le nœud d’arrivée du mouillage, je réussis, je suis contente. Marec me tape dans la main je le regarde dans les yeux et lui dis: « Ça c’est un équipage ! ». J’ai vu sur son visage qu’il pensait pareil, j’aime cette solidarité, ça nous unit pour être plus forts. C’est ça la collectivité, quand on vit à plusieurs, on s’aide. Ce soir, il y a quelque chose qui me tracasse, et même depuis quelque temps, et j’ai envie d’en parler devant tout le monde, c’est ça aussi un équipage, on s’écoute quand on a quelque chose à dire. On s’écoute tous quand on a quelque chose à dire. Donc je ne sais pas comment commencer, puis je regarde Mike et je lui dis que sa provoque a deux balles… il a l’air de ne pas comprendre, me demande de citer des exemples. Voilà pendant trente minutes on a débattu sur le mot gamin. Bref ce n’est pas ça la question, j’en ai juste marre du faux, de son faire comme si de rien n’était: «Pardon tu peux me laisser passer ! Désolé ! » Et puis toute la journée: « sale pute, conasse etc.… » Je le dis, je ne suis pas la pour ça sinon je serais restée au foyer et c’est pareil pour Mike il n’est pas là pour ça sinon il serait resté chez lui. Au cours de la discussion ça ne semblait pas avancer, mais on y vient, il aime quand ça se passe mal, il cherche la merde, tout ça c’est lui qui le dit, ça sort de sa bouche et qu’il s’en fout bla, bla, bla . Oui s’ il veut mais il ne me fait pas chier, je ne lui ai rien demandé, tu vis ta vie et je fais de même, mais là on est dans le même bateau alors on vit ensemble. Mais s’il te plaît arrête, j’ai autre chose à penser et à vivre sur ce bateau. J’espère que ça va te faire réfléchir même si je sais que tu aimes bien dire que tu t’en fous, mais moi je m’en fous de PERSONNE sur ce bateau, même de toi Mike, malgré tout… Nina 72 DÉFI TUNNEL. . . p a r S i m o n Le 21 mars : Ce matin, nous nous réveillons, seuls au monde ou presque, car nous ne sommes pas seuls sur le Banc d’Argent. Il y a nous, les bateaux de charter et les pêcheurs. Ils pêchent au « narguilé », c'est-à-dire qu’ils partent du bateau principal par équipes de 2 ou 3, dans des petites barques à moteur, puis un plongeur avec un fusil harpon se met à l’eau, avec un tuyau relié à un compresseur, ce qui permet de rester longtemps sous l’eau et de faire une razzia chez les poissons, à notre grand déplaisir. Maintenant il n’y a plus rien à voir, ils pêchent tout, jusqu’aux poissons perroquets. Ce matin, ils sont venus pêcher à même pas 20 mètres du bateau avec leur compresseur qui fait un boucan monstre, génial pour accompagner notre petit-déj. Ensuite, je me mets à tribord, après les tâches, histoire d’écrire un peu. Marion vient me voir, et me dit que le jour où je suis de texte, c’est de vivre ma journée à fond ! Et c’est un bon conseil, car de l’écriture, c’est pas très fun à raconter, contrairement à la plongée… Je range mon cahier, enfile mon masque et bonjour le corail ! Ce coup-ci, je ne vais vraiment pas loin, à peine sur la patate où le bateau est accroché. Le jour d’avant, j’avais repéré une petite grotte qui m’avait intrigué. J’y retourne donc, avec la lampe sous-marine de Théo, c’est qu’il fait sombre là-dedans ! Une fois équipé, j’y vais. Je sonde une première fois, histoire de repérer un peu le terrain, ça fait un peu peur tout ce noir… Après plusieurs descentes de repérage, je me lance. Au début, c’est large, ça forme une petite caverne. Après, ça se rétrécit, c’est sombre, ça fait peur, mais trop tard, j’y suis déjà engagé, plus moyen de faire demi-tour. Un bout de corail dépasse, ça va toucher avec les palmes, j’entends le boum sourd, caractéristique des palmes sur le corail, ça ne m’empêche pas d’avancer. Ça y est je vois le jour, un dernier passage un peu étroit et c’est la remontée, il faut rester calme pour ne pas user ses dernières réserves d’air. D’ailleurs pour moi, l’indicateur d’oxygène commence à être dans le rouge. Allez, plus qu’un mètre, et voilà, la renaissance, l’air frais entre à grand goulet dans mes poumons, je suis étourdi par l’effort et heureux de l’avoir fait. Après le repas, on va voir Popol, c'est-à-dire Polixény. Thierry et Marion ont déjà été voir ce matin, ils nous montrent les « bons tunnels ». Et il y en a pléthore, des larges, des étroits, des longs, des courts, des profonds, des sombres, des tortueux, bref, il y en a pour tous les goûts, et pour tous les niveaux. Le meilleur selon moi, c’est celui à côté de Popol, pas trop dur, long pile comme il faut, magnifique et super large, on peut se croiser facilement. Je m’amuse bien, Thierry prend des vidéos pendant que moi je passe à des endroits qui ne sont vraiment pas larges. Dans un passage que Thierry a jugé trop petit, je tente, je me fais peur et je passe, heureusement ! Avec Marion et Marec, on rentre au bateau, je commence à geler sur place. Je palme calmement vers le bateau, quand je vois un tunnel au fond, une invitation irrésistible, je me lance, ça passe tranquille, j’ai pris un peu de retard, c’est pas grave ! J’arrive crevé au bateau, fatigué et heureux, très content de ma journée. Ce matin, on avait une grosse houle, et ce soir on a une pétole plate. Simon 73 CA CH E- CA CH E DAN S LES PATATES DE C OR AI L , QUAND LES PARTEN AI R ES SONT DES BALE IN ES . . . Pa r Ev o lèn e Le soleil, qui vient réchauffer mon visage, me fait ouvrir les yeux. Petit rappel de mémoire, ah oui. J’ai dormi sur les filets, on est au Banc d’Argent. La journée s’annonce belle. Tiens justement, voilà une baleine ! Elle n’est pas tros loin alors gros coup de speed sur le bateau, chacun sort son matériel de plongée en vitesse, le maillot en deux-deux, ou juste les sous-vêtements, et en essayant de rester tranquille parce qu’elles sont calmes, on se dirige vers elles à 6 nageurs. Pendant un moment, elles nous gardent à distance, puis on arrive à les voir. Une mère et son baleineau, avec l’escorte qui se fait bien présente. Puis elles s’éloignent. On a beaucoup nagé pour les suivre, le bateau est loin, on est dans la barrière de corail. On commence à rentrer, quand on revoit leurs souffles, tous prés, derrière une patate. Thierry, Kélig et moi, on la contourne, juste à temps pour voir la mère et le baleineau passer entre deux têtes. J’ai l’impression que la mère va toucher avec sa caudale, mais au dernier moment, elle jette un petit coup d’œil et lève la queue, juste ce qu’il faut. On part d’un coté et retombons nez à nez avec elles et l’escorte, surgissant de derrière la patate. Cette fois elles sont trois à passer dans un petit passage étroit, on sent qu’elles sont un peu plus pressées, l’impression d’être prises au piège doit les faire stresser. De nouveau ce petit truc qui me prend au cœur, en les voyants, si belles. Allez cette fois, on rentre. Mais on n’est pas très rapides, ce n’est pas si mal ici, avec le soleil et l’eau qui est bonne ! Comme le fait remarquer Thierry, c’est juste là qu’il faut être ! Pendant que nous on vivait ça, au bateau aussi, ils ont eu des sensations : des baleines sont venues autour d’eux. Et d’autres arrivent encore ! Décidément, cette journée commence bien…Vers 10 heures on décolle. La mer est plate, le vent est absent. Ce sera donc tranquille, mais au moteur. Je commence la journée dans un poste de plongeuse. Je suis à l’aile, les fonds sableux ou coralliens défilent sous mes yeux. J’incline l’aile vers le bas, descente, je l’oriente vers le haut, montée… Je suis bien là, sous l’eau, à observer ce qu’il se passe. Je me dis que c’est le bonheur, puis une bulle qui sort de mon tuba sans faire exprès, me ramène à la réalité, je me rends compte que je n’ai plus d’air. Je remonte en vitesse. Kélig, à bord, montre du doigt une direction, je regarde et vois des baleines qui arrivent. Très vite, elles sont sous nous et on lâche la traine. Elles sont 4, et nagent un peu en profondeur. C’est joli aussi, à voir comme ça. « Ailes » déployées, elles font de légers mouvements pour avancer, je les trouve gracieuses. Elles sont tros rapides pour nous, on n’arrive pas à les suivre longtemps. Quelques minutes après, le bateau revient nous chercher et la journée continue. Après le repas, 8 nageurs restent un bon moment avec une mère et son baleineau. Ils passent du temps, ça me fait penser à la belle rencontre que j’avais fait lors du premier séjour sur Silver Bank. Je suis contente que tout le monde puisse vivre ça, même si on le ressent tous différemment, c’est tout de même quelque chose de fort. En écrivant ça, je repense à ce qu’on à vécu ce matin, c’était tellement… Incroyable, Magique. Mais là j’empiète sur la journée de demain, Kévin vous racontera ça. Dans la soirée, avant manger, je vais parler avec Marec. Dans les jours d’avant, chaque jeune est passé en « entretien » avec lui. On parle un peu du voyage, du bilan des 5 mois, de mes questions. Mais aussi d’après, du futur. Chercher ce que l’on veut faire plus tard, pour savoir vers où se diriger au retour. On commence à en parler, à y penser. Tous. Ce soir on est tout seuls au mouillage, c’est génial d’avoir pour unique son les vagues, et les souffles de baleines. On termine la soirée sur un conte de baleines qu’a emmené Marec. Ajoutez à ça les images qui nous trottent dans la tête, et ce sont les conditions idéales pour rêver baleines ! Evolène. 