revue des laboratoires d`archéologie de l`université laval volume 1

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revue des laboratoires d`archéologie de l`université laval volume 1
REVUE DES LABORATOIRES D'ARCHÉOLOGIE
DE L'UNIVERSITÉ LAVAL
SOUS LA DIRECTION DE ANNE-MARIE FAUCHER ET STÉPHANE NOËL
VOLUME 1
NO 1
2013
i
DROITS D'AUTEUR
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Comment citer les rapports publiés dans la Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval.
Nom et prénom de l'auteur. 2013. Titre du rapport. Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval, dirigé par Anne-Marie Faucher et Stéphane Noël, volume 1, pages.
i
TABLE DES MATIÈRES
Droit d'auteur
Table des matières
Préface
i
ii
iii
Partie 1. Canada - Québec
1. Rapport d’analyses sur les perles blanches de ClFi-10.
Adelphine Bonneau, Réginald Auger et Jean-François Moreau
1
2. Palais de l’Intendant : analyse comparative de deux niveaux de latrines.
Frédéric Dussault
41
3. Le chert à Saint-Augustin-de-Desmaures : Comparaison géochimique d’échantillons en chert provenant du site archéologique CeEu-10 et de d’autres sites de la région de Québec.
Isabelle Duval
54
4. Identification d'un macroreste botanique carbonisé, site archéologique Odanak (CaFe-7).
Anne-Marie Faucher
93
5. Quartier des Spectacles, Montréal. Étude archéobotanique du site archéologique BjFj-148, des
opérations 1 et 2 et de la supervision archéologique MTL08-25-03, sous-opération 3B.
Anne-Marie Faucher
95
6. Une étude archéobotanique du site archéologique CeEu-18 dans le Vieux-Cap-Rouge, Québec.
Anne-Marie Faucher
104
7. Analyse technologique des éléments lamellaires du site CeEu-10.
Daphné Marquis
ii
110
PRÉFACE
Inaugurés en 2005, les Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval constituent l'une des plus
grandes infrastructures de recherche en archéologie au Canada, avec une superficie de 1 500 m2. Ces
laboratoires forment un milieu dynamique de transmission du savoir, où les étudiants des trois cycles
peuvent interagir et collaborer avec les différents professeurs et chercheurs associés au programme
d'archéologie.
Au cours des huit dernières années, les étudiants et chercheurs des Laboratoires ont participé à de
nombreux projets de recherche, allant de la Virginie jusqu'au Groenland, en passant par le Québec et
Terre-Neuve. Dans le cadre de ces projets, les membres des Laboratoires ont fourni leurs expertises
en archéobotanique, en archéoentomologie, en analyse géochimique et technologique du matériel
lithique, en analyse archéométrique du verre et en zooarchéologie.
Ce premier volume de la Revue des Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval englobe un échantillon
des rapports d'analyses rédigés par les étudiants et chercheurs associés aux Laboratoires de 2009 à
2012. Il est divisé en deux numéros, le premier étant entièrement consacré aux analyses faites sur des
sites archéologiques québécois. Le second numéro comprend des analyses effectuées ailleurs au Canada, ainsi qu'aux États-Unis et au Groenland.
Le but de cette revue est de diffuser et de mettre en valeur la recherche spécialisée effectuée dans les
Laboratoires d'archéologie de l'Université Laval. Grâce à cette revue, ces rapports sont désormais
disponibles à l'ensemble de la communauté scientifique.
Anne-Marie Faucher et Stéphane Noël
Québec, Février 2013
iii
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec – Bonneau et al.
RAPPORT D’ANALYSES SUR LES PERLES BLANCHES DE
CLFI-10
Adelphine Bonneau, Réginald Auger et Jean-François Moreau
2011, Université Laval et Université du Québec à Chicoutimi
Analyse effectuée pour Bertrand Émard, Hydro-Québec
Résumé
Dix perles blanches provenant du site ClFi-10 ont été analysées afin de comparer les informations pouvant être obtenues par l’utilisation de différentes techniques sans altérer l’aspect général
des perles. Les analyses par microscope, spectroscopie Raman, LA-ICP-MS et activation neutronique se sont montrées complémentaires et ont apportés de nouvelles perspectives pour la compréhension de la manufacture des perles de verre et de leur diffusion sur le continent nord-américain.
Introduction
nombreuses années par MM. Jean-François
Moreau et Ron Hancock : l’analyse par activation neutronique (NAA), et ainsi de pouvoir
faire une évaluation de la date de ces perles et
de confirmer ou infirmer celle des archéologues. Le troisième était d’essayer de répondre à
une question de l’archéologue sur la possibilité
de faire des sous-groupes de perles, qui pourraient être liés à leur lieu de fabrication. Cette
partie est relativement compliquée, car elle
nécessite de pouvoir mesurer des éléments
chimiques en très faible quantité dans la perle.
En effet, si la recette du verre peut être la même dans différents ateliers, les ingrédients utilisés diffèrent toujours. Ceux-ci étant le plus
souvent des minéraux, ils contiennent des éléments traces et notamment des terres rares, qui
les lient à leur histoire géologique et donc à leur
provenance. Ainsi, chaque production de verre
possède une composition chimique bien précise. Ces marqueurs sont donc caractéristiques
d’un groupe de perles et il serait alors possible
de le suivre à travers les réseaux de distribution
en place à la période historique.
Pour cette étude, un corpus de 10 perles blanches a été choisi. Les perles blanches
sont celles qui ont été le plus étudiées et ainsi,
elles offrent une grande possibilité de comparaison. De plus, la perle blanche est le type le
plus fréquemment retrouvé sur les sites amérindiens et ces perles sont potentiellement celles qui devront être étudiées sur les nouveaux
sites découverts. Le petit nombre de perles
Des perles provenant de la collection
archéologique d’Hydro-Québec ont été
confiées pour analyses physico-chimiques au
laboratoire d’archéologie historique de
l’Université Laval. Ces analyses ont été réalisées
par Adelphine Bonneau, étudiante graduée
(post-maîtrise) en archéométrie, sous la direction de Réginald Auger, professeur
d’archéologie historique à l’Université Laval, et
de Jean- François Moreau, professeur
d’archéologie à l’Université du Québec à Chicoutimi.
Les perles proviennent du site ClFi-10
fouillé en 2005, 2006 et 2007, dans le cadre du
projet d’implantation de centrales à la ChuteAllard et aux Rapides-des-Cœurs. Ce campement amérindien a été occupé pendant plusieurs siècles, depuis la préhistoire jusqu’à
l’époque moderne et contemporaine avec un
campement de bûcherons. Les 613 perles découvertes au cours des fouilles proviennent de
couches ayant été datées entre 1600 et 1830.
Elles sont de différentes tailles et couleurs (Archéotec 2006).
Les analyses ont été réalisées pour répondre à plusieurs objectifs. Le premier était
de faire un comparatif des résultats obtenus par
différentes techniques d’analyse. Ainsi, il sera
possible de choisir le ou les instruments nécessaires en fonction des interrogations soulevées
par les archéologues. Le deuxième était
d’appliquer la technique déjà utilisée depuis de
1
étudié est dû aux coûts relativement importants
reliés aux analyses; cette étude de faisabilité
nécessitant l’utilisation de différentes machines.
Les analyses se sont déroulées en plusieurs
temps : observations macroscopiques et microscopiques, analyses par spectrométrie Raman, analyses par LA-ICP-MS, analyses par
NAA. Entre chaque analyse, des observations
au microscope ont été réalisées pour suivre
l’évolution de la texture en surface de chaque
échantillon.
grâce aux atomes d’oxygène qui se trouvent à
leur coin.
État des connaissances et études
précédentes
Figure 1 : Représentation d'un tétraèdre de
SiO4
(http://tipezeolithes.wikispaces.com/Structur
e, consultée en mai 2011).
Cette partie se propose de faire une
introduction générale sur le verre, sa définition
et sa structure, ainsi que sur les études précédentes conduites sur des perles de verre de
différentes époques et provenant de zones
géographiques différentes.
Le verre : définition et aspects physicochimiques
Le verre peut être défini comme le résultat du refroidissement d’un liquide ayant
entraîné une cristallisation rapide sans formation d’une structure ordonnée. La masse obtenue est homogène à l’œil nu, mais composée
d’entités différentes à l’échelle de l’atome
(échelle nanométrique) (Pollard et Heron 1996,
Tournié 2009).
Les verres étudiés ici sont formés principalement de silice, c’est-à-dire de sable ou de
quartz concassé. Pour la suite de cette étude, il
est important de connaitre la structure du verre, c’est-à-dire l’organisation des atomes entre
eux. Le verre est constitué principalement
d’atomes de silicium (Si) et d’oxygène (O). Ils
sont liés ensemble sous forme d’une pyramide
à trois côtés (Figure1), également appelée tétraèdre.
Ces tétraèdres sont ensuite liés les uns
aux autres et forment la structure du verre.
Néanmoins, cette structure n’est pas ordonnée
mais amorphe, c'est-à-dire que les tétraèdres se
lient ensemble sans suivre un schéma précis
(Figure 2). Les tétraèdres se lient entre eux
Figure 2 : Différences entre structure ordonnée
(cristalline) et structure amorphe (vitreuse)
(rond blanc : oxygène, rond noir : silicium)
(http ://www.linternaute.com/science/art-etscience/souffleur-de-verre/souffleurs-deverre.shtml, consultée en mai 2011).
Il faut une température de plus 1700 °C
pour réussir à faire fondre de la silice pure. Les
artisans ont donc ajouté des fondants, pour
diminuer la température de fusion de la silice.
Ce sont principalement le sodium (Na), le potassium (K) et le plomb (Pb). Ces éléments ont
la particularité de casser les liaisons entre les
atomes d’oxygène et les atomes de silicium. Ils
modifient la structure et la rendent plus facile à
fondre (Pollard et Heron 1996). Le revers de
cet ajout est que le verre formé est très fragile
et peut facilement se dissoudre dans l’eau. Pour
empêcher cela, des stabilisants sont ajoutés
comme le calcium ou l’aluminium (Al) (Pollard
2
et Heron 1996)1. L’ajout de ces éléments engendre la formation de « trous » dans la structure et donc certains atomes d’oxygène sont
libres. Ils ne forment de liaisons avec aucun
autre atome. Ils sont appelés oxygènes nonpontants ; et ceux qui forment des liaisons, des
oxygènes pontants (Tournié 2009). Le fait que
ces atomes soient liés ou non va entrainer des
différences dans le spectre Raman et donner
des informations sur la structure du verre et sa
fabrication. C’est ce que l’on appelle le « modèle des Qn » (Colomban 2003, Colomban 2004,
Tournié 2009). Quand un tétraèdre n’est lié à
aucun autre par ces atomes d’oxygène, il est
appelé Q0. S’il est lié à d’autres tétraèdres par
un, deux, trois ou quatre atomes, il est appelé
respectivement Q1, Q2, Q3 ou Q4 (Figure 3).
également le plus souvent rédigés par des
hommes qui ne sont pas eux-mêmes verriers.
A l’époque moderne, Haudicquer de
Blancourt (1697), à la demande d’un noble,
réalise un ouvrage de synthèse sur la manufacture du verre et les techniques de préparation
des matières premières. Cet ouvrage est un des
seuls à parler de la fabrication du verre à cette
époque. Il mentionne également la fabrication
de perles, mais qui ont pour but d’imiter des
perles de culture et qui par conséquent ne sont
pas fabriquées avec du verre, mais avec de la
térébenthine, du vinaigre et des « semences de
perles ». Il est fait également mention de rocaille qui est utilisée pour faire des décorations sur
des vêtements, des colliers et des bracelets.
Cela est vendu principalement aux paysans ou
exporté vers les « Indes » ou l’Afrique. L’auteur
ne fait pas mention des Amériques. Cette rocaille est fabriquée avec du sable très fin et de
la mine de plomb. Il n’est pas fait mention
d’ajout de sel ou autre fondant, le plomb étant
certainement suffisant. Cet ouvrage apporte
néanmoins un grand éclairage sur la manufacture du verre à la fin du XVIIe siècle.
Selon l’auteur, le verre est fabriqué à
partir de sable auquel on ajoute un sel tiré de
cendres végétales et de la chaux. Ce mélange
est fondu puis concassé pour faire de la fritte,
puis à nouveau fondu pour devenir du verre.
Les cendres de végétaux proviennent selon lui
de plantes de bordures de mer ou de lacs salés,
ou bien de plantes et d’arbres continentaux.
Les cendres des plantes maritimes permettant
de faire un verre plus beau que celles des plantes et des arbres continentaux.
Des auteurs contemporains se sont
penchés sur les techniques de fabrication des
perles notamment Kidd (1979) et Karklins
(1982). Ces chercheurs ont également mis en
place des classifications (Kidd et Kidd 1972,
Karklins 1982). Selon eux, il existerait deux
façons de fabriquer des perles : par enroulement ou par étirement (Kidd et Kidd 1972,
Kidd 1979, Karklins 1982). La technique de
l’enroulement nécessite de fabriquer les perles
une par une. Un fil de verre est préparé et
chauffé à la température voulue. Le verre est
Figure 3 : Représentation de la structure d'un
verre archéologique et modélisation des Qn
(http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosart/deco
uv/00_outils/raman/04_savoirplus/media/schemaverreArt&Science.html,
consultée en mai 2011).
Connaissances des techniques de fabrication du verre et des perles à l’époque moderne
Les écrits sur les techniques de fabrication du verre à l’époque moderne sont peu
nombreux et sont souvent inspirés de livres
plus anciens datant de l’Antiquité comme ceux
de Pline, Flavius Josephe ou Vitruve. Ils sont
Dans les temps anciens et modernes, les artisans devaient utiliser ces stabilisants sans le savoir, car ils étaient
présents dans les matières premières : l’aluminium est
présent dans le sable sous forme de feldspath par exemple (Dussubieux 2001).
1
3
enroulé autour d’un fil de métal préalablement
recouvert de craie ou d’une substance semblable permettant de retirer plus facilement la
perle. Il est possible d’ajouter autant de fils de
verre que l’on veut. La technique de l’étirement
nécessite deux personnes. Une bulle de verre
est prise par une canne avec un trou au milieu.
Cette bulle est soufflée puis elle peut être
trempée dans du verre fondu pour augmenter
son volume ou pour lui ajouter d’autres couleurs. Un deuxième homme met une tige de fer
à l’autre extrémité et les deux hommes tirent
dans des directions opposées jusqu’à ce que le
verre soit froid. Il est possible de torsader le
tube de verre pendant l’étirement pour créer un
motif. Le tube est ensuite laissé à refroidir totalement avant d’être coupé en plusieurs morceaux pour obtenir des perles. À la suite de ces
techniques, il est possible d’utiliser des moules
ou de les façonner sur un marbre quand elles
ne sont pas encore refroidies. Pour obtenir la
forme ovale, le trou des perles est rempli avec
du sable et du charbon de bois moulu. Elles
sont ensuite placées dans un récipient métallique, chauffées en les secouant et nettoyées et
polies dans un sac de son.
Les textes anciens ne donnent pas
beaucoup d’informations sur les techniques de
fabrication du verre, car cet art et ses recettes
étaient considérés comme des secrets et par
conséquent étaient transmis par voie orale et
très rarement écrits.
les et une évaluation de la datation de certaines
perles retrouvées dans des contextes non datés.
Ces études ont également permis la mise en
place d’une chronologie de l’utilisation des
opacifiants dans les perles blanches (Sempowski et al. 2000, Moreau et Hancock 2010). Ainsi,
si la perle est opacifiée à l’étain, elle peut être
antérieure à la fin du XVIIe siècle. Si elle est
opacifiée à l’antimoine, elle peut être datée
entre le milieu du XVIIe siècle et la fin du XIXe
siècle/début du XXe siècle. Enfin, si
l’opacifiant est l’arsenic, elle peut être datée
d’après le début du XIXe siècle.
Une seule étude a pour l’instant utilisé
une autre technique pour l’analyse des perles de
verre : la fluorescence de rayons X (XRF) et le
microscope (Shugar et O’Connor 2008). Ces
deux techniques restent des analyses de surface
et donc ne donnent de résultats que sur les
premiers microns de la perle, contrairement à
la NAA qui analyse la perle dans sa globalité.
Cette étude a de plus nécessité la coupe des
perles analysées pour obtenir le plus
d’informations possible.
Études dans le reste du monde
Les études sur les perles et sur le verre
en général dans le reste du monde ont été très
nombreuses. Aux vues de l’étude et des outils
utilisés, l’accent est mis sur des analyses réalisées par LA-ICP-MS et par spectromètre Raman, qui sont les instruments ayant permis
d’obtenir un grand nombre de connaissances
sur des perles de verre.
Laure Dussubieux et Bernard Gratuze
ont travaillé sur des perles de verre provenant
d’Asie du Sud-Est et d’Inde. L’utilisation du
LA-ICP-MS leur a permis d’apporter des informations sur les verres utilisés, sur leur manufacture (fondants, colorants, etc...) et de différencier les perles en sous-groupes pour pouvoir les suivre le long des voies de communication (Dussubieux 2001, Dussubieux et Gratuze
2003, Marchetti et Gratuze 2007, Dussubieux et
al. 2008a, Dussubieux et al. 2008b). Pour cette
dernière partie, les chercheurs se sont basés sur
l’analyse des éléments traces et notamment des
terres rares.
Études dans le continent nord-américain
Les analyses physico-chimiques de perles en verre sur le continent américain ont été
pour la grande majorité menées grâce à
l’analyse par activation neutronique (Hancock
et al. 1996, Hancock et al. 1997, Hancock et al.
2000, Sempowski et al. 2001, Moreau et al.
2002, Herzog et Moreau 2006, Moreau et al.
2006, Moreau et Hancock 2010, Moreau et al.
2011). Il en est résulté une base de données
contenant plus de 30 000 compositions de perles dont beaucoup sont datées. L’utilisation de
cette technique d’analyse a permis des comparaisons entre la composition chimique des per4
D’un autre côté, Colomban et Tournié
(2007), Prinsloo et Colomban (2008) et Tournié (2009) ont utilisé la spectrométrie Raman
pour l’analyse des perles de verre. La forme des
spectres leur a permis de connaître le type de
verre (calcique, calco-sodique, potassique, etc.),
de retrouver les matières colorantes utilisées et
de séparer les verres en différents groupes à
partir de leur indice de polymérisation (Ip) et
du « modèle des Qn » (Colomban 2003, Colomban 2004, Tournié 2009). Ces méthodes
ont montré leur efficacité pour différencier des
verres de périodes très différentes, mais ont
montré leur limite pour des verres de manufacture et de périodes semblables. Dans le cas de
l’étude des perles sud-africaines, il a été nécessaire de recourir à une méthode complémentaire pour confirmer les résultats obtenus, la fluorescence de rayons X (XRF) (Prinsloo et Colomban 2008).
Ces deux études, ainsi que les analyses
réalisées en Amérique du Nord, constituent la
base de la méthodologie de ce rapport. Elles
ont parfois dû être adaptées aux objectifs et
aux contraintes des perles de verre.
Observations macroscopiques et microscopiques
Des observations ont d’abord été réalisées sur les perles pour déterminer les endroits
où les futures analyses allaient être réalisées,
mais également pour voir si des particularités
visibles pouvaient aider à un rapprochement de
certaines perles.
Observations macroscopiques
Les perles sélectionnées sont de deux
types, selon la typologie de Kidd et Kidd
(1972) : IIa14 et IIa15. Elles ne présentent pas
d’iridescence pouvant nous faire supposer une
dégradation du verre. Elles ne semblent pas
non plus présenter de dégradation mécanique
(ligne ou creux dus à l’action du sol autour de
la perle pendant son enfouissement). Les longueurs, diamètres, masses, volumes et densités
des perles sont exposés dans le Tableau 1.
Tableau 1 : Longueur, diamètre, masse, volume et densité des perles analysées.
Échantillon
T 16024
T 14653
T 16106
T 21518.1
T 22013
T 10444
T 19505.10
T 10520
T 10386
T 10378
Typologie
Kidd
IIa14
IIa14
IIa14
IIa14
IIa14
IIa15
IIa15
IIa15
IIa15
IIa15
Longueur (mm)
Diamètre (mm)
Masse (mg)
Volume (mm3)
Densité
4,40
3,04
4,00
3,38
4,02
9,10
8,54
7,92
7,62
5,10
4,20
4,06
3,56
3,34
3,48
4,12
4,76
5,18
4,31
4,00
116,7
69,4
83,6
55,7
74,3
193,2
277,2
245,5
150,6
133,8
61
39
40
30
38
121
152
167
111
64
1,9
1,8
2,1
1,9
1,9
1,6
1,8
1,5
1,4
2,1
Il est d’ores et déjà possible de classer
les perles par catégorie de poids : quatre perles
pèsent moins de 100 mg, trois entre 100 et 150
mg, une entre 150 et 200 mg et deux plus de
200 mg. Le volume permet de faire également
une discrimination avec quatre perles entre 30
et 40 mm3, deux autour de 60 mm3, deux entre
110 et 130 mm3 et deux de plus de 150 mm3.
La densité, quant à elle, ne permet une distinction qu’entre deux groupes : densité inférieure
à 1,8 avec trois perles et densité supérieure à
1,8 avec sept perles. Néanmoins aucun de ces
groupes ne comprend les mêmes perles. Les
perles sont ensuite regroupées par couleur.
Les perles montrent soit une couleur
blanche mate (T14653), soit blanche brillante
5
(T16024, T16106, T21518.1, T22013, T10444,
T10520, T10386, T10378), soit blanche orangé
(T19505.10) (Figure 4).
Figure 4 : Perles de couleur blanc orangé
(T19505.10), blanc brillant (T21518.1), blanc
mat (T14653).
Les perles tubulaires de typologie IIa14
sont celles qui ont le poids et le volume les plus
faibles (en dessous de 150 mg et 100 mm3),
mais la densité la plus élevée (supérieure à 1,8).
Les perles ovoïdes de typologie IIa15 ont un
poids et un volume plus élevés (au-dessus de
150 mg et 100 mm3) et une densité plus faible
(inférieure à 1,8). Seules deux perles T14653 et
T19505.10 ont une densité de 1,8 et se placent
donc à la limite entre les deux groupes. Ces
deux perles sont également les deux qui ont
une couleur différente des autres perles.
L’utilisation du microscope permet d’aller plus
loin dans ces observations.
Figure 5 : Texture d’une perle en surface (magnification x200).
Observations microscopiques
Les observations au microscope ont été
réalisées sous grossissement x200 et x500. Les
textures observées montrent que les verres
sont sains (aucune iridescence) et présentent
peu de dégradations mécaniques (Figure 5).
Une perle, de couleur blanc orangé,
présente cependant une texture différente des
autres : un réseau de trésaillures (Figure 6).
Cette texture peut être due à une différence
dans la composition du verre mais aussi dans sa
fabrication, un refroidissement rapide du verre
par exemple.
Une perle présente également une dégradation chimique (T14653) (Figure 7). Cela
est très certainement dû à son lieu
d’enfouissement. Cette perle provient d’un
remblai de la structure 4 qui a été identifié
comme étant une cuisine ou un lieu de stockage. Il est possible que cette perle ait subi un
chauffage.
Figure 6 : Texture en écailles T19505.10 (magnification X200).
De plus, comme elle provient d’un
remblai, il est impossible de connaître ses
conditions d’enfouissement antérieures pour
déterminer d’où proviendrait cette dégradation.
Elle pourrait provenir du sol, qui a été identifié
comme un podzol ferro-humique (Archéotec
2006). Ce type de sol est à la fois très acide et
peut contenir jusqu’à 50% de sels basiques
(Agriculture Canada 1987). La partie acide du
sol va modifier le réseau cristallin par étape en
formant des fissures de plus en plus larges au
sein du verre jusqu’à ce qu’une croûte microfissurée se forme. Les sels basiques vont dissoudre le verre de façon quasi-uniforme sans
modification du réseau silicaté (Tournié 2009).
Il est difficile d’évaluer quelles conditions sont
6
responsables de cette dégradation chimique,
mais il serait possible de penser qu’elles sont
dues aux sels basiques, car le verre semble
« mangé » et non fissuré. De plus, la plupart
des verres des perles sont calco-sodiques et
sont très résistants aux attaques acides (Tournié
2009).
Les dégradations du verre sont nombreuses mais présentent quasiment tout le
temps le même processus. Tout d’abord, des
piqûres apparaissent à la surface du verre, puis
s’élargissent en cratères. Ces cratères se rejoignent à leur tour et forment une couche continue altérée et opaque (Tournié 2009). Cette
couche altérée a été vue par de nombreux auteurs comme une couche de « gel hydraté riche
en silice » (Pollard et Heron 1996). Néanmoins,
l’étude récente de Tournié (2009) prouve que
cette couche ne peut pas être considérée comme un gel à la fois par une présence trop faible
d’eau et par une dureté beaucoup plus importante. Cette couche serait plutôt constituée
d’une grande quantité de microfissures et serait
très poreuse.
n’est pas connu et possédait peut-être plus de
sels basiques que le sol où les autres perles ont
été retrouvées. Il est possible également que la
perle possède un verre différent des autres perles et qui résiste moins aux attaques basiques.
Les observations au microscope ont également
montré que certaines perles tubulaires semblaient être constituées de deux couches : une
blanche opaque et une transparente au-dessus.
Cette dernière couche est beaucoup plus fine
que la première (interne) (Figure 8). Elle mesurerait environ (200 µm).
Figure 8 : Tranche d’une perle tubulaire semblant présenter plusieurs couches de verre.
Selon Kidd (1979), il serait possible de
connaître la technique de fabrication de la perle
en fonction de la forme des bulles à la surface
du verre. Si les bulles sont bien rondes, les perles ont été fabriquées par la technique de
l’enroulement du verre. Si les bulles sont allongées, la technique était celle de l’étirement. Nos
perles possédant des dégradations mécaniques
et chimiques, il est très dur de pouvoir appliquer cette méthode. Néanmoins, une perle
(T10444) présente des traces longues en surface, qui pourraient être dues à une fabrication
par étirement (Figure 9). De plus, les perles
T16024 et T21518 possèdent des bulles très
rondes pouvant faire penser à une fabrication
par enroulement (Figure 9). Notre proposition
des techniques de fabrication reste une supposition, car certaines perles semblent composées
de plusieurs couches et il est possible qu’elles
aient été faites avec des techniques différentes.
Figure 7 : Dégradations chimiques en surface
de la perle.
Il semblerait que seule la perle T14653
ait subi une dégradation chimique. Comme elle
vient d’un remblai, son environnement original
7
rente des autres perles, que ce soit par sa couleur, la texture de son verre en surface ou sa
densité. Elle semble donc réellement être à
part.
Les perles ont été divisées en deux
groupes et quelques suppositions ont été faites
sur leur technique de fabrication. Pour essayer
d’avoir plus d’information sur leur composition, les matières premières utilisées et leur
manufacture, des analyses ont été réalisées à
l’aide de différents instruments : spectromètre
Raman, LA-ICP-MS et NAA.
Figure 9 : Bulles allongées et bulles rondes
dans la matrice vitreuse.
À la suite des analyses Raman et LAICP-MS, les perles ont été observées au microscope. La texture en surface reste inchangée. Seules les abrasions laissées par le laser
sont visibles sous magnification d’au moins
x200 (Figure 10). A l’œil nu, les perles ne présentent aucune différence.
Analyses par spectrométrie Raman
La spectrométrie Raman repose sur une
interaction entre la matière de l’objet analysé et
un laser. Ce laser (bleu, vert, orange, rouge ou
dans le proche infrarouge) est focalisé sur une
zone très petite de l’objet, environ 5 µm². La
matière touchée va renvoyer une partie du laser. Elle est alors analysée par l’appareil qui la
retranscrit sous forme de spectres présentant
des pics. Ces pics correspondent aux liaisons
interatomiques et donc aux molécules présentes dans l’échantillon.
Le spectromètre Raman permet
d’analyser la structure nanométrique de la perle. Il permet de savoir comment les atomes
sont arrangés entre eux, de connaître les matières colorantes utilisées, etc. Cette technique a
fait ses preuves dans diverses analyses réalisées
en France et en Afrique du Sud sur des objets
en verre de diverses natures, et notamment des
perles (Colomban et Tournié 2007, Prinsloo et
Colomban 2008, Tournié 2009).
