revue des laboratoires d`archéologie de l`université laval volume 1
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REVUE DES LABORATOIRES D'ARCHÉOLOGIE DE L'UNIVERSITÉ LAVAL SOUS LA DIRECTION DE ANNE-MARIE FAUCHER ET STÉPHANE NOËL VOLUME 1 NO 1 2013 i DROITS D'AUTEUR La Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval, ainsi que le site Internet des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval (http://www.laboarcheologie.ulaval.ca), ne réclament aucun droit d'auteur relatifs aux textes, aux images et photos, aux données et aux informations contenues dans les rapports soumis. Après la publication de la Revue, les auteurs conservent leurs droits en totalité sur le matériel qui a été publié. Les auteurs peuvent utiliser l'information de leurs rapports comme bon leur semble et peuvent également publier leurs données ailleurs. Le fait de publier les rapports d'analyses dans la Revue ne donne pas le droit à la Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval de vendre le contenu des rapports soumis. Puisque les auteurs restent propriétaires de leurs droits en totalité, aucune modification du texte ne doit être apportée sans leur consentement. Dans le cas où les informations contenues dans les rapports seraient utilisées, communiquées publiquement ou publiées, le crédit doit être attribué aux auteurs et le travail doit obligatoirement être référencé dans le texte et dans la bibliographie. Comment citer les rapports publiés dans la Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval. Nom et prénom de l'auteur. 2013. Titre du rapport. Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval, dirigé par Anne-Marie Faucher et Stéphane Noël, volume 1, pages. i TABLE DES MATIÈRES Droit d'auteur Table des matières Préface i ii iii Partie 1. Canada - Québec 1. Rapport d’analyses sur les perles blanches de ClFi-10. Adelphine Bonneau, Réginald Auger et Jean-François Moreau 1 2. Palais de l’Intendant : analyse comparative de deux niveaux de latrines. Frédéric Dussault 41 3. Le chert à Saint-Augustin-de-Desmaures : Comparaison géochimique d’échantillons en chert provenant du site archéologique CeEu-10 et de d’autres sites de la région de Québec. Isabelle Duval 54 4. Identification d'un macroreste botanique carbonisé, site archéologique Odanak (CaFe-7). Anne-Marie Faucher 93 5. Quartier des Spectacles, Montréal. Étude archéobotanique du site archéologique BjFj-148, des opérations 1 et 2 et de la supervision archéologique MTL08-25-03, sous-opération 3B. Anne-Marie Faucher 95 6. Une étude archéobotanique du site archéologique CeEu-18 dans le Vieux-Cap-Rouge, Québec. Anne-Marie Faucher 104 7. Analyse technologique des éléments lamellaires du site CeEu-10. Daphné Marquis ii 110 PRÉFACE Inaugurés en 2005, les Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval constituent l'une des plus grandes infrastructures de recherche en archéologie au Canada, avec une superficie de 1 500 m2. Ces laboratoires forment un milieu dynamique de transmission du savoir, où les étudiants des trois cycles peuvent interagir et collaborer avec les différents professeurs et chercheurs associés au programme d'archéologie. Au cours des huit dernières années, les étudiants et chercheurs des Laboratoires ont participé à de nombreux projets de recherche, allant de la Virginie jusqu'au Groenland, en passant par le Québec et Terre-Neuve. Dans le cadre de ces projets, les membres des Laboratoires ont fourni leurs expertises en archéobotanique, en archéoentomologie, en analyse géochimique et technologique du matériel lithique, en analyse archéométrique du verre et en zooarchéologie. Ce premier volume de la Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval englobe un échantillon des rapports d'analyses rédigés par les étudiants et chercheurs associés aux Laboratoires de 2009 à 2012. Il est divisé en deux numéros, le premier étant entièrement consacré aux analyses faites sur des sites archéologiques québécois. Le second numéro comprend des analyses effectuées ailleurs au Canada, ainsi qu'aux États-Unis et au Groenland. Le but de cette revue est de diffuser et de mettre en valeur la recherche spécialisée effectuée dans les Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval. Grâce à cette revue, ces rapports sont désormais disponibles à l'ensemble de la communauté scientifique. Anne-Marie Faucher et Stéphane Noël Québec, Février 2013 iii Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec – Bonneau et al. RAPPORT D’ANALYSES SUR LES PERLES BLANCHES DE CLFI-10 Adelphine Bonneau, Réginald Auger et Jean-François Moreau 2011, Université Laval et Université du Québec à Chicoutimi Analyse effectuée pour Bertrand Émard, Hydro-Québec Résumé Dix perles blanches provenant du site ClFi-10 ont été analysées afin de comparer les informations pouvant être obtenues par l’utilisation de différentes techniques sans altérer l’aspect général des perles. Les analyses par microscope, spectroscopie Raman, LA-ICP-MS et activation neutronique se sont montrées complémentaires et ont apportés de nouvelles perspectives pour la compréhension de la manufacture des perles de verre et de leur diffusion sur le continent nord-américain. Introduction nombreuses années par MM. Jean-François Moreau et Ron Hancock : l’analyse par activation neutronique (NAA), et ainsi de pouvoir faire une évaluation de la date de ces perles et de confirmer ou infirmer celle des archéologues. Le troisième était d’essayer de répondre à une question de l’archéologue sur la possibilité de faire des sous-groupes de perles, qui pourraient être liés à leur lieu de fabrication. Cette partie est relativement compliquée, car elle nécessite de pouvoir mesurer des éléments chimiques en très faible quantité dans la perle. En effet, si la recette du verre peut être la même dans différents ateliers, les ingrédients utilisés diffèrent toujours. Ceux-ci étant le plus souvent des minéraux, ils contiennent des éléments traces et notamment des terres rares, qui les lient à leur histoire géologique et donc à leur provenance. Ainsi, chaque production de verre possède une composition chimique bien précise. Ces marqueurs sont donc caractéristiques d’un groupe de perles et il serait alors possible de le suivre à travers les réseaux de distribution en place à la période historique. Pour cette étude, un corpus de 10 perles blanches a été choisi. Les perles blanches sont celles qui ont été le plus étudiées et ainsi, elles offrent une grande possibilité de comparaison. De plus, la perle blanche est le type le plus fréquemment retrouvé sur les sites amérindiens et ces perles sont potentiellement celles qui devront être étudiées sur les nouveaux sites découverts. Le petit nombre de perles Des perles provenant de la collection archéologique d’Hydro-Québec ont été confiées pour analyses physico-chimiques au laboratoire d’archéologie historique de l’Université Laval. Ces analyses ont été réalisées par Adelphine Bonneau, étudiante graduée (post-maîtrise) en archéométrie, sous la direction de Réginald Auger, professeur d’archéologie historique à l’Université Laval, et de Jean- François Moreau, professeur d’archéologie à l’Université du Québec à Chicoutimi. Les perles proviennent du site ClFi-10 fouillé en 2005, 2006 et 2007, dans le cadre du projet d’implantation de centrales à la ChuteAllard et aux Rapides-des-Cœurs. Ce campement amérindien a été occupé pendant plusieurs siècles, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque moderne et contemporaine avec un campement de bûcherons. Les 613 perles découvertes au cours des fouilles proviennent de couches ayant été datées entre 1600 et 1830. Elles sont de différentes tailles et couleurs (Archéotec 2006). Les analyses ont été réalisées pour répondre à plusieurs objectifs. Le premier était de faire un comparatif des résultats obtenus par différentes techniques d’analyse. Ainsi, il sera possible de choisir le ou les instruments nécessaires en fonction des interrogations soulevées par les archéologues. Le deuxième était d’appliquer la technique déjà utilisée depuis de 1 étudié est dû aux coûts relativement importants reliés aux analyses; cette étude de faisabilité nécessitant l’utilisation de différentes machines. Les analyses se sont déroulées en plusieurs temps : observations macroscopiques et microscopiques, analyses par spectrométrie Raman, analyses par LA-ICP-MS, analyses par NAA. Entre chaque analyse, des observations au microscope ont été réalisées pour suivre l’évolution de la texture en surface de chaque échantillon. grâce aux atomes d’oxygène qui se trouvent à leur coin. État des connaissances et études précédentes Figure 1 : Représentation d'un tétraèdre de SiO4 (http://tipezeolithes.wikispaces.com/Structur e, consultée en mai 2011). Cette partie se propose de faire une introduction générale sur le verre, sa définition et sa structure, ainsi que sur les études précédentes conduites sur des perles de verre de différentes époques et provenant de zones géographiques différentes. Le verre : définition et aspects physicochimiques Le verre peut être défini comme le résultat du refroidissement d’un liquide ayant entraîné une cristallisation rapide sans formation d’une structure ordonnée. La masse obtenue est homogène à l’œil nu, mais composée d’entités différentes à l’échelle de l’atome (échelle nanométrique) (Pollard et Heron 1996, Tournié 2009). Les verres étudiés ici sont formés principalement de silice, c’est-à-dire de sable ou de quartz concassé. Pour la suite de cette étude, il est important de connaitre la structure du verre, c’est-à-dire l’organisation des atomes entre eux. Le verre est constitué principalement d’atomes de silicium (Si) et d’oxygène (O). Ils sont liés ensemble sous forme d’une pyramide à trois côtés (Figure1), également appelée tétraèdre. Ces tétraèdres sont ensuite liés les uns aux autres et forment la structure du verre. Néanmoins, cette structure n’est pas ordonnée mais amorphe, c'est-à-dire que les tétraèdres se lient ensemble sans suivre un schéma précis (Figure 2). Les tétraèdres se lient entre eux Figure 2 : Différences entre structure ordonnée (cristalline) et structure amorphe (vitreuse) (rond blanc : oxygène, rond noir : silicium) (http ://www.linternaute.com/science/art-etscience/souffleur-de-verre/souffleurs-deverre.shtml, consultée en mai 2011). Il faut une température de plus 1700 °C pour réussir à faire fondre de la silice pure. Les artisans ont donc ajouté des fondants, pour diminuer la température de fusion de la silice. Ce sont principalement le sodium (Na), le potassium (K) et le plomb (Pb). Ces éléments ont la particularité de casser les liaisons entre les atomes d’oxygène et les atomes de silicium. Ils modifient la structure et la rendent plus facile à fondre (Pollard et Heron 1996). Le revers de cet ajout est que le verre formé est très fragile et peut facilement se dissoudre dans l’eau. Pour empêcher cela, des stabilisants sont ajoutés comme le calcium ou l’aluminium (Al) (Pollard 2 et Heron 1996)1. L’ajout de ces éléments engendre la formation de « trous » dans la structure et donc certains atomes d’oxygène sont libres. Ils ne forment de liaisons avec aucun autre atome. Ils sont appelés oxygènes nonpontants ; et ceux qui forment des liaisons, des oxygènes pontants (Tournié 2009). Le fait que ces atomes soient liés ou non va entrainer des différences dans le spectre Raman et donner des informations sur la structure du verre et sa fabrication. C’est ce que l’on appelle le « modèle des Qn » (Colomban 2003, Colomban 2004, Tournié 2009). Quand un tétraèdre n’est lié à aucun autre par ces atomes d’oxygène, il est appelé Q0. S’il est lié à d’autres tétraèdres par un, deux, trois ou quatre atomes, il est appelé respectivement Q1, Q2, Q3 ou Q4 (Figure 3). également le plus souvent rédigés par des hommes qui ne sont pas eux-mêmes verriers. A l’époque moderne, Haudicquer de Blancourt (1697), à la demande d’un noble, réalise un ouvrage de synthèse sur la manufacture du verre et les techniques de préparation des matières premières. Cet ouvrage est un des seuls à parler de la fabrication du verre à cette époque. Il mentionne également la fabrication de perles, mais qui ont pour but d’imiter des perles de culture et qui par conséquent ne sont pas fabriquées avec du verre, mais avec de la térébenthine, du vinaigre et des « semences de perles ». Il est fait également mention de rocaille qui est utilisée pour faire des décorations sur des vêtements, des colliers et des bracelets. Cela est vendu principalement aux paysans ou exporté vers les « Indes » ou l’Afrique. L’auteur ne fait pas mention des Amériques. Cette rocaille est fabriquée avec du sable très fin et de la mine de plomb. Il n’est pas fait mention d’ajout de sel ou autre fondant, le plomb étant certainement suffisant. Cet ouvrage apporte néanmoins un grand éclairage sur la manufacture du verre à la fin du XVIIe siècle. Selon l’auteur, le verre est fabriqué à partir de sable auquel on ajoute un sel tiré de cendres végétales et de la chaux. Ce mélange est fondu puis concassé pour faire de la fritte, puis à nouveau fondu pour devenir du verre. Les cendres de végétaux proviennent selon lui de plantes de bordures de mer ou de lacs salés, ou bien de plantes et d’arbres continentaux. Les cendres des plantes maritimes permettant de faire un verre plus beau que celles des plantes et des arbres continentaux. Des auteurs contemporains se sont penchés sur les techniques de fabrication des perles notamment Kidd (1979) et Karklins (1982). Ces chercheurs ont également mis en place des classifications (Kidd et Kidd 1972, Karklins 1982). Selon eux, il existerait deux façons de fabriquer des perles : par enroulement ou par étirement (Kidd et Kidd 1972, Kidd 1979, Karklins 1982). La technique de l’enroulement nécessite de fabriquer les perles une par une. Un fil de verre est préparé et chauffé à la température voulue. Le verre est Figure 3 : Représentation de la structure d'un verre archéologique et modélisation des Qn (http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosart/deco uv/00_outils/raman/04_savoirplus/media/schemaverreArt&Science.html, consultée en mai 2011). Connaissances des techniques de fabrication du verre et des perles à l’époque moderne Les écrits sur les techniques de fabrication du verre à l’époque moderne sont peu nombreux et sont souvent inspirés de livres plus anciens datant de l’Antiquité comme ceux de Pline, Flavius Josephe ou Vitruve. Ils sont Dans les temps anciens et modernes, les artisans devaient utiliser ces stabilisants sans le savoir, car ils étaient présents dans les matières premières : l’aluminium est présent dans le sable sous forme de feldspath par exemple (Dussubieux 2001). 1 3 enroulé autour d’un fil de métal préalablement recouvert de craie ou d’une substance semblable permettant de retirer plus facilement la perle. Il est possible d’ajouter autant de fils de verre que l’on veut. La technique de l’étirement nécessite deux personnes. Une bulle de verre est prise par une canne avec un trou au milieu. Cette bulle est soufflée puis elle peut être trempée dans du verre fondu pour augmenter son volume ou pour lui ajouter d’autres couleurs. Un deuxième homme met une tige de fer à l’autre extrémité et les deux hommes tirent dans des directions opposées jusqu’à ce que le verre soit froid. Il est possible de torsader le tube de verre pendant l’étirement pour créer un motif. Le tube est ensuite laissé à refroidir totalement avant d’être coupé en plusieurs morceaux pour obtenir des perles. À la suite de ces techniques, il est possible d’utiliser des moules ou de les façonner sur un marbre quand elles ne sont pas encore refroidies. Pour obtenir la forme ovale, le trou des perles est rempli avec du sable et du charbon de bois moulu. Elles sont ensuite placées dans un récipient métallique, chauffées en les secouant et nettoyées et polies dans un sac de son. Les textes anciens ne donnent pas beaucoup d’informations sur les techniques de fabrication du verre, car cet art et ses recettes étaient considérés comme des secrets et par conséquent étaient transmis par voie orale et très rarement écrits. les et une évaluation de la datation de certaines perles retrouvées dans des contextes non datés. Ces études ont également permis la mise en place d’une chronologie de l’utilisation des opacifiants dans les perles blanches (Sempowski et al. 2000, Moreau et Hancock 2010). Ainsi, si la perle est opacifiée à l’étain, elle peut être antérieure à la fin du XVIIe siècle. Si elle est opacifiée à l’antimoine, elle peut être datée entre le milieu du XVIIe siècle et la fin du XIXe siècle/début du XXe siècle. Enfin, si l’opacifiant est l’arsenic, elle peut être datée d’après le début du XIXe siècle. Une seule étude a pour l’instant utilisé une autre technique pour l’analyse des perles de verre : la fluorescence de rayons X (XRF) et le microscope (Shugar et O’Connor 2008). Ces deux techniques restent des analyses de surface et donc ne donnent de résultats que sur les premiers microns de la perle, contrairement à la NAA qui analyse la perle dans sa globalité. Cette étude a de plus nécessité la coupe des perles analysées pour obtenir le plus d’informations possible. Études dans le reste du monde Les études sur les perles et sur le verre en général dans le reste du monde ont été très nombreuses. Aux vues de l’étude et des outils utilisés, l’accent est mis sur des analyses réalisées par LA-ICP-MS et par spectromètre Raman, qui sont les instruments ayant permis d’obtenir un grand nombre de connaissances sur des perles de verre. Laure Dussubieux et Bernard Gratuze ont travaillé sur des perles de verre provenant d’Asie du Sud-Est et d’Inde. L’utilisation du LA-ICP-MS leur a permis d’apporter des informations sur les verres utilisés, sur leur manufacture (fondants, colorants, etc...) et de différencier les perles en sous-groupes pour pouvoir les suivre le long des voies de communication (Dussubieux 2001, Dussubieux et Gratuze 2003, Marchetti et Gratuze 2007, Dussubieux et al. 2008a, Dussubieux et al. 2008b). Pour cette dernière partie, les chercheurs se sont basés sur l’analyse des éléments traces et notamment des terres rares. Études dans le continent nord-américain Les analyses physico-chimiques de perles en verre sur le continent américain ont été pour la grande majorité menées grâce à l’analyse par activation neutronique (Hancock et al. 1996, Hancock et al. 1997, Hancock et al. 2000, Sempowski et al. 2001, Moreau et al. 2002, Herzog et Moreau 2006, Moreau et al. 2006, Moreau et Hancock 2010, Moreau et al. 2011). Il en est résulté une base de données contenant plus de 30 000 compositions de perles dont beaucoup sont datées. L’utilisation de cette technique d’analyse a permis des comparaisons entre la composition chimique des per4 D’un autre côté, Colomban et Tournié (2007), Prinsloo et Colomban (2008) et Tournié (2009) ont utilisé la spectrométrie Raman pour l’analyse des perles de verre. La forme des spectres leur a permis de connaître le type de verre (calcique, calco-sodique, potassique, etc.), de retrouver les matières colorantes utilisées et de séparer les verres en différents groupes à partir de leur indice de polymérisation (Ip) et du « modèle des Qn » (Colomban 2003, Colomban 2004, Tournié 2009). Ces méthodes ont montré leur efficacité pour différencier des verres de périodes très différentes, mais ont montré leur limite pour des verres de manufacture et de périodes semblables. Dans le cas de l’étude des perles sud-africaines, il a été nécessaire de recourir à une méthode complémentaire pour confirmer les résultats obtenus, la fluorescence de rayons X (XRF) (Prinsloo et Colomban 2008). Ces deux études, ainsi que les analyses réalisées en Amérique du Nord, constituent la base de la méthodologie de ce rapport. Elles ont parfois dû être adaptées aux objectifs et aux contraintes des perles de verre. Observations macroscopiques et microscopiques Des observations ont d’abord été réalisées sur les perles pour déterminer les endroits où les futures analyses allaient être réalisées, mais également pour voir si des particularités visibles pouvaient aider à un rapprochement de certaines perles. Observations macroscopiques Les perles sélectionnées sont de deux types, selon la typologie de Kidd et Kidd (1972) : IIa14 et IIa15. Elles ne présentent pas d’iridescence pouvant nous faire supposer une dégradation du verre. Elles ne semblent pas non plus présenter de dégradation mécanique (ligne ou creux dus à l’action du sol autour de la perle pendant son enfouissement). Les longueurs, diamètres, masses, volumes et densités des perles sont exposés dans le Tableau 1. Tableau 1 : Longueur, diamètre, masse, volume et densité des perles analysées. Échantillon T 16024 T 14653 T 16106 T 21518.1 T 22013 T 10444 T 19505.10 T 10520 T 10386 T 10378 Typologie Kidd IIa14 IIa14 IIa14 IIa14 IIa14 IIa15 IIa15 IIa15 IIa15 IIa15 Longueur (mm) Diamètre (mm) Masse (mg) Volume (mm3) Densité 4,40 3,04 4,00 3,38 4,02 9,10 8,54 7,92 7,62 5,10 4,20 4,06 3,56 3,34 3,48 4,12 4,76 5,18 4,31 4,00 116,7 69,4 83,6 55,7 74,3 193,2 277,2 245,5 150,6 133,8 61 39 40 30 38 121 152 167 111 64 1,9 1,8 2,1 1,9 1,9 1,6 1,8 1,5 1,4 2,1 Il est d’ores et déjà possible de classer les perles par catégorie de poids : quatre perles pèsent moins de 100 mg, trois entre 100 et 150 mg, une entre 150 et 200 mg et deux plus de 200 mg. Le volume permet de faire également une discrimination avec quatre perles entre 30 et 40 mm3, deux autour de 60 mm3, deux entre 110 et 130 mm3 et deux de plus de 150 mm3. La densité, quant à elle, ne permet une distinction qu’entre deux groupes : densité inférieure à 1,8 avec trois perles et densité supérieure à 1,8 avec sept perles. Néanmoins aucun de ces groupes ne comprend les mêmes perles. Les perles sont ensuite regroupées par couleur. Les perles montrent soit une couleur blanche mate (T14653), soit blanche brillante 5 (T16024, T16106, T21518.1, T22013, T10444, T10520, T10386, T10378), soit blanche orangé (T19505.10) (Figure 4). Figure 4 : Perles de couleur blanc orangé (T19505.10), blanc brillant (T21518.1), blanc mat (T14653). Les perles tubulaires de typologie IIa14 sont celles qui ont le poids et le volume les plus faibles (en dessous de 150 mg et 100 mm3), mais la densité la plus élevée (supérieure à 1,8). Les perles ovoïdes de typologie IIa15 ont un poids et un volume plus élevés (au-dessus de 150 mg et 100 mm3) et une densité plus faible (inférieure à 1,8). Seules deux perles T14653 et T19505.10 ont une densité de 1,8 et se placent donc à la limite entre les deux groupes. Ces deux perles sont également les deux qui ont une couleur différente des autres perles. L’utilisation du microscope permet d’aller plus loin dans ces observations. Figure 5 : Texture d’une perle en surface (magnification x200). Observations microscopiques Les observations au microscope ont été réalisées sous grossissement x200 et x500. Les textures observées montrent que les verres sont sains (aucune iridescence) et présentent peu de dégradations mécaniques (Figure 5). Une perle, de couleur blanc orangé, présente cependant une texture différente des autres : un réseau de trésaillures (Figure 6). Cette texture peut être due à une différence dans la composition du verre mais aussi dans sa fabrication, un refroidissement rapide du verre par exemple. Une perle présente également une dégradation chimique (T14653) (Figure 7). Cela est très certainement dû à son lieu d’enfouissement. Cette perle provient d’un remblai de la structure 4 qui a été identifié comme étant une cuisine ou un lieu de stockage. Il est possible que cette perle ait subi un chauffage. Figure 6 : Texture en écailles T19505.10 (magnification X200). De plus, comme elle provient d’un remblai, il est impossible de connaître ses conditions d’enfouissement antérieures pour déterminer d’où proviendrait cette dégradation. Elle pourrait provenir du sol, qui a été identifié comme un podzol ferro-humique (Archéotec 2006). Ce type de sol est à la fois très acide et peut contenir jusqu’à 50% de sels basiques (Agriculture Canada 1987). La partie acide du sol va modifier le réseau cristallin par étape en formant des fissures de plus en plus larges au sein du verre jusqu’à ce qu’une croûte microfissurée se forme. Les sels basiques vont dissoudre le verre de façon quasi-uniforme sans modification du réseau silicaté (Tournié 2009). Il est difficile d’évaluer quelles conditions sont 6 responsables de cette dégradation chimique, mais il serait possible de penser qu’elles sont dues aux sels basiques, car le verre semble « mangé » et non fissuré. De plus, la plupart des verres des perles sont calco-sodiques et sont très résistants aux attaques acides (Tournié 2009). Les dégradations du verre sont nombreuses mais présentent quasiment tout le temps le même processus. Tout d’abord, des piqûres apparaissent à la surface du verre, puis s’élargissent en cratères. Ces cratères se rejoignent à leur tour et forment une couche continue altérée et opaque (Tournié 2009). Cette couche altérée a été vue par de nombreux auteurs comme une couche de « gel hydraté riche en silice » (Pollard et Heron 1996). Néanmoins, l’étude récente de Tournié (2009) prouve que cette couche ne peut pas être considérée comme un gel à la fois par une présence trop faible d’eau et par une dureté beaucoup plus importante. Cette couche serait plutôt constituée d’une grande quantité de microfissures et serait très poreuse. n’est pas connu et possédait peut-être plus de sels basiques que le sol où les autres perles ont été retrouvées. Il est possible également que la perle possède un verre différent des autres perles et qui résiste moins aux attaques basiques. Les observations au microscope ont également montré que certaines perles tubulaires semblaient être constituées de deux couches : une blanche opaque et une transparente au-dessus. Cette dernière couche est beaucoup plus fine que la première (interne) (Figure 8). Elle mesurerait environ (200 µm). Figure 8 : Tranche d’une perle tubulaire semblant présenter plusieurs couches de verre. Selon Kidd (1979), il serait possible de connaître la technique de fabrication de la perle en fonction de la forme des bulles à la surface du verre. Si les bulles sont bien rondes, les perles ont été fabriquées par la technique de l’enroulement du verre. Si les bulles sont allongées, la technique était celle de l’étirement. Nos perles possédant des dégradations mécaniques et chimiques, il est très dur de pouvoir appliquer cette méthode. Néanmoins, une perle (T10444) présente des traces longues en surface, qui pourraient être dues à une fabrication par étirement (Figure 9). De plus, les perles T16024 et T21518 possèdent des bulles très rondes pouvant faire penser à une fabrication par enroulement (Figure 9). Notre proposition des techniques de fabrication reste une supposition, car certaines perles semblent composées de plusieurs couches et il est possible qu’elles aient été faites avec des techniques différentes. Figure 7 : Dégradations chimiques en surface de la perle. Il semblerait que seule la perle T14653 ait subi une dégradation chimique. Comme elle vient d’un remblai, son environnement original 7 rente des autres perles, que ce soit par sa couleur, la texture de son verre en surface ou sa densité. Elle semble donc réellement être à part. Les perles ont été divisées en deux groupes et quelques suppositions ont été faites sur leur technique de fabrication. Pour essayer d’avoir plus d’information sur leur composition, les matières premières utilisées et leur manufacture, des analyses ont été réalisées à l’aide de différents instruments : spectromètre Raman, LA-ICP-MS et NAA. Figure 9 : Bulles allongées et bulles rondes dans la matrice vitreuse. À la suite des analyses Raman et LAICP-MS, les perles ont été observées au microscope. La texture en surface reste inchangée. Seules les abrasions laissées par le laser sont visibles sous magnification d’au moins x200 (Figure 10). A l’œil nu, les perles ne présentent aucune différence. Analyses par spectrométrie Raman La spectrométrie Raman repose sur une interaction entre la matière de l’objet analysé et un laser. Ce laser (bleu, vert, orange, rouge ou dans le proche infrarouge) est focalisé sur une zone très petite de l’objet, environ 5 µm². La matière touchée va renvoyer une partie du laser. Elle est alors analysée par l’appareil qui la retranscrit sous forme de spectres présentant des pics. Ces pics correspondent aux liaisons interatomiques et donc aux molécules présentes dans l’échantillon. Le spectromètre Raman permet d’analyser la structure nanométrique de la perle. Il permet de savoir comment les atomes sont arrangés entre eux, de connaître les matières colorantes utilisées, etc. Cette technique a fait ses preuves dans diverses analyses réalisées en France et en Afrique du Sud sur des objets en verre de diverses natures, et notamment des perles (Colomban et Tournié 2007, Prinsloo et Colomban 2008, Tournié 2009). Le protocole appliqué ici est celui décrit dans la thèse de Tournié (2009) et qui a déjà été appliqué avec succès dans un certain nombre d’études (Colomban et al. 2006). Figure 10 : Ligne et trou après analyses au LAICP-MS. Ces observations ont permis de faire une première séparation entre les perles grâce à leur couleur, forme, poids, volume et densité. Deux groupes se distinguent : les perles tubulaires (IIa14) dont le poids et le volume sont les plus faibles (en dessous de 150 mg et 100 mm3) mais dont la densité la plus élevée (supérieure à 1,8) et les perles ovoïdes (IIa15) dont le poids et le volume sont plus élevés (au-dessus de 150 mg et 100 mm3) et la densité plus faible (inférieure à 1,8). En marge de ces deux groupes, qui présentent par ailleurs des couleurs et des textures de verre identiques (lisse, peu de dégradations mécaniques, pas de dégradation chimique visible), deux perles restent sans attribution : T14653 et T19505.10. La perle T14653 possède un verre dégradé en surface, ce qui peut expliquer sa différence de couleur et de densité. La perle T19505.10 est très diffé- Protocole et instrumentation Les analyses ont été réalisées avec un spectromètre Raman, modèle LABRAM 800HR (Horiba Jobin Yvon,Villeneuve d’Ascq, France) couplé à un microscope Olympus BX 30 à platine fixe. Le détecteur est un Open electrode CCD (1024 × 256 pixels), 8 refroidi par un élément Peltier. L’objectif était un objectif à longue focale x100. Un laser vert, 514.5 nm Argon (Coherent, INNOVA 70C Series Ion Laser, Santa Clara, CA) a été utilisé. Il a été choisi, après plusieurs tests, pour ses spectres peu fluorescents et intenses. Les autres paramètres de l’appareil étaient un trou (« hole ») de 200 µm et une fente (« slit ») de 100 µm. Les spectres ont été acquis avec un laser en puissance maximale, c’est-à-dire 5 mW, pendant quatre acquisitions de 10 à 20 secondes chacune. Les spectres ont été acquis de façon directe sur la surface, et sur la tranche de la perle dans le cas des perles tubulaires. Pour les tubulaires, des spectres ont également été enregistrés à différents endroits sur la tranche en suivant une ligne droite, pour avoir une estimation du profil de la perle, certaines perles semblant présenter plusieurs couches lors de l’observation microscopique. Le traitement des spectres a ensuite été réalisé avec les logiciels Excel, Crystalsleuth, Grams, Origin Lab Pro et JMP. Le premier logiciel a permis d’analyser les morphologies des spectres ainsi qu’à réaliser certains calculs. Crystalsleuth contient la base de données RRUFF, qui peut également être consultée sur Internet à http://rruff.info/. Il permet donc des comparaisons de spectres pour identifier des phases minérales. Grams a été utilisé pour l’analyse des spectres à proprement parler : aire sous les massifs, aire sous les pics, emplacements des pics, etc. Origin Labo Pro a été utilisé pour faire la déconvolution des spectres. Enfin, le logiciel de statistiques JMP a permis de réaliser les analyses en composantes principales. Le protocole d’analyses des spectres Raman avec les logiciels Grams et Origin Lab Pro suit celui présenté par Tournié (2009) et est détaillé dans l’Annexe 1. Résultats et discussion Le spectromètre Raman fournit des spectres présentant des pics liés à la matière dont est fait l’objet. Commençons par l’allure des spectres Raman enregistrés en surface des perles et non sur la tranche. Deux types de spectres ont été enregistrés : des spectres présentant une grande fluorescence et d’autres quasiment sans fluorescence (Figure 11). Figure 11 : Spectre avec fluorescence et spectre sans fluorescence (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). Une perle (T19505.10) sort une nouvelle fois du lot avec un spectre de verre très différent des autres sans fluorescence et présentant un pic important en début de spectre, ap- pelé pic Boson (Figure 12). Ce pic est caractéristique des verres à base de plomb (Tournié 2009). 9 Figure 12 : Spectre du verre de la perle T19505.10 (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). Les spectres enregistrés sur les tranches sont beaucoup plus difficiles à interpréter à cause d’une grande fluorescence et de la présence de deux pics attribués au carbone (1360 et 1580 cm-1). Ces deux pics peuvent provenir du verre lui-même (Colomban et Tournié 2011) en postulant que des cendres de plantes ont été utilisées comme fondant. Mais ils sont plus probablement le résultat d’une combus- tion d’une matière organique à la surface de la perle. En effet, les perles ont passé beaucoup de temps dans le sol et ont été de nombreuses fois manipulées avec les mains. Le laser vert est très puissant et peut donc brûler facilement les matières organiques qui vont se transformer en carbone et donc les pics du carbone seront enregistrés (Figure 13). Figure 13: Spectre du verre sur la tranche d'une perle (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). 10 un pic à 635 cm-1 pouvant être attribué à la cassitérite (SnO2) est enregistré mais uniquement sur les spectres présentant une grande fluorescence (Figure 14). Les spectres Raman enregistrés en surface ne montrent quasiment que des pics attribués au verre : un massif de déformation centré autour de 500 cm-1 et un massif d’élongation centré autour de 1000 cm-1. Seul Figure 14 : Spectre d'un verre (ligne de base et lissage réalisés par Grams) et spectre de référence de la cassitérite (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). La présence de cassitérite donne des informations sur l’opacifiant utilisé pour rendre ces perles blanches (Tournié 2009). Une perle ne correspond pas à cela, T19505.10. Elle présente en surface un pic à 537cm-1 (Figure 15). Il n’a pas été possible d’identifier de façon certaine ce pic mais étant présent dans tous les spectres enregistrés sur cette perle, il est possible de l’attribuer à l’opacifiant du verre. De plus, il se trouve dans le domaine de vibration (498-678 cm-1) des antimoniates de calcium (CaSb2O6 ou Ca2Sb2O7) (Husson et al. 1984) ce qui conforterait l’hypothèse que ce pic soit lié à l’opacifiant et qu’il corresponde à de l’antimoniate de calcium. Les spectres enregistrés sur les tranches montrent deux pics importants (sauf T10378) : un vers 483 cm-1 et un vers 636 cm-1 (Figure 16). Il serait possible d’attribuer le pic à 636 cm-1 à la cassitérite. Néanmoins, ce pic apparait uniquement lorsque l’autre pic à 483 cm-1 est également visible et leurs intensités semblent proportionnelles. Les deux pics semblent donc liés à la même espèce chimique et très certainement à l’opacifiant utilisé dans le verre. Le pic à 483 cm-1, qui oscille entre 482 et 485 cm-1 en fonction des spectres, est très proche d’un des pics principaux de la valentinite (Sb2O3), espèce minérale pouvant être trouvée dans la nature et ayant pu servir à la fabrication d’antimoniates de calcium (Lahlil 2008). De plus, des antimoniates de calcium ont été enregistrés par spectroscopie Raman sur des objets en verre du Musée National de Céramique à Sèvres : un verre provenant de Venise daté du XVIe siècle, un vase égyptien daté des VI-Ve siècles av. J.-C. et une porcelaine chinoise du début du XVIIIe siècle (Tournié 2009). Les spectres enregistrés montraient soit un pic vers 650 cm-1 (verre de Venise), soit deux pics : un vers 480 cm-1 et un autre vers 630-635 cm-1 (vase égyptien et porcelaine chinoise). Ces deux pics peuvent donc être attribués aux antimoniates de calcium. Des travaux de fabrication de verre coloré aux antimoniates de calcium seraient nécessaires pour pouvoir faire des tests 11 d’enregistrement de spectres Raman ainsi que des analyses structurales des cristaux pour connaître les espèces utilisées (matières premiè- res) et formées (cristaux dans la matrice vitreuse). Figure 15 : Spectre du verre de la perle T19505.10 (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). Figure 16 : Spectre Raman d'un verre sur la tranche d'une perle tubulaire (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). T19505.10 présente un pic à 130 cm-1, attribué à la présence de plomb dans le verre, ainsi que des massifs de déformation et d’élongation très différents (Figure 18). Ces formes ne sont pas référencées dans l’étude de Tournié (2009), mais un type de verre n’est pas présent dans son étude, le verre potassique. Après traitement des spectres avec Grams, comme détaillé dans l’Annexe 1, les spectres des verres apparaissent. En référence à l’étude de Tournié (2009), il est possible de dire que certains des verres étudiés sont calcosodiques à cause du doublet de pics à 950 et 990 cm-1 (Figure 17). Le verre de la perle 12 Figure 17 : Spectre d'un verre calco-sodique (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). Figure 18 : Spectre du verre de la perle T19505.10 (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman). Il pourrait donc être possible que ce verre soit plombifère et potassique. Mais il est impossible de le prouver à cette étape. Il est également possible de différencier des verres grâce à l’analyse de l’aire sous les massifs d’élongation (A1000) et de déformation (A500), ainsi que leur rapport appelé Indice de Polymérisation (Ip = A500/A1000). Ce dernier permet d’avoir une approximation de la quantité de silicium présent dans le verre et donc de déduire la température de cuisson utilisée pour sa fabrication (Colomban et Milande 2004, Tournié 2009). Dans ce cas, le problème de la présence des pics liés aux opacifiants a été résolu par la soustraction de l’aire de ces pics à l’aire du massif où ils se trouvaient. Un Ip maximum (comprenant tout le massif et les pics de l’opacifiant) et un Ip minimum (aire du massif-aires des pics de l’opacifiant) ont été calculés. Puis une moyenne des deux Ip a été réalisée. Le plus souvent cette moyenne correspond à l’Ip calculé sur des spectres où les pics des opacifiants n’apparaissent pas (Tableau 2). 