Tais N°6

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Tais N°6
Tais
Bulletin de liaison des Mammalogistes de Midi-Pyrénées
N°6 - Décembre 2013
1ère de couverture : Necrolémur, dessin de Nicolas Sudres
4ème de couverture : Bouquetin Ibérique, p.3 : Ragondin, dessins de Georges Gonzalez
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Edito
Par un beau jour de 1882, l’Indre-et-Loire vit l’arrivée
de nouveaux « colons », fraîchement débarqués d’un
voilier parti des côtes du Chili quelques semaines auparavant.
Quadrupède appartenant à la grande famille des rongeurs, cousin
des castors, cet étrange animal jusqu’alors inconnu en France, fit son apparition
dans l’Hexagone…
Le « bien-aimé »
Myocastor coypus, c’est son nom… Aujourd’hui, vous entendrez parler de lui sous
l’appellation de « lièvre des marais » ou de « castor du Chili ». Animal amphibie,
adepte des marais et des rivières, il a été introduit en France pour sa fourrure.
Ragondin le bien-aimé, eut ses heures de gloire quand, réunis par dizaines, il
participa à la confection de manteaux de fourrure…
Ragondin le bien-aimé aussi, quand, servi dans les assiettes, les clients l’apprécièrent,
ou plutôt son civet ou son pâté, bien relevé, car sa chair serait plutôt fade… !
Qui eut cru à son destin, surtout lui ; il était bien loin de s’imaginer qu’il allait ainsi
changer de statut, et d’un animal « utile », passer à celui de « nuisible »…
Un ragondin en campagne…
La Première Guerre mondiale, la crise des années 30, la baisse de la demande face à
une fourrure dépréciée, car de moins belle qualité que celle de son pays d’origine ;
tout ceci contribua à la faillite irréversible des élevages de ragondins.
Les portes des cages furent ouvertes, certains « détenus » tournèrent, à leur façon,
le remake de « la grande évasion »… et voilà comment ces rongeurs « bien-aimés »
recouvrèrent leur liberté si « chairement » payée !
D’un naturel opportuniste et très prolifique, les voilà partis à la conquête de
nouveaux territoires. Par le biais de corridors formés par les bras des rivières, les
ragondins colonisèrent une bonne partie des régions de France. Aujourd’hui, le
littoral atlantique et le Sud-Ouest constituent des zones de forte concentration
« ragondine ».
Le « mal-aimé »
Par contre, en Camargue, dans le Gers, le Lot-et-Garonne ou le Lot, sa popularité
est loin d’avoir la cote… Incriminé pour avoir sapé les berges, éventré digues et
retenues collinaires, et causé d’importants dégâts dans les cultures, le ragondin se
retrouve au banc des accusés et l’issue du procès est sans appel : la condamnation à
mort !
Gestionnaires des cours d’eau et agriculteurs se sont ligués pour « avoir sa peau »,
mais pas pour la même raison… !!! La guerre est ouverte : chasse sous terre et
gazage, tir au fusil, empoisonnement et campagnes de piégeage ; tous les moyens
sont bons pour parvenir à l’éradication de cet intrus !
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La régulation des populations est à l’ordre du jour, mais réguler ne signifie pas
forcément tuer. On peut limiter le développement d’une population par d’autres
biais : la fédération nationale des groupements de protection des cultures a lancé il
y a quelques années le projet COPRA (Contrôle des Populations de Ragondins) qui
s’emploie, entre autres, à trouver de nouveaux moyens de lutte utilisant des
méthodes biologiques, et ce, dans un objectif de sécurité et de respect de
l’environnement.
La discorde…
Et c’est là que débute un vaste débat : la place et le rôle de l’Homme dans les
écosystèmes, son interventionnisme et sa gestion des habitats et des espèces…
Aujourd’hui, plusieurs dossiers font débat notamment celui concernant la régulation
des pullulations de Campagnol terrestre par des campagnes d’empoisonnement à la
bromadiolone dont les impacts ne sont pas sans conséquence sur les populations de
Rapaces et de petits carnivores.
On dénombre 28 cas de Milans royaux (espèce en déclin et bénéficiant d’un Plan
National d’Actions) empoisonnés à la bromadiolone en 2011 et 8 en 2012, sans
compter tous les autres...
L’action d’associations naturalistes telles la LPO France, la FRAPNA… a amené
certains départements à déclasser le Renard des « nuisibles ». L’action se poursuit
au niveau national.
Partage des connaissances
Les 12 et 13 mars 2011, Cahors accueillait le 3ème
Séminaire Mammalogique de Midi-Pyrénées, toujours
dans l’esprit de la convivialité. Franc succès pour
cette troisième édition régionale puisque plus d’une
centaine de personnes, aussi bien du réseau
associatif et naturaliste que du grand public, a
fréquenté ce séminaire.
Des personnalités du monde mammalogique et
référents en la matière se sont succédés au fil
d’interventions d’une grande qualité. Merci à toutes
celles et ceux qui ont su nous faire partager
simplement leurs connaissances, animer les débats
et nous transmettre leur passion : je vous invite à
vous replonger dans ces communications ou tout
simplement, pour celles et ceux qui n’ont pas pu y
assister, à les découvrir.
Photos : José Gas – Lot Nature Un grand merci également à tous les bénévoles qui
se sont investis dans l’organisation de ce séminaire et ont également contribué à sa
réussite ! Muriel Dubray,
Directrice de la LPO Lot
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ATLAS DES MAMMIFÈRES SAUVAGES DE MIDI-PYRÉNÉES
E. Jacquot
Initié en 2007, l’atlas s’achève cette année ! Répondant à plusieurs objectifs en
terme de synthèse des connaissances et de dynamisation du réseau d’observateurs,
le travail aura abouti à l’élaboration de 6 livrets thématiques et d’un livret bonus.
Un coffret compilant ces divers volumes sera également élaboré pour une meilleure
tenue et présentation de l’ouvrage.
Livret 1 : Mammifères en Midi-Pyrénées
Livret 2 : Lagomorphes et les Artiodactyles
Livret 3 : Carnivores
Livret 4 : Erinaceomorphes, Soricomorphes et Rongeurs
Livret 5 : Chiroptères
Livret 6 : Gestion conservatoire
Livret bonus : Catalogue des poils de Carnivores de Midi-Pyrénées
Au moment de l’édition de ce numéro, le volume n°5 est en cours d’impression et
le n°6 n’est pas encore réalisé.
Petit retour sur le contenu des différents livrets
Livret n°1 : « Mammifères en Midi-Pyrénées »
Organisé en trois temps : Quaternaire, Préhistoire et Histoire, ce livret offre une
rétrospective régionale des Mammifères et de leur étude. Alors que les deux
premiers chapitres recensent les espèces décrites dans la région, le dernier
présente les équipes de chercheurs et de naturalistes qui ont contribué à la
connaissance des espèces actuelles en Midi-Pyrénées. Ces trois parties sont donc
organisées chronologiquement, amenant le lecteur en fin du livret à l’époque
contemporaine et aux espèces présentées dans les livrets qui suivent.
Edité comme premier de la série, ce livret détaille également la biogéographie du
territoire ainsi que l’organisation générale du projet.
Livret n°2 : « Lagomorphes et Artiodactyles »
Ce livret présente les Lagomorphes (2 espèces) et les Artiodactyles (10 espèces
dont 4 férales) de la région. Les monographies sont enrichies des informations
issues des suivis réguliers réalisés sur ces espèces : cartographie des populations
installées, évolution des prélèvements, évolution de la répartition des populations.
Livret n°3 : « Carnivores »
Ce livret présente les Carnivores de la région (15 espèces), dont une espèce
éteinte : le Lynx boréal. Une réflexion sur la cohabitation de l’Homme avec les
Carnivores permet de fournir des pistes d’actions en faveur de la conservation des
espèces (sauvages et domestiques).
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Livret n°4 : « Erinaceomorphes, Soricomorphes et Rongeurs »
La présentation de l’Erinacéomorphe (1 espèce), des Soricomorphes (9 espèces) et
des Rongeurs (26 espèces) de la région est assorti d’une analyse biogéographique
du peuplement de « micromammifères » et d’une réflexion sur les relations avec
l’Homme. Le pas de temps est reculé aux années 1970 afin de prendre en compte
les nombreuses études de pelotes de réjection effectuées dans le cadre de la
préparation de l’atlas national (SFEPM, 1984).
Livret n°5 : « Chiroptères »
Ce livret spécifique aux Chiroptères (28 espèces) de la région permet de mettre à
jour l’atlas des Chiroptères édité en 2011 par le CREN-MP et notamment la liste
des espèces de Midi-Pyrénées puisque des données récentes sont venus étayer la
présence de deux espèces supplémentaires. Une analyse des rapports avec
l’Homme vient compléter le travail de synthèse des connaissances.
Livret n°6 : « Gestion conservatoire »
Le dernier livret, propose une réflexion sur les actions de gestion déclinées selon
les milieux de la région. Choix de société ou résultante d’un large débat, la gestion
menée en Midi-Pyrénées répond à des objectifs parfois contradictoires entre les
différents acteurs de l’environnement. Ce travail propose donc de faire le point sur
cette gestion et de l’analyser au regard de la conservation des espèces de
Mammifères.
Les livrets « espèces » sont organisés de manière à pouvoir être utilisés seuls : ils
comportent en pages introductives une présentation succincte de la région, du
projet et de la méthodologie utilisée pour le groupe d’espèce concerné et, en fin de
livret, une bibliographie régionale.
Un colloque en guise de promotion
Des séminaires biennaux ont été mis en place dans le cadre du projet pour
permettre la cohésion du réseau de mammalogistes et faciliter la diffusion de
l’information entre les mammalogistes. Pour la quatrième édition, l’idée a été de le
fusionner avec le Colloque Francophone annuel de la Société Française d'Étude et
de Protection des Mammifères (SFEPM) qui est organisé chaque année par une des
associations membres. Ce rendez-vous est l’occasion de présenter l’état de
conservation des mammifères dans la région et d’engager un débat autour du thème
de la rencontre. Ainsi, dans le cadre de l’atlas, Nature Midi-Pyrénées via le Groupe
Mammifères a organisé du 18 au 20 octobre 2013, ce colloque national, qui a eu
pour thème : « Climat, paysages, perceptions : les Mammifères sauvages face aux
changements globaux ? »
Un site dédié a été mis en place pour faciliter la diffusion de l’information dont les
actes via le prochain numéro du Tais : www.naturemp.org/mammif2013
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Les suites de l’atlas
> Les outils
Plusieurs actions ont été mises en œuvre dans le cadre de l’atlas pour
améliorer le travail et faciliter la diffusion des connaissances. Tel est le
cas du site Internet, des séminaires et du bulletin de liaison. Alors que le
site Internet n’a pu lieu d’être une fois le projet terminé, tel n’est pas le
cas des deux autres actions. Le Bulletin continue dons d’être élaboré
par le groupe Mammifères de l’association Nature Midi-Pyrénées et sera
diffusé toujours gratuitement via le site de l’association. Pour ce qui est
des séminaires, l’idée serait de les inclure aux rencontres naturalistes
(tous les 3 ans) régionales pour éviter la multiplicité des rencontres.
> Les connaissances
L’un des objectifs de ce projet était d’identifier les manques de
connaissances et les lacunes à combler. Il est fort encourageant de
constater que cette question a été abordée avec chaque livret et n’a pas
attendue la fin du projet pour être posée. Ainsi, des premiers
compléments d’études commencent à émerger avec des suivis
(Campagnol amphibie, Blaireaux), des prospections et des recherches
d’espèces en ciblant les manques listés dans les livrets espèces
(Muscardin, Campagnol des neiges…).
L’outil permettra également d’embrayer sur l’évaluation des espèces
pour aboutir à une liste rouge régionale suivant la méthode de l’UICN.
Quand à la mise à jour, elle s’effectue quotidiennement grâce à la base
de données naturaliste régionale BazNat http://www.baznat.net !
Rappel : Avis de recherche
Afin de poursuivre les mesures odontométriques (crânes et mandibules) sur les
campagnols, Patrick Brunet-Lecomte recherche certaines espèces :
Microtus lusitanicus : Hautes-Pyrénées
Microtus pyrenaicus : Secteurs d'altitude (>1000 m) : Pyrénées, Aubrac
Microtus subterraneus : Aveyron, Lot, Tarn
Microtus duodecimcostatus : Aveyron, Lot
Chionomys nivalis : Pyrénées
Toutes espèces : Donezan
Important: garder ensemble le crâne et les mandibules de chaque spécimen sans les
mélanger.
Patrick Brunet-Lecomte,
5 rue de Palanka – 38000 Grenoble
[email protected]
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PROGRAMME DU SEMINAIRE DE 2011
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Première étude de la répartition de la Crossope aquatique (Neomys
fodiens) en Aquitaine à l’aide de tubes capteurs d’indices
Mise au point méthodologique et premiers résultats au sud de la
Garonne.
Catherine Bout1, Estelle Laoué1, Christine Fournier-Chambrillon1 et Pascal
Fournier1.
1GREGE, Route de Préchac, 33730 Villandraut ([email protected])
Contexte et objectifs
La Crossope aquatique, ou Musaraigne aquatique (Neomys fodiens) est un petit
insectivore semi-aquatique de la famille des Soricidae entièrement protégé en
France.
Dans le cadre des mesures compensatoires liées à la réalisation de l’autoroute A65,
le GREGE a proposé au GIE A65 Pau-Langon la réalisation d’une étude permettant
d’améliorer les connaissances sur la répartition régionale de cette espèce.
En effet, la Crossope aquatique ne fait l’objet d’aucun inventaire national
standardisé, et sa répartition ou son statut sont localement mal connus.
Généralement, les données de présence de cette espèce sont basées sur des
techniques d’inventaires telles que l’utilisation de pièges-cages, qui est lourde à
mettre en œuvre et non sans risque pour les individus (Gurnell & Flowerdew,
2006), ou la collecte de pelotes de régurgitation de rapaces dans lesquelles les
crânes sont recherchés. Celle-ci reste cependant imprécise quant à la localisation
des individus pouvant se trouver dans un rayon de quelques kilomètres autour du
lieu de découverte des pelotes.
En Grande-Bretagne, the Mammal Society a développé une technique d’inventaire
national basé sur l’utilisation de tubes capteurs d’indices tels que les poils ou les
fèces (Carter & Churchfield, 2006b ; Pocock & Jennings, 2006). Les tubes sont
appâtés avec des larves de mouches, posés dans le milieu naturel le long des berges
pendant 14 jours, à raison d’un tube environ tous les 10 m, et sont fréquentés
librement par les animaux qui viennent s’y nourrir et qui peuvent alors laisser des
déjections ou des poils sur des scotchs prévus à cet effet.
Les objectifs de notre étude étaient les suivants :
1. En s’inspirant des méthodes d’inventaire utilisées en Grande-Bretagne,
faire une mise au point méthodologique lors d’une phase expérimentale
confrontant différents matériels et protocoles, afin de définir un protocole
optimal reproductible à grande échelle.