Le protocole appliqué ici est celui décrit
dans la thèse de Tournié (2009) et qui a déjà été
appliqué avec succès dans un certain nombre
d’études (Colomban et al. 2006).
Figure 10 : Ligne et trou après analyses au LAICP-MS.
Ces observations ont permis de faire
une première séparation entre les perles grâce à
leur couleur, forme, poids, volume et densité.
Deux groupes se distinguent : les perles tubulaires (IIa14) dont le poids et le volume sont les
plus faibles (en dessous de 150 mg et 100 mm3)
mais dont la densité la plus élevée (supérieure à
1,8) et les perles ovoïdes (IIa15) dont le poids
et le volume sont plus élevés (au-dessus de 150
mg et 100 mm3) et la densité plus faible (inférieure à 1,8). En marge de ces deux groupes,
qui présentent par ailleurs des couleurs et des
textures de verre identiques (lisse, peu de dégradations mécaniques, pas de dégradation
chimique visible), deux perles restent sans attribution : T14653 et T19505.10. La perle
T14653 possède un verre dégradé en surface,
ce qui peut expliquer sa différence de couleur
et de densité. La perle T19505.10 est très diffé-
Protocole et instrumentation
Les analyses ont été réalisées avec un
spectromètre Raman, modèle LABRAM
800HR
(Horiba Jobin Yvon,Villeneuve
d’Ascq, France) couplé à un microscope
Olympus BX 30 à platine fixe. Le détecteur est
un Open electrode CCD (1024 × 256 pixels),
8
refroidi par un élément Peltier. L’objectif était
un objectif à longue focale x100. Un laser vert,
514.5 nm Argon (Coherent, INNOVA 70C
Series Ion Laser, Santa Clara, CA) a été utilisé.
Il a été choisi, après plusieurs tests, pour ses
spectres peu fluorescents et intenses. Les autres
paramètres de l’appareil étaient un trou (« hole ») de 200 µm et une fente (« slit ») de 100 µm.
Les spectres ont été acquis avec un laser en
puissance maximale, c’est-à-dire 5 mW, pendant quatre acquisitions de 10 à 20 secondes
chacune. Les spectres ont été acquis de façon
directe sur la surface, et sur la tranche de la
perle dans le cas des perles tubulaires. Pour les
tubulaires, des spectres ont également été enregistrés à différents endroits sur la tranche en
suivant une ligne droite, pour avoir une estimation du profil de la perle, certaines perles semblant présenter plusieurs couches lors de
l’observation microscopique.
Le traitement des spectres a ensuite été
réalisé avec les logiciels Excel, Crystalsleuth,
Grams, Origin Lab Pro et JMP. Le premier
logiciel a permis d’analyser les morphologies
des spectres ainsi qu’à réaliser certains calculs.
Crystalsleuth contient la base de données
RRUFF, qui peut également être consultée sur
Internet à http://rruff.info/. Il permet donc
des comparaisons de spectres pour identifier
des phases minérales. Grams a été utilisé pour
l’analyse des spectres à proprement parler : aire
sous les massifs, aire sous les pics, emplacements des pics, etc. Origin Labo Pro a été utilisé pour faire la déconvolution des spectres.
Enfin, le logiciel de statistiques JMP a permis
de réaliser les analyses en composantes principales.
Le protocole d’analyses des spectres
Raman avec les logiciels Grams et Origin Lab
Pro suit celui présenté par Tournié (2009) et
est détaillé dans l’Annexe 1.
Résultats et discussion
Le spectromètre Raman fournit des
spectres présentant des pics liés à la matière
dont est fait l’objet. Commençons par l’allure
des spectres Raman enregistrés en surface des
perles et non sur la tranche. Deux types de
spectres ont été enregistrés : des spectres présentant une grande fluorescence et d’autres
quasiment sans fluorescence (Figure 11).
Figure 11 : Spectre avec fluorescence et spectre sans fluorescence (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
Une perle (T19505.10) sort une nouvelle fois du lot avec un spectre de verre très différent des autres sans fluorescence et présentant un pic important en début de spectre, ap-
pelé pic Boson (Figure 12). Ce pic est caractéristique des verres à base de plomb (Tournié
2009).
9
Figure 12 : Spectre du verre de la perle T19505.10 (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
Les spectres enregistrés sur les tranches
sont beaucoup plus difficiles à interpréter à
cause d’une grande fluorescence et de la présence de deux pics attribués au carbone (1360
et 1580 cm-1). Ces deux pics peuvent provenir
du verre lui-même (Colomban et Tournié
2011) en postulant que des cendres de plantes
ont été utilisées comme fondant. Mais ils sont
plus probablement le résultat d’une combus-
tion d’une matière organique à la surface de la
perle. En effet, les perles ont passé beaucoup
de temps dans le sol et ont été de nombreuses
fois manipulées avec les mains. Le laser vert est
très puissant et peut donc brûler facilement les
matières organiques qui vont se transformer en
carbone et donc les pics du carbone seront
enregistrés (Figure 13).
Figure 13: Spectre du verre sur la tranche d'une perle (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
10
un pic à 635 cm-1 pouvant être attribué à la
cassitérite (SnO2) est enregistré mais uniquement sur les spectres présentant une grande
fluorescence (Figure 14).
Les spectres Raman enregistrés en surface ne montrent quasiment que des pics attribués au verre : un massif de déformation centré autour de 500 cm-1 et un massif
d’élongation centré autour de 1000 cm-1. Seul
Figure 14 : Spectre d'un verre (ligne de base et lissage réalisés par Grams) et spectre de référence de
la cassitérite (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
La présence de cassitérite donne des
informations sur l’opacifiant utilisé pour rendre
ces perles blanches (Tournié 2009). Une perle
ne correspond pas à cela, T19505.10. Elle présente en surface un pic à 537cm-1 (Figure 15). Il
n’a pas été possible d’identifier de façon certaine ce pic mais étant présent dans tous les spectres enregistrés sur cette perle, il est possible de
l’attribuer à l’opacifiant du verre. De plus, il se
trouve dans le domaine de vibration (498-678
cm-1) des antimoniates de calcium (CaSb2O6 ou
Ca2Sb2O7) (Husson et al. 1984) ce qui conforterait l’hypothèse que ce pic soit lié à l’opacifiant
et qu’il corresponde à de l’antimoniate de calcium.
Les spectres enregistrés sur les tranches
montrent deux pics importants (sauf T10378) :
un vers 483 cm-1 et un vers 636 cm-1 (Figure
16). Il serait possible d’attribuer le pic à 636
cm-1 à la cassitérite. Néanmoins, ce pic apparait
uniquement lorsque l’autre pic à 483 cm-1 est
également visible et leurs intensités semblent
proportionnelles. Les deux pics semblent donc
liés à la même espèce chimique et très certainement à l’opacifiant utilisé dans le verre. Le
pic à 483 cm-1, qui oscille entre 482 et 485 cm-1
en fonction des spectres, est très proche d’un
des pics principaux de la valentinite (Sb2O3),
espèce minérale pouvant être trouvée dans la
nature et ayant pu servir à la fabrication
d’antimoniates de calcium (Lahlil 2008). De
plus, des antimoniates de calcium ont été enregistrés par spectroscopie Raman sur des objets
en verre du Musée National de Céramique à
Sèvres : un verre provenant de Venise daté du
XVIe siècle, un vase égyptien daté des VI-Ve
siècles av. J.-C. et une porcelaine chinoise du
début du XVIIIe siècle (Tournié 2009). Les
spectres enregistrés montraient soit un pic vers
650 cm-1 (verre de Venise), soit deux pics : un
vers 480 cm-1 et un autre vers 630-635 cm-1
(vase égyptien et porcelaine chinoise). Ces deux
pics peuvent donc être attribués aux antimoniates de calcium. Des travaux de fabrication de
verre coloré aux antimoniates de calcium seraient nécessaires pour pouvoir faire des tests
11
d’enregistrement de spectres Raman ainsi que
des analyses structurales des cristaux pour
connaître les espèces utilisées (matières premiè-
res) et formées (cristaux dans la matrice vitreuse).
Figure 15 : Spectre du verre de la perle T19505.10 (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
Figure 16 : Spectre Raman d'un verre sur la tranche d'une perle tubulaire (X : nombre d'onde cm-1, Y
: intensité Raman).
T19505.10 présente un pic à 130 cm-1, attribué
à la présence de plomb dans le verre, ainsi que
des massifs de déformation et d’élongation très
différents (Figure 18). Ces formes ne sont pas
référencées dans l’étude de Tournié (2009),
mais un type de verre n’est pas présent dans
son étude, le verre potassique.
Après traitement des spectres avec
Grams, comme détaillé dans l’Annexe 1, les
spectres des verres apparaissent. En référence à
l’étude de Tournié (2009), il est possible de dire
que certains des verres étudiés sont calcosodiques à cause du doublet de pics à 950 et
990 cm-1 (Figure 17). Le verre de la perle
12
Figure 17 : Spectre d'un verre calco-sodique (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
Figure 18 : Spectre du verre de la perle T19505.10 (X : nombre d'onde cm-1, Y : intensité Raman).
Il pourrait donc être possible que ce verre soit
plombifère et potassique. Mais il est impossible
de le prouver à cette étape.
Il est également possible de différencier
des verres grâce à l’analyse de l’aire sous les
massifs d’élongation (A1000) et de déformation (A500), ainsi que leur rapport appelé Indice de Polymérisation (Ip = A500/A1000). Ce
dernier permet d’avoir une approximation de la
quantité de silicium présent dans le verre et
donc de déduire la température de cuisson utilisée pour sa fabrication (Colomban et Milande
2004, Tournié 2009). Dans ce cas, le problème
de la présence des pics liés aux opacifiants a été
résolu par la soustraction de l’aire de ces pics à
l’aire du massif où ils se trouvaient. Un Ip
maximum (comprenant tout le massif et les
pics de l’opacifiant) et un Ip minimum (aire du
massif-aires des pics de l’opacifiant) ont été
calculés. Puis une moyenne des deux Ip a été
réalisée. Le plus souvent cette moyenne correspond à l’Ip calculé sur des spectres où les
pics des opacifiants n’apparaissent pas (Tableau
2).
13
Tableau 2 : Tableau des aires des massifs de déformation et d'élongation et des indices de
polymérisation.
Echantillon
10378
10386
10444
10520
14653
16024
16024
16106
16106
22013
22013
19505.10
21518.1
21518.1
Description
surface
surface
surface
surface
surface
tranche
surface
surface
tranche
surface
tranche
surface
surface
tranche
Ipmoy
0,84
0,81
0,64
0,58
0,81
0,77
0,81
0,71
0,82
0,79
0,80
0,60
0,80
0,88
Dans ce tableau, deux groupes se dessinent : un groupe avec un Ip autour de
0,6 (T10520, T19505.10, T10444) et un groupe
avec un Ip entre 0,8 et 1. L’Ip reste constant
que le calcul soit fait en surface ou sur différentes parties de la tranche, ce qui indique une
certaine homogénéité du verre. En s’appuyant
sur l’étude de Tournié (2009), il est possible de
déterminer la température de mise en œuvre du
premier groupe à environ 600 °C alors que
Max 500
579
576
573
576
577
571
571
567
568
566
560
460
556
562
Max 1000
1073
1076
1077
1072
1087
1096
1097
1098
1097
1098
1097
1024
1098
1096
celle du deuxième groupe serait plutôt
d’environ 1000 °C.
L’étude de Tournié (2009) utilise également les maximums de chaque massif ainsi
que l’Ip pour faire une différenciation des verres. Les données ont été compilées dans un
diagramme ternaire (Figure 19). Après un
zoom sur la zone concernée, il est difficile de
distinguer les verres les uns des autres, seul le
verre de la perle T19505.10 semble être un peu
à part.
Figure 19 : Diagramme ternaire entre l'Indice de polymérisation (Ip), le pic maximum du massif
d'élongation (Max 1000) et le pic maximum du massif de déformation (Max 500).
14
Une autre méthode a donc été appliquée en s’appuyant cette fois sur les pics présents dans le massif d’élongation avec le « modèle des Qn ». Pour cela, une déconvolution de
chaque spectre a été réalisée avec le logiciel
Origin Lab Pro telle que présentée en Annexe
1. Ce traitement nous permet d’avoir accès à
l’aire et à la position du pic de chaque Qn. Entre trois et six spectres ont été traités par perle,
puis les résultats ont été moyennés. Ces données ont été compilées dans un tableau (Tableau 3) puis traitées par analyses en composantes principales grâce à JMP (voir le protocole en Annexe 1) (Figure 20).
Tableau 3 : Tableau des données obtenues par déconvolution des spectres.
Spectres
T22013
T21518
T19505.10
T16106
T16024
T14653
T10520
T10444
T10386
T10378
νQ0
786
783
797
787
787
779
775
779
779
778
νQ1
953
946
985
945
954
945
950
962
971
954
νQ2
1003
1010
1028
1003
1003
1004
1016
995
997
997
νQ3
1093
1097
1062
1097
1097
1094
1083
1084
1080
1082
νQ4
1148
1167
1153
1140
1172
1167
1166
1167
1164
1169
AνQ0 AνQ1 AνQ2
4981 19124 16672
7894
8200 24965
8236 56713 25900
7159 13004 36171
10446 28431 23924
17709 11073 78503
15656 119354 65395
25667 111733 71963
24139 70386 19430
19062 37006 19430
AνQ3
61396
61393
14396
86546
128077
112349
154673
196723
133461
135212
AνQ4
14355
12702
20264
20616
1337
16828
13847
19696
7548
23748
Figure 20 : Analyses en composantes principales des résultats des déconvolutions des spectres
Raman.
Cette analyse permet de faire à nouveau
trois groupes : un avec la perle T19505.10, un
autre avec les perles T16106, T21518, T22013,
T16024, T14653 et un autre avec les perles
T10378, T10386, T10520 et T10444. Ces groupes correspondent aux divisions déjà réalisées
précédemment par la forme des spectres. Ici,
les informations obtenues montrent de façon
certaine que les verres sont différents, tout en
appartenant à la catégorie des verres calcosodiques et peut-être plombifère-potassique,
pour la perle T19505.10.
En résumé, l’analyse Raman a permis
de connaître le type de verre utilisé (calco15
sodique et peut-être plombifère-potassique), la
température approximative de fabrication (600
°C et 1000 °C) et les opacifiants présents dans
le verre : la cassitérite (à base d’étain) et les
antimoniates de calcium. Les études des massifs d’élongation et de déformation n’ont pas
permis une sous-division des groupes déjà
formés par le type de verre et l’opacifiant utilisé. Il est tout de même à noter que l’analyse sur
le « modèle de Qn » permet de différencier
deux types de verre dans la catégorie calcopotassique. Ces deux types correspondent à
deux opacifiants distincts et c’est peut-être ici
l’explication de cette différence. Mais ils peuvent être aussi le résultat de deux périodes ou
de deux ateliers de production. Il est pour
l’instant impossible d’aller plus loin, car cela
nécessiterait une base de données de spectres
Raman des verres en Europe et en Amérique.
Agilent 7700x, couplé à une double pompe
primaire. Lors des analyses, un flux d’hélium
haute pureté (650mL.s-1) dans la cellule
d’ablation, puis un flux d’azote haute pureté
(1mL.s-1) pour le transport du prélèvement
ablaté vers la torche à plasma, ont été utilisés.
Pour chaque échantillon, quatre lignes et quatre
spots ont été réalisés. Pour les perles tubulaires,
deux lignes sur la tranche ont été ajoutées. La
taille du faisceau était de 25 µm, sa fréquence
de 15 Hz et son énergie de 5 mJ. Le déplacement du faisceau dans le cas des lignes étaient
de 5 µm.s-1. Il est impossible d’évaluer la profondeur atteinte dans le cas des spots car le
laser pénètre plus ou moins profondément en
fonction de la matière de l’objet. Avant chaque
ablation, une pré-ablation était faite. Cela permettait d’enlever la couche supérieure du verre
qui peut être dégradée. De plus, un blanc de
gaz de 30 secondes est réalisé avant chaque
analyse du spectromètre de masse pour connaître le bruit de fond de l’appareil et pouvoir le
déduire.
Les verres de calibration sont GSD-1
(USGS), NIST-610 et NIST-612. Le menu
d’analyses choisi était le suivant : Na, Mg, Al,
Si, P, Cl, K, Ca, Ti, Mn, Fe, Co, Cu, Zn, Sn, Sb,
Pb, Li, B, V, Cr, Ni, As, Rb, Sr, Y, Zr, Nb, Ag,
Ba, Ce, Au, Bi, Th, U, Nd, Eu, Lu (Voir Annexe 2). Ce menu s’est inspiré de ceux utilisés
dans des études précédentes en Europe (Dussubieux 2001, Dussubieux et Gratuze 2003,
Marchetti et Gratuze 2007, Dussubieux et al.
2008a, Dussubieux et al. 2008b) tout en ajoutant les terres rares Nd, Eu et Lu, sur conseils
de M. Savard.
Les données ont été réduites avec le
logiciel IOLITE (Université de Melbourne). Ce
logiciel nécessite néanmoins une approximation du taux de silicium (Si) présent dans le
verre. Pour cela, l’indice de polymérisation
calculé grâce aux spectres Raman a été d’une
grande aide. Tel qu’expliqué plus haut, plus
l’indice de polymérisation est élevé, plus le verre contient de silicium. Il a donc été possible
d’estimer les valeurs suivantes pour les verres.
Pour contrôler cette estimation, les taux de Ca
et de Na ont été comparés avec les taux obte-
Analyses par LA-ICP-MS
Cette technique permet de connaître
quels atomes sont présents dans l’échantillon
analysé. Un laser très puissant permet de faire
un micro-échantillonnage dans l’objet. Ce prélèvement est par la suite ionisé, c’est-à-dire que
tous les atomes sont coupés les uns des autres,
dans une torche à plasma. Ces atomes sont
ensuite séparés dans le spectromètre de masse
en fonction de leur masse et de leur charge
électrique. Chaque atome sera détecté et un
chromatogramme en résultera. L’aire sous le
chromatogramme correspond à la quantité de
chaque atome dans l’échantillon. Il est donc
possible en analysant des points sur une ligne
ou en « creusant » dans l’objet de connaître la
répartition de la présence de certains éléments
chimiques comme les opacifiants, par exemple
l’antimoine et l’étain.
Protocole et instrumentation
Ces analyses se sont déroulées au laboratoire de géologie de l’Université du Québec à
Montréal avec l’aide de Dany Savard et Paul
Bédard.
La machine utilisée était composée d’un
laser ArF excimer 193 nm RESOlution M-50 et
d’un spectromètre de masse à torche de plasma
16
nus par NAA. Si la différence était de l’ordre
de 1%, l’estimation était considérée comme
probante (Tableau 4).
Tableau 4 : Tableau du taux de SiO2 évalué grâce à l'indice de polymérisation et au NAA.
Nom de la perle
T16106
T21518.1
T22013
T16024
T14653
T10378
T10386
T10520
T10444
T19505.10
Estimation SiO2
60%
60%
60%
55%
55%
50%
50%
50%
45%
40%
Le taux de silicium utilisé est toujours le
même pour chaque perle et ce, quelles que
soient les données réduites (tranche, ligne,
spot). En effet, les profils des chromatogram-
mes et notamment ceux réalisés sur les tranches des perles tubulaires montrent que le taux
de silicium reste relativement constant (Figure
21).
Figure 21 : Chromatogramme du silicium sur la tranche d’une perle (X : temps en minutes, Y: intensité arbitraire).
Résultats et discussion
Le traitement des résultats peut se découper en deux parties : l’observation des
chromatogrammes puis l’analyse des compositions chimiques observées.
Les chromatogrammes ont été enregistrés pour chaque élément chimique. Il est donc
possible de voir l’évolution du taux de
l’élément en fonction de la zone analysée.
Comme expliqué précédemment, lors des analyses sur les tranches des perles tubulaires, le
taux de silice est resté constant. Par contre, les
taux d’antimoine et d’arsenic ont changé de
façon parfois très importante, formant des
chromatogrammes avec des paliers (Figure 22).
17
Figure 22 : Chromatogramme de l'antimoine (rouge) et de l'arsenic (gris) sur la tranche d'une perle
(X : temps en minutes, Y: intensité arbitraire).
Lors des analyses en mode spot, des
paliers ont été également enregistrés (Figure
23). Ils ne sont apparus que sur les perles tubulaires qui présentaient également des paliers
lors des analyses sur les tranches. Comme il est
impossible de connaître la vitesse d’ablation du
laser dans le verre, il est impossible d’évaluer
l’épaisseur des couches par cette technique. De
plus, certaines perles ne montrent pas de paliers alors que les analyses en tranche en montrent. Ce qui indique que parfois le laser ne
reste que sur la partie externe de la perle sans
pouvoir accéder aux zones plus profondes.
Figure 23 : Chromatogramme de l'antimoine (rouge) et de l'arsenic (gris) d'une perle en mode spot
(X : temps en minutes, Y: intensité arbitraire).
18
Ces chromatogrammes semblent montrer qu’il y a trois couches de verre différentes
dans certaines perles. Comme les taux de silicium, calcium et sodium restent relativement
constants, il semblerait que le verre utilisé soit
le même et que seul le taux d’opacifiant ait été
augmenté ou diminué. Il est également possible
de penser à une migration des éléments opaci-
fiants dans la matrice vitreuse. Néanmoins une
migration aurait entrainé plutôt un chromatogramme avec des pentes et non des paliers bien
dessinés comme ici. Il est possible de calculer
l’épaisseur de ces couches, car le laser réalisait
une ablation de 5 µm.s-1 sur les tranches. Le
calcul a donc été fait pour les cinq perles tubulaires présentant ces plateaux (Tableau 5).
Tableau5 : Tableau des épaisseurs calculées des couches des perles tubulaires.
Nom
Couche interne (µm)
Couche milieu (µm)
Couche externe (µm)
T16106 Tranche 1
720
65
110
T16106 Tranche 2
599
136
115
T21518.1 Tranche 1
702
55
93
T21518.1 Tranche 2
692
53
156
T16024 Tranche 1
808
136
140
T16024 Tranche 2
751
65
180
T14653 Tranche 1
711
69
166
T14653 Tranche 2
577
40
393
T22013 Tranche 1
579
55
121
T22013 Tranche 2
607
81
73
La couche du milieu et la couche externe sont d’épaisseurs relativement faibles en
comparaison de celle de la couche interne. De
plus, elles ne semblent pas être de la même
taille en fonction de la zone analysée. On peut
supposer que le verre de la première couche a
été fabriqué et mis sur un morceau de métal,
puis plongé dans un autre verre plus concentré
en agent opacifiant, puis plongé dans un verre
transparent.
La composition de ces différents paliers
a été analysée. Le taux d’antimoine est multiplié
par deux entre la couche interne et la couche
du milieu (de 5 à 10 % environ) et il est très bas
dans la couche externe (environ 1 %). Le taux
de calcium, qui est le même dans les couches
interne et externe, augmente de 3-4 % dans la
couche du milieu. Cela est très certainement dû
à la présence d’antimoniates de calcium
(CaSb2O6 ou Ca2Sb2O7) qui opacifient le verre.
Au regard de l’augmentation du taux de calcium, l’antimoniate de calcium CaSb2O6 semble
être l’espèce minérale utilisée. Les taux de magnésium, potassium et phosphore changent
également de la même façon, mais ces variations sont minimes, de l’ordre de 0,5 % pour le
magnésium et de 0,1 -0,2 % pour les autres.
Cela peut être du exclusivement aux erreurs
expérimentales de la machine. Les éléments
traces montrent également des changements de
la même façon que l’antimoine. Il s’agit de
l’arsenic dans toutes les perles analysées, sauf
dans T21518 où il s’agit du strontium et du
baryum. Là encore, les proportions sont multipliées par deux environ entre la couche interne
et la couche du milieu et l’élément disparait
dans la couche externe. Il est alors possible de
postuler deux origines différentes pour
l’antimoine et donc peut-être également deux
ateliers différents de fabrication.
Les résultats globaux des verres sont à
présent analysés. Il est possible de différencier
trois types de verre : un verre plombifère et
potassique opacifié à l’antimoine (T19505.10),
un verre calco-sodique opacifié à l’antimoine
(T16106, T21518.1, T16024, T14653, T22013)
et un verre calco-sodique opacifié à l’étain et
présentant un taux d’environ 10 % de plomb
19
(T10378, T10386, T10520, T10444). Il est tout
à fait normal de trouver du plomb dans les
verres opacifiés à l’étain, car Haudicquer de
Blancourt (1697) explique dans son livre De
l’Art de la Verrerie qu’il faut « douze livres de
bonne fritte de Cristal, deux livres de chaux de
plomb et d’étain, faite en portion égale et une
demi-once de magnésie de Piémont » pour
faire un verre de couleur lait. La magnésie de
Piémont étant une poudre blanche à base de
magnésium. À Fort Niagara (Shugar et
O’Connor 2008), des analyses XRF sur des
perles blanches avaient également révélé la
présence d’environ 20 % de plomb (sous forme oxydée PbO) mais sans pouvoir identifier
l’élément opacifiant.
Pour essayer d’avoir plus d’information
sur ces verres, des diagrammes ternaires des
fondants ont été réalisés et comparés à ceux
d’études précédentes (Dussubieux 2001, Tournié 2009). Il est possible de dire que la soude
des verres calco-sodiques provient de cendres
de plantes aquatiques ou alluviales et non d’une
source minérale telle que le natron (Figure 24).
Encore une fois, Haudicquer de Blancourt
(1697) mentionnait dans son livre que pour
faire le verre il fallait un « sel » extrait de cendres de plantes Kâli qui sont des plantes poussant selon lui aux bords de la mer et des lacs
salés. Il mentionnait également la possibilité
d’utiliser des cendres de plantes forestières
comme la fougère. Dans ce cas, les sels obtenus sont à base de potassium et parfois de calcium (Tournié 2009). L’auteur ne mentionne
pas l’utilisation du plomb pour fabriquer le
verre, mais il semble qu’il ait été utilisé en plus
des cendres de plantes continentales pour le
verre de la perle T19505.10.
Figure 24 : Diagramme ternaire des fondants dans les verres (résultats LA-ICP-MS) et digrammes
ternaires de synthèse (Tournié 2009, p. 17).
Que les données aient été obtenues en
mode ligne, spot ou sur tranche, les résultats
sont les mêmes sauf pour la perle T19505.10
où l’analyse en ligne donne un verre calco-
potassique alors que l’analyse en spot montre
un verre potassique. Cela est dû au fait que
l’analyse en ligne est une analyse de surface. Le
potassium est un des éléments les plus facile20
ment attirés par les attaques chimiques (Pollard
et Heron 1996) et ainsi sa quantité en surface
diminue. L’origine du fondant de ce verre ne
change pas pour autant, il provient de cendres
de plantes continentales. Mais aux regards des
résultats précédemment obtenus par le spectromètre Raman, il semblerait que ce verre soit
bien potassique et plombifère et non calcopotassique et plombifère.
Des analyses en composantes principales ont été réalisées pour voir si des sousgroupes pouvaient être identifiés à l’intérieur
des trois groupes précédemment définis. Pour
cela, les données en mode ligne et en mode
spot ont été séparées (Figure 26). Les données
acquises sur les tranches ont également été
analysées en fonction de la tranche au total
(Figure 26), de la couche externe, de la couche
interne et de la couche du milieu (Figure 25).
Les éléments retenus pour cette analyse sont :
Na, Mg, Al, P, K, Ca, Ti, Fe, Sn, Sb, Pb, Li, B,
V, Mn, Co, Ni, Cu, Zn, As, Rb, Sr, Ba, Ce, Nd,
Bi ; car ils ne sont pas en limite de détection.
Il est possible de faire à présent des
sous-groupes de perles. Pour les perles calcosodiques opacifiées à l’antimoine, deux perles
sont à part T21518.1 et T14653, alors que les
trois autres sont très similaires T16106,
T16024, T22013. Pour les perles calcosodiques opacifiées à l’étain, deux sont similaires T10378 et T10444 et une autre semble se
raccrocher de ce groupe, T10386. La perle
T10520 est à part. Cette dernière perle possède
néanmoins une similarité avec la perle opacifiée
à l’antimoine T14653. Leur verre est en effet
très semblable. Il est possible que ces deux
perles proviennent du même atelier, mais aient
été opacifiées avec des éléments différents à
cause de la couleur voulue par l’artisan ou parce que leur époque de fabrication est différente. Enfin, la perle T19505.10 est à nouveau à
part. Il est important de remarquer que ces
sous-groupes se distinguent quels que soient le
mode ou la zone d’analyse.