74 CETTE JOURNÉE DU 23 MARS... Par Kélig J’ai envie de partager avec vous cette journée du 23 mars… Une journée de beau temps, où les 3 bateaux de charter présents à nos côtés habituellement, ne sont pas là, nous sommes donc seuls sur le banc ! Il est 8h30, je suis sur le pont à discuter famille avec Marec et Nina et je m’apprête à regagner l’intérieur de la coque pour taper mon dernier texte sur l’ordinateur. Christophe, qui est à l’avant du bateau, nous signale une baleine qui va passer devant le bateau. Ah oui, effectivement j’entends le souffle, elle n’est pas loin ! Kévin et Théo sautent sur leur matos et les voilà déjà dans l’eau à palmer droit devant ! De mon côté, je prends mon temps, j’enfile mes chaussettes, mes palmes, mon masque… Je cherche Thierry, mais il est de cuisine alors de préparation… Dommage ! Je me mets à l’eau et décide de palmer sur le travers, car je pense que devant, elles n’y sont plus ! Très rapidement, j’aperçois deux tâches blanches au loin, je palme pour me rapprocher. Je vois maintenant 4 pectorales, la maman et son baleineau qui est à ses côtés. Je palme parallèle à elle, assez vite pour me retrouver à la hauteur de leurs yeux, mais en gardant tout de même la distance. Le baleineau me regarde, intrigué et se rapproche de moi… Ouh la la, je respire fort dans mon tuba. Toutes deux ralentissent et je me retrouve moi aussi à l’arrêt. La maman reste au fond de l’eau et le baleineau fait des galipettes à mes côtés. Je crois qu’à ce moment encore, je ne réalise pas tout à fait ce qui m’arrive ! Le baleineau rejoint sa maman et se cale sous son museau, je ne vois que le bout de son nez qui dépasse. J’ai l’impression qu’ils communiquent. Je m’imagine le baleineau demander à sa mère s’il peut jouer, et la maman faire des recommandations à son petit. « Tu fais bien attention à ta caudale, ne fais pas trop le fou et surtout ne t’éloignes pas trop ! » D’un coup, je vois le baleineau piquer droit sur moi, il remonte à la surface et m’esquive au dernier moment ! Ok, j’ai à faire à un farceur !! Puis s’en suit une longue série de roulades, galipettes, il tourne sur lui-même en faisant passer sa caudale à moins d’un mètre de moi ! Je fais attention, j’essaie de gérer l’espace, car je ne sais pas trop s’il gère bien sa taille le petiot ! Je suis encore un peu tendue. Je regarde à la surface vers le bateau, je suis vachement loin… Y’a personne qui vient ??? Je suis toute seule !!! Bon ok, le baleineau est toujours aussi proche, c’est un appel au jeu. La maman est calée au fond et ne bouge pas. Je commence donc à me mouvoir. Le baleineau tourne autour de moi, me regarde de son œil, j’y vois du mystère, des questions et de l’envie de bouger… Il me tend ses pectorales, j’en fais de même, il tourne sur lui-même, je fais pareil, il fait un dérapage avec sa caudale, j’en fais de même avec mes palmes (à mon niveau bien sûr !). J’hallucine complètement et je commence à me lâcher vraiment, je lui parle dans mon tuba, lui dit « bonjour copain », et j’ai l’impression de commencer à danser… et je ne cesse de répéter « je danse avec un baleineau… » Je me sens légère, souple et je ne sais plus qui imite qui… On pique tous les deux vers le fond, bon je lui explique que je ne peux pas faire autant d’apnée que lui… Je remonte et lui aussi remonte avec sa maman… Alors là bien sûr, je me range ! Respect ! Tout de suite, ce n’est plus la même dimension, la mère fait 3 fois la taille du petit quand même ! Je ne cherche plus à jouer avec son enfant, je reste à la hauteur de son œil pour qu’elle voit qui je suis, je lui parle aussi, je la rassure, la remercie… Elle respire quelques souffles et repart au fond (c'est-à-dire à 15 mètres à peu près) avec son petit qui se cale encore sous son museau. Je les regarde du haut. Quelqu’un vient me tenir la main, c’est Kévin qui arrive. Il m’a rejoint tout seul et nous sommes maintenant deux à profiter de ce spectacle ! Très chouette ! Je lui explique ce qui se passe, que le baleineau est très joueur etc… Le baleineau nous a peut-être entendu car ça y est, il rapplique, tout comme tout à l’heure, à fond droit sur nous ! Il fait connaissance avec Kévin qui lui aussi fait des galipettes, des roulades, des retournés… Il nous montre son ventre, nous tend toujours ses pectorales, c’est quand même hallucinant… Kévin, 11 ans, est ravi, il pousse plein de petits cris dans son tuba !!! Le temps est suspendu… 75 CETTE JOURNÉE DU 23 MARS... Par Kélig Je ne sais plus s’il y a 10, 15, 20, 30 minutes ou même une heure que je suis là, avec mon copain ! Je regrette de ne pas avoir d’appareil photo ou même la caméra ! Je ne m’imaginais pas du tout vivre un moment pareil lorsque je mettais mes chaussettes sur la jupe tout à l’heure ! Marion et Marec arrivent à leur tour. Marec a son appareil, je le cherche du regard pour lui montrer que je suis contente, mais il est déjà complètement happé par la magie du spectacle ! Marion rentre dans la danse aussitôt. Le baleineau ne semble pas effrayé, pas du tout, il continue à jouer, je continue à lui parler, je lui explique que ce sont des amis etc…C’est peut-être complètement ridicule, mais c’est ce dont j’avais envie… Régulièrement, le baleineau part se cacher sous sa maman et elle, vient remonter à la surface respirer. Nous faisons bien attention à rester ensemble dans ces moments, à ne pas gêner la mère, qui semble tout de même dormir. Son œil est mi-clos et pas aussi vif que son petit ! Nous apercevons le bateau au loin qui commence à bouger… Peut-être veulent-ils se rapprocher de nous ? En tout cas, c’est le moment que le baleineau a choisi pour remonter à la surface et venir nous faire une belle crotte devant nous qu’il nous envoie de sa caudale ! Vous savez une crotte comme les churros à la fête foraine, pareil ! Kévin est mort de rire, c’est excellent ! Marec prend des photos, on se marre avec Marion, les baleines sont sous nous, c’est complètement décalé comme moment ! Génial ! La bateau se rapproche, je vois Thierry sur le pont, je l’invite à me rejoindre, j’ai très envie qu’il vive ça aussi ! Il se jette à l’eau avec Charles. Les baleines, dérangées par la venue du bateau ou par d’autres baleines qui arrivent car il y a des souffles partout autour de nous qui se rapprochent, s’en vont. Mon copain passe à côté, on se regarde et hop, parti ! Sentiment de tristesse quand même ! C’était trop beau et j’ai envie que tout le monde en profite ! Nous ne savons plus où donner de la tête, il y a des baleines partout, mais je ne quitte pas les souffles de nos amis de l’œil. J’emmène Thierry et Charles avec moi dans une partie de cache-cache. Elles réapparaissent sur la droite, on les suit, puis devant, on change de direction. J’informe Christophe qu’on part les retrouver. Il me dit qu’il va se mettre sur la bouée d’un des bateaux de charter à côté. On palme, puis avec Charles et Thierry, on attend. Je leur explique ce qu’on vient de vivre. Marec, Marion et Kévin ont rejoint le bateau. Thierry à la Gopro à son poignet (petite caméra étanche). On revoit le souffle derrière une patate de corail, ce sont elles. On y va, Thierry en tête et ça y est, il les voit. Elles sont au fond, le baleineau, comme d’habitude, calé sous la tête de sa mère ! J’explique le jeu à mes deux nouveaux compagnons. Le baleineau pique vers nous, c’est reparti ! Je le reconnais, c’est le même que tout à l’heure ! Je joue avec lui, les pectorales, les roulades, les galipettes, les piquets… Je vois Charles se mouvoir et Thierry aussi. Je me rapproche de lui, lui prend la caméra afin qu’il puisse jouer en toute liberté ! Et puis, moi, je commence à fatiguer et ce que je veux maintenant, c’est filmer, faire des images, immortaliser le moment ! J’observe Thierry et Charles s’amuser, faire eux aussi des roulades. Mon copain a trouvé d’autres copains ! Thierry descend au fond de l’eau avec lui, ils remontent, tournent, virent… C’est trop beau de voir mon amoureux ici, dans ces conditions, je crois que j’en ai même des larmes… Lui qui est si à l’aise dans l’eau, si gracieux, c’est magnifique ! Je rigole toute seule dans mon tuba lorsque je vois Thierry faire des mouvements avec ses bras et que le baleineau en fait de même avec ses pectorales, c’est génial ! Il nous manque plus qu’à se comprendre vraiment ! La rencontre du mammifère marin avec le mammifère terrestre ! Le baleineau rejoint sa mère pour un petit moment ! Mes deux compères sont aux anges. Thierry ne s’arrête plus de sonder, de tourner sur lui-même, de faire le baleineau… La maman remonte elle aussi à la surface et cette fois, elle ne semble plus dormir, son œil est vif et tous deux nous offrent un ballet majestueux ! Théo, Simon, Evolène et Mike sont maintenant avec nous. Ça me fait plaisir, je pense à Christophe resté au bateau pour veiller la bête et Nina qui a trouvé la distance trop longue je pense ! Dommage ! La maman tourne sur elle-même, elle nous montre son ventre, reste sur le dos, s’immobilise, son petit vient lui faire des bisous sur le museau… Je ne sais plus quel mot utiliser pour vous décrire cette beauté, dans le bleu de l’eau… Tout est arrêté, je filme toujours, les nageurs sont à bloc de sensations, c’est l’éclate… Avec Thierry, on se sert la main, si heureux de vivre ce moment ensemble ! Je pense que ça fait bien deux heures que je suis dans l’eau en compagnie de ces belles baleines. Je commence à avoir froid et ressentir la fatigue. Le baleineau arrive vers moi, on danse encore une dernière fois, on s’embrasse de loin avec nos pectorales… Le baleineau s’est éloigné de sa mère, je ne la vois plus. Je la cherche. Je le vois lui, de son côté, agiter sa caudale à toute berzingue, comme dirait Kévin et disparaître ! Thierry me dit que la maman était toute calme et d’un coup a agité sa caudale doucement pour s’en aller au loin. Je revois les tâches blanches aperçues tout à l’heure à la jupe du bateau, s’éloigner, dans le bleu de la mer !!! C’était magnifique, magique, géant, fort, inoubliable… Kélig 76 UNE BELLE RENCONTRE. . . p a r KÉ V IN le samedi 23 mars : Je me réveille, et après le petit-déjeuner, nous voyons une baleine et je mets mon masque, mes palmes et mon tuba. Et je me carapate sur la baleine avec Kélig, Marec et Marion. Il y a une mère et son baleineau qui s’amuse comme un enfant, il fait les mêmes gestes que nous en levant ses pectorales et nous fonce dessus à toute berzingue en nous esquivant au dernier moment. Il nous envoie aussi une crotte d’un coup de caudale, je pense qu’il a confiance en nous. Un peu plus tard, une jeune baleine joue avec nous en nous fonçant dessus en faisant des dérapages. Moi j’ai adoré ce spectacle c’était le plus beau jour de