2. Mettre en place le protocole retenu sur une trentaine d’unités
d’échantillonnage réparties au sud de la Garonne, hors massif pyrénéen, et
évaluer les résultats par rapport à la logistique d’inventaire.
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Zone d’étude et présentation de l’espèce
Il existe en France deux espèces de musaraignes semi-aquatiques, la Crossope
aquatique, Neomys fodiens et la Crossope de Miller, Neomys anomalus. Leurs
exigences écologiques sont relativement semblables même si N.anomalus est moins
inféodée aux milieux aquatiques que N.fodiens. La Crossope aquatique occupe
l’ensemble du territoire métropolitain sauf la Corse et les îles de la côte Atlantique,
alors que la Crossope de Miller est considérée comme occupant les principaux
massifs montueux et montagneux (Collectif, 1984;1994; Aulagnier et al., 2008). Elle
a toutefois été découverte à moins de 200 m d’altitude dans diverses régions
(Ardennes, Haute-Savoie, Limousin, Normandie et Mayenne (Marchadour, 2009)).
Notre zone d’étude se situant au sud la Garonne hors massif pyrénéen, seule la
Crossope aquatique est considérée comme présente.
Cette musaraigne de taille moyenne est la plus grosse musaraigne d’Europe
(Longueur tête-corps de 62 à 103 mm, queue de 45 à 77 mm, et poids de 7 à 23 g
environ). Elle est solitaire et territoriale avec des domaines vitaux généralement
linéaires le long des cours d’eau, dont la taille varie selon les saisons (de moins de
100 à 400 m² environ). Elle a des tendances nomades et semble avoir une grande
plasticité, occupant rivières et cours d’eau à courant faible ou fort, étangs, lacs,
roselières, canaux, fossés, mares, eaux saumâtres…. Elle se nourrit essentiellement
d’invertébrés aquatiques qu’elle pêche mais aussi de petits amphibiens, poissons ou
mammifères (Churchfield, 1985 ; Churchfield et Rychlik, 2006).
Mise au point méthodologique
Matériel et méthode
Une première approche expérimentale a été menée sur une trentaine de sites
correspondant à différentes configuration des milieux et au cours de laquelle
différents paramètres du protocole ont été testés, tels que :
 Caractéristiques des tubes (Forme, section, longueur, position des scotchs
capteurs de poils).
 Présence ou absence d’éléments incitant au marquage et/ou emprisonnant
les fèces (cailloux, grilles…).
 Délai de relevé des tubes.
 Nombre de tubes posés par site.
Il s’agissait de plus d’évaluer la difficulté de récolte, d’analyse et d’indentification des
indices recueillis :
 La diagnose des poils repose sur l’observation des poils de jarre type (=
poils de garde nommés GH), en particulier les GH2, à savoir leur forme et
leur longueur, la forme et l’organisation des cellules médullaires, la forme
de la section du poil et enfin la forme des dessins cuticulaires de la surface
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
extérieure. La détermination des espèces se fait à l’aide de clés théoriques
de détermination (Debrot et al., 1982 ; Teerink, 1991 ; Pocock & Jennings,
2006) et de collections de référence.
L’identification des fèces se fait en tenant compte de leur forme, leur taille
et leur structure externe, puis par l’analyse de leur contenu, avec la
recherche spécifique de fragments d’invertébrés aquatiques, les Neomys
sp. étant les seules musaraignes à consommer des invertébrés aquatiques
en grande quantité ainsi que certains invertébrés terrestres de grande
taille comme les Diplopodes juliformes (Carter & Churchfield, 2006a ; b ;
Sibbald et al., 2006). De même, une collection de référence de fragments
d’invertébrés aquatiques préalablement péchés a été réalisée.
Résultats
Identification des indices
Sur 46 prélèvements de poils collectés durant la phase expérimentale, 28 étaient
des poils de rongeurs et seulement 18 des poils de « musaraignes », le reste étant
indéterminable. De plus, il n’a pas été possible d’identifier les espèces, seulement la
famille des Soricidés, soit parce que les poils collectés étaient trop peu nombreux,
soit n’étaient pas des poils de jarre GH2. Enfin, les différentes manipulations
nécessaires (coupes, montage, réalisation d’empreintes) sont très minutieuses donc
très chronophages.
Sur 34 fèces collectées durant la phase expérimentale, 2 étaient indéterminables, 3
provenaient de rongeurs, et 29 étaient des fèces de « musaraignes ». Parmi elles, 20
étaient des fèces de Crossope aquatique (présence de nombreux invertébrés
aquatiques) et 9 des fèces pour lesquelles il n’a pas été possible de statuer sur
l’espèce, généralement parce que les restes d’invertébrés étaient trop fragmentés
pour permettre leur identification.
Au final, compte tenu de la lourdeur de l’identification des poils difficilement
compatibles avec un inventaire dense et à grande échelle, la méthode d’inventaire
par tubes capteurs de poils a été abandonnée au profit d’un développement des
capteurs de crottes.
Paramètres étudiés du protocole
Huit expérimentations différentes ont été menées mais aucune n’a permis de
mettre en évidence un type de tube capteur préférentiel. Les goulottes électriques
se sont avérées plus faciles d’emploi grâce à leur couvercle amovible, pour collecter
les fèces et pour leur nettoyage, et ont donc été retenues. En revanche, le substrat
(présence de cailloux sur le socle du tube) a permis une meilleure pérennité des
indices, notamment en cas d’épisodes pluvieux.
Un suivi quotidien de 14 jours, sans relevé des indices, a permis de montrer un pic
du nombre total de tubes ayant collecté des fèces entre 5 et 7 jours, suivi d’une
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forte chute, suggérant une dégradation des indices et une absence de
refréquentation des tubes par les individus lorsque les appâts ont disparu. La durée
de pose retenue a donc été de 6 jours.
Enfin, le nombre cumulé de sites positifs à la Crossope aquatique en fonction du
nombre de tubes posés (variant de 1 à 10 tubes tous les 10 m), indique une
augmentation régulière du nombre de détections en fonction du nombre de tubes
posés. Ainsi, avec 2 tubes, seuls 5/21 sites positifs sont détectés, avec 4 tubes 9/21,
avec 8 tubes 17/21. L’utilisation de 10 tubes capteurs par site a donc été conservée.
Protocole retenu
Le protocole de sondage retenu consiste à poser sur chaque site 10 tubes capteurs
type goulotte électrique de 20 cm de long et 40 mm de section carrée, dont le fond
est muni de petits cailloux collés. Les tubes sont posés sur 100 m de berge,
camouflés dans l’environnement, appâtés avec une vingtaine de larves de mouches
bleues isolées dans une compresse double et relevés au bout de 5 à 7 jours.
Inventaire à l’échelle régionale
Méthode
Pour réaliser un inventaire à l’échelle régionale, nous avons proposé une approche
par maille de 10x10 km comme habituellement utilisée dans le cadre des atlas
régionaux ou nationaux, avec la réalisation de 5 sondages par carré, choisis dans des
secteurs potentiellement les plus favorables à l’espèce.
La répartition des carrés sur la zone d’étude a été faite de manière à avoir un carrééchantillon par unité hydrographique correspondant aux sous-secteurs
hydrographiques de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne.
Ce sont au total 27 carrés-échantillons et 117 sites qui ont été inventoriés entre
avril 2010 et février 2011.
Résultats
Evaluation du protocole
Trente-et-un site ont permis la récolte de fèces de musaraignes, parmi lesquels 28
ont révélé la présence de la Crossope aquatique (soit environ 1 site sur 4). En
excluant les carrés négatifs n’ayant pas fait l’objet des 5 sondages prévus, 16 carrés
sur 23 ont révélé la présence de la Crossope aquatique (Carte 1), soit près de 7/10.
Le nombre de sites positifs par carré ayant fait l’objet des 5 sondages a varié de 1 à
3, et il parait donc raisonnable de conserver dans le futur 5 sites à inventorier par
carré. Au niveau logistique, ce protocole est compatible avec un inventaire à
l’échelle régionale, tant au niveau de temps nécessaire que de la quantité de
matériel mobilisé et de sa durée de mobilisation.
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Premiers résultats sur la répartition de la Crossope aquatique
Complété avec quelques données fortuites de présence de l’espèce récoltées par le
GREGE, cet inventaire a permis de dresser une toute première carte des données
de Crossope aquatique en Aquitaine au sud de la Garonne. Ainsi l’espèce est
largement répartie sur l’ensemble des réseaux hydrographiques du massif forestier
des Landes de Gascogne (façade atlantique et étangs du littoral, rivières Eyre et
Ciron, affluents rive droite de l’Adour tels que Douze et Midou en amont de MontDe-Marsan et petits affluents directs à hauteur de Dax), ainsi que sur quelques
affluents de la Garonne inventoriés hors massif landais (Beuve et Bassanne). Par
contre, l’inventaire n’a pas révélé la présence de l’espèce dans les paysages très
agricoles de l’Adour en amont de la confluence avec la Midouze et de ses affluents
rive gauche.
Paramètres d’habitats ayant pu influencer la présence de la Crossope aquatique
Lors des sondages, une dizaine de paramètres abiotiques ont été relevés sur chaque
site, tels que type de paysage environnant, type de vallée, configuration
hydrographique, largeur et profondeur du cours d’eau, type de substrat composant
le lit du cours d’eau, présence d’une zone humide adjacente au cours d’eau,
caractérisations des berges (type de végétation, densité, type de ripisylve) et degrés
d’anthropisation de la zone.
Le type d’écoulement fréquenté par la Crossope aquatique semble très diversifié
conformément à ce qui est observé en Grande-Bretagne (Carter et Churchfield,
2006b) : fossés, ruisseaux, zones humides, étangs, jusqu’aux petites crastes de
drainage de la pinède.
Les premières analyses des différents paramètres d’habitat pris indépendamment les
uns des autres semblent indiquer quelques tendances concernant le paysage
environnant, la profondeur en eau, le type de substrat et la présence de zones
humides adjacentes. Ces résultats doivent être cependant confirmés avec un
échantillonnage plus important et homogène dans le temps et l’espace, et devront
être analysés avec des techniques statistiques plus globales.
Remerciements
A Bruno Becker, Sandrine Chotard et Cyrille Beaux du GIE A65 Pau-Langon
(groupe Eigffage) pour leur confiance et le soutien financier de l’étude. A Stéphane
Aulagnier pour son aide lors de l’analyse des données.
Bibliographie
Aulagnier S., P. Haffner, A. J. Mitchell-Jones, F. Moutou, J. Zima, J. Chevallier,J.
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Collectif. 1984. Atlas des mammifères sauvages de France. Société Française pour
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Collectif. 1994. Le Livre rouge. Inventaire de la faune menacée en France. WWF,
MNHN, NATHAN, Paris, France, 176 pp.
Carter, P. & S. Churchfield. 2006a. The Water Shrew Handbook. The Mammal
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Carter, P. & S. Churchfield. 2006b. Distribution and habitat occurence of water
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Churchfield, S. 1985. The feeding ecology of the European Water shrew. Mammal
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Churchfield, S. & L. Rychlik. 2006. Diets and coexistence in Neomys and Sorex
shrews in Bialowieza forest, estern Poland. Journal of Zoology, 269: 381-390.
Debrot, S., G. Fivaz, C. Mermod et A. J. Weber. 1982. Atlas des poils de
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Dupasquier, A. & D. Cantoni. 1992. Shifts in bentic macroinvertebrate community
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Gurnell J. & J. R. Flowerdew. 2006. Live Trapping Small Mammals. The Mammal
Society, London, 48 pp.
Marchadour, B. (Coord.). 2009. Mammifères, Amphibiens et Reptiles prioritaires en
Pays de la Loire. Coordination Régionale LPO Pays de la Loire, Conseil régional
des Pays de la Loire. 125 pp.
Pocock M.J.O. & N. Jennings. 2006. Use of hair tubes to survey for shrews: new
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36(4): 299-308.
Sibbald S., P. Carter & S. Poulton. 2006. Proposal for a national monitoring scheme
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Society, London, 90 pp.
Teerink, B. 1991. Hair of West-European mammals. Atlas and identification key.
Cambridge University Press, Cambridge, 224 pp.
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Le Murin de Bechstein, (Myotis bechsteinii) en forêt fragmentée
gersoise : recherche de gîtes et terrains de chasse
PAVAN Annie, PRUD'HOMME François, BAREILLE Sophie
et le Groupe Chiroptères de Midi-Pyrénées
Contexte
Le Murin de Bechstein est une des 27 espèces de chauves-souris présente en MidiPyrénées. En 2009, les contacts avec cette espèce sont rares dans la région et
aucune colonie de reproduction n'est connue.
Au niveau national seulement 12 à 15 colonies de mise bas sont recensées (Tillon,
2008). La faiblesse de ces données tient essentiellement à la difficulté de repérer des
gîtes depuis le sol et à la recherche difficile par la détection d'ultrasons. De plus une
disponibilité importante est nécessaire pour la prospection des cavités situées en
hauteur dans les arbres ; à cela s'ajoute le changement régulier de gîtes des individus
dans une même période d'activité.
La généralisation des méthodes de prospections par radiopistage ouvrent un
nouveau potentiel de recherche sur les chauves-souris. Le Groupe Chiroptères du
Conservatoire des Espaces Naturels après l'expérience de suivi par cette technique
du Rhinolophe euryale dans le Lot (Nemoz & Prud’homme, 2007) décide
d'améliorer la connaissance du statut du Murin de Bechstein en Midi Pyrénées avant
la parution de l'atlas. Des données d'individus dont une femelle gestante existaient
sur le département du Gers suite à des prospections sur la zone Natura 2000 des
côteaux du Lizet et de l'Osse dans le Sud du département (Néri F, com.pers.). C'est
donc autour de ce site que l'étude a commencé.
Avec la participation des bénévoles du GCMP et des salariés du CEN, une première
session de radiopistage est organisée du 1er au 6 juillet 2009. Compte tenu des
résultats encourageant une seconde session a été conduite du 14 juillet au 28 juillet
2010.
Quelques précisions sur l'espèce
Le Murin de Bechstein, Myotis bechsteinii, est une chauve-souris insectivore de la
famille des Vespertilionidés. Museau allongé, longues oreilles qui repliées vers l'avant
dépassent largement le nez, un poids avoisinant les 8 g pour une envergure autour
de 26,5 cm, son pelage et sa peau sont bruns et contrastent avec le pelage ventral
blanc à gris clair.
L'espèce vit en colonie. Dès le mois d'avril, les femelles se regroupent et excluent
les mâles. Elles élèvent leur unique jeune de mi-juin à début août. Une colonie peut
se diviser et occuper des gîtes différents pour se rassembler par la suite
(phénomène de fission-fusion). En fin d'été, des rassemblements s’opèrent pendant
lesquels ont lieu les accouplements.