13 Tableau 2 : Tableau des aires des massifs de déformation et d'élongation et des indices de polymérisation. Echantillon 10378 10386 10444 10520 14653 16024 16024 16106 16106 22013 22013 19505.10 21518.1 21518.1 Description surface surface surface surface surface tranche surface surface tranche surface tranche surface surface tranche Ipmoy 0,84 0,81 0,64 0,58 0,81 0,77 0,81 0,71 0,82 0,79 0,80 0,60 0,80 0,88 Dans ce tableau, deux groupes se dessinent : un groupe avec un Ip autour de 0,6 (T10520, T19505.10, T10444) et un groupe avec un Ip entre 0,8 et 1. L’Ip reste constant que le calcul soit fait en surface ou sur différentes parties de la tranche, ce qui indique une certaine homogénéité du verre. En s’appuyant sur l’étude de Tournié (2009), il est possible de déterminer la température de mise en œuvre du premier groupe à environ 600 °C alors que Max 500 579 576 573 576 577 571 571 567 568 566 560 460 556 562 Max 1000 1073 1076 1077 1072 1087 1096 1097 1098 1097 1098 1097 1024 1098 1096 celle du deuxième groupe serait plutôt d’environ 1000 °C. L’étude de Tournié (2009) utilise également les maximums de chaque massif ainsi que l’Ip pour faire une différenciation des verres. Les données ont été compilées dans un diagramme ternaire (Figure 19). Après un zoom sur la zone concernée, il est difficile de distinguer les verres les uns des autres, seul le verre de la perle T19505.10 semble être un peu à part. Figure 19 : Diagramme ternaire entre l'Indice de polymérisation (Ip), le pic maximum du massif d'élongation (Max 1000) et le pic maximum du massif de déformation (Max 500). 14 Une autre méthode a donc été appliquée en s’appuyant cette fois sur les pics présents dans le massif d’élongation avec le « modèle des Qn ». Pour cela, une déconvolution de chaque spectre a été réalisée avec le logiciel Origin Lab Pro telle que présentée en Annexe 1. Ce traitement nous permet d’avoir accès à l’aire et à la position du pic de chaque Qn. Entre trois et six spectres ont été traités par perle, puis les résultats ont été moyennés. Ces données ont été compilées dans un tableau (Tableau 3) puis traitées par analyses en composantes principales grâce à JMP (voir le protocole en Annexe 1) (Figure 20). Tableau 3 : Tableau des données obtenues par déconvolution des spectres. Spectres T22013 T21518 T19505.10 T16106 T16024 T14653 T10520 T10444 T10386 T10378 νQ0 786 783 797 787 787 779 775 779 779 778 νQ1 953 946 985 945 954 945 950 962 971 954 νQ2 1003 1010 1028 1003 1003 1004 1016 995 997 997 νQ3 1093 1097 1062 1097 1097 1094 1083 1084 1080 1082 νQ4 1148 1167 1153 1140 1172 1167 1166 1167 1164 1169 AνQ0 AνQ1 AνQ2 4981 19124 16672 7894 8200 24965 8236 56713 25900 7159 13004 36171 10446 28431 23924 17709 11073 78503 15656 119354 65395 25667 111733 71963 24139 70386 19430 19062 37006 19430 AνQ3 61396 61393 14396 86546 128077 112349 154673 196723 133461 135212 AνQ4 14355 12702 20264 20616 1337 16828 13847 19696 7548 23748 Figure 20 : Analyses en composantes principales des résultats des déconvolutions des spectres Raman. Cette analyse permet de faire à nouveau trois groupes : un avec la perle T19505.10, un autre avec les perles T16106, T21518, T22013, T16024, T14653 et un autre avec les perles T10378, T10386, T10520 et T10444. Ces groupes correspondent aux divisions déjà réalisées précédemment par la forme des spectres. Ici, les informations obtenues montrent de façon certaine que les verres sont différents, tout en appartenant à la catégorie des verres calcosodiques et peut-être plombifère-potassique, pour la perle T19505.10. En résumé, l’analyse Raman a permis de connaître le type de verre utilisé (calco15 sodique et peut-être plombifère-potassique), la température approximative de fabrication (600 °C et 1000 °C) et les opacifiants présents dans le verre : la cassitérite (à base d’étain) et les antimoniates de calcium. Les études des massifs d’élongation et de déformation n’ont pas permis une sous-division des groupes déjà formés par le type de verre et l’opacifiant utilisé. Il est tout de même à noter que l’analyse sur le « modèle de Qn » permet de différencier deux types de verre dans la catégorie calcopotassique. Ces deux types correspondent à deux opacifiants distincts et c’est peut-être ici l’explication de cette différence. Mais ils peuvent être aussi le résultat de deux périodes ou de deux ateliers de production. Il est pour l’instant impossible d’aller plus loin, car cela nécessiterait une base de données de spectres Raman des verres en Europe et en Amérique. Agilent 7700x, couplé à une double pompe primaire. Lors des analyses, un flux d’hélium haute pureté (650mL.s-1) dans la cellule d’ablation, puis un flux d’azote haute pureté (1mL.s-1) pour le transport du prélèvement ablaté vers la torche à plasma, ont été utilisés. Pour chaque échantillon, quatre lignes et quatre spots ont été réalisés. Pour les perles tubulaires, deux lignes sur la tranche ont été ajoutées. La taille du faisceau était de 25 µm, sa fréquence de 15 Hz et son énergie de 5 mJ. Le déplacement du faisceau dans le cas des lignes étaient de 5 µm.s-1. Il est impossible d’évaluer la profondeur atteinte dans le cas des spots car le laser pénètre plus ou moins profondément en fonction de la matière de l’objet. Avant chaque ablation, une pré-ablation était faite. Cela permettait d’enlever la couche supérieure du verre qui peut être dégradée. De plus, un blanc de gaz de 30 secondes est réalisé avant chaque analyse du spectromètre de masse pour connaître le bruit de fond de l’appareil et pouvoir le déduire. Les verres de calibration sont GSD-1 (USGS), NIST-610 et NIST-612. Le menu d’analyses choisi était le suivant : Na, Mg, Al, Si, P, Cl, K, Ca, Ti, Mn, Fe, Co, Cu, Zn, Sn, Sb, Pb, Li, B, V, Cr, Ni, As, Rb, Sr, Y, Zr, Nb, Ag, Ba, Ce, Au, Bi, Th, U, Nd, Eu, Lu (Voir Annexe 2). Ce menu s’est inspiré de ceux utilisés dans des études précédentes en Europe (Dussubieux 2001, Dussubieux et Gratuze 2003, Marchetti et Gratuze 2007, Dussubieux et al. 2008a, Dussubieux et al. 2008b) tout en ajoutant les terres rares Nd, Eu et Lu, sur conseils de M. Savard. Les données ont été réduites avec le logiciel IOLITE (Université de Melbourne). Ce logiciel nécessite néanmoins une approximation du taux de silicium (Si) présent dans le verre. Pour cela, l’indice de polymérisation calculé grâce aux spectres Raman a été d’une grande aide. Tel qu’expliqué plus haut, plus l’indice de polymérisation est élevé, plus le verre contient de silicium. Il a donc été possible d’estimer les valeurs suivantes pour les verres. Pour contrôler cette estimation, les taux de Ca et de Na ont été comparés avec les taux obte- Analyses par LA-ICP-MS Cette technique permet de connaître quels atomes sont présents dans l’échantillon analysé. Un laser très puissant permet de faire un micro-échantillonnage dans l’objet. Ce prélèvement est par la suite ionisé, c’est-à-dire que tous les atomes sont coupés les uns des autres, dans une torche à plasma. Ces atomes sont ensuite séparés dans le spectromètre de masse en fonction de leur masse et de leur charge électrique. Chaque atome sera détecté et un chromatogramme en résultera. L’aire sous le chromatogramme correspond à la quantité de chaque atome dans l’échantillon. Il est donc possible en analysant des points sur une ligne ou en « creusant » dans l’objet de connaître la répartition de la présence de certains éléments chimiques comme les opacifiants, par exemple l’antimoine et l’étain. Protocole et instrumentation Ces analyses se sont déroulées au laboratoire de géologie de l’Université du Québec à Montréal avec l’aide de Dany Savard et Paul Bédard. La machine utilisée était composée d’un laser ArF excimer 193 nm RESOlution M-50 et d’un spectromètre de masse à torche de plasma 16 nus par NAA. Si la différence était de l’ordre de 1%, l’estimation était considérée comme probante (Tableau 4). Tableau 4 : Tableau du taux de SiO2 évalué grâce à l'indice de polymérisation et au NAA. Nom de la perle T16106 T21518.1 T22013 T16024 T14653 T10378 T10386 T10520 T10444 T19505.10 Estimation SiO2 60% 60% 60% 55% 55% 50% 50% 50% 45% 40% Le taux de silicium utilisé est toujours le même pour chaque perle et ce, quelles que soient les données réduites (tranche, ligne, spot). En effet, les profils des chromatogram- mes et notamment ceux réalisés sur les tranches des perles tubulaires montrent que le taux de silicium reste relativement constant (Figure 21). Figure 21 : Chromatogramme du silicium sur la tranche d’une perle (X : temps en minutes, Y: intensité arbitraire). Résultats et discussion Le traitement des résultats peut se découper en deux parties : l’observation des chromatogrammes puis l’analyse des compositions chimiques observées. Les chromatogrammes ont été enregistrés pour chaque élément chimique. Il est donc possible de voir l’évolution du taux de l’élément en fonction de la zone analysée. Comme expliqué précédemment, lors des analyses sur les tranches des perles tubulaires, le taux de silice est resté constant. Par contre, les taux d’antimoine et d’arsenic ont changé de façon parfois très importante, formant des chromatogrammes avec des paliers (Figure 22). 17 Figure 22 : Chromatogramme de l'antimoine (rouge) et de l'arsenic (gris) sur la tranche d'une perle (X : temps en minutes, Y: intensité arbitraire). Lors des analyses en mode spot, des paliers ont été également enregistrés (Figure 23). Ils ne sont apparus que sur les perles tubulaires qui présentaient également des paliers lors des analyses sur les tranches. Comme il est impossible de connaître la vitesse d’ablation du laser dans le verre, il est impossible d’évaluer l’épaisseur des couches par cette technique. De plus, certaines perles ne montrent pas de paliers alors que les analyses en tranche en montrent. Ce qui indique que parfois le laser ne reste que sur la partie externe de la perle sans pouvoir accéder aux zones plus profondes. Figure 23 : Chromatogramme de l'antimoine (rouge) et de l'arsenic (gris) d'une perle en mode spot (X : temps en minutes, Y: intensité arbitraire). 18 Ces chromatogrammes semblent montrer qu’il y a trois couches de verre différentes dans certaines perles. Comme les taux de silicium, calcium et sodium restent relativement constants, il semblerait que le verre utilisé soit le même et que seul le taux d’opacifiant ait été augmenté ou diminué. Il est également possible de penser à une migration des éléments opaci- fiants dans la matrice vitreuse. Néanmoins une migration aurait entrainé plutôt un chromatogramme avec des pentes et non des paliers bien dessinés comme ici. Il est possible de calculer l’épaisseur de ces couches, car le laser réalisait une ablation de 5 µm.s-1 sur les tranches. Le calcul a donc été fait pour les cinq perles tubulaires présentant ces plateaux (Tableau 5). Tableau5 : Tableau des épaisseurs calculées des couches des perles tubulaires. Nom Couche interne (µm) Couche milieu (µm) Couche externe (µm) T16106 Tranche 1 720 65 110 T16106 Tranche 2 599 136 115 T21518.1 Tranche 1 702 55 93 T21518.1 Tranche 2 692 53 156 T16024 Tranche 1 808 136 140 T16024 Tranche 2 751 65 180 T14653 Tranche 1 711 69 166 T14653 Tranche 2 577 40 393 T22013 Tranche 1 579 55 121 T22013 Tranche 2 607 81 73 La couche du milieu et la couche externe sont d’épaisseurs relativement faibles en comparaison de celle de la couche interne. De plus, elles ne semblent pas être de la même taille en fonction de la zone analysée. On peut supposer que le verre de la première couche a été fabriqué et mis sur un morceau de métal, puis plongé dans un autre verre plus concentré en agent opacifiant, puis plongé dans un verre transparent. La composition de ces différents paliers a été analysée. Le taux d’antimoine est multiplié par deux entre la couche interne et la couche du milieu (de 5 à 10 % environ) et il est très bas dans la couche externe (environ 1 %). Le taux de calcium, qui est le même dans les couches interne et externe, augmente de 3-4 % dans la couche du milieu. Cela est très certainement dû à la présence d’antimoniates de calcium (CaSb2O6 ou Ca2Sb2O7) qui opacifient le verre. Au regard de l’augmentation du taux de calcium, l’antimoniate de calcium CaSb2O6 semble être l’espèce minérale utilisée. Les taux de magnésium, potassium et phosphore changent également de la même façon, mais ces variations sont minimes, de l’ordre de 0,5 % pour le magnésium et de 0,1 -0,2 % pour les autres. Cela peut être du exclusivement aux erreurs expérimentales de la machine. Les éléments traces montrent également des changements de la même façon que l’antimoine. Il s’agit de l’arsenic dans toutes les perles analysées, sauf dans T21518 où il s’agit du strontium et du baryum. Là encore, les proportions sont multipliées par deux environ entre la couche interne et la couche du milieu et l’élément disparait dans la couche externe. Il est alors possible de postuler deux origines différentes pour l’antimoine et donc peut-être également deux ateliers différents de fabrication. Les résultats globaux des verres sont à présent analysés. Il est possible de différencier trois types de verre : un verre plombifère et potassique opacifié à l’antimoine (T19505.10), un verre calco-sodique opacifié à l’antimoine (T16106, T21518.1, T16024, T14653, T22013) et un verre calco-sodique opacifié à l’étain et présentant un taux d’environ 10 % de plomb 19 (T10378, T10386, T10520, T10444). Il est tout à fait normal de trouver du plomb dans les verres opacifiés à l’étain, car Haudicquer de Blancourt (1697) explique dans son livre De l’Art de la Verrerie qu’il faut « douze livres de bonne fritte de Cristal, deux livres de chaux de plomb et d’étain, faite en portion égale et une demi-once de magnésie de Piémont » pour faire un verre de couleur lait. La magnésie de Piémont étant une poudre blanche à base de magnésium. À Fort Niagara (Shugar et O’Connor 2008), des analyses XRF sur des perles blanches avaient également révélé la présence d’environ 20 % de plomb (sous forme oxydée PbO) mais sans pouvoir identifier l’élément opacifiant. Pour essayer d’avoir plus d’information sur ces verres, des diagrammes ternaires des fondants ont été réalisés et comparés à ceux d’études précédentes (Dussubieux 2001, Tournié 2009). Il est possible de dire que la soude des verres calco-sodiques provient de cendres de plantes aquatiques ou alluviales et non d’une source minérale telle que le natron (Figure 24). Encore une fois, Haudicquer de Blancourt (1697) mentionnait dans son livre que pour faire le verre il fallait un « sel » extrait de cendres de plantes Kâli qui sont des plantes poussant selon lui aux bords de la mer et des lacs salés. Il mentionnait également la possibilité d’utiliser des cendres de plantes forestières comme la fougère. Dans ce cas, les sels obtenus sont à base de potassium et parfois de calcium (Tournié 2009). L’auteur ne mentionne pas l’utilisation du plomb pour fabriquer le verre, mais il semble qu’il ait été utilisé en plus des cendres de plantes continentales pour le verre de la perle T19505.10. Figure 24 : Diagramme ternaire des fondants dans les verres (résultats LA-ICP-MS) et digrammes ternaires de synthèse (Tournié 2009, p. 17). Que les données aient été obtenues en mode ligne, spot ou sur tranche, les résultats sont les mêmes sauf pour la perle T19505.10 où l’analyse en ligne donne un verre calco- potassique alors que l’analyse en spot montre un verre potassique. Cela est dû au fait que l’analyse en ligne est une analyse de surface. Le potassium est un des éléments les plus facile20 ment attirés par les attaques chimiques (Pollard et Heron 1996) et ainsi sa quantité en surface diminue. L’origine du fondant de ce verre ne change pas pour autant, il provient de cendres de plantes continentales. Mais aux regards des résultats précédemment obtenus par le spectromètre Raman, il semblerait que ce verre soit bien potassique et plombifère et non calcopotassique et plombifère. Des analyses en composantes principales ont été réalisées pour voir si des sousgroupes pouvaient être identifiés à l’intérieur des trois groupes précédemment définis. Pour cela, les données en mode ligne et en mode spot ont été séparées (Figure 26). Les données acquises sur les tranches ont également été analysées en fonction de la tranche au total (Figure 26), de la couche externe, de la couche interne et de la couche du milieu (Figure 25). Les éléments retenus pour cette analyse sont : Na, Mg, Al, P, K, Ca, Ti, Fe, Sn, Sb, Pb, Li, B, V, Mn, Co, Ni, Cu, Zn, As, Rb, Sr, Ba, Ce, Nd, Bi ; car ils ne sont pas en limite de détection. Il est possible de faire à présent des sous-groupes de perles. Pour les perles calcosodiques opacifiées à l’antimoine, deux perles sont à part T21518.1 et T14653, alors que les trois autres sont très similaires T16106, T16024, T22013. Pour les perles calcosodiques opacifiées à l’étain, deux sont similaires T10378 et T10444 et une autre semble se raccrocher de ce groupe, T10386. La perle T10520 est à part. Cette dernière perle possède néanmoins une similarité avec la perle opacifiée à l’antimoine T14653. Leur verre est en effet très semblable. Il est possible que ces deux perles proviennent du même atelier, mais aient été opacifiées avec des éléments différents à cause de la couleur voulue par l’artisan ou parce que leur époque de fabrication est différente. Enfin, la perle T19505.10 est à nouveau à part. Il est important de remarquer que ces sous-groupes se distinguent quels que soient le mode ou la zone d’analyse. Figure 25 : Analyses en composantes principales des verres sur la tranche des perles. 21 Figure 26 : Analyses en composantes principales des verres sur la tranche et en surface par les modes ligne et spot. La partie LA-ICP-MS a permis de distinguer trois groupes principaux de perles, puis des sous-groupes permettant de penser que leur lieu de fabrication n’était pas le même. De plus, il semble que cinq perles tubulaires possèdent trois couches de verre : une couche interne blanche, une couche intermédiaire avec une grande concentration en antimoine et une couche externe translucide. La taille de ces couches a été évaluée montrant que la couche interne est la plus épaisse (entre 600 et 800 µm) alors que les deux autres couches sont beaucoup plus fines (environ 50 µm). Les deux couches externes semblent également peu homogènes en taille, ce qui fait penser à un trempage de la première couche dans du verre liquide. a pu être obtenue et servira pour les comparaisons futures. L’analyse par activation neutronique permet de connaître les éléments chimiques présents dans le verre, tout comme le LA-ICPMS. La différence est que la NAA permet une vue globale de la composition de la perle alors que le LA-ICP-MS permet une analyse par zone : surface, tranche, trou, etc. L’analyse par activation neutronique nécessite de peser et mesurer les perles pour savoir combien de temps elles doivent être irradiées. En effet, la NAA consiste à envoyer un faisceau de neutrons sur l’objet pour créer des isotopes radioactifs. Ces isotopes radioactifs vont ensuite se désintégrer pour redevenir des éléments stables et vont émettre des rayons gamma. Ceux-ci ont une énergie propre à chaque élément chimique. Par l’enregistrement de ces énergies des rayons gamma, il est possible de connaître les éléments chimiques présents dans le verre et en quelle quantité. Analyses par NAA Les analyses par activation neutronique (NAA) ont été utilisées depuis plus d’une dizaine d’années par les archéologues nordaméricains pour l’analyse des perles de verre. Une base de données de plus de 30 000 perles 22 Protocole et instrumentation Les analyses ont été réalisées par M. Ron Hancock grâce au réacteur nucléaire de l’Université de McMaster. Le réacteur utilisé est de type piscine, c’est-à-dire que le cœur radioactif se trouve directement dans une piscine d’eau (Figure 27). Le cœur du réacteur est composé d’uranium enrichi. Des neutrons sont générés puis accélérés sur une ligne d’analyses spécifique. Les échantillons à analyser par activation neutronique sont envoyés via un réseau de tuyaux à la sortie de la ligne d’analyses. Les perles sont nettoyées puis fermées dans des tubes en plastique et envoyées par un réseau de tuyaux jusqu’au réacteur où elles sont irradiées par des neutrons. Le flux de neutrons est de 5 x 1013 neutrons.cm-2.sec-1. En fonction de leur taille, les perles sont irradiées plus ou moins longtemps : plus la perle est petite, plus le temps d’irradiation est long et inversement (Tableau 6). Figure 27 : Photos du cœur radioactif dans la piscine d'eau (http://mnr.mcmaster.ca/, consultée en juin 2011). Quatre à six minutes après l’irradiation, les perles sont mises dans un spectromètre gamma avec un détecteur à germanium hautepureté et la radioactivité induite est comptée pendant 3 minutes. Les éléments analysés sont : Co, Sn, Sb, Mg, Cu, Na, V, K, Al, Mn, Cl, Ca. Le lendemain, 24 heures après l’irradiation, la radioactivité induite des perles est à nouveau comptée avec le même instrument pendant 3 à 5 minutes. Les éléments analysés sont : Au, Sb, As, Mg, Na et K. Le sodium permet de faire le lien entre les deux analyses. Tableau 6: Temps d'irradiation pour chaque perle. Temps d’irradiation 10s 10s 10s 20s 20s 20s 30s 30s 30s 30s Nom de la perle T19505.10 T10520 T10444 T10386 T10378 T16024 T16106 T22013 T14653 T21518 Des éléments de référence sont analysés en même temps. Il s’agit de verre NBS, de verre avec des concentrations en antimoine connues et de morceaux de métal et de cuivre. sique opacifié à l’antimoine (T19505.10), un verre calco-sodique opacifié à l’antimoine (T16106, T21518.1, T16024, T14653, T22013) et un verre calco-sodique opacifié à l’étain (T10378, T10386, T10520, T10444). Des diagrammes ternaires ont été réalisés avec les données obtenues sur les fondants et comparées aux données de références trou- Résultats et discussion Les données obtenues permettent de réaliser trois groupes de verre : un verre potas23 vées dans les thèses de Tournié (2009) et Dussubieux (2001) (Figue 28). Comme les analyses par LA-ICP-MS l’avaient montré, le groupe de verre calcosodique a été réalisé avec de la soude végétale, c’est-à-dire provenant de plantes poussant aux bords des mers et des lacs salés alors que le verre potassique a été fabriqué avec des cendres de plantes continentales. Moreau (Sempowski et al. 2000, Moreau et Hancock 2010) a établi une chronologie des perles en fonction de l’opacifiant utilisé. Il serait ainsi possible d’attribuer les perles opacifiées à l’étain (T10378, T10386, T10520, T10444) au XVIIe siècle et les perles opacifiées à l’antimoine (T16106, T21518.1, T16024, T14653, T22013 et T19505.10) du milieu du XVIIe à la fin du XIXe siècle/début du XXe siècle. Par la suite, des analyses factorielles en composantes principales ont été réalisées avec la base de données contenant les analyses par NAA de plusieurs milliers de perles. Les compositions chimiques des perles étudiées ont été comparées avec celles de perles provenant de sites datés pour essayer d’avoir une estimation de leur date d’utilisation sur le continent nordaméricain. Une première analyse globale comparant tous les sites et tous les éléments chimiques enregistrés en NAA (Figure 29) permet de confirmer la distinction en trois groupes, qui sont aussi valables pour tous les sites dans la base de données. Néanmoins, les données étant très nombreuses, la lecture est relativement difficile. Des analyses ont donc été réalisées par période. De plus, seuls les éléments qui ont été enregistrés sans être en limite de détection ont été utilisés, c’est-à-dire Al, Ca, Cl, Na, K, Sn, Sb, As. Figure 28 : Diagramme ternaire des fondants dans les verres (résultats NAA) et digrammes ternaires de synthèse (Tournié 2009 : 17). 24 Les perles opacifiées à l’étain semblent dater de la fin du XVIe siècle (environ 1580) à la première moitié du XVIIe siècle (environ 1630-1640) (Figure 30). Les perles opacifiées à l’antimoine, sauf T19505.10 semblent dater de la deuxième moitié du XVIIe siècle (environ 1660) à la première moitié du XVIIIe siècle (environ 1750) (Figure 31). Dans les perles datées de la première moitié du XVIIIe siècle, il y a également des perles provenant du site de Grassy Island (1720-1744) qui semblent très similaires aux perles opacifiées à l’étain étudiées ici (Figure 31). Enfin, la perle T19505.10 semble pouvoir être datée de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle (Figure 30). Une grande similitude des perles est à nouveau remarquée entre les perles opacifiées à l’étain et certaines perles du site de Camp Kitchi (1836-56+) ainsi qu’entre nos perles opacifiées à l’antimoine et les sites de Fort Malden (1813), Dewar (environ 1830) et Camp Kitchi (1836-56+) (Figure 30). Ces similitudes peuvent s’expliquer par le fait que ce soit le même atelier qui ait fabriqué ces perles, mais à des époques différentes ou alors que ces perles proviennent du même lot de fabrication et ont été échangées de nombreuses fois depuis leur arrivée sur le continent nordaméricain. N’ayant pas ces perles à disposition pour faire des tests plus complets, notamment sur les éléments traces, il est impossible de connaître la réponse. De plus, il faudrait des références de perles en Europe, mais seul le site d’Amsterdam a, pour l’instant, révélé des perles dans un atelier de fabrication de verre (Karklins et al. 2002). Les analyses par activation neutronique ont permis de connaître une partie de la composition du verre, les opacifiants utilisés et d’avoir une estimation de l’âge des perles. Cette dernière reste parfois discutable, car des perles possédant des compositions similaires ont été trouvées sur des sites datés de périodes différentes. Figure 29 : Analyse factorielle en composantes principales de tous les sites et avec tous les éléments chimiques. 25 Figure 30 : Analyses factorielles en composantes principales des perles de sites datés de la fin du XVIe-début du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. Figure 31 : Analyse factorielle en composantes principales des perles de sites datés du XVIIe siècle. Discussion générale cements des archéologues. Le troisième portera sur la possibilité de comparaison entre les données apportées par la NAA et le LA-ICP-MS. En effet, si des résultats sont acquis par une autre technique, peuvent-ils être, malgré tout, comparés à la base de données déjà établie ? Cette partie s’articule en trois niveaux. Le premier portera sur une évaluation de l’ensemble des résultats obtenus et des connaissances apportées sur les perles étudiées. Le deuxième expliquera les différentes possibilités qu’offrent chacune des techniques utilisées : résultats et informations obtenues. Cela permettra de choisir la technique la plus appropriée en fonction des besoins et des finan- Les perles : leur composition et leurs techniques de fabrication 26 Les perles analysées ont été fabriquées avec un verre calco-sodique ou un verre plombifère et potassique, opacifiés avec de la cassitérite ou de l’antimoniate de calcium, très certainement sous sa forme CaSb2O6. Les perles opacifiées avec la cassitérite possèdent également du plomb (environ 10 % en masse d’élément). Tel qu’expliqué précédemment, l’ajout de chaux de plomb fait partie de la recette pour avoir un verre de couleur lait (Haudicquer de Blancourt 1697). L’utilisation d’antimoniate de calcium pour opacifier certaines perles pose un problème : l’antimoniate de calcium n’existe pas à l’état naturel. Il a donc fallu le fabriquer (Lahlil 2008, Tournié 2009). Plusieurs possibilités ont été avancées par Lahlil (2008) pour expliquer son origine : - L’ajout de cristaux : les cristaux d’antimoniates de calcium seraient synthétisés séparément par chauffage d’antimoine et de calcium puis introduits dans le verre à une certaine température. Cette étape nécessite néanmoins une surveillance et une connaissance aiguë des températures de mise en œuvre pour que les cristaux ne se dissolvent pas dans la matière. Des tests ont été réalisés en laboratoire et ont montré que la synthèse de cristaux d’antimoine de calcium, ainsi que leur dissolution dans un verre, serait très facile. - La cristallisation in situ : cette hypothèse est celle privilégiée par les scientifiques. Les cristaux d’antimoniates de calcium se formeraient pendant la fusion du verre. Seuls des oxydes d’antimoine ou de la stibine (Sb2S3) seraient ajoutés au verre. Les tests réalisés en laboratoire montrent que seuls les oxydes Sb2O4 et Sb2O5 permettent d’obtenir un verre opaque. Les autres formes et la stibine laissent le verre transparent. - L’ajout d’un « corpo » : un verre très concentré en agent opacifiant, appelé « corpo », est ajouté à un verre transparent puis chauffés. Dans ce cas, le verre blanc est obtenu par cristallisation in situ. Ces trois procédés produisent des cristaux différents (taille, forme, etc.) à l’intérieur du verre. Leur identification est possible mais nécessite de couper l’objet pour faire des sections polies, ce qui n’était pas réalisable ici. Le but de notre étude étant d’apporter le maximum d’informations sans que la perle ne change d’aspect visuel. Il a néanmoins été possible de proposer aux vues des résultats LA-ICP-MS que les cristaux formés sont de la forme CaSb2O6. Cette forme est la plus souvent rencontrée dans les études sur les verres de toute époque et correspond à un traitement thermique court, environ de 12 à 24 heures (Lahlil 2008). Pour ce qui est de la matière première utilisée, il est possible de proposer la stibine grillée qui permet de former des oxydes d’antimoine Sb2O4 et Sb2O5. Ces formes existent aussi à l’état naturel sous forme de métal. Les sources connues en France à l’époque moderne se trouvent en Auvergne, Provence et Normandie (Lahlil 2008). Shortland (2002) appuie cette idée de l’antimoine sous forme de métal ou de stibine par la présence d’arsenic comme élément trace. L’arsenic est un des éléments traces rencontrés pendant les analyses LA-ICP-MS réalisées mais pour une perle les principaux éléments traces étaient le strontium et le baryum. Sans possibilité de comparaison avec des sources minérales, il est impossible de conclure à une provenance précise de la matière première, mais il est certain que celle-ci provienne de deux sources différentes pour les perles de cette étude. Une autre question reste en suspend : la perle T19505.10 a montré un pic Raman à 535 cm-1 identifié comme appartenant à un antimoniate de calcium. Sa forme est forcément différente de celle des autres perles, mais il est impossible à cette étape des analyses de savoir de quelle forme il s’agit exactement. Cela nécessiterait des tests en laboratoire et des analyses approfondies notamment avec la diffraction de rayons X. Il est également possible que le procédé d’opacification joue un rôle dans le spectre Raman observé. Lors des analyses LA-ICP-MS, une couche plus concentrée en antimoine avait été découverte et interprétée comme une potentielle couche de verre intermédiaire. Les tests en laboratoire de Lahlil (2008) ont montré que 27 l’antimoine sous la forme Sb2O3, ne se cristallise en antimoniates de calcium qu’à l’interface verre-air. Les matières premières utilisées n’étant pas pures, plusieurs types d’oxydes d’antimoine sont présents et pourraient se cristalliser de différentes façons. Il serait ici intéressant de faire une section enrobée d’une perle, c’est-à-dire de la couper, pour observer la répartition des cristaux et leur stœchiométrie au microscope électronique à balayage. Il n’est donc pas possible pour le moment de conclure sur le fait que les perles soient bicouche ou tricouche. Les perles sont composées de trois types de verre : un verre plombifère et potassique opacifié à l’antimoine, un verre calcosodique opacifié à l’étain et un verre calcosodique opacifié à l’antimoine2. Pour former le verre plombifère et potassique, des cendres de plantes continentales et très certainement de la litharge ont été utilisés. Haudicquer de Blancourt (1697) mentionne l’utilisation de sels provenant de cendres de plantes et de bois. Les variétés qu’il est possible d’utiliser sont très nombreuses : fougère, chardon, sapin et pommes de pin, joncs, roseaux ou encore arbres et buissons épineux. Il est impossible pour la présente étude de savoir de quelle espèce exactement proviennent les cendres utilisées. Des analyses et des tests en laboratoire ont été réalisés et ont révélé que la composition des cendres était très différente en fonction des espèces mais également en fonction de la partie du végétal utilisée, ce qui rend très difficile l’attribution à une espèce particulière (Dussubieux 2001). Les verres calco-sodiques sont fabriqués à partir de cendres de plantes maritimes comme les algues. Haudicquer de Blancourt (1697) explique la façon dont le sel est récupéré. Les cendres sont achetées par les ateliers sous forme de poudre blanche. Elles ont déjà subi une première préparation consistant en plusieurs cuissons et séchages. La poudre obtenue est dissoute dans de l’eau et portée à ébullition avec ajout de tartre, qui semble être un composé de potassium et de carbonate. Par évaporation de l’eau, le sel se recristallise en cristaux « purs ». Les étapes de dissolution et de cristallisation sont répétées plusieurs fois. Puis, pour faire le verre, de la chaux est ajoutée à la fritte déjà formée à partir du sel et de sable ou de quartz. Les éléments chimiques présents dans le verre seront donc le calcium, le sodium, le chlore et le potassium. Ce sont ces éléments qui ont été enregistrés en majorité par les analyses. Le magnésium est également enregistré dans des proportions d’environ 1 à 2 %. Il peut provenir des cendres de plantes maritimes ou bien de la magnésie qui est parfois ajoutée selon Haudicquer de Blancourt. L’aluminium est également présent à environ 0,5 %. Cet élément est présent naturellement dans le sable sous forme de feldspaths, ce qui indique que la silice provient très certainement de sable et non de quartz concassé. Elle ne peut pas non plus provenir de feldspaths concassés car dans ce cas la proportion d’aluminium aurait été beaucoup plus importante, de l’ordre de plusieurs pourcents. Ainsi, le procédé de fabrication utilisé devait être très proche de celui décrit par Haudicquer de Blancourt. Il a été possible de montrer que deux verres calco-sodiques avaient été utilisés : un composé d’environ 10 % de NaO, 1 % de MgO, 5 % de K2O et 8 à 15 % de CaO (la variation du taux de calcium est due à la quantité d’antimoine utilisée pour opacifiée le verre) et un composé d’environ 8 à 10 % de NaO, de 2 % de MgO, de 2 à 4 % de K2O et 7 à 9 % de CaO. Ces deux types de verre doivent correspondre à deux manufactures ou périodes différentes. Cela a été confirmé par la comparaison entre ces données et celles de la base de données de Ron Hancock (Base de données communiquée personnellement par Ron Hancock 2011). Les perles opacifiées à l’étain semblent dater de la fin du XVIe siècle (environ 1580) à la première moitié du XVIIe siècle (environ 1630-1640). Les perles opacifiées à l’antimoine, sauf T19505.10, semblent dater de la deuxième moitié du XVIIe siècle (environ 1660) à la première moitié du XVIIIe siècle (environ 1750). Enfin, 2 Les éléments chimiques des opacifiants sont utilisés pour alléger le texte. 28 la perle T19505.10 (verre plombifère et potassique) semble pouvoir être datée de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle. Il a été également remarqué que des perles présentaient des compositions similaires sur des sites datées du XVIIIe et du XIXe siècle. Il est possible que ces similarités soient dues au menu d’analyses utilisé ne prenant en compte que certains des éléments majeurs et quelques éléments mineurs. Cela peut être également dû à une réutilisation des perles ou à un stockage long. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les datations données sont celles de l’utilisation des perles sur le continent américain. Il est possible d’évaluer à environ 10 ou 20 ans la durée entre leur fabrication et de leur utilisation. En effet, le verre a pu être fabriqué dans un pays, puis vendu à un fabricant de perles dans un autre atelier dans un autre pays. Les perles auraient pu être vendues et stockées avant de partir pour le continent américain. Cela signifie également que retracer la provenance des perles est quelque chose de très difficile, voire impossible. Grâce aux éléments traces, des sousgroupes ont pu être déterminés. Pour les perles calco-sodiques opacifiées à l’antimoine, deux perles sont à part (T21518.1 et T14653) et trois sont très similaires (T16106, T16024, T22013). Pour les perles calco-sodiques opacifiées à l’étain, deux sont similaires (T10378 et T10444) et une autre semble se raccrocher à ce groupe (T10386). La perle T10520 est à part des autres. Cette dernière perle possède néanmoins une similarité avec la perle opacifiée à l’antimoine T14653. Leur verre est en effet très semblable. Il est possible que ces deux perles proviennent du même atelier mais qu’elles aient été opacifiées avec des éléments différents à cause de la couleur voulue par l’artisan ou parce que leur époque de fabrication est différente. Enfin, la perle T19505.10 est également dans une catégorie à part des autres. À plus long terme, il serait donc possible par comparaison avec d’autres sites de pouvoir retrouver des groupes de perles qui ont été certainement fabriquées à la même époque et dans le même atelier, et ainsi de pouvoir retracer des routes de circulation. Avant cette étude, certaines perles avaient été analysées par fluorescence de rayons X (XRF) par la firme Archéotec. Ces analyses se sont focalisés que sur les opacifiants antimoine, étain et arsenic, et il est regrettable de ne pas avoir prêté attention aux autres éléments comme le calcium, le potassium, le silicium ou encore le plomb qui sont accessibles par la XRF et qui auraient pu apporter des informations complémentaires et des moyens de comparaison pour la présente étude. Les attributions des opacifiants sont en général les mêmes que celles enregistrées ici, sauf pour la perle T19505.10 qui serait composée de 3,6 % d’arsenic. Les présentes analyses n’ont montré que 14 ppm d’arsenic, soit environ 2500 fois moins qu’avec la XRF. Il y a très certainement eu une mauvaise interprétation de ce pic. En effet, deux pics de l’arsenic (Kα et Kβ) sont très proches de deux pics du plomb (Lα et Lβ). Les pics identifiés comme de l’arsenic devaient être ceux du plomb qui a été trouvé en grande proportion dans la perle T19505.10. Ce type d’erreur aurait pu être évité si l’opérateur avait regardé l’ensemble du spectre obtenu et non seulement la fenêtre du spectre qui l’intéressait; ainsi, il aurait remarqué un pic intense du plomb vers 3keV et non un pic vers 1keV comme cela aurait été le cas pour l’arsenic. La place des perles sur le site archéologique est également importante. Les perles T10520 et T14653 ont été retrouvées dans les remblais de la structure 4 dont la fonction devait être une cuisine ou un espace de stockage. Il est donc impossible de leur donner une date exacte par les éléments stratigraphiques. Par cette étude, ces perles ont été datées de la fin du XVIe siècle (environ 1580) à la première moitié du XVIIe siècle (environ 1630-1640) pour T10520 et de la deuxième moitié du XVIIe siècle (environ 1660) à la première moitié du XVIIIe siècle (environ 1750) pour T14653. Les sous-groupes réalisés montrent qu’elles n’appartiennent pas à un des groupes formés. Cela peut être dû au fait que la présente étude n’était basée que sur 10 perles mais 29 peut également révéler qu’elles appartenaient soit à un autre site dont la terre a été utilisée comme remblai, soit à une autre période sur le même site. Il faudrait plus d’éléments de comparaison pour pouvoir donner une attribution précise à ces perles. Les trois autres perles opacifiées à l’étain, T10444, T10386 et T10378, ont été retrouvées dans la même zone rubéfiée qui a été datée de la période 1600-1630. Leur datation est en adéquation avec les datations obtenues et ces trois perles semblent former un sous-groupe. Trois perles opacifiées à l’antimoine, T21518.1, T22013 et T16106, ont été retrouvées dans une zone datée du milieu du XVIIIe siècle par les archéologues. Les datations obtenues semblent donner une date un peu plus récente pour ces perles, autour de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Ces différences de datation sont néanmoins minimes et restent dans la période d’occupation française. Les analyses LA-ICP-MS avaient également montré que ces perles formaient un sous-groupe distinct, ce qui est confirmé par leur lieu de découverte. Enfin, les perles opacifiées à l’antimoine T16024 et T19505.10 ont été trouvées dans une zone datée entre 1675 et 1760. Ces perles se trouvent près du foyer 1H. Cette datation est la même que celle obtenue par la présente étude pour la perle T16024 mais elle est différente pour la perle T19505.10, qui serait datée de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle et qui donc se rattacherait à la période d’occupation par des bûcherons sur ce site. Il est également à noter que la datation par le radiocarbone de ce foyer est rapportée comme étant 140 ± 50 AA sans plus de détails quant à savoir si cette date est calibrée ou non, et quel est l’intervalle de confiance utilisé. Cette datation donnerait, si l'on considère qu’elle est calibrée, un intervalle de 1760 à 1860 qui correspondrait à la datation obtenue pour l’une des perles. Aux vues des résultats et des importantes différences de compositions entre les deux perles retrouvées sur cette aire de fouilles, il est fort probable qu’elle ait été utilisée au cours de deux périodes distinctes : entre 1675 et 1760, et entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. Cette étude a donc permis à la fois de corroborer des datations réalisées par les archéologues mais également de les discuter dans le cas du foyer 1H. Elle a également apporté la preuve qu’il était possible de distinguer des sous-groupes de perles par leurs éléments traces et que cela se retrouvait par leur emplacement sur le site. En effet, les sous-groupes réalisés correspondent aux perles trouvées sur des aires de fouilles et des couches différentes sur le site archéologique. Enfin, il a été possible d’identifier les compositions des verres, de proposer des matières premières utilisées (cendres végétales, antimoine sous forme de stibine ou de métal, sable, etc.) et d’évaluer la température de fusion du verre qui révèle des procédés de fabrication différents. Ces informations ont été obtenues grâce à l’utilisation de plusieurs techniques. Mais quelles informations ont apporté chaque technique et pour quel coût ? Les techniques utilisées : quel type de résultats, quelles contraintes et à quel prix La spectroscopie Raman a permis d’avoir des informations sur la composition de la perle (type de verre et opacifiants), sur la température de fabrication; cette technique a également permis de distinguer trois groupes principaux. L’acquisition des spectres dure environ de 30 à 45 minutes sur l’appareil mais l’interprétation des résultats nécessite entre une demi-journée et un jour entier par perle. La location de cette machine coûte 20$ l’heure si l’analyse est réalisée par le loueur lui-même. Ce qui signifie que ce genre d’analyses est très bon marché, soit environ 15$ pour une perle. L’analyse par LA-ICP-MS apporte également beaucoup d’informations : composition du verre, type d’opacifiants, quantification des éléments traces et répartition des éléments chimiques dans l’espace. Trois zones ont été identifiées : une transparente quasiment sans opacifiant, une zone très concentrée en opacifiant et une zone contenant deux fois moins d’opacifiants que la précédente. Cela donne des informations de plus sur la fabrication des perles, mais il a été impossible de déterminer si cette couche intermédiaire est une couche de 30 verre réelle ou si elle est due à une cristallisation favorisée à cet endroit particulier. La location de l’appareil coûte 500$ par jour avec l’aide du technicien. Une journée permet de faire environ 10 perles. Le traitement des données nécessite une à deux semaines pour une dizaine de perles. Par contre, il est possible d’obtenir les quantités d’environ 40 éléments chimiques pour chaque analyse, ce qui est considérable. Enfin, l’analyse par activation neutronique permet de connaître une partie de la composition de la perle. Grâce à la base de données réalisée par Ron Hancock et ses collaborateurs, il est possible de faire des comparaisons avec des perles datées et ainsi d'obtenir une date approximative des perles. L’analyse par activation neutronique nécessite deux jours d’analyses pour le menu analytique (éléments chimiques choisis) sélectionné. Il serait possible d’avoir plus d’éléments chimiques, mais il fau- drait pour cela plusieurs semaines, voire plusieurs mois, d’analyses ce qui rendrait le procéder trop onéreux. En effet, certains isotopes radioactifs ont des périodes de désintégration très longues et donc il faut attendre plusieurs semaines pour pouvoir les enregistrer. De plus, certains éléments, tels que le plomb, sont très difficile à identifier avec cette technique. Dans cette étude, le prix d’une analyse NAA par perle coûte 80$. Les analyses et les données sont réalisées et traitées par Ron Hancock. Les résultats sont donc directement exploitables lorsqu’ils sont envoyés. Le principal défaut de cette analyse est qu’elle crée des isotopes radioactifs qui rendent l’objet radioactif; il faut donc attendre plusieurs semaines, voire des mois, avant de pouvoir récupérer l’objet. Il arrive parfois que les isotopes créés ne soient pas ceux escomptés et qu’il faille attendre plus longtemps que prévu. C’est ce qui est arrivé au cours de la présente étude. Tableau 7 : Tableau comparatif des différentes techniques utilisées Techniques Résultats Coût et temps de traitement des données Inconvénients Spectroscopie Raman Type de verre Type d’opacifiants Séparation des types de verre Température de fabrication 10-15$ par perle Environ 6 à 12h de traitement des données par perle Analyses de surface nécessitant des zones de verre sain Pas d’information sur les quantités d’éléments chimiques Nécessité d’avoir des logiciels de traitement de données comme Grams ou Origin Lab 500$ pour 10 perles soit 50$ par perle Environ 1 jour de traitement des données par perle Nécessité de faire des prélèvements qui sont invisibles à l’œil nu Traitement des données très long Nécessité d’estimer la proportion de silicium et donc d’utiliser une autre technique d’analyse 80$ par perle Traitement des données compris dans le prix de l’analyse Objet radioactif après cette analyse. Ne peut pas être utilisé directement. Plusieurs semaines ou mois peuvent être nécessaires Menu d’analyses très réduit en comparaison du LA-ICP-MS LA-ICP-MS NAA Composition complète du verre Répartition des éléments chimiques dans la matrice Possibilité de faire des sousgroupes grâce aux éléments traces Composition partielle du verre Possibilité de datation grâce à la base de données de Ron Hancock Le Tableau 7 récapitule les résultats obtenus par chaque technique, leur coût et leurs inconvénients. Ce tableau montre bien que ces techniques sont complémentaires et que leurs coûts sont élevés si on enlève la spectroscopie Raman. Il a néanmoins été montré que le LA-ICP-MS et la spectroscopie Raman apportent le plus d’informations et se complètent particulièrement bien notamment pour l’évaluation du pourcentage de silicium. Malheureusement, le spectromètre Raman ne peut pas évaluer de façon assez précise le pourcentage de silicium. Il faudrait donc avoir recourt à la XRF ou au microscope électronique à ba31 layage couplé à un spectromètre de rayons X en dispersion d’énergie (SEM-EDS). D’un autre côté, les études réalisées jusqu’à présent l’ont été principalement par la NAA, ce qui a permis la mise en place d’une grande base de données. Serait-il possible d’utiliser cette base de données avec des résultats provenant d’autres techniques comme le LA-ICP-MS ? Cela est-il valable dans le cas des perles de verre archéologiques ? Les résultats ont été comparés sur les éléments qui n’étaient en limite de détection ni pour le LA-ICP-MS, ni pour la NAA, soit l’aluminium, le calcium, le potassium, le sodium, l’antimoine et l’étain. Les résultats ont été tout d’abord comparés entre eux et entre les types d’analyses du LA-ICP-MS : mode spot (trou en profondeur dans la perle) et mode ligne (trait en surface de la perle). Des pré-ablations ont été réalisées avant chaque analyse LA-ICP-MS pour enlever la surface qui pouvait être dégradée. Les résultats sont présentés sur les graphiques cidessous (Figure 32 et Figure 33). Comparaison entre les résultats LA-ICPMS et NAA La comparaison des résultats entre LAICP-MS et NAA a déjà été réalisée dans le cas d’analyses de roches en géologie, par exemple (Bédard et Barnes 2002, Flem et Bédard 2002). Ceux-ci ont montrés que les résultats obtenus étaient similaires et pouvaient être comparés. Figure32: Diagrammes comparatifs entre les données LA-ICP-MS et les données NAA. 32 Figure 33: Diagrammes comparatifs entre les données LA-ICP-MS et les données NAA. Les courbes de tendance montrent que les données pour les éléments potassium (K), calcium (Ca), aluminium (Al) et sodium (Na) sont similaires, car elles sont quasiment linéaires. Par contre, les données sur les opacifiants sont très différentes. Cela est dû aux techniques d’analyses elles-mêmes. En effet le LAICP-MS est une technique ponctuelle alors que la NAA est une technique globale. Comme expliqué précédemment, les perles sont composées pour la plupart de deux, voire peut-être trois, couches de verre avec des proportions d’opacifiants différentes tout en ayant un verre de composition similaire. Ainsi, le LA-ICP-MS n’évalue la quantité d’opacifiants que dans une ou deux couches, mais n’arrive pas à atteindre la totalité. De plus, comme il a été mentionné précédemment, les couches sont de taille différente en fonction du profil choisi. Des comparaisons ont été faites à partir des résultats sur les tranches des perles tubulaires (Figure 34). Figure 34 : Diagrammes comparatifs entre les données LA-ICP-MS (sur les tranches) et les données NAA. Cette fois, l’homogénéité est plus grande. Malheureusement, il n’est pas possible de réaliser ces analyses sur les tranches de toutes les perles car certaines sont ovoïdes et ne possèdent qu’une fine ligne de verre sur leur tranche. Pour ce qui est des autres éléments, c’est l’analyse en mode spot du LA-ICP-MS qui se rapproche le plus des données NAA. Ces données ont alors été comparées à la base de données de Ron Hancock pour voir si les datations seraient les mêmes (Figure 35). 33 Figure 35 : Analyses en composantes principales avec les données LA-ICP-MS et NAA. Les données NAA et les données LAICP-MS obtenues en mode spot sont très similaires et donnent quasiment les mêmes interprétations temporelles. Il serait donc possible de comparer les données obtenues par LAICP-MS à cette base de données. Néanmoins, cette étude n’est basée que sur 10 perles et il faudrait une comparaison avec un échantillonnage plus grand d’environ 100 perles pour confirmer que la comparaison est possible. Les résultats LA-ICP-MS et NAA sont très similaires et donnent pratiquement les 34 mêmes résultats en cas de comparaison avec la base de données de Ron Hancock. perles T16106, T16024 et T22013. Les deux autres perles étant à part. Il est à noter que la perle T14653 se rapproche beaucoup de la perle T10520 opacifiée à l’étain. Ces perles proviennent peut-être du même atelier mais ont été fabriquées à une époque différente, ou bien l’artisan a voulu donner une couleur différente aux deux perles. - Une perle (T19505.10) dont le verre est plombifère et potassique et opacifié par des antimoniates de calcium. Le fondant utilisé provient de cendres de plantes continentales. La température de cuisson de cette perle devait être de 600 °C. Elle semble être datée de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle. Il a également été possible de comparer les différentes techniques d’analyse à la fois pour leur coût, leurs résultats et le temps d’analyse nécessaire. Il a été montré que la spectroscopie Raman se révélait être une technique très bon marché et qui apporte un grand nombre d’informations sur le verre et les techniques de fabrication des perles. Elle ne permet qu’une différenciation en grand groupe et qu’une analyse de surface qui peut donc être influencée par les dégradations du verre. Pour séparer les perles en plus petits groupes, il faut utiliser le LA-ICP-MS, plus couteux (environ 50$ par perle) mais permettant de connaître la composition totale du verre, la répartition des éléments chimiques dans la perle et dans le cas des perles tubulaires, de distinguer des couches de verre différentes. Néanmoins, si les perles ne sont pas coupées, cette analyse reste également une analyse de surface. Il a également été montré que les résultats de cette technique étaient comparables à ceux obtenus par NAA, ce qui permet l’utilisation de la base de données de Ron Hancock pour faire des comparaisons et des essais de datation. La NAA, quant à elle, permet d’avoir une vision globale de la composition de la perle, et ainsi d’avoir une plus grande précision sur la concentration de certains éléments chimiques. Tout comme le LA-ICPMS, cette technique est capable de détecter le plomb, si celui-ci est en « grande » quantité (environ 5 %), et les terres rares. Néanmoins, l’analyse de ces éléments chimiques nécessite Conclusion Cette étude a montré qu’il était possible de diviser les dix perles en trois groupes principaux : - Un groupe dont le verre est calcosodique et opacifié par de la cassitérite (SnO2). Il contient également environ 10% de plomb, ajouté sous forme de chaux de plomb en plus de l’étain pour donner la couleur lait du verre. Le fondant utilisé provient de cendres de plantes aquatiques ou alluviales. La température de cuisson de ces perles devait être autour de 600 °C. Ce groupe semble être daté de la fin du XVIe siècle (environ 1580) à la première moitié du XVIIe siècle (environ 1630-1640). Il comprend les perles T10378, T10386, T10444 et T10520. Il a été possible de réunir les perles T10378, T10386 et T10444 dans un sousgroupe grâce à leurs éléments traces. La perle T10520 est à part. - Un groupe dont le verre est calcosodique et opacifié par de l’antimoniate de calcium, certainement sous la forme CaSb2O6. Le fondant utilisé provient de cendres de plantes aquatiques ou alluviales. La température de cuisson de ces perles devait être d’environ 1000 °C. Les analyses LA-ICP-MS ont révélé trois zones dans ces perles, qui pourraient être vues comme trois couches de verre. La zone externe est transparente et contient très peu d’opacifiants. La zone du milieu est très concentrée en agents opacifiants. La zone interne, zone la plus épaisse, contient deux fois moins d’agents opacifiants. Les zones interne et externe sont deux couches différentes de par leur composition. La couche du milieu pose plus de problème, car elle pourrait être le résultat d’une cristallisation favorisée à l’interface air-verre. Ce groupe semble être daté de la deuxième moitié du XVIIe siècle (environ 1660) à la première moitié du XVIIIe siècle (environ 1750). Il comprend les perles T16106, T22013, T14653, T21518.1, T16024. Grâce aux éléments traces, il a été possible de réunir les 35 un temps d’irradiation et de mesure beaucoup plus long, de l’ordre de six à huit mois. De plus, cela entraine des coûts d’analyses plus importants. Les résultats exposés ici prouvent qu’il est possible d’obtenir un grand nombre d’informations sur les perles de verre sans les couper. Néanmoins, certaines questions restent sans réponse, notamment, sommes-nous en présence d’une troisième couche de verre? Des tests avec une machine appelée Optical Coherence Tomography ont été tentés pour essayer de voir la structure interne de la perle. Malheureusement, les tests ont été infructueux. A présent, pour améliorer les protocoles nouvellement utilisés ici, il faudrait une étude plus vaste sur une centaine de perles provenant d’au moins deux sites différents, mais qui seraient liés aux mêmes peuples et aux mêmes périodes d’occupation pour essayer à nouveau de distinguer des sous-groupes de perles, puis essayer de les suivre de sites en sites. Sainte-Chapelle, Paris. Journal of Cultural Heritage 8, 242-256. Colomban P., Tournié A. et Bellot-Gurlet L. 2006. Raman identification of glassy silicates used in ceramics, glass and jewellery: a tentative differentiation guide. Journal of Raman Spectroscopy 37, 841-852. Colomban P. 2004. Raman spectrometry, a unique tool to analyze and classify ancient ceramics and glasses. Applied Physics A: Materials Science & Processing 79, 167-170. Colomban P., Milande V. 2004. 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Leur aire a donc été calculée avec la fonction Pic Fitting pour pouvoir la déduire de l’aire du massif dans lequel ce/ces pics étaient présents. Les spectres Raman ont été acquis grâce au logiciel Labspec. Ils ont ensuite été traités par Grams, puis par Origin Lab et enfin par JMP à partir des données acquises dans les deux logiciels précédents. Origin Lab Pro Le logiciel Origin Lab a été utilisé pour la déconvolution des pics. Les massifs 500 et 1000 comprennent plusieurs pics et ce logiciel permet de retrouver leur position et leur aire. Le massif 1000 a été le seul à être traité. L’outil Peak Analyser est sélectionné. La première partie nécessite une évaluation de la ligne de base. Bien qu’elle ait été traitée et soustraite auparavant, une autre ligne de base constante est nécessaire, car un seul massif est traité. Le logiciel calcule lui-même une ligne de base qui est la plus souvent adéquate, mais qui peut être corrigée par l’opérateur si besoin grâce à la fonction User Defined. L’outil cherche ensuite automatiquement les pics présents dans le spectre. Encore une fois, si des pics n’ont pas été trou- Grams Avec le logiciel Grams, la ligne de base a été enlevée en utilisant la méthode multipoints. Les points choisis étaient 300, 700, 850 et 1300 cm-1. Ensuite, le spectre était lissé grâce à la fonction Smooth. Puis les aires sous les deux massifs 500 et 1000 cm-1 étaient calculées grâce à la fonction Integrate. L’aire du massif 500 est calculée entre 290 et 720 cm-1 et celle du massif 1000 entre 720 et 1220 cm-1. Des pics, dus à d’autres matières présentes dans les verres, se sont ajoutés 38 vés, il est possible de les indiquer manuellement. Puis, la fonction Fit permet de faire une déconvolution du spectre en fonction des pics trouvés. Des données peuvent être rentrées sur les pics dans la partie Fit Control. Celles-ci seront prises en compte par le logiciel pour le Fitting. Dans le cas présent, les largeurs à mihauteur sont indiquées mais non fixées pour aider le logiciel. Les pics Q0, Q1 et Q2 ont une largeur à mi-hauteur de 50, Q3 et Q4 de 100. Le logiciel génère ensuite un tableau avec les aires, la position des pics, leur largeur à mi-hauteur et toute autre donnée demandée par l’opérateur (Tableau 8). fonctions Analyse Multivariée, puis Composantes Principales, sont sélectionnées puis le logiciel génère lui-même les résultats. Les facteurs 1 et 2 sont sélectionnés. Les graphiques, bien que pouvant être générés par JMP, ont été réalisés avec le logiciel Excel pour une plus grande facilité de représentation. Pour les analyses factorielles en composantes principales, les étapes sont les mêmes que précédemment. La fonction « Analyse Factorielle » est sélectionnée dans le menu déroulant. Il faut ensuite sélectionner « composantes principales » dans le tableau des options et les données sont générées. Les facteurs 1 et 2 sont enregistrés et les diagrammes réalisés avec Excel. JMP Le logiciel JMP est utilisé pour réaliser les analyses en composantes principales. Les Tableau 8 : Exemple de tableau généré par Origin Lab Pro. Peak Index 1 Gaussian 4676,21534 4676,21534 Area FitTP 3,34627 951,6763 951,6763 Max Height 49,1318 2 Gaussian 11570,2613 11570,2613 8,2796 992,96195 992,96195 98,72543 110,09864 3 Gaussian 22721,8551 22721,8551 16,2596 1093,22077 1093,22077 178,72394 119,43424 4 Gaussian 11549,1881 11549,1881 8,26452 1102,9262 1102,9262 116,05649 93,4867 5 Gaussian 2036,39843 2036,39843 1,45723 785,76982 785,76982 43,31514 44,16628 Peak Type Area Fit Area FitT 39 Center Max Center Grvty FWHM 89,41278 Annexe 2 : Tableau périodique des éléments Annexe 3 : Tableau récapitulatif des frais d’analyses Type d’analyses Spectrométrie Raman LA-ICP-MS NAA Total des frais d’analyses Coût ($CAD Temps passé Coût total ($CAD) 20 à 50 par heure 15 heures 360 500 par jour 82,49 par perle 1 jour 2 jours et 10 perles 500 824,90 1684,90 40 Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec - Dussault PALAIS DE L’INTENDANT : ANALYSE COMPARATIVE DE DEUX NIVEAUX DE LATRINES Frédéric Dussault 2008, Université Laval Projet étudiant Résumé Dans le cadre de l'analyse comparative de deux niveaux de latrines du Palais de l'Intendant (CeEt-30) à Québec, les restes entomologiques de deux échantillons de sédiments furent comparés. Les restes d'insectes trouvés dans ces deux lots (44B6 et 57C5) associés à des latrines, ont permis d'obtenir une meilleure compréhension des condition environnementales régnant sur le site au moment de l'occupation, ainsi qu'une meilleur compréhension de l'utilisation de ces deux latrines. Introduction vie des habitants du site lors des périodes d’occupation française et anglaise. Depuis de nombreuses années, l’Université Laval effectue des fouilles sur le site archéologique CeEt-30, aussi connu sous le nom de palais de l’Intendant. Lors des fouilles effectuées en 2004, une fosse a été mise au jour par l’équipe du chantier de fouille. L’analyse des macrorestes végétaux et des artéfacts trouvés dans ces couches a permis d’en venir à la conclusion qu’il s’agissait de latrines (Ponton et Prévost 2005 : 83-87). Ces latrines ne sont pas les seules qui ont été découvertes sur les lieux du palais. En 2007, à la suite des recommandations effectuées dans le rapport de Gaudreau et Taschereau, et dans le but de comprendre les modes de fabrication et d’utilisation des latrines du deuxième palais de l’Intendant, d’autres latrines ont été dégagées lors de la fouille de l’opération 57 (Alberton 2008 : 2). Des échantillons ont été prélevés lors de ces deux fouilles et conservés au Laboratoire d’archéologie environnementale de l’Université Laval pour des analyses ultérieures. Afin de mieux comprendre la nature des occupations de ce site, il est ici proposé d’étudier les restes entomologiques de deux lots des latrines, soit les lots 44B6 et 57C5. L’étude des restes d’insectes préservés en contexte archéologique permet de connaître les conditions environnementales dans et autour du site, en plus de permettre l’identification de certaines activités économiques (Elias 1994 : 107). L’analyse archéoentomologique de ces latrines servira à comparer l’économie et le mode de Méthodologie Les échantillons de ces deux latrines (Tableau 1) ont été traités selon la méthodologie traditionnellement utilisée en archéoentomologie. La première étape consiste à laver les échantillons afin de séparer et de recueillir les restes entomologiques contenus dans le sédiment. Un premier lavage est effectué à l’eau tiède afin d’enlever la fraction minérale présente dans l’échantillon dans le but de ne conserver que les éléments organiques qui composeront la fraction légère. Pour ce faire, il est nécessaire de désagréger l’échantillon dans de l’eau et verser répétitivement la solution sur un tamis géologique de 250 microns. Par la suite, la fraction légère, qui est demeurée dans le tamis, est mélangée avec du kérosène. Puisque cette substance adhère à la cuticule des insectes, il est possible de séparer les végétaux des restes entomologiques lorsque de l’eau est ajoutée au mélange. En effet, lorsque l’eau est ajoutée à la solution, les restes d’insectes sont entraînés vers la surface avec le kérosène et sont recueillis avec le tamis de 250 microns (Buckland 2000 : 18; Elias 1994 : 32). Avant de l’entreposer dans l’alcool, la fraction légère est nettoyée avec du savon pour enlever les résidus de kérosène. 41 Tableau 1 : Description des échantillons 44B6 et 57C5. Échantillon Volume de l’échantillon traité Volume de l’échantillon après traitement Description de la matrice du sédiment Échantillon 44B6 Échantillon 57C5 2 litres 2,5 litres 55ml fraction légère 150ml fraction légère 400 ml fraction lourde 625 ml fraction lourde Argileux, surtout composé de matière organique avec Très organique, composé d’argile des inclusions de petits cailloux, beaucoup de graines, avec des concentrations argileuses, (près de 45% de la fraction lourde), quelques os de beaucoup de bois et des fragments poissons et de mammifères. d’os. nota, car elles possèdent des caractéristiques permettant d’identifier les spécimens (Figure 1). Troisièmement, les restes entomologiques sont montés sur des cartes de microrestes paléontologiques. Par la suite, afin de procéder à l’identification, les parties d’insectes collées sont identifiées l’aide des clés d’identification taxonomiques utilisées en entomologie. Plusieurs clés sont disponibles, certaines plus générales, telles celles fournies dans le livre American Beetles (Arnett et Frank 2002 : 819-835), et d'autres plus spécifiques, se spécialisant dans un genre, telle la clé d’identification développée par André Larochelle, dans son livre Manuel d’identification des Carabidae du Québec (1976). Bien que de nombreuses clés soient disponibles, elles sont très peu adaptées au travail en archéoentomologie. Ces clés sont créées afin d’identifier des insectes complets, ce qui rend l’identification de parties séparées des corps d’insectes plus difficile, voire impossible. Afin de confirmer les identifications, il est nécessaire d’utiliser une collection de référence comprenant plusieurs spécimens d’une espèce attestée. Les caractéristiques morphologiques des spécimens archéologiques sont donc comparées à celles des insectes modernes aux fins d’identification. Figure 1 : Trox scaber, identification morphologique des éléments analysés, fragment de pronotum et élytre gauche (Bain 2007, Archaeoentomological analysis of samples from the 2005 African meeting house project). La seconde étape consiste à observer et à trier les restes entomologiques contenus dans la fraction légère avec un binoculaire à faible grossissement. Cette étude porte seulement sur les coléoptères, un choix qui est basé sur la taille de cet ordre, qui est le plus grand de la classe des insectes, sur la documentation disponible, ainsi que le manque de littérature scientifique sur les autres ordres préservés dans les échantillons. Les parties de coléoptères conservées sont les têtes, les élytres et les pro- Résultats et description des insectes analysés 42 Afin de pouvoir analyser l’environnement du site archéologique aux deux périodes étudiées, il est important de connaître les différentes niches écologiques des espèces identifiées, ainsi que leur niveau de relation avec l’homme. Les tableaux 2 et 3 illustrent la diversité des espèces et des familles d’insectes qu’il a été possible d’identifier dans les échantillons. Ces deux tableaux réunissent également les éléments anatomiques identifiés. Le NRe et le NMI ont été, par la suite, calculés en se basant sur ces identifications. molitor) durant son stade adulte (Larochelle et Larivière 2003 : 414). Dysticidae Les Dysticidae sont des insectes aquatiques, autant au stade larvaire qu’adulte. Toutes les espèces de cette famille peuvent voler afin de migrer d’un habitat à l’autre. Plusieurs espèces sont trouvées dans de petites étendues d’eau, sur le bord des lacs ou des cours d’eau. D’autres favorisent des milieux plus particuliers, des sources d’eau chaude aux cours d’eau froide de montagne. La plupart des espèces sont des charognards et des carnivores durant leur stade adulte (Arnett et Thomas 2001 : 159). Carabidae Les carabidés ne sont pas associés à des activités économiques. Néanmoins, leur présence fournit de précieux renseignements sur les conditions environnementales du site archéologique. Selon Bousquet (2000 : 75), leur présence dans les denrées entreposées est fortuite. Toutefois, il est important de noter que la plupart des adultes et des larves de cette famille sont des prédateurs (Campbell 1989 : 40). De cet ordre, deux genres ont été identifiés : Bembidion et Pterosthichus. Les Bembidion sont des insectes majoritairement hygrophiles, vivant près d’étendues d’eau. Leur nourriture de prédilection consiste en des insectes morts ou mourants (Lindroth 1969 : 207-208). Le seul membre de ce genre identifié à l’espèce est Bembidion versicolor. Cet insecte préfère des milieux variant des basses terres aux régions alpines. Cependant, comme les membres du genre Bembidion, il préfère les milieux hygrophiles, les bords d’étendues d’eau, les marécages eutrophes, les étangs, les lacs, les rivières à faible débit, les ruisseaux et les canaux d’irrigation (Larochelle et Larivière 2003 : 145). Deux autres Carabidae, du genre Pterostichus, ont pu être identifiés à l’espèce. Le premier, Pterostichus adistrictus, préfère des environnements semblables à ceux de Bembidion versicolor. Par contre, il est moins hygrophile, mais sa diète est principalement composée de larves de diptères. Le second, Pterostichus coracinus, se nourrit de Carabidae, de larves d’insectes immatures, ainsi que de vers de farine (Tenebrio Hydrophilidae Plusieurs Hydrophilidae sont aquatiques ou semi-aquatiques, mais quelques-uns vivent dans des feuilles en décomposition, des excréments d’animaux et dans le sol. Les adultes de plusieurs espèces se nourrissent de champignons, de matière végétale en décomposition, d’excréments et de matière animale. Les larves sont carnivores et cannibales. Les Hydrophilidae ne sont pas d’une grande importance économique et leur présence dans les produits entreposés est fortuite (Bousquet 1990 : 129). Une seule espèce d’Hydrophilidae a été identifiée, le Cercyon analis. Ce coléoptère se retrouve dans les environnements comportant de la matière organique en décomposition, particulièrement des débris de plantes et des piles de compost. Cet insecte est fréquemment trouvé dans des endroits humides, près de l’eau, sous des feuilles ou divers débris, ou sous des mousses (Smetana 1978 : 162-163). Histeridae Il est typique de trouver les Histeridae sous l’écorce d’arbres morts et dans la matière végétale en décomposition, la charogne, les excréments et dans des nids. L’adulte et la larve sont carnivores (Bousquet 1990 : 126). Une seule espèce d’Histeridae a été trouvée dans les échantillons analysés, soit le Gnathoncus rotundatus qui est associé aux nids d’oiseaux et aux charognes, en particulier celles d’oiseaux. Tou43 tefois, il est aussi possible de le trouver, quoique plus rarement, dans les excréments et dans la matière végétale en décomposition (Hinton 1945 : 335). dans l’un des échantillons, est celui des Micropeplidae, qui est associé à des milieux vaseux ou marécageux (Arnett Jr. et Thomas 2001 : 243). Tenebrionidae La famille des Tenebrionidae n’est que très peu représentée dans les échantillons analysés. Seule une espèce, Tenebrio molitor, a été identifiée. Son régime comprend les denrées animales et végétales, mais cette espèce a une préférence marquée pour le grain humide et en décomposition. Les dommages causés par cet insecte ne sont pas nécessairement attribuables à son alimentation, mais davantage aux excréments et exuvies qu’il laisse (Bousquet 1990 :170). En milieu anthropique, cet insecte est associé aux entrepôts et aux moulins à farine. Il consomme les produits en décomposition, mais aussi ceux qui ont subi un traitement, comme la farine ou d’autres produits céréaliers qui ne sont pas en décomposition. Il préfère les lieux humides et sombres, les silos à grain, les moulins et les entrepôts (Campbell 1989 : 391-392). Scarabaeidae Une seule espèce de Scarabaeidae a été retrouvée dans les latrines. Il s’agit de Trox scaber, qui préfère des endroits comportant des charognes et des déchets. Plusieurs éléments figurent dans sa diète, allant des rognures de sabot à la farine d’os et aux manteaux de laine (Vaurie 1955 : 29). Dermestidae Les Dermestidae sont trouvés communément sur les fleurs, les carcasses animales séchées, dans le nid de certains mammifères, d’oiseaux, d’hyménoptères sociaux et dans les demeures. La plupart des espèces se nourrissent presque exclusivement de matières animales, comme les os, la peau, la fourrure, la laine et la soie (Bousquet 1990 : 102). Cette famille est souvent associée aux denrées entreposées, plusieurs espèces causant des infestations dans les maisons et les musées (Campbell 1989 : 240). Une seule espèce de Dermestidae est identifiée au taxon. Il s’agit de Dermestes lardarius, dont les adultes et les larves se nourrissent de matières variées d’origine animale, entre autres les plumes, la peau, les cheveux, le jambon, le bacon, les viandes séchées et préparées, ainsi que les viandes en décomposition. De plus, selon Hinton (1945), quand D. lardarius est trouvé dans des entrepôts ou des silos contenant du cacao, des fruits secs ou des produits végétaux, il se nourrit probablement des autres insectes morts (Campbell 1989 : 241). Staphylinidae Les larves et les adultes de ce groupe d’insectes sont trouvés principalement dans les biomes terrestres. La plupart des Staphylinidae se nourrissent de petits arthropodes. Certaines espèces de cette famille se nourrissent de matière végétale en décomposition ou de champignons. Ces insectes ne sont pas nécessairement associés à l’entreposage, leur présence étant fortuite en ces lieux. Toutefois, ils sont indicateurs de lieux humides et de mauvaises conditions d’entreposage, là où prolifèrent des moisissures, ou atteste du signe d’une infestation par d’autres insectes (Bousquet 1990 : 175). Quedius mesomelinus est indicateur d’un milieu comportant de la matière végétale en décomposition (Smetana 1978 : 76-78). Il en est de même pour les représentants des Philonthina, Aleochaninae et Omalinae (Arnett Jr. et Thomas 2001 : 356-395). Sepedophilus testaceus est un Staphylinidae mycophage, donc il se nourrit de champignons (Arnett Jr. et Thomas2001 : 356). Le dernier groupe de cette famille, représenté Anobiidae Cette famille d’insectes est typiquement associée aux climats tropicaux, mais 70 espèces sont tout de même présentes au Canada. Les larves de plusieurs espèces de cette famille causent de grands dommages aux structures en bois. Deux espèces d’Anobiidae sont associées aux denrées entreposées (Bousquet 1990 : 57). En effet, le genre Ptinidae est représenté dans les échantillons par Ptinus fur, qui est commu44 nément trouvé dans les entrepôts, où il se nourrit de matières animales et végétales sèches et en décomposition (Campbell 1989 : 331). De plus, les Ptinidae sont associés à une faible salubrité des lieux, ajoutée à une accumulation de déchets (Bousquet 1990 : 156). Un second genre d’Anobiidae a pu être identifié à l’espèce : Microbregma emarginatum (Figure 2). Celui-ci est associé à l’écorce d’arbres (Arnett et al. 2002 : 255). ciées aux moisissures. Leur présence ne cause pas de dommage aux denrées, mais est plutôt indicatrice d’une humidité élevée (Campbell 1989 : 286 ; Bousquet 1990 : 129). Lathridius minutus est le seul coléoptère de cette famille qui a été identifié à l’espèce. Il s’agit du Latridiidae