Figure 25 : Analyses en composantes principales des verres sur la tranche des perles.
21
Figure 26 : Analyses en composantes principales des verres sur la tranche et en surface par les modes
ligne et spot.
La partie LA-ICP-MS a permis de distinguer trois groupes principaux de perles, puis
des sous-groupes permettant de penser que
leur lieu de fabrication n’était pas le même. De
plus, il semble que cinq perles tubulaires possèdent trois couches de verre : une couche interne blanche, une couche intermédiaire avec
une grande concentration en antimoine et une
couche externe translucide. La taille de ces
couches a été évaluée montrant que la couche
interne est la plus épaisse (entre 600 et 800 µm)
alors que les deux autres couches sont beaucoup plus fines (environ 50 µm). Les deux couches externes semblent également peu homogènes en taille, ce qui fait penser à un trempage
de la première couche dans du verre liquide.
a pu être obtenue et servira pour les comparaisons futures.
L’analyse par activation neutronique
permet de connaître les éléments chimiques
présents dans le verre, tout comme le LA-ICPMS. La différence est que la NAA permet une
vue globale de la composition de la perle alors
que le LA-ICP-MS permet une analyse par
zone : surface, tranche, trou, etc.
L’analyse par activation neutronique
nécessite de peser et mesurer les perles pour
savoir combien de temps elles doivent être
irradiées. En effet, la NAA consiste à envoyer
un faisceau de neutrons sur l’objet pour créer
des isotopes radioactifs. Ces isotopes radioactifs vont ensuite se désintégrer pour redevenir
des éléments stables et vont émettre des rayons
gamma. Ceux-ci ont une énergie propre à chaque élément chimique. Par l’enregistrement de
ces énergies des rayons gamma, il est possible
de connaître les éléments chimiques présents
dans le verre et en quelle quantité.
Analyses par NAA
Les analyses par activation neutronique
(NAA) ont été utilisées depuis plus d’une dizaine d’années par les archéologues nordaméricains pour l’analyse des perles de verre.
Une base de données de plus de 30 000 perles
22
Protocole et instrumentation
Les analyses ont été réalisées par M.
Ron Hancock grâce au réacteur nucléaire de
l’Université de McMaster.
Le réacteur utilisé est de type piscine,
c’est-à-dire que le cœur radioactif se trouve
directement dans une piscine d’eau (Figure 27).
Le cœur du réacteur est composé d’uranium
enrichi. Des neutrons sont générés puis accélérés sur une ligne d’analyses spécifique. Les
échantillons à analyser par activation neutronique sont envoyés via un réseau de tuyaux à la
sortie de la ligne d’analyses.
Les perles sont nettoyées puis fermées
dans des tubes en plastique et envoyées par un
réseau de tuyaux jusqu’au réacteur où elles sont
irradiées par des neutrons. Le flux de neutrons
est de 5 x 1013 neutrons.cm-2.sec-1. En fonction
de leur taille, les perles sont irradiées plus ou
moins longtemps : plus la perle est petite, plus
le temps d’irradiation est long et inversement
(Tableau 6).
Figure 27 : Photos du cœur radioactif dans la
piscine
d'eau
(http://mnr.mcmaster.ca/,
consultée en juin 2011).
Quatre à six minutes après l’irradiation,
les perles sont mises dans un spectromètre
gamma avec un détecteur à germanium hautepureté et la radioactivité induite est comptée
pendant 3 minutes. Les éléments analysés
sont : Co, Sn, Sb, Mg, Cu, Na, V, K, Al, Mn,
Cl, Ca. Le lendemain, 24 heures après
l’irradiation, la radioactivité induite des perles
est à nouveau comptée avec le même instrument pendant 3 à 5 minutes. Les éléments analysés sont : Au, Sb, As, Mg, Na et K. Le sodium permet de faire le lien entre les deux analyses.
Tableau 6: Temps d'irradiation pour chaque perle.
Temps d’irradiation
10s
10s
10s
20s
20s
20s
30s
30s
30s
30s
Nom de la perle
T19505.10
T10520
T10444
T10386
T10378
T16024
T16106
T22013
T14653
T21518
Des éléments de référence sont analysés en même temps. Il s’agit de verre NBS, de
verre avec des concentrations en antimoine
connues et de morceaux de métal et de cuivre.
sique opacifié à l’antimoine (T19505.10), un
verre calco-sodique opacifié à l’antimoine
(T16106, T21518.1, T16024, T14653, T22013)
et un verre calco-sodique opacifié à l’étain
(T10378, T10386, T10520, T10444).
Des diagrammes ternaires ont été réalisés avec les données obtenues sur les fondants
et comparées aux données de références trou-
Résultats et discussion
Les données obtenues permettent de
réaliser trois groupes de verre : un verre potas23
vées dans les thèses de Tournié (2009) et Dussubieux (2001) (Figue 28).
Comme les analyses par LA-ICP-MS
l’avaient montré, le groupe de verre calcosodique a été réalisé avec de la soude végétale,
c’est-à-dire provenant de plantes poussant aux
bords des mers et des lacs salés alors que le
verre potassique a été fabriqué avec des cendres de plantes continentales.
Moreau (Sempowski et al. 2000, Moreau
et Hancock 2010) a établi une chronologie des
perles en fonction de l’opacifiant utilisé. Il serait ainsi possible d’attribuer les perles opacifiées à l’étain (T10378, T10386, T10520,
T10444) au XVIIe siècle et les perles opacifiées
à l’antimoine (T16106, T21518.1, T16024,
T14653, T22013 et T19505.10) du milieu du
XVIIe à la fin du XIXe siècle/début du XXe
siècle.
Par la suite, des analyses factorielles en
composantes principales ont été réalisées avec
la base de données contenant les analyses par
NAA de plusieurs milliers de perles. Les compositions chimiques des perles étudiées ont été
comparées avec celles de perles provenant de
sites datés pour essayer d’avoir une estimation
de leur date d’utilisation sur le continent nordaméricain. Une première analyse globale comparant tous les sites et tous les éléments chimiques enregistrés en NAA (Figure 29) permet de
confirmer la distinction en trois groupes, qui
sont aussi valables pour tous les sites dans la
base de données. Néanmoins, les données
étant très nombreuses, la lecture est relativement difficile. Des analyses ont donc été réalisées par période. De plus, seuls les éléments
qui ont été enregistrés sans être en limite de
détection ont été utilisés, c’est-à-dire Al, Ca, Cl,
Na, K, Sn, Sb, As.
Figure 28 : Diagramme ternaire des fondants dans les verres (résultats NAA) et digrammes ternaires
de synthèse (Tournié 2009 : 17).
24
Les perles opacifiées à l’étain semblent
dater de la fin du XVIe siècle (environ 1580) à
la première moitié du XVIIe siècle (environ
1630-1640) (Figure 30). Les perles opacifiées à
l’antimoine, sauf T19505.10 semblent dater de
la deuxième moitié du XVIIe siècle (environ
1660) à la première moitié du XVIIIe siècle
(environ 1750) (Figure 31). Dans les perles
datées de la première moitié du XVIIIe siècle, il
y a également des perles provenant du site de
Grassy Island (1720-1744) qui semblent très
similaires aux perles opacifiées à l’étain étudiées
ici (Figure 31).
Enfin, la perle T19505.10 semble pouvoir être
datée de la fin du XVIIIe siècle au début du
XIXe siècle (Figure 30). Une grande similitude
des perles est à nouveau remarquée entre les
perles opacifiées à l’étain et certaines perles du
site de Camp Kitchi (1836-56+) ainsi qu’entre
nos perles opacifiées à l’antimoine et les sites
de Fort Malden (1813), Dewar (environ 1830)
et Camp Kitchi (1836-56+) (Figure 30). Ces
similitudes peuvent s’expliquer par le fait que
ce soit le même atelier qui ait fabriqué ces perles, mais à des époques différentes ou alors que
ces perles proviennent du même lot de fabrication et ont été échangées de nombreuses fois
depuis leur arrivée sur le continent nordaméricain. N’ayant pas ces perles à disposition
pour faire des tests plus complets, notamment
sur les éléments traces, il est impossible de
connaître la réponse. De plus, il faudrait des
références de perles en Europe, mais seul le
site d’Amsterdam a, pour l’instant, révélé des
perles dans un atelier de fabrication de verre
(Karklins et al. 2002).
Les analyses par activation neutronique
ont permis de connaître une partie de la composition du verre, les opacifiants utilisés et
d’avoir une estimation de l’âge des perles. Cette
dernière reste parfois discutable, car des perles
possédant des compositions similaires ont été
trouvées sur des sites datés de périodes différentes.
Figure 29 : Analyse factorielle en composantes principales de tous les sites et avec tous les éléments
chimiques.
25
Figure 30 : Analyses factorielles en composantes principales des perles de sites datés de la fin du
XVIe-début du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle et du XIXe siècle.
Figure 31 : Analyse factorielle en composantes principales des perles de sites datés du XVIIe siècle.
Discussion générale
cements des archéologues. Le troisième portera
sur la possibilité de comparaison entre les données apportées par la NAA et le LA-ICP-MS.
En effet, si des résultats sont acquis par une
autre technique, peuvent-ils être, malgré tout,
comparés à la base de données déjà établie ?
Cette partie s’articule en trois niveaux.
Le premier portera sur une évaluation de
l’ensemble des résultats obtenus et des
connaissances apportées sur les perles étudiées.
Le deuxième expliquera les différentes possibilités qu’offrent chacune des techniques utilisées : résultats et informations obtenues. Cela
permettra de choisir la technique la plus appropriée en fonction des besoins et des finan-
Les perles : leur composition et leurs techniques de fabrication
26
Les perles analysées ont été fabriquées
avec un verre calco-sodique ou un verre plombifère et potassique, opacifiés avec de la cassitérite ou de l’antimoniate de calcium, très certainement sous sa forme CaSb2O6.
Les perles opacifiées avec la cassitérite
possèdent également du plomb (environ 10 %
en masse d’élément). Tel qu’expliqué précédemment, l’ajout de chaux de plomb fait partie
de la recette pour avoir un verre de couleur lait
(Haudicquer de Blancourt 1697).
L’utilisation d’antimoniate de calcium
pour opacifier certaines perles pose un problème : l’antimoniate de calcium n’existe pas à
l’état naturel. Il a donc fallu le fabriquer (Lahlil
2008, Tournié 2009). Plusieurs possibilités ont
été avancées par Lahlil (2008) pour expliquer
son origine :
- L’ajout de cristaux : les cristaux
d’antimoniates de calcium seraient synthétisés
séparément par chauffage d’antimoine et de
calcium puis introduits dans le verre à une certaine température. Cette étape nécessite néanmoins une surveillance et une connaissance
aiguë des températures de mise en œuvre pour
que les cristaux ne se dissolvent pas dans la
matière. Des tests ont été réalisés en laboratoire et ont montré que la synthèse de cristaux
d’antimoine de calcium, ainsi que leur dissolution dans un verre, serait très facile.
- La cristallisation in situ : cette hypothèse est celle privilégiée par les scientifiques.
Les cristaux d’antimoniates de calcium se formeraient pendant la fusion du verre. Seuls des
oxydes d’antimoine ou de la stibine (Sb2S3)
seraient ajoutés au verre. Les tests réalisés en
laboratoire montrent que seuls les oxydes
Sb2O4 et Sb2O5 permettent d’obtenir un verre
opaque. Les autres formes et la stibine laissent
le verre transparent.
- L’ajout d’un « corpo » : un verre très
concentré en agent opacifiant, appelé « corpo »,
est ajouté à un verre transparent puis chauffés.
Dans ce cas, le verre blanc est obtenu par cristallisation in situ.
Ces trois procédés produisent des cristaux différents (taille, forme, etc.) à l’intérieur
du verre. Leur identification est possible mais
nécessite de couper l’objet pour faire des sections polies, ce qui n’était pas réalisable ici. Le
but de notre étude étant d’apporter le maximum d’informations sans que la perle ne change d’aspect visuel.
Il a néanmoins été possible de proposer
aux vues des résultats LA-ICP-MS que les cristaux formés sont de la forme CaSb2O6. Cette
forme est la plus souvent rencontrée dans les
études sur les verres de toute époque et correspond à un traitement thermique court, environ
de 12 à 24 heures (Lahlil 2008). Pour ce qui est
de la matière première utilisée, il est possible de
proposer la stibine grillée qui permet de former
des oxydes d’antimoine Sb2O4 et Sb2O5. Ces
formes existent aussi à l’état naturel sous forme
de métal. Les sources connues en France à
l’époque moderne se trouvent en Auvergne,
Provence et Normandie (Lahlil 2008). Shortland (2002) appuie cette idée de l’antimoine
sous forme de métal ou de stibine par la présence d’arsenic comme élément trace. L’arsenic
est un des éléments traces rencontrés pendant
les analyses LA-ICP-MS réalisées mais pour
une perle les principaux éléments traces étaient
le strontium et le baryum. Sans possibilité de
comparaison avec des sources minérales, il est
impossible de conclure à une provenance précise de la matière première, mais il est certain
que celle-ci provienne de deux sources différentes pour les perles de cette étude.
Une autre question reste en suspend : la
perle T19505.10 a montré un pic Raman à 535
cm-1 identifié comme appartenant à un antimoniate de calcium. Sa forme est forcément différente de celle des autres perles, mais il est impossible à cette étape des analyses de savoir de
quelle forme il s’agit exactement. Cela nécessiterait des tests en laboratoire et des analyses
approfondies notamment avec la diffraction de
rayons X. Il est également possible que le procédé d’opacification joue un rôle dans le spectre Raman observé.
Lors des analyses LA-ICP-MS, une
couche plus concentrée en antimoine avait été
découverte et interprétée comme une potentielle couche de verre intermédiaire. Les tests en
laboratoire de Lahlil (2008) ont montré que
27
l’antimoine sous la forme Sb2O3, ne se cristallise en antimoniates de calcium qu’à l’interface
verre-air. Les matières premières utilisées
n’étant pas pures, plusieurs types d’oxydes
d’antimoine sont présents et pourraient se cristalliser de différentes façons. Il serait ici intéressant de faire une section enrobée d’une perle, c’est-à-dire de la couper, pour observer la
répartition des cristaux et leur stœchiométrie au
microscope électronique à balayage. Il n’est
donc pas possible pour le moment de conclure
sur le fait que les perles soient bicouche ou tricouche.
Les perles sont composées de trois
types de verre : un verre plombifère et potassique opacifié à l’antimoine, un verre calcosodique opacifié à l’étain et un verre calcosodique opacifié à l’antimoine2.
Pour former le verre plombifère et potassique, des cendres de plantes continentales
et très certainement de la litharge ont été utilisés. Haudicquer de Blancourt (1697) mentionne l’utilisation de sels provenant de cendres de
plantes et de bois. Les variétés qu’il est possible
d’utiliser sont très nombreuses : fougère, chardon, sapin et pommes de pin, joncs, roseaux
ou encore arbres et buissons épineux. Il est
impossible pour la présente étude de savoir de
quelle espèce exactement proviennent les cendres utilisées. Des analyses et des tests en laboratoire ont été réalisés et ont révélé que la
composition des cendres était très différente en
fonction des espèces mais également en fonction de la partie du végétal utilisée, ce qui rend
très difficile l’attribution à une espèce particulière (Dussubieux 2001).
Les verres calco-sodiques sont fabriqués à partir de cendres de plantes maritimes
comme les algues. Haudicquer de Blancourt
(1697) explique la façon dont le sel est récupéré. Les cendres sont achetées par les ateliers
sous forme de poudre blanche. Elles ont déjà
subi une première préparation consistant en
plusieurs cuissons et séchages. La poudre obtenue est dissoute dans de l’eau et portée à
ébullition avec ajout de tartre, qui semble être
un composé de potassium et de carbonate. Par
évaporation de l’eau, le sel se recristallise en
cristaux « purs ». Les étapes de dissolution et
de cristallisation sont répétées plusieurs fois.
Puis, pour faire le verre, de la chaux est ajoutée
à la fritte déjà formée à partir du sel et de sable
ou de quartz. Les éléments chimiques présents
dans le verre seront donc le calcium, le sodium,
le chlore et le potassium. Ce sont ces éléments
qui ont été enregistrés en majorité par les analyses. Le magnésium est également enregistré
dans des proportions d’environ 1 à 2 %. Il peut
provenir des cendres de plantes maritimes ou
bien de la magnésie qui est parfois ajoutée selon Haudicquer de Blancourt. L’aluminium est
également présent à environ 0,5 %. Cet élément est présent naturellement dans le sable
sous forme de feldspaths, ce qui indique que la
silice provient très certainement de sable et non
de quartz concassé. Elle ne peut pas non plus
provenir de feldspaths concassés car dans ce
cas la proportion d’aluminium aurait été beaucoup plus importante, de l’ordre de plusieurs
pourcents. Ainsi, le procédé de fabrication utilisé devait être très proche de celui décrit par
Haudicquer de Blancourt.
Il a été possible de montrer que deux
verres calco-sodiques avaient été utilisés : un
composé d’environ 10 % de NaO, 1 % de
MgO, 5 % de K2O et 8 à 15 % de CaO (la variation du taux de calcium est due à la quantité
d’antimoine utilisée pour opacifiée le verre) et
un composé d’environ 8 à 10 % de NaO, de 2
% de MgO, de 2 à 4 % de K2O et 7 à 9 % de
CaO. Ces deux types de verre doivent correspondre à deux manufactures ou périodes différentes. Cela a été confirmé par la comparaison
entre ces données et celles de la base de données de Ron Hancock (Base de données communiquée personnellement par Ron Hancock 2011). Les
perles opacifiées à l’étain semblent dater de la
fin du XVIe siècle (environ 1580) à la première
moitié du XVIIe siècle (environ 1630-1640).
Les perles opacifiées à l’antimoine, sauf
T19505.10, semblent dater de la deuxième moitié du XVIIe siècle (environ 1660) à la première
moitié du XVIIIe siècle (environ 1750). Enfin,
2
Les éléments chimiques des opacifiants sont utilisés
pour alléger le texte.
28
la perle T19505.10 (verre plombifère et potassique) semble pouvoir être datée de la fin du
XVIIIe siècle au début du XIXe siècle. Il a été
également remarqué que des perles présentaient des compositions similaires sur des sites
datées du XVIIIe et du XIXe siècle. Il est possible que ces similarités soient dues au menu
d’analyses utilisé ne prenant en compte que
certains des éléments majeurs et quelques éléments mineurs. Cela peut être également dû à
une réutilisation des perles ou à un stockage
long. Il ne faut pas non plus perdre de vue que
les datations données sont celles de l’utilisation
des perles sur le continent américain. Il est
possible d’évaluer à environ 10 ou 20 ans la
durée entre leur fabrication et de leur utilisation. En effet, le verre a pu être fabriqué dans
un pays, puis vendu à un fabricant de perles
dans un autre atelier dans un autre pays. Les
perles auraient pu être vendues et stockées
avant de partir pour le continent américain.
Cela signifie également que retracer la provenance des perles est quelque chose de très difficile, voire impossible.
Grâce aux éléments traces, des sousgroupes ont pu être déterminés. Pour les perles
calco-sodiques opacifiées à l’antimoine, deux
perles sont à part (T21518.1 et T14653) et trois
sont très similaires (T16106, T16024, T22013).
Pour les perles calco-sodiques opacifiées à
l’étain, deux sont similaires (T10378 et T10444)
et une autre semble se raccrocher à ce groupe
(T10386). La perle T10520 est à part des autres. Cette dernière perle possède néanmoins
une similarité avec la perle opacifiée à
l’antimoine T14653. Leur verre est en effet très
semblable. Il est possible que ces deux perles
proviennent du même atelier mais qu’elles aient
été opacifiées avec des éléments différents à
cause de la couleur voulue par l’artisan ou parce que leur époque de fabrication est différente. Enfin, la perle T19505.10 est également
dans une catégorie à part des autres. À plus
long terme, il serait donc possible par comparaison avec d’autres sites de pouvoir retrouver
des groupes de perles qui ont été certainement
fabriquées à la même époque et dans le même
atelier, et ainsi de pouvoir retracer des routes
de circulation.
Avant cette étude, certaines perles
avaient été analysées par fluorescence de
rayons X (XRF) par la firme Archéotec. Ces
analyses se sont focalisés que sur les opacifiants
antimoine, étain et arsenic, et il est regrettable
de ne pas avoir prêté attention aux autres éléments comme le calcium, le potassium, le silicium ou encore le plomb qui sont accessibles
par la XRF et qui auraient pu apporter des informations complémentaires et des moyens de
comparaison pour la présente étude. Les attributions des opacifiants sont en général les
mêmes que celles enregistrées ici, sauf pour la
perle T19505.10 qui serait composée de 3,6 %
d’arsenic. Les présentes analyses n’ont montré
que 14 ppm d’arsenic, soit environ 2500 fois
moins qu’avec la XRF. Il y a très certainement
eu une mauvaise interprétation de ce pic. En
effet, deux pics de l’arsenic (Kα et Kβ) sont
très proches de deux pics du plomb (Lα et Lβ).
Les pics identifiés comme de l’arsenic devaient
être ceux du plomb qui a été trouvé en grande
proportion dans la perle T19505.10. Ce type
d’erreur aurait pu être évité si l’opérateur avait
regardé l’ensemble du spectre obtenu et non
seulement la fenêtre du spectre qui l’intéressait;
ainsi, il aurait remarqué un pic intense du
plomb vers 3keV et non un pic vers 1keV
comme cela aurait été le cas pour l’arsenic.
La place des perles sur le site archéologique est également importante. Les perles
T10520 et T14653 ont été retrouvées dans les
remblais de la structure 4 dont la fonction devait être une cuisine ou un espace de stockage.
Il est donc impossible de leur donner une date
exacte par les éléments stratigraphiques. Par
cette étude, ces perles ont été datées de la fin
du XVIe siècle (environ 1580) à la première
moitié du XVIIe siècle (environ 1630-1640)
pour T10520 et de la deuxième moitié du
XVIIe siècle (environ 1660) à la première moitié du XVIIIe siècle (environ 1750) pour
T14653. Les sous-groupes réalisés montrent
qu’elles n’appartiennent pas à un des groupes
formés. Cela peut être dû au fait que la présente étude n’était basée que sur 10 perles mais
29
peut également révéler qu’elles appartenaient
soit à un autre site dont la terre a été utilisée
comme remblai, soit à une autre période sur le
même site. Il faudrait plus d’éléments de comparaison pour pouvoir donner une attribution
précise à ces perles. Les trois autres perles opacifiées à l’étain, T10444, T10386 et T10378, ont
été retrouvées dans la même zone rubéfiée qui
a été datée de la période 1600-1630. Leur datation est en adéquation avec les datations obtenues et ces trois perles semblent former un
sous-groupe. Trois perles opacifiées à
l’antimoine, T21518.1, T22013 et T16106, ont
été retrouvées dans une zone datée du milieu
du XVIIIe siècle par les archéologues. Les datations obtenues semblent donner une date un
peu plus récente pour ces perles, autour de la
fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Ces
différences de datation sont néanmoins minimes et restent dans la période d’occupation
française. Les analyses LA-ICP-MS avaient
également montré que ces perles formaient un
sous-groupe distinct, ce qui est confirmé par
leur lieu de découverte. Enfin, les perles opacifiées à l’antimoine T16024 et T19505.10 ont
été trouvées dans une zone datée entre 1675 et
1760. Ces perles se trouvent près du foyer 1H.
Cette datation est la même que celle obtenue
par la présente étude pour la perle T16024 mais
elle est différente pour la perle T19505.10, qui
serait datée de la fin du XVIIIe siècle au début
du XIXe siècle et qui donc se rattacherait à la
période d’occupation par des bûcherons sur ce
site. Il est également à noter que la datation par
le radiocarbone de ce foyer est rapportée
comme étant 140 ± 50 AA sans plus de détails
quant à savoir si cette date est calibrée ou non,
et quel est l’intervalle de confiance utilisé. Cette
datation donnerait, si l'on considère qu’elle est
calibrée, un intervalle de 1760 à 1860 qui correspondrait à la datation obtenue pour l’une
des perles. Aux vues des résultats et des importantes différences de compositions entre les
deux perles retrouvées sur cette aire de fouilles,
il est fort probable qu’elle ait été utilisée au
cours de deux périodes distinctes : entre 1675
et 1760, et entre la fin du XVIIIe et le début du
XIXe siècle.
Cette étude a donc permis à la fois de
corroborer des datations réalisées par les archéologues mais également de les discuter dans
le cas du foyer 1H. Elle a également apporté la
preuve qu’il était possible de distinguer des
sous-groupes de perles par leurs éléments traces et que cela se retrouvait par leur emplacement sur le site. En effet, les sous-groupes réalisés correspondent aux perles trouvées sur
des aires de fouilles et des couches différentes
sur le site archéologique. Enfin, il a été possible
d’identifier les compositions des verres, de
proposer des matières premières utilisées (cendres végétales, antimoine sous forme de stibine
ou de métal, sable, etc.) et d’évaluer la température de fusion du verre qui révèle des procédés
de fabrication différents. Ces informations ont
été obtenues grâce à l’utilisation de plusieurs
techniques. Mais quelles informations ont apporté chaque technique et pour quel coût ?
Les techniques utilisées : quel type de résultats, quelles contraintes et à quel prix
La spectroscopie Raman a permis
d’avoir des informations sur la composition de
la perle (type de verre et opacifiants), sur la
température de fabrication; cette technique a
également permis de distinguer trois groupes
principaux. L’acquisition des spectres dure
environ de 30 à 45 minutes sur l’appareil mais
l’interprétation des résultats nécessite entre une
demi-journée et un jour entier par perle. La
location de cette machine coûte 20$ l’heure si
l’analyse est réalisée par le loueur lui-même. Ce
qui signifie que ce genre d’analyses est très bon
marché, soit environ 15$ pour une perle.
L’analyse par LA-ICP-MS apporte également beaucoup d’informations : composition
du verre, type d’opacifiants, quantification des
éléments traces et répartition des éléments
chimiques dans l’espace. Trois zones ont été
identifiées : une transparente quasiment sans
opacifiant, une zone très concentrée en opacifiant et une zone contenant deux fois moins
d’opacifiants que la précédente. Cela donne des
informations de plus sur la fabrication des perles, mais il a été impossible de déterminer si
cette couche intermédiaire est une couche de
30
verre réelle ou si elle est due à une cristallisation favorisée à cet endroit particulier.
La location de l’appareil coûte 500$ par
jour avec l’aide du technicien. Une journée
permet de faire environ 10 perles. Le traitement des données nécessite une à deux semaines pour une dizaine de perles. Par contre, il
est possible d’obtenir les quantités d’environ 40
éléments chimiques pour chaque analyse, ce
qui est considérable.
Enfin, l’analyse par activation neutronique permet de connaître une partie de la composition de la perle. Grâce à la base de données
réalisée par Ron Hancock et ses collaborateurs,
il est possible de faire des comparaisons avec
des perles datées et ainsi d'obtenir une date
approximative des perles. L’analyse par activation neutronique nécessite deux jours
d’analyses pour le menu analytique (éléments
chimiques choisis) sélectionné. Il serait possible
d’avoir plus d’éléments chimiques, mais il fau-
drait pour cela plusieurs semaines, voire plusieurs mois, d’analyses ce qui rendrait le procéder trop onéreux. En effet, certains isotopes
radioactifs ont des périodes de désintégration
très longues et donc il faut attendre plusieurs
semaines pour pouvoir les enregistrer. De plus,
certains éléments, tels que le plomb, sont très
difficile à identifier avec cette technique. Dans
cette étude, le prix d’une analyse NAA par perle coûte 80$. Les analyses et les données sont
réalisées et traitées par Ron Hancock. Les résultats sont donc directement exploitables lorsqu’ils sont envoyés. Le principal défaut de cette
analyse est qu’elle crée des isotopes radioactifs
qui rendent l’objet radioactif; il faut donc attendre plusieurs semaines, voire des mois,
avant de pouvoir récupérer l’objet. Il arrive
parfois que les isotopes créés ne soient pas
ceux escomptés et qu’il faille attendre plus
longtemps que prévu. C’est ce qui est arrivé au
cours de la présente étude.