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 16
photo : S. Déjean
En termes d'habitat, l'espèce est rencontrée en milieu forestier. Elle est donnée
comme typique des hêtraies ou chênaies des zones tempérées avec beaucoup de
vieux arbres de feuillus mono-spécifiques ou mélangés de la plaine au montagnard
supérieur. Elle se rencontre aussi en ripisylves, dans des pré-vergers près de lisières
forestières, dans les pinèdes ou sapinières si elles sont très structurées. Les forêts
pures de résineux ne sont fréquentées qu’en présence de milieux très favorables en
périphérie. Une canopée continue avec quelques trouées, la présence de bois morts,
de points d'eau et d'arbres à cavités sont favorables à l'espèce. (Kerth et al., 2002 ;
Greenaway et Hill, 2004 ; Barataud et al. 2009 ; Dietz et Pir 2011)
La densité peut aller jusqu'à 20 individus pour 100 ha (Dietz 2009).
Cette espèce semble effectuer l'ensemble de son cycle vital en milieu forestier mais
quelques individus peuvent ponctuellement être rencontrés dans des sites
souterrains lors de l'hibernation.
L'espèce est sédentaire mais des déplacements jusqu'à 73 km ont déjà été constatés
(Hutterer et al., 2005 ; Arthur et Lemaire, 2009 ; Dietz, 2009). Elle chasse
généralement à proximité du gîte et reste fidèle à ses terrains de chasse. Ces
derniers ne se superposent pas sauf entre la femelle et son jeune en apprentissage
de chasse (Kerth et al.,2001a ; Greenaway et Hill, 2004). En été les femelles peuvent
visiter jusqu'à 50 gîtes sur une superficie de 40 ha.
Le Murin de Bechstein est connu dans les vastes massifs forestiers.
Les études réalisées sur les habitats de cette espèce concernent généralement des
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 17
massifs forestiers relativement étendus et homogènes, constitués de peuplement en
majorité de feuillus et matures à anciens (Huet, 2001 ; Barataud, 2006 ; CPEPESC
Lorraine, 2009 ; etc.). Lüttman et al. (2003) évoquent qu’en l’état de leurs
connaissances, une colonie de mise bas de 20 individus de Murin de Bechstein
nécessite pour chasser au minimum une forêt de 250 ha à 300 ha riche en
structures. Cependant lors d’une étude à l’ouest de l’Allemagne ces mêmes auteurs
constatent la présence de plusieurs colonies de reproduction de l’espèce dans un
ensemble d’îlots forestiers séparés par des zones de cultures et pâtures. La surface
moyenne de ces parcelles boisées restait quand même de 173 ha.
Barataud et al. (2005) s’étonnent du fort taux de croissance et de naissances d’une
colonie de Murin de Bechstein dans un contexte très différent en Limousin : des
peuplements relativement jeunes (65% ont moins de 30 ans) et fragmentés avec des
massifs forestiers ne dépassant pas 70 ha et des parcelles homogènes de taille
moyenne 0,8 ha.
Caractéristiques des boisements de l'Astarac au Sud du Gers :
Les boisements de l'Astarac sont dispersés de façon discontinue sur des coteaux
orientés Sud Nord. Les forêts du piémont des Pyrénées se prolongent en suivant les
versants ouest de l’éventail Gascon correspondant à l'alternance de coteaux et des
vallées fluviales fortement agricoles réservées aux cultures du maïs, blé, tournesol,
colza.... Ces bandes boisées déjà discontinues dans la zone d'étude tendent à
s'effacer au fur et à mesure que le relief s'estompe pour disparaître rapidement au
Nord de la zone d'étude et laisser place à des zones cultivées et quelques
boisements de plus en plus réduits, morcelés et isolés.
Les peuplements sont composés de feuillus : chênaies pubescentes ou chênaiescharmaies. Le parcellaire de ces bois est très découpé avec moins de 10ha et
implique donc de nombreux propriétaires pour un même massif. Nombre de ces
bois résultent d'une tradition de pâture et d'une exploitation pour la production de
bois de chauffage à usage familial ou pour la vente. Chaque propriétaire gère donc
ses parcelles sans document de gestion mais plutôt au cas par cas en fonction de ses
besoins.
La zone d'étude se situe sur les bassins versant de l'Osse et de la Baïse et sur les
communes de Montesquiou, l'Isle de Noé, Barran, Sainte-Araille.
Objectif de l'étude :
Avant cette étude, les données sur cette espèce étaient quasi inexistantes. Nous
voulions savoir si une population dynamique était en place dans ces bois, connaître
quels types de gîte étaient utilisés, et combien ? Quel type de milieu fréquente-telle ? Y a-t-il des échanges entre massifs ? La population paraît-elle viable en
contexte fragmenté?
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 18
Résultat de la recherche des gîtes par radio-pistage
L'étude en 2009 a permis la capture de 4 femelles allaitantes et la découverte de 5
arbres-gîte et 7 terrains de chasse.
En 2010, ce sont 3 femelles allaitantes, 1 femelle non allaitante, 3 jeunes mâles, 3
jeunes femelles soient 10 individus qui ont été capturés et équipés pour recenser 15
arbres-gîte et 11 terrains de chasse. Le poids moyen des femelles était de 9,925g et
8,81g pour les juvéniles.
Le radio-pistage a confirmé le changement régulier d'arbres-gîte.
La fréquence de changement de gîte est variable en fonction des colonies et des
individus. Un jeune mâle suivi pendant 13 jours à seulement utilisé 2 gîtes et est
resté 8 jours dans le même gîte. Certains gîtes peuvent être occupés uniquement
une seule soirée comme dans le cas de la femelle allaitante n°1 qui a passé une seule
nuit dans un gîte (elle s'y est réfugiée une nuit de forte pluie et y a passé la journée).
Une femelle allaitante dans le bois de Mongran a utilisé 4 gîtes en 10 jours.
CS
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Moyenne
Ecart-type
Nombre de Nombre de
gîtes
jours de
utilisés
suivi
10
5
13
8
1
6
4
1
3
1
5.2
4.1
4
2
2
3
1
3
2
1
1
1
2.0
1.1
Nombre de
Nombre de
gîtes
changement
différents
de gîtes
utilisés
4
4
2
1
2
1
3
2
0
0
3
3
2
1
0
0
0
0
0
0
1.6
1.2
1.5
1.4
Durée
Fréquence de
moyenne
changement
d'utilisation
de gîte
d'un gîte
2.5
0.40
2.5
0.40
6.5
0.15
2.67
0.38
1
0
2
0.50
2
0.50
1
0
3
0
1
0
2.4
0.2
1.6
0.2
La distance de déplacement d'un gîte à l'autre est faible
Les distances gîte à gîte utilisé par un même individu de Murin de Bechstein
n’excèdent pas 464m sur les sites d'Empougne, Isle-de-Noé « Picaillon », Bois de
Mongran (excepté le gîte d'un soir de pluie : 1020m), Bois de Chapitre 4 et 5, et
Bois de Chapitre 1,2,3,6,7.
Dans le Bois de Chapitre, la chauve-souris utilisant les gîtes 4 et 5 n'a pas été
contactée dans les autres gîtes et les autres chauves-souris équipées ne sont pas
allées dans les gîtes 4 et 5. S’agit-il de 2 colonies ? Les gîtes les plus proches utilisés
par une même chauve-souris sont distants de 10m dans le Bois de Mongran et de
11m à Empougnes.
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 19
Les distances de déplacements en ligne droite pour gagner les terrains de chasse
peuvent être nulles et jusqu'à un maximum de 940m. Les passages à découvert
n’excèdent pas 71m.
L'heure de sortie du gîte est régulière d'un soir à l'autre et s'effectue à partir de
22h07.
Le nombre d'individus par gîte est variable
Les comptages vont de 12 à 92 individus (incluant des jeunes).
Des phénomènes de fissions et de fusions des colonies ont pu être mis en évidence
notamment au Bois du Chapitre sur les gîtes 1,2,3,6.
Les comptages simultanés sur 2 soirs successifs en 2011 (30/06/2011 et 01/07/2011)
pour les gîtes du Bois de Chapitre laissent supposer qu'il existe probablement un
autre gîte pour ce boisement car il manquait 38 individus le second soir. Il y aurait
donc au moins 8 gîtes sur un bois de 55,5ha et au moins 63 individus présents dans
ce bois. En considérant une zone de chasse de 3 ha (zone de chasse minimale
décrite dans Barataud et al., 2009), il faudrait une surface de forêt de 189 ha pour
satisfaire les besoins de chacune des femelles qui y habitent.
Tableau des résultats :
Nb
Distance massif à
Arbres
Distance
Date du
maximum
CS
Surface
massif le plus
gîtes
Commune
Massif
gîte terrains
d'individus comptage
massif équipées
occupés
de chasse proche (gîte à gîte)
comptés
0m
Femelle
La plagne-Aguirauts
140m
allaitante
distants de 5km
2 dans la
758 m (2
Château de
148.449
(5,2km) avec
Montesquiou
même
0
?
14 ha
passage à
Laplagne
Femelle
présence de massif
colonie
découvert
allaitante
intercalaire
de 35 m)
148.399
690m
Aguirauts -Isle de
Femelle
capture sur
Noé distants de
Montesquiou Aguirauts
31 ha allaitante
1
22
mare à 70m
2,1km
148.287
du couvert
(2,75km)
forestier
Femelle
Empougne-Isle de
juv n°6
Noé 1,8km
mâle juv
EmpougneIsle de Noé
Empougne 61 ha n°7
2
294
Aguirauts 61m
femelle
Empougneallaitante
Ensourbès 10m
n°8
Ensourbès Empougne - (1,8
Coume
km)
Montesquiou
40 ha
740
d'Ensourbès
Ensourbès –
aguirautts227m
(681)
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 20
Isle de Noé
Barran
Picaillon
Femelle
34 ha allaitante
148.335
Bois de
chapitre
femelle
allaitante
148.335
femelle
non
allaitante
n°2
55,5 ha
male juv
n°3
femelle
juv n°4
femelle
allaitante
n°5
1
7
44
92
Soir du
16/07/10
373m avec
passage à
découvert
sur 71 m
17/07/10
218m
182m
_
321m
Isle de NoéEmpougne
150m
(2,1km)
Isle de noé-chapitre
2,64km (2,7km)
Chapitre-Bois de
Mongran 1,5km
(1,9km)
Bois de
Femelle
Mongran
Barran - Isle
47,4 ha allaitante
4
938m
« conté et
de Noé
n°1
Moumas»
Les sites en bleu peuvent être considérés comme une même entité boisée compte tenu de
leur proximité
Résultat des caractéristiques de l'environnement de gîtes de mise bas :
Sur les 18 arbres-gîtes recensés, 16 sont des chênes (espèce largement dominante
dans les massifs), 1 merisier penché et dépérissant et 1 peuplier de culture
rachitique. Les cavités résultent d'un trou de pic dans 10 cas, d'une branche morte
pour les 7 autres et d'une blessure pour le dernier. La hauteur d'ouverture des
cavités oscille entre 2m et 15m, le trou se situe majoritairement sur le tronc
principal ou des charpentières. Le contexte est toujours forestier avec des
couvertures végétales variables : de la strate unique herbacée de certains sites à des
milieux beaucoup plus encombrés avec une strate buissonnante et arbustive dense
pour la plupart. Deux gîtes se trouvent en bordure de chemin.
En journée, des cris sociaux peuvent être entendus depuis le pied des arbres
occupés.
Les gîtes sont globalement proches des terrains de chasse et distants entre eux de 0
à moins de 1022m (moyenne 431 ±358 m).
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 21
Les diamètres des trous vont 4.5 cm à 12 cm et les types de cavités identifiés sur
quelques arbres gîtes sont 2 tubes verticaux vers le bas et 2 tubes verticaux vers le
bas et le haut.
Exemples d’arbres gîtes – crédit photo GCMP
Discussion :
Les recherches ont permis de confirmer la présence d'une population de Murin de
Bechstein dans les petites entités forestières du Gers. Durant la reproduction, les
colonies gravitent autour de gîtes proches les uns des autres (moins de 500m) et
dans un même massif. La proximité des différentes colonies laisse supposer qu'un
brassage génétique entre les populations est possible lors des rassemblements
automnaux en période d'accouplement.
Les massifs étudiés sont certainement anciens et figuraient déjà sur la carte de
Cassini (XVIIIème siècle) et les cartes d'état major (1825-1866). Les massifs
forestiers concernés étaient déjà discontinus au XVIIIème siècle mais il semble que
leur surface a diminué et s’est encore fragmentée depuis 1948. Seules 2 d'entre
elles, Château de Laplagne et Isle-de-Noé « picaillon », ont vu leurs surfaces
augmenter.
Il serait intéressant d'approfondir notre connaissance et compréhension de l'histoire
de ces forêts en parallèle de nos études biologiques. Les Murins de Bechstein étant
longévifs, l'observation d'une population actuelle sans précision démographique ne
nous informe pas totalement sur la dynamique actuelle. Les murins actuels peuvent
être témoins d'un passé très favorable plutôt que d'un présent idéal...
Mesures de protection engagées :
Afin de poursuivre l'étude de Murin de Bechstein et de conserver l'espèce, il est
primordial de maintenir les gîtes recensés. En ce sens, le Conservatoire des Espaces
Naturels a entrepris une sensibilisation auprès des propriétaires. Il leur a été
proposé de signer la charte Natura 2000 de bonnes pratiques pour les parcelles
concernées par ce périmètre. En dehors du site Natura 2000, il a été proposé une
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 22
convention de gestion entre propriétaire et Conservatoire, et 3 conventions ont été
signées sur le bois du Chapitre en 2012. Les 17 arbres gîtes sont sur les parcelles de
13 propriétaires et les massifs étudiés appartiennent à 250 propriétaires dont
certains en indivision. Une information des propriétaires et gestionnaires de la forêt
a également été réalisée le 21 juin 2011.
Perspectives de recherches :
Cette étude nous a permis de faire un bond en avant dans notre connaissance de
cette espèce dans la région. Cela dit, nombre de questions sont apparues avec ces
découvertes et pourraient nous faire un programme de travail pour les dix années à
venir !
Est-ce que les femelles sont contraintes d'exploiter des milieux ouverts hors des
bois d’étude ? Quel est l'historique de gestion des parcelles ? Trouvent-elles des
conditions favorables dans un contexte fragmenté avec une mosaïque de microhabitats dû à une gestion différenciée des parcelles ?
Où se situent les gîtes d'hibernation et de rassemblement automnal ? D'où viennent
les colonies qui se rassemblent ?
Quel nombre de cavités est disponible ? Quels sont les critères de sélection des
gîtes? Quel est la densité des pics ? La concurrence avec les autres espèces cavicoles
est-elle un facteur limitant ? Quel est le succès reproducteur des colonies ?
Quel lien entre histoire des parcelles forestières et structure de la population ?
Remerciements
Nous tenons à remercier le CEN pour la mise à disposition du matériel et la
participation des salariés.
Merci aux nombreux bénévoles, étudiants, passionnés et salariés pour les nuits
blanches de radiopistage ; pour les journées passées à l'identification les gîtes et à la
rechercher de l'émetteur perdu par une bête. Pour les adeptes de la grimpe
quelques arbres restent encore à décrire.
Un grand merci également au CPIE Gersois pour son hébergement et sa
participation.