le plus communément associé aux denrées alimentaires entreposées (Bousquet 1990 : 137). Il se nourrit de champignons associés aux grains entreposés. Il n’est pas un facteur d’infestation primaire, mais sa présence est révélatrice d’autres micro-organismes causant le dépérissement des denrées (Campbell 1989 : 288). Curculionidae La famille des Curculionidae est une famille d’insectes se nourrissant exclusivement sur les plantes, que ce soit sur les racines en tant que larve ou sur les fruits ou les graines sous sa forme adulte. La plupart des cultures ont une espèce de Curculionidae qui leur est associée. Cette famille comprend les espèces les plus destructrices de denrées entreposées (Campbell 1989 : 161). Sitophilus granarius et Sitophilus oryzae sont les seules espèces de cette famille qui ont pu être identifiées au niveau taxonomique de l’espèce. Les adultes des deux espèces peuvent se nourrir autant de farine que de grains entiers, mais la larve ne peut se développer que dans les grains assez gros pour les contenir ou dans des matières affinées, telle la farine qui serait indurée. Sitophilus oryzae est un insecte capable de voler et sa reproduction peut s’effectuer dans les champs, lorsque le grain est récolté ou entreposé. Il peut causer des infestations sévères. Toutefois, cette espèce est tropicale et ne peut survivre dans un climat tempéré qu’en conditions protégées (Campbell 1989 : 226-227). Contrairement au charançon du riz (Sitophilus oryzae), Sitophilus granarius ne se reproduit pas dans les champs, mais dans les matières entreposées. La présence de ces insectes dans les denrées alimentaires, en plus d’augmenter la température, augmente l’humidité du lieu d’entreposage en raison de l’activité métabolique, ce qui provoque de plus amples dommages aux grains (Campbell 1989 : 224-225). Figure 2 : Tête et pronotum de Microbregma emarginatum. Cryptophagidae Cette famille d’insectes est régulièrement trouvée dans les bâtiments où l’on entrepose des denrées. Les adultes et les larves se nourrissent principalement de spores, d’hyphes et de moisissures. Ils n’ont donc pas un impact direct sur les denrées. Néanmoins, leur présence est associée à de mauvaises conditions d’entreposage, ainsi qu’à la présence des dites moisissures (Bousquet 1990 : 90, Campbell 1989 : 147). Latridiidae Plusieurs espèces de cette famille ont une distribution cosmopolite à cause de leur association aux produits entreposés. Toutes les espèces se nourrissent de spores et sont asso45 Cucujidae La famille des Cucujidae est représentée dans les deux échantillons par seulement une seule espèce, Oryzaephilus mercator. Néanmoins, O. mercator n’est pas reconnu comme une source d’infestation des céréales comme O. surinamensis. Il ne se trouve que sur les céréales ayant subi un traitement : avoine en flocon, farine, riz. De plus, dans le climat du Québec, cet insecte ne peut survivre, ni se reproduire hors d’un bâtiment (Campbell 1989 : 157-158). les Cercyon, dont Cercyon analis, sont eux aussi associés à ce genre de milieu et composent 5 % de l’assemblage, pour un total de 6 individus. Le type de débris végétaux déposé dans ces latrines était varié. Certains insectes, comme Microbregma emarginatum, les Staphylinidae de la tribu Philontina et Sepedophilus Testaceus, sont associés au bois, ce qui laisse croire que du bois était présent dans ces latrines. D’autres éléments végétaux semblent être représentés dans cet échantillon, comme des denrées alimentaires, puisqu’y étaient présents des insectes typiquement associés aux aliments entreposés. En effet, Sitophilus granarius, Tenebrio molitor et Ptinus fur sont des insectes typiquement associés aux denrées entreposées, tels les grains ou les denrées transformées, comme la farine. Toutefois, le nombre d’insectes associés à ce genre d’environnement est très limité : seulement 1 Curculionidae, 1 Tenebrionidae et 2 Ptinidae. Ces nombres sont insuffisants pour pouvoir préciser le niveau d’infestation des denrées alimentaires. La figure 4 illustre des denrées avec un haut niveau d’infestation. Vu le faible nombre d’insectes trouvés et leur état de préservation, il est peu probable que ces insectes furent consommé involontairement. Il serait probable que ces insectes furent piégés par la structure qu’est la latrine, les insectes pouvant se déplacer dans les bâtiments. Malgré le manque de données sur les infestations des denrées alimentaires, certaines informations sont tout de même disponibles sur les conditions environnementales. Plusieurs espèces et familles d’insectes identifiées dans l’échantillon suggèrent des conditions humides ou des moisissures et des conditions d’entreposage défaillantes. Des insectes comme les Cryptophagidae et Latridiidae sont des insectes qui se nourrissent de champignons et de moisissures. De plus, deux espèces d’insectes ont été identifiées : Lathridius minutus et Mycetea subterannea. Ils sont habituellement associés aux denrées entreposées en décomposition. Il est toutefois dit que ces insectes sont aussi présents dans des environnements naturels comme des caves et des maisons humides. Endomychidae Un seul spécimen de cette famille a été identifié, il s’agit d’un Mycetea subterannea. Il est occasionnellement associé aux denrées entreposées dans des silos, les moulins, les entrepôts et les caves. Il n’a pas d’effet direct sur les denrées puisqu’il se nourrit de champignons et de moisissures. Toutefois, il est un indicateur que les denrées sont moisies (Bousquet 1990 : 126). Interprétation des résultats Analyse des restes entomologiques de l’échantillon 44B6 Le NMI fut calculé après identification des restes entomologiques trouvés dans l’échantillon. Sur les 275 parties trouvées, 103 ont pu être associées taxonomiquement à une espèce de coléoptère. La distribution des parties d’insectes nous permet de calculer un NMI de 61 coléoptères différents pour cet échantillon (Tableau 2). La distribution des espèces de coléoptères identifiés pour cet échantillon est très diversifiée, ce qui permet d’obtenir des informations sur la composition et l’utilisation de ces latrines (Figure 3). D’autres insectes fournissent des informations sur les conditions environnementales. La présence de nombreux Staphylinidae (25 individus, 41 % de l’échantillon) permet de croire que ces latrines devaient comporter une grande partie de débris végétaux. Plusieurs insectes de cette famille ont des niches écologiques comportant ce type de milieu, entre autres les Aleocharinae, les Omalinae, les Staphylininae et les Anotylus. D’autres insectes, comme 46 Cryptophagidae 24% Anobiidae 3% Lathridiidae 18% Curculionidae 2% Cucujidae 2% Staphylinidae 41% Endomychidae 2% Tenebrionidae 2% Carabidae 1% Hydrophilidae 5% Figure 3 : Distribution des familles de coléoptères de l'échantillon 44B6. Analyse des restes entomologiques de l’échantillon 57C5 Le NMI a été calculé à partir de l’identification des parties d’insectes trouvées dans cet échantillon. Un total de 640 morceaux d’insectes est présent dans cet échantillon. De ce nombre, 425 furent associés taxonomiquement à une espèce, lorsque possible, ou à une famille de coléoptères. Sur ce total, il est possible de compter un NMI de 211 coléoptères (Tableau 3). L’analyse des restes entomologiques a permis de voir la diversité des familles d’insectes trouvés dans cet échantillon; cette répartition est illustrée dans la figure 5. Les niches écologiques de prédilection de plusieurs insectes portent à croire que les denrées entreposées dans ces lieux étaient infestées par des insectes nuisibles. Ces denrées, une fois infestées, étaient très peu attrayantes pour la consommation. Elles auraient donc été jetées dans les latrines. Cette conclusion est envisageable en considérant les niches écologiques de l’ensemble des insectes. Figure 4 : Denrées alimentaires infestées par des Curculionidae (http://www.cmis,csiro,au/mediapix/IMPpes tdatabase0402/BE0397.jpg, page visitée le 2 décembre 2008). 47 Curculionidae Cucujidae Carabidea Dysticidae 6% 1% 9% 1% Hydrophilidae 11% Lathridiidae 12% Cryptophagidae 16% Hysteridae 1% Tenebrionidae 0% Staphylinidae 26% Anobiidae 15% Dermestidae 1% Scarabaeidae 1% Figure 5 : Distribution des familles de coléoptères de l'échantillon 57C5. L’assemblage entomologique des latrines comporte un grand pourcentage (37 %) de Staphylinidae et d’Hydrophilidae. Les insectes de ces groupes préfèrent des milieux comportant de la matière végétale en décomposition. De plus, les Hydrophilidae, incluant les Cercyon analis, et les Dysticidae sont des insectes aquatiques, ce qui laisse supposer la présence d’eau près du lieu où les débris furent disposés. Tout comme pour les Curculionidae, il a été possible de trouver des élytres de Cercyon qui étaient peu sclérifiés, ce qui suggère qu’il y avait présence d’eau (milieu dans lequel les Cercyon se reproduisent), ainsi que de la matière végétale en décomposition. Disposer des denrées alimentaires n’était toutefois pas la seule utilisation de ces latrines. Il est en effet possible d’affirmer qu’elles étaient utilisées par les humains afin d’y faire leurs besoins, puisque des insectes comme Trox scaber et Gnathoncus rothundatus y ont été trouvés. Ceux-ci ont, dans leurs préférences écologiques, des milieux comportant de la charogne, mais aussi des excréments. La proportion d’insectes associés à des activités économiques, comme l’entreposage des grains, est élevée et compose 26 % de l’échantillon. Plusieurs Curculionidae, Anobiidae, Cucujidae et Tenebrionidae on été identifiés, dont certains au niveau de l’espèce : Sitophilus granarius, Sitophilus oryzae, Ptinus fur, Oryzaephilus mercator (Figure 6) et Tenebrio molitor. Tous ces insectes sont fortement dépendants de la présence humaine et d’entrepôts de nourriture, plus particulièrement de grains et de sous-produits de grains, telle la farine. Il est probable que la reproduction des insectes avait lieu dans ces entrepôts puisque certains élytres de ces insectes économiquement importants étaient peu sclérifiés. La sclérification des élytres se produit avec le vieillissement de l’insecte, ce qui implique qu’il y avait présence de jeunes Sitophilus granarius et Sitophilus oryzae (Figures 7 et 8), des insectes qui ne se reproduisent que dans le grain entreposé dans les conditions climatiques en vigueur dans la région de Québec. D’autres insectes viennent appuyer cette hypothèse : il s’agit des Dermestidae et des Carabidae. Ces deux insectes sont carnivores et se nourrissent d’insectes morts ou mourants, ce qui laisse supposer une faune 48 entomologique assez développée pour supporter des prédateurs comme Pterostichus adistrictus et P. coracinus, tous deux se nourrissant de stades larvaires d’insectes. tris sont fortement hygrophiles, ce qui vient renforcer l’hypothèse d’un point d’eau, hypothèse aussi suggérée par la présence des Hydrophilidae et des Dysticidae. Discussion En comparant les résultats obtenus par l’analyse archéoentomologique de ces deux lots des latrines, il est possible de voir des changements au du point de vue socio-économique chez les gens qui habitaient le site. Il semble que les habitants du site, lors de l’occupation française, ont connu des difficultés sur le plan de l’entreposage des denrées, ce qui a entrainé une infestation des denrées entroposées. Le sédiment analysé provenant des latrines permet de confirmer l’utilisation du lieu, et cela, sur une période de temps donnée. En effet, le lot 57C5 contient une grande quantité d’os d’oiseaux (1371), de fragments d’os de mammifères (499), de mollusques (48), d’os de poissons (16), ainsi que des fragments de céramiques diversifiées qui permettent d’associer l’utilisation de ces latrines à la phase d’occupation française. Toutefois, il est noté dans le rapport d’Alberton que des fragments de céramiques anglaises y ont été trouvés. De plus, le scellement de ces latrines n’a été effectué qu’entre 1768 et 1775, durant l’occupation anglaise. L’utilisation de ces latrines s’étend donc de 1722 à 1768 (Alberton 2008 : 17-20). La présence de plusieurs insectes dans l’échantillon 57C5 démontre qu’une importante faune associée à des infestations des denrées alimentaires avait élu domicile dans les lieux d’entreposage de cette période. Sitophilus granarius, Sitophilus oryzae et Ptinus fur peuvent causer de grands dégâts à ces denrées, en plus de favoriser, de par leur activité métabolique (Campbell 1989 : 224-225), des conditions amenant d’autres types d’insectes nuisibles comme les Cryptophagidae et Latridiidae, qui se nourrissent des moisissures engendrées lors de la dégradation des aliments (Bousquet 1990 : 80 et 129). Les analyses de la seconde latrine, 44B6, indiquent que les modes d’entreposage des aliments ont peu varié avec le changement de régime. De nombreux insectes associés à Figure 6 : Pronotum d'Oryzaephilus mercator. Figure 7 : Élytres de Sitophilus granarius à niveaux de sclérification différents. La présence de plusieurs autres insectes donne des indications sur les conditions environnementales dans le bâtiment où se trouvaient ces latrines. Plusieurs insectes des familles des Latridiidae et Cryptophagidae trouvés dans cet échantillon, laissent supposer que le lieu était humide, favorisant la croissance de moisissures et champignons. D’autres insectes, tels les Carabidae, sont de bons indicateurs du milieu environnant le site archéologique. Les insectes tels Bembidion versicolor et Patrobus lacus49 des endroits humides où les moisissures prolifèrent y ont été identifiés. En effet, des Cryptophagidae et des Latridiidae composaient une part importante des insectes analysés. Toutefois, il semble que leurs denrées alimentaires étaient en meilleur état que celles des gens vivant en cet endroit peu avant la transition, car un faible nombre d’insectes nuisibles y ont été trouvés, ce qui dénote de meilleures conditions d’entreposage des aliments. La composition du lot 44B6 est des plus diversifiées. Un grand nombre de graines d’espèces comestibles y ont été identifiées. Ces mêmes graines composaient près de 45 % du sédiment analysé. Étant donné la taille de ces graines ingérables, il a été conclu qu’il s’agissait de latrines (Ponton et Prévost 2005 : 94). Les artéfacts (verre à vitre, céramiques diversifiées et associées à l’alimentation, tissus, aiguilles, bouteilles et autres contenants d’entreposage) suggèrent une utilisation domestique de ces latrines, il pourrait simplement s’agir d’une fosse à déchets. La datation minimale, obtenue grâce aux artéfacts, se situe aux environs de 1810, et la datation maximale vers 1820. Ces latrines auraient donc été utilisées sur une période de 10 ans. Toutefois, selon Ponton et Prévost (2005), la faible quantité d’os trouvé (33) n’est pas cohérente avec l’utilisation des latrines, où il était d’usage courant d’y disposer des os (Ponton et Prévost 2005 : 94-95). Lors des premières étapes de l’analyse archéoentomologique, il a été possible de constater une différence majeure entre les deux échantillons. Le nombre d’insectes trouvés et analysés pour l’échantillon 57C5 est près de quatre fois supérieur à celui de 44B6, pour une quantité de sédiment analysés identique. Il serait possible de croire que cette différence est attribuable à une préservation différentielle. Cependant, en regardant l’état des éléments anatomiques de l’échantillon 44B6, il est facile de constater qu’ils sont dans un excellent état de préservation. Des échantillons ayant une préservation défaillante comporteraient des restes d’insectes dont les des éléments anatomiques seraient fragmentés. Figure 8 : Élytres de Sitophilus oryzae. De plus, si l’on considère que l’échantillon 57C5 fut associé à une utilisation prolongée des latrines, ce qui est visible dans sa composition entomologique, ses artéfacts et ses écofacts, l’échantillon entomologique du lot 44B6 est inconsistant avec une utilisation prolongée des latrines. Les macrorestes botaniques trouvés dans cet échantillon indiquent la présence de matière fécale, toutefois les insectes associés à ce contexte ne semblent pas indiquer un milieu de latrine. En considérant l’ensemble de ces éléments, il paraît probable que la citerne récupérée pour être des latrines par les Anglais (Ponton et Prévost 2005 : 83-90) n’a été utilisée que sur une très courte durée et, par la suite, utilisée comme fosse à déchets. Cette hypothèse est vérifiable par la composition de 50 l’échantillon entomologique, formé de décomposeurs et de très peu d’insectes associés à l’homme, l’absence d’os et la quantité impressionnante d’artéfacts retrouvés dans ce lot. En conclusion, pour pouvoir obtenir un portrait plus complet de la situation socioéconomique de ce site, il serait important d’analyser les autres lots de ces deux latrines, cela afin de percevoir les variations durant toutes les périodes d’utilisation de la structure. Il faut se rappeler que ces latrines ne sont qu’une petite fenêtre temporelle sur l’occupation de ce lieu. En analysant d’autres pièces associées à ces époques, il serait possible de mieux comprendre le contexte socio-économique, les conditions environnementales dans et autour du site lors de ses différentes périodes d’occupation. Conclusion Les résultats de cette analyse indiquent une amélioration de la qualité des denrées alimentaires utilisées entre les deux époques, le nombre d’insectes nuisibles en apportant la preuve. Cette amélioration s’est faite sans toutefois changer les conditions dans lesquelles les denrées étaient entreposées. Les lieux étaient humides et peu appropriés à l’entreposage des grains. Tableau 2 : Distribution taxonomiques des insectes de l'échantillon 44B6. Tête Carabidae Carabidea indet. Hydrophylidae Cercyon analis (Paykull) Cercyon indet. Tenebrionidae Tenebrio sp. Staphilinidae Sepedophilus testaceus(Fabricius) Micropeplidae indet. Staphilininae indet. Anotylus indet. Aleocharinae indet. Omaliinae indet. Philontina indet. Anobiidae Ptinus fur(Linné) Cryptophagidae Atomaria spp. Cryptophagus indet. Cryptophagidae indet. Latridiidae Latridius minutus (Linnaeus) Latridiidae indet. Corticaria sp. Curculionidae Sitophilus granarius(Linné) Cucujidae Cucujidae indet. Endomychidae Mycetea subteranea(Fabricius) Indeterminate species Total Pronotum Élytre Droite Élytre Gauche NRe NMI 1 1 1 4 1 2 1 1 1 1 9 2 25 3 4 1 1 6 2 10 2 3 1 4 2 2 3 4 3 6 9 9 3 8 4 5 7 4 12 2 2 7 2 1 1 2 1 1 1 2 1 1 1 2 105 1 62 1 1 2 1 1 1 6 2 8 1 10 2 3 2 1 1 2 2 4 1 1 8 1 1 3 3 2 2 1 1 1 51 Tableau 3 : Distribution taxonomique des insectes de l'échantillon 57C5. Tête Carabidae Bembidion versicolor(LeConte) Pterostichus adistrictus(Eschscholtz) Pterostichus coracinus (Bonelli) Patrobus cf. lacustris (Darlington) Patrobus sp. Bembidion sp. Carabidea indet. Dysticidae Dysticidae indet. Hydrophylidae Cercyon analis(Paykull) Cercyon indet. Hydrophilidae indet. Histeridae Gnathoncus rotundatus(Kugelann) Tenebrionidae Tenebrio molitor (Linnaeus) Staphilinidae Quedius mesomelinus(Marsham) Staphilininae indet Philontina indet. Omaliinae indet. Aleocharinae indet. Scarabaeidae Trox scaber (Linné) Scarabaeidae indet. Dermestidae Dermestes lardarius(Linnaeus) Dermestidae indet. Anobiidae Ptinus fur(Linné) Microbregma emarginatum Cryptophagidae Henoticus cf. Serratus(Gyllenhal) Atomaria spp. Cryptophagus indet. Cryptophagidae indet. Latridiidae Latridius minutus(Linnaeus) Corticaria sp. Latridiidae sp. Curculionidae Sitophilus granarius(Linné) Sitophilus oryzae (Linnaeus) Curculionidae indet. Cucujidae Oryzaephilus cf. mercator(Fauvel) Indeterminate species Hemiptera indet. Carpenter ant Total Pronotum Élytre Droite Élytre Gauche NRe NMI 1 3 1 3 2 1 1 2 13 1 3 2 1 1 1 4 3 2 1 3 2 1 1 3 4 2 1 1 1 6 4 2 1 3 1 14 4 14 1 29 10 8 14 4 6 1 1 3 1 1 1 23 56 10 2 25 13 28 6 1 8 6 1 2 1 1 1 1 1 96 2 30 1 2 9 6 16 1 13 7 4 1 5 10 1 1 21 28 5 8 1 7 1 2 2 6 1 1 21 1 19 1 30 26 9 6 16 16 2 17 6 33 14 10 3 10 25 2 9 14 16 1 6 25 1 16 1 1 3 3 11 2 1 439 6 1 1 219 2 2 6 1 1 1 1 2 9 2 1 3 2 1 1 1 1 6 52 2 Bibliographie (Coleoptera: Hydrophilidae). Memoirs of the Entomological Society of Canada 105. Vaurie, P. 1955. A revision of the genus Trox in North America (Coleoptera, Scarabaeidae). Bulletin of the American Museum of Natural History 106 : 1-90. Alberton, L. 2008. CeEt-30, opération 57 : Les latrines à l’ouest du nouveau palais de l’intendant revisitées. Québec. Université Laval, Rapport soumis à l’Université Laval. Arnett, R. H. Jr., et Thomas, M. C. (dir.) 2000. American Beetles, Volume I : Archostemata, Myxophaga, Adephaga, Polyphaga : Staphylini formia. CRC Press LLC, Boca Raton. Arnett, R. H. Jr., Thomas, M. C., Skelley, P. C. et Frank, J. H. (dir.) 2002. American Beetles, Volume II : Polyphaga : Scarabaeoidea through Curculionoidea. CRC Press LLC, Boca Raton. Bain, A. 2007. Archaeoentomological analysis of samples from the 2005 African meeting house project, Rapport non publié, sousmis au CELAT, Université Laval, Québec. Bousquet, Y. 1990. Beetles Associated With Stored Products in Canada: an Identification Guide. Ottawa, Agriculture Canada Publication 1837. Buckland P. I. 2000. An Introduction to Palaeoen tomology in Archaeology and the BUGS Database Management System. University of Umeå : Insti tute for Archaeology and Sami Studies. Campbell, J. M., Sarazin, M. J. et Lyons, D. B. 1989. Canadian Beetles (Coleoptera) Injurious to Crops, Ornamentals, Stored Products and Buildings. Ottawa, Agriculture Canada Publication 1826. Elias S. A. 1994. Quaternary Insects and Their Environments. Washington: Smithsonian Institution Press. Hinton, H. E. 1945. Histeridae associated with stored products. Bulletin of Entomological Research 35 : 309-340. Larochelle, A. 1976. Manuel d’identification des Carabidae du Québec. Rigaud, manuscrit non publié, Québec. Larochelle, A et Larivière, M.-C. 2003. A Natural History of the Ground-Beetles (Coleoptera : Carabidea) of America north of Mexico, Sofia; Pensoft. Lindroth, C. H. 1963. The Ground Beetles (Carabidae, Excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska, Lund : Entomologiska sallskapet i Lund. Ponton, F. et Prévost, M-A. 2005. À la limite des propriétés privées et gouvernementales : L’évolution de l’occupation au Nord-est de l’Îlot des palais sous la rue des Prairies, Site du Palais de l’Intendant à Québec, CeEt-30, opération 44 intervention archéologique 2004. Rapport non publié, soumis à l’Université Laval, Québec. Smetana, A. 1978. Revision of the subfamily Sphaeridiinae of America North of Mexico 53 Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec – Duval LE CHERT À SAINT-AUGUSTIN-DE-DESMAURES : COMPARAISON GÉOCHIMIQUE D’ÉCHANTILLONS EN CHERT PROVENANT DU SITE ARCHÉOLOGIQUE CEEU-10 ET DE D’AUTRES SITES DE LA RÉGION DE QUÉBEC. Isabelle Duval 2012, Université Laval Rapport soumis à Michel Plourde et James Woollett Résumé Plusieurs sources de chert, similaires visuellement, sont présentes dans la région de Québec. Cette étude tente de les différencier en se servant de la géochimie. Des observations et des échantillons géologiques de plusieurs affleurements cherteux ont été récoltés. Des artéfacts retrouvés sur le site de Saint-Augustin ont été comparés avec les sources de chert. Les résultats montrent que la source de la plage Saint-Laurent aurait été utilisée, mais également d’autres affleurements encore inconnus. Introduction cherts. Les récents travaux sur le site (Vincent et Plourde 2012 : 26) ont également permis de dater l’utilisation des lieux entre 2285 ± 20 av. p. et 2760 ± 15 av. p., soit au cour du Sylvicole inférieur (1 000 et 400 avant notre ère) et de mieux connaître l’approvisionnement en matière première dans la région de Québec à cette période. Cette étude débute avec une partie sur la prospection, l’échantillonnage et l’étude du contexte géologique des dix sources de chert de la région de Québec. Elle présente ensuite, les analyses par activation neutronique des sources de chert et la différentiation géochimique de celles-ci entre elles. Enfin, ce rapport termine en abordant brièvement l’identification visuelle des artéfacts en chert et en se concentrant sur la comparaison statistique des résultats géochimiques des artéfacts avec les sources. Ce rapport présente les résultats d’analyses et les interprétations préliminaires concernant la provenance d’une partie de la collection des cherts retrouvés sur le site de Saint-Augustin-de-Desmaures (CeEu-10). Les objets archéologiques de chert analysés proviennent principalement des saisons de fouilles du chantier-école préhistorique de l’Université Laval de 2010 et 2011. Ce rapport de recherche fait suite à des analyses mégascopiques et géochimiques effectuées précédemment (Duval 2011b). Les analyses effectuées serviront à amorcer l’identification des différents types de chert présents sur le site et déterminer, si possible, une provenance précise aux artéfacts. Les fouilles de Badgley (1986), de Marquis et Plourde (2011) et de Rousseau et Plourde (2012) réalisées sur le site de SaintAugustin-de-Desmaures (CeEu-10) ont permis d’analyser 89 m2. De cet espace fouillé, 88 898 objets lithiques ont été récoltés, dont 88 338 sont du débitage (éclats bruts) et 560 sont des outils (objets façonnés). De plus, la majorité (99 %) des objets lithiques retrouvés sont fabriqués dans un chert qui pourrait être local ou provenir de la région de Québec. Ces nombreux objets lithiques apportent de nouvelles données sur la chaîne opératoire de la taille des Méthodologie L’identification des cherts sur le site CeEu-10 a été effectuée selon deux approches. Une première identification, visuelle et macroscopique, a été réalisée sur toute la collection de 2011 par une classification en type, visuellement similaire et homogène. Cette identification mégascopique qui subdivise la collection en différentes 54 grandes catégories de matière première a été faite en 2010 par Isabelle Duval et en 2011 par Vincent Rousseau. L’identification visuelle de la matière première en catégorie sera validée par un petit échantillon avec l’identification géochimique. Cette méthodologie permet de vérifier l’identification de la matière première et d’extrapoler une provenance à toutes les catégories de matériaux de la collection. L’autre approche préconisée pour connaître la provenance des cherts est l’identification géochimique. Cette technique traduit les échantillons en données quantitatives. Elle est donc une technique d’analyse plus objective afin de proposer une provenance à la pierre. La technique d’analyse géochimique privilégiée dans cette étude pour la provenance des cherts de la région de Québec est l’analyse par activation neutronique (INAA) telle que décrite dans Duval (2009 : 43-48; 2011, 2011a). Cette technique est utilisée afin de pouvoir comparer et d'incorporer les échantillons avec la base de données déjà existante pour les cherts de la région de Québec. Cette technique est également utilisée, car ses paramètres sont bien connus et ses résultats sont stables. Ces facteurs permettent de se concentrer sur la compréhension du contexte géologique des formations cherteuses de la région de Québec. 1994, 1999; Chapdelaine et al. 1995; Codère 1993, 1996, 1998; Duval 2009, 2011a; Gauthier et al. 2012 ; Leclerc 2009; Marquis 1994; Morin 1997). Toutes ces études confirment la difficulté à caractériser adéquatement et surtout à distinguer les différentes sources de cherts verdâtres des Appalaches qui s’étendent de la Gaspésie jusque dans l’état de New York. Cependant, les récentes recherches (Duval 2009 ; Leclerc 2009; Gauthier et al. 2012) proposent qu’il est possible de différencier les nombreuses sources de cherts appalachiens en appliquant des méthodes d’analyse très précises et complémentaires, des critères discriminants réfléchis en fonction du contexte géologique et un nombre représentatif d’échantillons par sources. La base de données contient actuellement six sources caractérisées dans la région de Québec pour un total de 18 échantillons géologiques (Figure 1). Celles-ci sont situées à la Plage Saint-Laurent, à la Pointe Aubin, à la décharge du lac Saint-Augustin-de-Desmaures, à la Côte Dinan, à la Côte de la Montagne et à un endroit inconnu (chert vert aqua). D’autres sources de cherts que celles analysées en INAA sont connues dans la région de Québec. Ces sources se retrouvent principalement dans la formation géologique de l’Olistostrome de la rivière Etchemin. L’emplacement des différentes sources de cherts connues, ainsi que le contexte géologique dans lequel elles se retrouvent dans la région sont présentés sur la carte de la Figure 2. Ces sources ont surtout été étudiées de manière pétrographique par Morin (1997). La base de données créée en INAA des sources de cherts de la région de Québec (Duval 2009, 2011a) n’est pas encore représentative de toute la variabilité des différents types de cherts présents dans les sources, car le nombre d’échantillons est encore trop petit. Un minimum de deux échantillons a été prélevé et analysé sur chaque source étudiée. L’échantillonnage des sources doit être augmenté afin d’être supérieur ou égal à la variabilité présente dans les sources. Plus les sources seront caractérisées, plus les chances d’associer un artéfact avec celles-ci seront grandes. Échantillonnage des sources de cherts Les cherts de la région de Québec sont des cherts lités appalachiens. Ils se retrouvent dans des couches ou des horizons géologiques de l’Ordovicien moyen. Ils sont généralement assez ternes et opaques. L’usage du terme chert pour désigner toutes roches massives fortement siliceuses (mudstone siliceux, argilite siliceuse, etc.), à cassure conchoïdale, peu importe leur nature ou leur composition exacte, est répandu en géologie. Pour les archéologues, les distinctions, même subtiles, entre les pierres siliceuses sont importantes car celles-ci sont liées aux propriétés clastiques de la pierre et à la performance de la matière lors de la taille. Les sources de cherts de la région de Québec et aux environs ont été passablement étudiées (Burke 2000; Chapdelaine et Kennedy 55 Figure 1: Photographie des échantillons géologiques de la base de données géochimique par INAA des cherts de la région de Québec (prélevés en 2007, 2008 et 2010). Figure 2 : Carte géologique des environs de Québec et localisation des sources de cherts verdâtres de Québec (Duval 2011a). 56 Afin d’augmenter la compréhension et l’échantillonnage des sources de cherts, les sources de la décharge du lac Saint-Augustin, situées autour du site CeEu-10, ainsi que celles de la pointe Jean-Gros sur Plage Saint-Laurent ont été visitées le 11 octobre 2010. Cette prospection a permis de mieux comprendre le contexte géologique des blocs de cherts retrouvés autour de la décharge du lac Saint-Augustin et de proposer une origine secondaire à ces blocs dont le dépôt serait survenu lors d’un épisode d’érosion-sédimentation d’une crue glaciaire et du relèvement glacio-isostatique vers 10 310 ± 60 av. p. (Duval 2011b). En effet, selon les observations de terrain, il est possible de croire que cette source soit une source secondaire, c’est-à-dire constituée de blocs et de fragments cherteux non en place qui auraient été apportés par des niveaux élevés du fleuve ou de la Mer de Champlain. La dernière glaciation et l’invasion marine ont façonné le paysage. Les dépôts de surface résultent de la dernière glaciation et de l’invasion de la Mer de Champlain. Différents types de sédiments sur différentes épaisseurs sont présents dans la région de Québec. Les dépôts meubles présents sur la terrasse du site SaintAugustin-de-Desmaures (CeEu-10) recouvrent les affleurements rocheux en place du cambroordovicien du domaine des Appalaches. Cette matrice superficielle est composée de sédiments qui proviennent : de dépôts de marge glaciaire, de fond marin avec un faciès d’eau peu profonde de type littoral, prélittoral ou d’exondation et d’alluvions de terrasses fluviales mises en place dans les anciens chenaux du proto-Saint-Laurent marin (Bolduc et al. 2003; Lasalle et al. 1977; Occhietti et al. 2001). Une lacune de sédimentation a été observée par Occhietti et al. (2001) sur le site de SaintNicolas, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. Cette troncature reste à définir, mais équivaudrait à une phase érosive de 850 ans. À la suite de cette érosion, il se serait déposé, sur la terrasse du site de SaintAugustin, une blocaille de remaniement à 35 mètres d’altitude. Cet ensemble de blocs de pierres diverses, daté de 10 310 ± 60 av. p., est interprété comme le résultat d’un intense dé- mantèlement des reliefs rocheux latéraux appalachiens par des chenaux de marées (eaux marines peu profondes et apports d’eau de fonte glaciaire) à forte énergie (amplitude de marnage entre 5 et 10 mètres) associé à une crue glaciaire (contemporaine de la moraine de SaintNarcisse) et au relèvement glacio-isostatique. La sédimentation aurait ensuite été favorisée, entre 10 300 – 9 775 av. p., à la suite Figure 3 : Aperçu de l'archipel à l'entrée de la Mer de Champlain, vers 10 500 av. p. Le niveau marin correspond à la courbe de niveau actuelle de 90 m (Occhietti et al. 2001). de la diminution de la profondeur du bassin, principalement dans les lieux protégés par les îles du seuil de Québec, devenu un détroit. Les blocs de chert, retrouvés dans le sol de la terrasse du site de Saint-Augustin à ± 37 mètres d’altitude, semblent faire partie de l’horizon de blocailles et se seraient mis en place lors de cet épisode d’érosion-sédimentation. Ces blocs peuvent provenir de n’importe quelle source ou lithologie cherteuse affleurant dans les limites de l’archipel d’entrée de la Mer de Champlain, c'est-à-dire en dessous de 90 mètres d’altitude (Figure 3). L’étude du type de sol de la terrasse du site de Saint-Augustin confirmerait le mode de formation de la terrasse et, par le fait même, la mise en place des blocs de chert. Au total, 8 échantillons géologiques ont été incorporés à la base de données géochimique sur les sources de cherts en 2011. La base de données comporte maintenant vingt-six échantillons géologiques provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. Ces échantillons sont décrits dans le Tableau 1. Ces sources sont relativement toutes similaires vi57 suellement et macroscopiquement (10X). La matière des sources varie entre des cherts, des argilites siliceuses et des mudstones siliceux. Cette matière est massive à légèrement laminée. Elle peut présentée des factures et des veinules et fréquemment des radiolaires. Ses teintes varient de gris verdâtre claires à brun olive foncées. Elle peut également avoir une texture unie à mouchetée. Tableau 1 : Les échantillons géologiques (n=26) analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. Formation géologique Source Nombre Localisation des échantillons Description des échantillons Formation de Les Fonds Plage Saint-Laurent, pointe Jean-Gros, Cap-Rouge 5 Pointe Jean-Gros, affleurements dans l'estran avec au moins 3 grosses lithologies linéaires du coté est de la faille de Cap-Rouge Mudstones siliceux à cherts à radiolaires, de couleur gris foncé verdâtre à noirâtre mat, quelques fois avec de la pyrite Formation de Les Fonds Plage Saint-Laurent, pointe Deschambault, Cap-Rouge 4 Pointe Deschambault, affleurements dans l'estran avec quelques très prtits ilots cherteux du coté ouest de la faille de Logan Mudstone siliceux unis vert gris clair à foncé de mat à cireux, avec inclusion de minéraux opaque (pyrite )et beaucoup de veinules de carbonates, de quartz et d'oxyde de fer Formation de Les Fonds Pointe Aubin, SaintAntoine-de-tilly 2 Dans l’estran, du coté ouest de la Pointe Aubin, affleurements avec au moins 4-5 lithologies semi-linéaires en îlots, du coté est de la faille de Duberger Argilites siliceuses à chert à radiolaires, de couleur gris verdâtre mat à un vert clair plus cireux, légèrement marbrés, traversés de veinules métalliques (pyrite et autres oxydes) et de calcite. Formation de Les Fonds Décharge du lac Saint- Augustin-deDesmaures 3 Des blocs cherteux (de 60cm et 150 cm) dans la falaise du coté est de la décharge, Mudstones siliceux à rares cherts à radiolaires, de couleur gris à gris foncé verdâtre à brûnâtre mat. Formation de Les Fonds Inconnue, chert vert aqua 2 Lieu inconnu, provient de remblais de construction dans la baie de Beauport Cherts à radiolaires très siliceux de couleur vert aqua cireux, traversés de veinules d'oxides métalliques et de quartz. 2 En haut de la côte, au moins trois petites lithologies linéaires très facturées se détachant en blocs ovales Cherts carbonatés à rares radiolaires de couleur gris foncé à verdâtre clair mat, marbrés plus foncés et traversés de veinules de calcite et de quartz Formation de la Citadelle Côte Dinan, Québec Formation de la Citadelle Côte de la Montagne, Québec 4 Dans le milieu de la côte, au moinsquatre petites lithologies linéaires très facturées se détachant en blocs ovales Schistes argileux silicifiés à cherts à radiolaires, souvent calcareux de couleur gris verdâtre à vert grisâtre bleuté à éclat mat, marbrés grossièrement gris foncé, traversés de veinules de calcite, de quartz et d'oxydes métalliques Formation d'Etchemin du Groupe de Magog Lac Etchemin, Bellechasse 2 Prélevé par Vincent Lambert dans la coupe type de Cousineau (1990) sur la route de saint-Luc et Sainte-Blandine, Mudstone siliceux vert gris clair avec texture unis, faible litage et a cassure peu concoidale Formation de Cabano Lac Touladi, Témiscouata 1 Prélevé par Fredéric Hottin dans la carrière CkEe-26, Chert à radiolaires, gris clair à foncé et verdâtre, mat à cireux, unis parfois moucheté noirâtre, quelques veinules de quartz et quelques carbonates (Leclerc 2009) Formation de Normanskill Coxsackie, N-Y 1 Dans une carrière industriel près de la source exploitée à la préhistoire Cherts vert foncé à aqua cireux avec des rubannement diffus gris foncé traversés de quelques veinules de de quartz 58 Lors de la prospection de 2010, les sources de cherts de la Formation de la Citadelle (Ordovicien inférieur à moyen), c’est-à-dire celles de la côte Dinan (46° 48' 57.5" - 71° 12' 40") et de la côte de la Montagne (46° 48' 48" 71° 12' 13") ont été visitées et échantillonnées. Un échantillon (no 4) de la côte de la Montagne a été inclus dans les analyses en 2011. La localisation des quatre échantillons analysés dans l’affleurement de la côte de la Montagne est présentée sur la Figure 4 avec les lithologies cherteuses identifiées. L’échantillon no 4 devrait représenter une troisième lithologie cherteuse présente sur la source de la côte de la Montagne. Cet échantillon a été incorporé à la base de données afin d’augmenter le nombre d'échantillons de cette source et, par le fait même, sa représentativité. Lors de la prospection, d’autres lithologies et zones cherteuses ont été observées sur la source, mais ceux-ci n’ont pas été analysés. Figure 4 : Paroi rocheuse avec affleurement de cherts (en rouge) et la localisation des échantillons du côté ouest de la côte de la Montagne, juste avant le tournant. (Photo par Duval 2011b). Figure 5 : Cartographie des affleurements cherteux de la source de la Pointe Jean-Gros de la Plage Saint-Laurent (Fond de carte satellite de Google 2011). 