ma vie ! Kévin. JOYEUX ANNIVERSAIRE MAR ION ! . . . p a r C h a r l e s Le 24 mars : Aujourd’hui, c’est une journée spéciale, vous l’avez bien compris c’est l’anniv’ de Marion, on fête ses 27 ans ! Je me réveille doucement mais difficilement, je sens que la nuit fût bonne. Sur le pont, quand mon regard croise le sien, je n’oublie pas de lui souhaiter un bon et joyeux anniversaire. Les adultes se réunissent avec Marec pour discuter un peu. Pendant ce temps, je prends papier et stylos pour écrire du courrier. Les autres jeunes lisent, écrient. Nina s’arrache à la cuisine ! Sur le pont, Kévin signale une baleine qui nage près du bateau. Avec Evolène, on décide de se mettre à l’eau, personne d’autre n’est motivé. Je laisse tomber mon courrier et j’enfile mes palmes, on fonce dans ce que l’on pense être la bonne direction. C’est dur de se diriger seul, il n’y a personne pour nous indiquer où sont les baleines. Au détour d’une tête de corail, elles sont là. Une mère et son baleineau, elles sont aussi surprises que nous, en quelques coups de caudale elles s’éloignent, puis disparaissent. Avec Evolène, on se sera mis à l’eau 4 ou 5 fois, et au final on a juste entrevu des baleines ! Une fois la réunion terminée, les adultes sortent et Christophe nous indique une baleine. Elle est un peu loin, mais Evolène, Thierry et moi, on est motivés. Christophe nous indique où se trouve la baleine en la pointant du doigt, depuis le pont, au bout d’un moment, à force de palmer, on tombe sur elles. On les observe furtivement puis elles s’en vont. On tombe sur une tête de corail que l’on n’avait pas encore explorée. 77 JOYEUX ANNIVERSAIRE MAR ION ! . . . p a r C h a r l e s Il y a beaucoup de petits poissons, Thierry descend en apnée, il me dit qu’il adore ça et recommence de plus belle. Il descend assez profond, prés du corail et observe les formes de vie des alentours. Peu après, il nous montre une raie pastenague qui nage à ras le fond corallien. Sur le retour, en rentrant au bateau, on croise un barracuda, des orphies. J’ai bien aimé cette plongée, elle était intéressante, assez fournie en mammifères marins. Au bateau, un bon et gros repas nous attend. Nina et Kélig y ont mit de l’énergie. Durant l’après midi, l’ambiance est studieuse, beaucoup de monde écrit du courrier. On profite que Marec rentre en France pour lui passer du courrier. Il va faire office de postman ! On prépare aussi l’anniversaire de Marion, qui prend pas mal de temps. Le soir on s’installe autour d’un bon repas et Marion ouvre ses cadeaux. Thierry a fabriqué un joli collier en forme de queue de baleine en noix de coco, de jolis petits mots de tendresse, un joli conte écrit par Marec, une belle histoire autour du chiffre 7 et des baleines, une photo souvenir (Mike, Simon et Théo se sont pris en photo dans le corail avec un petit mot) et un jeu de société : le Time line 2. Elle est contente, heureuse de fêter son anniv’ sur le Banc d’Argent !!! Charles DAT E A N N I V E R S A I R E . . . P a r M a r i o n Lundi 25 mars : Aujourd’hui, c’est le 1er jour de mes 27 ans et… je suis de texte ! Même si cette journée du 25 mars est marquée par deux évènements notoires, un groupe de parole et le départ pour Samana, je trépigne d’impatience de vous en raconter deux autres, celle d’hier tout d’abord… Parce qu’hier, c’était mon anniversaire et un anniversaire sur le Banc d’Argent c’est un truc qui marque au fer chaud ! D’ailleurs, chaud, c’est le mot pour décrire mon cœur quand à l’unisson, l’équipage m’a apporté une pizza d’anniversaire comptant 28, non… 27 bougies… Et puis la petite intention de chacun pour me faire plaisir, la carte calligraphiée par Evolène, la plume de calligraphie taillée par Simon, le pendentif de queue de baleine poncée par Thierry, la lettre remplie d’attention de Nina, le jeu (Time line) rapporté par Christophe, les petits mots de chacun, le conte écrit par Marec et l’expédition sous-marine photo organisée par Théo avec Simon et Mike. Ils ont quand-même réussi à se prendre en photo à côté des poissons chirurgiens avec une pancarte « Joyeux anniversaire Marion sur Silver Bank ». La classe ! Et puis sans oublier les toques blanches du jour, Nina et Kélig, qui se sont pliées en 4 pour faire un super repas… Merci à vous tous chers équipiers, ça soyez en sûr, celui-là restera inoubliable ! 78 DAT E A N N I V E R S A I R E . . . P a r M a r i o n L’autre journée que je tiens à vous raconter, chers lecteurs, c’est le jour d’avant, ce jour du 23 mars 2013… Extrait de cette journée : Ce matin, la journée commence par la poursuite de mon chantier entamé il y a quelques jours pendant la tâche de nettoyage quotidien : extraire le « jus de pied » agglutiné au grip (antidérapant) à tribord, j’en récolte du noir et concentré, quelques ml durement obtenus grâce aux laborieux mouvements de va-et-vient, la brosse vissée dans le creux de la main. Il n’est pas 9h, je suis déjà trempée de sueur. Vite un bain, et puis, je rêve de profiter de l’unique jour désert sur le Banc de la semaine, car hier, les deux bateaux charters nous ont laissé la voie libre… Dans le cockpit, que je trouve lui aussi déserté vu l’heure, Christophe, seul, scrute l’horizon, chapeau sur la tête, les yeux légèrement plissés. Je commence à reconnaître ce comportement du mammifère « guetteur » lorsqu’au loin un signe de vie sous-marine fait surface, une nageoire ou un simple souffle… Quand Christophe a cet air-là, pas besoin de tergiverser, seulement de demander « où ? » et son doigt se lève, le regard toujours pointé sur l’horizon et répond alors d’un calme déconcertant « à 7h, 400 mètres ». C’est clair, précis, c’est le « Christophe of Silver Bank ». Sauf que ce matin, il ajoute « Kélig et Kévin sont avec elles depuis ¼ d’heure, les baleines ne bougent pas. » La même idée nous traverse avec Marec… Ni une ni deux, on enfile nos maillots, moi je panse mes pieds cloqués par les palmes, enfile des chaussettes puis tout le matos et saute à l’eau. Avec tout ça, Marec a pris pas mal d’avance et K & K ont dérivé bien plus loin avec les baleines. Il va falloir palmer ! La tête dans l’guidon, j’y mets de l’énergie, espérant ne pas arriver trop tard. 1ère pause, je relève la tête, je ne vois rien devant, ni d’ailleurs à l’horizon à 360°. Donc en gros, je palme sans savoir où je vais depuis un moment ! Il me semblait pourtant avoir pris la bonne direction en quittant le bateau. Je regarde vers GN, Christophe m’indique de loin la direction des baleines avec son bras, c’est carrément plus à droite ! OK, j’y retourne, je mouline, je mouline mais toujours rien sous l’eau, ni en dehors, je ne comprends pas… Christophe m’indique toujours plus à droite ! Pas si immobiles que ça les baleines me dis-je en reprenant ma natation. J’apprendrai plus tard que rien n’a jamais bougé et que Christophe et Thierry se sont bien marrés à me regarder palmer en courbant sur la gauche. « Peut-être une jambe gauche plus faiblarde, comme ces coureurs olympiques qui tournent toujours dans le même sens dans le stade » en conclut Thierry, surenchérit par Christophe qui suggère de m’inscrire aux paralympiques 2016… Pendant ce temps je retrouve enfin mes trois nageurs, amusés par les pitreries d’un baleineau d’environ 5m. Pirouettes, galipettes, claquage de caudale, bourré de souplesse et de grâce, il nous en met plein la vue ! Je regarde autour de moi et aperçois enfin la mère, à 10m juste sous mes pieds. Elle est totalement statique et quand je descends à son niveau, je m’aperçois qu’elle a les yeux clos. 79 DAT E A N N I V E R S A I R E . . . P a r M a r i o n Incroyable ! Elle dort, nous confiant presque son petit qui, à la surface, virevolte entre nous, cherchant le contact physique, le jeu, l’interaction. Alors que je me suis approchée près de son œil, elle l’ouvre brusquement, à moitié et toujours sans bouger d’un poil, elle me regarde puis referme doucement sa paupière… Je remonte à la surface, ayant désormais la bénédiction de la mère pour aller approcher son petit. Kévin, qui il y a quelques jours encore se carapatait dans le bateau à la vue d’une nageoire, semble aujourd’hui complètement dans son élément comme « tombé dedans quand il était petit ». Il joue naturellement avec le baleineau. Je me dis dans ma tête qu’ils doivent à peu près avoir le même âge, enfin si on peut comparer l’âge baleine avec l’âge humain… Le baleineau est assez grand et peu farouche, contrairement au tout petit qu’on a observé hier… Mais la rencontre de ce matin en est autrement ! Le jeune mammifère est d’humeur joyeuse, très joyeuse, farceur même. Toutes les 10 min environ, il rejoint sa mère dans le fond pour se blottir contre elle pendant quelques instants, moment de tendresse… Puis remonte en trombe droit sur nous ! On comprend vite que c’est à nous de l’éviter lorsque son museau noduleux s’approche tout près de notre petit corps. Il s’amuse à la surface entre nous, sort une nageoire de l’eau, une caudale, virevolte, nage au même niveau que nous, vient voir chacun d’entre nous un par un. On s’amuse alors à l’imiter, basculant sur un flanc, puis sur l’autre, nage en torpille, puis sur le dos et finalement c’est lui qui reproduit nos mouvements en nous observant. Il imite même notre brasse avec ses nageoires pectorales, il s’amuse à venir presque toucher le bout de nos mains, tout en délicatesse. Depuis presqu’une heure qu’on fait connaissance avec lui, on sent que les dernières appréhensions sont tombées, respectivement. On regrette la GoPro… Le moment est magique, on cherche à l’immortaliser dans nos têtes. A ce stade de la rencontre, les deux mammifères ne sont plus que des baleines, elles nous sont bien plus familières. Marec lui est équipé de son appareil photo et prend quelques clichés. La mère remonte à la surface juste à côté de nous pour respirer, elle nage doucement à notre vitesse, puis redescend quelques mètres plus bas, une fois ses poumons réoxygénés. Son petit reste avec nous. Kélig pense au reste de