Tableau 7 : Tableau comparatif des différentes techniques utilisées
Techniques
Résultats
Coût et temps de traitement des données
Inconvénients
Spectroscopie
Raman
Type de verre
Type d’opacifiants
Séparation des types de verre
Température de fabrication
10-15$ par perle
Environ 6 à 12h de traitement des données par
perle
Analyses de surface nécessitant des zones de
verre sain
Pas d’information sur les quantités d’éléments
chimiques
Nécessité d’avoir des logiciels de traitement de
données comme Grams ou Origin Lab
500$ pour 10 perles soit
50$ par perle
Environ 1 jour de traitement des données par
perle
Nécessité de faire des prélèvements qui sont
invisibles à l’œil nu
Traitement des données très long
Nécessité d’estimer la proportion de silicium et
donc d’utiliser une autre technique d’analyse
80$ par perle
Traitement des données
compris dans le prix de
l’analyse
Objet radioactif après cette analyse. Ne peut
pas être utilisé directement. Plusieurs semaines
ou mois peuvent être nécessaires
Menu d’analyses très réduit en comparaison du
LA-ICP-MS
LA-ICP-MS
NAA
Composition complète du
verre
Répartition des éléments
chimiques dans la matrice
Possibilité de faire des sousgroupes grâce aux éléments
traces
Composition partielle du
verre
Possibilité de datation grâce
à la base de données de Ron
Hancock
Le Tableau 7 récapitule les résultats
obtenus par chaque technique, leur coût et
leurs inconvénients. Ce tableau montre bien
que ces techniques sont complémentaires et
que leurs coûts sont élevés si on enlève la spectroscopie Raman. Il a néanmoins été montré
que le LA-ICP-MS et la spectroscopie Raman
apportent le plus d’informations et se complètent particulièrement bien notamment pour
l’évaluation du pourcentage de silicium. Malheureusement, le spectromètre Raman ne peut
pas évaluer de façon assez précise le pourcentage de silicium. Il faudrait donc avoir recourt à
la XRF ou au microscope électronique à ba31
layage couplé à un spectromètre de rayons X
en dispersion d’énergie (SEM-EDS). D’un autre côté, les études réalisées jusqu’à présent
l’ont été principalement par la NAA, ce qui a
permis la mise en place d’une grande base de
données. Serait-il possible d’utiliser cette base
de données avec des résultats provenant
d’autres techniques comme le LA-ICP-MS ?
Cela est-il valable dans le cas des perles de verre archéologiques ?
Les résultats ont été comparés sur les
éléments qui n’étaient en limite de détection ni
pour le LA-ICP-MS, ni pour la NAA, soit
l’aluminium, le calcium, le potassium, le sodium, l’antimoine et l’étain.
Les résultats ont été tout d’abord comparés entre eux et entre les types d’analyses du
LA-ICP-MS : mode spot (trou en profondeur
dans la perle) et mode ligne (trait en surface de
la perle). Des pré-ablations ont été réalisées
avant chaque analyse LA-ICP-MS pour enlever
la surface qui pouvait être dégradée. Les résultats sont présentés sur les graphiques cidessous (Figure 32 et Figure 33).
Comparaison entre les résultats LA-ICPMS et NAA
La comparaison des résultats entre LAICP-MS et NAA a déjà été réalisée dans le cas
d’analyses de roches en géologie, par exemple
(Bédard et Barnes 2002, Flem et Bédard 2002).
Ceux-ci ont montrés que les résultats obtenus
étaient similaires et pouvaient être comparés.
Figure32: Diagrammes comparatifs entre les données LA-ICP-MS et les données NAA.
32
Figure 33: Diagrammes comparatifs entre les données LA-ICP-MS et les données NAA.
Les courbes de tendance montrent que
les données pour les éléments potassium (K),
calcium (Ca), aluminium (Al) et sodium (Na)
sont similaires, car elles sont quasiment linéaires. Par contre, les données sur les opacifiants
sont très différentes. Cela est dû aux techniques d’analyses elles-mêmes. En effet le LAICP-MS est une technique ponctuelle alors que
la NAA est une technique globale. Comme
expliqué précédemment, les perles sont composées pour la plupart de deux, voire peut-être
trois, couches de verre avec des proportions
d’opacifiants différentes tout en ayant un verre
de composition similaire. Ainsi, le LA-ICP-MS
n’évalue la quantité d’opacifiants que dans une
ou deux couches, mais n’arrive pas à atteindre
la totalité. De plus, comme il a été mentionné
précédemment, les couches sont de taille différente en fonction du profil choisi. Des comparaisons ont été faites à partir des résultats sur
les tranches des perles tubulaires (Figure 34).
Figure 34 : Diagrammes comparatifs entre les données LA-ICP-MS (sur les tranches) et les données
NAA.
Cette fois, l’homogénéité est plus grande. Malheureusement, il n’est pas possible de
réaliser ces analyses sur les tranches de toutes
les perles car certaines sont ovoïdes et ne possèdent qu’une fine ligne de verre sur leur tranche. Pour ce qui est des autres éléments, c’est
l’analyse en mode spot du LA-ICP-MS qui se
rapproche le plus des données NAA.
Ces données ont alors été comparées à
la base de données de Ron Hancock pour voir
si les datations seraient les mêmes (Figure 35).
33
Figure 35 : Analyses en composantes principales avec les données LA-ICP-MS et NAA.
Les données NAA et les données LAICP-MS obtenues en mode spot sont très similaires et donnent quasiment les mêmes interprétations temporelles. Il serait donc possible
de comparer les données obtenues par LAICP-MS à cette base de données. Néanmoins,
cette étude n’est basée que sur 10 perles et il
faudrait une comparaison avec un échantillonnage plus grand d’environ 100 perles pour
confirmer que la comparaison est possible.
Les résultats LA-ICP-MS et NAA sont
très similaires et donnent pratiquement les
34
mêmes résultats en cas de comparaison avec la
base de données de Ron Hancock.
perles T16106, T16024 et T22013. Les deux
autres perles étant à part. Il est à noter que la
perle T14653 se rapproche beaucoup de la
perle T10520 opacifiée à l’étain. Ces perles
proviennent peut-être du même atelier mais
ont été fabriquées à une époque différente, ou
bien l’artisan a voulu donner une couleur différente aux deux perles.
- Une perle (T19505.10) dont le verre
est plombifère et potassique et opacifié par des
antimoniates de calcium. Le fondant utilisé
provient de cendres de plantes continentales.
La température de cuisson de cette perle devait
être de 600 °C. Elle semble être datée de la fin
du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle.
Il a également été possible de comparer
les différentes techniques d’analyse à la fois
pour leur coût, leurs résultats et le temps
d’analyse nécessaire. Il a été montré que la
spectroscopie Raman se révélait être une technique très bon marché et qui apporte un grand
nombre d’informations sur le verre et les techniques de fabrication des perles. Elle ne permet
qu’une différenciation en grand groupe et
qu’une analyse de surface qui peut donc être
influencée par les dégradations du verre. Pour
séparer les perles en plus petits groupes, il faut
utiliser le LA-ICP-MS, plus couteux (environ
50$ par perle) mais permettant de connaître la
composition totale du verre, la répartition des
éléments chimiques dans la perle et dans le cas
des perles tubulaires, de distinguer des couches
de verre différentes. Néanmoins, si les perles
ne sont pas coupées, cette analyse reste également une analyse de surface. Il a également été
montré que les résultats de cette technique
étaient comparables à ceux obtenus par NAA,
ce qui permet l’utilisation de la base de données
de Ron Hancock pour faire des comparaisons
et des essais de datation. La NAA, quant à elle,
permet d’avoir une vision globale de la composition de la perle, et ainsi d’avoir une plus grande précision sur la concentration de certains
éléments chimiques. Tout comme le LA-ICPMS, cette technique est capable de détecter le
plomb, si celui-ci est en « grande » quantité
(environ 5 %), et les terres rares. Néanmoins,
l’analyse de ces éléments chimiques nécessite
Conclusion
Cette étude a montré qu’il était possible
de diviser les dix perles en trois groupes principaux :
- Un groupe dont le verre est calcosodique et opacifié par de la cassitérite (SnO2).
Il contient également environ 10% de plomb,
ajouté sous forme de chaux de plomb en plus
de l’étain pour donner la couleur lait du verre.
Le fondant utilisé provient de cendres de plantes aquatiques ou alluviales. La température de
cuisson de ces perles devait être autour de 600
°C. Ce groupe semble être daté de la fin du
XVIe siècle (environ 1580) à la première moitié
du XVIIe siècle (environ 1630-1640). Il comprend les perles T10378, T10386, T10444 et
T10520. Il a été possible de réunir les perles
T10378, T10386 et T10444 dans un sousgroupe grâce à leurs éléments traces. La perle
T10520 est à part.
- Un groupe dont le verre est calcosodique et opacifié par de l’antimoniate de calcium, certainement sous la forme CaSb2O6. Le
fondant utilisé provient de cendres de plantes
aquatiques ou alluviales. La température de
cuisson de ces perles devait être d’environ 1000
°C. Les analyses LA-ICP-MS ont révélé trois
zones dans ces perles, qui pourraient être vues
comme trois couches de verre. La zone externe
est transparente et contient très peu
d’opacifiants. La zone du milieu est très
concentrée en agents opacifiants. La zone interne, zone la plus épaisse, contient deux fois
moins d’agents opacifiants. Les zones interne
et externe sont deux couches différentes de par
leur composition. La couche du milieu pose
plus de problème, car elle pourrait être le résultat d’une cristallisation favorisée à l’interface
air-verre. Ce groupe semble être daté de la
deuxième moitié du XVIIe siècle (environ
1660) à la première moitié du XVIIIe siècle
(environ 1750). Il comprend les perles T16106,
T22013, T14653, T21518.1, T16024. Grâce aux
éléments traces, il a été possible de réunir les
35
un temps d’irradiation et de mesure beaucoup
plus long, de l’ordre de six à huit mois. De
plus, cela entraine des coûts d’analyses plus
importants.
Les résultats exposés ici prouvent qu’il
est possible d’obtenir un grand nombre
d’informations sur les perles de verre sans les
couper. Néanmoins, certaines questions restent
sans réponse, notamment, sommes-nous en
présence d’une troisième couche de verre? Des
tests avec une machine appelée Optical Coherence Tomography ont été tentés pour essayer
de voir la structure interne de la perle. Malheureusement, les tests ont été infructueux.
A présent, pour améliorer les protocoles nouvellement utilisés ici, il faudrait une étude plus vaste sur une centaine de perles provenant d’au moins deux sites différents, mais qui
seraient liés aux mêmes peuples et aux mêmes
périodes d’occupation pour essayer à nouveau
de distinguer des sous-groupes de perles, puis
essayer de les suivre de sites en sites.
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Annexe 1 : Traitement des données
par les logiciels Grams, JMP et Origin Lab
parfois dans ces massifs. Leur aire a donc été
calculée avec la fonction Pic Fitting pour pouvoir la déduire de l’aire du massif dans lequel
ce/ces pics étaient présents.
Les spectres Raman ont été acquis grâce au logiciel Labspec. Ils ont ensuite été traités
par Grams, puis par Origin Lab et enfin par
JMP à partir des données acquises dans les
deux logiciels précédents.
Origin Lab Pro
Le logiciel Origin Lab a été utilisé pour la déconvolution des pics. Les massifs 500 et 1000
comprennent plusieurs pics et ce logiciel permet de retrouver leur position et leur aire. Le
massif 1000 a été le seul à être traité. L’outil
Peak Analyser est sélectionné. La première partie nécessite une évaluation de la ligne de base.
Bien qu’elle ait été traitée et soustraite auparavant, une autre ligne de base constante est nécessaire, car un seul massif est traité. Le logiciel
calcule lui-même une ligne de base qui est la
plus souvent adéquate, mais qui peut être corrigée par l’opérateur si besoin grâce à la fonction User Defined. L’outil cherche ensuite automatiquement les pics présents dans le spectre.
Encore une fois, si des pics n’ont pas été trou-
Grams
Avec le logiciel Grams, la ligne de base
a été enlevée en utilisant la méthode multipoints. Les points choisis étaient 300, 700, 850
et 1300 cm-1. Ensuite, le spectre était lissé grâce
à la fonction Smooth. Puis les aires sous les deux
massifs 500 et 1000 cm-1 étaient calculées grâce
à la fonction Integrate. L’aire du massif 500 est
calculée entre 290 et 720 cm-1 et celle du massif
1000 entre 720 et 1220 cm-1. Des pics, dus à
d’autres matières présentes dans les verres, se
sont ajoutés
38
vés, il est possible de les indiquer manuellement. Puis, la fonction Fit permet de faire une
déconvolution du spectre en fonction des pics
trouvés. Des données peuvent être rentrées sur
les pics dans la partie Fit Control. Celles-ci seront prises en compte par le logiciel pour le
Fitting. Dans le cas présent, les largeurs à mihauteur sont indiquées mais non fixées pour
aider le logiciel. Les pics Q0, Q1 et Q2 ont une
largeur à mi-hauteur de 50, Q3 et Q4 de 100. Le
logiciel génère ensuite un tableau avec les aires,
la position des pics, leur largeur à mi-hauteur et
toute autre donnée demandée par l’opérateur
(Tableau 8).
fonctions Analyse Multivariée, puis Composantes
Principales, sont sélectionnées puis le logiciel
génère lui-même les résultats. Les facteurs 1 et
2 sont sélectionnés. Les graphiques, bien que
pouvant être générés par JMP, ont été réalisés
avec le logiciel Excel pour une plus grande
facilité de représentation.
Pour les analyses factorielles en composantes principales, les étapes sont les mêmes
que précédemment. La fonction « Analyse Factorielle » est sélectionnée dans le menu déroulant. Il faut ensuite sélectionner « composantes
principales » dans le tableau des options et les
données sont générées. Les facteurs 1 et 2 sont
enregistrés et les diagrammes réalisés avec Excel.
JMP
Le logiciel JMP est utilisé pour réaliser
les analyses en composantes principales. Les
Tableau 8 : Exemple de tableau généré par Origin Lab Pro.
Peak
Index
1
Gaussian
4676,21534
4676,21534
Area
FitTP
3,34627
951,6763
951,6763
Max
Height
49,1318
2
Gaussian
11570,2613
11570,2613
8,2796
992,96195
992,96195
98,72543
110,09864
3
Gaussian
22721,8551
22721,8551
16,2596
1093,22077
1093,22077
178,72394
119,43424
4
Gaussian
11549,1881
11549,1881
8,26452
1102,9262
1102,9262
116,05649
93,4867
5
Gaussian
2036,39843
2036,39843
1,45723
785,76982
785,76982
43,31514
44,16628
Peak Type
Area Fit
Area FitT
39
Center Max
Center Grvty
FWHM
89,41278
Annexe 2 : Tableau périodique des éléments
Annexe 3 : Tableau récapitulatif des frais d’analyses
Type d’analyses
Spectrométrie Raman
LA-ICP-MS
NAA
Total des frais
d’analyses
Coût ($CAD
Temps passé
Coût total ($CAD)
20 à 50 par heure
15 heures
360
500 par jour
82,49 par perle
1 jour
2 jours et 10 perles
500
824,90
1684,90
40
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec - Dussault
PALAIS DE L’INTENDANT : ANALYSE COMPARATIVE DE
DEUX NIVEAUX DE LATRINES
Frédéric Dussault
2008, Université Laval
Projet étudiant
Résumé
Dans le cadre de l'analyse comparative de deux niveaux de latrines du Palais de l'Intendant
(CeEt-30) à Québec, les restes entomologiques de deux échantillons de sédiments furent comparés.
Les restes d'insectes trouvés dans ces deux lots (44B6 et 57C5) associés à des latrines, ont permis
d'obtenir une meilleure compréhension des condition environnementales régnant sur le site au moment de l'occupation, ainsi qu'une meilleur compréhension de l'utilisation de ces deux latrines.
Introduction
vie des habitants du site lors des périodes
d’occupation française et anglaise.
Depuis de nombreuses années,
l’Université Laval effectue des fouilles sur le
site archéologique CeEt-30, aussi connu sous le
nom de palais de l’Intendant. Lors des fouilles
effectuées en 2004, une fosse a été mise au jour
par l’équipe du chantier de fouille. L’analyse
des macrorestes végétaux et des artéfacts trouvés dans ces couches a permis d’en venir à la
conclusion qu’il s’agissait de latrines (Ponton et
Prévost 2005 : 83-87). Ces latrines ne sont pas
les seules qui ont été découvertes sur les lieux
du palais. En 2007, à la suite des recommandations effectuées dans le rapport de Gaudreau et
Taschereau, et dans le but de comprendre les
modes de fabrication et d’utilisation des latrines du deuxième palais de l’Intendant, d’autres
latrines ont été dégagées lors de la fouille de
l’opération 57 (Alberton 2008 : 2).
Des échantillons ont été prélevés lors
de ces deux fouilles et conservés au Laboratoire
d’archéologie
environnementale
de
l’Université Laval pour des analyses ultérieures.
Afin de mieux comprendre la nature des occupations de ce site, il est ici proposé d’étudier
les restes entomologiques de deux lots des latrines, soit les lots 44B6 et 57C5. L’étude des
restes d’insectes préservés en contexte archéologique permet de connaître les conditions
environnementales dans et autour du site, en
plus de permettre l’identification de certaines
activités économiques (Elias 1994 : 107).
L’analyse archéoentomologique de ces latrines
servira à comparer l’économie et le mode de
Méthodologie
Les échantillons de ces deux latrines
(Tableau 1) ont été traités selon la méthodologie traditionnellement utilisée en archéoentomologie.
La première étape consiste à laver les
échantillons afin de séparer et de recueillir les
restes entomologiques contenus dans le sédiment. Un premier lavage est effectué à l’eau
tiède afin d’enlever la fraction minérale présente dans l’échantillon dans le but de ne conserver que les éléments organiques qui composeront la fraction légère. Pour ce faire, il est nécessaire de désagréger l’échantillon dans de
l’eau et verser répétitivement la solution sur un
tamis géologique de 250 microns. Par la suite,
la fraction légère, qui est demeurée dans le tamis, est mélangée avec du kérosène. Puisque
cette substance adhère à la cuticule des insectes, il est possible de séparer les végétaux des
restes entomologiques lorsque de l’eau est ajoutée au mélange. En effet, lorsque l’eau est ajoutée à la solution, les restes d’insectes sont entraînés vers la surface avec le kérosène et sont
recueillis avec le tamis de 250 microns (Buckland 2000 : 18; Elias 1994 : 32). Avant de
l’entreposer dans l’alcool, la fraction légère est
nettoyée avec du savon pour enlever les résidus
de kérosène.
41
Tableau 1 : Description des échantillons 44B6 et 57C5.
Échantillon
Volume de
l’échantillon traité
Volume de
l’échantillon après
traitement
Description de la
matrice du sédiment
Échantillon 44B6
Échantillon 57C5
2 litres
2,5 litres
55ml fraction légère
150ml fraction légère
400 ml fraction lourde
625 ml fraction lourde
Argileux, surtout composé de matière organique avec
Très organique, composé d’argile
des inclusions de petits cailloux, beaucoup de graines,
avec des concentrations argileuses,
(près de 45% de la fraction lourde), quelques os de
beaucoup de bois et des fragments
poissons et de mammifères.
d’os.
nota, car elles possèdent des caractéristiques
permettant d’identifier les spécimens (Figure
1).
Troisièmement, les restes entomologiques sont montés sur des cartes de microrestes
paléontologiques. Par la suite, afin de procéder
à l’identification, les parties d’insectes collées
sont identifiées l’aide des clés d’identification
taxonomiques utilisées en entomologie. Plusieurs clés sont disponibles, certaines plus générales, telles celles fournies dans le livre American Beetles (Arnett et Frank 2002 : 819-835),
et d'autres plus spécifiques, se spécialisant dans
un genre, telle la clé d’identification développée
par André Larochelle, dans son livre Manuel
d’identification des Carabidae du Québec (1976).
Bien que de nombreuses clés soient disponibles, elles sont très peu adaptées au travail en
archéoentomologie. Ces clés sont créées afin
d’identifier des insectes complets, ce qui rend
l’identification de parties séparées des corps
d’insectes plus difficile, voire impossible. Afin
de confirmer les identifications, il est nécessaire
d’utiliser une collection de référence comprenant plusieurs spécimens d’une espèce attestée.
Les caractéristiques morphologiques des spécimens archéologiques sont donc comparées à
celles des insectes modernes aux fins
d’identification.
Figure 1 : Trox scaber, identification morphologique des éléments analysés, fragment de
pronotum et élytre gauche (Bain 2007, Archaeoentomological analysis of samples from
the 2005 African meeting house project).
La seconde étape consiste à observer et
à trier les restes entomologiques contenus dans
la fraction légère avec un binoculaire à faible
grossissement. Cette étude porte seulement sur
les coléoptères, un choix qui est basé sur la
taille de cet ordre, qui est le plus grand de la
classe des insectes, sur la documentation disponible, ainsi que le manque de littérature
scientifique sur les autres ordres préservés dans
les échantillons. Les parties de coléoptères
conservées sont les têtes, les élytres et les pro-
Résultats et description des insectes
analysés
42
Afin
de
pouvoir
analyser
l’environnement du site archéologique aux
deux périodes étudiées, il est important de
connaître les différentes niches écologiques des
espèces identifiées, ainsi que leur niveau de
relation avec l’homme.
Les tableaux 2 et 3 illustrent la diversité
des espèces et des familles d’insectes qu’il a été
possible d’identifier dans les échantillons. Ces
deux tableaux réunissent également les éléments anatomiques identifiés. Le NRe et le
NMI ont été, par la suite, calculés en se basant
sur ces identifications.
molitor) durant son stade adulte (Larochelle et
Larivière 2003 : 414).
Dysticidae
Les Dysticidae sont des insectes aquatiques, autant au stade larvaire qu’adulte. Toutes
les espèces de cette famille peuvent voler afin
de migrer d’un habitat à l’autre. Plusieurs espèces sont trouvées dans de petites étendues
d’eau, sur le bord des lacs ou des cours d’eau.
D’autres favorisent des milieux plus particuliers, des sources d’eau chaude aux cours d’eau
froide de montagne. La plupart des espèces
sont des charognards et des carnivores durant
leur stade adulte (Arnett et Thomas 2001 :
159).
Carabidae
Les carabidés ne sont pas associés à des
activités économiques. Néanmoins, leur présence fournit de précieux renseignements sur
les conditions environnementales du site archéologique. Selon Bousquet (2000 : 75), leur
présence dans les denrées entreposées est fortuite. Toutefois, il est important de noter que la
plupart des adultes et des larves de cette famille
sont des prédateurs (Campbell 1989 : 40). De
cet ordre, deux genres ont été identifiés : Bembidion et Pterosthichus. Les Bembidion sont des
insectes majoritairement hygrophiles, vivant
près d’étendues d’eau. Leur nourriture de prédilection consiste en des insectes morts ou
mourants (Lindroth 1969 : 207-208). Le seul
membre de ce genre identifié à l’espèce est
Bembidion versicolor. Cet insecte préfère des milieux variant des basses terres aux régions alpines. Cependant, comme les membres du genre
Bembidion, il préfère les milieux hygrophiles, les
bords d’étendues d’eau, les marécages eutrophes, les étangs, les lacs, les rivières à faible
débit, les ruisseaux et les canaux d’irrigation
(Larochelle et Larivière 2003 : 145).
Deux autres Carabidae, du genre Pterostichus, ont pu être identifiés à l’espèce. Le premier, Pterostichus adistrictus, préfère des environnements semblables à ceux de Bembidion versicolor. Par contre, il est moins hygrophile, mais sa
diète est principalement composée de larves de
diptères. Le second, Pterostichus coracinus, se
nourrit de Carabidae, de larves d’insectes immatures, ainsi que de vers de farine (Tenebrio
Hydrophilidae
Plusieurs Hydrophilidae sont aquatiques ou semi-aquatiques, mais quelques-uns
vivent dans des feuilles en décomposition, des
excréments d’animaux et dans le sol. Les adultes de plusieurs espèces se nourrissent de
champignons, de matière végétale en décomposition, d’excréments et de matière animale.
Les larves sont carnivores et cannibales. Les
Hydrophilidae ne sont pas d’une grande importance économique et leur présence dans les
produits entreposés est fortuite (Bousquet
1990 : 129). Une seule espèce d’Hydrophilidae
a été identifiée, le Cercyon analis. Ce coléoptère
se retrouve dans les environnements comportant de la matière organique en décomposition,
particulièrement des débris de plantes et des
piles de compost. Cet insecte est fréquemment
trouvé dans des endroits humides, près de
l’eau, sous des feuilles ou divers débris, ou sous
des mousses (Smetana 1978 : 162-163).
Histeridae
Il est typique de trouver les Histeridae
sous l’écorce d’arbres morts et dans la matière
végétale en décomposition, la charogne, les
excréments et dans des nids. L’adulte et la larve
sont carnivores (Bousquet 1990 : 126). Une
seule espèce d’Histeridae a été trouvée dans les
échantillons analysés, soit le Gnathoncus rotundatus qui est associé aux nids d’oiseaux et aux
charognes, en particulier celles d’oiseaux. Tou43
tefois, il est aussi possible de le trouver, quoique plus rarement, dans les excréments et dans
la matière végétale en décomposition (Hinton
1945 : 335).
dans l’un des échantillons, est celui des Micropeplidae, qui est associé à des milieux vaseux
ou marécageux (Arnett Jr. et Thomas 2001 :
243).
Tenebrionidae
La famille des Tenebrionidae n’est que
très peu représentée dans les échantillons analysés. Seule une espèce, Tenebrio molitor, a été
identifiée. Son régime comprend les denrées
animales et végétales, mais cette espèce a une
préférence marquée pour le grain humide et en
décomposition. Les dommages causés par cet
insecte ne sont pas nécessairement attribuables
à son alimentation, mais davantage aux excréments et exuvies qu’il laisse (Bousquet
1990 :170). En milieu anthropique, cet insecte
est associé aux entrepôts et aux moulins à farine. Il consomme les produits en décomposition, mais aussi ceux qui ont subi un traitement, comme la farine ou d’autres produits
céréaliers qui ne sont pas en décomposition. Il
préfère les lieux humides et sombres, les silos à
grain, les moulins et les entrepôts (Campbell
1989 : 391-392).
Scarabaeidae
Une seule espèce de Scarabaeidae a été
retrouvée dans les latrines. Il s’agit de Trox
scaber, qui préfère des endroits comportant des
charognes et des déchets. Plusieurs éléments
figurent dans sa diète, allant des rognures de
sabot à la farine d’os et aux manteaux de laine
(Vaurie 1955 : 29).
Dermestidae
Les Dermestidae sont trouvés communément sur les fleurs, les carcasses animales
séchées, dans le nid de certains mammifères,
d’oiseaux, d’hyménoptères sociaux et dans les
demeures. La plupart des espèces se nourrissent presque exclusivement de matières animales, comme les os, la peau, la fourrure, la laine
et la soie (Bousquet 1990 : 102). Cette famille
est souvent associée aux denrées entreposées,
plusieurs espèces causant des infestations dans
les maisons et les musées (Campbell 1989 :
240). Une seule espèce de Dermestidae est
identifiée au taxon. Il s’agit de Dermestes lardarius, dont les adultes et les larves se nourrissent
de matières variées d’origine animale, entre
autres les plumes, la peau, les cheveux, le jambon, le bacon, les viandes séchées et préparées,
ainsi que les viandes en décomposition. De
plus, selon Hinton (1945), quand D. lardarius
est trouvé dans des entrepôts ou des silos
contenant du cacao, des fruits secs ou des produits végétaux, il se nourrit probablement des
autres insectes morts (Campbell 1989 : 241).