Nous saluons également la compréhension des propriétaires et habitants des lieux
qui nous laissent le libre accès à leur propriété et qui pour la plupart sont favorables
à la mise en protection des arbres-gîtes.
Un merci particulier à Mélanie Némoz pour la synthèse des donnés de 2009, et à
Fanny Ajak pour sa contribution à une meilleure connaissance des environs des
gîtes.
Bibliographie
Ajak F. , 2011. Etude et caractérisation de gîtes de mise bas arboricoles du Murin de
Bechstein dans le Gers. Implication dans la gestion forestière. Mémoire de fin
d’études. Université Joseph Fourier – Grenoble 1.
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 23
Barataud M., Grandemange F., Duranel A. & Lugon A., 2005. Etude d’une colonie de
mise-bas de Myotis bechsteinii (Kuhl, 1817) – sélection des gîtes et des habitats
de chasse, régime alimentaire, implications dans la gestion de l’habitat forestier :
33p.
Barataud M., 2006. Utilisation de l’habitat et des ressources trophiques par le Murin
de Bechstein Myotis bechsteinii Kuhl, 1817 (analyse bibliographique). L’Envol des
chiros (9).
Huet R., 2001. Les Chiroptères de la Directive Habitats : le Murin de Bechstein
Myotis bechsteinii (Kuhl, 1817). Arvicola XIII (2) : 35-38.
Kerth G., Weissmann K. & König B., 2001. Day roost selection in female Bechstein’s
bat (Myotis bechsteinii): a field experiment to determine the influence of roost
temperature. Oecologia, 126, 1-9.
Lüttman J., Weishaar M. & Gessner B., unter Mitarbeit von Malte Fuhrmann und Jens
Tauchert (Gelände 2001), 2003. Nätliche Aufenthaltsgebiete und Jagdverhalten
von Kolonien der Bechsteinfledermaus (Myotis bechsteinii) im Gutland.
Dendrocopos 30 : 17-27.
Némoz M. & Prud’homme F., 2007. Connaissance des terrains de chasse du
Rhinolophe euryale en vue de la conservation de l’espèce in : Nature MidiPyrénées (ed) : 2èmes Rencontres naturalistes de Midi-Pyrénées ; Bagnères de
Bigorre (65), 17-18 novembre 2006, Nature Midi Pyrénées, Toulouse, 65-72.
Némoz M.,Pavan A. & Prud'homme F., 2010. Recherche des gîtes et des terrains de
chasse d'une espèce forestière : le Murin de Bechstein, via la technique du
radiopistage in : Nature Midi-Pyrénées (ed) : 3èmes Rencontres naturalistes de
Midi-Pyrénées ; Toulouse (31), 19, 20 & 21 novembre 2009, Nature Midi
Pyrénées, Toulouse, 167-174.
Schofield H.W., Greenaway F. & Morris C.J., 1997. Preliminary studies on Bechstein’s
bat. The Vincent Wildlife Trust. Review of 1996 : 71-73.
Tillon L., 2005. Gîtes sylvestres à chiroptères en forêt domaniale de Rambouillet
(78) : Caractérisation dans un objectif de gestion conservatoire. Diplôme de
l’EPHE, Montpellier, 106p.
Tillon L., 2008. Inventorier, étudier ou suivre les chauves-souris en forêt, Conseils de
gestion forestière pour leur prise en compte. Synthèse des connaissances. ONF,
87p.
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 24
Etude de la colonie de mise bas de la grotte de Font d’Erbies (46)
Étude rédigée le 29 septembre 2008 par Claude Milhas
Comité Départementale de Spéléologie 46
Contexte et objectifs de l'étude :
Dans le cadre de l'élaboration du document d'objectif du site Natura 2000 de la
Grotte de Font d'Erbies (commune de Crégols), le Parc Naturel Régional des
Causses du Quercy (PNRCQ) a confié au Comité Départemental de Spéléologie
(CDS) du Lot l'étude de la fréquentation de cette cavité par diverses espèces de
chiroptères, ainsi que la recherche d'autres sites d'intérêt chiroptérologique dans
une zone de 5 kilomètres de rayon autour de la grotte. Cette étude a été menée
par C. Milhas, chiroptérologue du CDS Lot, secondé par certains membres de ce
Comité, du PNRCQ et du GCMP (Groupe chiroptères de Midi-Pyrénées).
Cette étude, dont les données ont été recueillies de mai à septembre
2008, avait plusieurs objectifs :
- Déterminer les diverses espèces présentes, avec notamment la recherche de la
présence du Petit Murin (Myotis blythi) en complément éventuel du Grand Murin
(Myotis myotis).
- Déterminer les lieux précis de mise bas dans la cavité et leur utilisation par les
diverses espèces.
- Quantifier les effectifs adultes et juvéniles des diverses espèces.
- Étudier les relations entre ces espèces sur ce site.
Méthodes de prospection :
Les bases de cette étude ont été constituées par des visites dans la cavité et par des
comptages en sortie.
Visites dans la cavité :
Les visites dans la cavité ont nécessité des règles strictes afin de minimiser l'impact
sur la colonie. En règle générale, les visites sont réalisées par une seule personne
équipée en éclairage rouge qui dérange moins les animaux qu'un éclairage blanc
(surtout les leds modernes). La progression et le repérage des animaux se fait à
l’aide d’un éclairage frontal (sur casque) d'assez faible intensité, secondé d'un
éclairage torche rouge plus puissant pour les observations de courte durée. La prise
de photographies est réalisée au flash pour parfaire l'observation et assurer le
comptage à posteriori (le flash, très bref, dérange peu les animaux à condition de ne
pas être réémis trop souvent). Ces intrusions ont eu lieu en diurne (avec risque
d'envol, ce qui nous a fait limiter le nombre et l'étendue des visites diurnes) et en
nocturne (ce qui évite ce problème avec des jeunes non volants !), visites qu'il faut
quand même écourter afin de ne pas trop laisser s'agiter la colonie.
Les cadavres ont été décomptés sous la colonie, ce qui permet d’identifier
les espèces présentes surtout avec des jeunes “crevettes” (jeunes de 1 à 10 jours
TAIS n°6 – Octobre 2013
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entièrement roses, d'où leur surnom) et qui de loin se ressemblent beaucoup les
premiers jours (sauf chez les Rhinolophes Euryales).
Comptages en sortie :
Ces comptages ont tous été effectués dans la galerie fossile supérieure d'entrée (au
dessus de la cascade), dans les 10 premiers mètres de cette galerie. Pour cela, les
précautions suivantes ont été prises :
- accès direct à partir du porche par une échelle à coulisses amenée et remportée à
chaque fois, ce qui permet de s'installer dans ladite galerie sans circuler sous la
colonie qui loge toujours plus amont d'au moins 12 à 15 mètres. Cette position à
l'intérieur de la cavité nécessite un éclairage faible et rouge pour pouvoir voir et
compter les chiroptères, mais c'est le seul point de comptage possible, le porche
étant trop vaste et la végétation trop dense pour pouvoir le faire à l'entrée même
de la cavité.
- obturation du passage bas à coté de la cascade dans la galerie active inférieure
pour s'assurer que toutes les chauves-souris sortent bien par la galerie fossile
(obturation par un simple film plastique souple suspendu).
Cette méthodologie, quoique apportant une légère gène (certains animaux
sont venus nous “inspecter” en cerclant dans la zone éclairée), n'a jamais empêché
les bêtes de sortir à l'heure où on les attendait.
Observation rapprochée et captures :
Ces techniques ont été utilisées pour différencier Myotis blythi et Myotis myotis ;
pour cela a été mis en œuvre un soir un HarpTrap : il s’agit d’une cadre métallique
rigide de 1 à 2 mètres de coté entre lesquels sont tendus verticalement des fils très
fins disposés en quinconce et espacés de quelques centimètres. La chauve-souris
heurte ces fils, glisse contre eux vers le bas où une large poche l’accueille : il n’y a
plus qu’à la cueillir. Plus de démêlage de filet, moins de stress pour les animaux,
rapidité de la collecte : beaucoup d’avantages mais certains individus passent à
travers !
Données recueillies :
D’une part, 17 visites (8 diurnes et 9 nocturnes) se sont échelonnées du 01/05/2008
au 06/09/2008, réparties sur 12 jours. D’autre part, 8 comptages en sortie ont été
réalisés.
Les résultats bruts de toutes ces observations figurent sur le document joint
Annexe 1.
Présentation générale de l'Annexe 1, fiabilité des données :
Quatre espèces sont présentes dans le site : le Rhinolophe Euryale (Rhinolophus
euryale) noté RE, le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersi) noté m, Le
Grand Murin (Myotis myotis) noté GM et le Petit Murin (Myotis blythi) noté PM.
Les données certaines concernant chacune de ces 4 espèces sont fournies avec
TAIS n°6 – Octobre 2013
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ventilation adultes / jeunes (sous entendu non volants, les jeunes volants étant
comptés avec les adultes car indifférentiables lors des comptages en sortie). Par
contre, lorsque les groupes observés sont composés de plusieurs espèces, parfois
indifférentiables tant les individus sont serrés et se chevauchent, alors les données
sont inscrites sur les lignes PGM lorsque le groupe ne comporte que des Myotis ou
sur les lignes Mixte lorsque 3 ou 4 espèces différentes sont présentes ou
susceptibles de l'être.
Les lignes « total jour » sont le cumul de tous les individus observés
visuellement lors de la visite dans la journée. Ces visites ayant été parfois partielles
pour cause d’instabilité de la colonie, le total jour n’est pas toujours exhaustif. Les
lignes « total nuit » sont le cumul des comptages en sortie et des individus restant
de nuit dans la cavité.
Les données jour affichées sont souvent le cumul d'observations
ponctuelles certaines et d'une estimation d'un ou plusieurs groupes de même
espèce. Ces estimations ont été faites par recoupement à partir d'une évaluation de
la surface occupée affectée d'une densité théorique et par analyse des
photographies. Cette analyse photographique, si elle est assez aisée pour un groupe
de Minioptères ou de Murins adultes homogène ou pour une nurserie de jeunes
crevettes roses bien différentiables, devient un exercice de haut vol face à un
groupement diurne hyper-dense mêlant les 4 espèces avec des jeunes un peu plus
âgés, d’un gris uniforme, et des adultes ! C'est pourquoi le cumul des comptages en
sortie et des observations des nurseries en nocturne s'avère indispensable. Les
données issues de ces estimations sont donc à considérer avec une marge
d'incertitude non négligeable qui peut atteindre facilement 10 % selon la complexité
du groupe. Par principe de précaution, les estimations retenues sont toujours des
valeurs sous-évaluées que sur-évaluées.
Pour les comptages en sortie, la différentiation s'est opérée en général
entre Rhinolophes Euryales d'un coté et le groupe des Minioptères et Murins de
l'autre, en fonction du détecteur d'ultrasons utilisé.
Analyse des données :
Les 4 espèces ont utilisé 11 positions différentes (appelées gîtes) dans la cavité au
cours de la saison. Les gîtes de mise bas et d'élevage des jeunes jusqu'à l'envol sont
inscrits en caractères gras sur la ligne gîtes de l'annexe 1. Les 11 gîtes utilisés sont
localisables sur l'annexe 2.
Les Grands Murins :
Au 25 mai 2008, environ 750 individus, toutes espèces confondues, avaient rejoint
la grotte de Font d'Erbies pour commencer la phase de mise bas. Les plus précoces
dans le temps sont les Grands Murins qui mettent bas de fin mai à mi-juin, avant les
autres espèces, ce qui permet de les différencier. Les minima de présence observés
sont d'environ 200 adultes et 100 jeunes, ce nombre de jeunes peut éventuellement
être un peu plus important car de nombreux adultes restent avec les jeunes au gîte
en phase nocturne (du moins sur la première partie de nuit où ont été faites les
observations). La mise-bas a lieu sur un site spécifique, le gîte 3. Mais des adultes
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 27
peuvent peut être restés liés à la grosse colonie mixte sans avoir rejoint le gîte 3 ;
auquel cas le nombre de 200 adultes pourrait être sous-estimé.
De nuit, on n'observe pas de nurserie dense pour cette espèce, mais une
répartition plus ou moins homogène des jeunes crevettes au sein du groupe, peut
être tout simplement parce que ce sont les premiers à mettre bas, en nombre
relativement limité, avec une climatologie encore fraîche et que cette disposition
permet de garder une meilleure température pour les nouveaux-nés. Cette
disposition évolue avec l'âge des jeunes et, vers la troisième semaine, on observe
une concentration des jeunes entourés par un véritable cordon de sécurité
d'adultes qui encadrent nuitamment cette jeune génération jusqu'à son envol.
Les Rhinolophes Euryales :
Bien différentiables en début de période car souvent réunis en petits groupes
indépendants, ils deviennent quasiment indiscernables de la masse par la suite. Il faut
dire qu'ils sont largement minoritaires dans ce peuplement : le maximum observé a
été de 130 individus décomptés au détecteur d'ultrasons lors des comptages en
sortie, pour une centaine repérés de visu lors des visites diurnes.
Il y a bien eu mise bas des Rhinolophes Euryales puisque ont été
décomptés 10 cadavres de nouveaux-nés le 7 juillet 2008. Il n'a pas été détecté de
site spécifique de mise bas pour cette espèce, les cadavres se situant sous le gîte 7
qui est le gîte principal de mise bas (hormis pour les Grands Murins) et il n'a pas été
décelé de présence certaine de cette espèce de nuit sur ce gîte : soit il y a eu très
peu de jeunes Rhinolophes Euryales et ils sont passés inaperçus dans la masse des
autres espèces, soit, comme cela a été malheureusement constaté cette année dans
bon nombre de cavités, les Rhinolophes Euryales ont eu de grosses difficultés de
reproduction, avec un nombre considérable d'avortements ou de mortalité à la
naissance (par exemple, une centaine de jeunes observés vivants pour une colonie
d'environ 1300 adultes à la grotte de la Chèvre). Comme les effectifs de jeunes
Rhinolophes Euryales observés les années précédentes à Font d'Erbies ne
dépassaient pas les 15 individus, il est fort probable qu'il n'y ait pas ou peu eu de
renouvellement des générations cette année.
Les Petits Murins :
Et d'abord, existent-ils ?
L'observation rapprochée de 5 Murins le 01/05/08 laisse une possibilité d'avoir la
présence à a fois de Myotis myotis (le Grand Murin) et de Myotis blythi (le Petit
Murin), qui sont deux espèces morphologiquement très proches. En effet, 2 des 5
individus observés avaient des caractéristiques pouvant les faire identifier comme
Myotis blythi, notamment la présence d’une tâche beige clair entre les oreilles.
Aussi le soir du 11/08/2008 fut mis en place un harptrap dans la galerie
supérieure d'accès afin de capturer un certain nombre d’individus de genre Myotis
pour identification précise, grâce au concours de Mélanie Némoz du CREN MidiPyrénées qui avait déjà expérimenté ce type d'investigation et notamment la mesure
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 28
du CM3 (la longueur de la rangée dentaire supérieure, entre la canine et la 3eme
molaire), seule donnée irréfutable dans cette identification.