59 Par ailleurs, la prospection de 2010 a permis d’approfondir le contexte géologique et structural de la pointe Jean-Gros située dans la Formation de Les Fonds (Ordovicien moyen et supérieur). Cette source est composée de plusieurs îlots linéaires alignés le long de la faille de Cap-Rouge d’environs deux mètres (Figures 5 et 6). Ces zones cherteuses ont été observées dans la lithologie, appelée par St-Julien (1968 et 1995) Au5 ou « argile-à-blocs» (Figure 7), correspond à des interlits de shales calcareux et des grès calcareux. Figure 6 : Photographie de la Pointe Jean-Gros sur la Plage Saint-Laurent ainsi que d’un affleurement cherteux (Photo par Duval 2011b). Figure 7 : Localisation des secteurs échantillonnés de la plage Saint-Laurent. Superposition de la carte géologique de St-Julien (1995) et de la carte satellite de Google 2012. 60 L’analyse du contexte géologique de la plage Saint-Laurent et de la pointe Jean-Gros (46° 43' 50" - 71° 23' 40") a permis de proposer un nouvel emplacement où affleurerait du chert sur la plage Saint-Laurent selon les données de St-Julien (1995) et de Morin (1997). Une prospection et un échantillonnage sur le terrain ont donc eu lieu à la pointe Deschambault (46° 43' 59" - 71° 22' 20"), le 25 novembre 2011. Tous les affleurements cherteux trouvés ont été échantillonnés et cartographiés à l’aide d’un GPS. À cet endroit, il y a effectivement quelques petits îlots de cherts linéaires, dans l’estran, du côté ouest le long de la faille de Logan (Figures 8 et 9). Également, quelques petits îlots isolés affleurent du côté est et au nord de la faille. Les affleurements et la position des échantillons ont été superposés à une photo satellite sur laquelle on aperçoit les af- fleurements rocheux dans l’estran. La source visitée à la pointe Deschambault sur la plage Saint-Laurent est beaucoup plus petite que celle de la pointe Jean-Gros. Le matériel cherteux retrouvé du côté ouest de la pointe Deschambault ressemble visuellement à celui retrouvé à la Pointe Jean-Gros mais d’une qualité moindre. Au contraire, le matériel cherteux retrouvé à l’est et au nord de la faille de Logan est plus grossier et moins siliceux que celui de la pointe Jean-Gros (Figure 10). Cette source a été échantillonnée afin de voir s'il y a une différence avec les signatures chimiques des autres sources de la région de Québec, notamment avec celles de la Formation de Les Fonds (pointe Jean-Gros et pointe Aubin), mais également afin de savoir s'il y a une différence de composition des échantillons à l’est et au nord d'avec ceux à l’ouest dans l'estran. Figure 8 : Cartographie des affleurements cherteux de la source de la Pointe Deschambault de la Plage Saint-Laurent (Fond de carte satellite de Google 2012). 61 Figure 9 : Échantillon no 3, en avant plan, et no 4, en arrière plan, de la pointe Deschambault sur la Plage Saint-Laurent. Prospection et échantillonnage sur l’estran nord du fleuve Saint-Laurent en novembre 2011 (Photo par Duval 2012). Figure 10 : Photographie des échantillons géologiques du chert de la Plage Saint-Laurent à la pointe Deschambault prélevés pour l’analyse géochimique en 2011 (Duval 2012). Le contexte géologique de la plage Saint-Laurent, situé sur la rive nord du fleuve, suggère qu’il y a des affleurements cherteux le long des failles principales comme celles de Logan et de Cap-Rouge. Ce contexte est similaire à la source de la pointe Aubin (46° 41' 16" - 71° 30' 20") située le long de la faille de Du- berger, en face de l’autre côté du fleuve (Figure 1). La pointe Aubin, comme la plage SaintLaurent, est située dans la zone de para autochtone. Cette zone est la zone de failles imbriquées entre les Basses-Terres du Saint-Laurent et les Hautes Terres des Appalaches. Il s’agit d’une succession de grauwacke, de siltstone, de 62 shale, d’ardoise et de mélange nommée Formation de Les Fonds par Castonguay et al. (2002). Dans son étude de la géologie de Québec, St-Julien (1968 et 1995) propose une origine olistostromale au secteur de la Pointe Aubin. Il décrit la lithologie dans laquelle se présentent des îlots cherteux comme des lambeaux de bandes de mélanges qui seraient présents en alternance, dans toute la zone para autochtone, donc au front des nappes appalachiennes. Beaulieu et al. (1980) et Comeau (2006) croient plutôt que ces mélanges résultent de processus sédimentaires et d’une activité tectonique localisée dans des zones de failles, ou le long des plis de boudinage, d’imbrication et de chevauchement. Malgré les différences dans les explications sur l’origine de ces formations géologiques, les cherts de la région de Québec se trouvent tous dans des mélanges dont les élé- ments sont de natures différentes (blocs polygéniques). Le plan des lithologies de la pointe Aubin (Figure 11) montre, comme dans les pointes de la Plage Saint-Laurent, des petits îlots cherteux (en rouge) qui affleurent en surface dans l’estran et qui sont relativement alignés à la faille de façon parallèle. Ce plan localise également les échantillons de la base de données en bleu dans l’encadré pointillé. En combinant ces informations, il est possible de suggérer qu’il y aurait d’autres sources de cherts, sur la rive nord du Saint Laurent, le long de la faille de Duberger, et sur la rive sud, le long de la faille de Cap-Rouge (Figure 12). Ces sources seraient les équivalents de la pointe Aubin et de la pointe Jean-Gros. Une prospection sur le terrain pourrait facilement confirmer cette hypothèse. Figure 11 : Carte géologique de la pointe Aubin et des assemblages lithologiques de la Formation de Les Fonds (Comeau 2006 : 52, adapté de St-Julien 1968). 63 Figure 12: Carte du fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Saint-Augustin-de-Desmaures et de SaintNicolas localisant les zones propices à des mélanges géologiques tectoniques et des affleurements cherteux le long des failles, selon le contexte géologique de St-Julien (1995). Fond de carte de Google map 2012. Cette année, d’autres sources de cherts, extérieures à la région de Québec, ont été incorporées à la base de données. Ces autres sources permettent d’entrevoir le contexte géologique global, mais surtout de savoir s'il y a une différence significative dans les signatures chimiques entre les sources de cherts de la région de Québec et les autres sources appalachiennes de cherts au Québec. Les sources de cherts de La Martre (DhDn-8), de Saint-Annedes-Monts et de Rimouski sont aussi des cherts gris-vert de clairs à foncés, souvent marbrés à radiolaires. Ces sources ne sont pas présentement incluses dans l’échantillonnage. Les sources incluses dans l’échantillonnage de cette année sont celles d’Etchemin et du Témiscouata. La Formation d’Etchemin comprend surtout des mudrocks volcanogènes et des volcanoclastites vertes. Cette formation fait partie du groupe de Magog de l’Ordovicien moyen (Cousineau 1990). Les échantillons recueillis sont des mudstones siliceux à cherteux massifs à grains fins à très fins de couleur verte qui pourraient contenir des reliques de radiolaires (Cousineau 1990 : 59; Cousineau et St-Julien 1994). Les échantillons (Figure 13) ont été prélevés dans Bellechasse par Vincent Lambert le 5 octobre 2011 sur la route Saint-Luc, SainteJustine entre Sainte-Sabine et le Lac Etchemin dans la coupe de référence de Cousineau (1990). Figure 13 : Photographie des échantillons géologiques du chert d’Etchemin de Bellechasse (Beauce) utilisés dans l’analyse géochimique de 2011. Le dernier échantillon incorporé à la base de données est le chert nommé Touladi par les archéologues et retrouvé au Témiscouata. Ce chert à radiolaires est mat à cireux. Il est 64 majoritairement de couleur grise claire à foncée (Figure 14). Cependant, une petite variabilité est verdâtre et est similaire visuellement aux cherts de la région de Québec (Leclerc 2009). Le chert Touladi fait partie de la Formation de Cabano datée entre l’Ordovicien moyen et le Silurien inférieur (David et al. 1985). L’échantillon analysé (Figure 15) a été prélevé par Frédéric Hottin dans la carrière MorinMartin (CkEe-26) située à 0,9 kilomètres du côté ouest du Grand lac Touladi au Témiscouata. Les carrières, le contexte archéologique et la composition du chert Touladi ont été amplement étudiés, surtout la carrière CeEe-28 (Burke et Chalifoux 1998). Plusieurs auteurs ont même réalisé des analyses de provenance géochimiques avec celui-ci (Burke 2000; Chalifoux et al. 1998; Chapdelaine et Kennedy 1999; Leclerc 2009; Marquis 1994; Morin 1997). Les résultats de ces analyses montrent une faible distinction entre les sources verdâtres appalachiennes présentant des zones mitoyennes entre-elles. Les résultats de la thèse de doctorat de Burke (2000) indiquent une grande similarité entre le chert Touladi et le chert de La Martre ainsi qu’une considérable variabilité intrasource, ce qui rend les études de provenances géochimiques et pétrographiques très difficiles et incertaines. Toutes ces études font mention des incertitudes des résultats à cause du faible échantillonnage des sources. Il est aussi important de caractériser la variabilité totale des sources pour réussir à les différencier avec un bon degré de confiance. Figure 15 : Photographie de l’échantillon géologique d’une variabilité verdâtre du chert Touladi affleurant au Témiscouata et utilisé dans l’analyse géochimique de 2011. En résumé, la prospection a permis d’augmenter les informations concernant le contexte de formation des sources de cherts à proximité du site CeEu-10, mais également de plusieurs sources situées dans les zones de Humber et de Dunnage des Appalaches. Elle a également permis de mieux comprendre le contexte géologique des sources de cherts vertgris à radiolaires appalachiens retrouvées dans différentes parties du Québec. Les sources de cherts se sont formées dans un même paléoenvironnement (Figure 16). Elles font partie d’un même ensemble d’unités géologiques du front Taconien d’âge Ordovicien, appelé des Mélanges, retrouvées en association avec des shales noires et verts et des roches carbonatées. La diagénèse ou la formation des cherts est le résultat de plusieurs processus de dissolutionprécipitation dont le principal paramètre est la solubilité de la silice qui est contrôlée majoritairement par la température (Marin 2009 : 159160). Cet ensemble des Mélanges, dans lequel figurent les sources de cherts (Figure 17), est composé des Formations de Des Landes et du mélange de Cap-Chat (Gaspésie, cherts de La Martre et de Saint-Anne-des-Monts), de la Formation Cabano (Témiscouata, chert de Touladi), d’Etchemins (Beauce), du mélange de la rivière Etchemin, de la Formation de Les Fonds (Saint-Nicolas, Saint-Augustin, CapRouge) et de la Formation de la Citadelle (Vieux-Québec), du chert Hathaway (lac Champlain) et de Normanskill (New-York) (Marquis 1994 : 1; Morin 1988 : 3; Burke 2000 : 215; Leclerc 2009 : 66). Figure 14 : Photographie de la variabilité du chert Touladi (CkEe-28) le plus fréquemment rencontré. À gauche avec patine d’altération et à droite en cassure fraîche polie (Leclerc 2009 : 71). 65 Figure 16 : Reconstitution paléogéographique du front appalachien (orogénèse Taconien) à la période Ordovicienne et expliquant la présence des Mélanges dans lequel le chert est présent (a) de sa collision, (b) de sa subduction, (c) de son accrétion (accumulation et compression de sédiments marins) et (d) de son avancé jusqu’aux limites des promontoires (Cousineau et Longuépée 2003). Figure 17 : Mélanges appalachiens du Québec le long de la ceinture de collision taconique (zone de failles imbriquées) à Québec et le long des failles principales (Cousineau 1998). Analyse géochimique des sources le détaillé dans Duval (2009, 2011a et 2011b). Cette technique, comportant des manipulations simples, bien connues et sans ambiguïté, permet de se pencher sur la compréhension des formations cherteuses. L’INAA est surtout utile pour mesurer les terres rares, les éléments Les analyses géochimiques des 26 échantillons provenant de dix sources de cherts ont été effectuées par INAA au laboratoire de géochimie de l’UQAC, selon le même protoco66 traces et quelques éléments majeurs dans des teneurs de l’ordre du μg/g (ppm) (Figure 18). L’irradiation se fait à l’École Polytechnique de Montréal à l’aide du réacteur Slowpoke II et la lecture des éléments chimiques se fait à l’UQAC selon des standards comparables in- ternationalement (Flem et Bédard 2002; Bédard et al. 2008; Savard et al. 2006). L’irradiation des matières très siliceuses comme le chert est doublée pour augmenter la lecture des éléments chimiques. Figure 18 : Diagramme bivarié démontrant les différences analytiques par des ellipses équiprobables à 90 % entre l’ED-XRF, LA-ICP-MS et l’INAA. Ce diagramme démontre que l’INAA (élipse au centre) est la technique d’analyse géochimique la plus juste et précise (Speakman et al. 2002 : 53). Le Tableau 2 présente les résultats non transformés pour les 24 éléments chimiques justes et précis. Les données sont présentées en pourcentage pour les éléments majeurs et en ppm pour les éléments traces. Le ± correspond à l’erreur mathématique du logiciel EPA dont les valeurs sont calculées selon le poids, l’élément chimique et la matière analysée (Savard et al. 2006). La valeur (LD) représente la limite de détection instrumentale en dessous de laquelle la teneur n’est pas bien quantifiée par la technique d’analyse par activation neutronique (INAA). Le LD correspond à 3,29 fois la valeur de l’erreur (±) (Dany Savard, comm. pers.). La base de données géochimiques obtenue possède quelques valeurs manquantes qui représentent les teneurs les plus faibles, sous la limite de détection instrumentale (LD). Celles-ci ont été remplacées par la valeur calculée de 1 LD pour chaque élément. Selon Baxter (2003), elles auraient dû être remplacées par 1,65 LD (soit 55 % de 3LD = LQ). De plus, chaque groupe d’analyses est accompagné d’un standard (KTP) qui permet une régularisation des résultats géochimiques (LeBlanc et al. 2010). Les données sont présentées sous forme de diagrammes à bandes, par des analyses statistiques multivariables en composantes principales (ACP) et avec plusieurs graphiques binaires. L’analyse en composantes principales (ACP) est la technique d’analyse statistique utilisée dans cette étude pour comparer les données géochimiques et a pour but de condenser et de réduire les données. L’ACP représente les ressemblances entre les individus par rapport à l'ensemble, par une projection de vecteurs linéaires calculés sur une matrice de covariances. Les données ont été préalablement réduites avant l’analyse. La sélection des éléments repose sur la normalité des résultats, préalables à 67 l’ACP, ainsi que sur les critères de justesse, de précision et de mobilité des éléments chimiques. Des diagrammes à bandes ont été créés avec les 26 échantillons géologiques de cherts provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens (Figure 19). Les concentrations minimales et maximales des éléments obtenues de chaque source par INAA ont été normalisées avec les valeurs du NASC de Gromet et al. (1984) pour produire ces diagrammes sur une échelle logarithmique. Tableau 2 : Tableau de données des 26 échantillons géologiques analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. Éléments +/LD Standard KPT Sources de chert Pointe Jean-Gros 1 Pointe Jean-Gros 2 Pointe Jean-Gros 3 Pointe Jean-Gros 4 Pointe Jean-Gros 5 Pointe Deschambault 1 Pointe Deschambault 4 Pointe Deschambault 5 Pointe Deschambault 6 Pointe Aubin 1 Pointe Aubin 2 St-Augustin 1 St-Augustin 2 St-Augustin 3 Chert vert 1 Chert vert 2 Côte Dinan 1 Côte Dinan 2 Côte Montagne 1 Côte Montagne 2 Côte Montagne 3 Côte Montagne 4 Témiscouata CkEe-26 Formation d'Etchemin 1 Formation d'Etchemin 2 Coxsackie TiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO K2O Sc Cr Co Rb Sb Cs Ba (%) (%) (%) (%) (%) 0,01 0,03 0,94 0,02 0,07 14,60 0,01 0,04 11,83 0,01 0,03 0,14 0,1 0,4 1,7 (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) 0,01 0,5 0,1 1 0,01 0,04 6 0,04 1,6 0,3 3 0,03 0,14 20 23,94 139,0 73,8 56 9,57 3,86 436 0,18 0,25 0,25 0,26 0,29 0,21 0,19 0,44 0,22 0,25 0,13 0,16 0,23 0,29 0,10 0,09 0,15 0,23 0,23 0,23 0,15 0,16 0,13 4,15 8,40 4,89 9,40 9,34 6,12 5,05 8,52 4,77 6,95 4,99 3,95 6,48 7,32 3,27 2,06 3,90 7,52 5,91 5,72 4,51 4,61 5,19 1,75 5,84 3,55 6,75 6,75 2,28 2,13 2,14 3,18 3,89 4,29 2,46 4,87 5,15 1,40 0,63 3,15 0,76 2,58 3,28 1,70 1,92 3,36 0,92 0,09 1,11 0,07 0,05 0,12 0,03 0,62 0,04 0,39 0,49 0,09 0,09 0,08 0,09 0,09 0,86 0,09 0,09 0,15 0,14 0,03 0,13 0,5 0,9 0,7 1,3 1,2 0,8 0,7 0,5 0,4 1,3 0,6 0,5 0,9 1,1 0,9 0,4 1,0 1,5 1,1 0,9 0,8 0,5 0,7 5,96 8,68 5,61 8,97 9,91 5,68 4,54 3,86 2,09 7,59 4,43 3,77 5,61 7,39 3,37 1,70 5,61 3,56 4,68 4,58 4,95 3,42 5,51 21,2 29,4 23,7 34,6 34,7 27,6 39,4 22,5 12,7 34,5 19,1 18,5 28,5 33,8 15,8 10,1 23,4 27,0 38,8 36,2 20,6 18,5 15,8 17,7 29,5 17,7 39,2 31,4 8,5 7,9 3,1 8,0 15,9 4,6 8,1 8,0 12,5 14,6 10,3 5,0 2,3 12,9 5,0 12,2 3,1 13,4 33 40 32 56 50 37 32 5 3 51 24 17 34 42 32 15 28 62 43 34 28 24 21 0,53 0,25 0,23 0,33 0,24 0,23 1,44 0,09 0,21 0,58 0,63 0,44 0,34 0,30 0,82 1,78 0,22 0,31 0,39 0,25 0,38 0,22 0,46 1,46 1,59 1,47 2,70 2,05 1,32 1,17 0,26 0,14 1,85 1,05 0,85 1,36 1,84 1,43 0,70 0,97 2,64 1,63 1,39 1,08 1,00 0,92 253 228 297 236 204 241 461 73 99 313 371 233 319 253 210 231 64 116 479 493 434 533 468 0,20 11,07 1,76 0,08 0,7 8,62 12,1 2,6 25 1,00 0,50 345 0,23 7,47 3,82 0,14 1,2 6,50 32,6 10,6 21 0,15 0,14 575 0,14 3,90 3,00 0,09 0,7 3,18 17,4 26,1 23 4,81 1,29 253 68 Tableau 2 (suite) Éléments +/- La Ce Nd (ppm) (ppm) (ppm) 0,1 0,4 0,6 Sm Eu Tb Yb Lu Hf Th U V (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) 0,01 0,02 0,02 0,01 0,00 0,05 0,04 0,03 1 LD 0,2 1,3 2,0 0,02 0,08 0,06 0,03 0,01 0,15 0,12 0,11 3 Standard KPT 25,8 54,3 21,3 4,46 1,20 0,68 2,55 0,39 3,76 6,42 1,59 211 9,8 14,6 10,4 17,2 19,2 13,9 9,6 13,2 13,5 15,4 7,7 8,5 11,5 16,4 7,1 3,6 6,4 8,5 10,3 9,2 10,5 6,2 6,9 31,4 45,8 24,8 37,9 46,8 35,0 16,8 30,4 38,3 51,2 24,8 18,9 23,0 36,2 27,4 13,9 21,5 16,9 28,5 27,8 28,7 15,0 17,5 10,1 15,7 8,3 13,0 15,2 10,8 3,5 11,5 16,1 16,8 9,5 8,3 9,1 13,0 8,7 3,8 7,1 8,6 8,6 6,6 9,8 3,3 6,0 2,32 3,06 2,31 2,96 3,25 2,65 0,93 3,45 7,56 3,32 1,95 1,75 1,89 3,00 1,95 0,90 1,73 2,05 1,50 1,56 2,79 1,12 1,46 0,48 0,70 0,55 0,65 0,73 0,59 0,27 0,97 2,35 0,75 0,45 0,47 0,45 0,73 0,45 0,23 0,42 0,55 0,32 0,33 0,73 0,28 0,35 0,30 0,44 0,27 0,39 0,38 0,11 0,06 0,06 1,20 0,43 0,27 0,21 0,20 0,39 0,27 0,14 0,29 0,24 0,19 0,20 0,48 0,16 0,06 0,81 1,12 0,92 1,11 1,23 0,93 0,83 1,65 1,61 1,15 0,75 0,71 0,76 1,24 0,56 0,34 1,02 0,84 0,68 0,77 1,34 0,59 0,61 0,12 0,17 0,12 0,15 0,16 0,14 0,02 0,22 0,22 0,18 0,11 0,11 0,11 0,17 0,08 0,05 0,16 0,11 0,11 0,12 0,19 0,08 0,08 0,97 1,32 0,94 1,42 1,52 0,94 0,98 7,09 7,99 1,47 0,82 0,84 1,24 1,63 0,55 0,31 0,75 1,13 1,38 1,24 0,83 0,79 0,57 2,71 3,69 2,77 4,31 4,49 2,61 2,38 3,41 4,43 3,85 2,64 2,08 2,97 3,93 1,71 0,95 2,18 2,51 3,18 3,17 2,32 2,11 1,32 1,01 0,45 0,62 0,54 0,63 0,44 5,65 1,29 1,17 0,60 0,48 0,36 0,39 0,73 0,29 0,15 0,40 1,28 0,52 0,52 0,62 0,30 0,20 63 44 32 46 44 37 179 26 11 37 32 19 41 32 18 7 33 43 34 37 30 23 35 7,8 25,2 4,7 2,57 0,44 0,62 4,10 0,57 2,92 3,51 0,86 20 12,1 29,5 7,6 2,17 0,51 0,07 1,18 0,18 0,89 2,87 0,74 56 7,8 27,3 7,6 1,62 0,36 0,21 0,52 0,08 0,78 2,21 0,54 23 Sources de chert Pointe Jean-Gros 1 Pointe Jean-Gros 2 Pointe Jean-Gros 3 Pointe Jean-Gros 4 Pointe Jean-Gros 5 Pointe Deschambault 1 Pointe Deschambault 4 Pointe Deschambault 5 Pointe Deschambault 6 Pointe Aubin 1 Pointe Aubin 2 St-Augustin 1 St-Augustin 2 St-Augustin 3 Chert vert 1 Chert vert 2 Côte Dinan 1 Côte Dinan 2 Côte Montagne 1 Côte Montagne 2 Côte Montagne 3 Côte Montagne 4 Témiscouata CkEe-26 Formation d'Etchemin 1 Formation d'Etchemin 2 Coxsackie 69 Figure 19 : Diagrammes à bandes (spider diagram) des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. En haut à gauche : le minimum et le maximum de tous les dix sources de cherts analysées. En bas à gauche : seulement les quatre sources de cherts provenant de l’extérieur de la région. En haut à droite : seulement les quatre sources de cherts provenant de la Formation de Les Fonds de la zone parautochtone. En bas à droite : les deux sources de cherts provenant de la Formation de la Citadelle dans le Vieux-Québec. Le premier diagramme, en haut à gauche, montre les variations de teneurs minimales et maximales des dix sources de cherts analysées. Ces cherts sont tous relativement semblables dans le patron de leurs éléments chimiques. Ce graphique montre également que la pointe Deschambault possède les variations de teneurs les plus élevées pour les éléments à droite du diagramme, et que l’antimoine (Sb), le ytterbium (Yb) et le lutécium (Lu) semblent être diagnostiques pour différencier les sources. Le diagramme en bas à gauche montre les quatre sources de cherts provenant de l’extérieur de la région, soit le chert vert de provenance inconnue, la Formation d’Etchemin en Beauce, la Formation de Normanskill, à Coxsackie dans l’état de New-York, et la variété verte du chert Touladi dans la Formation de Cabano dans le Témiscouata. Ces quatre sources se démarquent de celles de la région de Québec par une anomalie positive en Sb. Le chert vert, le chert du Témiscouata et le chert de Coxsackie sont relativement similaires et semblent se recouper géochimiquement. La source de chert d’Etchemin de la Beauce semble se démarquer par sa teneur en Sb, en Barium (Ba) et en terres rares légères (REE rare earth elements) soit le terbium (Tb), le Yb, le Lu, le hafnium (Hf) et le thorium (Th). Le digramme en haut à droite montre les quatre sources de cherts provenant de la Formation de Les Fonds de la zone parautochtone soit la pointe Jean-Gros, la pointe Deschambault de la plage Saint Laurent, les dépôts secondaires de la terrasse de SaintAugustin et la pointe Aubin de Saint-Nicolas. Ces sources sont celles qui présentent le plus 70 grand écart des teneurs qui se traduisent par une grande variabilité, particulièrement la pointe Deschambault dont les écarts des teneurs sont à la fois les plus bas et les plus hauts. Plus d’une lithologie semblent être présentes dans les sources de la Formation de Les Fonds. Spécialement, la pointe Deschambault, qui semble être la sub-source de la Formation de Les Fonds, est la plus hétérogène. Enfin, en bas à droite, un diagramme à bandes montre les deux sources de cherts provenant de la Formation de la Citadelle dans le Vieux-Québec, soit la côte de la Montagne et côte Dinan. Ces deux sources se démarquent l’une de l’autre par le Ba, le cobalt (Co) et le manganèse (Mn). Une première analyse statistique en composante principale (ACP) a été effectuée avec les éléments chimiques les plus justes et précis en INAA mais également, représentatifs de la provenance des cherts (Figure 20). Ces éléments sont le scandium (Sc), le cobalt (Co), l’antimoine (Sb), le baryum (Ba), le lanthane (La), le cérium (Ce), le samarium (Sm), le ytterbium (Yb), le lutécium (Lu), le hafnium (Hf), le thorium (Th), l’uranium (U) et le vanadium (V). La variance exprimée par cette ACP est seulement de 42 %, ce qui montre une grande variabilité intra sources et une faible variabilité inter sources. La Figure 20 montre cette même ACP, mais avec différents domaines géochimiques délimitant les sources. Les ellipses équiprobables, représentant le domaine des sources, n’ont pas été calculées. Les regroupements présentés par les ellipses pointillées sont à titre indicatif, car ils aident à visualiser le domaine géochimique des sources. Le graphique en haut à gauche montre à quel point le domaine géochimique des sources de la Formation de Les Fonds est large et recoupe le domaine des autres sources. Les autres sources se distinguent les unes des autres à l’exception du chert d’Etchemin qui recoupe la variabilité du chert de la côte de la Montagne. Le graphique en bas à gauche montre qu’il est possible de diviser la source de la Formation de Les Fonds en deux regroupements comprenant la pointe JeanGros avec la pointe Aubin et la pointe Deschambault avec la majorité deschantiilons de Saint-Augustin. Les deux regroupements de cette Formation se recoupent et recoupent également en partie les autres sources, mais permettent de distinguer le chert vert, le chert de Coxsackie et celui du Témiscouata. Le graphique en haut à droite divise la Formation de Les Fonds différemment, en lithologie distincte l’une de l’autre. Un regroupement clair est visible à droite du graphique et représente une même lithologie partagée entre les quatre subsources de cette formation. L’autre regroupement est formé par des extrêmes de chaque sub-source. Celui-ci est large et recoupe les autres sources de la région de Québec. Enfin, le graphique en bas à droite montre les regroupements des différentes sources et leur niveau de distinction entre elles en excluant les extrêmes de la Formation de Les Fonds. Ces différents recoupements montrent, qu’avec les extrêmes de la Formation de Les Fonds, la différenciation des sources de chert de la région de Québec comporte une certaine incertitude. Leclerc (2009) a démontré une certaine séparation des sources de chert Touladi du Témiscouata et de La Martre avec un graphique binaire Fe2O3 Vs Ba / (La+Ce). Ce même graphique binaire a été fait avec les 26 échantillons des sources de cherts de la région de Québec (Figure 21). Les résultats de ce graphique ont été superposés sur celui de Leclerc. Normalement, la comparaison des résultats entre différentes techniques d’analyses est incertaine et non recommandée. Cependant, l’ED-XRF, utilisé au Laboratoire de Caractérisation Chimique des Matériaux Archéologiques de l’Université de Montréal par Adrian Burke et Gilles Gauthier et dont les résultats sont présentés dans Leclerc (2009), est assez précis pour se comparer avec l’INAA. Une certaine latitude de justesse est à considérer et est montrée par l’échantillon de chert du Témiscouata (CkEe-26) qui est légèrement plus élevé en fer que les résultats du chert Touladi (CkEe-28). Cette différence en fer pourrait également résulter d’une légère variation entre les carrières. Il est fort possible que la mesure du fer en INAA soit légèrement différente de celle de l’ED-XRF tout en étant précise dans les deux techniques. Ce graphique nous apprend que les sources de Touladi et de La Martre ont relati71 vement les mêmes domaines géochimiques que les sources de la région de Québec. À l’extrême droite, du chert Touladi semble se distinguer des autres échantillons, mais il est possible que le domaine de la côte de la Montagne s’étende vers cette direction comme le montre l’échantillon à l’extrême droite du graphique. Les différentes sources de la région de Québec se situent surtout entre la source de La Martre et celle de Touladi à l’exception de la Forma- tion de les Fonds qui recoupe presqu’en totalité le chert de La Martre. Ce graphique montre également que les sources de la région de Québec se distinguent les unes des autres, mais ont quelques zones mitoyennes communes. Les sources de la côte de la Montagne et de l’Etchemin sont celles qui se superposent et se ressemblent le plus. Figure 20 : ACP des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. L’analyse statistique est effectuée avec 13 éléments chimiques et couvre 41 % de la variance. Les quatre graphiques sont la même ACP mais avec des regroupements de provenance différents pour la Formation de Les Fonds. 72 Figure 21 : Graphique binaire avec les 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens et, en arrière plan, les résultats en ED-RXF des carrières de Touladi (CeEk-28) et de La Martre (DhDn-8) (Leclerc 2009 : 111). D’autres ACP ont été faites, mais cette fois-ci afin de cibler uniquement les éléments chimiques diagnostiques des cherts à l’étude. Les éléments diagnostiques des cherts qui ont été ciblés s’inspirent des travaux de Boulanger et al. (2006), Duval (2009), Julig (1995) et Leclerc (2009). Plusieurs ACP ont donc été réalisées avec les échantillons des sources et différentes combinaisons d’éléments chimiques dans le but de différencier le plus possible chaque source et d’augmenter la variance totale représentée par le graphique. Étant donné que la variabilité intra source est élevée, il est difficile d’augmenter la représentativité de la variance dans l’analyse statistique. Pour diminuer l’incertitude et augmenter la variance, le nombre d’échantillon par source devrait être augmenté. Le maximum de variance atteint pour différencier les sources, tout en gardant les sources groupées, est de 59 %. Deux différentes ACP (Figures 22 et 23) ont été faites avec comme base le Ba, La, Ce, Nd, Yb, et Lu auquel on a ajouté le rubidium (Rb) pour la première ACP et le Sb et le Th pour la seconde. 73 Figure 22 : ACP des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. L’analyse statistique est effectuée avec sept éléments chimiques et couvre 59 % de la variance. Figure 23 : ACP des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. L’analyse statistique est effectuée avec huit éléments chimiques et couvre 59 % de la variance. 74 L’analyse statistique de la Figure 22 montre une bonne différenciation des sources, sans zones mitoyennes. Les sources de la côte Dinan, du chert vert de Québec et d’Etchemin se différencient relativement bien. La délimitation de la source de la Côte de la Montagne est faite en excluant le 4e échantillon qui semble avoir, dans ce graphique, une valeur éloignée du regroupement principal (outlier). Cette source est également très près de l’échantillon du Témiscouata. Il est fort probable que, avec un échantillonnage plus grand du chert du Témiscouata, les valeurs des deux sources se superposent du moins en partie. Également, la source de la Formation de Les Fonds se regroupe bien et est représentative. Cette source est grande et regroupe les sub-sources de la pointe Aubin, de la plage Saint-Laurent (pointes JeanGros et Deschambault) et certains dépôts secondaires de la terrasse de Saint-Augustin. D’autres échantillons de cette formation sont à l’extérieur du regroupement principal. Ces cinq échantillons semblent avoir des valeurs extrêmes ou une deuxième lithologie est présente dans les sources de la Formation de Les Fonds. Malgré ceci, il est possible d’attribuer une provenance à un échantillon si celui-ci tombe dans la zone de délimitation des sources avec une certaine incertitude. La seconde ACP (Figure 23) explique la même variance, mais délimite mieux les sources entre elles. En haut à gauche du graphique, les sources de l’extérieur de la région de Québec (Coxscakie et Témiscouata) semblent vouloir se démarquer des autres sources et se grouper avec celle du Chert vert. Par ailleurs, cette foisci, le regroupement de la source de la côte de la Montagne inclus les quatre lithologies échantillonnées. Cette source recoupe très légèrement les sources de la côte Dinan et d’Etchemin. Enfin, comme l’autre ACP, les sources de la Formation de Les Fonds se regroupent et se démarquent bien des autres sources. Certains échantillons extrêmes de cette formation recoupent la source de la côte de la Montagne et de la côte Dinan. La méthodologie de cette étude a certaines lacunes, dont celle de manquer quelques analyses complémentaires, mais surtout celle d'avoir un nombre représentatif d’échantillons par sources, c’est-à-dire environ 30 pour obtenir des résultats fiables. (Julig 1995; Luedtke 1992). Ce nombre peut être diminué à sept ou à dix, s’il est associé à un échantillonnage représentatif de la variabilité de la source (Glascock 2004). L’ajout de huit échantillons dans la base de données en INAA a permis d’augmenter la caractérisation des sources de cherts de la région de Québec en portant à 26 le nombre d’échantillons. La base de données est donc plus représentative, principalement en ce qui concerne les sources de la plage SaintLaurent de la Formation de Les Fonds dont les échantillons forment un regroupement statistiquement valide qui montre l'étendue de la variabilité. La prospection et l’échantillonnage de nouvelles sources ont également permis de mieux comprendre le contexte géologique des sources de cherts et le problème inhérent au matériau. La grande hétérogénéité du matériel, la variabilité intra source et la faible variabilité inter source rendent la caractérisation et surtout la différenciation des sources de cherts du Québec très difficiles et justifient l’utilisation d’une technique d’analyse comme l’INAA. Identification et comparaison géochimiques des artéfacts L’identification visuelle des cherts est une identification préliminaire, car le taux d’erreur associé à cette méthode est très élevé. Il varie entre 25 % et 70 % (Calogero 1992; Duval 2008; Hess 1996; Parish 2009 : 50). L’identification géochimique des artéfacts en cherts appalachiens gris verdâtre est elle aussi souvent difficile, car la distinction entre les différentes sources est très subtile et demande une grande base de données. De plus, la plupart des artéfacts en cherts, à l’exception de ceux très siliceux, se couvrent, sous l'effet des intempéries et de l'acidité des sols, d'une patine mate et sans éclat grise pâle ou beige et uniforme, ce qui masque les textures et les structures des cherts (Chalifoux et al. 1998 : 129; Chalifoux et Burke 1995 : 246; Codère 1998 : 38). L’altération thermique transforme également le chert et pourrait même modifier sa composition chimique (Luedtke 1992 : 101-102). 75 L’altération thermique est difficile à identifier, car elle n’est pas toujours visible et dépend de l’intensité de la chaleur et du refroidissement. Ce processus peut se présenter sous différentes subtilités, comme un lustre brillant, une porosité, des teintes rosées, blanchâtres ou très foncées ainsi que certaines formes d’éclatements (Luedtke 1992 : 106-108; Parish 2009 : 57). Les artéfacts ont été sélectionnés en fonction des catégories mégascopiques identifiées lors de l’analyse macroscopique du matériel de 2010 et 2011, mais aussi en fonction de la zone de la fouille. Des catégories mégascopiques avaient été ciblées en 2010 et elles sont décrites dans le Tableau 3. Au total, cinq échantillons archéologiques ont été analysés, quatre de CeEu-10, deux par zone fouillée, et un de CeEu-25. La localisation des échantillons dans l’aire de fouille est présentée à la Figure 24. Une description mégascopique des échantillons archéologiques est présentée dans le Tableau 4. Des photographies individuelles des pièces sont présentées à la Figure 25. D’autres pièces archéologiques provenant du site de Saint-Augustin (CeEu-10) (Figure 26) avaient déjà été analysées dans des études précédentes (Duval 2009 et 2011a). À cette banque, seront ajoutés d’autres artéfacts retrouvés dans la région de Cap-Rouge (Figure 27) afin d’augmenter les données comparatives. Les autres sites à l’étude sont les sites de CartierRoberval (CeEu-4), du vieux Cap-Rouge (CeEu-18) et du lac Fossile (CeEt-789). Tous ces artéfacts seront comparés à la banque de données en INAA des sources de cherts de Québec, présentée précédemment. Tableau 3 : Catégories mégascopiques des différents cherts présents sur le site de CeEu-10. Nom des catégories A- Chert gris vert cireux B- Mudstone uni brun verdâtre C- Mudstone brun rougeâtre D- Argilite grise et noire E- Chert altéré Description mégascopique des échantillons Chert cireux, gris vert pâle avec des zonations centrifuges blanchâtres et des radiolaires. Mudstone siliceux à zones cherteuses, brun verdâtre foncé, uni, avec quelques inclusions de micas et de pyrites Mudstone siliceux terne, brun moyen rougeâtre et noir, marbré ou en contact, souvent fracturé selon des joints et présence de miroirs de faille. Son cortex est grenu. Argilite (très fine), poreuse et terne, grise et noire, unie ou avec des taches grossières, avec des inclusions sphériques noires et blanches (moins d’un mm) (probablement des radiolaires et des oxydes métalliques) Chert-mudstone patiné et altéré, blanchâtre, beige à gris pâle. 76 Figure 24 : Localisation des fouilles sur le site de Saint-Augustin, des échantillons géologiques et archéologiques analysés pour l’étude de provenance géochimique. Plan modifié de Michel Plourde. Tableau 4 : Échantillons archéologiques (n = 5) en chert analysés en 2011, leur localisation et leur description mégascopique. Couleur selon le rock-colorchart Caractéristiques macroscopiques (10X) Cortex CeEu10, Zone Chert appa3, 2763, lachien à 39N radiolaires 81E, NE Yellow gray (5Y8/1) or very pale orange (10YR 8/2) et Light greenish gray (5GY 8/1) avec des radiolaires blancs éclatants Matrice très fine, de dureté en haut de 7, avec une texture légèrement mouchetée (brechique), de couleur gris verdâtre pâle et gris blanc bleuté pâle. Présence de veines d’oxydes de fer (angle d’environ 35 ou 50 degrés) et des points groupés hétérogènes de minéraux opaques (hématite, magnétite ou pyrite?), également beaucoup de radiolaires blancs éclatants. CeEu10, Zone Chert appa3, 2766, lachien à 39N radiolaires 81E, NW De pale yellowish green (10GY 7/20 à Dusky Yellow green (5GY 5/2) à moderate Yellow green (5G 5/2) Matrice très fine, cireuse, dureté élevée, massive, gris vert pâle à foncé, de texture légèrement mouchetée, présence de quelques veines d’oxydes de fer, de beaucoup de radiolaires blancs éclatants bleutés et des points groupés hétérogènes de minéraux opaques (hématite, magnétite ou pyrite?) No artefact Matériau Code de matériau Technologie Présence sur un côté, en partie distale et proximale, Homogène, semble mince légèrement chauffé (1mm), brun en totalité. pâle rougeâtre à brun foncé noirâtre Exemple de C7 de Vincent Rousseau, et chert gris vert cireux altéré (A) Duval (2011) Éclat cortical complet, court et rond, peutêtre fabriqué par percussion bipolaire sur enclume ou percussion directe. Présence sur un côté étroit (gauche) qui remonte jusqu’au talon, cortex Pas d’altération mince (1mm), vert très pâle (light greenish gray (5GY 8/1) Exemple de C2 de Vincent Rousseau, et chert gris vert cireux (catégorie A) Duval (2011) Partie proximale d’un éclat cortical, par percussion directe. 