La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon
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La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon
M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : Etat des lieux et évolutions 1997 - 2009 Marjorie DOMERGUE, Jean-Pierre COUDERC UMR MOISA 1110 SupAgro Montpellier [email protected] [email protected] Résumé Grâce aux 3 enquêtes sur les établissements agroalimentaires du Languedoc Roussillon (EAA-LR), mises en place depuis 1998 par les acteurs de la sphère agroalimentaire régionale, cet article propose un état des lieux de la filière vitivinicole et des principaux déterminants structurels et immatériels de son évolution sur la période 1997 à 2009. Le chiffre d’affaires, qui s’élève à 3 milliards d’euros en 2009 a chuté de 26% sur 7 ans, témoignant de l’impact de la crise viticole en région ces dernières années. Le nombre d’établissements a chuté de 26% également sur la même période, à la fois du fait de disparitions d’établissements et de concentrations, avec l’accélération des fusions de caves coopératives. La filière vitivinicole régionale garde sa place dominante en région en termes de CA et d’emploi (avec 6400 salariés) et reste la première filière exportatrice avec un CA export qui se maintient à 600 Millions d’euros. Mots clés Filière vitivinicole, Languedoc-Roussillon, circuits de distribution, coopération, négoce, innovation 1 Introduction Premier vignoble français, et même premier vignoble du monde en termes de surfaces, le LanguedocRoussillon comptait 240 000 hectares de vignes en 2009, soit environ un quart du vignoble national, et produisait 13 millions d’hectolitres (Hl) de vin sur les 47 millions produits en France (Hannin et al., 2010). En 30 ans, la région a pourtant perdu près de la moitié de sa superficie en vignes et a considérablement réduit sa production. Une « restructuration » qui résulte à la fois d’un effort d’amélioration de la qualité des vins, mais aussi de crises de mévente à répétition, débouchant sur un programme européen d’incitation à l’arrachage conséquent, qui s’est poursuivi jusqu’à ces dernières années. Malgré l’effort qualitatif engagé, les vins régionaux souffrent encore d’un déficit de valorisation par rapport aux autres bassins de production français. Le Languedoc-Roussillon représente en effet plus du quart des volumes produits au niveau national, mais ne contribue qu’à hauteur d’environ 3 milliards d’Euros - soit 12% - dans le chiffre d’affaires de la filière vitivinicole française (estimé en 2009 à 25 milliards d’euros). La Région ne représente que 11% des exportations et surtout, elle pèse moins de 10% de la valeur ajoutée créée par la filière au plan national 1. Pour progresser, il faut mieux se connaître… Cet article propose donc de dresser un état des lieux de la filière vitivinicole régionale et de présenter les principaux déterminants structurels - mais aussi immatériels - de son évolution sur la période 1997 – 2009. Ces résultats sont issus des 3 enquêtes « EAA du LR », menées en 1998, 2003 et 2010 sur les établissements agroalimentaires régionaux de plus de 3 salariés. 1 Exportations et valeur ajoutée estimées respectivement à 5,5 et à 4,7 milliards d’euros en 2009 (Thomé et Couderc, 2011) M. Domergue, J.P. Couderc 2 La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Source des données : les enquêtes EAA-LR 1998, 2003 et 2010 La sphère agroalimentaire du Languedoc-Roussillon est composée à 80% d’entreprises de moins de 20 salariés. Or, celles-ci sont exclues du champ des enquêtes officielles annuelles, qui portent sur les entreprises de 20 salariés et plus. Afin de disposer d’une image plus complète de la sphère agroalimentaire régionale, ses principaux acteurs (la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, la Région Languedoc-Roussillon, l’association Languedoc-Roussillon Industries Agroalimentaires, Coop de France LR et la recherche à travers l’UMR MOISA à Montpellier