Staphylinidae
Les larves et les adultes de ce groupe
d’insectes sont trouvés principalement dans les
biomes terrestres. La plupart des Staphylinidae
se nourrissent de petits arthropodes. Certaines
espèces de cette famille se nourrissent de matière végétale en décomposition ou de champignons. Ces insectes ne sont pas nécessairement
associés à l’entreposage, leur présence étant
fortuite en ces lieux. Toutefois, ils sont indicateurs de lieux humides et de mauvaises conditions d’entreposage, là où prolifèrent des moisissures, ou atteste du signe d’une infestation
par d’autres insectes (Bousquet 1990 : 175).
Quedius mesomelinus est indicateur d’un milieu
comportant de la matière végétale en décomposition (Smetana 1978 : 76-78). Il en est de
même pour les représentants des Philonthina,
Aleochaninae et Omalinae (Arnett Jr. et Thomas 2001 : 356-395). Sepedophilus testaceus est un
Staphylinidae mycophage, donc il se nourrit de
champignons (Arnett Jr. et Thomas2001 : 356).
Le dernier groupe de cette famille, représenté
Anobiidae
Cette famille d’insectes est typiquement
associée aux climats tropicaux, mais 70 espèces
sont tout de même présentes au Canada. Les
larves de plusieurs espèces de cette famille causent de grands dommages aux structures en
bois. Deux espèces d’Anobiidae sont associées
aux denrées entreposées (Bousquet 1990 : 57).
En effet, le genre Ptinidae est représenté dans
les échantillons par Ptinus fur, qui est commu44
nément trouvé dans les entrepôts, où il se
nourrit de matières animales et végétales sèches
et en décomposition (Campbell 1989 : 331). De
plus, les Ptinidae sont associés à une faible
salubrité des lieux, ajoutée à une accumulation
de déchets (Bousquet 1990 : 156). Un second
genre d’Anobiidae a pu être identifié à
l’espèce : Microbregma emarginatum (Figure 2).
Celui-ci est associé à l’écorce d’arbres (Arnett et
al. 2002 : 255).
ciées aux moisissures. Leur présence ne cause
pas de dommage aux denrées, mais est plutôt
indicatrice d’une humidité élevée (Campbell
1989 : 286 ; Bousquet 1990 : 129). Lathridius
minutus est le seul coléoptère de cette famille
qui a été identifié à l’espèce. Il s’agit du Latridiidae le plus communément associé aux denrées alimentaires entreposées (Bousquet 1990 :
137). Il se nourrit de champignons associés aux
grains entreposés. Il n’est pas un facteur
d’infestation primaire, mais sa présence est
révélatrice d’autres micro-organismes causant
le dépérissement des denrées (Campbell 1989 :
288).
Curculionidae
La famille des Curculionidae est une
famille d’insectes se nourrissant exclusivement
sur les plantes, que ce soit sur les racines en
tant que larve ou sur les fruits ou les graines
sous sa forme adulte. La plupart des cultures
ont une espèce de Curculionidae qui leur est
associée. Cette famille comprend les espèces les
plus destructrices de denrées entreposées
(Campbell 1989 : 161). Sitophilus granarius et
Sitophilus oryzae sont les seules espèces de cette
famille qui ont pu être identifiées au niveau
taxonomique de l’espèce. Les adultes des deux
espèces peuvent se nourrir autant de farine que
de grains entiers, mais la larve ne peut se développer que dans les grains assez gros pour les
contenir ou dans des matières affinées, telle la
farine qui serait indurée. Sitophilus oryzae est un
insecte capable de voler et sa reproduction peut
s’effectuer dans les champs, lorsque le grain est
récolté ou entreposé. Il peut causer des infestations sévères. Toutefois, cette espèce est tropicale et ne peut survivre dans un climat tempéré qu’en conditions protégées (Campbell
1989 : 226-227). Contrairement au charançon
du riz (Sitophilus oryzae), Sitophilus granarius ne se
reproduit pas dans les champs, mais dans les
matières entreposées. La présence de ces insectes dans les denrées alimentaires, en plus
d’augmenter la température, augmente
l’humidité du lieu d’entreposage en raison de
l’activité métabolique, ce qui provoque de plus
amples dommages aux grains (Campbell 1989 :
224-225).
Figure 2 : Tête et pronotum de Microbregma
emarginatum.
Cryptophagidae
Cette famille d’insectes est régulièrement trouvée dans les bâtiments où l’on entrepose des denrées. Les adultes et les larves se
nourrissent principalement de spores, d’hyphes
et de moisissures. Ils n’ont donc pas un impact
direct sur les denrées. Néanmoins, leur présence est associée à de mauvaises conditions
d’entreposage, ainsi qu’à la présence des dites
moisissures (Bousquet 1990 : 90, Campbell
1989 : 147).
Latridiidae
Plusieurs espèces de cette famille ont
une distribution cosmopolite à cause de leur
association aux produits entreposés. Toutes les
espèces se nourrissent de spores et sont asso45
Cucujidae
La famille des Cucujidae est représentée
dans les deux échantillons par seulement une
seule espèce, Oryzaephilus mercator. Néanmoins,
O. mercator n’est pas reconnu comme une source d’infestation des céréales comme O. surinamensis. Il ne se trouve que sur les céréales ayant
subi un traitement : avoine en flocon, farine,
riz. De plus, dans le climat du Québec, cet insecte ne peut survivre, ni se reproduire hors
d’un bâtiment (Campbell 1989 : 157-158).
les Cercyon, dont Cercyon analis, sont eux aussi
associés à ce genre de milieu et composent 5 %
de l’assemblage, pour un total de 6 individus.
Le type de débris végétaux déposé dans
ces latrines était varié. Certains insectes, comme Microbregma emarginatum, les Staphylinidae de
la tribu Philontina et Sepedophilus Testaceus, sont
associés au bois, ce qui laisse croire que du bois
était présent dans ces latrines. D’autres éléments végétaux semblent être représentés dans
cet échantillon, comme des denrées alimentaires, puisqu’y étaient présents des insectes typiquement associés aux aliments entreposés. En
effet, Sitophilus granarius, Tenebrio molitor et Ptinus
fur sont des insectes typiquement associés aux
denrées entreposées, tels les grains ou les denrées transformées, comme la farine. Toutefois,
le nombre d’insectes associés à ce genre
d’environnement est très limité : seulement 1
Curculionidae, 1 Tenebrionidae et 2 Ptinidae.
Ces nombres sont insuffisants pour pouvoir
préciser le niveau d’infestation des denrées
alimentaires. La figure 4 illustre des denrées
avec un haut niveau d’infestation. Vu le faible
nombre d’insectes trouvés et leur état de préservation, il est peu probable que ces insectes
furent consommé involontairement. Il serait
probable que ces insectes furent piégés par la
structure qu’est la latrine, les insectes pouvant
se déplacer dans les bâtiments. Malgré le manque de données sur les infestations des denrées
alimentaires, certaines informations sont tout
de même disponibles sur les conditions environnementales. Plusieurs espèces et familles
d’insectes identifiées dans l’échantillon suggèrent des conditions humides ou des moisissures
et des conditions d’entreposage défaillantes.
Des insectes comme les Cryptophagidae et
Latridiidae sont des insectes qui se nourrissent
de champignons et de moisissures. De plus,
deux espèces d’insectes ont été identifiées :
Lathridius minutus et Mycetea subterannea. Ils sont
habituellement associés aux denrées entreposées en décomposition. Il est toutefois dit que
ces insectes sont aussi présents dans des environnements naturels comme des caves et des
maisons humides.
Endomychidae
Un seul spécimen de cette famille a été
identifié, il s’agit d’un Mycetea subterannea. Il est
occasionnellement associé aux denrées entreposées dans des silos, les moulins, les entrepôts
et les caves. Il n’a pas d’effet direct sur les denrées puisqu’il se nourrit de champignons et de
moisissures. Toutefois, il est un indicateur que
les denrées sont moisies (Bousquet 1990 : 126).
Interprétation des résultats
Analyse des restes entomologiques de
l’échantillon 44B6
Le NMI fut calculé après identification
des restes entomologiques trouvés dans
l’échantillon. Sur les 275 parties trouvées, 103
ont pu être associées taxonomiquement à une
espèce de coléoptère. La distribution des parties d’insectes nous permet de calculer un NMI
de 61 coléoptères différents pour cet échantillon (Tableau 2).
La distribution des espèces de coléoptères identifiés pour cet échantillon est très diversifiée, ce qui permet d’obtenir des informations
sur la composition et l’utilisation de ces latrines
(Figure 3). D’autres insectes fournissent des
informations sur les conditions environnementales. La présence de nombreux Staphylinidae
(25 individus, 41 % de l’échantillon) permet de
croire que ces latrines devaient comporter une
grande partie de débris végétaux. Plusieurs
insectes de cette famille ont des niches écologiques comportant ce type de milieu, entre autres
les Aleocharinae, les Omalinae, les Staphylininae et les Anotylus. D’autres insectes, comme
46
Cryptophagidae
24%
Anobiidae
3%
Lathridiidae
18%
Curculionidae
2%
Cucujidae
2%
Staphylinidae
41%
Endomychidae
2%
Tenebrionidae
2%
Carabidae
1%
Hydrophilidae
5%
Figure 3 : Distribution des familles de coléoptères de l'échantillon 44B6.
Analyse des restes entomologiques de
l’échantillon 57C5
Le NMI a été calculé à partir de
l’identification des parties d’insectes trouvées
dans cet échantillon. Un total de 640 morceaux
d’insectes est présent dans cet échantillon. De
ce nombre, 425 furent associés taxonomiquement à une espèce, lorsque possible, ou à une
famille de coléoptères. Sur ce total, il est possible de compter un NMI de 211 coléoptères
(Tableau 3).
L’analyse des restes entomologiques a
permis de voir la diversité des familles
d’insectes trouvés dans cet échantillon; cette
répartition est illustrée dans la figure 5. Les
niches écologiques de prédilection de plusieurs
insectes portent à croire que les denrées entreposées dans ces lieux étaient infestées par des
insectes nuisibles. Ces denrées, une fois infestées, étaient très peu attrayantes pour la
consommation. Elles auraient donc été jetées
dans les latrines. Cette conclusion est envisageable en considérant les niches écologiques de
l’ensemble des insectes.
Figure 4 : Denrées alimentaires infestées par
des Curculionidae
(http://www.cmis,csiro,au/mediapix/IMPpes
tdatabase0402/BE0397.jpg, page visitée le 2
décembre 2008).
47
Curculionidae Cucujidae Carabidea Dysticidae
6%
1%
9%
1%
Hydrophilidae
11%
Lathridiidae
12%
Cryptophagidae
16%
Hysteridae
1%
Tenebrionidae
0%
Staphylinidae
26%
Anobiidae
15%
Dermestidae
1% Scarabaeidae
1%
Figure 5 : Distribution des familles de coléoptères de l'échantillon 57C5.
L’assemblage entomologique des latrines comporte un grand pourcentage (37 %) de
Staphylinidae et d’Hydrophilidae. Les insectes
de ces groupes préfèrent des milieux comportant de la matière végétale en décomposition.
De plus, les Hydrophilidae, incluant les Cercyon
analis, et les Dysticidae sont des insectes aquatiques, ce qui laisse supposer la présence d’eau
près du lieu où les débris furent disposés. Tout
comme pour les Curculionidae, il a été possible
de trouver des élytres de Cercyon qui étaient peu
sclérifiés, ce qui suggère qu’il y avait présence
d’eau (milieu dans lequel les Cercyon se reproduisent), ainsi que de la matière végétale en
décomposition. Disposer des denrées alimentaires n’était toutefois pas la seule utilisation de
ces latrines. Il est en effet possible d’affirmer
qu’elles étaient utilisées par les humains afin d’y
faire leurs besoins, puisque des insectes comme
Trox scaber et Gnathoncus rothundatus y ont été
trouvés. Ceux-ci ont, dans leurs préférences
écologiques, des milieux comportant de la charogne, mais aussi des excréments.
La proportion d’insectes associés à des
activités économiques, comme l’entreposage
des grains, est élevée et compose 26 % de
l’échantillon. Plusieurs Curculionidae, Anobiidae, Cucujidae et Tenebrionidae on été identifiés, dont certains au niveau de l’espèce : Sitophilus granarius, Sitophilus oryzae, Ptinus fur, Oryzaephilus mercator (Figure 6) et Tenebrio molitor.
Tous ces insectes sont fortement dépendants
de la présence humaine et d’entrepôts de nourriture, plus particulièrement de grains et de
sous-produits de grains, telle la farine.
Il est probable que la reproduction des
insectes avait lieu dans ces entrepôts puisque
certains élytres de ces insectes économiquement importants étaient peu sclérifiés. La sclérification des élytres se produit avec le vieillissement de l’insecte, ce qui implique qu’il y avait
présence de jeunes Sitophilus granarius et Sitophilus oryzae (Figures 7 et 8), des insectes qui ne se
reproduisent que dans le grain entreposé dans
les conditions climatiques en vigueur dans la
région de Québec. D’autres insectes viennent
appuyer cette hypothèse : il s’agit des Dermestidae et des Carabidae. Ces deux insectes sont
carnivores et se nourrissent d’insectes morts ou
mourants, ce qui laisse supposer une faune
48
entomologique assez développée pour supporter des prédateurs comme Pterostichus adistrictus
et P. coracinus, tous deux se nourrissant de stades larvaires d’insectes.
tris sont fortement hygrophiles, ce qui vient
renforcer l’hypothèse d’un point d’eau, hypothèse aussi suggérée par la présence des Hydrophilidae et des Dysticidae.
Discussion
En comparant les résultats obtenus par
l’analyse archéoentomologique de ces deux lots
des latrines, il est possible de voir des changements au du point de vue socio-économique
chez les gens qui habitaient le site.
Il semble que les habitants du site, lors
de l’occupation française, ont connu des difficultés sur le plan de l’entreposage des denrées,
ce qui a entrainé une infestation des denrées
entroposées. Le sédiment analysé provenant
des latrines permet de confirmer l’utilisation du
lieu, et cela, sur une période de temps donnée.
En effet, le lot 57C5 contient une grande quantité d’os d’oiseaux (1371), de fragments d’os de
mammifères (499), de mollusques (48), d’os de
poissons (16), ainsi que des fragments de céramiques diversifiées qui permettent d’associer
l’utilisation de ces latrines à la phase
d’occupation française. Toutefois, il est noté
dans le rapport d’Alberton que des fragments
de céramiques anglaises y ont été trouvés. De
plus, le scellement de ces latrines n’a été effectué qu’entre 1768 et 1775, durant l’occupation
anglaise. L’utilisation de ces latrines s’étend
donc de 1722 à 1768 (Alberton 2008 : 17-20).
La présence de plusieurs insectes dans
l’échantillon 57C5 démontre qu’une importante
faune associée à des infestations des denrées
alimentaires avait élu domicile dans les lieux
d’entreposage de cette période. Sitophilus granarius, Sitophilus oryzae et Ptinus fur peuvent causer
de grands dégâts à ces denrées, en plus de favoriser, de par leur activité métabolique
(Campbell 1989 : 224-225), des conditions
amenant d’autres types d’insectes nuisibles
comme les Cryptophagidae et Latridiidae, qui
se nourrissent des moisissures engendrées lors
de la dégradation des aliments (Bousquet 1990 :
80 et 129).
Les analyses de la seconde latrine,
44B6, indiquent que les modes d’entreposage
des aliments ont peu varié avec le changement
de régime. De nombreux insectes associés à
Figure 6 : Pronotum d'Oryzaephilus mercator.
Figure 7 : Élytres de Sitophilus granarius à
niveaux de sclérification différents.
La présence de plusieurs autres insectes
donne des indications sur les conditions environnementales dans le bâtiment où se trouvaient ces latrines. Plusieurs insectes des familles des Latridiidae et Cryptophagidae trouvés
dans cet échantillon, laissent supposer que le
lieu était humide, favorisant la croissance de
moisissures et champignons. D’autres insectes,
tels les Carabidae, sont de bons indicateurs du
milieu environnant le site archéologique. Les
insectes tels Bembidion versicolor et Patrobus lacus49
des endroits humides où les moisissures prolifèrent y ont été identifiés. En effet, des Cryptophagidae et des Latridiidae composaient une
part importante des insectes analysés. Toutefois, il semble que leurs denrées alimentaires
étaient en meilleur état que celles des gens vivant en cet endroit peu avant la transition, car
un faible nombre d’insectes nuisibles y ont été
trouvés, ce qui dénote de meilleures conditions
d’entreposage des aliments.
La composition du lot 44B6 est des
plus diversifiées. Un grand nombre de graines
d’espèces comestibles y ont été identifiées. Ces
mêmes graines composaient près de 45 % du
sédiment analysé. Étant donné la taille de ces
graines ingérables, il a été conclu qu’il s’agissait
de latrines (Ponton et Prévost 2005 : 94). Les
artéfacts (verre à vitre, céramiques diversifiées
et associées à l’alimentation, tissus, aiguilles,
bouteilles et autres contenants d’entreposage)
suggèrent une utilisation domestique de ces
latrines, il pourrait simplement s’agir d’une
fosse à déchets. La datation minimale, obtenue
grâce aux artéfacts, se situe aux environs de
1810, et la datation maximale vers 1820. Ces
latrines auraient donc été utilisées sur une période de 10 ans. Toutefois, selon Ponton et
Prévost (2005), la faible quantité d’os trouvé
(33) n’est pas cohérente avec l’utilisation des
latrines, où il était d’usage courant d’y disposer
des os (Ponton et Prévost 2005 : 94-95).
Lors des premières étapes de l’analyse
archéoentomologique, il a été possible de constater une différence majeure entre les deux
échantillons. Le nombre d’insectes trouvés et
analysés pour l’échantillon 57C5 est près de
quatre fois supérieur à celui de 44B6, pour une
quantité de sédiment analysés identique. Il serait possible de croire que cette différence est
attribuable à une préservation différentielle.
Cependant, en regardant l’état des éléments
anatomiques de l’échantillon 44B6, il est facile
de constater qu’ils sont dans un excellent état
de préservation. Des échantillons ayant une
préservation défaillante comporteraient des
restes d’insectes dont les des éléments anatomiques seraient fragmentés.
Figure 8 : Élytres de Sitophilus oryzae.
De plus, si l’on considère que
l’échantillon 57C5 fut associé à une utilisation
prolongée des latrines, ce qui est visible dans sa
composition entomologique, ses artéfacts et ses
écofacts, l’échantillon entomologique du lot
44B6 est inconsistant avec une utilisation prolongée des latrines. Les macrorestes botaniques
trouvés dans cet échantillon indiquent la présence de matière fécale, toutefois les insectes
associés à ce contexte ne semblent pas indiquer
un milieu de latrine. En considérant l’ensemble
de ces éléments, il paraît probable que la citerne récupérée pour être des latrines par les Anglais (Ponton et Prévost 2005 : 83-90) n’a été
utilisée que sur une très courte durée et, par la
suite, utilisée comme fosse à déchets. Cette
hypothèse est vérifiable par la composition de
50
l’échantillon entomologique, formé de décomposeurs et de très peu d’insectes associés à
l’homme, l’absence d’os et la quantité impressionnante d’artéfacts retrouvés dans ce lot.
En conclusion, pour pouvoir obtenir
un portrait plus complet de la situation socioéconomique de ce site, il serait important
d’analyser les autres lots de ces deux latrines,
cela afin de percevoir les variations durant toutes les périodes d’utilisation de la structure. Il
faut se rappeler que ces latrines ne sont qu’une
petite fenêtre temporelle sur l’occupation de ce
lieu. En analysant d’autres pièces associées à
ces époques, il serait possible de mieux comprendre le contexte socio-économique, les
conditions environnementales dans et autour
du site lors de ses différentes périodes
d’occupation.
Conclusion
Les résultats de cette analyse indiquent
une amélioration de la qualité des denrées alimentaires utilisées entre les deux époques, le
nombre d’insectes nuisibles en apportant la
preuve. Cette amélioration s’est faite sans toutefois changer les conditions dans lesquelles les
denrées étaient entreposées. Les lieux étaient
humides et peu appropriés à l’entreposage des
grains.
Tableau 2 : Distribution taxonomiques des insectes de l'échantillon 44B6.
Tête
Carabidae
Carabidea indet.
Hydrophylidae
Cercyon analis (Paykull)
Cercyon indet.
Tenebrionidae
Tenebrio sp.
Staphilinidae
Sepedophilus testaceus(Fabricius)
Micropeplidae indet.
Staphilininae indet.
Anotylus indet.
Aleocharinae indet.
Omaliinae indet.
Philontina indet.
Anobiidae
Ptinus fur(Linné)
Cryptophagidae
Atomaria spp.
Cryptophagus indet.
Cryptophagidae indet.
Latridiidae
Latridius minutus (Linnaeus)
Latridiidae indet.
Corticaria sp.
Curculionidae
Sitophilus granarius(Linné)
Cucujidae
Cucujidae indet.
Endomychidae
Mycetea subteranea(Fabricius)
Indeterminate species
Total
Pronotum
Élytre Droite
Élytre Gauche
NRe
NMI
1
1
1
4
1
2
1
1
1
1
9
2
25
3
4
1
1
6
2
10
2
3
1
4
2
2
3
4
3
6
9
9
3
8
4
5
7
4
12
2
2
7
2
1
1
2
1
1
1
2
1
1
1
2
105
1
62
1
1
2
1
1
1
6
2
8
1
10
2
3
2
1
1
2
2
4
1
1
8
1
1
3
3
2
2
1
1
1
51
Tableau 3 : Distribution taxonomique des insectes de l'échantillon 57C5.
Tête
Carabidae
Bembidion versicolor(LeConte)
Pterostichus adistrictus(Eschscholtz)
Pterostichus coracinus (Bonelli)
Patrobus cf. lacustris (Darlington)
Patrobus sp.
Bembidion sp.
Carabidea indet.
Dysticidae
Dysticidae indet.
Hydrophylidae
Cercyon analis(Paykull)
Cercyon indet.
Hydrophilidae indet.
Histeridae
Gnathoncus rotundatus(Kugelann)
Tenebrionidae
Tenebrio molitor (Linnaeus)
Staphilinidae
Quedius mesomelinus(Marsham)
Staphilininae indet
Philontina indet.
Omaliinae indet.
Aleocharinae indet.
Scarabaeidae
Trox scaber (Linné)
Scarabaeidae indet.
Dermestidae
Dermestes lardarius(Linnaeus)
Dermestidae indet.
Anobiidae
Ptinus fur(Linné)
Microbregma emarginatum
Cryptophagidae
Henoticus cf. Serratus(Gyllenhal)
Atomaria spp.
Cryptophagus indet.
Cryptophagidae indet.
Latridiidae
Latridius minutus(Linnaeus)
Corticaria sp.
Latridiidae sp.
Curculionidae
Sitophilus granarius(Linné)
Sitophilus oryzae (Linnaeus)
Curculionidae indet.
Cucujidae
Oryzaephilus cf. mercator(Fauvel)
Indeterminate species
Hemiptera indet.
Carpenter ant
Total
Pronotum
Élytre Droite
Élytre Gauche
NRe
NMI
1
3
1
3
2
1
1
2
13
1
3
2
1
1
1
4
3
2
1
3
2
1
1
3
4
2
1
1
1
6
4
2
1
3
1
14
4
14
1
29
10
8
14
4
6
1
1
3
1
1
1
23
56
10
2
25
13
28
6
1
8
6
1
2
1
1
1
1
1
96
2
30
1
2
9
6
16
1
13
7
4
1
5
10
1
1
21
28
5
8
1
7
1
2
2
6
1
1
21
1
19
1
30
26
9
6
16
16
2
17
6
33
14
10
3
10
25
2
9
14
16
1
6
25
1
16
1
1
3
3
11
2
1
439
6
1
1
219
2
2
6
1
1
1
1
2
9
2
1
3
2
1
1
1
1
6
52
2
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53
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec – Duval
LE CHERT À SAINT-AUGUSTIN-DE-DESMAURES :
COMPARAISON GÉOCHIMIQUE D’ÉCHANTILLONS EN
CHERT PROVENANT DU SITE ARCHÉOLOGIQUE CEEU-10
ET DE D’AUTRES SITES DE LA RÉGION DE QUÉBEC.
Isabelle Duval
2012, Université Laval
Rapport soumis à Michel Plourde et James Woollett
Résumé
Plusieurs sources de chert, similaires visuellement, sont présentes dans la région de Québec. Cette
étude tente de les différencier en se servant de la géochimie. Des observations et des échantillons
géologiques de plusieurs affleurements cherteux ont été récoltés. Des artéfacts retrouvés sur le site
de Saint-Augustin ont été comparés avec les sources de chert. Les résultats montrent que la source
de la plage Saint-Laurent aurait été utilisée, mais également d’autres affleurements encore inconnus.
Introduction
cherts. Les récents travaux sur le site (Vincent
et Plourde 2012 : 26) ont également permis de
dater l’utilisation des lieux entre 2285 ± 20 av.
p. et 2760 ± 15 av. p., soit au cour du Sylvicole
inférieur (1 000 et 400 avant notre ère) et de
mieux connaître l’approvisionnement en matière première dans la région de Québec à cette
période.
Cette étude débute avec une partie sur
la prospection, l’échantillonnage et l’étude du
contexte géologique des dix sources de chert
de la région de Québec. Elle présente ensuite,
les analyses par activation neutronique des
sources de chert et la différentiation géochimique de celles-ci entre elles. Enfin, ce rapport
termine en abordant brièvement l’identification
visuelle des artéfacts en chert et en se concentrant sur la comparaison statistique des résultats géochimiques des artéfacts avec les
sources.
Ce rapport présente les résultats
d’analyses et les interprétations préliminaires
concernant la provenance d’une partie de la
collection des cherts retrouvés sur le site de
Saint-Augustin-de-Desmaures (CeEu-10). Les
objets archéologiques de chert analysés proviennent principalement des saisons de fouilles
du chantier-école préhistorique de l’Université
Laval de 2010 et 2011. Ce rapport de recherche
fait suite à des analyses mégascopiques et géochimiques effectuées précédemment (Duval
2011b). Les analyses effectuées serviront à
amorcer l’identification des différents types de
chert présents sur le site et déterminer, si possible, une provenance précise aux artéfacts.
Les fouilles de Badgley (1986), de Marquis et Plourde (2011) et de Rousseau et
Plourde (2012) réalisées sur le site de SaintAugustin-de-Desmaures (CeEu-10) ont permis
d’analyser 89 m2. De cet espace fouillé, 88 898
objets lithiques ont été récoltés, dont 88 338
sont du débitage (éclats bruts) et 560 sont des
outils (objets façonnés). De plus, la majorité
(99 %) des objets lithiques retrouvés sont fabriqués dans un chert qui pourrait être local ou
provenir de la région de Québec. Ces nombreux objets lithiques apportent de nouvelles
données sur la chaîne opératoire de la taille des
Méthodologie
L’identification des cherts sur le site CeEu-10 a
été effectuée selon deux approches. Une première identification, visuelle et macroscopique,
a été réalisée sur toute la collection de 2011 par
une classification en type, visuellement similaire et homogène. Cette identification mégascopique qui subdivise la collection en différentes
54
grandes catégories de matière première a été
faite en 2010 par Isabelle Duval et en 2011 par
Vincent Rousseau. L’identification visuelle de
la matière première en catégorie sera validée
par un petit échantillon avec l’identification
géochimique. Cette méthodologie permet de
vérifier l’identification de la matière première et
d’extrapoler une provenance à toutes les catégories de matériaux de la collection.
L’autre approche préconisée pour
connaître la provenance des cherts est
l’identification géochimique. Cette technique
traduit les échantillons en données quantitatives. Elle est donc une technique d’analyse plus
objective afin de proposer une provenance à la
pierre. La technique d’analyse géochimique
privilégiée dans cette étude pour la provenance
des cherts de la région de Québec est l’analyse
par activation neutronique (INAA) telle que
décrite dans Duval (2009 : 43-48; 2011, 2011a).
Cette technique est utilisée afin de pouvoir
comparer et d'incorporer les échantillons avec
la base de données déjà existante pour les
cherts de la région de Québec. Cette technique
est également utilisée, car ses paramètres sont
bien connus et ses résultats sont stables. Ces
facteurs permettent de se concentrer sur la
compréhension du contexte géologique des
formations cherteuses de la région de Québec.