La capture a eu lieu en début de sortie des animaux, puis a été
abandonnée au moment des sorties en masse, lorsque 6 ou 7 individus toutes
espèces confondues étaient pris simultanément dans la poche du harptrap (seul
ceux du genre Myotis étaient conservés). Le harptrap a alors été couché au sol de
la galerie et n'a été remis en service qu'un court laps de temps vers la fin de sortie
des chiroptères. Cette méthode conservatoire pour les animaux n'a permis
d'obtenir que des données très partielles puisque nous a échappé le flot principal de
sortie.
Ont été évacués du harptrap : 85 Minioptères de Schreibers, 5
Rhinolophes euryales et 17 Myotis sp., alors que 34 animaux ont traversé le
harptrap sans encombre ! Sur les 17 Myotis, 2 nous ont échappé avant identification
complète, 14 étaient des Grands Murins et a été identifié formellement un Petit
Murin adulte femelle non allaitante. Les 2 espèces Myotis myotis et Myothis blythi
sont donc bien présentes dans la cavité, toutefois sans preuve formelle de
reproduction de Myotis blythi. A noter aussi que presque tous les juvéniles de
Grand Murin présentaient une large tonsure sur le dos.
L'analyse des données de l'annexe 1 laisse apparaître une nouvelle série de
mises bas constatées à partir du 30 juin au gîte 7, avec la présence nocturne quasi
exclusive de Myotis sp. auprès des jeunes crevettes. Il y a tout lieu de penser qu'il
s'agit bien de Myotis blythi (mais cela n'a pas été directement prouvé).
Le 7 juillet, 250 adultes sont rassemblés de nuit en site de mise bas avec une
estimation minimale de 120 à 150 Myotis sp.. Le 13 juillet une cinquantaine d'adultes
et autant de jeunes Myotis sp. sont encore rassemblés à proximité des 300 jeunes
crevettes dénombrées. Parmi celles-ci, il est bien difficile de dire si figurent encore
des Myotis sp. ! L'observation du 23 juillet révèle, à coté des jeunes crevettes, un
certain nombre de juvéniles accompagnés d'adultes avec une mixité Minioptères de
Schreibers et Murins ; alors que le 2 août il n'y a quasiment plus d'adultes
Minioptères en accompagnement des jeunes et il ne reste plus que 40 à 50 Myotis
sp. juvéniles et adultes présents.
On peut donc raisonnablement penser que les premières mises bas de
cette deuxième vague sont essentiellement des Myotis blythi, puis ce sont des mises
bas mixtes Myotis-Minioptères, alors qu'à compter du 13 juillet ne figurent
quasiment que des Minioptères crevettes en nurserie.
Les effectifs minima de jeunes Myotis blythi peuvent s'évaluer à partir de :
- 54 crevettes du 30/06, volants avant fin juillet
- 40 à 50 jeunes (avec quelques adultes) observés encore le 2/08
Soit un effectif de jeunes Myotis blythi pouvant se situer vers 80 à 100. Quant aux
adultes, l'analyse du groupe du 07/07 laisse penser à un minimum de 120 à 150
individus et plus, si d'autres individus de cette espèce étaient sortis pour se nourrir
au moment des observations nocturnes.
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 29
Les Minioptères de Schreibers:
N'ayant pas la faculté d'individualiser précisément cette espèce, son évaluation se
fera par soustraction des estimations de Rhinolophes Euryales et de Myotis sp. du
total des individus observés, soit environ 1000 adultes et 400 à 450 jeunes. Sur
l'annexe 1, les données concernant les Minioptères de Schreibers jeunes n'ont pas
été individualisées mais ont été inscrites sous la rubrique « Mixte-j » étant donné
qu'un certain nombre de Myotis sp. se trouvait encore dans ce groupe.
Bilan :
Un diagramme de l'évolution des nurseries est fourni en Annexe 3. Ce diagramme
permet de visualiser le nombre estimé de naissances entre 2 visites, ainsi que la
période d’envol de chaque espèce.
Bilan estimé des présences :
- Rhinolophes Euryales : 130 adultes, naissances avérées (10 cadavres de nouveauxnés ), pas d'élevage de jeunes prouvé.
- Grands Murins :au minimum 200 adultes et 100 jeunes.
- Petit Murin : présence certaine de l’espèce, nombre d'individus et de naissances
probables mais non directement prouvés (une confusion avec des mises bas de
Grands Murins anormalement tardives est toujours possible). Au minimum 120 à
150 adultes et 80 à 100 jeunes.
- Soit un total des Murins : 400 adultes (cf observation du 25/0 ) et 180 à 200
jeunes.
- Minioptères de Schreibers: environ 1000 adultes et 400 à 450 jeunes.
Total des 4 espèces : environ 1550 adultes et 600 jeunes, auxquels il faut ajouter 75
cadavres minimum observés.
Remarques diverses :
Evolution des effectifs :
L'évolution des effectifs observation après observation laisse apparaître une forte
variation entre le 01/05 et le 25/05 (arrivée de près de 300 Minioptères de
Schreibers), puis entre le 15/06 et le 30/06 (arrivée de 750 individus qui pourraient
être répartis entre une centaine de Rhinolophes Euryales et 650 Minioptères de
Schreibers qui rejoindraient la grotte de Font d'Erbies juste avant la mise bas, ce qui
s'observe aussi dans d'autres cavités du Lot : grottes de Magnagues, Citerne de
Rocamadour).
A l'inverse, certains individus quittent la grotte précocement : en tenant
compte des jeunes volants venant renforcer l'effectif des adultes, il manque environ
450 individus vers le 23/07 et à nouveau 200 vers le 6/09, sans que la répartition de
ces départs ait été étudiée.
Utilisation des gîtes :
Onze points de regroupement ont été localisés dans la grotte :
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 30
- Les gîtes 1 et 2 accueillent les individus à leur arrivée.
- Le gîte 3 accueille la reproduction des Myotis myotis et le gîte 8 les derniers
jeunes de cette espèce encore non volants.
- Les autres espèces utilisent successivement les gîtes 7 et 10 pour mettre bas et
élever les jeunes et accessoirement le gîte 9.
- Les autres gîtes sont utilisés ponctuellement.
Il est à remarquer que la durée d'utilisation des gîtes de mise bas est de l'ordre
d'environ 4 semaines : gîte 3 du 25/05 au 21/06, gîte 7 du 21/06 au 23/07 et gîte 10
du 23/07 jusque après le 11/08 (date limite d'utilisation non observée). Il est
probable que la cause en soit le développement excessif de parasites si l'on
prolonge l'utilisation d'un gîte (parasites d'ailleurs bien visibles sur certaines photos),
mais cela nécessite le déplacement de la colonie et notamment de jeunes d'âges très
variables, induisant parfois une mortalité supplémentaire parmi les jeunes non
encore volants.
Comportement parental :
Une dernière observation concerne l'accompagnement des jeunes par les adultes.
Alors que les adultes Myotis sp. sont constamment présents en nombre assez élevé
auprès des jeunes non volants, y compris la nuit, avec une répartition des jeunes
assez diffuse dans le groupe dans les premiers jours puis un encadrement des
adultes autour des jeunes plus âgés, les Minioptères de Schreibers, quand à eux,
laissent la nuit les jeunes en nurserie très dense pratiquement sans présence
d'adultes, à partir du moment où les mises bas sont terminées. Du moins c'est ce
que l'on observe en première partie de nuit, après avoir réalisé le décompte des
adultes en sortie, c'est à dire vers minuit (observation la plus tardive vers 1 heure
du matin le 13/07 ). Il serait ultérieurement intéressant de valider ou non cette
observation par visites à différentes heures de la nuit, mais cette observation a déjà
été faite sur d'autres sites.
Conclusion :
La Grotte de Font d'Erbies se confirme comme le site majeur pour la reproduction
des chiroptères sur le Causse de Limogne, tant par le nombre d'individus, que par
le nombre d'espèces, ce qui rend son étude particulièrement complexe mais
passionnante. Le site étant humainement fréquenté parce que remarquable
(visiteurs assez nombreux au niveau du porche d'entrée, probablement beaucoup
plus rares au delà), sa protection en période sensible sera à étudier, pouvant
éventuellement être associée à une mise en valeur de ce site remarquable, si tant
est que ces 2 orientations ne soient pas contradictoires !
TAIS n°6 – Octobre 2013
page 31
Annexe 1 : données brutes observées
Annexe 2 : répartition des gîtes
Annexe 3 : évolution des nurseries
Annexe 1 : Données brutes observées
Lexique J= Jour – N=Nuit – a=adultes ou jeunes déjà volants – j=jeunes non volants RE=Rhinolophus euryale – m=Minioptérus schreibersi – GM=Myotis myotis – PM=Myotis Blythi –
PGM=groupe indifférencié PM+GM – Mixte=groupe potentiellement mixte PM+GM+m+RE
Grotte de Font D'Erbies
Dates
01/05
J
25/05
J
06/06
J
06/06
N
15/06
J
15/06
N
21/06
N
30/06
J
RE – a
RE – j
27
27
8
14
30
100
m–a
m–j
56
325
107
2
50
50
80
?
120
?
56
57
24
63
GM – a
GM – j
70
45
200
?
60
100
30/06
N
50
324
Mixte -a
Mixte -j
Total–a
Total–j
Comptages
en sortie
RE
m+PGM
Cadavres
390
756
22
10
500
500
757
?
>590
45
726
?
>520 sp
1 RE a
1 RE a
2GM j
23/07
J
23/07
N
02/08
N
11/08
J
39
100
1400
?
1306
57
696 sp
110
1060
10 GM j
22 GM j
3=GM
3=GM
6=mixte
7=GM
1574
63 ?
06/09
N
474
50
50
15
756
100
06/09
J
24
63
70
54
307
13/07
N
1
PM – a
PM – j
PGM –a
PGM –j
07/07
N
54
250
200
1200
?
370
350
1300
250
900
300
1599
117
1652
200
1255
?
1200
370
1287
350
1400
250
1428
350
125
1380
130
1222
48 ?
1152
57
1230
10 RE j
6 PM j
1mj
4 PM j
20 m j
25 ?
50
1456
36
1370
1 RE a
4mj
Gites
1=PGM 3=GM
3=GM
3=GM
2=m
4=m
5=mixte
5=mixte
TAIS n°6 – Octobre 2013
7=mixte 7=PM
8=GM
8=GM
7=mixte 7=mixte 10=mixt 10=mixt 10=mixt 10=mixt 7=mixte 7=PGM
9=PGM
7=mixte 11=PGM
9=PM
page 32
Annexe 3 : Diagramme d'évolution des nurseries à la Grotte de Font d'Erbies
Année 2008
Lexique : Nn = nouveaux-nés
Pe = période théorique d'envol
GM = myotis myotis
PM = myotis blythi
m = minioptères
25/05
06/06
15/06
04/07
____________.......................---------------------------------------------45NnGM
PeGM
06/06
15/06
27/06
13/07
___________.......................................-------------------------------------------55NnGM
PeGM
21/06
30/06
15/07
28/07
___________................................................----------------------------54NnPM
PePM
30/06
07/07
21/07
11/08
___________...........................................----------------------------------------150NnPM+m
PePM+m
07/07
13/07
04/08
17/08
___________................................................-----------------------------------150Nnm
Pem
TOTAL : 100 Nn GM
80 à 100 Nn PM
400 à 450 Nn m
TAIS n°6 – Décembre 2013
13/07
23/07
10/08
27/08
___________.............................................-----------------------------------100Nnm
Pem
23/07
02/08
20/08
06/09
___________...............................................------------------------------------QuelquesNnm
Pem
page 33
Les poils des Carnivores : un indice de présence à prendre en compte ?
Audrey Savouré-Soubelet
Crépusculaires à nocturnes, les Carnivores sont des espèces discrètes et très
difficiles à contacter directement. Ainsi, la majorité des données récoltées
proviennent d’indices de présence qui peuvent être de différents types. Les plus
fréquemment observés sont les empreintes et les pistes ainsi que les laissées
(=fèces de Carnivores). Il en existe d’autres tels que les terriers et les restes de
repas ainsi que les poils.
Régulièrement utilisé en criminologie, ce phanère l’est beaucoup moins en zoologie.
En effet, depuis plusieurs années, seuls quelques auteurs se sont focalisés sur cet
indice afin d’étudier les régimes alimentaires de certaines espèces (DAY, 1966 ;
HERRENSCHMIDT, 1980 …) ou de suivre une population en un lieu donné
(programme de restauration et de conservation de l’Ours brun dans les Pyrénées,
suivi du Lynx, étude sur l’écureuil roux…). Grâce aux différentes caractéristiques
propres à chaque poil, Nève (2006) affirme qu’il est possible d’identifier, à l’aide
d’un microscope optique, les poils au niveau de la famille, voire du genre ou de
l’espèce.
Dans le cadre de l’atlas des Carnivores de Midi-Pyrénées, nous nous sommes donc
focalisés sur l’identification des poils des douze petits et méso carnivores (Fig. 1)
présents dans la région afin de voir si cet indice de présence pouvait être utilisé lors
d’inventaires régionaux.
« Pièges » à poil
Il existe au moins deux types de « pièges » à poils : le tube capteur de poils et le
paillasson. Ces deux outils sont peu coûteux, faciles à mettre en place, peuvent être
déployés sur de grandes surfaces, ciblent des espèces cryptiques et surtout restent
non invasifs. Dans le cadre d’un inventaire régional, seule la présence est prise en
compte, les « pièges » peuvent donc être appâtés afin d’augmenter les probabilités
de contact et posés à des endroits préférentiels (à proximité d’indices de présence,
en lisière…). L’appât utilisé doit être choisi avec soin car il ne faut pas que le
spectre attractif soit trop large afin de ne pas attirer des espèces non désirées.
Dans notre étude, nous avons testé de nombreux appâts pour finalement opter
pour un mélange de viande avec de l’assa-foetida (=résine séchée). Pour augmenter
le pouvoir attractif, nous tracions une piste avec du nuoc-mam, du jus d’appât ou de
l’huile d’anis (pour les Putois, Visons et Loutre). De même, nous mettions parfois
TAIS n°6 – Décembre 2013
page 34
de l’aluminium ou une plume au-dessus des « pièges » afin d’attiser la curiosité des
Carnivores.
Tubes capteurs de poils
Le tube capteur de poil désigne un tunnel dont les extrémités sont recouvertes par
du ruban adhésif double face (Fig.2). Fréquemment utilisé pour le suivi des écureuils
roux (GURNELL et al., 2004 ; FINNEGAN et al., 2007 ; BERTOLINO et al., 2009), ce
système peut s’adapter aux petits Carnivores.
Les tubes utilisés (bouteille en plastique ou tube PVC) doivent avoir un diamètre
compris entre 5 et 12 cm afin de pouvoir contacter la Belette, l’Hermine, le Putois,
la Fouine et la Martre. Les mustélidés de taille supérieure ne pourront pas
s’introduire dans le tube. A l’entrée et à la sortie du tunnel, du ruban adhésif double
face est collé aux parois. Il est possible de rajouter une languette de plastique (Fig.