SupAgro), ont souhaité mettre en place une enquête auprès des établissements agroalimentaires, adaptée pour tenir compte des spécificités régionales : l’enquête EAA du LR. Avec un champ élargi aux établissements de 3 salariés et plus, aux activités de commerce de gros qui participent dans certaines filières à la création de valeur via l’allotissement et le conditionnement, et un questionnement beaucoup plus large que celui de l’EAE 2, balayant l’ensemble des aspects de la vie de l’entreprise (Domergue et Couderc, 2012), l’enquête EAA du LR apporte ainsi une information sur la sphère agroalimentaire régionale dans son ensemble. La première enquête EAA a été réalisée en 1998, elle a ensuite été renouvelée en 2003, puis en 2010, permettant de suivre l’évolution de la sphère agroalimentaire régionale sur une période de 12 ans. Ces 3 enquêtes ont reçu le label d’intérêt général et de qualité statistique délivré par le CNIS. Précisions méthodologique sur l’enquête EAA 2010 La collecte s’est déroulée courant 2010 et porte sur l’exercice 2009. Elle a été réalisée sous forme d’entretiens en face à face avec les dirigeants d’établissements des 5 filières de production (vins, fruits et légumes, dérivés de céréales, produits d’origine animale et produits divers). Le questionnaire de 2010, d’une durée d’une heure en moyenne, s’articule autour des thèmes suivants : ressources humaines, produits transformés, relations avec l’amont et l’aval, gouvernance, stratégie, aspects financiers, innovation et développement durable. Les données recueillies ont été combinées à des données financières renseignées grâce à la base de données DIANE (Bureau Van Dijk). L’échantillon final enquêté compte 329 questionnaires exploitables, représentatifs d’une population de 898 établissements (après redressement), parmi lesquels 374 établissements appartenant à la filière vitivinicole. 3 3.1 Etat des lieux de la filière vitivinicole en région Le vin, une activité qui reste dominante en région, malgré sa contraction Il est avant tout important de préciser que la filière « vins » étudiée dans notre enquête est segmentée en deux catégories d’opérateurs : les producteurs de vin (dont l’activité principale est la production de raisin et la vinification) et le négoce 3. A noter que la frontière entre ces deux catégories est de plus en plus floue, avec entre autres le développement d’activités « aval » par un certain nombre de coopératives, et de production par le négoce sur ses vignobles propres. La coopération garde un poids prépondérant dans la filière : les coopératives, groupements et unions représentent en effet les deux tiers des établissements de la filière vins et les trois quarts si l’on ajoute les domaines ou les entreprises commerciales contrôlés par un groupe coopératif (voir paragraphe 3.2). 2 Enquête Annuelle d’Entreprise de l’INSEE Concernant l’activité « production », nous précisons que le champ de notre enquête excluant les établissements de moins de 3 salariés et les codes APE relevant d’activités agricoles, les entreprises familiales et artisanales (vignerons indépendants de moins de 3 salariés ou ayant un code APE relevant de l’agriculture : production de raisin) ne font donc pas partie du champ de l’enquête EAA-LR. 3 M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Figure 1 : Évolution du chiffre d’affaires de la filière vins 1997-2009 (en M€ 2009) (Sources : enquêtes EAA du LR 1998, 2003 et 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) En 2009, le chiffre d’affaires total de l’ensemble des branches agroalimentaires en région s’élève à 8,6 milliards d’euros. Sur cette somme, la filière « vins » atteint plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires (dont une part de doubles comptes, voir encadré). Ce résultat représente une chute de 26% des ventes par rapport à 2002, et témoigne de l’impact violent de la crise viticole en région ces dernières années. Le CA ne retrouve qu’en 2009 un niveau équivalent à