Republier « Mein Kampf
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les faits du mois LE PATRIOTE RÉSISTANT N° 904 - janvier 2016 Ne pas oublier Jargeau, Montreuil-Bellay, Saliers… Disparition Jacques Debord Jacques Debord est décédé le 2 décembre dernier à l’âge de 92 ans. Adhérent de longue date à la FNDIRP, il y occupa de nombreuses fonctions : membre de la présidence collégiale de la Fédération jusqu’en novembre 2013, il était également président de l’ADIRP des Hauts-deSeine et de la section de Clichy. Il fut aussi président de la Commission des Affaires juridiques et médicosociales et de la Commission mixte paritaire ainsi que de la Commission de gestion du centre médico-social Alice Grosperrin. Déterminé à lutter contre l’occupant nazi, Jacques Debord rejoignit la Résistance, au sein du réseau Turma Vengeance dont il fut agent de renseignement et de liaison. Il fut arrêté le 2 octobre 1943 à Paris, interné à Fresnes et Compiègne. Il fut déporté à Buchenwald par le convoi du 27 janvier 1944 puis transféré au Kommando de Schönebeck. Jacques Debord était officier de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme, de la Médaille de la Résistance et de la Croix du Combattant volontaire. Le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire a rendu hommage à Jargeau (Loiret) aux milliers de Tsiganes détenus en France pendant la guerre. La cérémonie du 15 décembre sur le site de l’ancien camp, l’un des plus importants par le nombre de Tsiganes internés et la durée de son fonctionnement (plus de 4 ans), a clos pour le gouvernement le cycle commémoratif du 70e anniversaire de la libération du territoire et de la victoire sur le nazisme. En décembre 1945, les nomades du camp d’internement de Jargeau, près d’Orléans dans le Loiret, étaient enfin libérés. Sept mois après la fin de la guerre, plus d’un an après la libération de la France… Le 70e anniversaire de cette libération si tardive a été commémoré le 15 décembre dernier lors d’une cérémonie à Jargeau, présidée par Jean-Marc Todeschini. Le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire est venu rendre officiellement hommage aux milliers de Tsiganes internés en France durant la guerre, et au-delà. Après une visite au Cercil (Centre de recherche et de documentation sur les camps d’internement dans le Loiret) à Orléans, M. Todeschini s’est rendu au col- 1941-1945 : des familles entières raflées et internées à Jargeau Construit initialement pour accueillir les réfugiés parisiens de l’exode, le camp de Jargeau situé à 20 km d’Orléans, ouvrit ses portes en mars 1941 sur ordre des autorités allemandes qui demandaient au préfet l’internement de tous les nomades. Des familles entières de Tsiganes et de forains furent raflées dans le Loiret, le Loir-etCher, l’Eure-et-Loir et le Cher et conduites à Jargeau qui demeura jusqu’au bout sous administration française. On estime à 1 200 le nombre de Tsiganes, dont environ 700 enfants, qui y ont été entassés, aux côtés de quelques centaines de détenus d’autres « catégories » : prostituées, étrangers « indésirables », droit commun, internés politiques ou administratifs. Les conditions de détention étaient déplorables, on y souffrait de la faim et du froid, la nourriture était dramatiquement insuffisante et les vêtements faisaient cruellement défaut. Plusieurs jeunes enfants y moururent faute de soins et de chauffage. Jargeau fut libéré le 16 août 1944 par les FFI - mais pas les Tsiganes qui durent attendre un an et quatre mois, décembre 1945, pour recouvrer la liberté. La méfiance, le racisme et les persécutions, séculaires, à l’égard de ces populations persistèrent durablement après le départ des Allemands, la fin du régime de Vichy et… le retour à la République. lège le Clos Ferbois à Jargeau, sur l’emplacement duquel se trouvait l’ancien camp, dont il ne reste rien. Seule une plaque, inaugurée en décembre 1991, rappelle qu’entre 1941 et 1945, 1 700 personnes y furent internées, dont 1 200 Tsiganes. « Je veux lire à travers cette plaque devant laquelle nous nous trouvons, l’histoire et les itinéraires individuels de tous les tsiganes internés dans les camps français : à Arc-et-Senan, à Fort-Barraux, à Saliers, à Mérignac, à Rivesaltes où les familles d’Alsace-Lorraine sont envoyées dès 1940, à Gurs, à Poitiers, à Montreuil-Bellay dont les quelques ruines appellent le passant au souvenir, et partout ailleurs », a déclaré M. Todeschini devant d’anciens internés et leur famille et les représentants des associations de Tsiganes et gens du voyage. « Je veux y lire plus largement le destin brisé des plus de 250 000 Tsiganes d’Europe exterminés pendant la