Conférence de Gabriel Thorens

Transcription

Conférence de Gabriel Thorens
Résumé pour l’ASPCO
Daisy Joye
CYBERADDICTION ET TCC
Conférence didactique de Gabriel Thorens
1er colloque francophone de pratiques en thérapie comportementale et cognitive
Lyon 28,29 et 30 mai 2015
WOW : la quintessence d’une thérapie réussie
WOW fait partie des Massively Multiplayer Online Role-Playing Games (MMORPG). Ce sont des jeux
en ligne dans lesquels le joueur est représenté par un avatar (personnage du jeu) et durant lesquels
on accomplit des tâches qui deviennent de plus en plus complexes (les quêtes) dans un environnement
virtuel qui évolue sans cesse. Plus on avance dans le jeu, plus on doit collaborer avec les autres joueurs,
ce qui crée des liens et un sentiment d’appartenance à un groupe.
(Informations tirées d’Addiction Suisse, Focus d’octobre 2010 sur la Cyberaddiction.)
G. Thorens nous présente de manière très surprenante et originale son idée que les jeux vidéo tels que
World of Warcraft (WOW) partagent, surpassent ou mettent au défi les différents aspects d’une TCC.
Accessibilité
En effet, les jeux en ligne tels que WOW sont disponibles 24/24h, 7/7jour. On les trouve partout dans
le monde et dans toutes les langues. Les psychothérapeutes ne sont pas en mesure de rivaliser avec
cette offre. Peut-on étendre notre accessibilité?
Coûts de la santé
Les jeux sont gratuits au début puis un abonnement payant se met en place, environ 15 euro/mois.
Ceci reste évidemment beaucoup moins cher que les consultations auprès de centres spécialisés ou de
psychothérapeutes. Peut-on faire réduire le coût de nos prestations ?
Empowerment
La construction des jeux a l’avantage de proposer de la psychoéducation par les joueurs pour les
joueurs. En thérapie, il arrive souvent que le patient en sache bien plus sur les jeux online que son
thérapeute. Comment entretenir la motivation et l’intérêt du patient tout au long de sa thérapie ?
1er pas : Analyse fonctionnelle
Un aspect intéressant, proche de ce qu’on peut faire en thérapie est l’analyse et le choix des
caractéristiques du jeu. En effet, il est possible de décrire et de comprendre les attributs du personnage
choisi (avatar). En outre, on peut essayer de trouver à travers l’avatar les core beliefs. L’analyse du jeu
peut donc nous renseigner sur certains aspects du fonctionnement du joueur. Pour le thérapeute, une
question reste : comment ne pas confondre aspects désirés et caractéristiques réelles de la
personnalité ?
Début de la thérapie
Résumé pour l’ASPCO
Daisy Joye
Le début des jeux online est relativement rapide. On entre facilement dans l’univers virtuel. Puis
l’exposition aux mondes virtuels se fait de manière progressive. Par exemple, la quête « bienvenue »
propose un milieu agréable et facile. Comment offrir un début de prise en charge rapide et facile au
patient ?
Progression au rythme du patient
L’exposition aux mondes virtuels se fait de manière progressive avec des tâches et des quêtes de plus
en plus complexes. Ceci est également un principe valable en thérapie. Comment s’adapter au mieux
au rythme du patient ?
Groupe thérapeutique
Les jeux online proposent aux joueurs d’intégrer un groupe : une guilde (confrérie). La guilde permet
aussi bien un soutien social que concret (obtenir des objets). Un aspect problématique de ces guilde
peut être l’obligation de participation pour que le jeu puisse continuer. Cet inconvénient ne se retrouve
pas directement en thérapie. On pourrait faire un parallèle entre la guilde et une offre groupale
thérapeutique. Quelles conditions favorisent le soutien social et l’identité du groupe dans les thérapies
groupales ?
Psychométrie
Au fil des parties, le joueur a accès à ses données individualisées en temps réel. Il peut connaître son
profil et son niveau de progression. Il est facile de faire un parallèle avec la psychométrie qu’on utilise
en thérapie. Comment utiliser la psychométrie pour renforcer la motivation du patient ?
100% de réussite
Les jeux online regroupent 11 millions de gens depuis 10 ans. Ils restent attractifs grâce aux
changements de protocoles, à la net democracy (les mêmes chances pour chacun au départ) et au
leveling (vous ne pouvez que progresser). Est-il utopique de transposer ses principes à la
psychothérapie ?