celui de 1997 (figure 1). La filière « vins » reste la première filière agroalimentaire régionale, mais sa part relative a baissé : elle ne représente en 2009 plus que 36 % du CA régional de l’agroalimentaire (contre 46 % en 2002). Encadré : estimation des « doubles comptes » sur le CA régional Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que le CA 2009 de la filière présenté dans l’enquête EAA comprend (tout comme celui de 2002 et de 1997) des doubles comptes, composés de cessions de vins en vrac entre les coopératives et leurs unions ou groupements, et de ventes ou cessions de vins entre les coopératives et leurs filiales de commercialisation ou de ventes au négoce. Ces doubles comptes représentent près d’un milliard d’euros, soit un tiers du CA (voir partie 3.3 : « circuits de vente » : « cessions internes » et « ventes aux autres EAA »). Au niveau national, les doubles comptes sont estimés à 20 % du CA soit 5 milliards d’euros (Thomé et Couderc, 2011) Sur la période 2002-2009, le nombre d’établissements, accuse lui aussi une baisse de 26 % (tableau 1). Outre la crise, le phénomène est également favorisé par l’accentuation des fusions entre caves coopératives ces dernières années (le poids du secteur coopératif est détaillé dans le paragraphe suivant). Parallèlement, l’effectif salarié n’a baissé « que » de 7 % sur la même période. La filière viticole s’est donc concentrée. Cette tendance est confirmée par la hausse de l’effectif moyen par établissement : de 11 salariés en moyenne en 1997, il est passé à 13 en 2002 et atteint les 17 salariés en 2009. Avec près de 6 400 salariés, la filière vins est encore la première pourvoyeuse d’emplois de la sphère agroalimentaire régionale et représente 32 % de l’emploi agroalimentaire en région. 1997 2002 2009 Nombre d'établissements 538 510 Nombre de salariés permanents (ETP) 5724 11 Effectif moyen par établissement Evolution en % 1997-2002 2002-2009 375 -5% -26% 6874 6391 20% -7% 13 17 27% 26% Tableau 1 : évolutions démographiques de la filière vitivinicole régionale (1997 – 2009) (Sources : enquêtes EAA du LR 1998, 2003 et 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) M. Domergue, J.P. Couderc 3.2 La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Poids du secteur coopératif, principal acteur de la filière vitivinicole régionale Depuis quelques années, la filière vitivinicole régionale subit de plein fouet la crise mondiale du vin, avec comme conséquence, une baisse de la production et des surfaces : 46 000 ha arrachés avec primes entre 2005 et 2010, ayant entrainé une baisse de 25% du volume récolté, ainsi qu’une forte restructuration, débouchant sur un mouvement de concentration des caves coopératives. L’évolution séculaire du nombre des coopératives vinicoles du Languedoc Roussillon est marquée par plusieurs phases, décrites par de nombreux chercheurs (Touzard et al, 1998). Ce mouvement de concentration s’est accéléré à partir des années 1988-1989 (où l’on dénombrait alors 530 caves coopératives) à 1995 avec l’effet du règlement européen 1442/88 relatif aux primes d’abandon définitif. Puis, on observe une relative stabilité jusqu’en 1999, suivi d’un nouveau cycle fort de concentration à partir de 2001, pour finalement descendre à un nombre de 210 caves coopératives en 2010 (figure 2). 1941 : 438 coopératives vinicoles ; 1971 : 560 ; 1989 : 530 ; 2001 : 360 ; 2010 : 210 600 100 500 80 400 Nombre 60 300 40 Part dans la production LR 200 20 100 0 1900 0 1920 1940 1960 1980 2000 Figure 2 : Évolution du nombre de coopératives vinicoles en Languedoc-Roussillon (Sources : Touzard et al (2008) et COOPERFIC) Lors de l’enquête EAA 2010, 93 coopératives vinicoles, unions et groupements et leurs filiales ont été interrogées. Elles sont représentatives, après redressement, de 276 entreprises du périmètre coopératif régional, parmi lesquelles on dénombre 243 coopératives « stricto sensu » 4. La figure 3 illustre le poids de ces entreprises dans la filière