1994, 1999; Chapdelaine et al. 1995; Codère
1993, 1996, 1998; Duval 2009, 2011a; Gauthier
et al. 2012 ; Leclerc 2009; Marquis 1994; Morin
1997). Toutes ces études confirment la difficulté à caractériser adéquatement et surtout à distinguer les différentes sources de cherts verdâtres des Appalaches qui s’étendent de la
Gaspésie jusque dans l’état de New York. Cependant, les récentes recherches (Duval 2009 ;
Leclerc 2009; Gauthier et al. 2012) proposent
qu’il est possible de différencier les nombreuses sources de cherts appalachiens en appliquant des méthodes d’analyse très précises et
complémentaires, des critères discriminants
réfléchis en fonction du contexte géologique et
un nombre représentatif d’échantillons par
sources.
La base de données contient actuellement six sources caractérisées dans la région de
Québec pour un total de 18 échantillons géologiques (Figure 1). Celles-ci sont situées à la
Plage Saint-Laurent, à la Pointe Aubin, à la
décharge du lac Saint-Augustin-de-Desmaures,
à la Côte Dinan, à la Côte de la Montagne et à
un endroit inconnu (chert vert aqua). D’autres
sources de cherts que celles analysées en INAA
sont connues dans la région de Québec. Ces
sources se retrouvent principalement dans la
formation géologique de l’Olistostrome de la
rivière Etchemin. L’emplacement des différentes sources de cherts connues, ainsi que le
contexte géologique dans lequel elles se retrouvent dans la région sont présentés sur la carte
de la Figure 2. Ces sources ont surtout été étudiées de manière pétrographique par Morin
(1997). La base de données créée en INAA des
sources de cherts de la région de Québec (Duval 2009, 2011a) n’est pas encore représentative
de toute la variabilité des différents types de
cherts présents dans les sources, car le nombre
d’échantillons est encore trop petit. Un minimum de deux échantillons a été prélevé et analysé
sur
chaque
source
étudiée.
L’échantillonnage des sources doit être augmenté afin d’être supérieur ou égal à la variabilité présente dans les sources. Plus les sources
seront caractérisées, plus les chances d’associer
un artéfact avec celles-ci seront grandes.
Échantillonnage des sources de
cherts
Les cherts de la région de Québec sont
des cherts lités appalachiens. Ils se retrouvent
dans des couches ou des horizons géologiques
de l’Ordovicien moyen. Ils sont généralement
assez ternes et opaques. L’usage du terme chert
pour désigner toutes roches massives fortement siliceuses (mudstone siliceux, argilite siliceuse, etc.), à cassure conchoïdale, peu importe
leur nature ou leur composition exacte, est
répandu en géologie. Pour les archéologues, les
distinctions, même subtiles, entre les pierres
siliceuses sont importantes car celles-ci sont
liées aux propriétés clastiques de la pierre et à
la performance de la matière lors de la taille.
Les sources de cherts de la région de
Québec et aux environs ont été passablement
étudiées (Burke 2000; Chapdelaine et Kennedy
55
Figure 1: Photographie des échantillons géologiques de la base de données géochimique par INAA
des cherts de la région de Québec (prélevés en 2007, 2008 et 2010).
Figure 2 : Carte géologique des environs de Québec et localisation des sources de cherts verdâtres de
Québec (Duval 2011a).
56
Afin d’augmenter la compréhension et
l’échantillonnage des sources de cherts, les
sources de la décharge du lac Saint-Augustin,
situées autour du site CeEu-10, ainsi que celles
de la pointe Jean-Gros sur Plage Saint-Laurent
ont été visitées le 11 octobre 2010. Cette prospection a permis de mieux comprendre le
contexte géologique des blocs de cherts retrouvés autour de la décharge du lac Saint-Augustin
et de proposer une origine secondaire à ces
blocs dont le dépôt serait survenu lors d’un
épisode d’érosion-sédimentation d’une crue
glaciaire et du relèvement glacio-isostatique
vers 10 310 ± 60 av. p. (Duval 2011b).
En effet, selon les observations de terrain, il est possible de croire que cette source
soit une source secondaire, c’est-à-dire constituée de blocs et de fragments cherteux non en
place qui auraient été apportés par des niveaux
élevés du fleuve ou de la Mer de Champlain. La
dernière glaciation et l’invasion marine ont
façonné le paysage. Les dépôts de surface résultent de la dernière glaciation et de l’invasion
de la Mer de Champlain. Différents types de
sédiments sur différentes épaisseurs sont présents dans la région de Québec. Les dépôts
meubles présents sur la terrasse du site SaintAugustin-de-Desmaures (CeEu-10) recouvrent
les affleurements rocheux en place du cambroordovicien du domaine des Appalaches. Cette
matrice superficielle est composée de sédiments qui proviennent : de dépôts de marge
glaciaire, de fond marin avec un faciès d’eau
peu profonde de type littoral, prélittoral ou
d’exondation et d’alluvions de terrasses fluviales mises en place dans les anciens chenaux
du proto-Saint-Laurent marin (Bolduc et al.
2003; Lasalle et al. 1977; Occhietti et al. 2001).
Une lacune de sédimentation a été observée
par Occhietti et al. (2001) sur le site de SaintNicolas, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent.
Cette troncature reste à définir, mais équivaudrait à une phase érosive de 850 ans.
À la suite de cette érosion, il se serait
déposé, sur la terrasse du site de SaintAugustin, une blocaille de remaniement à 35
mètres d’altitude. Cet ensemble de blocs de
pierres diverses, daté de 10 310 ± 60 av. p., est
interprété comme le résultat d’un intense dé-
mantèlement des reliefs rocheux latéraux appalachiens par des chenaux de marées (eaux marines peu profondes et apports d’eau de fonte
glaciaire) à forte énergie (amplitude de marnage
entre 5 et 10 mètres) associé à une crue glaciaire (contemporaine de la moraine de SaintNarcisse) et au relèvement glacio-isostatique.
La sédimentation aurait ensuite été favorisée,
entre 10 300 – 9 775 av. p., à la suite
Figure 3 : Aperçu de l'archipel à l'entrée de la
Mer de Champlain, vers 10 500 av. p. Le niveau
marin correspond à la courbe de niveau actuelle de 90 m (Occhietti et al. 2001).
de la diminution de la profondeur du bassin,
principalement dans les lieux protégés par les
îles du seuil de Québec, devenu un détroit. Les
blocs de chert, retrouvés dans le sol de la terrasse du site de Saint-Augustin à ± 37 mètres
d’altitude, semblent faire partie de l’horizon de
blocailles et se seraient mis en place lors de cet
épisode d’érosion-sédimentation. Ces blocs
peuvent provenir de n’importe quelle source
ou lithologie cherteuse affleurant dans les limites de l’archipel d’entrée de la Mer de Champlain, c'est-à-dire en dessous de 90 mètres
d’altitude (Figure 3). L’étude du type de sol de
la terrasse du site de Saint-Augustin confirmerait le mode de formation de la terrasse et, par
le fait même, la mise en place des blocs de
chert.
Au total, 8 échantillons géologiques ont
été incorporés à la base de données géochimique sur les sources de cherts en 2011. La base
de données comporte maintenant vingt-six
échantillons géologiques provenant de dix
sources de cherts verdâtres appalachiens. Ces
échantillons sont décrits dans le Tableau 1. Ces
sources sont relativement toutes similaires vi57
suellement et macroscopiquement (10X). La
matière des sources varie entre des cherts, des
argilites siliceuses et des mudstones siliceux.
Cette matière est massive à légèrement laminée.
Elle peut présentée des factures et des veinules
et fréquemment des radiolaires. Ses teintes
varient de gris verdâtre claires à brun olive foncées. Elle peut également avoir une texture
unie à mouchetée.
Tableau 1 : Les échantillons géologiques (n=26) analysés en INAA provenant de dix sources de
cherts verdâtres appalachiens.
Formation
géologique
Source
Nombre
Localisation des échantillons
Description des échantillons
Formation de Les
Fonds
Plage Saint-Laurent,
pointe Jean-Gros,
Cap-Rouge
5
Pointe Jean-Gros, affleurements dans
l'estran avec au moins 3 grosses lithologies linéaires du coté est de la faille de
Cap-Rouge
Mudstones siliceux à cherts à radiolaires,
de couleur gris foncé verdâtre à noirâtre
mat, quelques fois avec de la pyrite
Formation de Les
Fonds
Plage Saint-Laurent,
pointe Deschambault, Cap-Rouge
4
Pointe Deschambault, affleurements dans
l'estran avec quelques très prtits ilots
cherteux du coté ouest de la faille de
Logan
Mudstone siliceux unis vert gris clair à
foncé de mat à cireux, avec inclusion de
minéraux opaque (pyrite )et beaucoup de
veinules de carbonates, de quartz et d'oxyde de fer
Formation de Les
Fonds
Pointe Aubin, SaintAntoine-de-tilly
2
Dans l’estran, du coté ouest de la Pointe
Aubin, affleurements avec au moins 4-5
lithologies semi-linéaires en îlots, du coté
est de la faille de Duberger
Argilites siliceuses à chert à radiolaires, de
couleur gris verdâtre mat à un vert clair
plus cireux, légèrement marbrés, traversés
de veinules métalliques (pyrite et autres
oxydes) et de calcite.
Formation de Les
Fonds
Décharge du lac
Saint- Augustin-deDesmaures
3
Des blocs cherteux (de 60cm et 150 cm)
dans la falaise du coté est de la décharge,
Mudstones siliceux à rares cherts à radiolaires, de couleur gris à gris foncé verdâtre
à brûnâtre mat.
Formation de Les
Fonds
Inconnue, chert vert
aqua
2
Lieu inconnu, provient de remblais de
construction dans la baie de Beauport
Cherts à radiolaires très siliceux de couleur vert aqua cireux, traversés de veinules d'oxides métalliques et de quartz.
2
En haut de la côte, au moins trois petites
lithologies linéaires très facturées se
détachant en blocs ovales
Cherts carbonatés à rares radiolaires de
couleur gris foncé à verdâtre clair mat,
marbrés plus foncés et traversés de veinules de calcite et de quartz
Formation de la
Citadelle
Côte Dinan, Québec
Formation de la
Citadelle
Côte de la Montagne, Québec
4
Dans le milieu de la côte, au moinsquatre
petites lithologies linéaires très facturées
se détachant en blocs ovales
Schistes argileux silicifiés à cherts à
radiolaires, souvent calcareux de couleur
gris verdâtre à vert grisâtre bleuté à éclat
mat, marbrés grossièrement gris foncé,
traversés de veinules de calcite, de quartz
et d'oxydes métalliques
Formation d'Etchemin du Groupe de Magog
Lac Etchemin,
Bellechasse
2
Prélevé par Vincent Lambert dans la
coupe type de Cousineau (1990) sur la
route de saint-Luc et Sainte-Blandine,
Mudstone siliceux vert gris clair avec
texture unis, faible litage et a cassure peu
concoidale
Formation de
Cabano
Lac Touladi, Témiscouata
1
Prélevé par Fredéric Hottin dans la carrière CkEe-26,
Chert à radiolaires, gris clair à foncé et
verdâtre, mat à cireux, unis parfois moucheté noirâtre, quelques veinules de quartz
et quelques carbonates (Leclerc 2009)
Formation de
Normanskill
Coxsackie, N-Y
1
Dans une carrière industriel près de la
source exploitée à la préhistoire
Cherts vert foncé à aqua cireux avec des
rubannement diffus gris foncé traversés de
quelques veinules de de quartz
58
Lors de la prospection de 2010, les
sources de cherts de la Formation de la Citadelle (Ordovicien inférieur à moyen), c’est-à-dire
celles de la côte Dinan (46° 48' 57.5" - 71° 12'
40") et de la côte de la Montagne (46° 48' 48" 71° 12' 13") ont été visitées et échantillonnées.
Un échantillon (no 4) de la côte de la Montagne a été inclus dans les analyses en 2011. La
localisation des quatre échantillons analysés
dans l’affleurement de la côte de la Montagne
est présentée sur la Figure 4 avec les lithologies
cherteuses identifiées. L’échantillon no 4 devrait représenter une troisième lithologie cherteuse présente sur la source de la côte de la
Montagne. Cet échantillon a été incorporé à la
base de données afin d’augmenter le nombre
d'échantillons de cette source et, par le fait
même, sa représentativité. Lors de la prospection, d’autres lithologies et zones cherteuses
ont été observées sur la source, mais ceux-ci
n’ont pas été analysés.
Figure 4 : Paroi rocheuse avec affleurement de cherts (en rouge) et la localisation des échantillons du
côté ouest de la côte de la Montagne, juste avant le tournant. (Photo par Duval 2011b).
Figure 5 : Cartographie des affleurements cherteux de la source de la Pointe Jean-Gros de la Plage
Saint-Laurent (Fond de carte satellite de Google 2011).
59
Par ailleurs, la prospection de 2010 a
permis d’approfondir le contexte géologique et
structural de la pointe Jean-Gros située dans la
Formation de Les Fonds (Ordovicien moyen et
supérieur). Cette source est composée de plusieurs îlots linéaires alignés le long de la faille
de Cap-Rouge d’environs deux mètres (Figures
5 et 6). Ces zones cherteuses ont été observées
dans la lithologie, appelée par St-Julien (1968 et
1995) Au5 ou « argile-à-blocs» (Figure 7), correspond à des interlits de shales calcareux et
des grès calcareux.
Figure 6 : Photographie de la Pointe Jean-Gros sur la Plage Saint-Laurent ainsi que d’un affleurement cherteux (Photo par Duval 2011b).
Figure 7 : Localisation des secteurs échantillonnés de la plage Saint-Laurent. Superposition de la
carte géologique de St-Julien (1995) et de la carte satellite de Google 2012.
60
L’analyse du contexte géologique de la
plage Saint-Laurent et de la pointe Jean-Gros
(46° 43' 50" - 71° 23' 40") a permis de proposer un nouvel emplacement où affleurerait du
chert sur la plage Saint-Laurent selon les données de St-Julien (1995) et de Morin (1997).
Une prospection et un échantillonnage sur le
terrain ont donc eu lieu à la pointe Deschambault (46° 43' 59" - 71° 22' 20"), le 25 novembre 2011. Tous les affleurements cherteux
trouvés ont été échantillonnés et cartographiés
à l’aide d’un GPS. À cet endroit, il y a effectivement quelques petits îlots de cherts linéaires,
dans l’estran, du côté ouest le long de la faille
de Logan (Figures 8 et 9). Également, quelques
petits îlots isolés affleurent du côté est et au
nord de la faille. Les affleurements et la position des échantillons ont été superposés à une
photo satellite sur laquelle on aperçoit les af-
fleurements rocheux dans l’estran. La source
visitée à la pointe Deschambault sur la plage
Saint-Laurent est beaucoup plus petite que
celle de la pointe Jean-Gros. Le matériel cherteux retrouvé du côté ouest de la pointe Deschambault ressemble visuellement à celui retrouvé à la Pointe Jean-Gros mais d’une qualité moindre. Au contraire, le matériel cherteux
retrouvé à l’est et au nord de la faille de Logan
est plus grossier et moins siliceux que celui de
la pointe Jean-Gros (Figure 10). Cette source a
été échantillonnée afin de voir s'il y a une différence avec les signatures chimiques des autres
sources de la région de Québec, notamment
avec celles de la Formation de Les Fonds
(pointe Jean-Gros et pointe Aubin), mais également afin de savoir s'il y a une différence de
composition des échantillons à l’est et au nord
d'avec ceux à l’ouest dans l'estran.
Figure 8 : Cartographie des affleurements cherteux de la source de la Pointe Deschambault de la
Plage Saint-Laurent (Fond de carte satellite de Google 2012).
61
Figure 9 : Échantillon no 3, en avant plan, et no 4, en arrière plan, de la pointe Deschambault sur la
Plage Saint-Laurent. Prospection et échantillonnage sur l’estran nord du fleuve Saint-Laurent en
novembre 2011 (Photo par Duval 2012).
Figure 10 : Photographie des échantillons géologiques du chert de la Plage Saint-Laurent à la pointe
Deschambault prélevés pour l’analyse géochimique en 2011 (Duval 2012).
Le contexte géologique de la plage
Saint-Laurent, situé sur la rive nord du fleuve,
suggère qu’il y a des affleurements cherteux le
long des failles principales comme celles de
Logan et de Cap-Rouge. Ce contexte est similaire à la source de la pointe Aubin (46° 41' 16"
- 71° 30' 20") située le long de la faille de Du-
berger, en face de l’autre côté du fleuve (Figure
1). La pointe Aubin, comme la plage SaintLaurent, est située dans la zone de para autochtone. Cette zone est la zone de failles imbriquées entre les Basses-Terres du Saint-Laurent
et les Hautes Terres des Appalaches. Il s’agit
d’une succession de grauwacke, de siltstone, de
62
shale, d’ardoise et de mélange nommée Formation de Les Fonds par Castonguay et al. (2002).
Dans son étude de la géologie de Québec, St-Julien (1968 et 1995) propose une origine olistostromale au secteur de la Pointe Aubin. Il décrit la lithologie dans laquelle se présentent des îlots cherteux comme des lambeaux
de bandes de mélanges qui seraient présents en
alternance, dans toute la zone para autochtone,
donc au front des nappes appalachiennes.
Beaulieu et al. (1980) et Comeau (2006) croient
plutôt que ces mélanges résultent de processus
sédimentaires et d’une activité tectonique localisée dans des zones de failles, ou le long des
plis de boudinage, d’imbrication et de chevauchement. Malgré les différences dans les explications sur l’origine de ces formations géologiques, les cherts de la région de Québec se
trouvent tous dans des mélanges dont les élé-
ments sont de natures différentes (blocs polygéniques). Le plan des lithologies de la pointe
Aubin (Figure 11) montre, comme dans les
pointes de la Plage Saint-Laurent, des petits
îlots cherteux (en rouge) qui affleurent en surface dans l’estran et qui sont relativement alignés à la faille de façon parallèle. Ce plan localise également les échantillons de la base de
données en bleu dans l’encadré pointillé.
En combinant ces informations, il est
possible de suggérer qu’il y aurait d’autres
sources de cherts, sur la rive nord du Saint
Laurent, le long de la faille de Duberger, et sur
la rive sud, le long de la faille de Cap-Rouge
(Figure 12). Ces sources seraient les équivalents
de la pointe Aubin et de la pointe Jean-Gros.
Une prospection sur le terrain pourrait facilement confirmer cette hypothèse.
Figure 11 : Carte géologique de la pointe Aubin et des assemblages lithologiques de la Formation de
Les Fonds (Comeau 2006 : 52, adapté de St-Julien 1968).
63
Figure 12: Carte du fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Saint-Augustin-de-Desmaures et de SaintNicolas localisant les zones propices à des mélanges géologiques tectoniques et des affleurements
cherteux le long des failles, selon le contexte géologique de St-Julien (1995). Fond de carte de Google
map 2012.
Cette année, d’autres sources de cherts,
extérieures à la région de Québec, ont été incorporées à la base de données. Ces autres
sources permettent d’entrevoir le contexte géologique global, mais surtout de savoir s'il y a
une différence significative dans les signatures
chimiques entre les sources de cherts de la région de Québec et les autres sources appalachiennes de cherts au Québec. Les sources de
cherts de La Martre (DhDn-8), de Saint-Annedes-Monts et de Rimouski sont aussi des cherts
gris-vert de clairs à foncés, souvent marbrés à
radiolaires. Ces sources ne sont pas présentement incluses dans l’échantillonnage. Les sources incluses dans l’échantillonnage de cette
année sont celles d’Etchemin et du Témiscouata.
La Formation d’Etchemin comprend
surtout des mudrocks volcanogènes et des volcanoclastites vertes. Cette formation fait partie
du groupe de Magog de l’Ordovicien moyen
(Cousineau 1990). Les échantillons recueillis
sont des mudstones siliceux à cherteux massifs
à grains fins à très fins de couleur verte qui
pourraient contenir des reliques de radiolaires
(Cousineau 1990 : 59; Cousineau et St-Julien
1994). Les échantillons (Figure 13) ont été prélevés dans Bellechasse par Vincent Lambert le
5 octobre 2011 sur la route Saint-Luc, SainteJustine entre Sainte-Sabine et le Lac Etchemin
dans la coupe de référence de Cousineau
(1990).
Figure 13 : Photographie des échantillons géologiques du chert d’Etchemin de Bellechasse
(Beauce) utilisés dans l’analyse géochimique
de 2011.
Le dernier échantillon incorporé à la
base de données est le chert nommé Touladi
par les archéologues et retrouvé au Témiscouata. Ce chert à radiolaires est mat à cireux. Il est
64
majoritairement de couleur grise claire à foncée
(Figure 14). Cependant, une petite variabilité
est verdâtre et est similaire visuellement aux
cherts de la région de Québec (Leclerc 2009).
Le chert Touladi fait partie de la Formation de
Cabano datée entre l’Ordovicien moyen et le
Silurien inférieur (David et al. 1985).
L’échantillon analysé (Figure 15) a été prélevé
par Frédéric Hottin dans la carrière MorinMartin (CkEe-26) située à 0,9 kilomètres du
côté ouest du Grand lac Touladi au Témiscouata. Les carrières, le contexte archéologique
et la composition du chert Touladi ont été amplement étudiés, surtout la carrière CeEe-28
(Burke et Chalifoux 1998). Plusieurs auteurs
ont même réalisé des analyses de provenance
géochimiques avec celui-ci (Burke 2000; Chalifoux et al. 1998; Chapdelaine et Kennedy 1999;
Leclerc 2009; Marquis 1994; Morin 1997). Les
résultats de ces analyses montrent une faible
distinction entre les sources verdâtres appalachiennes présentant des zones mitoyennes
entre-elles. Les résultats de la thèse de doctorat
de Burke (2000) indiquent une grande similarité
entre le chert Touladi et le chert de La Martre
ainsi qu’une considérable variabilité intrasource, ce qui rend les études de provenances
géochimiques et pétrographiques très difficiles
et incertaines. Toutes ces études font mention
des incertitudes des résultats à cause du faible
échantillonnage des sources. Il est aussi important de caractériser la variabilité totale des
sources pour réussir à les différencier avec un
bon degré de confiance.
Figure 15 : Photographie de l’échantillon géologique d’une variabilité verdâtre du chert Touladi affleurant au Témiscouata et utilisé dans
l’analyse géochimique de 2011.
En résumé, la prospection a permis
d’augmenter les informations concernant le
contexte de formation des sources de cherts à
proximité du site CeEu-10, mais également de
plusieurs sources situées dans les zones de
Humber et de Dunnage des Appalaches. Elle a
également permis de mieux comprendre le
contexte géologique des sources de cherts vertgris à radiolaires appalachiens retrouvées dans
différentes parties du Québec. Les sources de
cherts se sont formées dans un même paléoenvironnement (Figure 16). Elles font partie d’un
même ensemble d’unités géologiques du front
Taconien d’âge Ordovicien, appelé des Mélanges, retrouvées en association avec des
shales noires et verts et des roches carbonatées.
La diagénèse ou la formation des cherts est le
résultat de plusieurs processus de dissolutionprécipitation dont le principal paramètre est la
solubilité de la silice qui est contrôlée majoritairement par la température (Marin 2009 : 159160). Cet ensemble des Mélanges, dans lequel
figurent les sources de cherts (Figure 17), est
composé des Formations de Des Landes et du
mélange de Cap-Chat (Gaspésie, cherts de La
Martre et de Saint-Anne-des-Monts), de la
Formation Cabano (Témiscouata, chert de
Touladi), d’Etchemins (Beauce), du mélange de
la rivière Etchemin, de la Formation de Les
Fonds (Saint-Nicolas, Saint-Augustin, CapRouge) et de la Formation de la Citadelle
(Vieux-Québec), du chert Hathaway (lac
Champlain) et de Normanskill (New-York)
(Marquis 1994 : 1; Morin 1988 : 3; Burke 2000 :
215; Leclerc 2009 : 66).
Figure 14 : Photographie de la variabilité du
chert Touladi (CkEe-28) le plus fréquemment
rencontré. À gauche avec patine d’altération et
à droite en cassure fraîche polie (Leclerc 2009 :
71).
65
Figure 16 : Reconstitution paléogéographique du front appalachien (orogénèse Taconien) à la période Ordovicienne et expliquant la présence des Mélanges dans lequel le chert est présent (a) de sa
collision, (b) de sa subduction, (c) de son accrétion (accumulation et compression de sédiments marins) et (d) de son avancé jusqu’aux limites des promontoires (Cousineau et Longuépée 2003).
Figure 17 : Mélanges appalachiens du Québec le long de la ceinture de collision taconique (zone de
failles imbriquées) à Québec et le long des failles principales (Cousineau 1998).
Analyse géochimique des sources
le détaillé dans Duval (2009, 2011a et 2011b).
Cette technique, comportant des manipulations
simples, bien connues et sans ambiguïté, permet de se pencher sur la compréhension des
formations cherteuses. L’INAA est surtout
utile pour mesurer les terres rares, les éléments
Les analyses géochimiques des 26
échantillons provenant de dix sources de cherts
ont été effectuées par INAA au laboratoire de
géochimie de l’UQAC, selon le même protoco66
traces et quelques éléments majeurs dans des
teneurs de l’ordre du μg/g (ppm) (Figure 18).
L’irradiation se fait à l’École Polytechnique de
Montréal à l’aide du réacteur Slowpoke II et la
lecture des éléments chimiques se fait à
l’UQAC selon des standards comparables in-
ternationalement (Flem et Bédard 2002; Bédard
et al. 2008; Savard et al. 2006). L’irradiation des
matières très siliceuses comme le chert est
doublée pour augmenter la lecture des éléments chimiques.
Figure 18 : Diagramme bivarié démontrant les différences analytiques par des ellipses équiprobables
à 90 % entre l’ED-XRF, LA-ICP-MS et l’INAA. Ce diagramme démontre que l’INAA (élipse au centre) est la technique d’analyse géochimique la plus juste et précise (Speakman et al. 2002 : 53).
Le Tableau 2 présente les résultats non
transformés pour les 24 éléments chimiques
justes et précis. Les données sont présentées en
pourcentage pour les éléments majeurs et en
ppm pour les éléments traces. Le ± correspond
à l’erreur mathématique du logiciel EPA dont
les valeurs sont calculées selon le poids,
l’élément chimique et la matière analysée (Savard et al. 2006). La valeur (LD) représente la
limite de détection instrumentale en dessous de
laquelle la teneur n’est pas bien quantifiée par
la technique d’analyse par activation neutronique (INAA). Le LD correspond à 3,29 fois la
valeur de l’erreur (±) (Dany Savard, comm.
pers.). La base de données géochimiques obtenue possède quelques valeurs manquantes qui
représentent les teneurs les plus faibles, sous la
limite de détection instrumentale (LD). Celles-ci
ont été remplacées par la valeur calculée de 1
LD pour chaque élément. Selon Baxter (2003),
elles auraient dû être remplacées par 1,65 LD
(soit 55 % de 3LD = LQ). De plus, chaque
groupe d’analyses est accompagné d’un standard (KTP) qui permet une régularisation des
résultats géochimiques (LeBlanc et al. 2010).
Les données sont présentées sous forme de
diagrammes à bandes, par des analyses statistiques multivariables en composantes principales
(ACP) et avec plusieurs graphiques binaires.
L’analyse en composantes principales (ACP)
est la technique d’analyse statistique utilisée
dans cette étude pour comparer les données
géochimiques et a pour but de condenser et de
réduire les données. L’ACP représente les ressemblances entre les individus par rapport à
l'ensemble, par une projection de vecteurs linéaires calculés sur une matrice de covariances.
Les données ont été préalablement réduites
avant l’analyse. La sélection des éléments repose sur la normalité des résultats, préalables à
67
l’ACP, ainsi que sur les critères de justesse, de
précision et de mobilité des éléments chimiques.
Des diagrammes à bandes ont été créés
avec les 26 échantillons géologiques de cherts
provenant de dix sources de cherts verdâtres
appalachiens (Figure 19). Les concentrations
minimales et maximales des éléments obtenues
de chaque source par INAA ont été normalisées avec les valeurs du NASC de Gromet et al.
(1984) pour produire ces diagrammes sur une
échelle logarithmique.