Suivi intensif
Les jeux online demandent un suivi régulier : on parle d’une moyenne de 25h/semaine. Cela peut aller
jusqu’à 70h/semaine. Ils ont encore l’avantage d’avoir un système anti drop-out efficace. Si vous
manquez, on vient vous chercher par l'intermédiaire de sollicitations sur votre boîte e-mail. Quel
système avons-nous pu développer pour éviter le drop-out ? Est-il suffisamment efficace pour les
patients ?
Récompense
Le mécanisme principal dans le jeu online fait appel au conditionnement et plus précisément au
renforcement positif aléatoire. Cela renforce le système de récompense. La récompense a pour base
un aspect social (relationnel). Comment appliquer ce mécanisme au sein des thérapies ?
Au regard de tous ces éléments, G. Thorens se pose une question :
Comment être attractif en tant que thérapeute face à ce système presque parfait ????
Résumé pour l’ASPCO
Daisy Joye
Cyberaddiction
Dans la suite de sa conférence, G. Thorens revient sur les notions de la cyberaddiction.
Selon lui, la cyberaddiction représente un ensemble de plusieurs aspects tels qu’un enjeu relationnel,
une étape à l’adolescence et une addiction. Notre conception dépend du modèle que l’on s’est
construit.
Les critères de la cyberaddiction selon Petry
- Le craving
- La tolérance
- Le manque
- La perte de contrôle
- La focalisation sur le produit
- La poursuite du comportement malgré les conséquences négatives
- Le mensonge
- L’escapisme (échapper à son environnement)
- Les conséquences sociales négatives
Lors de la thérapie on peut utiliser les mêmes principes que pour l’addiction aux substances. On
retrouve l’entretien motivationnel, l’abstinence versus la consommation contrôlée, la réduction des
risques et la prévention de la rechute. Cependant, il est important de pouvoir les adapter et réfléchir
à leur applicabilité.
Traitement
TCC
La TCC porte sur le double focus. D’une part sur l’activité online : observer, décrire, comprendre,
modifier les caractéristiques et le comportement dans la partie virtuelle. D’autre part sur l’activité
offline : le comportement et attitudes du patient dans la vie réelle.
Approches aspécifiques
Pour le traitement, on peut avoir recours à des approches aspécifiques telles que la psychoéducation,
la prévention (aussi bien structurelle qu’individuelle) et l’approche motivationnelle pour travailler
l’ambivalence.
Résumé pour l’ASPCO
Daisy Joye
« Bon usage du virtuel » (un peu de provocation)
G. Thorens revient sur certains principes avec un peu de provocation. Peut-on laisser un ordinateur
avec accès à internet sans surveillance, ni explication ? Est- ce que ça ne serait pas pareil que de laisser
une tireuse à bière dans la chambre d’un adolescent de 16 ans ?
Au contraire, le fait de passer du temps sur les jeux online est vivement décrié. Cependant, le risque
de mort ou de blessure semble plus faible que le risque de blessure dans le sport. Le sport est un
problème majeur de santé publique.
Objectifs thérapeutiques
Les buts à atteindre sont divers. Le patient peut viser une abstinence spécifique, une consommation
contrôlée ou une abstinence totale. En revanche il semble essentiel qu’il apprenne à faire la distinction
entre le réel et le virtuel. Quel attrait du réel par rapport au virtuel ?
Interventions spécifiques
Dans les moyens thérapeutiques, on peut avoir recours à l’évaluation des activités online (carnet de
consommation), à la mise en place des stoppeurs externes pour éviter l’automatisation (timer,
modifier l’environnement, supprimer son avatar, contrôle parental sur l’ordinateur). L’alliance
thérapeutique reste évidemment un élément central par rapport à ces interventions.
Compétences du thérapeute
Une chose est sûre. La plupart des thérapeutes ont moins de connaissances que les patients. C’est
l’occasion de laisser le patient nous décrire le jeu et sa relation avec ce dernier.
G. Thorens conclut son exposé par le fait qu’il considère que pour la cyberaddiction il s’agit plus d’une
nouvelle clinique sur des vieux mécanismes.
Pour ma part, je trouve que la 1ère partie de cette conférence nous pousse en tant que
psychothérapeute à nous dépasser. Sachons rester inventif, créatif, attentif pour offrir des prises en
charge ciblées, motivantes et adéquates pour nos patients. Inspirons-nous de ce que le virtuel propose
de bien pour améliorer les modèles thérapeutiques.
Rédigé par Daisy Joye