vitivinicole en termes de CA, d’emploi, de volumes produits. Les filiales de coopératives y ont été différenciées pour une meilleure visibilité du poids des différents types d’entreprises. Ainsi, les coopératives, unions et groupements de coopératives représentent 69% des entreprises de la filière et emploient 55% des salariés permanents en 2009. Elles produisent 55% des volumes, mais ne génèrent « que » 47% du CA de la filière. Ceci semble pouvoir s’expliquer en partie du fait des ventes très importantes de vins en vrac (et donc de la moindre valorisation de celui-ci), encore majoritairement pratiquées par le système coopératif. Les négociants et domaines privés, ainsi que les filiales de coopératives commercialisent des volumes moins importants en part relative, mais dont la part conditionnée est plus importante, et sont donc globalement mieux valorisés. 4 L’écart entre ce résultat de 243 coopératives en 2009 dénombrées par l’enquête EAA et le nombre de 210 coopératives en 2010 cité plus haut s’explique à la fois par les fusions opérées entre 2009 et 2010 et une certaine marge d’incertitude dans les 2 méthodologies d’estimation du nombre de coopératives. M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Part des entreprises (nombre) Coopératives, Groupement et Unions Part des salariés permanents Coopératives, Groupement et Unions 69% SA contrôlées par un groupe coopératif SA contrôlées par un groupe coopératif 6% Négociants, domaines privés 0% 50% 100% 47% SA contrôlées par un groupe coopératif 36% 50% 100% Part du CA 2009 10% 0% 50% Coopératives, Groupement et Unions 55% Négociants, domaines privés 36% 0% Part des volumes commercialisés Coopératives, Groupement et Unions 9% Négociants, domaines privés 25% SA contrôlées par un groupe coopératif 55% 14% 40% Négociants, domaines privés 100% 0% 50% Figure 3 : Poids du secteur coopératif dans la filière vitivinicole en 2009 (Source : Enquête EAA-LR 2010 (Domergue et Couderc 2012), résultats entreprises) 3.3 Circuits de ventes : le débouché national domine Concernant les ventes, le débouché national domine largement puisque 80 % des ventes sont réalisées en France, dont 28 % en région (Tableau 2). Filière vitivinicole ventes réalisées en 2009 En Languedoc-Roussillon M€ Part du CA 854 28% 1 612 52% Export dans l'UE 404 13% Export hors UE 202 7% 3 072 100% Dans le reste de la France Total Tableau 2 : ventes par destination en 2009 (millions €) (Sources : enquêtes EAA du LR 1998, 2003 et 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements (déclaratif)) La grande distribution est le circuit incontournable au plan national pour la filière vitivinicole : elle absorbe 38 % du CA France (supers, hypers et hard discount confondus), et 48 % des ventes nationales des négociants et domaines privés (tableau 3 et figure 4). A noter que ces derniers commercialisent 20% de leur production via le Hard discount. M. Domergue, J.P. Couderc Grande distribution (1) La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Autres EAA Cessions internes (2) Vente directe Grossistes cash &carry Magasins spécialisés Restauration dont CHR Autre Total CA France (3) % CA 38% 21% 18% 7% 6% 3% 3% 5% 100% M€ 939 510 452 179 143 65 62 114 2 464 (1) Centrales d’achat et Super, hyper et Hard discount en direct (2) Ventes des coopératives à leurs groupements (doubles comptes) (3) Ventes aux filiales, ou au négoce (doubles comptes) Tableau 3 : Répartition des circuits de distribution de la filière vitivinicole régionale en France, en 2009 (Sources : enquête EAA du LR 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) Autres circuits 2% 2% 3% 2% 3% Restauration Magasin spé Grossistes 5% 3% Vente directe 7% Négociants, Domaines privés et SA contrôlées par des Coops Cooperatives, unions et groupements 6% 11% 7% Autres EAA 29% Cessions internes 17% 24% Grande distribution 48% 29% 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 50% Figure 4 : répartition des circuits de distribution