Tableau 2 : Tableau de données des 26 échantillons géologiques analysés en INAA provenant de dix
sources de cherts verdâtres appalachiens.
Éléments
+/LD
Standard KPT
Sources de chert
Pointe Jean-Gros 1
Pointe Jean-Gros 2
Pointe Jean-Gros 3
Pointe Jean-Gros 4
Pointe Jean-Gros 5
Pointe Deschambault 1
Pointe Deschambault 4
Pointe Deschambault 5
Pointe Deschambault 6
Pointe Aubin 1
Pointe Aubin 2
St-Augustin 1
St-Augustin 2
St-Augustin 3
Chert vert 1
Chert vert 2
Côte Dinan 1
Côte Dinan 2
Côte Montagne 1
Côte Montagne 2
Côte Montagne 3
Côte Montagne 4
Témiscouata CkEe-26
Formation d'Etchemin
1
Formation d'Etchemin
2
Coxsackie
TiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO K2O
Sc
Cr
Co
Rb
Sb
Cs
Ba
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
0,01
0,03
0,94
0,02
0,07
14,60
0,01
0,04
11,83
0,01
0,03
0,14
0,1
0,4
1,7
(ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm)
0,01
0,5
0,1
1
0,01
0,04
6
0,04
1,6
0,3
3
0,03
0,14
20
23,94 139,0 73,8
56
9,57
3,86
436
0,18
0,25
0,25
0,26
0,29
0,21
0,19
0,44
0,22
0,25
0,13
0,16
0,23
0,29
0,10
0,09
0,15
0,23
0,23
0,23
0,15
0,16
0,13
4,15
8,40
4,89
9,40
9,34
6,12
5,05
8,52
4,77
6,95
4,99
3,95
6,48
7,32
3,27
2,06
3,90
7,52
5,91
5,72
4,51
4,61
5,19
1,75
5,84
3,55
6,75
6,75
2,28
2,13
2,14
3,18
3,89
4,29
2,46
4,87
5,15
1,40
0,63
3,15
0,76
2,58
3,28
1,70
1,92
3,36
0,92
0,09
1,11
0,07
0,05
0,12
0,03
0,62
0,04
0,39
0,49
0,09
0,09
0,08
0,09
0,09
0,86
0,09
0,09
0,15
0,14
0,03
0,13
0,5
0,9
0,7
1,3
1,2
0,8
0,7
0,5
0,4
1,3
0,6
0,5
0,9
1,1
0,9
0,4
1,0
1,5
1,1
0,9
0,8
0,5
0,7
5,96
8,68
5,61
8,97
9,91
5,68
4,54
3,86
2,09
7,59
4,43
3,77
5,61
7,39
3,37
1,70
5,61
3,56
4,68
4,58
4,95
3,42
5,51
21,2
29,4
23,7
34,6
34,7
27,6
39,4
22,5
12,7
34,5
19,1
18,5
28,5
33,8
15,8
10,1
23,4
27,0
38,8
36,2
20,6
18,5
15,8
17,7
29,5
17,7
39,2
31,4
8,5
7,9
3,1
8,0
15,9
4,6
8,1
8,0
12,5
14,6
10,3
5,0
2,3
12,9
5,0
12,2
3,1
13,4
33
40
32
56
50
37
32
5
3
51
24
17
34
42
32
15
28
62
43
34
28
24
21
0,53
0,25
0,23
0,33
0,24
0,23
1,44
0,09
0,21
0,58
0,63
0,44
0,34
0,30
0,82
1,78
0,22
0,31
0,39
0,25
0,38
0,22
0,46
1,46
1,59
1,47
2,70
2,05
1,32
1,17
0,26
0,14
1,85
1,05
0,85
1,36
1,84
1,43
0,70
0,97
2,64
1,63
1,39
1,08
1,00
0,92
253
228
297
236
204
241
461
73
99
313
371
233
319
253
210
231
64
116
479
493
434
533
468
0,20
11,07
1,76
0,08
0,7
8,62
12,1
2,6
25
1,00
0,50
345
0,23
7,47
3,82
0,14
1,2
6,50
32,6
10,6
21
0,15
0,14
575
0,14
3,90
3,00
0,09
0,7
3,18
17,4
26,1
23
4,81
1,29
253
68
Tableau 2 (suite)
Éléments
+/-
La
Ce
Nd
(ppm)
(ppm)
(ppm)
0,1
0,4
0,6
Sm
Eu
Tb
Yb
Lu
Hf
Th
U
V
(ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm)
0,01
0,02
0,02
0,01
0,00
0,05
0,04
0,03
1
LD
0,2
1,3
2,0
0,02
0,08
0,06
0,03
0,01
0,15
0,12
0,11
3
Standard KPT
25,8
54,3
21,3
4,46
1,20
0,68
2,55
0,39
3,76
6,42
1,59
211
9,8
14,6
10,4
17,2
19,2
13,9
9,6
13,2
13,5
15,4
7,7
8,5
11,5
16,4
7,1
3,6
6,4
8,5
10,3
9,2
10,5
6,2
6,9
31,4
45,8
24,8
37,9
46,8
35,0
16,8
30,4
38,3
51,2
24,8
18,9
23,0
36,2
27,4
13,9
21,5
16,9
28,5
27,8
28,7
15,0
17,5
10,1
15,7
8,3
13,0
15,2
10,8
3,5
11,5
16,1
16,8
9,5
8,3
9,1
13,0
8,7
3,8
7,1
8,6
8,6
6,6
9,8
3,3
6,0
2,32
3,06
2,31
2,96
3,25
2,65
0,93
3,45
7,56
3,32
1,95
1,75
1,89
3,00
1,95
0,90
1,73
2,05
1,50
1,56
2,79
1,12
1,46
0,48
0,70
0,55
0,65
0,73
0,59
0,27
0,97
2,35
0,75
0,45
0,47
0,45
0,73
0,45
0,23
0,42
0,55
0,32
0,33
0,73
0,28
0,35
0,30
0,44
0,27
0,39
0,38
0,11
0,06
0,06
1,20
0,43
0,27
0,21
0,20
0,39
0,27
0,14
0,29
0,24
0,19
0,20
0,48
0,16
0,06
0,81
1,12
0,92
1,11
1,23
0,93
0,83
1,65
1,61
1,15
0,75
0,71
0,76
1,24
0,56
0,34
1,02
0,84
0,68
0,77
1,34
0,59
0,61
0,12
0,17
0,12
0,15
0,16
0,14
0,02
0,22
0,22
0,18
0,11
0,11
0,11
0,17
0,08
0,05
0,16
0,11
0,11
0,12
0,19
0,08
0,08
0,97
1,32
0,94
1,42
1,52
0,94
0,98
7,09
7,99
1,47
0,82
0,84
1,24
1,63
0,55
0,31
0,75
1,13
1,38
1,24
0,83
0,79
0,57
2,71
3,69
2,77
4,31
4,49
2,61
2,38
3,41
4,43
3,85
2,64
2,08
2,97
3,93
1,71
0,95
2,18
2,51
3,18
3,17
2,32
2,11
1,32
1,01
0,45
0,62
0,54
0,63
0,44
5,65
1,29
1,17
0,60
0,48
0,36
0,39
0,73
0,29
0,15
0,40
1,28
0,52
0,52
0,62
0,30
0,20
63
44
32
46
44
37
179
26
11
37
32
19
41
32
18
7
33
43
34
37
30
23
35
7,8
25,2
4,7
2,57
0,44
0,62
4,10
0,57
2,92
3,51
0,86
20
12,1
29,5
7,6
2,17
0,51
0,07
1,18
0,18
0,89
2,87
0,74
56
7,8
27,3
7,6
1,62
0,36
0,21
0,52
0,08
0,78
2,21
0,54
23
Sources de chert
Pointe Jean-Gros 1
Pointe Jean-Gros 2
Pointe Jean-Gros 3
Pointe Jean-Gros 4
Pointe Jean-Gros 5
Pointe Deschambault 1
Pointe Deschambault 4
Pointe Deschambault 5
Pointe Deschambault 6
Pointe Aubin 1
Pointe Aubin 2
St-Augustin 1
St-Augustin 2
St-Augustin 3
Chert vert 1
Chert vert 2
Côte Dinan 1
Côte Dinan 2
Côte Montagne 1
Côte Montagne 2
Côte Montagne 3
Côte Montagne 4
Témiscouata CkEe-26
Formation d'Etchemin
1
Formation d'Etchemin
2
Coxsackie
69
Figure 19 : Diagrammes à bandes (spider diagram) des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. En haut à gauche : le minimum et le maximum de tous les dix sources de cherts analysées. En bas à gauche : seulement les
quatre sources de cherts provenant de l’extérieur de la région. En haut à droite : seulement les quatre
sources de cherts provenant de la Formation de Les Fonds de la zone parautochtone. En bas à droite : les deux sources de cherts provenant de la Formation de la Citadelle dans le Vieux-Québec.
Le premier diagramme, en haut à gauche, montre les variations de teneurs minimales
et maximales des dix sources de cherts analysées. Ces cherts sont tous relativement semblables dans le patron de leurs éléments chimiques. Ce graphique montre également que la
pointe Deschambault possède les variations de
teneurs les plus élevées pour les éléments à
droite du diagramme, et que l’antimoine (Sb), le
ytterbium (Yb) et le lutécium (Lu) semblent
être diagnostiques pour différencier les sources.
Le diagramme en bas à gauche montre les quatre sources de cherts provenant de l’extérieur
de la région, soit le chert vert de provenance
inconnue, la Formation d’Etchemin en Beauce,
la Formation de Normanskill, à Coxsackie dans
l’état de New-York, et la variété verte du chert
Touladi dans la Formation de Cabano dans le
Témiscouata. Ces quatre sources se démarquent de celles de la région de Québec par une
anomalie positive en Sb. Le chert vert, le chert
du Témiscouata et le chert de Coxsackie sont
relativement similaires et semblent se recouper
géochimiquement. La source de chert
d’Etchemin de la Beauce semble se démarquer
par sa teneur en Sb, en Barium (Ba) et en terres
rares légères (REE rare earth elements) soit le
terbium (Tb), le Yb, le Lu, le hafnium (Hf) et le
thorium (Th). Le digramme en haut à droite
montre les quatre sources de cherts provenant
de la Formation de Les Fonds de la zone parautochtone soit la pointe Jean-Gros, la pointe
Deschambault de la plage Saint Laurent, les
dépôts secondaires de la terrasse de SaintAugustin et la pointe Aubin de Saint-Nicolas.
Ces sources sont celles qui présentent le plus
70
grand écart des teneurs qui se traduisent par
une grande variabilité, particulièrement la pointe Deschambault dont les écarts des teneurs
sont à la fois les plus bas et les plus hauts. Plus
d’une lithologie semblent être présentes dans
les sources de la Formation de Les Fonds. Spécialement, la pointe Deschambault, qui semble
être la sub-source de la Formation de Les
Fonds, est la plus hétérogène. Enfin, en bas à
droite, un diagramme à bandes montre les deux
sources de cherts provenant de la Formation
de la Citadelle dans le Vieux-Québec, soit la
côte de la Montagne et côte Dinan. Ces deux
sources se démarquent l’une de l’autre par le
Ba, le cobalt (Co) et le manganèse (Mn).
Une première analyse statistique en
composante principale (ACP) a été effectuée
avec les éléments chimiques les plus justes et
précis en INAA mais également, représentatifs
de la provenance des cherts (Figure 20). Ces
éléments sont le scandium (Sc), le cobalt (Co),
l’antimoine (Sb), le baryum (Ba), le lanthane
(La), le cérium (Ce), le samarium (Sm), le ytterbium (Yb), le lutécium (Lu), le hafnium (Hf),
le thorium (Th), l’uranium (U) et le vanadium
(V). La variance exprimée par cette ACP est
seulement de 42 %, ce qui montre une grande
variabilité intra sources et une faible variabilité
inter sources. La Figure 20 montre cette même
ACP, mais avec différents domaines géochimiques délimitant les sources. Les ellipses équiprobables, représentant le domaine des sources, n’ont pas été calculées. Les regroupements
présentés par les ellipses pointillées sont à titre
indicatif, car ils aident à visualiser le domaine
géochimique des sources. Le graphique en haut
à gauche montre à quel point le domaine géochimique des sources de la Formation de Les
Fonds est large et recoupe le domaine des autres sources. Les autres sources se distinguent
les unes des autres à l’exception du chert
d’Etchemin qui recoupe la variabilité du chert
de la côte de la Montagne. Le graphique en bas
à gauche montre qu’il est possible de diviser la
source de la Formation de Les Fonds en deux
regroupements comprenant la pointe JeanGros avec la pointe Aubin et la pointe Deschambault avec la majorité deschantiilons de
Saint-Augustin. Les deux regroupements de
cette Formation se recoupent et recoupent
également en partie les autres sources, mais
permettent de distinguer le chert vert, le chert
de Coxsackie et celui du Témiscouata. Le graphique en haut à droite divise la Formation de
Les Fonds différemment, en lithologie distincte
l’une de l’autre. Un regroupement clair est visible à droite du graphique et représente une
même lithologie partagée entre les quatre subsources de cette formation. L’autre regroupement est formé par des extrêmes de chaque
sub-source. Celui-ci est large et recoupe les
autres sources de la région de Québec. Enfin,
le graphique en bas à droite montre les regroupements des différentes sources et leur niveau
de distinction entre elles en excluant les extrêmes de la Formation de Les Fonds. Ces différents recoupements montrent, qu’avec les extrêmes de la Formation de Les Fonds, la différenciation des sources de chert de la région de
Québec comporte une certaine incertitude.
Leclerc (2009) a démontré une certaine séparation des sources de chert Touladi du Témiscouata et de La Martre avec un graphique binaire Fe2O3 Vs Ba / (La+Ce). Ce même graphique binaire a été fait avec les 26 échantillons
des sources de cherts de la région de Québec
(Figure 21). Les résultats de ce graphique ont
été superposés sur celui de Leclerc. Normalement, la comparaison des résultats entre différentes techniques d’analyses est incertaine et
non recommandée. Cependant, l’ED-XRF,
utilisé au Laboratoire de Caractérisation Chimique des Matériaux Archéologiques de
l’Université de Montréal par Adrian Burke et
Gilles Gauthier et dont les résultats sont présentés dans Leclerc (2009), est assez précis
pour se comparer avec l’INAA. Une certaine
latitude de justesse est à considérer et est montrée par l’échantillon de chert du Témiscouata
(CkEe-26) qui est légèrement plus élevé en fer
que les résultats du chert Touladi (CkEe-28).
Cette différence en fer pourrait également résulter d’une légère variation entre les carrières.
Il est fort possible que la mesure du fer en
INAA soit légèrement différente de celle de
l’ED-XRF tout en étant précise dans les deux
techniques. Ce graphique nous apprend que les
sources de Touladi et de La Martre ont relati71
vement les mêmes domaines géochimiques que
les sources de la région de Québec. À l’extrême
droite, du chert Touladi semble se distinguer
des autres échantillons, mais il est possible que
le domaine de la côte de la Montagne s’étende
vers cette direction comme le montre
l’échantillon à l’extrême droite du graphique.
Les différentes sources de la région de Québec
se situent surtout entre la source de La Martre
et celle de Touladi à l’exception de la Forma-
tion de les Fonds qui recoupe presqu’en totalité
le chert de La Martre. Ce graphique montre
également que les sources de la région de Québec se distinguent les unes des autres, mais ont
quelques zones mitoyennes communes. Les
sources de la côte de la Montagne et de
l’Etchemin sont celles qui se superposent et se
ressemblent le plus.
Figure 20 : ACP des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. L’analyse statistique est effectuée avec 13 éléments chimiques
et couvre 41 % de la variance. Les quatre graphiques sont la même ACP mais avec des regroupements de provenance différents pour la Formation de Les Fonds.
72
Figure 21 : Graphique binaire avec les 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens et, en arrière plan, les résultats en ED-RXF
des carrières de Touladi (CeEk-28) et de La Martre (DhDn-8) (Leclerc 2009 : 111).
D’autres ACP ont été faites, mais cette fois-ci
afin de cibler uniquement les éléments chimiques diagnostiques des cherts à l’étude. Les
éléments diagnostiques des cherts qui ont été
ciblés s’inspirent des travaux de Boulanger et al.
(2006), Duval (2009), Julig (1995) et Leclerc
(2009). Plusieurs ACP ont donc été réalisées
avec les échantillons des sources et différentes
combinaisons d’éléments chimiques dans le but
de différencier le plus possible chaque source
et d’augmenter la variance totale représentée
par le graphique. Étant donné que la variabilité
intra source est élevée, il est difficile
d’augmenter la représentativité de la variance
dans l’analyse statistique. Pour diminuer
l’incertitude et augmenter la variance, le nombre d’échantillon par source devrait être augmenté. Le maximum de variance atteint pour
différencier les sources, tout en gardant les
sources groupées, est de 59 %. Deux différentes ACP (Figures 22 et 23) ont été faites avec
comme base le Ba, La, Ce, Nd, Yb, et Lu auquel on a ajouté le rubidium (Rb) pour la première ACP et le Sb et le Th pour la seconde.
73
Figure 22 : ACP des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. L’analyse statistique est effectuée avec sept éléments chimiques et couvre 59 % de la variance.
Figure 23 : ACP des 26 échantillons géologiques de cherts analysés en INAA provenant de dix sources de cherts verdâtres appalachiens. L’analyse statistique est effectuée avec huit éléments chimiques et couvre 59 % de la variance.
74
L’analyse statistique de la Figure 22
montre une bonne différenciation des sources,
sans zones mitoyennes. Les sources de la côte
Dinan, du chert vert de Québec et d’Etchemin
se différencient relativement bien. La délimitation de la source de la Côte de la Montagne est
faite en excluant le 4e échantillon qui semble
avoir, dans ce graphique, une valeur éloignée
du regroupement principal (outlier). Cette source est également très près de l’échantillon du
Témiscouata. Il est fort probable que, avec un
échantillonnage plus grand du chert du Témiscouata, les valeurs des deux sources se superposent du moins en partie. Également, la source de la Formation de Les Fonds se regroupe
bien et est représentative. Cette source est
grande et regroupe les sub-sources de la pointe
Aubin, de la plage Saint-Laurent (pointes JeanGros et Deschambault) et certains dépôts secondaires de la terrasse de Saint-Augustin.
D’autres échantillons de cette formation sont à
l’extérieur du regroupement principal. Ces cinq
échantillons semblent avoir des valeurs extrêmes ou une deuxième lithologie est présente
dans les sources de la Formation de Les Fonds.
Malgré ceci, il est possible d’attribuer une provenance à un échantillon si celui-ci tombe dans
la zone de délimitation des sources avec une
certaine incertitude.
La seconde ACP (Figure 23) explique la
même variance, mais délimite mieux les sources
entre elles. En haut à gauche du graphique, les
sources de l’extérieur de la région de Québec
(Coxscakie et Témiscouata) semblent vouloir
se démarquer des autres sources et se grouper
avec celle du Chert vert. Par ailleurs, cette foisci, le regroupement de la source de la côte de la
Montagne inclus les quatre lithologies échantillonnées. Cette source recoupe très légèrement
les sources de la côte Dinan et d’Etchemin.
Enfin, comme l’autre ACP, les sources de la
Formation de Les Fonds se regroupent et se
démarquent bien des autres sources. Certains
échantillons extrêmes de cette formation recoupent la source de la côte de la Montagne et
de la côte Dinan.
La méthodologie de cette étude a certaines lacunes, dont celle de manquer quelques
analyses complémentaires, mais surtout celle
d'avoir un nombre représentatif d’échantillons
par sources, c’est-à-dire environ 30 pour obtenir des résultats fiables. (Julig 1995; Luedtke
1992). Ce nombre peut être diminué à sept ou
à dix, s’il est associé à un échantillonnage représentatif de la variabilité de la source (Glascock 2004). L’ajout de huit échantillons dans la
base de données en INAA a permis
d’augmenter la caractérisation des sources de
cherts de la région de Québec en portant à 26
le nombre d’échantillons. La base de données
est donc plus représentative, principalement en
ce qui concerne les sources de la plage SaintLaurent de la Formation de Les Fonds dont les
échantillons forment un regroupement statistiquement valide qui montre l'étendue de la
variabilité. La prospection et l’échantillonnage
de nouvelles sources ont également permis de
mieux comprendre le contexte géologique des
sources de cherts et le problème inhérent au
matériau. La grande hétérogénéité du matériel,
la variabilité intra source et la faible variabilité
inter source rendent la caractérisation et surtout la différenciation des sources de cherts du
Québec très difficiles et justifient l’utilisation
d’une technique d’analyse comme l’INAA.
Identification et comparaison géochimiques des artéfacts
L’identification visuelle des cherts est
une identification préliminaire, car le taux
d’erreur associé à cette méthode est très élevé.
Il varie entre 25 % et 70 % (Calogero 1992;
Duval 2008; Hess 1996; Parish 2009 : 50).
L’identification géochimique des artéfacts en
cherts appalachiens gris verdâtre est elle aussi
souvent difficile, car la distinction entre les
différentes sources est très subtile et demande
une grande base de données. De plus, la plupart des artéfacts en cherts, à l’exception de
ceux très siliceux, se couvrent, sous l'effet des
intempéries et de l'acidité des sols, d'une patine
mate et sans éclat grise pâle ou beige et uniforme, ce qui masque les textures et les structures des cherts (Chalifoux et al. 1998 : 129; Chalifoux et Burke 1995 : 246; Codère 1998 : 38).
L’altération thermique transforme également le
chert et pourrait même modifier sa composition chimique (Luedtke 1992 : 101-102).
75
L’altération thermique est difficile à identifier,
car elle n’est pas toujours visible et dépend de
l’intensité de la chaleur et du refroidissement.
Ce processus peut se présenter sous différentes
subtilités, comme un lustre brillant, une porosité, des teintes rosées, blanchâtres ou très foncées ainsi que certaines formes d’éclatements
(Luedtke 1992 : 106-108; Parish 2009 : 57).
Les artéfacts ont été sélectionnés en
fonction des catégories mégascopiques identifiées lors de l’analyse macroscopique du matériel de 2010 et 2011, mais aussi en fonction de
la zone de la fouille. Des catégories mégascopiques avaient été ciblées en 2010 et elles sont
décrites dans le Tableau 3. Au total, cinq
échantillons archéologiques ont été analysés,
quatre de CeEu-10, deux par zone fouillée, et
un de CeEu-25. La localisation des échantillons
dans l’aire de fouille est présentée à la Figure
24. Une description mégascopique des échantillons archéologiques est présentée dans le
Tableau 4. Des photographies individuelles des
pièces sont présentées à la Figure 25. D’autres
pièces archéologiques provenant du site de
Saint-Augustin (CeEu-10) (Figure 26) avaient
déjà été analysées dans des études précédentes
(Duval 2009 et 2011a). À cette banque, seront
ajoutés d’autres artéfacts retrouvés dans la région de Cap-Rouge (Figure 27) afin
d’augmenter les données comparatives. Les
autres sites à l’étude sont les sites de CartierRoberval (CeEu-4), du vieux Cap-Rouge
(CeEu-18) et du lac Fossile (CeEt-789). Tous
ces artéfacts seront comparés à la banque de
données en INAA des sources de cherts de
Québec, présentée précédemment.
Tableau 3 : Catégories mégascopiques des différents cherts présents sur le site de CeEu-10.
Nom des catégories
A- Chert gris vert cireux
B- Mudstone uni brun verdâtre
C- Mudstone brun rougeâtre
D- Argilite grise et noire
E- Chert altéré
Description mégascopique des échantillons
Chert cireux, gris vert pâle avec des zonations centrifuges blanchâtres et des radiolaires.
Mudstone siliceux à zones cherteuses, brun verdâtre foncé, uni,
avec quelques inclusions de micas et de pyrites
Mudstone siliceux terne, brun moyen rougeâtre et noir, marbré ou
en contact, souvent fracturé selon des joints et présence de miroirs
de faille. Son cortex est grenu.
Argilite (très fine), poreuse et terne, grise et noire, unie ou avec des
taches grossières, avec des inclusions sphériques noires et blanches
(moins d’un mm) (probablement des radiolaires et des oxydes métalliques)
Chert-mudstone patiné et altéré, blanchâtre, beige à gris pâle.
76
Figure 24 : Localisation des fouilles sur le site de Saint-Augustin, des échantillons géologiques et
archéologiques analysés pour l’étude de provenance géochimique. Plan modifié de Michel Plourde.
Tableau 4 : Échantillons archéologiques (n = 5) en chert analysés en 2011, leur localisation et leur
description mégascopique.
Couleur
selon le
rock-colorchart
Caractéristiques macroscopiques (10X)
Cortex
CeEu10, Zone Chert appa3, 2763, lachien à
39N
radiolaires
81E, NE
Yellow gray
(5Y8/1) or
very pale
orange
(10YR 8/2)
et Light
greenish
gray (5GY
8/1) avec des
radiolaires
blancs
éclatants
Matrice très fine, de dureté
en haut de 7, avec une texture légèrement mouchetée
(brechique), de couleur gris
verdâtre pâle et gris blanc
bleuté pâle. Présence de
veines d’oxydes de fer (angle
d’environ 35 ou 50 degrés) et
des points groupés hétérogènes de minéraux opaques
(hématite, magnétite ou
pyrite?), également beaucoup
de radiolaires blancs éclatants.
CeEu10, Zone Chert appa3, 2766, lachien à
39N
radiolaires
81E, NW
De pale
yellowish
green (10GY
7/20 à Dusky
Yellow green
(5GY 5/2) à
moderate
Yellow green
(5G 5/2)
Matrice très fine, cireuse,
dureté élevée, massive, gris
vert pâle à foncé, de texture
légèrement mouchetée,
présence de quelques veines
d’oxydes de fer, de beaucoup
de radiolaires blancs éclatants bleutés et des points
groupés hétérogènes de
minéraux opaques (hématite,
magnétite ou pyrite?)
No
artefact
Matériau
Code de matériau
Technologie
Présence sur
un côté, en
partie distale
et proximale,
Homogène, semble
mince
légèrement chauffé
(1mm), brun
en totalité.
pâle rougeâtre à brun
foncé noirâtre
Exemple de C7
de Vincent
Rousseau, et
chert gris vert
cireux altéré
(A) Duval
(2011)
Éclat cortical
complet, court
et rond, peutêtre fabriqué
par percussion
bipolaire sur
enclume ou
percussion
directe.
Présence sur
un côté étroit
(gauche) qui
remonte
jusqu’au
talon, cortex
Pas d’altération
mince
(1mm), vert
très pâle
(light greenish gray
(5GY 8/1)
Exemple de C2
de Vincent
Rousseau, et
chert gris vert
cireux (catégorie A) Duval
(2011)
Partie proximale d’un éclat
cortical, par
percussion
directe.
77
Altération
CeEu10, Zone
1, 2619, Mudstone
38N
siliceux à
35E, SE, radiolaires
Ae (1520 cm)
CeEu10, Zone Chert à
3, 2762, Mudstone
39N
siliceux
81E, SE
CeEu25, 24,
8S, 9W,
SW, Ae
Mudstone
siliceux
De moderate
yellow green
(5G 5/2) à
dusky green
(5G 3/2)
Matrice moyennement fine,
mate, massive et unie, de
dureté de moins de 7 probablement 6 ou 6,5, présence
de quelques inclusions de
micas et minéraux opaques
(pyrite)
Light greenish gray
(5GY 8/1) à
pale green
(5G 7/2)
Matrice moyennement fine à
fine, mate à cireuse, massive
et unie, de dureté en haut de
7, présence de quelques
inclusions de micas, beaucoup de points noirs des
minéraux opaques (pyrite),
quelques veines d’oxydes de
fer avec angle de 50 degrés
et probablement quelques
radiolaires.
De very pale
orange
(10YR 8/2)
et grayish
orange
(10YR 7/4)
Matrice moyennement fine,
mate, massive, unie, de
dureté de moins de 7 probablement 6 ou 6,5, présence
de quelques inclusions de
minéraux opaques (pyrite),
de plusieurs veines de quartz
litées et probablement quelques radiolaires.
Sans cortex
À moitié altéré,
caractérisation
macro faite sur
partie non altérée.