l’équipage, il faut absolument qu’il nous rejoigne. On lui fait signe, le bateau se rapproche doucement. Car vu la distance à laquelle on se trouve, difficile de venir et rentrer à la nage. Malheureusement l’instinct maternel reprend le dessus lorsque le bateau approche et en deux coups de caudales, la baleine et son petit partent en trombe, méfiants. Mais d’autres baleines passent au même moment, 3, sous mes pieds, je tente de les suivre suivie de Charles et Thierry mais trop rapides, j’abandonne. Pendant ce temps, nos deux baleines reviennent dans les mêmes dispositions que tout à l’heure, visiblement, elles sont restées sur leur fin de notre rencontre de tout à l’heure. Et nous aussi, enfin surtout pour le reste de l’équipage. Je laisse ma place aux autres malgré l’envie qui me démange d’y retourner. Mike, Thierry, Evolène, Kélig, Théo, Charles et Théo les rejoignent. ¾ d’heure d’échange et de jeux s’en suivront. A bord, on a le cœur tout chaud, les yeux dans les jumelles, de voir que nos équipiers vibrent à leur tour… Le groupe regagne le bateau avec en tête de file Kélig qui nage le poing levé, GoPro au poignet en poussant un cri de victoire, « yes on a les images ! » En effet, plus de 40min de film que l’on visionne plus tard, nous plonge dans un documentaire digne du film « Océan » alors qu’on revit des moments passés dans l’eau 80 DAT E A N N I V E R S A I R E . . . P a r M a r i o n à travers l’écran du Mac, on entend de plus en plus fort le chant des baleines, Kévin nous prévient qu’elles ne sont pas loin. On arrête les moteurs, je me mets à l’eau. En effet, il suffit de descendre à 4 ou 5m pour entendre un orchestre d’instruments à vent et à cordes, à mi-chemin, entre Didjéridou et la contrebasse. Les sons sont de plus en plus forts, c’est incroyable toutes ces vibrations. C’est très net à cette distance des baleines chanteuses, s’orienter vers elles à l’oreille devient de plus en plus simple. Je m’éloigne du bateau guidée par les sirènes, plus d’hésitation, je file tout droit, droit sur les chants. Mon cœur bat et avec toutes ces vibrations je me surprends à flipper un peu, en imaginant quelle bête peut sortir un son pareil, alors que quelques minutes plus tôt elles me paraissaient si familières. Tout en palmant mon esprit s’emballe et mon imagination aussi, je me vois rencontrer un animal préhistorique, énorme, effrayant ! Quand soudain j’aperçois une, puis deux tâches blanches, c’est la chanteuse ! Elle se dirige vers moi à 4 ou 5 mètres de profondeur, jusqu’à passer sous mon corps, et là c’est une symphonie dont les basses font trembler tous mes organes, là c’est mon cœur, mes tripes, ma rate qui vibrent à l’unisson… Mon corps entier devient une énorme corde vocale ! Kélig et Thierry ne sont pas très loin de moi. On synchronise nos palmes pour rentrer ensemble au bateau, épatés par ces nouvelles sensations… En palmant, je surprends Thierry, ondulant à la surface, les yeux fermés, les nageoires déployées… Pris en flagrant délit de baleinisation. Il n’est que midi et j’ai du mal à imaginer comment cette journée va se terminer vu l’enchainement des évènements baleinesques et le feu d’artifice émotionnel de ce jour. Je me dis au fond de moi que si je mourrais maintenant j’aurais moins de regret qu’à mon réveil ce matin. Je dois le dire tout haut parce que Christophe à côté me répond « dis pas ça, encore tellement de choses à voir… » Thierry me souhaite un joyeux anniversaire en avance car demain, avec le retour des charters, rien de tout ça n’aurait été possible ! Ah oui, c’est vrai, demain c’est mon anniversaire… Il doit y avoir quelque chose avec le 23 mars sur GN, car il y a 3 ans, on s’endormait au beau milieu de la forêt guyanaise quand Christophe passé minuit me souhaitait un joyeux nniversaire tandis que Régis, Bonnie, Juliette et Jean-François, perdus, affrontaient de nuit le Maroni à la rame… Marion 81 UNE JOURNÉE À TIRER DES BORDS ... Par Chr is tophe Mardi 26 mars : C’est notre 4ème trajet entre le Banc d’Argent et Samana et comme les autres fois, nous allons le faire avec du vent dans le nez ! Ce qui rallonge franchement le temps de navigation. Ce matin, en me réveillant pour mon quart à 4h15, je pensais être à côté du cap Samana, eh bien non ! Nous en sommes encore à 39 milles, car le vent a tourné dans la nuit, pendant que l’on tirait des bords. Et nous avons fait que 5 milles en ligne droite pendant les cinq dernières heures. Par contre, le vent a un peu faibli et nous sommes passés de la trinquette, la plus petite voile d’avant, au génois, la plus grande. De toute façon, nous n’avons plus le choix, notre voile intermédiaire : le bon vieux yankee arisable, qui est la voile la plus utilisée, a lâché hier en sortant du banc ! Enfin, une de ses coutures a lâché ! Donc, avec mes deux camarades de quart, Simon et Mike, nous tirons des bords, au près, en essayant de barrer le plus précis possible et au bout de 5 heures, nous avons fait 5 milles, soit un demi mille de plus à l’heure ! A ce rythme là, je calcule qu’il nous faudrait que 30h pour arriver à Samana, mais bon, il fait beau, il n’y a pas trop de mer, donc on ne se fait pas mouiller sur le pont. Je reprends la barre pendant le petit-déjeuner, car je suis de texte et je n’ai pas de tâches à faire. Tout le monde s’occupe, principalement à faire du courrier, car dès que nous serons à Samana, Marec débarque pour faire ses deux jours de plongée. Il faut que les lettres pour la France soient écrites. Je vois aussi tout au long de la journée où simultanément les jeunes sortent de la coque avec un livre. Nina lit « Bonjour tristesse » de Sagan. Mike est sorti d’un « Harry Potter » et lit un livre sur une histoire d’amitié entre un oiseau et un enfant, Evolène continue « Le soleil des Scorta », Charles a dû poser « La baleine blanche » de Lanzman, il était de cuisine avec Marion. C’est tellement contagieux cette envie de lire que ce n’est pas rare de voir Kévin devant un livre en train de le déchiffrer. J’allais oublier Théo qui relit un « Capitaine Alatriste ». Mais je vous en ai déjà parlé dans un texte précédent. Pendant le repas, le cordage qui permet de descendre la dérive bâbord lâche, Thierry assisté de Kévin le répare dans la foulée. Je suis toujours à la barre, au près, mais le vent tourne de plus en plus sud-est, ce qui nous permet de viser le cap Samana qui grossit à vue d’œil. Je ne vois pas le temps passer à la barre, surtout engagé dans une grande discussion avec Evolène et Marec. Cela commence sur l’école, l’éducation, le rôle des parents, puis part sur plein de sujets, les liens familiaux, l’armée, l’obéissance aux ordres, l’instinct chez les hommes. Au bout de trois heures de discussion aiguillonnées par une Evolène qui vous relance à coup de « pourquoi, comment, tu crois que… pourquoi tu dis que… » Nous en étions au bord de l’abyme, du gouffre, de l’innée et de l’acquis ! Après, tout le monde doit être plongé dans des activités dans les coques, car nous sommes rarement plus de trois, quatre sur le pont. Malheureusement, nous n’arriverons pas à passer le cap Samana sur ce bord, il est déjà 16h, un petit bord de 15 minutes pour nous décaler de la pointe, le vent forcit, allez, ça passe, mais vraiment près, moins de 10 mètres de fond au sondeur, mais la vue à terre est vraiment belle ! Tout le monde ressort, nous sommes dans la baie, enfin ! On se lave avant d’arriver en vue de la ville. Je finis par lâcher la barre, il est 17h, mais le vent nous lâche lui aussi. Nous mettons encore trois heures avec l’aide d’un moteur pour arriver au mouillage de nuit. Nous avons mis plus de 34 heures pour faire 187 milles. Marec boit une dernière tisane avec nous, on se dit au revoir puis nous le déposons sur le quai. On prend le temps de lui trouver un taxi de nuit pour Las Terrenas, à 1h de route. Après 10 jours à bord, Marec repart avec le plein d’images de baleines dans la tête et le plein de courriers pour la France ! Je rentre au bateau et je tombe dans ma couchette, je ne sais pas pourquoi je suis cuit, claqué, je m’endors en moins d’une minute ! Christophe 82 CHAQUE JOUR QUI PASSE EST UNE BALEINE QUI S’EN VA ... Par Kélig Mercredi 27 mars : Nous sommes aujourd’hui à Samana et comme vous le savez tous, lecteurs assidus qui lisez nos aventures avec précision, escale à Samana rime avec efficacité, lessive, eau douce, courses, marché, glaces, poulet frit et on s’en va… Et sans aucune surprise aujourd’hui, nous avons vécu tout cela en même temps. Je prends Kévin sous le bras ce matin pour une lessive acharnée sur la jupe bâbord sous un soleil de plomb. On a chaud, très chaud, la sueur perle sur nos fronts. Nous avons de l’eau tout autour de nous mais ce n’est pas possible de se rafraîchir un peu. L’eau de Samana est trop sale, trop lourde, trop grasse… Quel contraste avec l’eau si claire et limpide du Banc d’Argent. Kévin s’attaque à sa couverture polaire jaune, sur une idée originale de Christophe, et après l’avoir entendu souffler comme une baleine pendant au moins dix minutes (soit dit en passant, Kévin fait très bien le souffle de la baleine), quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il a vu le jus noir et crasseux sortir de sa couverture. « Ah, mais c’est dégueulasse de dormir là-dedans ! » dit-il. Oui Kévin, nous sommes bien d’accord avec toi, heureuse de te l’entendre dire ! Et nous continuons à frotter tout en vantant les bienfaits de la machine à laver… Quelle belle invention tout de même ! Le bateau respire le propre, tous les matelas sèchent au soleil. Les guirlandes de draps, de hamacs et d’oreillers ornent les haubans de 1000 couleurs. Le bateau est toujours aussi beau comme ça. Tellement, que les touristes sur les bateaux de whale-watching passant à côté nous prennent en photo. Nos cuistots du jour, Tit et Théo ne nous ont pas déçus. Nous avons bien du poulet frit et du yaourt local en dessert. Il fait toujours aussi chaud, aussi lourd, ça sent presque l’orage. Christophe revient de sa mission internet et nous annonce que demain, il va pleuvoir. On a bien fait de faire notre lessive aujourd’hui. Je propose une mission courses cet après-midi. Charles, Evolène et Kévin sont motivés. On établit la liste avec l’intendant du bord, Mike et nous partons. Nous ralentissons le pas en passant devant le marchand de glaces. Chacun se regarde du coin de l’œil… Et si… Oui, car au retour nous serons trop chargés ! En avant pour une dégustation ambiance climatisation. Nous repartons dans de meilleures dispositions. La mission supermarché ne nous fait plus peur. On organise deux équipes, Charles et Evolène et je reste avec Kévin. On analyse les différents produits, les prix. On réitère les sauces et les conserves de fromage, les flans de leche pour après les plongées, les chocolats « Munné » pour la tisane et comme il n’y a plus Marec, on peut racheter plein de pâtes au gluten. 