77 Altération CeEu10, Zone 1, 2619, Mudstone 38N siliceux à 35E, SE, radiolaires Ae (1520 cm) CeEu10, Zone Chert à 3, 2762, Mudstone 39N siliceux 81E, SE CeEu25, 24, 8S, 9W, SW, Ae Mudstone siliceux De moderate yellow green (5G 5/2) à dusky green (5G 3/2) Matrice moyennement fine, mate, massive et unie, de dureté de moins de 7 probablement 6 ou 6,5, présence de quelques inclusions de micas et minéraux opaques (pyrite) Light greenish gray (5GY 8/1) à pale green (5G 7/2) Matrice moyennement fine à fine, mate à cireuse, massive et unie, de dureté en haut de 7, présence de quelques inclusions de micas, beaucoup de points noirs des minéraux opaques (pyrite), quelques veines d’oxydes de fer avec angle de 50 degrés et probablement quelques radiolaires. De very pale orange (10YR 8/2) et grayish orange (10YR 7/4) Matrice moyennement fine, mate, massive, unie, de dureté de moins de 7 probablement 6 ou 6,5, présence de quelques inclusions de minéraux opaques (pyrite), de plusieurs veines de quartz litées et probablement quelques radiolaires. Sans cortex À moitié altéré, caractérisation macro faite sur partie non altérée. L’altération se traduit par la matrice qui devient gris blanc White (N9) et very ligth gray (N8) et dont on aperçoit de la bioturbation, enfin, des points blancs éclatants apparaissent (radiolaires). Sans cortex Altération de surface qui pénètre entre 2 et 5 mm dans la pierre, cocentrique vers le centre donc post fracture. La couleur de la matière altérée varie de moderate olive 78rown (5Y 4/4) à yelloish gray (5Y 8/1) aux extremités. Sans cortex Semble altéré en totalité et homogène, (peut-être chauffé par un feu de forêt) et fissuré. La matière altérée Matière spécifiest entre le grayish que à ce site orange (10YR 7/4), moderate orange pink (5Y 8/4) et pale grayish orange (10YR 8/6) Figure 25 : Photographie des artéfacts analysés n 2011 de CeEu-10. 78 Exemple de CaA frais à V. Rousseau et mudstone uni brun verdâtre (catégorie B) de Duval (2011) Éclat complet gros et large avec un gros talon triangle, un bulbe large et haut, avec grosse esquille, sur côté droit et petites retouches d’utilisation. Exemple de C1 frais à V. Rousseau et mudstone uni brun verdâtre (catégorie B) de Duval (2011) Partie distale d’un gros éclat, esquille à l’extrémité distale, semble avoir été utilisé comme coin ou obtenu par percussion bipolaire sur enclume, pas de retouches intentionnelles, peut-être d’utilisation du côté droit. Parie distale d’un mince et large éclat, partie distale fracturée, faibles retouches d’utilisation sur les deux bords. Figure 26 : Photographie des artéfacts analysés précédemment de CeEu-10. En haut, deux échantillons provenant de la pointe (zone 1), analysés en 2008. En bas, les quatre catégories mégascopiques des types de cherts analysés, ainsi que les échantillons utilisés pour l’analyse de 2010. Des analyses géochimiques quantitatives ont été réalisées sur les artéfacts sélectionnés dans le but de connaître la provenance de ceux-ci. Le même protocole a été appliqué pour tous les artéfacts et pour tous les échantillons géologiques afin de comparer les données entre elles. Les données quantitatives de tous les artéfacts en chert sont présentées dans le Tableau 5. La comparaison des données va s’effectuer, en premier lieu, avec les artéfacts et, en deuxième lieu, avec les sources de chert potentielles. Le premier graphique (Figure 28) permet de visualiser tous les éléments chimiques analysés des artéfacts dans un diagramme à bandes normalisé avec les valeurs du NASC de Gromet et al. (1984). Le diagramme en haut à gauche est réalisé avec les onze artéfacts de CeEu-10 et de CeEu-25. Celui-ci montre que les éléments chimiques des artéfacts sont assez homogènes. Il fait également ressortir que les artéfacts de la zone 3 (2763-C7 et 2766-C2) ont des teneurs des éléments chimiques différentes des autres artéfacts, mais similaires entre eux. De plus, ces deux artéfacts ressemblent beaucoup, visuellement et géochimiquement, à la catégorie A (3-A) qui représente le chert gris vert cireux. Ces trois artéfacts proviennent de la même source. Ils ont des teneurs des éléments chimiques qui suivent le même patron, mais qui se démarquent des autres artéfacts par leurs basses teneurs des éléments chimiques particulièrement ceux des éléments des terres rares. L’artéfact en argilite siliceuse grise (catégorie D) et celui de CeEu-25 se ressemblent légèrement dans ce diagramme et se démarquent des autres principalement par leurs teneurs en fer et en cobalt. Le diagramme en haut à droite est effectué avec les onze artéfacts de CeEu-10 et de CeEu-25 et avec toutes les sources de cherts analysées. Celui-ci montre que les artéfacts en chert gris vert cireux (n = 3) ne correspondent à aucune source de la base de données. Cette source est donc indéterminée. L’appartenance à une source est beaucoup plus difficile à départager pour les artéfacts de la catégorie D et de CeEu-25. Leur provenance est donc incertaine. Les artéfacts de CeEu-10 qui semblaient similaires dans le graphique, en haut à gauche, ont été isolés dans le graphique, en bas à gauche, afin de valider leur homogénéité. Ces six artéfacts sont relativement similaires pour tous les éléments et surtout pour les plus diagnostiques de la provenance, c’est-àdire les terres rares (La, Ce, Nd, Sm, Eu, Tb, Yb et Lu). Seul l’artéfact CeEu-10 1-1 est légè79 rement différent. Ces artéfacts ont été comparés individuellement à toutes les sources de chert analysées. Ce sont les sources de la région de Québec (graphique en bas à droite) qui res- semblent le plus aux six artéfacts de CeEu-10. Ces artéfacts ont plus ou moins le même patron (minimum et maximum) que les sources de la Formation de Les Fonds. Figure 27 : Photographie des artéfacts analysés précédemment de CeEu-4, CeEu-18 et CeEt-789. 80 Figure 28 : Diagramme à bandes réalisé avec les résultats d’INAA de l'UQAC normalisés avec les valeurs du NASC de Gromet et al. (1984) des artéfacts du site de Saint-Augustin (CeEu-10 et CeEu25) et des sources de chert. En haut à gauche : diagramme à bandes des onze artéfacts de CeEu-10 et CeEu-25. En haut à droite : les onze artéfacts de CeEu-10 et CeEu-25 avec toutes les sources de chert analysées. En bas à gauche : les six artéfacts de CeEu-10 pouvant provenir de la région de Québec. En bas à droite : les six artéfacts de CeEu-10 et les sources de chert locales probables. 81 Tableau 5 : Table des données des 24 échantillons archéologiques des cherts analysés en INAA provenant de CeEu-10 Saint-Augustin (n = 10), de CeEu-25 Lac Saint-Augustin (n = 1), de CeEu-4 Cartier-Roberval (n = 10), de CeEt-789 Lac Fossile (n = 1), de CeEu-18 Vieux Cap-Rouge (n = 2). Éléments TiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO K2O Sc Cr Co Rb Sb Cs Ba (%) (%) (%) (%) (%) +/LD Standard KPT 0,01 0,03 0,94 0,02 0,07 14,60 0,01 0,04 11,83 0,01 0,03 0,14 0,1 0,4 1,7 (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) 0,01 0,5 0,1 1 0,01 0,04 6 0,04 1,6 0,3 3 0,03 0,14 20 23,94 139,0 73,8 56 9,57 3,86 436 Artefacts en chert CeEu-10 3-A CeEu-10 2-B CeEu-10 2-C CeEu-10 2-D CeEu-10 1- 1 CeEu-10 1- 2 CeEu-10, 3-2763 CeEu-10, 3-2766 CeEu-10,1-2619 CeEu-10, 1- 2762 CeEu-4, 20B1 CeEu-4, 20B2 CeEu-4, 20B3 CeEu-4, 53A1 CeEu-4, 53A2 CeEu-4, 53A3 CeEu-4, 111A CeEu-4, 93A1 CeEu-4, 93A2 CeEu-4, 87A CeEu-25 CeEt-789 CeEu-18 CeEu-18 0,06 0,28 0,40 0,13 0,03 0,03 0,06 0,06 0,29 0,17 0,24 0,34 0,29 0,07 0,04 0,04 0,25 0,21 0,18 0,19 0,19 0,05 0,32 0,14 1,97 5,57 8,31 2,58 3,87 5,23 2,04 2,61 6,38 4,64 5,16 8,02 6,11 3,08 1,52 1,80 7,56 5,35 4,81 5,25 4,10 1,65 7,84 3,85 1,04 4,37 4,64 0,41 2,20 2,32 0,27 0,25 2,36 2,61 1,94 3,45 3,48 1,15 0,73 0,70 7,02 3,04 3,24 4,90 0,38 0,29 4,25 1,12 0,03 0,03 0,03 0,09 0,22 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,10 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,50 0,03 0,4 0,6 1,8 0,5 0,6 0,8 0,4 0,4 0,9 0,6 1,1 1,8 1,4 0,5 0,4 0,4 0,7 0,7 0,6 0,4 0,6 0,4 1,2 0,6 0,99 5,84 7,16 1,98 3,41 4,22 0,84 1,08 5,97 3,94 4,67 6,48 5,20 2,14 0,87 0,90 7,58 4,97 4,51 4,08 2,81 0,81 11,79 3,30 82 5,7 25,3 42,1 11,9 15,3 40,7 6,3 8,7 27,5 16,6 26,5 31,4 29,9 9,4 4,7 4,7 33,1 25,1 23,5 23,3 16,3 6,2 32,3 18,7 3,9 5,8 6,7 0,6 4,9 2,8 4,7 3,1 9,6 2,3 3,1 4,0 5,1 1,8 7,1 2,5 6,0 3,3 5,2 5,7 0,5 8,5 20,0 3,9 6 35 67 17 21 30 6 14 46 21 38 80 71 22 6 8 30 30 25 15 32 7 49 21 0,71 0,25 0,19 0,41 0,61 0,65 1,25 1,05 0,46 0,32 0,30 0,55 0,46 0,77 0,90 0,58 0,18 0,61 0,87 0,34 0,10 0,92 0,23 0,27 0,33 0,98 2,20 0,58 0,87 1,10 0,39 0,46 1,31 0,86 1,21 2,48 2,00 0,73 0,30 0,46 0,95 1,36 1,14 0,77 2,08 0,40 1,80 0,78 253 255 307 801 442 659 349 491 385 415 491 428 430 3514 570 1081 506 2056 2687 258 483 446 597 543 Tableau 5 (suite) Éléments +/- La Ce Nd (ppm) (ppm) (ppm) 0,1 0,4 0,6 Sm Eu Tb Yb Lu Hf Th U V (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) 0,01 0,02 0,02 0,01 0,00 0,05 0,04 0,03 1 LD 0,2 1,3 2,0 0,02 0,08 0,06 0,03 0,01 0,15 0,12 0,11 3 Standard KPT 25,8 54,3 21,3 4,46 1,20 0,68 2,55 0,39 3,76 6,42 1,59 211 Artefacts en chert CeEu-10 3-A CeEu-10 2-B CeEu-10 2-C CeEu-10 2-D CeEu-10 1- 1 CeEu-10 1- 2 CeEu-10, 3-2763 CeEu-10, 3-2766 CeEu-10,1-2619 CeEu-10, 1- 2762 CeEu-4, 20B1 CeEu-4, 20B2 CeEu-4, 20B3 CeEu-4, 53A1 CeEu-4, 53A2 CeEu-4, 53A3 CeEu-4, 111A CeEu-4, 93A1 CeEu-4, 93A2 CeEu-4, 87A CeEu-25 CeEt-789 CeEu-18 CeEu-18 2,9 16,6 19,2 8,2 6,3 14,8 1,6 2,1 14,4 8,9 11,4 13,9 9,0 2,5 1,7 1,6 10,7 12,5 11,2 9,8 13,0 1,6 17,5 7,0 7,0 34,4 40,7 19,2 21,6 43,5 3,3 4,5 31,8 20,7 31,6 49,6 30,3 5,7 5,8 5,2 20,4 25,9 23,1 21,2 29,5 3,1 43,4 16,5 2,1 10,4 10,7 6,3 6,3 11,8 2,4 2,0 7,6 4,9 8,6 12,3 7,9 2,0 2,0 2,0 8,4 9,2 9,3 7,9 9,0 2,4 15,9 7,7 0,48 1,95 1,50 0,85 1,36 1,95 0,28 0,36 1,96 1,22 1,47 2,07 1,39 0,28 0,35 0,31 1,55 1,33 1,17 1,51 2,11 0,27 2,48 1,17 0,13 0,41 0,35 0,17 0,30 0,30 0,08 0,13 0,36 0,23 0,30 0,37 0,28 0,11 0,10 0,10 0,38 0,26 0,26 0,38 0,40 0,13 0,55 0,28 0,06 0,21 0,14 0,10 0,14 0,19 0,06 0,06 0,07 0,06 0,16 0,20 0,17 0,06 0,06 0,06 0,18 0,14 0,11 0,19 0,06 0,06 0,28 0,14 0,18 0,94 1,04 0,88 0,45 1,00 0,10 0,13 1,17 0,45 0,84 0,83 0,75 0,17 0,13 0,10 1,08 1,23 1,09 0,69 0,99 0,12 1,20 0,51 0,03 0,13 0,16 0,13 0,07 0,17 0,01 0,02 0,19 0,07 0,14 0,13 0,12 0,03 0,02 0,02 0,15 0,18 0,17 0,10 0,16 0,02 0,18 0,08 0,37 1,20 2,47 0,74 0,81 1,12 0,29 0,28 1,66 0,87 1,12 1,42 1,26 0,40 0,19 0,24 1,56 1,03 0,95 1,01 0,84 0,29 1,63 0,67 1,00 3,48 5,04 2,04 2,44 3,08 0,72 0,85 3,61 2,73 3,47 5,63 3,95 1,20 0,64 0,63 3,08 3,26 2,74 2,48 1,25 0,64 3,97 1,79 0,26 1,26 1,68 1,56 0,50 0,97 0,22 0,20 0,54 0,41 0,61 0,92 0,77 0,26 0,15 0,16 0,64 1,13 0,93 0,48 0,87 0,22 0,57 0,37 9 61 45 18 6 46 5 8 33 24 35 53 46 20 5 6 52 36 31 25 23 4 33 22 La première ACP est faite avec uniquement les artéfacts et les 13 éléments les plus justes et précis (Sc, Co, Sb, Ba, La, Ce, Sm, Yb, Lu, Hf, Th, U et V). Celle-ci explique une variance de 61% contrairement au même graphique faite avec les sources dont l’inertie totale exprimée est seulement de 41 %. Les résultats de ce graphique montrent que les artéfacts, contrairement aux sources échantillonnées, semblent avoir une bonne homogénéité. Une autre ACP a été réalisée avec les huit éléments chimiques qui ont permis de dissocier, au mieux, les sources de chert (Sb, Ba, La, Ce, Nd, Yb, Lu et Th). Le graphique de la Figure 29 explique 90 % de la variance, ce qui est très rare et montre une faible variabilité dans les artéfacts. Les regroupements présentés par les ellipses pointillées sont à titre indicatif. Deux principaux regroupements ressortent de cette analyse statistique. Le premier, en haut, est représentatif de la catégorie A, le chert gris vert cireux très siliceux et inclus les deux échantillons de la zone 3 (2763-C7 et 2766-C2), ainsi que l’échantillon de CeEt-789 et les trois échantillons de l’opération 53A de CeEu-4. Ces artéfacts semblent tous provenir de la même source. L’autre regroupement, en bas à gauche, est représentatif des catégories B et C qui sont des mudstones brun verdâtre olive parfois légèrement rougeâtre. Ces deux catégories avaient déjà été identifiées comme provenant de la même source dans l’étude précédente. Sont également inclus dans ce groupe les échantillons de la zone 3 (2762-C1) et deux échantillons de la zone 1 (2619-CaA). Ces échantillons sont tous des mudstones siliceux, mats, unis 83 parfois marbrés, présentant des textures de failles. Par ailleurs, la catégorie D, qui est une argilite siliceuse poreuse grise et noire (Figure 30), ainsi qu’un échantillon de la pointe (zone 1) et les deux artéfacts de l’opération 93A de CeEu-4 ne ressemblent à aucun des artéfacts analysés et proviennent donc d’autres sources indéterminées pour le moment. Enfin, les artéfacts des sites CeEu-18 et CeEu-25 semblent légèrement différents du regroupement des mudstones et leur provenance est incertaine. Figure 29 : ACP des 24 échantillons archéologiques de cherts analysés en INAA et provenant de cinq sites archéologiques différents. L’analyse statistique est réalisée avec huit éléments chimiques et couvre 90 % de la variance. Figure 30 : Présentation de deux artéfacts en mudstone siliceux noir et gris de CeEu-10. Ces artéfacts représentent la catégorie D et proviennent d’une source indéterminée. La comparaison des artéfacts retrouvés sur le site de Saint-Augustin (CeEu-10) avec les sources de chert de la région de Québec est présentée par l’ACP à la Figure 31. Cette ACP inclut les artéfacts des autres sites archéologiques pour un grand total de 50 échantillons. 84 Cette analyse multivariable a été effectuée avec huit éléments utilisés précédemment et donnant les meilleurs résultats (Sb, Ba, La, Ce, Nd, Yb, Lu et Th). La variance ou l’inertie totale exprimée par cette analyse statistique est de 73 %. Ce graphique montre les regroupements entre les sources et les artéfacts. Les ellipses équiprobables représentant le domaine des sources n’ont pas été calculées. Les regroupements présentés par les ellipses pointillées sont à titre indicatif. Ces regroupements aident à visualiser le domaine géochimique des sources. Figure 31 : ACP des 24 échantillons archéologiques provenant de cinq sites différents et des 26 échantillons géologiques des dix sources de chert analysés en INAA. L’analyse statistique est réalisée avec huit éléments chimiques et couvre 73 % de la variance. La Figure 31 est la figure principale pour l’interprétation de la provenance. D’abord, le regroupement d’artéfacts en chert gris vert cireux (catégorie A) de CeEu-10 ne recoupe aucune source (en haut à droite du graphique). La provenance de ces artéfacts (zone 3, 2766 et 2763) reste donc indéterminée. Les sources qui s’approchent de ce regroupement sont le chert vert de provenance inconnue, un échantillon de la pointe Deschambault de la plage Saint-Laurent et le seul échantillon du chert Touladi du Témiscouata. Par contre (en bas à gauche du graphique), les mudstones verdâtres (catégories B et C), incluant fort pro- bablement l’artéfact de la zone 1 (2619), se recoupent avec les sources de la plage SaintLaurent. Cette grande source de la plage SaintLaurent comprend un affleurement à la pointe Jean-Gros, un autre à la pointe Deschambault et certains dépôts secondaires de la terrasse de Saint-Augustin. Elle totalise actuellement neuf échantillons géologiques. Les deux échantillons de la pointe Aubin semblent être à l’extérieur du regroupement, mais d’autres échantillons seront nécessaires avant de confirmer cette hypothèse et espérer une différenciation de cette source avec la plage Saint-Laurent. Les échantillons archéologiques analysés du site 85 CeEu-18 pourraient correspondre au domaine géochimique de la côte de la Montagne. L’artéfact de CeEu-25 pourrait également provenir de la côte de la Montagne, mais aussi de la formation d’Etchemin. Un autre artéfact (pointe 1-2) retrouvé dans la zone 1 de CeEu10 pourrait également provenir de la Formation d’Etchemin. Cependant, avant de proposer la côte de la Montagne ou la Formation d’Etchemin comme provenance aux artéfacts, un échantillonnage adéquat, représentatif de la variabilité et statistiquement valable devra être effectué sur ces sources. L’échantillon d’argilite grise (catégorie D) se retrouve encore une fois isolée, cette source est donc distincte des autres. Un artéfact analysé de la zone 3 (2762), se retrouve à l’extérieur de toutes les sources échantillonnées. Il est donc impossible de lui proposer une provenance. Il est possible que cet artéfact représente une variabilité ou une source non échantillonnée. Enfin, ce graphique montre que, jusqu’à maintenant, aucun artéfact ne recoupe le domaine géochimique du chert vert et de la source de la côte Dinan. Plusieurs graphiques binaires en log10 ont été réalisés (Ce/Hf, Ba/Hf, Rb/Cr, Rb/Sc, Sb/Nd, Nd/Lu et Nd/La) afin de vérifier et valider les résultats des ACP et surtout tenter de départager ou d’expliquer les zones grises de l’analyse statistique. Les résultats de ces graphiques reviennent tous plus ou moins au même que l’ACP présenté en figure 31. Ils accentuent les différences entre les échantillons ou, au contraire, regroupent tous les artéfacts et toutes les sources ensembles, à l’exception des artéfacts de la catégorie A et des deux artéfacts de la zone 3. L’ACP montre les résultats amalgamés de tous ces graphiques. En résumé, la comparaison géochimique des artéfacts entre eux a été très révélatrice. Les diagrammes à bandes, ainsi que l’ACP ont permis de voir qu’il y avait deux grands regroupements au sein des artéfacts. Le premier groupe est composé de cinq ou six artéfacts qui s’apparentent aux sources de la Formation de Les Fonds de la plage Saint-Laurent. il s’agit des mudstones mats, vert brunâtre souvent foncés. Cinq des artéfacts de ce groupe se ressemblent beaucoup entre eux et s’assemblent avec les artéfacts de CeEu-4 20B. L’autre groupe est composé des artéfacts de la zone 3 (2766 et 2763) et du chert siliceux, vert gris, cireux (Figure 32) présentant souvent une altération blanche beige (catégorie A). Ces trois artéfacts sont très similaires et proviendraient fort probablement de la même source. Cette source n’est pas dans l’échantillonnage et est donc indéterminée. L’ACP et le diagramme binaire, avec tous les artéfacts et toutes les sources, ont confirmé la distinction du groupe des cherts gris vert cireux. L’ACP a même joint à ce groupe des artéfacts de CeEu-4.53A et de CeEt-789. L’ACP a également montré que trois artéfacts en mudstone sont distribués autour du domaine des sources de la Plage SaintLaurent. Ce domaine des sources comporte plusieurs échantillons (n = 9) et est validé statistiquement. Ces artéfacts en mudstone peuvent donc être considérés comme étant locaux. Par contre, cette ACP a nuancé la provenance des autres artéfacts du groupe des mudstones, ainsi que de celui de CeEu-25 en les distribuant autour de la source de la Côte de la Montagne. Leur provenance est donc incertaine surtout que ces artéfacts semblent recouper le domaine géochimique d’autres sources extra régionales comme celles d’Etchemin et du Témiscouata. Enfin, les différentes méthodes de comparaison montrent que l’artéfact en argilite grise et noire (catégorie D) est différent de tous les autres échantillons analysés. Cet artéfact proviendrait donc d’une source non échantillonnée, donc une deuxième source indéterminée. Pour conclure, même lorsqu’une signature chimique d’un artéfact correspond à une source, sa provenance n’est jamais certaine tant que toutes les sources potentielles aient été vérifiées (Julig 1995). 86 sante serait de faire de la prospection à l’ouest du site CeEu-10, principalement dans l’estran, afin de trouver de nouveaux affleurements cherteux aux endroits proposés. La découverte de nouvelles sources augmenterait les connaissances sur l’exploitation des matières premières et contribuerait à une meilleure représentativité des sources de chert de la Plage Saint-Laurent. Les résultats des analyses géochimiques montrent que les deux artéfacts de la zone 3 (2766 et 2763) sont presque identiques. Ces résultats confirment l’hypothèse que la catégorie megascopique C7 est la version altérée de C2. Le chert gris vert cireux reste siliceux mais devient blanc beige avec des petits points légèrement bleutés (radiolaires) lorsqu’il s’altère. Ces deux artéfacts et celui de la catégorie A proviennent vraisemblablement de la même source. Cette matière aurait été utilisée en majorité dans la zone 3 qui est datée du Sylvicole inférieur. Selon les résultats de l’analyse, ce chert gris vert cireux de bonne qualité (catégorie A), semble également se retrouver sur le site de Cartier-Roberval (CeEu-4.53A) et au site du lac Fossile (CeEt-789). La source de ce chert est encore indéterminée, car elle n’est pas dans la base de données. Une autre piste de recherche à considérer serait de faire tester quelques artéfacts de cette catégorie (chert gris vert cireux) par le Laboratoire de Caractérisation Chimique des Matériaux Archéologiques de l’Université de Montréal (Adrian Burke et Gilles Gauthier) afin de comparer ce chert à la base de données en ED-XRF (chert Touladi, de La Martre et autres), mais également afin de valider l’homogénéité de cette catégorie. L’analyse géochimique propose comme provenance, pour les artéfacts de la zone 2 en mudstone verdâtre (catégorie B et C) et pour l’artéfact de la zone 1 (2619 CaA), les sources de la Formation de Les Fonds et plus particulièrement de celles de la plage Saint-Laurent. Les sources de la Plage Saint-Laurent sont : la pointe Jean-Gros, la pointe Deschambault et une certaine variabilité des dépôts secondaires de la terrasse de Saint-Augustin. Les échantillons (n = 9) de ces sources forment un regroupement assez homogène, valide statistiquement, qui permet d’attribuer une provenance à Figure 32 : Exemple d’un outil en chert vert gris cireux (catégorie A) dont la source reste indéterminée. Conclusion L’étude de provenance géochimique des cherts est très complexe et la compréhension de ce matériel progresse à chaque nouvelle étude. Les techniques d’analyses géochimiques ne peuvent garantir une réponse juste, à tous les coups aux questions de recherche posées (Kendall 2010). Elles ouvrent cependant plusieurs avenues de recherche et apportent souvent d’autres informations ou d’autres hypothèses sur l’utilisation des ressources lithiques dans le paysage. La prospection sur le terrain et en cartographie a permis de cibler et d'échantillonner de nouvelles sources qui ont conduit à une meilleure compréhension du contexte géologique. Cette compréhension du contexte a permis de favoriser certaines hypothèses sur le mode de formation des cherts et, indirectement, a facilité la détermination de provenance des cherts. La contribution de cette étude se situe principalement dans la caractérisation des sous-sources de la Plage Saint-Laurent. Cette étude souligne l’importance de l’échantillonnage des sources dans la détermination de la provenance des artéfacts. Les aspects importants lors de l’échantillonnage réalisé sont la cartographie des affleurements, la détermination d’une partie de la variabilité physique et chimique et surtout la représentativité statistique. Une avenue de recherche intéres87 ces trois artéfacts. Certains artéfacts de la zone 1 (pointe), de la zone 3 (2762-C1) et de CeEu25 ressemblent beaucoup visuellement aux artéfacts en mudstone attribués à la plage SaintLaurent de la Formation de Les Fonds. Cependant, le diagnostique de provenance géochimique de ces artéfacts est incertain. Le principal facteur occasionnant cette incertitude est l’échantillonnage actuel qui n’est pas représentatif de toute la variabilité et qui est statistiquement invalide pour tenter de départager adéquatement les mudstones des sources de la Formation de Les Fonds et de la côte de la Montagne. L’altération de la matière est également un facteur limitant dans l’identification de la provenance. En effet, les artéfacts en mudstone se couvrent facilement d’une patine d’altération, poreuse, beige, uniforme, pénétrante, qui modifie la composition chimique (Gauthier et al. 2012). Enfin, l’argilite siliceuse gris et/ou noire (catégorie D) provient elle aussi d’une source indéterminée. L’analyse géochimique d’un petit échantillon a été réalisée afin d’entrevoir les sources potentielles utilisées par les habitants du site. Les résultats proposent que les sources de chert de la plage Saint-Laurent de la Formation de Les Fonds ont fort probablement été utilisées par les occupants de CeEu-10. Il y aurait donc eu exploitation des matières premières locales sur le site de Saint-Augustin. En effet, certains artéfacts en mudstone, retrouvés sur le site CeEu-10, suggèrent que les sources à proximité (environs 1,5 km) auraient été exploitées et que cette matière aurait été transportée et taillée sur le site. Même si l’appartenance des artéfacts à des sources de chert locales est vérifiée, il ne faut pas négliger la possibilité d’échanges ou d’approvisionnement sur de longues distances, car au moins deux sources de cherts indéterminées ont servi à fabriquer des éclats sur le site de Saint-Augustin. Pour terminer, une étude de provenance débute par la caractérisation géochimique des sources géologiques potentielles et, par la suite, par la caractérisation des artéfacts selon le même procédé. Des validations et des comparaisons sont nécessaires pour reconnaitre les artéfacts qui correspondent aux sources échan- tillonnées. De cette manière, les sources très différentes chimiquement des artéfacts, ainsi que la matière de mauvaise qualité, peuvent être mis de coté afin de se concentrer sur la caractérisation des sources utilisées durant la préhistoire (Julig 1995). En se qui concerne les sources de chert de la région de Québec, la plage Saint-Laurent a été caractérisée avec cette étude. Il reste néanmoins les sources de la pointe Aubin et de la côte de la Montagne à étudier ainsi que plusieurs autres sources ou affleurements cherteux à découvrir. Bibliographie Badgley, I. 1986. Rapport des premières fouilles archéologiques effectuées dans le site CeEu-10, Saint-Augustin-de-Desmaures, 1984. Rapport inédit soumis au MAC et MCCCF. Baxter, M. J. 2003. Statistics in Archaeology. Londres : Arnold. Beaulieu, J., Lajoie, H. et Hubert, C. 1980. Provenance et mode de dépôt de la Formation de la Rivière Nicolet : flysch taconique du domaine autochtone et du domaine externe des Appalaches du Québec. Canadian Journal of Earth Sciences 17, 855-865. Bédard, P., Savard, D. et Barnes, S.-J. 2008. Total Sulfur Concentration in Geological Reference Materials by Elemental Infrared Analyser. Journal Compilation 2008 International Association of Geoanalysts 32, 203-208. Bolduc, A. M., Paradis, S. J., Parent, M., Michaud, Y., et Claoutir, M. 2003. 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Williams (dir.), Geology of the Appalachian-Caledonian Orogen in Canada and Greenland, Geological Survey of Canada, Geology of Canada 6. 92 Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec - Faucher IDENTIFICATION D'UN MACRORESTE BOTANIQUE CARBONISÉ, SITE ARCHÉOLOGIQUE ODANAK (CAFE-7) Anne-Marie Faucher 2011, Université Laval Analyse effectuée pour le Musée des Abénakis, Michel Plourde et Geneviève Treyvaud Résumé Un fragment d'épi de maïs carbonisé a été découvert lors d'une courte expertise archéologique sur le site Odanak (CaFe-7) en 2011. Cet épi, communément appelé Eastern Eight-Row, a été trouvé en contexte historique (XVIIIe siècle). Il apporte des informations sur l'alimentation des Amérindiens d'Odanak à cette époque. Introduction séché avant la cuisson ou avant d'être moulu en farine. Les archéologues ont retrouvé le Eastern Eight-Row sur des sites archéologiques préhistoriques, le plus vieux datant d'environ 2 000 ans, principalement dans la partie nord-est de l'Amérique du nord, c'est-à-dire Ce court rapport vise à valider l'identification d'un macroreste botanique carbonisé retrouvé sur le site Odanak (CaFe-7) à l'automne 2011. Ce reste était préservé dans une couche noirâtre, située sous l'actuelle église, contenant probablement du matériel organique carbonisé datant du XVIIIe siècle. Résultats L'identification a permis de déterminer qu'il s'agit d'un fragment d'épi de maïs carbonisé (Figure 1). Le fragment d'épi ne possède plus de grains attachés. D'un point de vue morphologique, il représente la partie distale de l'épi, mais sans l'extrémité. Il est long de 4 centimètres et possède huit rangs distribués en paires (quatre paires). Son diamètre est de 1,8 et 2,2 centimètres respectivement à chaque extrémité. Figure 1 : Fragment d'épi de maïs retrouvé sur le site d'Odanak (courtoisie de Dr. Michel Plourde). Discussion de la côte atlantique (New York et la NouvelleAngleterre) jusqu'en Ohio (Figure 2) (JaenickeDesprés et Smith 2006: 90). En Ontario, aucune autre variété de maïs n'a été trouvé sur des sites préhistoriques. Puisque le site archéologique Odanak est situé près de cette grande région, il est logique que l'épi retrouvé appartienne également à cette variété. Le contexte archéologique du XVIIIe siècle à Odanak, comparativement aux contextes préhistoriques où cette variété de maïs est généralement trouvée, ne cause pas de problè- L'identification a permis d'attribuer ce fragment à la catégorie Northern Flint ou Eastern Eight-Row ou Eastern Eight-Row Flint (Zea mays indurata). En archéologie, l'utilisation de la terminologie de Eastern Eight-Row est la plus répandue et s'applique principalement aux épis à huit rangs, tandis que le Northern Flint comprend également les épis à dix rangs (Crawford et al. 2006: 550). Cette variété de maïs possède une structure externe solide, d'où son nom Flint (silex). Ce type de maïs est généralement 93 me quant à la validité de son identification. En effet, cette variété de Eastern Eight-Row semble avoir été cultivée bien après l'arrivée des Européens, par exemple aux États-Unis où il était ensuite envoyé sur l'ancien continent (e.x.: Brown et Anderson 1947: 20). Ce n'est qu'au XIXe siècle que les Américains ont commencé à hybridiser cette variété afin de produire le maïs moderne que l'on consomme aujourd'hui. Lors de cette pratique d'hybridation, la morphologie du maïs se transforme, et donc, ce dernier ne possède plus ses principales caractéristiques initiales, ici ses huit rangées diagnostiques. d'Odanak. Ce site semble prometteur, particulièrement pour la découverte d'autres fragments archéobotaniques (macrorestes) carbonisés. Bibliographie Brown, W. L. et Anderson, E. 1947. The Northern Flint Corns. Annals of the Missouri Botanical Garden 34, 1-20. Crawford, G. W., Saunders, D. et Smith, D. G. 2006. Pre-contact maize from Ontario, Canada: Context, chronology, variation, and plant association, pp. 549-559, dans J. Staller, R. Tykot et B. Benz (éds.), Histories of Maize: Multidisciplinary Approaches to the Prehistory, Linguistics, Biogeography, Domestication, and Evolution of Maize. Burlington: Elsevier. Jaenicke-Després, V. R. et Smith, B. D. 2006. Ancient DNA and the Integration of Archaeological and Genetic Approaches to the Study of Maize Domestication, pp. 83-95, dans J. Staller, R. Tykot et B. Benz (éds.), Histories of Maize: Multidisciplinary Approaches to the Prehistory, Linguistics, Biogeography, Domestication, and Evolution of Maize. Burlington: Elsevier. Figure 2 : Exemple de spécimens Northern Flint (Eastern Eight-Row) découverts sur le site de Gibraltar, au Michigan. Image issue de Brown et Anderson (1947: plate 6). Conclusion Ce bref rapport d'identification confirme donc la présence d'un fragment d'épi de maïs de la variété Eastern Eight-Row sur le site d'Odanak. Cette première identification du genre sur le site vient approfondir les connaissances alimentaires des Amérindiens d'Odanak au XVIIIe siècle à l'extérieur de la traditionnelle zone comprenant l'Ontario, l'Ohio, le Michigan, la Pennsylvanie, la Nouvelle-Angleterre et New York. Lors des fouilles à venir, d'autres analyses archéobotaniques, avec une stratégie systématique, sont à privilégier sur le site 94 Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec - Faucher QUARTIER DES SPECTACLES, MONTRÉAL. ÉTUDE ARCHÉOBOTANIQUE DU SITE ARCHÉOLOGIQUE BJFJ148, DES OPÉRATIONS 1 ET 2 ET DE LA SUPERVISION ARCHÉOLOGIQUE MTL08-25-03, SOUS-OPÉRATION 3B. Anne-Marie Faucher 2011, Université Laval Analyse effectuée pour Archéotech Inc. Résumé Le quartier des spectacles à Montréal a fait l'objet de différentes interventions archéologiques et des échantillons de sol ont été prélevés. L'analyse archéobotanique qui en a été fait avait comme objectif d'évaluer le potentiel de préservation des macrorestes sur le site, ainsi que d'apporter de nouvelles informations quant à la nature des contextes à l'étude. Les résultats ont permis d'approfondir les connaissances sur l'environnement adjacent, profondément modifié par l'homme. Introduction que des échantillons prélevés sur le site BjFj148 et lors de la supervision MTL08-25-03 et d'en faire l'interprétation. Les objectifs sont de 1) vérifier la présence ou l'absence de graines dans les sols prélevés lors des interventions archéologiques (évaluation des échantillons) et 2) effectuer une analyse archéobotanique complète des échantillons positifs (à la suite de l'évaluation), afin de préciser la nature des contextes à l'étude et d'en interpréter les résultats. Le site archéologique BjFj-148 et la supervision archéologique MTL08-25-03, Quartier des spectacles, sont localisés en milieu urbain à Montréal. Avant l'assèchement du secteur au cours du XIXe siècle, le site était situé en milieu rural près d'un ruisseau aux abords marécageux. Une zone agricole ainsi que des vergers étaient également présents à proximité. Le site a récemment fait l'objet d'interventions archéologiques par la firme Archéotech inc. où plusieurs échantillons de sol y ont été prélevés. Ces échantillons proviennent de trois interventions différentes : 1) une surveillance à la jonction des rues Jeanne-Mance et Sainte-Catherine, MTL08-25-03, sousopération 3B (QDS08-3B), 2) un inventaire dans le parc Albert-Duquesne, opération 1 (QDSAR-IA-01) et 3) un second inventaire dans le parc Albert-Duquesne, opération 2 du site BjFj-148 (QDSAR-IA-02). Ce rapport présente les résultats obtenus lors de l'analyse archéobotaniques de ces échantillons de sol (macrorestes de graines). Méthodologie Un total de douze échantillons de moins d'un litre ont été évalués pour leur potentiel archéobotanique. Ces échantillons proviennent de sols où les macrorestes ont pu se préserver en milieu anaérobique, c'est-à-dire par le moyen de l'imbibition. Le Tableau 1 illustre la matrice du sol pour chaque échantillon étudié. Afin de ne pas abîmer le matériel archéobotanique lors du lavage des sols, il a été décidé, à cause de la forte présence d'argile et de limon, que les échantillons devaient tremper dans une solution d'eau et de bicarbonate de soude pendant 3 jours pour séparer les agrégats argileux/limoneux. Objectifs Le but de cette analyse est de déterminer le contenu de l'assemblage archéobotani95 Tableau 1 : Description de la matrice des sols des douze échantillons. Contexte Description de la matrice QDS08-3D couche 14 Limon brun foncé, organique QDSAR-IA-01 8E-A5 Argile limoneuse gris verdâtre QDSAR-IA-01 8E-A12 Argile limoneuse gris verdâtre QDSAR-IA-01 8E-A13 Argile limoneuse verdâtre QDSAR-IA-01 8E-A14 Sable fin gris moyen légèrement bourgogne QDS09-2A 9D-A6 Limon organique brun grisâtre foncé QDS09-2A 9D-A16 Limon argilo-sableux verdâtre moucheté de limon gris foncé QDS09-2A 9D-A21 Limon argileux gris bleuté QDS09-2A 9D-A23 Argile gris verdâtre avec sable QDS09-2A 9D-A25 Argile gris verdâtre avec sable moyen à grossier QDS09-2A 9D-C5 Limon organique brun foncé QDS09-2A 9D-C12 Limon argileux ocre brun marmorisé Résultats et interprétations Le lavage des échantillons a ensuite été réalisé en suivant la méthode de flottation manuelle en utilisant des tamis géologiques de 1mm, 500µm et 250µm pour recueillir un maximum de graines (Pearsall 2000). Les fractions obtenues (légère et lourde) ont par la suite été séchées. La fraction lourde a été triée sous une lampe binoculaire pour vérifier la présence de graines qui n'auraient pas flottées durant le lavage. La fraction légère a été triée et identifiée à l'aide d'un microscope binoculaire à faible grossissement. Les outils de références utilisés pour l'identification des restes comprennent une collection de référence de Parcs Canada (Laboratoire d'archéologie environnementale, Université Laval), le livre de référence Digitale Zaden Atlas (Cappers et al. 2006) et le site internet USDA Plants (United States Department of Agriculture 2011). La nomenclature des espèces suit celle de Clapham et al. (1989) pour les espèces introduites d'Europe et de Frère Marie-Victorin (2002) pour les plantes natives du continent américain. Les caractéristiques écologiques des espèces proviennent d'ouvrages de référence tels que Frère MarieVictorin et al. (2002) et Grime et al. (1988). Les résultats sont exposés en deux sections. Les résultats de l'évaluation du potentiel est présentée en premier lieu. Elle est suivie des résultats et des interprétations de l'analyse des macrorestes. Évaluation