2), entourée de ruban adhésif, transversalement afin d’augmenter la probabilité que
l’espèce laisse des poils. L’appât se pose au centre du tube afin d’obliger l’animal à
entrer dedans et ainsi passer sous le ruban adhésif en y laissant quelques poils. Il
peut être recouvert par une petite boîte en plastique fixée à la bouteille – ou
enfermé entre deux grilles (SCOTTS & CRAIG, 1988) – afin que le premier visiteur ne
puisse pas tout consommer. Cette astuce est d’autant plus importante que les
visiteurs sont régulièrement des rongeurs. La boîte en plastique doit être perforée
pour laisser passer les odeurs. Le tunnel est fixé au sol à l’aide d’arceaux en fer et
doit être camouflé avec des branches, feuilles etc.
Sur les 126 tubes posés lors de l’étude, 27 ont permis de récolter des poils
(Carnivores ou autres) (Tab.1). Le pourcentage de réussite du tube est comparable
avec les résultats obtenus par les paillassons (21,4% contre 20,5%).
Tab. 1. Pourcentage de réussite des tubes posés.
Commune
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Total
Nombre de tube
posé
58
4
3
7
5
7
9
8
5
10
126
TAIS n°6 – Décembre 2013
Nombre de tube
positif
8
0
0
4
2
0
4
2
1
3
27
Pourcentage
de positif
14,8
0
0
57
40
0
44
25
20
33
21,4
page 35
Les paillassons
Le piège à poil type « paillasson » est un carré de tapis en fibre végétal de 10cm sur
10 (REGAZZI, 2007) accroché à un support naturel et imprégné d’odeur pour attirer
le carnivore. Cet outil, jouant sur le comportement de frottement de l’animal, cible
préférentiellement les espèces ayant un comportement de marquage par frottement
telles que le Chat sauvage. Nous l’avons néanmoins testé dans notre étude et il
nous a permis de récolter entre autres des poils de Blaireau.
Sur les 73 paillassons posés, 15 ont permis de récolter des poils (Carnivores ou
autres) (tab.2).
Tab. 2. Pourcentage de réussite des paillassons posés.
Commune
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Total
Nombre de
paillasson posé
48
0
7
10
1
4
3
0
0
0
73
Nombre de
paillasson positif
8
2
4
1
0
0
15
Pourcentage
de positif
16,6
28
40
100
0
0
20,5
Le pourcentage de réussite des deux types de pièges à poils est à relativiser car,
premièrement les poils récupérés ne sont pas tous des poils de Carnivores ;
deuxièmement, l’ensemble des poils récoltés ne sont pas tous utilisables (poils
dégradés, pas assez nombreux…). Notamment, sur l’ensemble des tubes capteurs
posés, seul deux ont permis de récolter des poils en grande quantité. De plus, pour
que l’identification soit possible, il est nécessaire de récupérer des poils de jarres
situés sur le dos des individus. En effet, ceux-ci présentent les critères les plus
caractéristiques (couleur, longueur).
Identification des poils
Pour pouvoir déterminer les poils récoltés, il s’avère préalablement indispensable
de disposer des références sur l’identification des poils (KELLER, 1978, 1981,1991 ;
FALIU et al., 1979 ; DEBROT & MERMOD, 1982 ; TEERINK, 1991 ; TOTH, 2002).
Cependant, l’exercice étant délicat, les points de comparaison ne sont jamais trop
TAIS n°6 – Décembre 2013
page 36
nombreux. C’est pourquoi, nous avons constitué notre propre atlas de poils de
référence (SAVOURE-SOUBELET, 2013).
Anatomie du poil
Le poil se compose de trois couches (Fig. 3) :
La cuticule correspond à la couche superficielle. Elle est constituée de
cellules aplaties, fortement kératinisées, formant des écailles imbriquées les unes sur
les autres. La pointe de l’écaille se dirige toujours vers la pointe du poil et sa forme,
variant d’une espèce à l’autre, constitue un critère pour l’identification.
Le cortex contient plusieurs cellules allongées renfermant des granules de
pigments pour les poils colorés et de l’air pour les poils clairs. Son épaisseur varie
en fonction des espèces. Il assure la rigidité et la solidité du poil.
La médulla, ou moëlle, comprend plusieurs épaisseurs de cellules, pouvant
contenir des pigments, séparées par des lacunes aériennes. Elle correspond à la
partie centrale du poil et occupe, chez les Carnivores, trois quart de l’épaisseur du
poil. La structure de la médulla représente un deuxième critère pour l’identification.
Critères d’identification
Pour identifier un poil, plusieurs critères doivent être combinés. Au vu de toutes les
difficultés rencontrées lors de cette étape, il est primordial de travailler avec le
maximum de critères accessibles.
En premier lieu, une observation rapide de la médulla permet de différencier les
Carnivores des autres ordres. En effet, la majorité des petits Carnivores ont une
médulla réticulo-cloisonnée (Fig.4).
Après cette brève observation, l’étude de l’allure générale du poil (morphologie,
couleur, longueur) donne de nombreux renseignements et aidée par la clé de
détermination de Tòth (2002) une première sélection entre les Carnivores (dont le
poil est, pour la plupart des espèces, fusiforme) peut être effectuée.
A ce stade, l’hésitation dans l’identification du poil ne concerne plus que quelques
espèces. Il faut alors observer les écailles (Fig. 5) et effectuer une observation plus
pointue de la médulla. A ce niveau, l’hésitation ne porte plus que sur quelques
espèces.
Afin de confirmer l’espèce suspectée, la forme de la coupe transversale permet
enfin de confirmer ou infirmer l’identification. La coupe transversale est ovale chez
les Mustélidés et ronde chez les Felidés et les Canidés..
La figure 6 résume les différentes étapes à suivre pour identifier un poil :
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1. Observation rapide de la
médulla et des écailles
2. Observation de l’allure
générale
3. Observation approfondie
de la médulla et des écailles
4. Observation de la coupe
transversale
Carnivores
Quelques espèces
Une espèce ou genre
Confirmation
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Technique d’étude
Préalablement à toute manipulation, le poil doit être nettoyé à l’alcool à 70°C puis
séché. L’observation des différents critères s’effectue sous microscope optique à un
grossissement de 200.
Technique utilisée pour observer la médulla
Pour examiner le poil par transparence et ainsi observer la structure de la médulla,
il convient de poser le poil entre lame et lamelle et de le recouvrir d’une goutte de
glycérine. Lorsque le poil est trop grand, il est possible de le couper en plusieurs
morceaux qui seront fixés sur la lame par une goutte de vernis.
Différents liquides peuvent remplacer la glycérine. Ainsi Brunner et Coman (1974)
utilisent de l’huile de paraffine, Faliu et al. (1979) du baume du Canada et
Herrenschmidt (1980) se contente de l’eau distillée.
Technique utilisée pour observer les écailles
Les écailles sont observées grâce à une empreinte du poil faite sur du vernis à ongle.
Pour cela, il suffit d’étaler une fine couche de vernis à ongle sur une lame avant d’y
déposer le poil. Après quelques secondes, il faut le retirer délicatement à l’aide d’une
pince à épiler avant de pouvoir observer les dessins cuticulaires au microscope
optique.
D’autres substances peuvent être utilisées pour remplacer le vernis à ongle. Day
(1966) et Perrin (1980) préfèrent la gélatine tandis que Vasquez (1961) emploie des
films plastiques et Bruner & Coman (1974) se servent d’acétate de polyvinyle.
Technique utilisée pour la coupe transversale
Différentes techniques sont proposées pour les coupes transversales mais toutes
utilisent le même protocole. En effet, elles consistent en l’inclusion du poil dans un
milieu résistant avant de le découper à l’aide d’un microtome, outil spécialement
conçu pour ces coupes. Comme le note Herrenschmidt (1980) dans son rapport,
« la plupart des auteurs semblent avoir quelques difficultés quant à l’obtention de
bonnes inclusions et les techniques utilisées sont souvent critiquées ».
Dans notre étude, à la suite d’un test décevant de découpe de poil après inclusion
dans la paraffine – substance qui a tendance à trop s’effriter en séchant – nous
avons opté pour un protocole plus basique (Fig. 7). Celui-ci consiste juste à
enrouler le poil dans du ruban adhésif avant d’en découper de fines lamelles avec un
scalpel. La coupe peut ainsi être assez fine, le ruban adhésif permettant de maintenir
le poil. Cette technique permet aussi un gain de temps non négligeable
comparativement aux autres méthodes et présente l’avantage de ne rien coûter,
contrairement à l’utilisation du microtome (JACQUEMART et al., 1965) .
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Couper le poil
en plusieurs
morceaux et le
Replier le
ruban adhésif
sur lui-même
Enrouler le
ruban adhésif
sur lui-même
Découper en
Poser les coupes
fines tranches le couchées sur une lame
ruban adhésif
et observer
Fig. 7 : Protocole à suivre pour une coupe transversale de poil d’après A. Savouré-Soubelet, 2012
Conclusion et discussion
En définitive, la majeure partie de l’étude a été consacrée à la réalisation d’un
catalogue des poils des Carnivores. Ainsi, le temps disponible pour l’identification
des poils récoltés n’a pas été suffisant.
Au vue des difficultés rencontrées lors de l’identification des poils, le temps
nécessaire lors de l’apprentissage de la diagnose et l’incertitude persistant pour la
différenciation de certaines espèces (Martre vs Fouine, Belette vs Hermine), la
recherche de cet indice de présence ne semble pas adaptée à un atlas régional
effectué en grande partie par des bénévoles.
Néanmoins, étant donné qu’il n’existe aucune méthode de suivi fiable pour
l’ensemble des petits Carnivores, cette piste n’est pas à écarter. Il serait en effet
intéressant d’améliorer l’outil de capture de poil et d’étudier le budget pour des
analyses génétiques de poils sachant que les techniques d’études précédemment
présentées permettront d’effectuer un premier tri afin de ne sélectionner que les
poils de Carnivores (SAVOURE-SOUBELET et al., 2012 ).
Bibliographie
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TAIS
n°6 – Décembre
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TAIS n°6 – Décembre 2013
page 41
Étude de la Genette commune (Genetta genetta) en Limousin
- amélioration des connaissances sur son écologie et l'utilisation de son
habitatJulien JEMIN, Coralie BONJEAN, Émilie GRIMBERT
GMHL
Résumé de l’étude
La Genette commune (Genetta genetta) est un petit mammifère carnivore
nocturne et le seul représentant des Viverridés en Europe. L’espèce, originaire
d’Afrique a été introduite avant le Moyen-Âge sur le continent européen. Discrète,
elle a peu été étudiée en France contrairement à l’Espagne et au Portugal où la
Genette est également bien représentée.
Le Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin (GMHL) s'est
lancé dans une étude sur cette espèce afin de mieux connaître son écologie dans la
région. Pour ce faire, deux genettes, une femelle adulte et un jeune mâle, ont été
capturées et équipées d’un collier émetteur VHF en vue d’effectuer un suivi par
radio-pistage. La femelle évoluait dans un milieu de forêts sur pente au sein des
Gorges de la Cère (sud Corrèze). Le mâle a lui été suivi dans un milieu bocager du
sein du PNR Périgord-Limousin (sud ouest Haute-Vienne). La femelle a fait l’objet
de 29 nuits de suivi et de 40 recherches de gîtes diurnes. Le mâle, lui, a fait l’objet
de 24 nuits de suivi et 49 recherches de gîtes diurnes. Les gîtes arboricoles sont
majoritairement utilisés par les deux individus bien qu'ils n'utilisent pas les arbres de
la même façon, la femelle utilisant les cavités et le mâle les branchages. La
disponibilité en arbres à cavités du milieu serait à l’origine de cette différence. La
femelle dispose d’un domaine vital de 9,16 km² au sein duquel elle affiche une
préférence pour les boisements de feuillus, où se trouvent ses principales proies, et
évite les milieux ouverts et les zones déboisées par coupe à blanc. Le mâle a un
domaine vital de 7,68 km² au sein duquel il cherche à gîter dans les boisements de
conifères alors que ces derniers ne représentent que 4 % de son domaine vital.
Tout comme la femelle, il chasse en revanche préférentiellement au sein des milieux
feuillus et évite les milieux ouverts.
Référence de l’étude
GMHL - Julien JEMIN, Coralie BONJEAN, Émilie GRIMBERT - 2011. Étude de la
Genette commune (Genetta genetta) en Limousin : amélioration des connaissances
sur son écologie et l'utilisation de son habitat.
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Statut de la population d’Ours brun dans les Pyrénées en 2010.
Jean Jacques Camarra1 et Jérôme Sentilles²
1 - ONCFS, Equipe Ours, 14 rue Marca, 64000 Pau
2 - ONCFS, Equipe Ours, Impasse de la Chapelle, 31800 Villeneuve de Rivière
Le travail scientifique de l’ONCFS sur l’ours consiste d’abord à renseigner le
Ministère de l’Écologie sur le statut annuel de la population dans le cadre de
l’application du Plan de Restauration Ours. Les paramètres les plus pertinents à
renseigner sont l’aire de répartition géographique, et les paramètres
démographiques ainsi que leurs variations au cours du temps. Ce travail s’effectue
en continu et ces résultats font l’objet d’un compte rendu annuel édité durant
l’hiver.
Un réseau de correspondants, le Réseau Ours Brun (ROB), assure la
collecte de terrain des informations nécessaires sur environ 4000 km² de l’aire
potentiellement fréquentée par l’espèce en France. L’Équipe Ours de l’ONCFS a en
charge la constitution et la coordination de cette structure. En l’occurrence, cette
dernière forme ses membres aux techniques de relevés in situ, organise les
opérations de terrain puis centralise, analyse et restitue l’information sous une
forme synthétique. Les 300 membres que compte en moyenne le ROB participent
aux opérations de terrain et reçoivent en retour l’ensemble des résultats
concernant le massif pyrénéen.
Photo n° 1. Stage de formation du
ROB. (ONCFS Équipe Ours)
Chez une espèce à vaste domaine vital comme l’ours, le suivi de population prend
une dimension internationale. Bien que les politiques de gestion adoptées de part et
d’autre des Pyrénées soient parfois distinctes, les différentes équipes de
scientifiques veillent au respect d’une bonne coordination entre les réseaux
d’observateurs présents des 2 côtés de la chaîne.
1. Recueil et traitement des données :
TAIS n°6 – Décembre 2013
page 43
Une partie des données est constituée de témoignages et d’expertises
de dégâts récoltés au jour le jour, de façon opportuniste. Chaque observation est
vérifiée et validée avant d’être pris en compte. En 2010, 538 journées on été
consacrées à cette opération. Une autre partie des données est récoltée lors
d’opérations programmées se déroulant de façon systématique, selon des
protocoles stricts appliqués sur des itinéraires prédéterminés. En 2010, 693
journées ont été comptabilisées de la sorte.