20000 pesos (soit 400 euros), et des sacs remplis, nous sommes parés pour encore deux semaines de baleines ! De retour au bateau, Thierry est en pleine couture pour la réparation de la voile d’avant. Je n’ai pas l’autorisation de rentrer en coque tribord, les jeunes rangent les courses. Ça me plaît comme organisation. Et bien puisque c’est comme ça, je vais m’occuper de moi. Ecriture de mail et on sélectionne avec Christophe une partie de la vidéo de la rencontre du 23 mars pour mettre sur le blog. C’est trop beau de revoir la maman baleine et son petit se mouvoir dans l’eau, tourner sur elle-même, se faire des câlins. Toutes les émotions vécues me reviennent. Ce soir, on peut même se laver avec un peu d’eau douce, c’est bien agréable. Tit et Théo nous ont préparé un bon repas au gluten et la pluie commence à tomber. Nous lisons quelques textes à l’intérieur et programmons que demain, après le marché, la réparation de la voile, la commandancia pour le papier de départ et internet, nous irons mouiller au Cayo Levantado afin de brosser les dessous de coques, déjà bien vertes d’algues, avant de repartir pour le chemin des baleines. Et n’oublions pas, chaque jour qui passe est une baleine qui s’en va… Kélig 83 JOURNÉE MAUSSADE... Par Théo Samedi 28 mars : Il est 7h du matin, je suis emmitouflé dans mon hamac, à écouter la pluie tomber. C’est agréable de se dire qu’on est au sec. Tiens, la musique commence par du Bach ce matin. Ce matin, je fais partie de la team marché avec Nina, Simon, Marion et Miketech (surnom donné) pour redonner ses couleurs au carré tribord. C’est la première fois que je vais au marché de Samana, c’était magnifique, une multitude de fruits et de légumes disposée sur plein d’étalages. Quand les sacs commencent à être remplis, je me dis heureusement que l’on rentre en motoconcho. Après avoir fait nos aux revoir aux glaces Bon, on rentre au bateau, il pleut pas mal, donc on se dit qu’on part. On hisse la grand-voile sous la pluie et après cela, je rentre dans la coque pour lire un peu. Au bout d’un moment, je vais voir ce qui se passe dehors. Thierry me dit, on fait demi-tour, on a une voie d’eau par le hublot de coque. Nous filons à 9 nœuds pour le retour. Et le soir nous mangeons, grâce à nos deux cuistots du jour, Kélig et Evolène, une sorte de hachis Parmentier. Et je finirais la nuit avec un mal de ventre. Théo DÉSOLÉ PLANÈTE, JE N’AI PAS FAIT EXP RÈS ! ... Par Mike Le 29 Mars : Après un demi-tour en navigation, nous nous retrouvons devant une plage remplie de cocotiers, une plage paradisiaque. Après avoir lavé les torchons, je mets mon masque, je choppe une brosse et j’attaque la coque tribord avec Kévin. Après 5 minutes de grattage, Kévin part, je me retrouve seul à gratter ! Marion et Nina grattent de l’autre coté ! Après 30 minutes de grattage, je commence à en avoir marre ! Je demande à Kévin de me rejoindre, il ne veut pas, je demande à Marion si elle veut bien me donner un coup de brosse pour finir mon coté, elle me dit oui. Tiens, bizarre quand Marion me dit oui pour m’aider, Kévin veut me donner un coup de main ! Tant pis, fallait me rejoindre avant ! Après 1 heure de grattage, je sors de l’eau, je me lave et je joue un peu avec Kévin, on s’amuse à faire l’étoile de mer. Ensuite, je propose à Kévin d’essayer de descendre au fond. Il n’y arrive pas. Moi je suis content, j’y arrive, je touche le fond sans palmes, il y a 5 mètres de fond. Après la réparation de hublot par Thierry, après le grattage de coque par Marion, Théo, Evolène, Nina, Kévin et moi, un bon repas préparé par Christophe nous attend. Après le repas, le beau temps est là, le vent est dans la bonne direction ! Et si on allait voir les baleines ? Taud enlevé, chaîne remontée, on est prêts pour naviguer ! On est au pré, mais on est toujours prêts ! Christophe nous as préparé une soupe, mais avec 23 nœuds de vent, ça vole ! Après 2 bols de soupe, grâce à Kélig car elle m’a passé son bol, le mien s’est envolé ! Désolé planète, je n’ai pas fait exprès ! Je dis bonne nuit et je vais me coucher. Je suis du 3éme quart et ce n’est pas le plus joyeux. Après 30 pages d’Harry Potter, 15 pages de Bonjour tristesse, je me dis bonjour sommeil ! Mike 84 JAMAIS DEUX SANS TROIS... Par Thie r r y Le 30 Mars : Hier, faux départ. La faute au hublot, la faute au vent fort dans le nez, la faute à la pluie, peu importe. Aujourd’hui, tout le monde le sent bien. GN est de nouveau étanche avec une carène toute propre. Tout est en ordre. Allez, on relève l’ancre et c’est reparti ! Pour où ? Le Banc d’Argent, évidement… Il y a des habitudes, comme le vent dans le nez, qui sont peu réjouissantes. D’autres, comme retourner voir nos jolies baleines, qui donnent beaucoup plus en Vie ! Marec doit être arrivé en France. Nous ferons donc sans supervision. Petit clin d’œil au passage… Sortir de la baie de Samana en tirant des bords est une chose familière maintenant, mais une fois passé la pointe, un rapide calcul nous laisse apparaître l’entrée sud ouest du banc sur le même bord ! Il nous reste 70 miles pour y arriver. La nuit tombe. GN, rasé de prés, déboule à près de 10 nœuds au bon plein… il va falloir ralentir si on veut y arriver avec le lever du soleil ! Un prés un peu plus serré assagie notre fier navire. A la fin de notre nuit de quarts, nous nous retrouvons à la cape. Le banc est là, tout proche. Nous prenons notre temps pour déjeuner et laisser au soleil le temps d’aiguiser ses rayons. De quoi nous apporter sa supervision, ha ! ha ! ha ! 8h30, c’est reparti et à prés de 10 nœuds toujours, nous arrivons sur le banc. Nos premières baleines volantes, les souffles à 11h, 9h, 6h, 3h ! Elles sont bien là ! Elles nous manquaient. La baleineau thérapie a des effets d’accoutumance, c’est sûr ! La Mer se range un peu.GN file et la visibilité est moyenne. « -Si on ne voit pas de patates, c’est qu’il n’y en a pas ?! -ouais, faut voir… » Le Polyxéni apparait à l’horizon et grossi très vite. Nous y serons pour midi… L’approche du mouillage, le moment le plus délicat se fait sous un gros nuage, la visibilité n’est pas bonne, mais nos guetteurs sont affûtés. Le moteur bâbord cale et ne redémarre plus, ça sent la mécanique tout ça… 12h15, les amarres sont tournées aux taquets, soit 23 heures après notre départ de Samana. De retour chez nous, à guetter les baleines qui veulent bien s’approcher. Pour ma part, l’après-midi se passera le nez dans le moteur. Une panne fantôme : un coup ça ne marche pas, un coup ça marche, mais le moteur ne s’éteint plus et puis finalement ça ne démarre plus… de quoi se prendre la tête, même ici, un comble ! Une dernière tentative ça démarre, mais ça sent le cramé. Théo, en passant, remarque des étincelles. La voilà notre panne ! Un court circuit. Soulagé, je remonte le tableau électrique et autres relais. Kélig m’annonce qu’il y une baleine et son baleineau tout prés. Je me dépêche. Fin de chantier, et deux minutes plus tard, je me retrouve palmes aux pieds. Avec Kélig, nous palmons. La visibilité est mauvaise. Nous approchons. De la surface, la dorsale du baleineau apparait, mais sous l’eau, personne. A force de chercher, les yeux s’imaginent des pectorales un peu partout, mais non. Tant pis une prochaine fois… La nuit tombe et les paupières de même… la suite demain. Thierry. 85 THÉO ET MOI SUR POPOL ... Par Simon Le 31 Mars : Aujourd’hui, c’est journée au mouillage, et ce matin, je décide de lire un livre de philosophie, et résultat, c’est très compliqué. Ensuite, je commence à apprendre à Théo les règles du Qwirkle, on fait une partie sans compter les points, et Mike nous rejoint en cours de route. Une fois la partie finie, on recommence, mais avec des points ce coup-ci. Après le repas, Théo, Mike et moi faisons un petit Qwirkle digestif. Ensuite je pars avec Théo pour une plongée sur le Polyxéni, car ça faisait ongtemps qu’on en parlait, au moins 2 semaines… nous voilà donc à l’eau, la visibilité est bonne, ça s’annonce bien ! Dès les premières secondes, j’ai l’impression d’être un aviateur survolant les ruines d’une civilisation disparue, tel l’Atlantide, le continent disparu. On fait quelques tunnels pour nous échauffer, on s’amuse bien. On va voir le tunnel de Popol, on fait le tour du cargo, puis le froid commence à nous gagner, on rentre, mais avec quelques arrêts sur des patates qui en valent la peine. Une fois au bateau, Nina propose un Flan de Leche, et Mike s’y oppose, car « ça va faire des histoires avec Kélig », mais en attendant, il n’y a qu’avec lui que ça pose un problème… un peu après Théo et moi, Kélig, Thierry, Evolène et Marion rentrent à leur tour, ils étaient partis pour voir une baleine, mais ils sont tombés en arrêt devant un ange de mer (autre nom de la raie léopard), et comme la baleine allait trop vite, ils l’ont laissée tomber (aïe). La journée se finit tranquillement, et puis tout le monde part se coucher, moi j’ai le ventre explosé, j’ai trop mangé de soupe. Je décide donc de ne plus manger comme un charançon. Simon. 