en France pour les négociants/domaines privés et les coopératives (Sources : enquête EAA du LR 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) Les cessions internes viennent en second circuit de distribution pour l’ensemble de la filière (21 % du CA France), puis la vente aux autres EAA (18 %), ce qui est logique compte tenu de la part de la production produite en vrac, et très logiquement ce circuit concerne surtout les coopératives : 29% de leur CA en France. Enfin, seulement 7% du CA France est réalisé en vente directe au consommateur, ce mode de vente concernant plutôt les coopératives, qui réalisent 11% de leur CA en vente directe, et les petits établissements (la part réalisée en vente directe n’est plus que de 5% pour les établissements de plus de 20 salariés). 3.4 L’export : les ventes vers des destinations lointaines se développent Les deux tiers des établissements de la filière exportent. Les exportations sont restées stables en valeur absolue depuis 2002 (figure 5), à 600 millions d’euros mais ont augmenté de 15 % à 20 % en proportion du CA total (en chute) de la filière. Figure 5 : Évolution du chiffre d’affaires export 1997-2009 (en M€ 2009) (Sources : enquêtes EAA du LR 1998, 2003 et 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Sans surprise, les négociants et domaines privés recensés dans l’enquête et commercialisant majoritairement des produits conditionnés sont largement plus portés sur l’export (qui représente 28% de leur CA 2009) que les coopératives, unions et groupements (qui exportent 15% de leur CA) (tableau 4). Taux d'exportation (en % du CA) Négociants, Domaines privés 28% Coopératives, unions et groupements 15% Taux d'exportation ensemble 20% Tableau 4 : part de l’exportation dans le chiffre d’affaire en 2009 (Sources : enquête EAA du LR 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) Les ventes à l’export ont donc mieux résisté à la crise et - fait notable - les destinations de ventes qui ont le plus progressé sont les ventes hors Union Européenne, les deux principaux marchés cités étant alors les marchés asiatiques et l’Amérique du nord. Concernant les ventes dans l’UE, les pays du Nord de l’Europe restent les débouchés traditionnels, et plus particulièrement l’Allemagne, la Belgique, les Pays Bas et le Royaume Uni. 3.5 L’immatériel : signes de qualités et marques Signes de qualité En phase aujourd’hui avec les autres régions de production, après avoir été longtemps un bassin de productions peu différenciées, les établissements de la filière régionale utilisent pour 93% d’entre eux des signes de qualité pour la commercialisation de leur produit principal en 2009, le signe le plus utilisé étant l’IGP (63% des établissements), puis l’AOP (49% des établissements). Seuls 4% des établissements déclarent que leur produit principal est certifié en agriculture biologique. Figure 6 : Utilisation des signes de qualité dans la filière vitivinicole régionale en 2009 (Sources : enquête EAA du LR 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) Stratégie de marque Près d’un quart des établissements de la filière commercialisent leur produit principal sans marque (ce qui correspond surtout à la production vendue en vrac). Pour le reste, les établissements ont recours à une M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 « stratégie mixte » (combinant marque propre et marque de distributeur) : la marque propre est la stratégie la plus usitée avec 69% des établissements qui l’utilisent. Il est intéressant de noter que les MDD sont utilisées en 2009 par 20% des établissements, même si cette stratégie reste associée à l’utilisation de la marque propre, et que seuls 3% des établissements utilisent uniquement des MDD. Enfin, la marque collective Sud de France est utilisée par la moitié des établissements de la filière pour la commercialisation du produit principal. Il y a donc une accumulation de signaux de différenciation des vins commercialisés par le