D’autres données sont recueillies lors de suivis systématiques. Outre le
parcours de l’itinéraire de prospection pédestre qui permet de relever des indices
spontanés (par exemple des empreintes, des poils sur les arbres, ...), les installations
d’appâts odoriférants (zones de certains troncs d’arbres imprégnées de
térébenthine), d’appareils photos et de revoirs (zone de terre mise à nue pour le
recueil d’empreintes de pattes) accroissent la probabilité de découverte des indices
et facilitent l’identification des individus présents. Les itinéraires sont régulièrement
parcourus (une fois tous les 10 jours de début mai à mi-juin et une fois par mois de
juillet à novembre). Les aménagements sont visités et entretenus à cette occasion.
Photo n° 2. Poils sur barbelé (ONCFS
Équipe Ours)
Photo n° 3. Piste d’ours (ONCFS Équipe
Ours)
Les stations de suivi visent à attirer l’ours sur de longues distances. Elles
consistent en un enclos d’environ 20 m², clôturé de fil de fer barbelé entourant un
appât odoriférant et un sac de maïs en guise de récompense. Lors de sa visite,
l’ours laisse des poils en touchant le barbelé. Il ne reste plus à l’opérateur qu’à les
collecter délicatement.
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Tous les indices relevés sur le versant français sont vérifiés avant d’être intégrés
dans une base de données. Cette dernière est complétée avec celles des provinces
espagnoles et d’Andorre.
Tableau n° 1. Typologie des indices de présence d’ours validés sur les Pyrénées
françaises en 2010.
Arb
re
griff
é
Attaque
sur
cheptel
domestiq
ue
Crot
te
14
86
12
Observati
on directe
Phot
os
vidé
os
Pist
e
Poils
spontan
és
Statio
ns de
suivi
Appât
térébenthi
ne
19
29
137
133
29
127
Autres
(couche,
reste
d'alimentatio
n, tanière,
…)
22
Trois types de traitements sont réservés à ces données. Le géoréférencement de chacun des indices permet de produire des cartes de présence
de l’espèce, dont l’unité de base est le sous-massif, unités de 2000 à 10000 ha. Cela
sert de base à une carte quinquennale, produite chaque année, qui matérialise les
sous-massifs où l’ours est estimé, soit présent occasionnellement, soit présent
régulièrement (au moins 3 années sur 5 avec présence). Le typage individuel des
indices permet de préciser le gabarit des individus (photos, empreintes de pattes) et
l’identité de leur propriétaire (échantillons de crottes et poils génotypés).
Photo n° 4. Photo d’ours en position standard pour prises de mesures. (ONCFS
Équipe Ours)
Les manifestations simultanées dans des zones géographiquement
éloignées, utiles surtout dans les cas de faibles densités, précisent la probabilité de
l’existence de plusieurs individus de même taille par exemple ou de femelles suitées
distinctes. Ces données sont issues de l’estimation de la fraîcheur des indices par
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l’observateur ou par des photos horodatées. La fréquence d’occurrence des indices
sur les itinéraires fixes permet également de calculer un indice de fréquentation de
l’espèce, ce qui constitue une base au suivi à long terme d’une population largement
dispersée. Elle est appliquée de façon expérimentale depuis 1985 sur une zone des
Pyrénées Atlantiques.
2. Principaux résultats pour 2010
- Aire de répartition en 2010
L’ours brun a été détecté sur les 6 départements du versant français des
Pyrénées et les trois provinces espagnoles d’Aragon, de Navarre et de Catalogne.
La base de données comprend 608 indices de présence sur le versant français et
310 sur le versant espagnol, répartis d’Est en Ouest sur 325 km. La superficie
concernée atteint 6300 km² dont 3900 en France. Par rapport aux années
précédentes, on note un élargissement remarquable sur le département de l’Aude,
probablement dû au comportement exploratoire d’un jeune mâle (Balou). L’aire de
répartition présente trois centres d’activité distincts, respectivement centrés sur les
Pyrénées Atlantiques-Navarre-Aragon, l’Ariège Ouest-Catalogne et la partie Est de
l’Ariège.
Carte n° 1. Aire de répartition de l’ours brun dans les Pyrénées en 2010
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- Effectifs, structure de population
Sur l’ensemble du versant français, 43 pistes et 29 vidéos-photos ont pu
être analysées. Cet ensemble de données offre un complément non négligeable aux
107 échantillons biologiques génotypés qui ont conduits à déterminer l’identité des
individus présents.
Photo n° 5. Contribution de la photographie automatique. Détection d’une ourse
suitée, l’ourse Bambou et ses oursons de l’année (ONCFS).
Dans les Pyrénées Occidentales, la « population » est exclusivement composée de
mâles. La présence de 3 individus est à la fois confirmée par les empreintes, photos
et génotypages :
- un ours mâle de grande taille, Néré, principalement détecté sur Aspe, Ossau et
Aragon
- un ours mâle de taille moyenne probablement âgé, Aspe Ouest, occupant surtout
l’Aragon
- un ours de souche pyrénéo-slovène de taille moyenne, Cannellito (ourson de
Cannelle) sur Aspe, Ossau, et surtout Bigorre.
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Dans les Pyrénées Centro-orientales, 16 individus ont été détectés grâce au
faisceau d’informations produites par les empreintes, les photos et les génotypages.
Dans la partie Ouest :
- une femelle adulte, Hvala, sur Ariège-Ouest et haute vallée de la Garonne
- une jeune ourse, Bambou, suitée de 2 oursons femelles
- une femelle subadulte Pollen
- un grand mâle dominant Pyros
- deux femelles subadultes issues d’une même portée (Nheu et Noisette)
- un individu indéterminé en val d’Aran
- une femelle adulte, Sarousse, isolée en Aragon oriental.
Plus vers l’Est, dans la zone de Couflens, ont été détectés :
- Caramelles et ses 2 oursons de l’année (mâle et femelle)
- un individu indéterminé.
Dans la partie la plus à l’Est, deux individus ont été détectés, dont un indéterminé
et un jeune mâle, Balou.
Dans cette zone centro-orientale, la pyramide des âges est relativement équilibrée,
avec 25 % de jeunes de l’année, 18 % de subadultes, 43 % d’adultes et 12 %
d’indéterminés.
Photo n° 6.
L’ours Pyros
détecté devant
un appât
imprégné de
térébenthine par
photographie
automatique
(ONCFS).
3. Conclusions
Dans les Pyrénées, la population d’ours brun est présente sur 6300 km² et
se répartit en 2 noyaux présents sur les versants espagnol et français. L’effectif
minimal est estimé à 19 individus. On recense 4 femelles en âge de se reproduire,
dont une qui représente un cas de maturité très précoce (Bambou à 2,5 ans). Sur
TAIS n°6 – Décembre 2013
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les marges Est et Ouest, où l’on ne compte plus que des mâles, la structure de
population est déséquilibrée par rapport à celle de la partie centrale où pyramide
des âges, sexe ratio et taux de reproduction sont comparables à ce qui est observé
ailleurs en Europe. La présence d’un géniteur unique en Pyrénées Centrales (Pyros
est le père de presque tous les oursons nés depuis 1998) laisse entrevoir une lente
érosion de la diversité génétique. L’absence prolongée d’indices de présence des
ours Boutxy et Aspe Ouest confirmerait les rumeurs de braconnage sur le premier
et laisse présager la probable disparition du second. Les résultats obtenus tendent à
confirmer la pertinence des techniques de suivi et incitent à optimiser la
coordination internationale.
Photo n° 7. L’ours Aspe Ouest photographié en Aragon en début d’hiver 20092010. Le dernier indice de présence de cet individu date du 5 février 2010. (Medio
Natural, Diputacion de Aragon).
Remerciements : Nous tenons à remercier tous les membres du ROB et leurs
structures respectives, ONF, PNP, FDC 64,65,31,09,11,66, IPHB, FIEP, Sepanso,
Adet, ANC, Apatura, Altaïr, ANA, NMP et FRC. Mais aussi le LECA de l’Université
J Fourier (Grenoble), le Medio Ambiente du Gobierno de Navarra, le Medio
Natural de la Diputacion de Aragon, le Medi Ambient Govern d’Andorra, et le
Conselh Generau Vall d’Aran.
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Crier au Loup pour avoir la peau de l’Ours : enjeux écologiques et
géopolitiques du retour des prédateurs dans les Pyrénées.
Résumé de l’étude
Farid Benhamou
Docteur d’Agro Paris Tech – ENGREF, Agrégé de géographie
L’ours et le loup en France sont des espèces emblématiques qui provoquent
des réactions exacerbées dans la société. Les conflits suscités dépassent le plan
strictement écologique et se prêtent bien à une démarche géographique articulant
géopolitique et analyse stratégique de la gestion de l’environnement. Les grands
prédateurs sont instrumentalisés dans le cadre d’enjeux de pouvoir et de conflits
d’acteurs sur des territoires à propos de l’usage de ces derniers et notamment de
protection de l’environnement. Ces espèces animales sont également révélatrices
de mutations écologiques, politiques, socio-économiques et territoriaux majeurs
dans les zones montagnardes périphériques des Alpes et des Pyrénées. Après un
détour épistémologique sur le traitement de l’environnement et de l’animal en
géographie, deux études de cas – l’ours et le loup en France – apportent les
éléments d’une analyse géopolitique et stratégique où s’emboîtent les échelles.
Ainsi, les oppositions schématiques entre ruraux / urbains, échelle locale /nationale
doivent être nuancées et revisitées à la lumière d’instrumentalisations politiques.
Les dossiers de l’ours et du loup sont donc des cas d’école pour les
stratégies d’opposition ou de promotion de conservation de la nature. Cette
question est représentative des relations tendues entre le secteur environnemental
et le secteur agricole. Ensuite, le conflit autour de ces animaux permet à des entités
ou personnalités politiques (Institution patrimoniale, organisations agricoles, élus)
de capter des fonds, d’accroître leur rayonnement territorial et/ou de renforcer un
pouvoir.
L’ours et le loup sont des boucs émissaires et des révélateurs d’une crisemutation du monde agricole qui arrive à la fin d’un cycle de bouleversements mal
vécus (PAC, changements des usages territoriaux, exode rural, évolution
paysagère). Les difficultés concrètes posées par les grands prédateurs, symboles
forts de nature, entraînent une réaction anti-environnementale qui s’attache à
exagérer les problèmes réels causés par ces espèces. Pourtant, les tentatives des
opposants à l’ours et au loup d’inscrire la conservation de la nature dans un « antihumanisme » s’avèrent caduques.
Au contraire, les acteurs d’environnement favorables à ces animaux
encouragent une réflexion visant à repenser et renforcer la place de l’homme pour
améliorer la cohabitation avec l’ours et le loup. Enfin, la formulation géoenvironnementale, géopolitique et stratégique de notre sujet nous porte à croire
qu’une telle analyse peut contribuer à un enrichissement disciplinaire de la
géographie.
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La dispersion chez le chevreuil européen
Lucie Debeffe
CEFS, INRA Castanet-Tolosan
La dispersion, définie comme l’ensemble des mouvements qui éloigne les
organismes de leur lieu de naissance et ce de façon permanente (Stenseth &
Lidicker 1992), est un processus biologique fondamental qui opère à des échelles
temporelles et spatiales multiples (Nathan 2001). C’est un trait d’histoire de vie
commun à toutes les espèces capables de mobilité à au moins un stade de leur cycle
de vie, qui concerne ainsi des organismes aussi divers que des mammifères, des
insectes, ou des végétaux. La dispersion est un processus cléf dans la dynamique des
populations, par ses effets notables sur la survie et le succès reproducteur des
individus (Bowler & Benton 2005). La dispersion peut être affectée par de multiples
facteurs. En effet, au sein d’une même population tous les individus ne dispersent
pas et la décision de partir ou de rester dans son habitat natal peut être dépendante
de différentes conditions. On appelle ce phénomène la condition dépendance de la
dispersion (Ims & Hjermann 2001; Bowler et al. 2005). Sous le terme de condition
sont inclus à la fois des facteurs phénotypiques tels que la taille ou le poids mais
également des facteurs environnementaux tels que la qualité de l’habitat ou la
densité (Ims et al. 2001). L’ensemble de ces deux types de facteurs peuvent
interagir entre eux afin de déterminer les décisions associées à la dispersion. Ainsi,
cette condition dépendance peut d’une manière indirecte induire une variabilité
dans la capacité que les individus ont à disperser et donc générer une variabilité
inter-individuelle dans le comportement de dispersion (Bowler et al. 2005). La
condition dépendance de la dispersion a été principalement étudiée au niveau de la
capacité des individus à disperser, peu d’études se sont intéressées à son effet sur la
distance de dispersion (Clobert et al. 2009). Pourtant de nombreuses études
insistent sur l’importance de la variabilité inter-individuelle autour de la distance de
dispersion (Bonte & de la Pena 2009; Lowe 2010). En effet la distribution des
distances de dispersion d’une population détermine sa vitesse de colonisation et
peut donc avoir un fort impact sur la persistance des populations (Ronce 2007).
Le but de cette étude est d’aborder l’existence de la condition dépendance
de la dispersion chez le chevreuil à deux niveaux : la décision de disperser et la
distance de dispersion. Les deux types de condition dépendance, phénotypique et
environnementale, sont testés. Chez le chevreuil, le poids est un paramètre
physique fondamental relativement stable tout au long de la vie de l’animal
(Hewison et al. 2011). En effet, cette espèce ne stocke que peu de graisse et son
poids est donc un très bon estimateur de la condition physique des individus (Toigo
et al. 2006). Le poids est donc un bon paramètre candidat pour tester l’existence
d’une dispersion phénotypiquement dépendante. Ainsi, sous l’hypothèse d’un effet
TAIS n°6 – Décembre 2013
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du poids sur la dispersion, nous nous attendons à voir les individus les plus lourds
disperser plus car en meilleur condition physique et donc capable de supporter les
coûts associés à la dispersion. De plus, puisque les coûts de la dispersion
augmentent avec la distance de dispersion (Johnson & Gaines 1990), nous pouvons
également émettre l’hypothèse que les individus les plus lourds sont capables de
parcourir de plus grande distance de dispersion. Un effet direct de l’habitat sur la
dispersion a été recensé chez le cerf de virginie (Long et al. 2005) et la sitelle
(Matthysen, Adriaensen & Dhondt 1995). Dans les deux cas un degré élevé de
fragmentation de l’habitat a conduit à des distances de dispersion plus grandes. La
population de chevreuil étudiée vit dans un habitat au degré de fragmentation varié
permettant de tester l’hypothèse d’un effet positif de la fragmentation de l’habitat
sur la capacité des individus à disperser et sur la distance de dispersion.
Un tiers des jeunes suivis ont dispersés. Comme attendue, sous
l’hypothèse d’une dispersion condition dépendante chez cette espèce, la capacité
des individus à disperser (taux de dispersion) ainsi que la distance de dispersion
sont affectée par le poids des individus et par le degré de fragmentation de l’habitat.