du potentiel Les résultats de l'évaluation du potentiel sont présentés sous la forme « présence/absence ». Le résultat du tri de la fraction lourde est illustré dans le Tableau 2. Ce tri a confirmé que toutes les graines présentes dans les échantillons ont flotté durant le procédé de lavage. Les diverses inclusions trouvées peuvent à la fois aider l'interprétation archéobotanique, ainsi que la compréhension des contextes archéologiques. Le résultat du tri de la fraction légère (Tableau 3) démontre la présence de graines dans quatre échantillons (8E-A5; 9D-A6; 9DC5; 9D-C12). D'autres échantillons ont également des graines, mais la plupart sont des graines de fougères dites cenococcum appartenant à l'orde des Polypodiaceae. Ces dernières ne sont pas identifiables au genre ni à l'espèce, donc mise à part la notation de leur présence, elles ne peuvent pas intervenir plus précisément dans l'interprétation archéobotanique des contextes. Les résultats démontrent également 96 que la préservation des graines s'est effectuée uniquement par la méthode d'imbibition, car aucune graine carbonisée n'a été recueillie mal- gré la présence de charbons de bois (donc de potentiel de préservation par carbonisation) dans quelques uns des contextes étudiés. Tableau 2 : Résultat du tri de la fraction lourde. Contexte Volume traité (mL) Volume restant (mL) Inclusions dans la fraction lourde QDS08-3D couche 14 275 30 Charbon de bois 1% QDSAR-IA-01 8E-A5 300 20 Ø QDSAR-IA-01 8E-A12 250 15 Ø QDSAR-IA-01 8E-A13 250 10 Ø QDSAR-IA-01 8E-A14 200 10 Ø QDS09-2A 9D-A6 350 30 Charbon de bois 2% QDS09-2A 9D-A16 850 225 Métal 10% QDS09-2A 9D-A21 700 175 Métal <1% QDS09-2A 9D-A23 850 350 Charbon de bois <1%; Fragment d'os indéterminé <1% QDS09-2A 9D-A25 550 200 Ø QDS09-2A 9D-C5 300 30 Insectes <1% QDS09-2A 9D-C12 475 100 Métal 30% Analyse et interprétation Afin de mieux comprendre les assemblages archéobotaniques, il est important de bien diviser les plantes (graines) en catégories distinctes de manière à déterminer lesquelles sont à caractères écologique et/ou économique. Les différentes catégories utilisées dans ce rapport sont les suivantes. Il y a les plantes économiques dont font généralement partie les céréales (blé, avoine, orge, etc.), les plantes comestibles (fruits, légumes, légumineuses, noix) et les mauvaises herbes liées exclusivement à l'agriculture. Les autres plantes et mauvaises herbes (plantes médicinales, ornementales, fleurs, etc.), ainsi que les arbres et les arbustes sont habituellement des indicateurs écologiques. Il est important de bien déterminer le contexte archéologique de l'assemblage avant l'interprétation puisque certaines espèces peuvent appartenir à ces deux catégories dépendamment de la nature de leur présence, soit naturelle ou anthropique (agriculture, jardins, vergers, etc.). L'analyse des macrorestes de quatre échantillons positifs (1) QDSAR-IA-01 8E-A5, 2) QDS09-2A 9D-A6, 3) QDS09-2A 9D-C5 et 4) QDS09-2A 9D-C12) a été réalisée (Annexe 1). L'échantillon QDSAR-IA-01 8E-A5 (Tableau 4) comprend 20 graines avec un total de 9 taxons identifiés. La diversité de cet échantillon est assez élevée bien qu'il n'y ait pas d'espèces dominantes dans cet assemblage puisque seules quelques graines, parfois seulement une, sont présentes par taxon. Les plantes herbacées sont majoritaires avec seulement deux taxons appartenant à un arbuste (Sambucus canadensis L.) et à un conifère (épine indéterminée). Les espèces identifiées possèdent des caractéristiques appartenant à un environnement au sol plus ou moins riche et humide, ainsi qu'à un terrain généralement ouvert, c'est-à-dire sans couvert arboricole dense et imposant. Cet environnement semble avoir été aménagé ou bouleversé, en tout ou en partie, par l'humain puisque certaines espèces présentes priorisent habituellement des zones habitées ou cultivées. Les résultats indiquent que cet échantillon provient d'un contexte européanisé, car le taxon Euphorbia helioscopia L. est une introduction eurasienne. L'occurrence de seulement cinq graines de Rubus sp. à travers l'assemblage n'est pas significatif d'une présence dite économique de cette 97 espèce dans cet échantillon. Il s'agit probablement d'une présence naturelle, donc écologi- que. Tableau 3 : Résultat du tri de la fraction légère. Site Contexte Lot Charbon de bois Graine non carbonisée Fragment de bois Plante non carbonisée/moderne Insecte Coquillage, ostracode Site Contexte Lot MTL08-2503 Insecte BjFj-148 BjFj-148 QDSAR-IA- QDSAR-IA- QDSAR-IA01 01 01 Couche 14 8E-A5 8E-A12 8E-A13 X+ X+ XX XXXX QDS08-3D BjFj-148 BjFj-148 QDSAR-IA01 8E-A14 X- X++ X+++ X++ X+ X X- XX- X- X BjFj-148 BjFj-148 BjFj-148 BjFj-148 QDS09- QDS09QDS09-2A QDS09-2A QDS09-2A 2A 2A 9D-A6 9D-A16 9D-A21 9D-A23 9D-A25 X Charbon de bois Graine non carbonisée Plante non carbonisée/moderne Matière organique carbonisée BjFj-148 X+++ X- X++ X- X- X- X- X- X- X- BjFj-148 BjFj-148 QDS09- QDS092A 2A 9D-C5 9D-C12 X+ X X++ X X++ X XX+ x- : très peu 0à5 x : présent 5 à 20 x+ : fréquent 20 à 50 X : ++ abondant 50 à 100 X : +++ dominant 100+ X 98 Tableau 4 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDSAR-IA-01 8E-A5. Espèces Nom commun # Carex sp. Laîche 2 cf. Asteraceae Chenopodium spp. Polygonum sp. Rubus sp. Sambucus canadensis L. Indéterminé Total 1 Conifère 1 Chénopode Cyperaceae Épine de conifère indéterminée Euphorbia helioscopia L. 1 Caractéristiques Plante herbacée, région tempérée, lieu humide, eau peu profonde Très varié Plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou potagers Plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes Euphorbe hélioscopique Renouée Framboise/mûre Sureau du Canada 2 1 4 5 1 2 20 L'échantillon QDSAR-IA-01 9D-A6 (Tableau 5) comprend un total de 574 graines représentées en 13 taxons identifiés. Trois taxons dominent l'assemblage à 88%, soit les Caryophyllaceae, Chenopodium spp. et Cyperaceae (incluant les espèces Carex spp. et Eliocharis sp.). Ces trois taxons sont généralement trouvées dans un environnement au sol humide, plus ou moins riche et perturbé par l'humain. Il s'agissait donc probablement d'un environnement ouvert sans couvert arboricole dense et imposant. Les caractères écologiques des autres taxons précisent également la présence d'un environnement aménagé ou bouleversé (ex. : défrichement, pâturage, agriculture) par l'humain, après la colonisation européenne du territoire. De plus, les charbons de bois retrouvés dans la fraction lourde de cet échantillon sont une indication d'une présence humaine à proximité. Toutes les espèces correspondent à des plantes herbacées, à caractère écologique. La présence des quelques espèces comestibles, dont les Rubus sp. et Fragaria sp., et des mau- Plante herbacée, terrain vague, lieu cultivé, introduction Eurasie Plante herbacée, lieux habités, varié Plante à souche ligneuse, terrain ouvert Arbuste, bords des ruisseaux, lieux humides vaises herbes Chenopodium sp. (souvent trouvées en milieu agricole céréalier) n'est pas caractéristique d'une présence économique dans le cas de cet assemblage. L'échantillon QDSAR-IA-01 9D-C5 (Tableau 6) comprend 483 macrorestes de graines représentant 15 taxons. Cet échantillon possède la plus grande diversité sur le site. La dominance des plantes herbacées est incontestable et seulement trois graines de l'arbuste Sambucus canadensis L. (Sureau du Canada) viennent briser cette exclusivité. Les taxons Caryophyllaceae, Chenopodium sp. et Cyperaceae (incluant les espèces Carex sp. et Eliocharis spp.) représentent 87,5% de l'assemblage. Comme pour l'échantillon précédent, ces trois taxons indiquent la présence d'un environnement au sol humide, plus ou moins riche et perturbé par l'humain, soit par des aménagements ou des bouleversements comme un défrichement, l'agriculture, un pâturage, etc. Il s'agissait donc probablement d'un environnement ouvert sans couvert arboricole dense et imposant. 99 Tableau 5 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDS09-2A 9D-A6. # Caractéristiques Espèces Nom commun Asteraceae 1 très varié plante herbacée, région tempérée, lieu humide, eau peu Carex spp. Laîche 7 profonde Caryophyllaceae 244 plante herbacée, région tempérée cf. Juncaceae Jonc 10 plante marécageuse (bord de l'eau) Chenopodium spp. Chénopode 90 plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou potagers Cyperaceae 143 plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes Eliocharis spp. Éliocharide 22 plante semi-aquatique ou palustre, rivage, marais Euphorbia helioscoplante herbacée, terrain vague, lieu cultivé (importé d'Eupia Euphorbe hélioscopique 2 rope) Euphorbia sp. Euphorbe 10 plante herbacée, milieu ouvert Fragaria sp. Fraise 1 plante herbacée, champs et pâturage Poaceae (petite) Petite graminée (poa) 10 plante fourragère, herbe, gazon Potentilla sp. Potentille 23 plante herbacée, zone tempérée boréale Rubus sp. Framboise/mûre 8 plante à souche ligneuse, terrain ouvert Indéterminé 3 Total 574 Des plantes économiques, dont le tabac (Nicotiana tabacum), les plantes comestibles comme les framboises/mûres (Rubus sp.) et le pavot (Papaver sp.), sont présentes. Cependant, avec cet assemblage il n'est pas possible d'affirmer que leur présence soit de nature économique. Leur fréquence est trop faible (moins de 5 graines par espèce) et leur présence avec les autres taxons suggèrent davantage une occurrence accidentelle et/ou naturelle. L'implication humaine dans l'aménagement du paysage et dans les activités agricoles sur et/ou autour du site est possiblement la cause de la présence du tabac dans l'échantillon. Il est possible qu'une telle culture ait été présente à proximité, mais cet échantillon seul n'est définitivement pas suffisant pour conclure de manière certaine à une culture du tabac. Le dernier échantillon analysé est QDSAR-IA-01 9D-C12 (Tableau 7). Il comprend 39 graines représentés en 10 taxons. Les plantes herbacées, dont le taxon Chenopodium sp. est le plus fréquent, sont majoritaires. Le seul arbuste de l'échantillon est le Sureau du Canada (Sambucus canadensis L.) représenté par 3 graines. Cet assemblage est très semblable aux précédents en ce sens qu'il indique un environnement au sol humide, plus ou moins riche et perturbé par l'humain (défrichement, agriculture, pâturage, etc.) Il s'agissait donc probablement d'un environnement ouvert sans couvert arboricole dense et imposant. La présence du trèfle (Trifolium sp.) introduit par les Européens et la présence de métal dans la fraction lourde confirment un contexte archéologique européanisé. Discussion Les échantillons analysés sont cohérents entre eux et proposent des interprétations très semblables. Excepté les deux graines de tabac dans l'échantillon QDSAR-IA-01 9D-C5, l'ensemble des macrorestes de graines suggère des informations de type écologique sur l'environnement du site et à proximité de ce dernier. 100 Tableau 6 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDS09-2A 9D-C5. # Espèces Nom commun Commentaires Plante herbacée, région tempérée, lieu humide, eau Carex sp. Laîche 1 peu profonde Caryophyllaceae 227 Plante herbacée, région tempérée cf. Euphorbia sp. Euphorbe 3 Plante herbacée, milieu ouvert cf. Lamiaceae 1 Plante herbacée, très varié cf. Rumex spp. Rumex 3 Plante herbacée, lieux humides Plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou Chenopodium spp. Chénopode 105 potagers Cyperaceae 59 Plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes Eliocharis spp. Éliocharide 31 Plante semi-aquatique ou palustre, rivages, marais Nicotiana tabacum Tabac 2 Tabac cultivé Plante herbacée, mauvaise herbe, près des habitaPapaver sp. Pavot 2 tions Plante herbacée, lieux habités, lieux humide, terres Persicaria sp. Renouée persicaire 2 fraîchement remuées Poaceae (petite) petite graminée (poa) 7 Plante fourragère, herbe, gazon Potentilla sp. Potentille 17 Plante herbacée, zone tempérée boréale Rubus sp. Framboise/mûre 4 Plante à souche ligneuse, terrain ouvert Sambucus canadensis L. Sureau du Canada 3 Arbuste, bords des ruisseaux, lieux humides Indéterminé 16 Total 483 Tableau 7 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDS09-2A 9D-C12. Espèces Caryophyllaceae cf. Potentilla sp. Chenopodium sp. Cyperaceae Eleocharis spp. Euphorbia sp. Rubus sp. Rumex sp. Sambucus canadensis L. Trifolium repens L. Total Nom commun # Caractéristiques Éléocharide Euphorbe Framboise/mûre Rumex Sureau du Canada 1 1 15 2 4 9 1 2 3 Trèfle 1 Plante herbacée, région tempérée Plante herbacée, zone tempérée boréale Plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou potagers Plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes Plante semi-aquatique ou palustre, rivage, marais Plante herbacée, milieu ouvert Plante à souche ligneuse, terrain ouvert Plante herbacée, lieux humides Arbuste, bords des ruisseaux, lieux humides Plante herbacée, introduciton Eurasie, lieux incultes, secs, lieux habités Potentille Chénopode 39 101 Bibliographie Il est affirmé qu'il s'agissait d'un environnement avec un sol plus ou moins riche et perturbé et généralement humide. L'humain a certainement bouleversé ou aménagé cet environnement soit par le défrichement du territoire ou par l'aménagement de diverses structures ou activités. L'environnement était donc possiblement ouvert et sans couvert végétal arboricole dense. Ces résultats correspondent parfaitement avec les informations connues concernant la nature du site. En effet, comme précisé précédemment dans l'introduction, le site était originellement localisé près d'un cours d'eau, d'une zone agricole et d'un verger. Les résultats obtenus ne permettent pas d'augmenter les connaissances sur la nature des activités agricoles (espèce(s) cultivée(s)) ni ne permettent de confirmer ou d'infirmer la présence d'un verger. Cependant, il est clairement établi que l'humain a joué un rôle important dans la création du paysage et dans l'établissement de la végétation secondaire herbacée sur et autour du site. Cappers, R. T. J., Bekker, R. M. et Jans, J. E. A. 2006. Digitale zadenatlas van Nederland / digital seed atlas of the Netherlands. Groningen: Barkhuis and Groningen University Library. Clapham, A. R., Tutin, T. G. et Moore, D. M. 1989. Flora of the British Isles. Cambridge: Cambridge University Press. Frère Marie-Victorin, É. C., Rouleau, E., Frère Alexandre, É. C., Brouillet, L., Hay, S. G., Goulet, I., Blondeau, M., Cayouette, J. et Labrecque, J., Éds. 2002. Flore laurentienne. 3e édition. Boucherville: Gaëtan Morin. Grime, J. P., Hodgson, J. G. et Hunt, R. 1988. Comparative Plant Ecology. London: Unwin Hyman. Pearsall, D. M. 2000. Palaeoethnobotany: A Handbook of Procedures. 2nd edition. San Diego: Academic Press. United States Department of Agriculture. 2011. Plants Database. Natural Resource Conservation Service. Visité le 6 janvier 2011, http://plants.usda.gov. Conclusion Ce rapport visait à effectuer une analyse archéobotanique sur le site archéologique BjFj148 et à l'emplacement d'une supervision archéologique MTL08-25-03 (sous-opération 3B) dans le Quartier des spectacles, à Montréal. À la suite d'une évaluation des échantillons, il a d'abord été établi que des macrorestes de graines archéologiques ont pu être préservés dans le sol grâce à l'imbibition. Avec les résultats obtenus lors de cette évaluation, l'analyse de quatre échantillons sur douze a été réalisée. La nature des assemblages archéobotaniques, ainsi que la reconstitution partielle de l'environnement (couvert végétal) a pu être établi. Combinés aux analyses polliniques, ces résultats pourront certainement aider à identifier plus précisément la relation entre ces secteurs du Quartier des Spectacles, le cours d'eau, la zone agricole et le verger à proximité. 102 Annexe Site BjFj-148 Contexte Espèces BjFj-148 BjFj-148 QDSAR-IA-01 QDS09-2A QDS09-2A QDS09-2A Nom commun 8E-A5 Asteraceae Carex sp. BjFj-148 9D-A6 9D-C5 9D-C12 1 Laîche 2 Caryophyllaceae cf. Asteraceae 7 1 244 227 1 1 cf. Euphorbia sp. Euphorbe cf. Juncaceae Jonc 3 10 cf. Lamiaceae 1 cf. Potentilla sp. Potentille cf. Rumex spp. Rumex Chenopodium spp. Chénopode 1 3 Cyperaceae 2 90 105 15 1 143 59 2 22 31 4 Eliocharis spp. Éliocharide Euphorbia helioscopia L. Euphorbe hélioscopique Euphorbia sp. Euphorbe 10 Fragaria sp. Fraise 1 Nicotiana tabacum Tabac 2 Papaver sp. Pavot 2 Persicaria sp. Renouée persicaire 2 Poaceae (petite) Petite graminée (poa) Polygonum sp. Renouée Potentilla sp. Potentille Rubus sp. Framboise/mûre Rumex sp. Rumex Sambucus canadensis L. Sureau du Canada Trifolium repens L. Trèfle 1 2 9 10 7 23 17 8 4 4 5 1 2 1 3 3 1 Épine de conifère indéterminée 1 Indéterminé 2 3 16 Total 20 574 483 103 39 Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec - Faucher UNE ÉTUDE ARCHÉOBOTANIQUE DU SITE ARCHÉOLOGIQUE CEEU-18 DANS LE VIEUX-CAPROUGE, QUÉBEC. Anne-Marie Faucher 2011, Université Laval Analyse effectuée pour Serge Rouleau, Ville de Québec Résumé Le site du Vieux-Cap-Rouge a fait l'objet de fouilles archéologiques permettant l'analyse archéobotanique des graines et des charbons de bois dans deux contextes précis : un foyer et un drain. Les principaux objectifs concernaient l'évaluation du potentiel de préservation des graines dans le drain, ainsi que la détermination des espèces de bois utilisées dans le foyer. Les résultats démontrent une faible présence de graines, mais une omniprésence de hêtre et de bouleau pour les charbons de bois. Introduction de ces recommandations, une étude plus approfondie des charbons de bois a été demandée. Le but de cette analyse anthracologique est de déterminer quelles espèces de bois ont été utilisées lors de l'utilisation du foyer. Les objectifs à cet égard sont donc 1) d'identifier les fragments de charbons de bois, 2) de déterminer quel type de bois il s'agit (tronc, branche, brindille, racine, etc.) et 3) déterminer l'âge du bois utilisé. Le site archéologique CeEu-18 est localisé dans le Vieux-Cap-Rouge. Le site a récemment fait l'objet d'interventions archéologiques par la Ville de Québec sous la direction de l'archéologue Serge Rouleau. Quelques échantillons de sol y ont été prélevés aux fins d'analyses archéobotaniques. Ces échantillons proviennent de deux opérations différentes : 1) une fosse ou un drain (CeEu-18-5G2) et 2) un foyer amérindien (CeEu-18-5A5). Une évaluation du potentiel archéobotanique a été réalisée en 2011 (Faucher 2011). La principale recommandation avait été de poursuivre l'analyse des charbons de bois dans l'opération CeEu-185A5 (foyer). Ce rapport présente donc l'ensemble des résultats obtenus lors de l'évaluation archéobotanique et de l'analyse des charbons de bois. Méthodologie Un total de cinq échantillons d'un litre ou moins ont été évalués pour leur potentiel archéobotanique. Ces échantillons proviennent de sols où les macrorestes ont pu se préserver par carbonisation et par le moyen de l'imbibition. Le Tableau 1 indique le type de contexte et de préservation pour chaque échantillon étudié. Le lavage des échantillons a été effectué en suivant la méthode de flottation manuelle en utilisant des tamis géologiques de 1 mm, 500 µm et 250 µm pour recueillir un maximum de graines (Pearsall 2000). Les fractions obtenues (légère et lourde) ont par la suite été séchées. La fraction lourde a été triée sous une lampe binoculaire pour vérifier la présence de graines qui n'auraient pas flotté durant le lavage. La fraction légère a été triée à l'aide d'un binoculaire à faible grossissement. Objectifs Le but de l'évaluation archéobotanique a été de déterminer le potentiel de préservation des macrorestes archéobotaniques (graines) sur le site CeEu-18. Plus spécifiquement, les objectifs étaient de vérifier la présence ou l'absence de graines archéologiques dans les sols prélevés lors des interventions archéologiques, ainsi que d'émettre des recommandations quant à la poursuite des analyses archéobotaniques à effectuer pour ces mêmes échantillons. À la suite 104 Afin d'effectuer l'analyse des charbons de bois, la fraction légère du lot CeEu-18-5A5 a été tamisée à sec avec un tamis géologique de 4 mm (Pearsall 2000). Cette nouvelle fraction a été triée à l'aide d'un binoculaire à faible gros- sissement. L'analyse s'est ensuite effectuée à l'aide du même appareil ainsi qu'avec un microscope à plus fort grossissement (Zeiss Hal 100-200X). Tableau 1 : Caractéristiques des échantillons. Site Contexte Échantillon Préservation CeEu-18 5A5 Foyer Carbonisation CeEu-18 5G2 Bois du drain Imbibition CeEu-18 5G2 Drain Est Imbibition CeEu-18 5G2 Fond du drain Imbibition CeEu-18 5G2 Drain Ouest Imbibition L'identification des charbons de bois a été faite à l'aide de collections de référence modernes à l'Université Laval, ainsi que par l'utilisation de bases de données spécialisées disponibles en ligne (InsideWood 2004-onwards; Schoch et al. 2004). Les essences ont été identifiées au genre et non à l'espèce puisque les risques d'erreurs sont trop grands, surtout avec des restes archéologiques (Pearsall 2000). terprétation archéobotanique, ainsi que la compréhension des contextes archéologiques. Le résultat du tri de la fraction légère (Tableau 3) démontre la présence de graines dans deux échantillons, CeEu-18-5A5 (une seule graine) et CeEu-18-5G2-est (cinq graines). D'autres échantillons ont également des graines, mais il s'agit soit de graines modernes, donc de contamination, ou encore de graines de fougères dites cenococcum appartenant à l'ordre des Polypodiaceae. Ces dernières ne sont pas identifiables au genre ni à l'espèce. Mise à part la notation de leur présence, elles et ne peuvent pas intervenir plus précisément dans l'interprétation archéobotanique des contextes. Les résultats démontrent également que la préservation de l'unique graine carbonisée est très mauvaise ce qui rend très difficile son identification. Résultats Les résultats de l'évaluation du potentiel archéobotanique sont présentés sous la forme « présence/absence ». Aucune identification n'est offerte pour les graines. Le résultat du tri de la fraction lourde est illustré dans le Tableau 2. Ce tri a confirmé que toutes les graines présentes dans les échantillons ont flotté durant le procédé de lavage. Les diverses inclusions trouvées peuvent à la fois aider l'inTableau 2 : Résultat du tri de la fraction lourde. Site Contexte Échantillon Volume traité (mL) Volume restant (mL) Inclusions dans la fraction lourde CeEu-18 5A5 Foyer 1000 300 Charbon de bois < 1%; racines modernes 2% CeEu-18 5G2 Bois 600 400 Fragments de bois 95% CeEu-18 5G2 Est 125 30 Métal 10% CeEu-18 5G2 Fond du drain 50 10 Métal 30% CeEu-18 5G2 Ouest 200 20 Métal 2% 105 Les résultats de l'analyse des charbons de bois se trouvent dans le tableau 4. Un total de 137 fragments de bois ont été comptés et identifiés (tous plus grands que 4 mm). L'assemblage ne comprend que deux espèces (Fagus sp. et Betula sp.) identifiables (Figure 1). Le hêtre domine l'assemblage autant au niveau du nombre de fragments présents que par le total de leur poids. Un seul petit fragment de bouleau a été trouvé. Les fragments indéterminés n'ont pas pu être identifiés puisqu'ils se sont brisés en plusieurs petits morceaux lors que leur coupe au niveau transversal. L'analyse par type (Figure 2) démontre une majorité de fragments de tronc ou de bois assez gros, comme du bois de construction (en anglais, timber) et une minorité de bois rond (branche, brindille ou milieu du tronc près du cœur). Quelques fragments de bois rond avaient également une partie du cœur. Aucune racine ni aucun fragment d'écorce n'a été identifié. 100 Pourcentage (%) 75 50 25 0 Hêtre Bouleau Indéterminé Figure 1 : Essences identifiées dans l'assemblage. 106 100 Pourcentage (%) 75 50 25 0 Tronc Bois rond Indéterminé Figure 2 : Distribution du bois par type. Il n'a pas été possible de déterminer l'âge précis des arbres utilisés comme combustible, puisqu’aucun des fragments ne présentait à la fois le cœur et l'écorce. Ces deux éléments sont essentiels pour le compte des cernes de croissance. Il a toutefois été possible de déter- miner un âge minimum en comptant chaque cerne de croissance sur l'ensemble des fragments. La figure 3 montre bien la distribution des cernes. Des ensembles d'âges ont été créés pour faciliter la lecture des données. Tableau 3 : Résultat du tri de la fraction légère. Site Contexte Échantillon CeEu-18 5A5 Foyer Graine carbonisée Charbon de bois Graine non carbonisée Fragment de bois Graine moderne Plante non carbonisée/moderne Insecte CeEu-18 5G2 Bois CeEu-18 5G2 Est CeEu-18 5G2 Fond du drain CeEu-18 5G2 Ouest XX X XX XX++ X X++ X+++ X++ X X- x- : très peu 0à5 x : présent 5 à 20 x+ : fréquent 20 à 50 X : ++ abondant 50 à 100 X : +++ dominant 100+ 107 X+ X- Tableau 4 : Résultats de l'analyse des charbons de bois trouvés dans le foyer amérindien. Site Lot Essence Fagus sp. Betula sp. Indéterminé Total CeEu-18 5A5 Nom commun Hêtre Bouleau Indéterminé La majorité des fragments de bois comptaient moins de 15 cernes, avec une plus grande proportion à moins de 10 cernes. Deux seuls fragments de bois détenaient plus de 30 cernes, soit 43 et 47 respectivement. Avec les données par type (timber ou bois rond) et les cernes, il est donc possible d'affirmer que le bois utilisé provenait souvent d'arbres matures. Fragments Poids (g) 132 4,264 1 0,026 4 0,090 137 4,380 D'un autre côté, la dominance du hêtre reflète peut-être une autre utilisation de ce bois. Il est reconnu que le hêtre peut être utilisé comme matériau de construction de bateaux et de manches d'outils, grâce à son bois dur aux grains serrés. De plus, cette essence se préserve très bien en milieu humide ou sous l'eau. Une autre particularité du hêtre est son fruit, la faîne. Ce dernier possède une huile comestible (Frère Marie-Victorin et al. 2002: 156). Malgré cette dernière affirmation, il n'est ici pas possible de déterminer que le fruit ait pu être consommé ou utilisé à cet effet (huile) puisqu'il n'aurait pas nécessité la coupe du bois, mais plutôt la cueillette des fruits (dont ici aucune trace n'a été trouvée). Interprétation Les résultats de l'analyse des charbons de bois démontrent que le foyer amérindien (CeEu-18-5A5) comportait deux essences de bois. Le hêtre est connu pour être un bon combustible, tout comme le bouleau. Il est concevable de penser que ces deux essences aient été choisies délibérément pour cette propriété. 100 Pourcentage (%) 80 60 40 20 0 1-5 6-10 11-15 16-20 21-25 26-30 30+ Âge Figure 3 : Cernes de croissances par groupe de cinq ans. 108 Trois interprétations sur le foyer sont envisageables, bien qu'aucune ne soit certaine : 1. Le bois contenu dans le foyer est le fruit d'une collecte de surface comprenant des branches et du bois mort ou facilement accessible, dont les essences ont à tout hasard été celles du hêtre et du bouleau. 2. Le hêtre et le bouleau ont été délibérément choisis comme combustible. 3. Le hêtre a été utilisé comme matériau de construction (canot, habitation ou encore outils) et les retailles ont servi de combustible. La présence du bouleau est accidentelle ou bien ce dernier a été utilisé pour supplémenter les retailles du hêtre. Il est bien de préciser que selon le guide de la Flore laurentienne (Frère Marie-Victorin et al. 2002: 156), le hêtre est présent dans la région de Cap-Rouge, tout comme au sud et à l'ouest du Québec jusqu'au Cap Tourmente et à la rivière Ristigouche dans l'est. Il est probable que le hêtre était également présent autour du site durant la période d'occupation amérindienne. Les fragments de bois proviendraient donc du milieu local et ne serait pas du bois flotté amené par un cours d'eau, par exemple. tré une faible présence de macrorestes de graines sur le site CeEu-18. La poursuite de l'analyse des charbons de bois a, quant à elle, été plus profitable. Elle a amené de nouvelles données relatives au mode de vie amérindien sur le site. Les essences identifiées offrent des pistes d'interprétation intéressantes concernant l'utilisation des arbres comme combustible et comme possible matériau de construction. Il serait intéressant de pouvoir élargir les analyses à d'autres foyers amérindiens de la même période afin de découvrir des tendances ou des différences dans l'utilisation des arbres comme combustible. Bibliographie Faucher, A.-M. 2011. Rapport d'évaluation : Une étude archéobotanique du site archéologique CeEu-18 dans le Vieux-CapRouge, Québec. Frère Marie-Victorin, É. C., Rouleau, E., Frère Alexandre, É. C., Brouillet, L., Hay, S. G., Goulet, I., Blondeau, M., Cayouette, J. et Labrecque, J., Éds. 2002. Flore laurentienne. 3e édition. Boucherville: Gaëtan Morin. InsideWood. 2004-onwards. Published on the Internet, http://insidewood.lib.ncsu.edu/search. Page visitée le 14 novembre 2010. Pearsall, D. M. 2000. Palaeoethnobotany: A Handbook of Procedures. 2nd edition. San Diego: Academic Press. Schoch, W., Heller, I., Schweingruber, F. H. et Kienast, F. 2004. Wood anatomy of central European Species. Online version, www.woodanatomy.ch. Page visitée le 3 décembre 2010. Recommandations L'analyse des échantillons du site CeEu-18 n'a pas dévoilé beaucoup d'informations du côté des graines, mais a révélé de nouveaux renseignements quant à l'utilisation des arbres comme combustible durant la période précoloniale. De meilleurs résultats auraient été possibles si les échantillons de sol prélevés sur le site avaient été plus volumineux. Le volume minimal pour une meilleure analyse archéobotanique est une prise d'échantillons systématique de 1L par lot. L'idéal est 2L ou plus, spécialement dans les lots riches en matière carbonisée puisque les restes se distribuent plus facilement dans le sol et sont donc moins concentrés. Rapport complet de la fouille archéologique disponible dans Rouleau, Serge. 2012. Inventaire archéologique du Vieux-Cap-Rouge en 2010. Ville de Québec, Division du design, de l’architecture et du patrimoine. Conclusion Les objectifs de ce rapport ont été atteints. L'évaluation archéobotanique a démon109 Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1 Québec - Marquis ANALYSE TECHNOLOGIQUE DES ÉLÉMENTS LAMELLAIRES DU SITE CEEU-10 Daphné Marquis 2011, Université Laval Analyse réalisée dans le cadre du chantier-école, soumis à James Woollett et Michel Plourde Résumé Des fouilles archéologiques menées au site CeEu-10 à Saint-Augustin-de-Desmaures ont révélé la présence potentielle d’une technologie lamellaire rare au sein d’un site préhistorique amérindien. La tenue du chantier-école de l’Université Laval en 2010 a permis de procéder à une analyse technologique approfondie d’une partie du matériel lithique afin de déterminer s’il existait réellement une industrie lamellaire au sein de la collection. Introduction Problématique Le site CeEu-10 est situé sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent sur une haute terrasse de 40 mètres d’altitude dans la ville de Saint-Augustin-de-Desmaures. Le site préhistorique se démarque par sa grande richesse en objets lithiques, plus de 65 000 pièces principalement en chert y ont été découverts à la suite de divers projets archéologiques menés dans les années 1980 (Laliberté et Mandeville 1981; Badgley 1982, 1986). La majorité de ces produits lithiques sont associés aux étapes de débitage et très peu d’outils ont été mis au jour. La fonction principale du site semble être, à priori, un atelier de taille, d’autant plus que des sources de chert se trouvent à proximité. Un des aspects les plus particuliers du site est la présence d’une technologie lamellaire qui avait été identifiée par Badgley dans l’assemblage ramassé lors des fouilles de 1984 (Badgley 1986). En effet, certaines pièces avaient été cataloguées comme lames, microlames et nucléus à microlames sans qu’aucune analyse spécialisée n’ait été réalisée sur la collection. Une nouvelle campagne de fouille a eu lieu au site CeEu-10 dans le cadre du stage de fouille préhistorique de l’Université Laval à l’été 2010. L’un des objectifs principaux du chantier-école de 2010 était de déterminer si une industrie lamellaire était réellement présente sur le site. Ce rapport a donc pour but de présenter les résultats de l’analyse technologique qui a été réalisée afin de répondre à cet objectif de recherche spécifique. En Amérique du Nord, l’industrie lamellaire se trouve principalement dans les régions arctiques peuplées par les paléoesquimaux, le long de la côte ouest ainsi qu’au Mexique, dans les cultures préhispaniques. Par contre, très peu de cas ont été répertoriés dans des sites préhistoriques du Nord-Est américain. En effet, la plupart des groupes de chasseurscueilleurs du Nouveau Monde ont privilégié une technologie basée sur la production d’éclats et de bifaces (Bar-Yosef et Kuhn 1999 : 328). Quelques cas d’industrie lamellaire dans le Nord-Est américain ont malgré tout été répertoriés pour certaines périodes culturelles spécifiques, c’est-à-dire pendant la période paléoindienne et pendant la période du Sylvicole moyen (Odell 1994 : 102). À la suite des recherches menées pendant le chantier-école de 2010, le site CeEu-10 aurait, quant à lui, été occupé pendant la période archaïque ainsi que pendant le Sylvicole inférieur où l’industrie lamellaire est généralement absente. Si la présence d’une telle industrie est réellement attestée sur le site, le cas de Saint-Augustin serait vraisemblablement unique. Étant donné la rareté des industries lamellaires dans le Nord-Est américain, l’un des objectifs principaux du chantier-école de 2010 était orienté sur cette particularité de la collection. Aucune analyse spécialisée n’avait été exécutée auparavant sur la collection et l’identification de l’industrie lamellaire semblait 110 avoir été réalisée sur une base visuelle et typologique simple. Les éléments de la collection lithique du site CeEu-10 qui avaient été caractérisés comme appartenant au débitage lamellaire ont été sélectionnés. L’objectif était de déterminer s’il existait bel et bien une industrie de lames ou de microlames voulue au site archéologique de Saint-Augustin. Afin d’atteindre cet objectif, une analyse technologique a été réalisée sur une partie de l’assemblage. Il s’avère donc pertinent de résumer brièvement les concepts de base de cette analyse. chent derrière ces choix. En effet, chacune de ces phases de fabrication témoigne de choix, de connaissances et de techniques qui sont culturellement transmises de génération en génération. Ainsi, chacune des chaînes opératoires « présente des particularités qui rendent compte une fois soustraite la part des contraintes matérielles, de projets économiques diversifiés, de choix, d’intentions, de connaissances ou des savoir-faire individuels différents » (Karlin et al. 1992 : 187). L’étude de la pierre taillée est au centre de plusieurs recherches européennes empruntant le concept de la chaîne opératoire. Ces travaux ont permis de dresser un portrait des principales étapes de la chaîne opératoire menant à la réalisation d’un outil en pierre taillée. Le schéma développé par Inizan et al. (1995) a servi de base pour décrire chacune de ces étapes (Figure 1). Le tailleur élabore d’abord le projet qu’il souhaite réaliser afin de répondre à un besoin particulier (ex. : production d’une pointe de flèche pour la chasse). Avant de concrétiser ce projet, il conçoit intellectuellement les opérations de taille (schéma conceptuel) pour ensuite les mettre en application (schéma opératoire). L’analyse technologique L’analyse technologique qui a été effectuée s’inscrit à l’intérieur d’un concept plus large qui s’applique aux activités techniques de la vie quotidienne des hommes du passé, celui de la chaîne opératoire. Principalement développé en Europe, ce concept est théoriquement assez simple : il s’intéresse à toutes les étapes qui mènent à la fabrication d’un produit par l’homme, de l’acquisition de la matière première à la réalisation du produit final et son utilisation (Inizan et al. 1995 : 14). Les archéologues s’intéressent à la reconstruction des processus de fabrication d’un objet dans l’optique de reconnaître les motivations culturelles qui se ca- Figure 1 : Schéma conceptuel et opératoire. Source : Inizan et al. 1995 : 15. 