LanguedocRoussillon, entre signe de qualité collectif (AOP ou IGP), marque ombrelle régionale (Sud de France) et marque propre ou de distribution. Figure 7 : Stratégie de marques pour le produit principal en 2009 (cumul d’utilisation des marques) (Sources : enquête EAA du LR 2010 (Domergue et Couderc, 2012), résultats établissements) 3.6 L’innovation dans la filière vitivinicole Au cours des 3 dernières années, 75% des dirigeants d’établissements interrogés dans la filière vitivinicole ont déclaré avoir réalisé « au moins une innovation 5 », ce qui en fait la plus innovante des filières agroalimentaires régionales, sur la base de ces résultats déclaratifs. Toujours sur la base de ces résultats déclaratifs, 69% des entreprises de la filière ont réalisé des innovations de produit, 51% des innovations d’emballage, 45 % des innovations de procédés et 38 % des innovations organisationnelles. Une étude plus approfondie de la nature des innovations réalisées (Domergue, Couderc et Temri, 2012) a permis de montrer que parmi ces entreprises se déclarant innovantes, peu nombreuses sont celles réalisant des innovations dites « majeures », c’est-à-dire des nouveautés pour le marché, la Région ou la filière (figure 8). Le cahier des charges restrictif de l’AOP (utilisé par la moitié des entreprises de la filière) limite probablement l’innovation majeure de produits (création d’un nouvel assemblage de vins par exemple), et les entreprises de la filière se tournent donc plus vers des innovations dites « mineures », c’est-à-dire l’introduction dans l’entreprise de produits, procédés, emballages déjà existants par ailleurs (par exemple les vins sans alcools ou pétillants, les bag in box) : 43% des entreprises réalisent ce type d’innovation. 8% 24% 43% 25% 5 Réalise des innovations "majeures" (nouveautés pour la filière, la région..) Réalise des innovations "mineures" (nouveautés pour l'entreprise) Réalise des "modernisations" (pas d'innovation) Déclarées non innovantes tous types d’innovations confondus : produits, procédés, emballage, organisationnelle M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 Figure 8 : profil des entreprises innovantes dans la filière vitivinicole (Source : enquête EAA du LR 2010 (Domergue, Couderc et Temri, 2012), résultats entreprises) Enfin, 25 % des entreprises réalisent plutôt des « modernisations » (améliorations de l’outil existant), qui ne sont pas vraiment des innovations. Le tableau 5 illustre les propos précédents et précise les différents types d’innovations réalisées par les entreprises de la filière vitivinicole. INNOVATION TECHNOLOGIQUES Majeure Nouveauté : pour la filière pour le marché pour la Région IMMATERIEL Produit Procédé Emballage Création d’un nouvel assemblage de vins Mise au point d’un nouveau procédé Conception d’un nouvel emballage Ex : Conditionnement spécial vin bio conçu pour le bivouac Adoption d’un nouvel emballage, déjà existant dans la filière: Ex : PET BIB (bag in box) Capsule a vis Modification de verrerie Introduction d’un nouveau produit Ex : Nouveau cépage Vin apéritif aromatisé Vin sans alcool Vin à faible degré Vin pétillant Vin perlant Rosé très clair Muscat sec AOC Rouge Crémant rosé Organisationnelle Adoption d’un Ex : nouveau procédé : Nouvelle marque Ex : Nouveau débouché Nouveau procédé de commercial (ex : vente vinification Mineure par Internet/circuits Procédé de courts) préparation des Nouveauté pour Mises en place de démarches qualité, moûts avant l’entreprise Haccp, Iso, fermentation Traçabilité), Vinification à Utilisation d’un l’ancienne nouveau bâtiment Vendange tardive Vinification par Adhésion à une autre flottation coopérative Modernisation Nouvelle gamme de Modernisation de Modernisation des Amélioration continue produits/ l’outil existant emballages déjà organisation interne Amélioration d’un Ex : utilisés par Ex : Déjà existant dans produit existant l’entreprise Modernisation outil Recrutement l’entreprise Ex : de chauffage Ex : Formation du