86 UNE JOURNÉE À RESTER DEDANS (TEXTE PERSO)... Par Nin a Il a plu toute la matinée. Aujourd’hui une nouvelle journée sans les baleines. Donc l’équipage peut faire les rattrapages de textes, courriers personnels, ou même plongées. Pour moi c’est du courrier personnel. Evolène fait le journal avec l’aide de Christophe. Charles et Théo guettent la baleine, voir si jamais il y en a une près du bateau. Mike lit un livre puis joue avec Simon au Qwirkle, Tit copie son texte et me précise que le moment le plus fort de la journée c’est la rencontre avec les baleines et son nourrisson. Charles et Theo qui guettaient la baleine en ont vu une et ont prévenu tout le monde et Tit en a profité pour venir. Avec une journée de pluie, on peut même voir des baleines. (Comme vous avez lu mon dernier texte du 20 mars, et bien pour la suite, ça va mieux avec Mike et je pense qu’il a réfléchi, ça prouve qu’il n’est pas totalement con…) Aujourd’hui on m’appelle. Pas parce que j’ai fait une connerie, pas pour me faire engueuler, non, rien de tout ça. Aujourd’hui cher amis c’est le bilan et nous les jeunes du social on passera en premier pour les rapports de l’ase. C’est moi la première et pour tout vous dire je ne suis pas à l’aise dans ce genre de situation. Assise autour de quatre adultes, heu non, personnes, préfère Christophe. Ils vont me demander si ça va bien et me lire le rapport pour l’ase. Je leur dis que je suis bien, que je me sens bien ici, peut être changer de foyer en arrivant je ne sais pas ? Qu’est ce que je ferais réellement plus tard et l’école, je ne sais pas ? Grandir, l’appart, l’autonomie, toutes ces question me perturbent et se rejoignent en une seule chose : me retrouver seule, seule face à la vie, mais le destin en n’a pas choisi ainsi parce qu’il y a des gents et ils sont là. Conclusion il faut faire des choix dans la vie mais vraiment ! Des vrais et définitifs ! Plus tard… Les gens proposent un jeu pour qu’on puisse se coucher tôt, ce sera un saboteur. Je connaissais pas, j’ai bien aimé la journée, elle se finit bien, je vais me coucher toujours avec les même peurs, inquiétudes… changer de lieu de vie, de règles de MAISON, « pour une vie meilleure » se dirigé vers son rêve de comédienne ou un métier plus facile et réaliste et banal tout en n’oubliant pas l’école, accepter de grandir… Bientôt c’est moi qui me loge et me nourrit, mais c’est pas grave, j’y réfléchi tout le temps, j’en rêve même aussi, de moi, du retour, du foyer, de tout ça. Mais si ça cogite dans ma petite tête, c’est positif, c’est un bon début si je me pose ces questions, c’est que je suis en bonne voie pour y répondre … Nina Ricci 87 ENF IN LE BON JOU R . . . Pa r Ev o lèn e Le 02 Avril : Pour le plus grand bonheur de tous, aujourd'hui c'est le bon temps. Au réveil, le soleil nous fait rayonner, la petite musique matinale nous berce, le vent devenu léger est agréable, la houle tente de s'aplatir... Les sourires se dessinent sur nos visages, et l'idée de retrouver nos belles amies y est pour quelque chose. Au troisième jour sur le Banc d'Argent, une nouvelle journée au mouillage aurait été décevante. Première sortie du séjour, j'ai l'impression que l'excitation emmagasinée des derniers jours ressort une fois à la traîne, à l'aile. Il n'y a pas une très bonne visibilité mais j'y reste quand même, à m'amuser sous l'eau. Quand on arrive à se retrouver pas loin d'un petit groupe de nos beaux mégaptères, l'équipe de nageurs du moment, Kélig, Charles, Théo et moi, on donne tout ce qu'on a en puisant dans nos réserves pour les voir. On les suit un moment. Elles sont toutes tranquilles. En revanche nous à coté, on doit palmer comme des tarés parce qu'elles restent en mouvement. Elles font comme des tours autour du bateau. Le bébé est vraiment tout petit, et un peu peureux d'ailleurs. C'était bref, mais magnifique. On passe la journée à courir après des baleines, mais on dirait qu'elles ne sont pas très tactiles aujourd'hui. Ça continue même jusqu'au mouillage où on en voit, pas très loin. Mais elles sont, encore une fois, inapprochables. Certains vont plonger pendant qu'à bord, un atelier coiffure s'improvise. Marion me demande de lui couper ses pointes de cheveux abîmées, puis Mike de lui raccourcir le tout pendant que Marion me coupe mes pointes, et Kélig qui nous vois demande à Marion de les lui faire aussi, et insiste pour que Thierry se les fasse couper aussi, et il se laisse convaincre. Résultat, des cheveux de la moitié de l'équipage gisent sur la jupe. Après un grand seau d'eau, ils sombrent dans les profondeurs. C'est après manger, quand les étoiles ont envahi le ciel et qu'on est près à aller dormir que les baleines reviennent mais cette fois, c'est un groupe d'excités, on entend leurs souffles saccadés et le bruit de la poursuite. En effet, on n'a pas le même rythme. Peut être que le matin quand on les cherche, elles sont au fond, en train de dormir ? Evolène. 88 À 6 DA N S L’ E A U . . . P a r K é v i n Mardi 3 avril 2013 : Ce matin, je me réveille avec un beau temps. Nous partons voir les baleines. Je suis à la traine avec Charles et Christophe. Les adultes nous montrent des baleines. On lâche la traine, on nage avec la maman, le baleineau et l’escorte. GN vient nous chercher, on remonte à bord, la suite aux autres. Kévin VA T E FA I R E A G R E S S O R E R . . . P a r C h a r l e s Mercredi 4 avril : (l'agressor. c'est un bateau de charter qui est sur le banc. il est free-driver professionnel de la plongée avec les baleines). Ce matin sur le pont, il n'y a pas beaucoup de monde. C'est parce qu'il y a des nageurs dans l'eau, les baleines sont au rendez vous, elles sont proches du bateau ! Je rejoins un groupe de nageurs mais le turbo de mes palmes ne se met pas en route. Tant pis je rentre au bateau, en espérant qu'il se présentera d'autres occasions ! Je reprend mon petit dej, mais déjà les baleines se rapprochent, elles reviennent en direction du bateau. Les baleines se séparent, la mère et son baleineau vont d'un côté, et l'escorte reste avec nos nageurs, elles ont plus d'un tour dans leur sac ! Avec Thierry on suit la mère et son petit, l'escorte laisse les nageurs sur placent, ils rentrent au bateau. Il nous faut palmer énergiquement et assez longtemps pour les trouver toutes les deux. Elles sont tranquilles, pas inquiètes de notre présence, le baleineau joue autour de sa mère. Il ne se risque pas à s'écarter trop d'elle, il n'est pas trop curieux ! ça y est, l'escorte nous rejoint, elle tourne autour de nous quatre (les deux baleines et nous deux) elle guète, elle surveille, fait son boulot d'escorte... Tout au long de la rencontre, je fais en sorte de savoir où elle est, légèrement inquiet ! De peur qu'elle nous charge pour nous dire de partir. Je vous explique l'origine de cette inquiétude ; Hier, avec Théo et Thierry, à peu près au même endroit où nous sommes, on a pu observer des baleines, mais celles ci se sont montrées hostiles. 89 VA T E FA I R E A G R E S S O R E R . . . P a r C h a r l e s La mère et son baleineau nous ont frôlé puis l'escorte est arrivée par dessous et nous a foncé droit dessus. J'ai eu très peur, nous l'avons évitée, mais elle est passée près. Heureusement que nous avons palmé hyper fort ! Elles ont cherché à nous intimider, ce qui a très bien marché ! Bon je reprend le cours de mon histoire, on les observe calmement, la rencontre dure, c'est génial. Au bout d'un moment, les zodiaques de l'agréssor viennent tout près, ils nous interpellent. Avec Thierry on sait qu'ils veulent nous agressorer mais on fait mine de ne pas entendre, on fait exprès de ne pas leur prêter attention ! Le crique dure un petit moment. Une nageuse tire sur la palme de Thierry pour l'interpeller, c'est une américaine elle parle vite et fort avec son accent pourri. Elle explique que nous n'avons pas le droit d''être sur le banc et que nager avec palmes, masques, et tubas nous est interdit. Elle dit que nous sommes des free-driver. Thierry lui fait remarquer qu'elle aussi, avec son groupe de touristes, pratique la nage libre, vu leur équipements. Elle lui dit "ah non, nous c'est différents, nous sommes des free-drivers professionnels !" Elle caquète, monte sur ses grands chevaux. Bref, elle est soûlante quoi. Je jette un coup d'oeil hors de l'eau, Thierry converse toujours, les deux annexes à moteurs sont toujours là. Les esprits s'échauffent pendant que moi, depuis tout ce temps, je continue à observer les baleines tranquillement. Faisant en sorte de descendre au fond, en apnée, de montrer mes palmes à la surface de l'eau qui s'enfoncent dans le bleu, rejoindre les baleines. C'est aussi pour bien montrer que je me fiche pas mal du fait qu'ils soient là, et que je compte bien en profiter au max... Mais au bout d'un moment, une autre nageuse vient près de moi, elle m'interpelle, me parle, elle ne veut pas que je nage, que je regarde les baleines. "Pouf, elle me prend la tête celle là !" Thierry s'éloigne de nos mégaptères, s'approche du capitaine qui est à la barre de l'annexe puis, rien ! On s'éloigne, on laisse tomber. Des baleines, il y en a d'autres, on insiste pas plus... Les baleines en dessous, se font à leur tour agressorer. Plus tard elles s'éloignent elles aussi. Je ne veux pas garder de mauvais souvenirs mais là quand même, la folcoche riquaine m'a quand même bien tapé sur le système. Pendant ce temps là, au bateau nos camarades ont guettés à la jumelle ce qui vient de se passer. La journée n'est pas finie, on largue les amarres du mouillage, il est 10 heures, on part voir les baleines. Je fait guetteur. je n'y vois pas très bien mais je repère quelques baleines et patates de corail. J'essaye de bien me tenir à mon poste, et guette correctement jusqu'à midi. Ensuite, l'après midi, j'enfile ma combinaison de plongée, de free-driver, et je vais à l'aile. Je sonde, ferme les yeux, me laisse bercer par les chants, c'est envoûtant. J'y prend beaucoup de plaisir et reste un bon moment dans l'eau. Je laisse ma place à un autre plongeur mais quand l'aile est libre, et