Ainsi, les individus les plus lourds ont une plus forte probabilité de disperser,
disperse plus tôt et parcourent des distances de dispersion plus longue et ce
quelque soit leur habitat de départ. De plus un poids seuil de 14kg semble
nécessaire à la dispersion, car aucun des 28 individus effectuant une dispersion ne
pèse moins de ce seuil. D’autre part le degré de fragmentation de l’habitat influence
également le comportement de dispersion, avec les individus du milieu le plus
ouvert qui ont tendance à disperser plus et plus loin. La dispersion dépend donc à la
fois de condition phénotypique (tel que le poids) mais également de condition
environnementale (tel que le degré de fragmentation de l’habitat) chez cette espèce
de grand herbivore, soulignant la complexité du processus de dispersion avec
différents facteurs opérant simultanément.
Bonte, D. & de la Pena, E. (2009) Evolution of body condition-dependent dispersal
in metapopulations. Journal of Evolutionary Biology, 22, 1242-1251.
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does environmental variation influence body mass, body size, and body
condition? Roe deer as a case study. Ecography, 29, 301-308.
Les résultats présentés lors du séminaire ont fait l’objet d’une publication
dans Journal of Animal Ecology :
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Les chauves-souris forestières de l’Aubrac aveyronnais, résultats des
prospections du 3 au 8 septembre 2010
Marie-Jo Dubourg-Savage
CREN-GCMP
Depuis la création du Groupe Chiroptères de Midi-Pyrénées (GCMP) au
sein du CREN en 2000, l’inventaire des chauves-souris de la région s’est focalisé
dans un premier temps sur les cavités souterraines (hiver et été) et les gîtes en
bâtiment (été) au détriment des prospections en milieu forestier qui nécessitent un
investissement humain et matériel beaucoup plus important et passent souvent par
des techniques plus invasives soumises à autorisation ministérielle et/ou
préfectorale (capture, radiopistage, génétique).
Devant le manque de données relatives aux gîtes des espèces forestières, le
CREN/GCMP a lancé une première opération de radiopistage dans le Gers sur le
Murin de Bechstein en juillet 2009, opération préfigurant en quelque sorte les
actions 5 et 12 du Plan Régional d’Actions pour les Chiroptères (Bareille 2009). Ce
premier inventaire fut complété par une seconde session en 2010.
Toujours dans l’optique de parfaire nos connaissances chiroptérologiques
sur les secteurs méconnus de la région, nous avons encadré des stagiaires anglais et
leurs formateurs, venus se perfectionner dans l’identification acoustique de chauvessouris peu fréquentes, voire absentes du Royaume-Uni. En septembre 2010,
plusieurs membres du GCMP ont aussi participé à ce stage acoustique, couplé à
quelques séances de captures principalement en milieu forestier. Quatre membres
de notre groupe étaient détenteurs d’une autorisation de capture préfectorale pour
ce département.
Zone de prospection
La zone de prospection retenue se situait dans l’Aubrac aveyronnais, sur les
cantons de Laguiole, St Chély d’Aubrac et St Geniez d’Olt, l’atlas des vertébrés de
l’Aveyron (LPO Aveyron 2008) faisant état d’un manque de connaissances pour ce
secteur (0-3 espèces de chauves-souris). En outre nous espérions contacter la
Grande noctule (Nyctalus lasiopterus) déjà entendue sur le secteur (Bec et al. 2010,
Puechmaille com. pers.), et capturée sur l’Aubrac lozérien par l’ALEPE et le GCLR
(Sané 2008).
Les parcours au détecteur d’ultrasons ont été effectués sur les rives de plans
d’eau, dans les boisements adjacents et en lisière des pâturages d’altitude. Les
captures se sont déroulées dans les hêtraies, sur des pistes forestières, sur les
sentiers bordant les lacs ou en travers des ruisseaux.
Les sites inventoriés se situent dans une fourchette altitudinale de 830 m
au lac des Galens (Montpeyroux) et 1304 m au Puech de Montarquié (forêt de
Laguiole).
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page 54
Matériel d’étude et méthodologie
Nous avons eu recours à plusieurs types de détecteurs d’ultrasons basés sur
des technologies différentes : en expansion de temps un Batcorder, des Pettersson
D 240x et un D 1000, en division de fréquence des Batbox Duet et des Anabat SD1
et SD2. Les transects à pied étaient assignés à des équipes de 2 ou 3 stagiaires qui
une fois leur parcours terminé venaient assister aux captures et pouvaient alors
enregistrer des individus identifiés et relâchés.
Pour les captures, nous avons mis en place des filets japonais, des pièges
harpes (harp traps) et une superposition de 2 ou 3 hauteurs de filets japonais
montés sur des mâts porte-drapeau. La capture en forêt est généralement peu
productive aussi avons-nous recherché des sites nous permettant d’utiliser les trois
dispositifs, mais nous étions souvent limités par des branches basses, les mâts se
dressant à 9 m de haut. Un accès motorisé pas trop éloigné du site était donc
indispensable en raison du poids du matériel.
Enfin un leurre acoustique (Sussex AutoBat) apporté par nos collègues
anglais a été utilisé. Il s’agit d’un appareil développé pour des études scientifiques et
destiné à reproduire des cris sociaux du Murin de Bechstein afin d’attirer l’espèce
dans les filets (Hill et Greenaway 2005). En réglant la fréquence d’émission de
l’appareil il est aussi possible d’attirer d’autres espèces forestières. Cet appareil
n’est cependant pas commercialisé.
Résultats
Vingt espèces ont été contactées au détecteur d’ultrasons alors que 9
seulement ont été capturées. Il convient toutefois de noter que malgré la grande
diversité du matériel de détection, les résultats des écoutes réalisées loin des
postes de capture n’ont pas été très probants en ce qui concerne les murins. En
effet, la plupart des fiches de terrain correspondant aux transects n’indiquent que
Pipistrelle commune, Pipistrelle de Kuhl/Nathusius et Murin sp., même après
analyse de leurs enregistrements par les stagiaires.
En revanche, avec 65 individus (42 mâles et 23 femelles) appartenant à 9
espèces différentes, les résultats des captures ont été très satisfaisants.
Sites et espèces capturées
♂
03/09/2010
04/09/2010
Lac des Galens (Montpeyroux)
Pipistrelle commune
Grand ou Petit murin
1
Oriobal (Condom-d'Aubrac)
Pipistrelle commune
1
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♀
1
5
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Murin à moustaches
Murin d'Alcathoe
Murin à oreilles échancrées
Murin de Natterer
Murin de Bechstein
Oreillard roux
05/09/2010
08/09/2010
4
10
1
1
4
1
1
1
2
Lac des Picades
Pipistrelle commune
Murin de Natterer
Murin de Daubenton
Murin d'Alcathoe
Oreillard roux
Murin de Bechstein
Murin à moustaches
1
4
3
3
6
1
Bois de Lacessat (Aurelle-Verlac)
Murin à moustaches/M. d'Alcathoe
1 (immature)
3
1
2
4
2
1
Le nombre important de chauves-souris forestières capturées est assez
remarquable, les prospections dans ce milieu étant généralement plus efficaces au
détecteur d’ultrasons en expansion de temps. Mais ces résultats découlent
probablement de l’utilisation du leurre acoustique.
Bien que contactée au détecteur sur 3 sites (sur 2 autres l’identification n’est pas
certaine), la Barbastelle n’a pas été capturée, mais il se pourrait que les fréquences
choisies pour le leurre n’aient pas permis de l’attirer.
Plusieurs contacts ultrasonores des 3 noctules (Nyctalus lasiopterus, N.
noctula et N. leisleri), en général brefs et assez lointains, ont été obtenus dans la
zone d’étude. Seule la Grande noctule entendue au-dessus de Lacessat est restée
quelque temps dans le secteur en dépit de la pluie.
Une autre espèce dont la présence en Aveyron n’avait été mentionnée qu’une seule
fois, car tombée dans un insert de cheminée en 2004 (LPO Aveyron 2008), avait été
enregistrée à l’Anabat, en division de fréquence, près du lac de Vergne Grande.
L’analyse par le programme Analook laissait penser qu’il s’agissait d’une Sérotine
bicolore (Vespertilio murinus). Mais fin août 2011, l’auteur de ce programme, Chris
Corben, invalidait cette identification car pour lui il s’agissait d’une Sérotine
commune.
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Parmi les 3 oreillards, un individu présentait des critères morphologiques et
biométriques rappelant ceux de l’Oreillard des montagnes (Plecotus macrobullaris),
une espèce qui en France n’est connue que des Alpes, des Pyrénées et de Corse.
Un échantillon de guano, récolté dans le sac de capture, a été envoyé pour analyse
génétique à Andreas Kiefer (auteur de la re-description de cette espèce en 2002).
Mais il s’agissait d’un Oreillard roux.
Enfin la découverte du Murin d’Alcathoe dans l’Aubrac n’a rien de très surprenant,
car il faut rappeler qu’il s’agit d’une espèce surnommée « murin cantalou » lors de
sa découverte en France aux confins du Cantal et de la Haute-Loire, avant que la
génétique ne rattache ce « cantalou » à Myotis alcathoe [Helversen & Heller 2001]
(Ruedi et al. 2002).
Les espèces non typiquement forestières identifiées sont les suivantes :
Pipistrelle commune, Pipistrelle de Kuhl et/ou Pipistrelle de Nathusius (à
confirmer), Sérotine commune, Petit rhinolophe et Grand rhinolophe.
Conclusion
La majeure partie de la zone prospectée en septembre 2010 est située sur le
site Natura 2000 FR7300871 : « Plateau central de l'Aubrac aveyronnais », or le
bordereau de désignation ne mentionne aucune chauve-souris. Etant donné la
présence d’au moins 4 espèces de l’annexe II de la Directive Habitats, Faune, Flore,
il serait plus que pertinent de réaliser un inventaire complémentaire. Par ailleurs la
présence d’une espèce patrimoniale pour l’Aveyron (Grande noctule) et dont la
mortalité par éoliennes est avérée (deux cas en Aveyron et un dans le sud du Tarn),
nécessite une recherche de gîtes pour faire face au risque qu’implique le
développement éolien dans cette région.
Références
BAREILLE S., 2009. Plan régional d’actions pour les Chiroptères (2008-2012).
Conservatoire Régional des Espaces Naturels de Midi-Pyrénées/DIREN-DREAL :
140 p.
BEC J., HAQUART A. & JULIEN J.F., 2010. La Grande noctule, Nyctalus lasiopterus, en
France : synthèse de sa répartition et hypothèse pour ses preferendum d’habitats.
Actes des XIIèmes Rencontres Nationales Chauves-Souris de la S.F.E.P.M.,
Symbioses 25 : 66-69
HILL D. et GREENAWAY F., 2005. Effectiveness of an acoustic lure for surveying bats
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LPO AVEYRON, 2008. Faune sauvage en Aveyron – Atlas des vertébrés. Editions du
Rouergue, 375 p.
RUEDI M., JOURDE P., GIOSA P., BARATAUD M. ET ROUE S. Y., 2002. DNA reveals the
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Suisse de Zoologie, 109(3): 643-652
SANE F., 2008. La Grande Noctule Nyctalus lasiopterus (Schreber, 1780) en
Lozère : résultats d’une semaine de suivi radio-télémétrique. Le Vespère n°1
(2009) : 22-35
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AGENDA
Le 36ème colloque de la SFEPM a été organisé cette année par le
groupe Mammifères de Nature Midi-Pyrénées les 18, 19 et 20
octobre 2013 avec pour thématique «Climat, paysages, perceptions : les
Mammifères sauvages face aux changements globaux».
Ce fut l’occasion d’une réflexion sur la prise en compte des Mammifères sauvages
dans une société où cohabitent de multiples perceptions de l’environnement.
Espèces utiles, ignorées, nuisibles… : une dualité s’est parfois instaurée entre
espèces emblématiques protégées et espèces communes pouvant faire l’objet
d’actions de régulation. Cependant, si les interactions entre espèces sont souvent
influencées par des choix économiques et culturels, elles peuvent également
résulter d’une évolution naturelle.
A travers ce colloque, la réflexion sur l’avenir des Mammifères sauvages se voulait
pluridisciplinaire, la plupart des changements étant d’ordre sociétal !
Vendredi après-midi
Sorties découvertes (Muséum, Confluence A-G, Desman)
Samedi & Dimanche
Communications, ateliers & tables rondes, AG de la SFEPM, stands et expositions
Le bilan est disponible sur le site dédié : www.naturemp.org/mammif2013
Les actes seront édités via le tais pour le premier semestre 2014, et reprendront tout
le contenu du colloque. Ils seront disponibles au téléchargement sur ce site.
TAIS n°6 – Décembre 2013
page 58
Le Tais. Son origine remonte à l’année 2007, où il a été
créé pour motiver à l’étude des mammifères en MidiPyrénées. Pour cela, ses pages fourmillent d’articles,
d’outils méthodologiques, de protocoles, de synthèses
bibliographiques, sans oublier l’état d’avancement du
projet d’atlas.
Tais est le nom du blaireau en occitan. Pourquoi
« Tais » ? Car dans son nom résonne la méconnaissance
des espèces communes…avec un accent régional.
La fréquence de parution est de l’ordre de 1 à 2
numéros par an, selon les possibilités (contenus et
activité des bénévoles chargés de sa réalisation). Il est
diffusé gratuitement via Internet, le plus largement
possible et proposé au téléchargement à partir du site
de Nature Midi-Pyrénées www.naturemp.org.
Toutes les contributions sont les bienvenues, qu’elles
soient d’ordre rédactionnel ou iconographique.
Ont contribué à ce numéro : Emilie Andrieu, Sophie Bareille, Farid Benhamou,
Catherine Bout, Jean-Jacques Camarra, Lucie Debeffe, Marie-Jo Dubourg-Savage,
Muriel Dubray, Pascal Fournier, Christine Fournier-Chambrillon, Emmanuelle
Jacquot, Julien Jemin, Estelle Laoué, Claude Milhas, Annie Pavan, François
Prud’Homme, Audrey Savouré-Soubelet, Jérôme Sentilles.
Illustrations : Nicolas Sudres et Georges Gonzalez
TAIS n°6 – Décembre 2013
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Sommaire
Atlas des Mammifères Sauvages, état d’avancement
p.5
Première étude de la répartition de la Crossope aquatique (Neomys fodiens) en
Aquitaine à l’aide de tubes capteurs d’indices
p.9
Le Murin de Bechstein, (Myotis bechsteinii) en forêt fragmentée gersoise : recherche
de gîtes et terrains de chasse
p.16
Etude chiroptérologique de la grotte de Font d’Erbies (46)
p.25
Les poils des Carnivores : un indice de présence à prendre en compte ?
p.34
Etude de la Genette commune (Genetta genetta) en Limousin – amélioration
des connaissances sur son écologie et l'utilisation de son habitat
p.42
Bilan du suivi 2010 de la population d’Ours brun dans les Pyrénées
p.43
Crier au Loup pour avoir la peau de l’Ours : enjeux écologiques et géopolitiques du
retour des prédateurs dans les Pyrénées.
p.50
La dispersion chez le Chevreuil européen
p.51
Les chauves-souris forestières de l’Aubrac aveyronnais, résultats des prospections
du 3 au 8 septembre 2010
p.54
Agenda
p.58

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