Seconde Guerre mondiale » poursuivait-il, rappelant que le 26 avril 2015, Journée nationale de la Déportation, le président de la République avait dévoilé à Natzweiler-Struthof une plaque en mémoire « des déportés Roms tsiganes » morts dans ce camp « parce qu’ils étaient Roms tsiganes ». Hélène Mouchard-Zay, présidente du Cercil, a retracé l’histoire du camp de Jargeau. Associés à l’hommage, les 5 c ollégiens du Clos Ferbois ont ensuite interprété l’hymne des Tsiganes, Djelem, Djelem, et la Marseillaise. Utile rappel d’une histoire douloureuse et souvent oubliée en ces temps de méfiance et de rejet des « autres », dont les Tsiganes, les Roms, les gens du voyage… sont si s ouvent la cible. n Republier « Mein Kampf » ? Pour la première fois depuis 1945, « Mein Kampf », le livre fondateur du nazisme, paraît début janvier en Allemagne dans une nouvelle édition. Celle-ci est pourvue d’un important appareil critique établi par des historiens. Fallait-il republier cet ouvrage chargé de haine et des imprécations hitlériennes et dont la force symbolique demeure encore si forte ? Le 8 janvier paraîtra en Allemagne un ouvrage de 2 000 pages en deux volumes intitulé : Hitler, Mein Kampf. Eine kritische Edition. Cette édition critique du livre d’Hitler, vendue 59 euros, est publiée par l’Institut d’histoire contemporaine, un centre de recherche basé à Munich et Berlin. Elle a été réalisée par une équipe d’historiens, sous la direction de Christian Hartmann. Plus de 3 500 commentaires y occu peront une place supérieure à celle du texte d’origine. Ils visent à démythifier celui-ci, à le replacer dans son contexte, à expliquer la genèse des théories du dictateur et informer le lecteur de leurs terribles conséquences à partir de 1933 en Europe et dans le monde. Depuis 1945 le tristement célèbre best-seller d’Hitler n’a plus été publié en Allemagne – le Land de Bavière qui en détenait les droits i nterdisant Projet de couverture de la nouvelle édition allemande de « Mein Kampf » par l’Institut d’histoire contemporaine (Institut für Zeitgeschichte) de Munich. toute nouvelle publication en langue allemande. Cependant, comme tout autre écrit, Mein Kampf tombe dans le domaine public, 70 ans après la mort de son auteur. Ce sera chose faite au 31 décembre 2015. Consciente du danger que représenterait la publication non encadrée de ce livre qui continue de fasciner, la Bavière décidait il y a trois ans de confier à l’Institut d’histoire contemporaine la réalisation d’une version annotée. Depuis lors, les ministres de la Justice de tous les Länder d’Allemagne ont décidé d’interdire la publication d’éditions non commentées de Mein Kampf, même si l’ouvrage est désormais libre de droits. Nul besoin de voter de nouvelles lois, il suffit de recourir à celles existant déjà qui condamnent l’incitation à la haine raciale. Interdit de publication outre-Rhin pendant 70 ans, le manifeste hitlérien est loin pourtant d’être tombé dans les oubliettes de l’histoire. Il est demeuré pour les nostal- giques du IIIe Reich et les néonazis un objet de culte, un étendard. Depuis qu’Internet existe, il est disponible en ligne dans toutes les langues et souvent téléchargeable sur des sites généralement négationnistes ou violement racistes qui le présentent sous un jour positif et loue l'œuvre globale d’Hitler, dans des versions souvent expurgées et mal traduites. En revanche, il était impossible, jusqu’à présent, de s’en procurer une version complète accompagnée d’un appareil critique et pédagogique sérieux rétablissant les faits. Un manque scientifique anormal. Le débat mené en Allemagne pour ou contre la publication concerne également la France. L’éventualité d’une réédition française commentée par des historiens (à l’étude chez Fayard) divise les historiens, les politiques et les citoyens dans un contexte marqué par la montée de l’extrême droite et du populisme, et la libération des discours racistes et antisémites en France et en Europe. Pourtant Mein Kampf est déjà diffusé en toute légalité dans notre pays, par les Editions Latines, une petite maison d’édition qui a été titulaire des droits sur la traduction française de 1934. En 1979, la Cour d’appel de Paris a autorisé la vente compte tenu de l’intérêt historique et documentaire de l’ouvrage à condition qu’il soit assorti d’un texte de plusieurs pages mettant en garde le lecteur et rappelant l’immensité des crimes perpétrés sous l’autorité de son auteur. Document historique dont l’étude scientifique doit être favorisée à des fins pédagogiques ? Ou symbole du nazisme et instrument de propagande haineuse à bannir ? Qu’en pensent les lecteurs du PR ? I.M.