que personne ne veut y aller, je n'hésite pas et me replonger aussitôt dans les profondeurs. La journée passe hyper vite, ça défile. Au mouillage, après une bonne douche, je m'installe avec du matériel à dessin et dessine une baleine. Je prend mon temps et m'applique, le résulta final est satisfaisant. Après manger je ne tarde pas car je suis fatigué. je me sens bien. Mais ce soir je suis un peu nostalgique, je pense à ma famille et m'endors, rêvassant. Charles 90 COMME LA SARGASSE DANS LES CHEVEUX DE NINA... Par Marion Petit à petit le clapotis de l’eau se forme et soulève alternativement la coque tribord puis la coque bâbord jusqu’à voir déferler les vagues sous les étraves nous faisant douter alors dans notre demi-sommeil matinal de notre situation géographique… Non nous sommes bien au mouillage au Banc d’Argent et non en navigation… Le vent s’est bel et bien levé cette nuit avec sans surprise, la houle car le vent sans la houle, c’est comme le Banc d’Argent sans les baleines, comme la soupe sans le jus ou comme Christophe sans la barbe, bref, c’est bizarre… Un coup d’œil sur l’anémomètre, 18 nœuds, aïe, pas très propice pour une sortie baleine ! Mais on ne se décourage pas, il faut y croire, toutes façons, on n’a pas le choix si on ne veut rien regretter en quittant Silver Bank. Hier avec Nina, on a réalisé qu’il nous restait trois jours seulement alors on est bien décidé à ne pas laisser le temps s’échapper comme ça si vite ! Non, aujourd’hui c’est décidé, on verra des baleines ! Même si je surprends Mike ce matin qui déchante à voix haute : « toutes façons, c’est fini, les baleines y’en a plus, elles sont parties… » Et puis une autre raison d’y croire : ce matin, les trois bateaux charters nous laissent la voie libre, et vous l’aurez compris (à travers le précédent texte de Charles), on n’est pas vraiment fâché de les voir partir ! Sur le pont, on se tâte avec Thierry « n’y va, n’y va pas… » Allez, on range les affaires, on ferme les capots, et puis hop, on prend un ris dans le yankee pour éviter le slalom serré entre les patates de corail. Les moteurs allumés, les guetteurs guettent, les vagues moutonnent et le vent siffle toujours autant dans les haubans. Hum hum… ça se corse pour les baleines parce qu’un nageur dans cette houle, c’est comme de la sargasse dans les cheveux de Nina, autant dire difficile à repérer… On rebrousse donc chemin, demi-tour à 180° et cap sur… ah ba tient, le mouillage de l’Explorer (l’un des charters parti ce matin) qui a laissé sa bouée libre. ça nous changera de décor sous-marin. Une fois donc amarré à notre mouillage d’emprûnt, chacun est à son poste en vigie parce que si on ne va pas aux baleines, on espère bien que ce seront elles qui viendront à nous… Mais pas un souffle en vue ce matin, comme quoi les jours se suivent mais ne se ressemblent pas… Je propose une réunion télépathique d’énergie positive en direction des baleines, mais rien y fait, en tout cas pour aujourd’hui car le message envoyé n’arrivera à ses destinataires que demain matin. Mais ça on le saura plus tard… Une plongée s’improvise avec Simon, Mike, Nina et moi tandis qu’une équipe, Kélig, Evolène et Charles, continuent à scruter l’horizon. Nous partons explorer une patate de corail à quelques dizaine de mètres du bateau, celle-ci ne remontent pas jusqu’à la surface, il faut descendre jusqu’à trois ou quatre mètres pour suivre les poissons dans les recoins de corail qui leur servent d’abri. La lumière est juste comme il faut pour contempler cette très jolie patate pleine de vie, ce qui n’est pas toujours le cas ici sur le Banc d’Argent, d’une part à cause du réchauffement climatique mal supporté par le corail mais la surpêche est aussi en cause dans ce triste constat : aucune législation encore ne vient réglementer la pêche sur ce territoire pourtant si protégé concernant les baleines. Osvaldo, un scientifique dominicain étudiant le corail rencontré la semaine dernière nous faisait part de ses conclusions… Ainsi, là où un paradis pour la faune et la flore devrait perdurer, loin de la main destructrice de l’homme, on est témoin de la désertification lente mais incontestable de la vie corallienne. Il en faudrait peu pourtant pour voir la nature reprendre ses droits en commençant par réglementer la pêche… Tout ça pour dire que quand on tombe sur du corail vivant, habité par une multitude de poissons colorés, et bien ça nous fait plaisir ! 91 COMME LA SARGASSE DANS LES CHEVEUX DE NINA... Par Marion On y passe donc un moment, je découvre des poissons encore jamais ou rarement observés ici comme des poissons coffres, des grosses carangues argentées, des castagnoles, des papillons, ces poissons qu’on observe toujours en couple et … une nouvelle espèce vivant en banc, un poisson bleu d’une dizaine de cm avec un gros point bleu foncé juste sur les yeux. Simon, de son côté, disparaît régulièrement dans des cavités, pour réapparaître parfois quelques mètres plus loin, dénichant toujours des passages secrets formés par le corail sous les yeux épatés de Mike qui vient me chercher pour me voir les arpenter à mon tour. Mais ayant déjà les mollets bien égratignés, je me défile devant les passages trop étriqués que Mike m’indique. Il me fait gentiment remarqué que « Simon, lui, l’a fait au moins ! », oui bon bah ça va… « T’as qu’à y’aller toi » lui dis-je pas du tout vexée, avant de retrouver Nina en plein exercice d’apnée. Elle essaie de descendre toujours un peu plus profond sur la p atate en décompressant. Je lui donne quelques conseils, pour mieux décompresser et pour économiser de l’air en apnée. Petit à petit, elle gagne quelques centimètres de profondeur. Un peu fatiguée et ayant un peu froid, on décide de rentrer au bateau mais à peine arrivé à la jupe, Evolène nous dit d’une voix précipitée « vite là, un baleineau, tout près ! » Je me mets à palmer à toute vitesse mais rien, il est déjà parti ! Je reviens vers le bateau mais cette fois c’est Kélig qui nous dit « là un groupe de baleines à 200m, allez-y ! » Hop, après quelques secondes d’hésitation, je file, accompagné de Kévin qui lui n’hésite jamais. On palme rapidos mais je ne vois toujours rien et au bout d’un moment je me rappelle pourquoi j’avais voulu rentrer au bateau, la première fois : j’ai froid et je suis fatiguée, un coup d’œil au bateau, Kélig me fait signe de revenir car elles s’en vont trop rapidement… C’est ça aussi le Banc d’Argent, des tentatives, vaines parfois, mais comme dit Charles « une baleine, ça se mérite ! » Une fois largement séchée par le soleil, je relaie Thierry à la vigie et lui demande de repérer les poissons que j’ai vus pour m’aider à les identifier dans le livre ensuite. A son retour, je suis penchée sur l’ouvrage en question et rien sur le poisson bleu à points bleus ! Et ce dans les deux livres d’identification des poissons coralliens… Une nouvelle espèce se dit-on… Une que l’homme n’a jamais encore jamais découverte, enfin si, nous désormais… Cool… En début d’après-midi, on quitte les bouées blanches de l’Explorer, pour retrouver notre mouillage. On quitte le bateau avec Charles pour une deuxième plongée, sur Polyxéni cette fois. La lumière est encore très belle et sous cet angle, l’épave recouvre elle aussi plein de vie, sur tout le long de la coque du corail s’est formé, de l’étrave à la poupe. Chaque cale du cargo, chaque tube, chaque objet encore intact sur le pont est colonisé par un banc de poissons chirurgiens, de demoiselles, de perroquets… C’est super beau, on trouve de nouveaux passages avec Charles, qui passent au-dessus des différents étages du pont puis on descend sur l’énorme hélice et le safran. On imagine la vie sur un cargo de cette taille en survolant les grues, les treuils, les trappes qui communiquent avec les machines, le tout entouré de poissons évidemment… On a l’impression de voler dans un décor surréaliste, je revois dans ma tête une scène du film « Arizona Dream », un grand poisson qui survole un cactus… On rentre au bateau, je fredonne la musique du film à travers mon tuba. En fin d’après-midi, on s’organise un Scrabble par équipe avec Mike, Nina, Evolène, Tit, Kélig et Christophe, oui pour mon plus grand plaisir, le Scrabble est en vogue en ce moment sur le bateau ! Même Kévin parfois se glisse à côté de mon épaule pour tenter de former un mot ou deux. La journée se termine, on n’a pas de mal à trouver le sommeil, demain, hop, les baleines… Marion 92 UNE DE MES MEILLEURES RENCONTRES, OU LA DER DES DER... Par Théo Le 06 Avril : Ah c’est le 6 avril, ça c’est une drôle de date à retenir, je vais vous expliquer pourquoi. Aujourd’hui Grandeur Nature est seul sur le Banc d’Argent, car les « charters ou free divers professionnels » ont quitté le Banc d’Argent hier. L’équipage est sur le pont à prendre le petit-déjeuner, mais là des baleines ne sont pas loin, alors certains y vont. Et 5 min après les voilà toutes proches du bateau, je me mets à l’eau avec Tit, Mike, Nina et Simon, accompagné de Christophe. Nous palmons un peu, et là une mère, baleineau et leur escorte qui est très calme sont là en dessous de nous. Un petit peu après ils se mettent en marche, et là le baleineau commence à faire des vrilles. Il nous montre son ventre, ses pectorales. Je sentais son regard lorsque je descendais en apnée. C’est une des meilleures rencontres que j’ai pu faire sur le Banc d’Argent car il y avait un véritable contact entre nous et la baleine. La rencontre dure deux heures et tout l’équipage pourra les voir ! Eh oui, le Banc d’Argent c’est fini pour nous, nous levrons l’ancre demain pour les Caïcos. Ah oui, j’en ai profité aussi pour questionner l’équipage sur leurs sentiments. Question n°1 : Peux tu me dire quel est ton meilleur moment avec une baleine ? Marion : « Le 23 mars et le 4 Avril avec une mère et son baleineau, ce sont de supers moments car on est avec les baleines, et pas seulement à côté, on est ensemble ! Il y a quelque chose qui se passe entre elles et nous, c’est un