Pas une innovation Mise en place d’une vendange Nouvelle étiquette/ personnel gamme Investissement Nouvelle charte Aménagement du complémentaire technique (ni graphique temps de travail Amélioration du innovant pour secteur Nouvelle forme de Nouveaux horaires fruité du vin ni pour entreprise) bouteille Tableau 5 : Typologie de l’innovation et exemples d’innovations réalisées dans la filière vitivinicole (Sources : enquête EAA du LR 2010 (Domergue, Couderc et Temri, 2012), résultats entreprises) Ce recensement des principales innovations montre que la filière régionale, en plus d’avoir poursuivi la restructuration de son vignoble ces dernières années, a modernisé son outil de vinification et de conditionnement. Reste que l’innovation technologique ‘majeure’ reste rare pour des productions aux racines profondément enfouies dans la tradition, et que l’innovation immatérielle est encore peu fréquente, car sans doute difficile à financer. 4 Conclusion et recommandations Le Languedoc-Roussillon est-il devenu aujourd’hui un bassin de production similaire aux autres ? Sans doute, si l’on considère la marche vers des productions de qualité. Plus personne n’évoque de « wine lake » pour désigner les vins régionaux ! La restructuration qualitative du vignoble est quasiment achevée, les centres de M. Domergue, J.P. Couderc La filière vitivinicole en Languedoc Roussillon : état des lieux et évolutions 1997-2009 vinification et de conditionnement coopératifs ou du négoce n’ont rien à envier à ceux des autres régions ou au ‘Nouveau Monde’. Alors que manque-t-il encore à la région pour mieux valoriser des productions vitivinicoles devenues qualitatives et différenciées ? Le seul ‘retard’ que l’on pourrait mettre en avant par rapport à d’autres régions françaises est celui de l’investissement immatériel… Ainsi, par exemple, la notoriété des dénominations et des marques. C’est à notre sens plus une question d’effort commercial et de prosélytisme au plan national - et international - que d’effort de publicité (effort souvent trop coûteux, par manque d’économie d’échelle pour des entreprises de taille insuffisante). Une question liée est : comment les entreprises régionales pourraientelles garder en région la valeur ajoutée des « vins de cépages » régionaux, aujourd’hui encore commercialisés en vrac à des négociants bordelais, bourguignons, voire alsaciens, et qui ont été vendus en bouteilles - plutôt cher - à l’exportation ? La réponse est simple : il faut fortement investir à moyen et long terme dans l’innovation immatérielle : formation à la vente, embauche de commerciaux, prospection et implantation à l’exportation… Mais cette page reste encore à écrire en partie… 5 Références bibliographiques [1] Domergue, M., Couderc, J.-P., Augier, P., De Caix, C. (2011). L’agroalimentaire, pilier de l’économie régionale, tient le cap : état des lieux et évolutions de la sphère agroalimentaire du LanguedocRoussillon de 1997 à 2009, Agreste, Draaf LR, Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche. [2] Domergue, M., Couderc, J.-P. (2012). Méthodologie d’enquête auprès des établissements agroalimentaires de la région Languedoc-Roussillon 2010-2011 : sondage, bilan de la collecte et extrapolation des résultats, 8 Montpellier: INRA - UMR MOISA [3] Domergue, M., Couderc, J.-P., TEMRI, L. (2012). Les innovations dans les entreprises agroalimentaires du Languedoc-Roussillon : intensité, déterminants, effets sur la performance, et accompagnement, 8 Montpellier: INRA - UMR MOISA [4] Hannin H., Couderc J.P, D’Hauteville F. & Montaigne E., co-éditeurs (2010), La Vigne et le Vin ‘Mutations économiques en France et dans le monde’, La Documentation française, déc. 2010, 233 pages. [5] Thomé O. et Couderc J.P. (2011), Analyse financière des structures aval de la filière vitivinicole française, Entreprises et Coopératives 2007-2009, rapport de recherche UMR MOISA et Crédit Agricole SA, en partenariat avec CCVF, AGEVE et France Agrimer, 87 pages.