111 Comme les connaissances techniques du tailleur font partie d’un bagage culturel spécifique, le schéma conceptuel et opératoire va différer selon les groupes culturels. Les technologues ont divisé le schéma opératoire en grandes séquences de processus techniques d’exploitation de la pierre. La première étape est l’acquisition de la matière première, suivie ensuite de la préparation du bloc brut (façonnage). La troisième étape est le débitage qui mène à l’obtention d’éclats ou de lames. La quatrième étape consiste à la gestion des produits comme support de différents types d’outils (utilisation). Finalement, la dernière phase est l’abandon des outils. L’analyse technologique proposée ici s’intéresse à la deuxième et troisième étape décrite précédemment, c’est-à-dire aux stades de productions des outils (mise en forme des nucléus et débitage). Plus précisément, l’intérêt est porté sur les phases caractéristiques associées à la réalisation de produits lamellaires. L’objectif est de faire la lecture des objets lithiques ciblés en se basant sur le principe suivant : la taille de la pierre crée des stigmates de taille particuliers qui vont varier selon les techniques et méthodes choisies. En identifiant d’abord dans la littérature les stigmates propres au débitage lamellaire, il sera possible de les identifier dans l’assemblage du site CeEu-10 et d’attester ou non la présence d’une industrie sur lames ou microlames. typologiques de lames ou microlames a été effectuée (soit des éclats allongés deux fois plus long que large). Également, certains objets allongés de la collection recueillie pendant le stage de fouille de 2010 ont été choisis pour analyse. En tout, 135 pièces ont été sélectionnées, soit 14 nucléus et 122 lames/microlames. Une fois l’échantillon recueilli, il fallait dresser des critères de reconnaissance propre à la technologie lamellaire. Idéalement, il aurait fallu produire au départ une série d’expérimentation sur le même type de matière première, ou similaire, afin d’avoir un référentiel technologique sur la production de lames ou microlames. Étant donné le temps restreint alloué à cette analyse, aucune expérimentation n’a été réalisée. Les notions acquises et transmises par les technologues sur les différentes méthodes et techniques de taille ont donc servi de base méthodologique pour cette étude (ex. : Inizan 1995, Chabot et Pelegrin 2002). L’inconvénient est que la plupart de ces études technologiques ont été réalisées sur du matériel de l’Ancien Monde qui est relativement différent de ce que l’on retrouve en Amérique du Nord. Certains technologues commencent peu à peu à former une documentation sur les techniques et méthodes empruntées par les groupes du Nord-Est américain (Desrosiers 2009, 2007; Dionne 2005; Eid (travaux en cours) et Fortier 2010, 2011). En combinant les connaissances acquises par les archéologues européens et celles du Québec, la base de données semblait suffisante pour faire une analyse technologique sur les produits lamellaires du site CeEu-10 sans expérimentation. Étant donné l’intérêt porté sur le débitage de lames et de microlames, les recherches ont été concentrées sur les notions acquises sur le débitage lamellaire. Méthodologie La collection du site CeEu-10 contient plus de 60 000 objets lithiques, dont plus de 99% correspondent à des produits de débitage. Cette analyse technologique se concentrera sur les lames, microlames et nucléus à microlames de l’assemblage. Une sélection a d’abord été réalisée des lames, microlames, lamelles ou nucléus à microlames identifiés dans la collection qui avait été mise au jour au début des années 1980. Malheureusement, il manque le catalogue pour tous les outils dont le numéro se trouve entre CeEu-10-658 et CeEu-10-867. Dans ces cas précis, une sélection des objets qui correspondaient visuellement aux critères L’industrie lamellaire Le débitage lamellaire est considéré dans l’approche européenne comme « un débitage organisé, préconçu afin d’obtenir des produits en série – les lames ou les lamelles – sur un même nucléus » (Inizan 1995 : 73). Il y a donc une volonté de produire des éclats qui 112 auront une morphologie allongée, soit des lames, qui par convention sont deux fois plus longues que larges (Bar-Yosef, 1999 : 323). En ce qui concerne les microlames, la définition typologique est plus ouverte et doit être définie pour chaque culture. Pour reconnaître ce type d’industrie lithique, Inizan mentionne spécifiquement que : « la morphologie de quelques lames n’est pas suffisante pour diagnostiquer un débitage laminaire la présence de stigmates caractéristiques et d’une production systématique de supports laminaires est nécessaire pour confirmer le diagnostic. » (1995 : 73). Voici donc brièvement les différents critères qui devraient être observés sur un nucléus ou sur un éclat provenant d’une industrie lamellaire. les nucléus n’a été établie. Effectivement, plusieurs de ces pièces avaient un de leur côté avec une forme biseauté marquée et des esquillements partant de deux extrémités opposés. À la suite de l’observation de ces stigmates, il semblait réaliste que ces pièces puissent être davantage issues d’un processus bipolaire. L’article de Foni Le Brun Ricalens (2006) qui discute de l’état des connaissances sur les pièces esquillées s’est révélé très formateur. Effectivement, une pièce esquillée se définie comme un « artefact généralement de forme quadrangulaire présentant fréquemment sur deux extrémités opposées, plus rarement sur une ou les quatre, des esquillements, parfois bifaciaux, dont les ondes de choc sont souvent bien marquées avec des rides serrées. […] Le bord, en particulier celui qui a été percuté, présente généralement un biseau. » (2006 : 98). Ce type de produit peut être réalisé à partir de différents supports de base, tel qu’un petit bloc ou nucléus récupéré, éclats/lames, retouchés ou non. Toujours selon Le Brun Ricalens, les pièces esquillées sont généralement fabriquées à partir de supports de second choix à l’aide de la percussion posée ou lancée (plus rare). Il s’avère difficile, par contre, de reconnaître l’une ou l’autre des techniques puisque les stigmates sont très similaires. Dans le cas de la percussion indirecte posée, le support choisi est posé verticalement sur une surface plus ou moins compacte et le tailleur frappe dessus dans le même axe (verticalement) avec un percuteur minéral dur. Pour la percussion lancée, le principe est similaire, mais le support est généralement emmanché et lancé sur la surface ou le produit à travailler (ex. : une hache). Plus le support sera frappé, plus les esquillements seront nombreux. Trois stades ont été reconnus par Le Brun-Ricalens : Les critères à reconnaître sur un nucléus Il est difficile de regrouper tous les critères observables sur des nucléus à lames ou à microlames. Les formes peuvent être diverses selon la méthode employée. Par exemple, pour les nucléus à microlames, Chen Shen aurait identifié 6 types différents présents en Asie et en Alaska : « wedge-shaped », « conical core », « cylindrical core », « semi-conical core », « boatshaped core » et « funnel-shaped core » (2007 : 25-27). En Amérique, c’est principalement le « wedge-shaped core » qui dominerait les assemblages nordiques (principalement en Alaska), tandis que le long de la côte ouest les formes seraient davantage associées au « boat shaped core » (type naviforme) ou au « funnel shaped cores ». Malgré tout, certaines caractéristiques générales semblent les unir : - - la matière première nécessite souvent une mise en forme en nucléus, par la création d’un plan de frappe ou de pression; des nervures très rectilignes et très régulièrement parallèles sont visibles sur une ou plusieurs faces. « Étant donné que l’examen visuel préliminaire a rapidement mené à considérer plusieurs des nucléus à microlames comme des pièces esquillées, aucune grille d’analyse pour 113 1- début d’esquillement sur un bord 2- détachement d’éclats esquillés, esquillements envahissants, parfois bifaciaux, et utilisation d’autres bords 3- emploi intensif entraînant la fragmentation de la pièce; avec l’obtention d’éclats ou/et de lamelles d’esquillés, encore appelés bâtonnets. » (2007 : 98). ces informations, il est difficile de replacer l’objet au sein d’une industrie lithique spécifique. Malgré tout, les objets sans partie proximale ont été compilés à l’aide d’une autre grille d’analyse afin d’utiliser certaines données dans des comparaisons statistiques. Il est intéressant de constater que lors du dernier stade, la pièce se fragmente, créant ainsi des éclats souvent allongés de section triangulaire, aussi appelés lamelles d’esquillées (Demars, et Laurent 1992). La production de pièces esquillées est généralement associée à deux utilisations possible : soit comme nucléus (permet de produire des éclats allongés fins et coupants non standardisés) ou comme pièce intermédiaire (pour fendre, entailler, fractionner, etc.). Avec l’aide des différents critères énoncés dans l’article, une grille d’analyse technologique a plutôt été créée pour les produits esquillés (Annexe 1). Résultats L’analyse s’est faite en deux parties, soit une première sur les objets caractérisés comme des nucléus à microlames et une deuxième sur les produits identifiés comme lames et lamelles. Chacune des pièces analysées a également été classée selon sa matière première. Dans un souci de clarté, les résultats seront présentés en trois sections distinctes Matières premières La classification des matières premières a été réalisée en suivant les grandes catégories établies par Isabelle Duval (2011) dans le cadre de son étude des matières premières au site CeEu-10 (Planche 1) : Les critères à reconnaître sur les lames ou microlames Les lames ou microlames sont les produits obtenus à partir du nucléus qui se définissent typologiquement comme suit : des éclats deux fois plus long que large. Au niveau technologique, il est possible d’observer différents critères diagnostics qui varient selon les techniques utilisées. De façons générale, on les reconnaît par : - A) chert ou mudstone patiné et altéré, généralement de couleur gris pâle ou beige B) chert cireux vert à gris pâle avec des zonations blanchâtres et radiolaires C) mudstone très fin silicieux terné gris et noir, marbré, avec radiolaires et oxydes de fer. D) Mudstone silicieux terne brun rougeâtre et noir, marbré E) Mudstone silicieux vert olive à verdâtre à brun verdâtre foncé, unis, quelques inclusion micas-pyrite des bords parallèles; des nervures rectilignes; des produits de faible épaisseur. Une grille d’analyse a donc été produite qui permettait de recueillir les informations concertant les bords, les nervures et l’épaisseur des objets étudiés. Plusieurs critères ont également été rajoutés dans la banque de données afin de caractériser technologiquement la pièce. Une grille d’analyse a été créée pour les objets avec la partie proximale toujours présente (Annexe 2) et une autre pour les objets dont la partie proximale est manquante (Annexe 3). Effectivement, il est possible d’observer plusieurs critères technologiques sur la partie proximale d’une pièce lithique (talon, abrasion de la corniche, esquillement, bulbe, etc.). Sans 114 Tableau 1 : Classification des nucléus et des éclats avec ou sans partie proximale selon le type de chert. Nucleï Avec partie proximale Sans partie proximale Total Pourcentage A 3 22 52 77 56,62% B 10 5 21 36 26,47% C 0 7 12 19 13,97% En tout, 136 pièces ont été caractérisées selon leur matière première, soit 14 nucléus et 122 éclats (Tableau 1). Sur les 14 nucléus identifiés par Badgley, dix sont en chert cireux vert (type B). Les autres nucléus sont soit en chert altéré (3 pièces) ou en mudstone silicieux vert (1 pièce). La majorité des produits lamellaires, soit 74 pièces, sont un chert ou mudstone altéré, un pourcentage similaire à ce que l’on retrouve pour l’ensemble de la collection. Le deuxième type le plus important au niveau des microlames est le chert cireux vert à gris pâle de belle qualité représenté par 26 pièces. Un troisième type, le mudstone très fin silicieux terné gris et noir, marbré est également présent en quantité significative, soit 19 pièces. Les deux autres types, le mudstone silicieux brun rougeâtre et le mudstone silicieux vert olive sont représentés en très faible quantité. Il existe donc une certaine variabilité dans le chert utilisé dans les produits analysés. Les objets en chert altéré représentent plus de D 0 1 0 1 0,74% E 1 1 1 3 2,21% Total 14 36 86 136 100,00% 50 % de l’assemblage étudié. Étant donné l’altération subie par les pièces, il est impossible de déterminer à quel type de chert elles appartenaient au départ. Malgré tout, il semble que plus de 25% des objets appartiennent au type B (chert vert à gris pâle cireux). Les nucléus Quatorze pièces avaient été identifiées comme nucléus à microlame dans la collection et elles ont toutes été analysées dans le cadre de cette étude technologique (Planche 2). Treize de ces pièces ont été recueillies lors des fouilles de 1984 et une seule lors de la campagne de 2010. Après un examen visuel macroscopique de chaque nucléus, aucun de ceux-ci ne semblait avoir suffisamment de critères technologiques propres au nucléus à microlames. En fait, 6 de ces objets ont plutôt été associés à des pièces esquillées, 3 à des pièces esquillées potentielles, 1 à un nucléus, 2 à des éclats et 2 autres à des débris (Tableau 2). Tableau 2 : Nouvelle classification des nucléus à lames et microlames identifiés par Badgley. Pièces esquillées Total Pourcentage 6 42,86% Pièces esquillées potentielles 3 21,43% Les 6 pièces identifiées clairement comme des pièces esquillées se décrivent comme suit : CeEu-10-263 : objet en chert cireux verdâtre de forme pyramidale. Des esquillements sont visibles sur deux extrémités de la pièce, dont certains présentent des rides serrées (indices de chocs violents). Une des extrémités est en biseau et c’est à cette extrémité que la plupart des petits esquillements ont été déta- Nucléus Éclats Débris Total 1 7,14% 2 14,29% 2 14,29% 14 100,00% chés (extrémité de la pièce qui aurait reçu les coups). L’autre extrémité est une surface plane d’où partent également quelques petits esquillements. De plus, la pièce présente des négatifs d’enlèvements qui s’étendent sur toute sa longueur et qui sont orientés dans le même sens (l’onde de choc allant vers le biseau). Il est donc possible que le bloc ait d’abord servi de nucléus, qui une fois épuisé, aurait été débité 115 par percussion posée ou lancée pour produire la pièce esquillée. CeEu-10-533 : objet en chert altéré (possiblement chert vert olive) de forme quadrangulaire. Une des extrémités est en biseau et présente plusieurs petits esquillements, tandis que l’autre extrémité est plate et expose également une série importante de petits esquillements. Quelques-uns de ces esquillements exhibent des ondulations serrées qui témoigneraient de chocs violents. Un des côtés de la pièce semble cassé (surface plane et angulaire), possiblement à la suite de coups portés par la percussion posée ou lancée. CeEu-10-83 : objet en chert verdâtre cireux dont une partie semble altérée, possiblement par la chaleur (Isabelle Duval, com. pers.). La forme générale est pyramidale dont l’une des extrémités est plate et l’autre en biseau. Plusieurs petits esquillements avec des rides serrées partent de la section en biseau, très peu partent de la surface plane. La morphologie et la présence de négatifs d’enlèvements qui couvrent toute la longueur pourraient signifier que le bloc a d’abord été utilisé comme nucléus, qui une fois épuisé aurait été transformé en produit esquillé. CeEu-10-500 : objet en chert cireux verdâtre de forme quadrangulaire dont les deux extrémités sont en biseau. L’une de ces extrémités présente plusieurs petits esquillements avec des rides serrées. De plus, plusieurs négatifs d’enlèvements aux rides serrées qui font toute la longueur de la pièce partent également de cette extrémité (possible nucléus antérieurement?). Le bord gauche et le bord droit (perpendiculaire aux deux extrémités) sont cassés sur toute leur longueur. L’une de ces cassures a des rides très serrées qui partent également du biseau le plus marqué de la pièce (où les coups auraient été donnés). Il est donc possible que ce bris résulte d’un choc violent qui aurait fracturé la pièce à la suite d’un emploi intensif. CeEu-10-537 : objet en chert verdâtre cireux fragmentaire dont les deux extrémités sont en biseau. Les deux extrémités présentent quelques petits esquillements. Par contre, l’une d’elles a un biseau plus étroit (possiblement où la percussion a eu lieu), où part la majorité des négatifs d’enlèvements qui couvrent pratiquement toute la longueur de la pièce. Il y a également une cassure visible qui a fracturé la pièce en deux sur toute sa longueur. Le négatif de la fracture présente des rides serrées qui témoigneraient d’un choc violent. Il est possible que cette fracture soit due à un emploi intensif tel que la pièce CeEu-10-500. CeEu-10-290 : objet en chert cireux verdâtre de forme quadrangulaire et fragmentaire dont l’une des extrémités est plate et l’autre est en forme de biseau. La majorité des esquillements partent de l’extrémité en biseau (partie qui a reçu le choc). L’un des côté semble être cassé, par contre la surface de la cassure est lisse et aucun stigmate de taille n’est visible (ex. : rides, ondulations, etc.). Il est donc difficile d’assumer que cette cassure est résiduel d’un emploi intensif. Trois autres pièces, CeEu-10-379, CeEu-10-536 et CeEu-10-621, présentent également quelques caractéristiques des pièces esquillées, soit une des extrémités légèrement biseauté. Par contre, les esquillements sont peu nombreux et il est difficile d’attester avec certitude que ce sont des pièces esquillées. Par contre, elles pourraient témoigner de pièces qui correspondent au premier stade de production : « début d’esquillement d’un bord » (Le Brun-Ricalens, 2006 : 98) et potentiellement rejetées rapidement. Deux de ces trois pièces présentent des négatifs d’enlèvements longitudinaux parallèles sur l’une de leur face. Par contre, le manque d’indices technologiques tel que la présence d’un plan de frappe claire et des enlèvements rectilignes marqués, ne permet pas de les associer à des nucléï à lames ou lamelles. Sur les cinq pièces restantes, l’une d’elle, CeEu-10-550, a été identifiée comme nucléus. Elle est de forme quadrangulaire et est en chert vert cireux. Elle semble également avoir de la patine sur deux faces opposées qui pourraient être la patine extérieure du chert. Plusieurs négatifs d’enlèvements multidirectionnels sont visibles. Ce bloc aurait donc été débité à l’aide d’une méthode de débitage peu élaborée, c’est-à-dire sans plan de frappe préférentiel (Inizan 1995 : 61). Ce dernier sem116 ble épuisé, ce qui pourrait expliquer la raison de son abandon. Deux autres des 13 pièces identifiées comme nucléus à lames ou microlames ont plutôt été considérées comme des éclats. La pièce CeEu-10-38 présente clairement une surface d’éclatement avec des ondulations visibles (la partie proximale semble légèrement endommagée). La partie supérieure présente plusieurs négatifs d’enlèvements sub-parallèles. Il y a également quelques petites retouches à son extrémité distale, potentiellement d’utilisation (style grattoir). Cette pièce n’est clairement par un nucléus. La deuxième pièce également considérée comme un éclat est CeEu-10-2129. Elle a une surface d’éclatement assez nette avec un esquillement bulbaire très clair mais possède un talon très mince. Il est donc possible que cette pièce puisse résulter de la fragmentation d’un petit bloc étant donné la largeur de la partie distale par rapport à la partie proximale. La pièce CeEu-10-535 en chert vert cireux a, quant à elle, été identifiée comme un fragment potentiel de nucléus. Effectivement, la pièce est fragmentaire et présente quelques négatifs d’enlèvements qui sont multidirectionnels. Finalement, la dernière pièce analysée est CeEu-10-633, dont le chert de couleur rougeâtre foncé semble très altéré (oxydation?). Elle est fragmentaire et présente sur une de ses faces un négatif d’enlèvement longitudinal. Il est difficile d’identifier la nature première de cette pièce (nucléus, débris?). Par contre, l’identification de nucléus à lame ou microlame semble exagérée selon la morphologie de la pièce et le manque de données technologiques. Ces deux pièces ont été considérées dans la compilation des données comme des débris, étant donné la difficulté de les associer à un type spécifique. Finalement, à la suite de l’analyse technologique des pièces identifiées comme nucléus à lames ou microlames, il n’a pas été possible de confirmer la classification première de ces pièces. Les lames et les lamelles En tout, 122 lames/microlames ont été analysées dans le cadre de cette étude technologique, toutes en chert. Seulement, 36 de ces 122 pièces avaient toujours la partie proximale intacte, soit la partie la plus importante au niveau des stigmates de taille tel que le talon et le bulbe. En effet, la partie proximale est la section qui reçoit le coup lors du détachement de l’éclat. Selon la technique utilisée, les stigmates visibles sur cette portion vont varier (ex. : talons de différentes grandeurs, présence ou absence de lèvre, etc.). L’échantillon des pièces avec la partie proximale est donc très faible, que 29,5% des produits lamellaires identifiés. L’analyse technologique est généralement considérée comme plus fiable si un grand échantillon de la collection a été analysé. En effet, selon Chabot : « pour porter un diagnostic fiable, un minimum de pièces est requis : on ne peut pas conclure de l’utilisation d’une technique avec un seul artefact. Plus souvent les mêmes caractéristiques seront observées sur un grand nombre de pièces, plus l’indice d’incertitude sera bas » (2002 : 29). Étant donné que les résultats obtenus proviennent d’un faible échantillon, il s’avère justifié de les considérer avec prudence. Microlames avec partie proximale Cette section porte spécifiquement sur les lames/microlames qui avaient encore la partie proximale intacte. Chacune des pièces a été caractérisée de façon macroscopique à l’œil nu et parfois à l’aide de la loupe binoculaire. En tout, seulement 36 pièces avaient encore la partie proximale (Tableau 3). À la suite de la compilation des données, ces pièces ont été associées soit à des produits de débitage bifaciaux (environ 44 %), soit à des produits provenant de petits blocs (environ 28%), ou soit provenant d’une méthode indéterminée (environ 28%). 117 Tableau 3 : Classification des éclats avec la partie proximale selon le mode de débitage. Métode Total Pourcentage Bifacial 16 44,44% Bloc 10 27,78% Si la majorité des enlèvements correspondaient bien typologiquement à la définition de lames/microlames (des produits deux fois plus longs que larges), il ne correspondait pas au niveau technologique. Un mode de débitage spécifique a d’abord été reconnu dans les stigmates de taille de ces éclats, soit celui du débitage bifacial. Pendant l’analyse, un degré de Indéterminé 10 27,78% Total 36 100,00% certitude a été donné lors de l’identification du type de produits (4 = très fort, 3 = fort, 2 = moyen, 1 = faible). Sur les 33 pièces, 16 ont été associées à des produits de débitage bifaciaux, dont 10 avec un degré de certitude entre fort et très fort (Tableau 4). Tableau 4 : Nombre d'éclats bifaciaux par rapport au degré de certitude d'identification. Degré de certitude Total Pourcentage 4 4 25,00% 3 6 37,50% 2 3 18,75% 1 3 18,75% Total 16 100,00% Tableau 5 : Nombre d'éclats associés à un débitage sur blocs selon le degré de certitude d'identification. Degré de certitude Total Pourcentage 4 1 10,00% 3 2 20,00% 2 4 40,00% 1 3 30,00% Total 10 100,00% 8 7 Largeur du talon (mm) 6 5 Éclats bifaciaux Blocs Indéterminés 4 3 2 1 0 0 1 2 3 4 5 6 Épaisseur de l'éclat (mm) Figure 2 : Éclats avec partie proximale, épaisseur de la pièce versus la largeur du talon. 118 Étant donné qu’aucune description des stigmates de taille laissées pas le débitage bifacial n’a été réalisée dans la partie méthodologie, il s’avère essentiel d’y revenir brièvement. D’abord, il faut souligner qu’il est plus difficile de reconnaître les premières étapes de mise en forme du biface, surtout si aucun remontage n’est pratiqué. Par contre, au niveau des éclats de façonnage, certaines caractéristiques ressortent. En effet, lors du façonnage d’un biface, les éclats doivent enlever de la matière sur une faible épaisseur mais sur une assez grande surface (éclats envahissants). Plus le débitage va avancer, plus le biface va avoir la forme convexe qui le caractérise et plus le profil des éclats enlevés sera courbe. De façon générale, à l’étape du façonnage, le tailleur va avoir tendance à utiliser le percuteur tendre. Ainsi, en combinant ces informations, un éclat typique de façonnage bifacial aura (Planche 3) : - - - un talon déversé (donc un angle de chasse aigu) – puisque le plan de frappe correspond à l’autre surface du biface); un talon généralement mince, peu important (le percuteur frôle le plan de frappe d’une manière tangentielle); un talon facetté, peut être lisse à l’occasion; souvent abrasion de la corniche; un profil courbé. 6 Épaisseur de la pièce (mm) 5 4 Bifaciaux Blocs Indéterminés 3 2 1 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Angle d'éclatement °C Figure 3 : Éclats avec partie proximale, angle d'éclatement des pièces versus leur épaisseur. 119 8 7 Largeur des talons (mm) 6 5 Bifaciaux Blocs Indéterminés 4 3 2 1 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Angle d'éclatement °C Figure 4 : Éclats avec partie proximale, angle d'éclatement des pièces versus l'épaisseur de leur talon. Il n’est donc pas surprenant de constater que la plupart des éclats qui ont été caractérisés comme provenant d’un débitage bifacial ont une faible épaisseur et un talon petit en largeur (Figure 2). De plus, l’angle d’éclatement est de beaucoup inférieur à 90°C, indice d’un talon déversé (Figure 3 et 4). Outre les produits de types bifaciaux, 10 pièces ont également été identifiées comme étant des produits issus de petits blocs angulaires, qui pourraient potentiellement être associés à un débitage lamellaire. Encore une fois, l’échelle de certitude pour catégoriser chacun de ces éclats a été utilisée (Tableau 5). Sur les 10 pièces identifiées, trois ont été associées à un débitage sur bloc avec un degré de certitude allant de fort à très fort. L’identification est moins solide dans ce cas-ci que pour les produits de débitage bifaciaux, potentiellement parce qu’il était moins aisé de reconnaître les stigmates de cette technique. En effet, les produits bifaciaux étaient plus familiers comparativement aux produits provenant de petits blocs. Les critères qui permettaient d’associer ces éclats à un débitage sur blocs sont (Planche 4) : - un talon lisse; un angle d’éclatement autour de 90 °C; une courbure peu marquée de l’éclat par rapport aux éclats bifaciaux. De plus, selon les expériences de taille de Frédéric Hottin (com. pers.), il serait possible que certains de ces éclats soient les produits d’un débitage sub-lamellaire. Ces produits seraient fabriqués en exploitant les côtés angulaires du bloc de départ sans préparation élaborée du plan de frappe. Cette méthode permet donc d’obtenir rapidement et de façon efficace des supports pour le façonnage d’outils comme les grattoirs, très fréquents dans les industries du Nord-Est. Ceux-ci seraient caractérisées par des : 120 supports de forme allongée et assez épais; côtés parallèles; nervures dorsales généralement marquées; talons larges, simples et plats. Il s’agit donc préalablement de vérifier sous quelle forme se trouve la matière première. À l’automne 2012, une campagne de prospection à la source de chert de la plage StLaurent, à proximité du site, a été effectuée. Celle-ci pourrait être a priori une des sources principales d’exploitation de chert des occupants du site CeEu-10. Le chert à cet emplacement se trouve sous forme de lits et est accessible à marée basse. L’aspect sous lequel est extrait le chert est généralement sous forme de petits blocs avec des facettes angulaires. Outre cette source primaire, il existe également une source secondaire de chert située dans la falaise qui longe le site CeEu-10. Cette deuxième source correspond à des gros blocs de chert érodés associés à des dépôts transportés fort probablement par le fleuve. Les nodules qui se détachent également de ces blocs sont généralement de forme angulaire. À la lumière de ces informations, il semble possible qu’une partie des produits sur bloc soit associée à un débitage sub-lamellaire. Finalement, certaines lames n’ont pas pu être associées à l’une ou l’autre des techniques avec assez de certitude. La catégorie « débitage indéterminé » a donc été établie pour classer ces produits. En tout, 10 pièces ont été insérées dans cette classe. Certains critères de ces pièces indéterminées ont été comparés statistiquement avec ceux des pièces identifiées soient comme produits bifaciaux ou provenant d’un débitage sur petit bloc. L’exercice avait pour objectif d’associer ces pièces indéterminées à l’une ou l’autre des catégories connues. Ainsi, un choix a été fait dans les données qui pouvaient être comparées statistiquement et qui devaient être assez différentes selon la méthode de débitage employée. Trois critères ont été choisis : l’épaisseur de la pièce (tendance à être plus mince sur du bifacial), la largeur du talon (tendance à être plus mince sur du bifacial) et l’angle d’éclatement (plus aigu si bifacial). Trois graphiques ont été crées qui comparent chacune des données entre elles. Au niveau du premier graphique (Figure 2), il semble que les pièces indéterminées soient davantage reliées aux tendances associées aux produits bifaciaux. Par contre, dans les Figures 2 et 3, les recoupements sont beaucoup plus nébuleux. Il est donc difficile de replacer ces éclats dans une chaîne opératoire spécifique. Notons également qu’il est possible que ces éclats proviennent de produits autres que ceux du débitage bifacial ou de petits blocs angulaires. Par exemple, il a été discuté brièvement que la fragmentation des pièces esquillées entraîne également des éclats longitudinaux et minces. Étant donné que ces produits sont peu familiers, il a été difficile de les reconnaître dans l’assemblage. Par contre, il est possible que certaines des pièces analysées appartiennent à la production de pièces esquillées. Microlames sans partie proximale Sur les 122 pièces échantillonnées au départ, 86 n’avaient plus la partie proximale qui renferme la majorité des stigmates de taille révélateurs des méthodes et techniques de débitage. La majorité de ces pièces, soit 53 éclats, correspondaient à la partie mésiale de l’objet de départ, tandis que les 33 restants correspondaient à la partie mésiale-distale de la pièce. Il ne semble pas y avoir de standardisation dans la longueur des pièces sans partie proximale. En effet, leurs longueurs varient entre 13 mm et 60 mm et les largeurs varient également considérablement entre les pièces, entre 3 et 30 mm (Figure 4). Si une certaine standardisation dans les pièces avait été visible, elle aurait pu témoigner d’une recherche de longueur associée à un usage particulier des éclats (ex. : dans des outils multicomposites). Répartition spatiale lames/microlames Une des dernières étapes de l’analyse portait sur la concentration des éclats lamellaires dans les différentes aires du site. Par contre, il manquait la localisation spatiale pour 54 des éclats qui avaient été trouvés en 1984. En effet, l’inventaire était manquant et introuvable pour les outils dont les numéros étaient compris entre CeEu-10-658 à CeEu-10-867. Malgré tout, un tableau de la localisation des éclats a été dressé afin de déterminer si les pièces étaient généralement concentrées dans un secteur spécifique. Le tableau indique plutôt que les éclats lamellaires analysés sont très dispersés 121 sur le site (Annexe 4). Il n’y a pas de réelle concentration dans une zone particulière qui aurait favorisé l’hypothèse d’un débitage lamellaire. des bases solides encrées sur plusieurs décennies d’expérimentation de taille de la pierre en Europe combinée à l’étude attentive des stigmates de taille de chaque pièce. Très peu d’analyse de ce type ont été réalisée sur des sites du Nord-Est américain. Il est donc recommandé de poursuivre l’analyse technologique sur l’ensemble de la collection du site CeEu-10. C’est seulement après une étude complète de l’assemblage qu’un portait plus représentatif pourra être dressé des méthodes de taille favorisées. Interprétation et recommandations À la lumière des résultats obtenus, la présence d’une industrie lamellaire sur le site CeEu-10 semble peu probable. D’abord, les nucléus qui avaient été identifiés au départ comme des nucléus à lames ou à microlames ne portaient pas les stigmates caractéristiques de ce type de débitage. L’absence de nucléus n’est pas nécessairement gage d’absence de débitage lamellaire. En effet, il est possible que les nucléus aient été apportés sur d’autres sites pour des utilisations futures. De plus, l’analyse effectuée portait uniquement sur les nucléus de la collection qui avaient été identifiés préalablement comme nucléus à lames ou microlames par Badgley. Après un rapide regard jeté sur le reste de la collection, il semble peu probable que de véritables nucléus à lames ou microlames n’aient pas été identifiés. De plus, l’analyse des éclats identifiés comme lamellaires dans la collection ne semble pas supporter ce type de production. De fait, certains ont clairement été associés aux étapes de façonnage de bifaces et quelques autres à des produits provenant de petits blocs. Ces derniers pourraient être associés ultimement à un débitage lamellaire, mais l’absence de nucléï ne semble pas appuyer cette hypothèse. De plus, le manque de standardisation dans ces produits n’indique pas un débitage organisé et préconçu typique des industries lamellaire. Ainsi, l’analyse technologique réalisée infirmerait la présence d’une industrie lamellaire sur le site CeEu-10. Les produits analysés seraient davantage associés à la chaîne opératoire de pièces esquillées, de débitage bifacial ou de débitage sur petits blocs, qui sont tous caractéristiques des industries nord-américaines. Cette analyse technologique, quoique restreinte sur un échantillon très petit de la collection, a permis de clarifier l’hypothèse de la présence d’une industrie lamellaire rare pour les cultures préhistoriques amérindiennes du Québec. Ce type d’analyse puise sa force dans Bibliographie Badgley, I.1986. Rapport des premières fouilles archéologiques effectuées dans le site CeEu-10, Saint-Augustin-de-Desmaures, 1984. Rapport inédit remis au MCCCf. Badgley, I. 1982 Évaluation du potentiel archéologique du site CeEu-10, Saint-Augustinde-Desmaures, été 1982. MAC. Rapport inédit remis au MCCCf. Bar-Yosef, O. et Kuhn, S. L., 1999. The big deal about blades : Laminar technologies and human evolution, American Anthropologist, 101: 322338. Chabot, J. avec une annexe de Pelegrin J. 2002. Tell΄Atij Tell Gudeda industrie lithique : analyse technologique et fonctionnelle, Cahiers d’archéologie du CELAT, 13. Chun S. 2007. Techno-typological Comparison of microblade cores from East Asia and North America, pp.7-38 dans Yaroslav V. Kuzmin, Susan G. Keates and Chen Shen. (dir). Origin and Spread of Microblade Technology in Northern Asia and North America, 34: Simon Fraser University Press. Demars, P.-Y. et Laurent, P. 1992. Types d’outils lithiques du Paléolithique supérieur en Europe, Paris : Presses du CNRS. Desrosiers, P. M. 2009. À l’origine du Dorsétien, apport de la technologie lithique des sites GhGk-63 et Tayara (KbFk-7) au Nunavik, Thèse de doctorat. Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Desrosiers, P. M. 2007. Paleoeskimo lithic technology : Constraints and adaptation. Lithic Technology, 32 : 17-38. Dionne, M.-M. 2005. Gestion des matières premières et de l’outillage dans un camp spécialisé du Dorsétien moyen (1500 AA) : Le cas d’IcGm-5, côte est de la baie d’Hudson, 122 Nunavik. Mémoire de maîtrise. Université Laval. Duval, I. 2011. Identifications macroscopique et géochimique d’une partie de l’assemblage des cherts du site de Saint-Augustin-de-Desmaures (CeEu-10, Québec), pp. 116-139 dans Marquis, D. et M. Plourde, Chantier-école de l’université Laval fouilles préhistoriques au site CeEu-10, Saint-Augustin-de-Desmaures, été 2010, Rapport remis au MCCCF et à la ville de SaintAugustin-de-Desmaures. Fortier, N. 2011. Une gestion archaïque des matières premières lithiques en Haute CôteNord. Archéologiques 24 : 144-163. Fortier, N. 2010. La gestion des matières premières: techniques et méthodes de débitage de la pierre sur un site associé à une occupation de l’Archaïque moyen sur la Haute-Côte-Nord. Mémoire de Maîtrise. Université du Québec à Chicoutimi. Inizan, M.-L., Reduron Ballinger M., Roche, H. et Tixier, J. 1995.Technologie de la pierre taillée, CREP, Meudon. Karlin C., Pigeot, N. et Ploux, S. 1992. L’ethnologie préhistorique. La Recherche, 23 : 1106-1116. Laliberté, M. et Mandeville, J. 1981. Site archéologique CeEu-10, Saint-Augustin-deDesmaures, Rapport inédit remis au MCCCf. Le Brun-Ricalens, F. 2006. Les pièces esquillées : état des connaissances après un siècle de reconnaissance. Paléo 18 : 95-114. Odell, G. H. 1994. The role of stone bladelets in Middle Woodland society. American Society, 59: 102-120. 123 Planche 1 Pièces identifiés par Badgley comme nucléus `lames ou microlames. De gauche à droite et de haut en bas : CeEu-10-517; CeEu-10-533; CeEu-10-500; CeEu-10-290; CeEu-10-263; CeEu-10-83; CeEu-10550, CeEu-10-38; CeEu-10-2129; CeEu-10-621; CeEu-10-536; CeEu-10-379; CeEu-10-633; CeEu-10-535. 124 Planche 2 Éclats représentant les 5 matières premières identifiés dans l'échantillon étudié. De gauche à droite: type A, B C, D, E Planche 3 Planche 4 Éclat bifacial typique, face supérieure. Éclat bifacial typique, face inférieure. 125 Planche 5 Planche 6 Éclat typique provenant d'un petit bloc, face supérieure. Éclat typique provenant d'un petit bloc, face inférieure. 126 Annexe 1 : Pièces esquillées, fiche technologique Site : No de la pièce : Localisation : DESCRITPION GÉNÉRALE Matière Première : Cortex : Grain : État de conservation : Dimension : Lo Forme générale : Couleur : La Ép CRITÈRES TECHNOLOGIQUES Localisation des esquillements : deux extrémités opposées un seul côté quatre côtés autre : Étendu des esquillements : courts , réfléchis , envahissants , outrepassées , autre : Stades : début d’esquillement sur un bord détachement d’éclats esquillés, esquillements envahissants, parfois bifaciaux, et utilisation d’autres bords emploi intensif entraînant la fragmentation de la pièce Rides serrées : tous les négatifs esquillements , certains Négatifs d’éclats ou de lamelles esquillés : oui Support : petit bloc , éclat Percussion indirecte posée , lame , non , autres : , nucléus recyclé ou Percussion lancée Commentaires : 127 , aucun , autres : ou Indéterminée Annexe 2 : Pièces avec partie proximale, fiche technologique Site : No de la pièce : Localisation : DESCRITPION GÉNÉRALE Matière Première : Grain : État de conservation : Dimension : Lo Couleur : La Ép PARTIE SUPÉRIEURE : Cortex : Qté négatifs enlèvements : Orientation des nég. enlèvements entre eux : Orientation des nég. enlèvements par rapport axe percussion : Nervures : Bords : PARTIE INFÉRIEURE : Type talon : Talon éversé : Lèvre : Angle de chasse : Ondulations : Points impacts : Type de bulbe : Profil : Lo : Abrasion : Larg : Bosses : Esquillement : Technique identifiés : Méthode de débitage : COMMENTAIRES : 128 Annexe 3 : Pièces sans partie proximale, fiche technologique Site : No de la pièce : Localisation : DESCRITPION GÉNÉRALE Matière Première : Grain : État de conservation : Dimension : Lo Couleur : La Ép Partie supérieure : Orientation des nervures : Orientation des bords : Cortex : Partie inférieure : Ondulations : Bosses : COMMENTAIRES : 129 Annexe 4 : Répartition spatiale des éclats lamellaires étudiés 130