langage non-verbal, on se comprend. » Tit : « Dès qu’on les aperçoit dans l’eau, c’est fort, il y a un échange entre nous et elles. Il ne nous manque plus que la parole. » Christophe : « C’est quand il y a de la curiosité réciproque. » Simon : « Le 4 Avril, quand j’ai vu passer sous le bateau une baleine aux pectorales repliées, qui glissait dans l’eau. » Evolène : « Je pense que j’en ai trois : la première rencontre avec toi et Christophe où ça a un peu duré pendant le premier séjour. La baleine me regardait et ça m’a touché. Après il y a aussi la rencontre du 23 mars, il y avait vraiment un échange, c’était comme si on jouait avec lui. Et puis hier, c’était beau. Il y avait plein d’amour dans cette scène. Avec le baleineau qui faisait des câlins à la mère. Au début j’étais seule, j’ai eu l’impression de partager un moment privilégié avec elles. » Nina : « J’étais avec Marion, Charles, Mike, Simon et Tit, j’avais trop peur mais elle était magnifique. Elle restera à jamais gravée dans mon cœur. Et on faisait communion avec la baleine. » Kévin : « Avec la mère et le baleineau, il faisait le fou et j’ai adoré. » Kélig : « Pour moi, c’est quand il y avait vraiment une rencontre, c'est-à-dire quand on se regarde et qu’il y a vraiment interaction entre nous et elles. Exemple, le 23 Mars et le 6 Avril. » Moi : « Je ne saurais pas répondre par un moment précis, il y a plusieurs rencontres magnifiques, comme celle du 23 mars, j’avais l’impression d’avoir un véritable contact avec le baleineau. » Mike : « Le 23 Mars. » Charles : « Le 23 mars, quand on a pu longuement observer les baleines. » Question n°2 : Qu’as-tu pensé lors de ta première rencontre ? Marion : « Je me souviens de la première que j’ai vu, mais ce n’était pas dans l’eau. C’est le cœur qui bat, l’excitation, la joie, le constat que la nature est grande et belle ! Et je me dis si seulement l’homme pouvait être aussi proche de son élément, c'est-à-dire la nature, le monde serait moins mauvais et j’espère qu’un jour l’homme rejoindra l’océan comme la baleine. » 93 UNE DE MES MEILLEURES RENCONTRES, OU LA DER DES DER... Par Théo Tit : « J’imagine que ça m’a posé autant de question qu’elles doivent se poser en nous regardant. » Christophe : « Je ne me rappelle pas bien, mais ça devait être bien car je continue. » Simon : « Je me souviens plus, mais en sortant, j’avais les jambes en coton. J’ai vu la mère au fond, c’était magnifique. » Charles : « Je suis resté muet et j’ai eu envie que ça dure plus longtemps. » Mike : « De la peur, mais content. Je ressentais quelque chose que personne n’avait ressenti car j’étais le premier à voir une baleine. » Evolène : « J’ai trouvé ça gros, j’ai même eu un peu peur. Il y avait Charles à côté, je lui ai serré la main très fort. C’était super beau, gracieux. J’avais l’impression de ne pas avoir assez de temps pour les regarder, j’aurais aimé rester longtemps à tourner autour, après, j’avais envie d’en revoir ! » Nina : « ça m’a fait chaud au cœur car il faisait froid dans l’eau. J’aurais aimé regarder un peu plus longtemps la baleine. » Kévin : « ça m’a fait peur, mais j’ai bien aimé et c’est super beau, une baleine. » Kélig : « C’est complètement fou de vire ça. » Moi : « Ma première rencontre, ça m’a fait bizarre de me dire que j’étais à côté de gros mégaptères. » Question n°3 : Regardes-tu l’océan d’une autre manière ? Mike : « Je ne le regarde pas d’une autre manière, mais j’apprends à connaître ses habitants. » Charles : « Quand j’ai les yeux posés sur le bleu, je suis en train de chercher un souffle, un saut, une pectorale. » Marion : « Non, ça confirme que c’est beau et que j’ai envie de découvrir encore plein de choses sous l’eau. » Tit : « Je le vois toujours pareil, mais les baleines, je ne les vois plus pareil. » Christophe : « La mer c’est dégueulasse, les baleines baisent dedans. » Simon : « Notre regard change constamment, et il n’y a pas que l’océan que je vois d’une autre manière. » Evolène : « Maintenant je suis à l’affût quand je regarde l’océan. Je cherche un souffle, une dorsale, un saut… ça me fera bizarre quand on ne sera plus sur le Banc d’Argent ! » Nina : « Oui, je ne savais pas qu’il y avait autant d’êtres vivants, j’en connaissais pas l’existence. » Kévin : « Maintenant que j’ai vu les baleines, les superbes poissons, les superbes patates de corail, ça ne me donne plus envie de polluer. » Kélig : « Qu’après un séjour à Silver Bank, l’océan me paraîtra fade, du fait de ne plus voir des souffles, des caudales, des pectorales, etc. » Moi : « Pas forcément, mais en quittant Silver Bank, je serais toujours sur le pont à guetter un souffle, ou quelque chose d’une autre forme. » Question n°4 : Si tu pouvais leur parler ? Marion : « Rien de précis, mais juste un message de considération et de respect. Mais c’est ce qui se passe quand on est dans l’eau avec elles. C’est un message réciproque. » Tit : « C’est quoi qu’est mieux, la vie terrestre ou la vie aquatique ? Comment elles arrivent à se repérer ? Est-ce qu’elles préfèrent dormir le jour ou la nuit ? Es-ce qu’elles retrouvent leurs enfants ? 94 UNE DE MES MEILLEURES RENCONTRES, OU LA DER DES DER... Par Théo Ets-ce qu’elles n’ont jamais eu envie de faire le tour de la terre ? Elles pensent quoi de ces petites bestioles en palmes, masque et tuba ? Qu’ets-ce qu’elles auraient d’autre à nous dire ? » Christophe : « J’aurais pleins de questions à leur poser » Simon : « Rien, juste leur dire qu’elles sont magnifiques et qu’elles continuent à espérer en l’espèce humaine, ils sont décevants, mais certains savent être biens. » Evolène : « J’aimerais bien savoir leur histoire, leur dire comment elles sont belles, qu’elles me racontent comme elles vivent, leur vie de tous les jours. Je serais trop curieuse. » Nina : « J’aurais aimé tenir ta pectorale un peu plus longtemps et que mon chagrin ne dure qu’un instant. » Kévin : « J’aimerais bien être avec elles dans leur monde. » Kélig : « J’aurais pleins de questions à leur poser, comment elles font pour vivre, ce qu’elles pensent, ce qu’elles ressentent, et je leur dirais que l’on va essayer de faire en sorte que les hommes ne les chassent plus. » Moi : « Je leur dirais un grand merci pour toutes ces belles rencontres, et j’aurais plein de questions à leur poser sur leur vie.» Charles : « Les comprendre et savoir ce qu’elles se disent entre elles, ce serait une certaine forme de dialogue ! » Mike : « Qu’elles restent plus longtemps avec moi, et qu’elles devraient « bosser » moins. » Question n°5 : Pourquoi tu penses qu’on vient voir les baleines ? Marion : « Pour moi, l’étape des baleines, c’est de comprendre que la nature est grande et belle telle qu’elle est, et qu’elle pourrait très bien se passer de l’homme pour exister, donc à nous d’en profiter ! » Tit : « Je trouve que c’est fort comme rencontres, et ça prouve que l’on peut faire pleins de grandes choses, ce qui peut paraître impossible à certains fait partie de notre quotidien sur Silver Bank. » Christophe : « Parce que c’est beau. » Simon : « Pour recevoir une leçon d’humilité. » Evolène : « Déjà pour les sensations que ça nous procure, c’est extraordinaire. Ensuite, comme pour le voyage ; créer des buts, des envies. Et puis cela fait un support de travail, car on s’intéresse à elles. Il y a aussi le côté de nous sensibiliser sur la protection des baleines, qu’on se rend compte que c’est des êtres exceptionnels. Et c’est aussi pour ce qu’on pourra se rappeler, des souvenirs inoubliables. » Mike : « Pour faire réfléchir, et nous dire qu’on a une chance incroyable. » Charles : « C’est pour les rencontrer, voir ces mammifères marins dans leur élément. C’est une grande étape du voyage. » Nina : « Parce que ça fait partie du voyage, c’est pour nous faire sortir de l’ordinaire, vivre des choses surréalistes pour vraiment qu’on se rende compte qu’il existe des choses extraordinaires. » Kévin : « Parce que c’est exceptionnel, et qu’à Brédune, il n’y en a pas ! » Kélig : « Je pense que déjà c’est beau, c’est fou, et c’est possible. Ensuite, que c’est important qu’un maximum de personne sensibilise son entourage à la prévention des baleines car elles continuent d’être chassées. » Moi : « D’une part, c’est surréaliste et qu’on a l’occasion de voir ces magnifiques mégaptères. » Théo. 95 LA BALEINE DE CHACUN... Kelig Charles Kévin Evolène Mike Kélig 96 Christophe Thierry LA BALEINE DE CHACUN... Simon Thierry Christophe Nina Marion Kélig Théo 97 Ç A C ’ É TA I T H I E R . . . P a r C h r i s t o p h e Le 7 Avril : Fin du séjour au Banc d’Argent. Un mois que nous sommes en République Dominicaine, trois semaines sur le Banc d’Argent, notre plus longue escale de cette expédition ! Et pourtant elle est passée si vite… Sûrement grâce aux nombreuses rencontres avec les baleines à bosse… Jusqu’à hier matin, où nous avons encore passé deux heures à jouer avec un baleineau sous le regard bienveillant de la maman et celui vigilant de l’escorte. Tout le monde a raconté dans les textes ce que l’on ressent dans ces moments là, employé de grands mots, des mots doux. « Plus rien ne sera comme avant, j’ai plongé mon regard dans celui d’une baleine !» Mais c’est difficile de décrire ce que l’on ressent sous le regard du plus grand mammifère, de 25 tonnes d’intelligence et de grâce ! Mais bon, ça c’était hier, aujourd’hui on s’en va, on dit adieu au Banc d’Argent et aux baleines. On défait notre mouillage, direction Luperon en République Dominicaine pour une escale course avant l’aventure cubaine. Le vent nous pousse à 6 nœuds hors du banc, Kélig a sorti la guitare, et c’est toute une troupe de dauphins qui vient sauter autour du bateau ! Et tout le monde de dire la même chose, c’est tout petit ! C’est beau aussi ! Quelques quarts de nuit et nous mouillons dans l’entrée de la mangrove de Luperon. Les baleines c’était hier, aujourd’hui, retour de la bêtise et de la mauvaise humeur ! Ouf ! Ils ont changé mais pas tant que ça ! Le voyage continue… Christophe.