L’altération se
traduit par la
matrice qui devient
gris blanc White
(N9) et very ligth
gray (N8) et dont
on aperçoit de la
bioturbation, enfin,
des points blancs
éclatants apparaissent (radiolaires).
Sans cortex
Altération de
surface qui pénètre
entre 2 et 5 mm
dans la pierre, cocentrique vers le
centre donc post
fracture. La couleur
de la matière
altérée varie de
moderate olive
78rown (5Y 4/4) à
yelloish gray (5Y
8/1) aux extremités.
Sans cortex
Semble altéré en
totalité et homogène, (peut-être
chauffé par un feu
de forêt) et fissuré.
La matière altérée
Matière spécifiest entre le grayish que à ce site
orange (10YR 7/4),
moderate orange
pink (5Y 8/4) et
pale grayish orange (10YR 8/6)
Figure 25 : Photographie des artéfacts analysés n 2011 de CeEu-10.
78
Exemple de
CaA frais à V.
Rousseau et
mudstone uni
brun verdâtre
(catégorie B) de
Duval (2011)
Éclat complet
gros et large
avec un gros
talon triangle,
un bulbe large
et haut, avec
grosse esquille,
sur côté droit et
petites retouches
d’utilisation.
Exemple de C1
frais à V. Rousseau et mudstone uni brun
verdâtre (catégorie B) de
Duval (2011)
Partie distale
d’un gros éclat,
esquille à
l’extrémité
distale, semble
avoir été utilisé
comme coin ou
obtenu par
percussion
bipolaire sur
enclume, pas de
retouches
intentionnelles,
peut-être
d’utilisation du
côté droit.
Parie distale
d’un mince et
large éclat,
partie distale
fracturée,
faibles retouches
d’utilisation sur
les deux bords.
Figure 26 : Photographie des artéfacts analysés précédemment de CeEu-10. En haut, deux échantillons provenant de la pointe (zone 1), analysés en 2008. En bas, les quatre catégories mégascopiques
des types de cherts analysés, ainsi que les échantillons utilisés pour l’analyse de 2010.
Des analyses géochimiques quantitatives ont été réalisées sur les artéfacts sélectionnés dans le but de connaître la provenance de
ceux-ci. Le même protocole a été appliqué
pour tous les artéfacts et pour tous les échantillons géologiques afin de comparer les données
entre elles. Les données quantitatives de tous
les artéfacts en chert sont présentées dans le
Tableau 5. La comparaison des données va
s’effectuer, en premier lieu, avec les artéfacts et,
en deuxième lieu, avec les sources de chert
potentielles.
Le premier graphique (Figure 28) permet de visualiser tous les éléments chimiques
analysés des artéfacts dans un diagramme à
bandes normalisé avec les valeurs du NASC de
Gromet et al. (1984). Le diagramme en haut à
gauche est réalisé avec les onze artéfacts de
CeEu-10 et de CeEu-25. Celui-ci montre que
les éléments chimiques des artéfacts sont assez
homogènes. Il fait également ressortir que les
artéfacts de la zone 3 (2763-C7 et 2766-C2) ont
des teneurs des éléments chimiques différentes
des autres artéfacts, mais similaires entre eux.
De plus, ces deux artéfacts ressemblent beaucoup, visuellement et géochimiquement, à la
catégorie A (3-A) qui représente le chert gris
vert cireux. Ces trois artéfacts proviennent de
la même source. Ils ont des teneurs des éléments chimiques qui suivent le même patron,
mais qui se démarquent des autres artéfacts par
leurs basses teneurs des éléments chimiques
particulièrement ceux des éléments des terres
rares. L’artéfact en argilite siliceuse grise (catégorie D) et celui de CeEu-25 se ressemblent
légèrement dans ce diagramme et se démarquent des autres principalement par leurs teneurs en fer et en cobalt. Le diagramme en
haut à droite est effectué avec les onze artéfacts
de CeEu-10 et de CeEu-25 et avec toutes les
sources de cherts analysées. Celui-ci montre
que les artéfacts en chert gris vert cireux (n =
3) ne correspondent à aucune source de la base
de données. Cette source est donc indéterminée. L’appartenance à une source est beaucoup
plus difficile à départager pour les artéfacts de
la catégorie D et de CeEu-25. Leur provenance
est donc incertaine. Les artéfacts de CeEu-10
qui semblaient similaires dans le graphique, en
haut à gauche, ont été isolés dans le graphique,
en bas à gauche, afin de valider leur homogénéité. Ces six artéfacts sont relativement similaires pour tous les éléments et surtout pour les
plus diagnostiques de la provenance, c’est-àdire les terres rares (La, Ce, Nd, Sm, Eu, Tb,
Yb et Lu). Seul l’artéfact CeEu-10 1-1 est légè79
rement différent. Ces artéfacts ont été comparés individuellement à toutes les sources de
chert analysées. Ce sont les sources de la région
de Québec (graphique en bas à droite) qui res-
semblent le plus aux six artéfacts de CeEu-10.
Ces artéfacts ont plus ou moins le même patron (minimum et maximum) que les sources
de la Formation de Les Fonds.
Figure 27 : Photographie des artéfacts analysés précédemment de CeEu-4, CeEu-18 et CeEt-789.
80
Figure 28 : Diagramme à bandes réalisé avec les résultats d’INAA de l'UQAC normalisés avec les
valeurs du NASC de Gromet et al. (1984) des artéfacts du site de Saint-Augustin (CeEu-10 et CeEu25) et des sources de chert. En haut à gauche : diagramme à bandes des onze artéfacts de CeEu-10 et
CeEu-25. En haut à droite : les onze artéfacts de CeEu-10 et CeEu-25 avec toutes les sources de chert
analysées. En bas à gauche : les six artéfacts de CeEu-10 pouvant provenir de la région de Québec.
En bas à droite : les six artéfacts de CeEu-10 et les sources de chert locales probables.
81
Tableau 5 : Table des données des 24 échantillons archéologiques des cherts analysés en INAA provenant de CeEu-10 Saint-Augustin (n = 10), de CeEu-25 Lac Saint-Augustin (n = 1), de CeEu-4 Cartier-Roberval (n = 10), de CeEt-789 Lac Fossile (n = 1), de CeEu-18 Vieux Cap-Rouge (n = 2).
Éléments
TiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO K2O
Sc
Cr
Co
Rb
Sb
Cs
Ba
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
+/LD
Standard KPT
0,01
0,03
0,94
0,02
0,07
14,60
0,01
0,04
11,83
0,01
0,03
0,14
0,1
0,4
1,7
(ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm)
0,01
0,5
0,1
1
0,01
0,04
6
0,04
1,6
0,3
3
0,03
0,14
20
23,94 139,0 73,8
56
9,57
3,86
436
Artefacts en chert
CeEu-10 3-A
CeEu-10 2-B
CeEu-10 2-C
CeEu-10 2-D
CeEu-10 1- 1
CeEu-10 1- 2
CeEu-10, 3-2763
CeEu-10, 3-2766
CeEu-10,1-2619
CeEu-10, 1- 2762
CeEu-4, 20B1
CeEu-4, 20B2
CeEu-4, 20B3
CeEu-4, 53A1
CeEu-4, 53A2
CeEu-4, 53A3
CeEu-4, 111A
CeEu-4, 93A1
CeEu-4, 93A2
CeEu-4, 87A
CeEu-25
CeEt-789
CeEu-18
CeEu-18
0,06
0,28
0,40
0,13
0,03
0,03
0,06
0,06
0,29
0,17
0,24
0,34
0,29
0,07
0,04
0,04
0,25
0,21
0,18
0,19
0,19
0,05
0,32
0,14
1,97
5,57
8,31
2,58
3,87
5,23
2,04
2,61
6,38
4,64
5,16
8,02
6,11
3,08
1,52
1,80
7,56
5,35
4,81
5,25
4,10
1,65
7,84
3,85
1,04
4,37
4,64
0,41
2,20
2,32
0,27
0,25
2,36
2,61
1,94
3,45
3,48
1,15
0,73
0,70
7,02
3,04
3,24
4,90
0,38
0,29
4,25
1,12
0,03
0,03
0,03
0,09
0,22
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,10
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,03
0,50
0,03
0,4
0,6
1,8
0,5
0,6
0,8
0,4
0,4
0,9
0,6
1,1
1,8
1,4
0,5
0,4
0,4
0,7
0,7
0,6
0,4
0,6
0,4
1,2
0,6
0,99
5,84
7,16
1,98
3,41
4,22
0,84
1,08
5,97
3,94
4,67
6,48
5,20
2,14
0,87
0,90
7,58
4,97
4,51
4,08
2,81
0,81
11,79
3,30
82
5,7
25,3
42,1
11,9
15,3
40,7
6,3
8,7
27,5
16,6
26,5
31,4
29,9
9,4
4,7
4,7
33,1
25,1
23,5
23,3
16,3
6,2
32,3
18,7
3,9
5,8
6,7
0,6
4,9
2,8
4,7
3,1
9,6
2,3
3,1
4,0
5,1
1,8
7,1
2,5
6,0
3,3
5,2
5,7
0,5
8,5
20,0
3,9
6
35
67
17
21
30
6
14
46
21
38
80
71
22
6
8
30
30
25
15
32
7
49
21
0,71
0,25
0,19
0,41
0,61
0,65
1,25
1,05
0,46
0,32
0,30
0,55
0,46
0,77
0,90
0,58
0,18
0,61
0,87
0,34
0,10
0,92
0,23
0,27
0,33
0,98
2,20
0,58
0,87
1,10
0,39
0,46
1,31
0,86
1,21
2,48
2,00
0,73
0,30
0,46
0,95
1,36
1,14
0,77
2,08
0,40
1,80
0,78
253
255
307
801
442
659
349
491
385
415
491
428
430
3514
570
1081
506
2056
2687
258
483
446
597
543
Tableau 5 (suite)
Éléments
+/-
La
Ce
Nd
(ppm)
(ppm)
(ppm)
0,1
0,4
0,6
Sm
Eu
Tb
Yb
Lu
Hf
Th
U
V
(ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm) (ppm)
0,01
0,02
0,02
0,01
0,00
0,05
0,04
0,03
1
LD
0,2
1,3
2,0
0,02
0,08
0,06
0,03
0,01
0,15
0,12
0,11
3
Standard KPT
25,8
54,3
21,3
4,46
1,20
0,68
2,55
0,39
3,76
6,42
1,59
211
Artefacts en chert
CeEu-10 3-A
CeEu-10 2-B
CeEu-10 2-C
CeEu-10 2-D
CeEu-10 1- 1
CeEu-10 1- 2
CeEu-10, 3-2763
CeEu-10, 3-2766
CeEu-10,1-2619
CeEu-10, 1- 2762
CeEu-4, 20B1
CeEu-4, 20B2
CeEu-4, 20B3
CeEu-4, 53A1
CeEu-4, 53A2
CeEu-4, 53A3
CeEu-4, 111A
CeEu-4, 93A1
CeEu-4, 93A2
CeEu-4, 87A
CeEu-25
CeEt-789
CeEu-18
CeEu-18
2,9
16,6
19,2
8,2
6,3
14,8
1,6
2,1
14,4
8,9
11,4
13,9
9,0
2,5
1,7
1,6
10,7
12,5
11,2
9,8
13,0
1,6
17,5
7,0
7,0
34,4
40,7
19,2
21,6
43,5
3,3
4,5
31,8
20,7
31,6
49,6
30,3
5,7
5,8
5,2
20,4
25,9
23,1
21,2
29,5
3,1
43,4
16,5
2,1
10,4
10,7
6,3
6,3
11,8
2,4
2,0
7,6
4,9
8,6
12,3
7,9
2,0
2,0
2,0
8,4
9,2
9,3
7,9
9,0
2,4
15,9
7,7
0,48
1,95
1,50
0,85
1,36
1,95
0,28
0,36
1,96
1,22
1,47
2,07
1,39
0,28
0,35
0,31
1,55
1,33
1,17
1,51
2,11
0,27
2,48
1,17
0,13
0,41
0,35
0,17
0,30
0,30
0,08
0,13
0,36
0,23
0,30
0,37
0,28
0,11
0,10
0,10
0,38
0,26
0,26
0,38
0,40
0,13
0,55
0,28
0,06
0,21
0,14
0,10
0,14
0,19
0,06
0,06
0,07
0,06
0,16
0,20
0,17
0,06
0,06
0,06
0,18
0,14
0,11
0,19
0,06
0,06
0,28
0,14
0,18
0,94
1,04
0,88
0,45
1,00
0,10
0,13
1,17
0,45
0,84
0,83
0,75
0,17
0,13
0,10
1,08
1,23
1,09
0,69
0,99
0,12
1,20
0,51
0,03
0,13
0,16
0,13
0,07
0,17
0,01
0,02
0,19
0,07
0,14
0,13
0,12
0,03
0,02
0,02
0,15
0,18
0,17
0,10
0,16
0,02
0,18
0,08
0,37
1,20
2,47
0,74
0,81
1,12
0,29
0,28
1,66
0,87
1,12
1,42
1,26
0,40
0,19
0,24
1,56
1,03
0,95
1,01
0,84
0,29
1,63
0,67
1,00
3,48
5,04
2,04
2,44
3,08
0,72
0,85
3,61
2,73
3,47
5,63
3,95
1,20
0,64
0,63
3,08
3,26
2,74
2,48
1,25
0,64
3,97
1,79
0,26
1,26
1,68
1,56
0,50
0,97
0,22
0,20
0,54
0,41
0,61
0,92
0,77
0,26
0,15
0,16
0,64
1,13
0,93
0,48
0,87
0,22
0,57
0,37
9
61
45
18
6
46
5
8
33
24
35
53
46
20
5
6
52
36
31
25
23
4
33
22
La première ACP est faite avec uniquement les artéfacts et les 13 éléments les plus
justes et précis (Sc, Co, Sb, Ba, La, Ce, Sm, Yb,
Lu, Hf, Th, U et V). Celle-ci explique une variance de 61% contrairement au même graphique faite avec les sources dont l’inertie totale
exprimée est seulement de 41 %. Les résultats
de ce graphique montrent que les artéfacts,
contrairement aux sources échantillonnées,
semblent avoir une bonne homogénéité.
Une autre ACP a été réalisée avec les
huit éléments chimiques qui ont permis de
dissocier, au mieux, les sources de chert (Sb,
Ba, La, Ce, Nd, Yb, Lu et Th). Le graphique de
la Figure 29 explique 90 % de la variance, ce
qui est très rare et montre une faible variabilité
dans les artéfacts. Les regroupements présentés
par les ellipses pointillées sont à titre indicatif.
Deux principaux regroupements ressortent de
cette analyse statistique. Le premier, en haut,
est représentatif de la catégorie A, le chert gris
vert cireux très siliceux et inclus les deux
échantillons de la zone 3 (2763-C7 et 2766-C2),
ainsi que l’échantillon de CeEt-789 et les trois
échantillons de l’opération 53A de CeEu-4. Ces
artéfacts semblent tous provenir de la même
source. L’autre regroupement, en bas à gauche,
est représentatif des catégories B et C qui sont
des mudstones brun verdâtre olive parfois légèrement rougeâtre. Ces deux catégories avaient
déjà été identifiées comme provenant de la
même source dans l’étude précédente. Sont
également inclus dans ce groupe les échantillons de la zone 3 (2762-C1) et deux échantillons de la zone 1 (2619-CaA). Ces échantillons
sont tous des mudstones siliceux, mats, unis
83
parfois marbrés, présentant des textures de
failles. Par ailleurs, la catégorie D, qui est une
argilite siliceuse poreuse grise et noire (Figure
30), ainsi qu’un échantillon de la pointe (zone
1) et les deux artéfacts de l’opération 93A de
CeEu-4 ne ressemblent à aucun des artéfacts
analysés et proviennent donc d’autres sources
indéterminées pour le moment. Enfin, les artéfacts des sites CeEu-18 et CeEu-25 semblent
légèrement différents du regroupement des
mudstones et leur provenance est incertaine.
Figure 29 : ACP des 24 échantillons archéologiques de cherts analysés en INAA et provenant de cinq
sites archéologiques différents. L’analyse statistique est réalisée avec huit éléments chimiques et
couvre 90 % de la variance.
Figure 30 : Présentation de deux artéfacts en mudstone siliceux noir et gris de CeEu-10. Ces artéfacts
représentent la catégorie D et proviennent d’une source indéterminée.
La comparaison des artéfacts retrouvés
sur le site de Saint-Augustin (CeEu-10) avec les
sources de chert de la région de Québec est
présentée par l’ACP à la Figure 31. Cette ACP
inclut les artéfacts des autres sites archéologiques pour un grand total de 50 échantillons.
84
Cette analyse multivariable a été effectuée avec
huit éléments utilisés précédemment et donnant les meilleurs résultats (Sb, Ba, La, Ce, Nd,
Yb, Lu et Th). La variance ou l’inertie totale
exprimée par cette analyse statistique est de 73
%. Ce graphique montre les regroupements
entre les sources et les artéfacts. Les ellipses
équiprobables représentant le domaine des
sources n’ont pas été calculées. Les regroupements présentés par les ellipses pointillées sont
à titre indicatif. Ces regroupements aident à
visualiser le domaine géochimique des sources.
Figure 31 : ACP des 24 échantillons archéologiques provenant de cinq sites différents et des 26
échantillons géologiques des dix sources de chert analysés en INAA. L’analyse statistique est réalisée avec huit éléments chimiques et couvre 73 % de la variance.
La Figure 31 est la figure principale
pour l’interprétation de la provenance.
D’abord, le regroupement d’artéfacts en chert
gris vert cireux (catégorie A) de CeEu-10 ne
recoupe aucune source (en haut à droite du
graphique). La provenance de ces artéfacts
(zone 3, 2766 et 2763) reste donc indéterminée.
Les sources qui s’approchent de ce regroupement sont le chert vert de provenance inconnue, un échantillon de la pointe Deschambault
de la plage Saint-Laurent et le seul échantillon
du chert Touladi du Témiscouata. Par contre
(en bas à gauche du graphique), les mudstones
verdâtres (catégories B et C), incluant fort pro-
bablement l’artéfact de la zone 1 (2619), se
recoupent avec les sources de la plage SaintLaurent. Cette grande source de la plage SaintLaurent comprend un affleurement à la pointe
Jean-Gros, un autre à la pointe Deschambault
et certains dépôts secondaires de la terrasse de
Saint-Augustin. Elle totalise actuellement neuf
échantillons géologiques. Les deux échantillons
de la pointe Aubin semblent être à l’extérieur
du regroupement, mais d’autres échantillons
seront nécessaires avant de confirmer cette
hypothèse et espérer une différenciation de
cette source avec la plage Saint-Laurent. Les
échantillons archéologiques analysés du site
85
CeEu-18 pourraient correspondre au domaine
géochimique de la côte de la Montagne.
L’artéfact de CeEu-25 pourrait également provenir de la côte de la Montagne, mais aussi de
la formation d’Etchemin. Un autre artéfact
(pointe 1-2) retrouvé dans la zone 1 de CeEu10 pourrait également provenir de la Formation d’Etchemin. Cependant, avant de proposer la côte de la Montagne ou la Formation
d’Etchemin comme provenance aux artéfacts,
un échantillonnage adéquat, représentatif de la
variabilité et statistiquement valable devra être
effectué sur ces sources. L’échantillon d’argilite
grise (catégorie D) se retrouve encore une fois
isolée, cette source est donc distincte des autres. Un artéfact analysé de la zone 3 (2762), se
retrouve à l’extérieur de toutes les sources
échantillonnées. Il est donc impossible de lui
proposer une provenance. Il est possible que
cet artéfact représente une variabilité ou une
source non échantillonnée. Enfin, ce graphique
montre que, jusqu’à maintenant, aucun artéfact
ne recoupe le domaine géochimique du chert
vert et de la source de la côte Dinan.
Plusieurs graphiques binaires en log10
ont été réalisés (Ce/Hf, Ba/Hf, Rb/Cr, Rb/Sc,
Sb/Nd, Nd/Lu et Nd/La) afin de vérifier et
valider les résultats des ACP et surtout tenter
de départager ou d’expliquer les zones grises de
l’analyse statistique. Les résultats de ces graphiques reviennent tous plus ou moins au même
que l’ACP présenté en figure 31. Ils accentuent
les différences entre les échantillons ou, au
contraire, regroupent tous les artéfacts et toutes les sources ensembles, à l’exception des
artéfacts de la catégorie A et des deux artéfacts
de la zone 3. L’ACP montre les résultats amalgamés de tous ces graphiques.
En résumé, la comparaison géochimique des
artéfacts entre eux a été très révélatrice. Les
diagrammes à bandes, ainsi que l’ACP ont
permis de voir qu’il y avait deux grands regroupements au sein des artéfacts. Le premier
groupe est composé de cinq ou six artéfacts qui
s’apparentent aux sources de la Formation de
Les Fonds de la plage Saint-Laurent. il s’agit
des mudstones mats, vert brunâtre souvent
foncés. Cinq des artéfacts de ce groupe se ressemblent beaucoup entre eux et s’assemblent
avec les artéfacts de CeEu-4 20B. L’autre groupe est composé des artéfacts de la zone 3 (2766
et 2763) et du chert siliceux, vert gris, cireux
(Figure 32) présentant souvent une altération
blanche beige (catégorie A). Ces trois artéfacts
sont très similaires et proviendraient fort probablement de la même source. Cette source
n’est pas dans l’échantillonnage et est donc
indéterminée. L’ACP et le diagramme binaire,
avec tous les artéfacts et toutes les sources, ont
confirmé la distinction du groupe des cherts
gris vert cireux. L’ACP a même joint à ce
groupe des artéfacts de CeEu-4.53A et de
CeEt-789. L’ACP a également montré que trois
artéfacts en mudstone sont distribués autour
du domaine des sources de la Plage SaintLaurent. Ce domaine des sources comporte
plusieurs échantillons (n = 9) et est validé statistiquement. Ces artéfacts en mudstone peuvent donc être considérés comme étant locaux.
Par contre, cette ACP a nuancé la provenance
des autres artéfacts du groupe des mudstones,
ainsi que de celui de CeEu-25 en les distribuant
autour de la source de la Côte de la Montagne.
Leur provenance est donc incertaine surtout
que ces artéfacts semblent recouper le domaine
géochimique d’autres sources extra régionales
comme celles d’Etchemin et du Témiscouata.
Enfin, les différentes méthodes de comparaison montrent que l’artéfact en argilite grise et
noire (catégorie D) est différent de tous les
autres échantillons analysés. Cet artéfact proviendrait donc d’une source non échantillonnée, donc une deuxième source indéterminée.
Pour conclure, même lorsqu’une signature
chimique d’un artéfact correspond à une source, sa provenance n’est jamais certaine tant que
toutes les sources potentielles aient été vérifiées
(Julig 1995).
86
sante serait de faire de la prospection à l’ouest
du site CeEu-10, principalement dans l’estran,
afin de trouver de nouveaux affleurements
cherteux aux endroits proposés. La découverte
de nouvelles sources augmenterait les connaissances sur l’exploitation des matières premières
et contribuerait à une meilleure représentativité
des sources de chert de la Plage Saint-Laurent.
Les résultats des analyses géochimiques
montrent que les deux artéfacts de la zone 3
(2766 et 2763) sont presque identiques. Ces
résultats confirment l’hypothèse que la catégorie megascopique C7 est la version altérée de
C2. Le chert gris vert cireux reste siliceux mais
devient blanc beige avec des petits points légèrement bleutés (radiolaires) lorsqu’il s’altère.
Ces deux artéfacts et celui de la catégorie A
proviennent vraisemblablement de la même
source. Cette matière aurait été utilisée en majorité dans la zone 3 qui est datée du Sylvicole
inférieur. Selon les résultats de l’analyse, ce
chert gris vert cireux de bonne qualité (catégorie A), semble également se retrouver sur le site
de Cartier-Roberval (CeEu-4.53A) et au site du
lac Fossile (CeEt-789). La source de ce chert
est encore indéterminée, car elle n’est pas dans
la base de données. Une autre piste de recherche à considérer serait de faire tester quelques
artéfacts de cette catégorie (chert gris vert cireux) par le Laboratoire de Caractérisation
Chimique des Matériaux Archéologiques de
l’Université de Montréal (Adrian Burke et Gilles Gauthier) afin de comparer ce chert à la
base de données en ED-XRF (chert Touladi,
de La Martre et autres), mais également afin de
valider l’homogénéité de cette catégorie.
L’analyse géochimique propose comme
provenance, pour les artéfacts de la zone 2 en
mudstone verdâtre (catégorie B et C) et pour
l’artéfact de la zone 1 (2619 CaA), les sources
de la Formation de Les Fonds et plus particulièrement de celles de la plage Saint-Laurent.
Les sources de la Plage Saint-Laurent sont : la
pointe Jean-Gros, la pointe Deschambault et
une certaine variabilité des dépôts secondaires
de la terrasse de Saint-Augustin. Les échantillons (n = 9) de ces sources forment un regroupement assez homogène, valide statistiquement, qui permet d’attribuer une provenance à
Figure 32 : Exemple d’un outil en chert vert
gris cireux (catégorie A) dont la source reste
indéterminée.
Conclusion
L’étude de provenance géochimique
des cherts est très complexe et la compréhension de ce matériel progresse à chaque nouvelle
étude. Les techniques d’analyses géochimiques
ne peuvent garantir une réponse juste, à tous
les coups aux questions de recherche posées
(Kendall 2010). Elles ouvrent cependant plusieurs avenues de recherche et apportent souvent d’autres informations ou d’autres hypothèses sur l’utilisation des ressources lithiques
dans le paysage.
La prospection sur le terrain et en cartographie a permis de cibler et d'échantillonner
de nouvelles sources qui ont conduit à une
meilleure compréhension du contexte géologique. Cette compréhension du contexte a permis de favoriser certaines hypothèses sur le
mode de formation des cherts et, indirectement, a facilité la détermination de provenance
des cherts. La contribution de cette étude se
situe principalement dans la caractérisation des
sous-sources de la Plage Saint-Laurent. Cette
étude
souligne
l’importance
de
l’échantillonnage des sources dans la détermination de la provenance des artéfacts. Les aspects importants lors de l’échantillonnage réalisé sont la cartographie des affleurements, la
détermination d’une partie de la variabilité physique et chimique et surtout la représentativité
statistique. Une avenue de recherche intéres87
ces trois artéfacts. Certains artéfacts de la zone
1 (pointe), de la zone 3 (2762-C1) et de CeEu25 ressemblent beaucoup visuellement aux
artéfacts en mudstone attribués à la plage SaintLaurent de la Formation de Les Fonds. Cependant, le diagnostique de provenance géochimique de ces artéfacts est incertain. Le principal
facteur occasionnant cette incertitude est
l’échantillonnage actuel qui n’est pas représentatif de toute la variabilité et qui est statistiquement invalide pour tenter de départager
adéquatement les mudstones des sources de la
Formation de Les Fonds et de la côte de la
Montagne. L’altération de la matière est également un facteur limitant dans l’identification de
la provenance. En effet, les artéfacts en mudstone se couvrent facilement d’une patine
d’altération, poreuse, beige, uniforme, pénétrante, qui modifie la composition chimique
(Gauthier et al. 2012). Enfin, l’argilite siliceuse
gris et/ou noire (catégorie D) provient elle
aussi d’une source indéterminée.
L’analyse géochimique d’un petit
échantillon a été réalisée afin d’entrevoir les
sources potentielles utilisées par les habitants
du site. Les résultats proposent que les sources
de chert de la plage Saint-Laurent de la Formation de Les Fonds ont fort probablement été
utilisées par les occupants de CeEu-10. Il y
aurait donc eu exploitation des matières premières locales sur le site de Saint-Augustin. En
effet, certains artéfacts en mudstone, retrouvés
sur le site CeEu-10, suggèrent que les sources à
proximité (environs 1,5 km) auraient été exploitées et que cette matière aurait été transportée et taillée sur le site. Même si l’appartenance
des artéfacts à des sources de chert locales est
vérifiée, il ne faut pas négliger la possibilité
d’échanges ou d’approvisionnement sur de
longues distances, car au moins deux sources
de cherts indéterminées ont servi à fabriquer
des éclats sur le site de Saint-Augustin.
Pour terminer, une étude de provenance débute par la caractérisation géochimique
des sources géologiques potentielles et, par la
suite, par la caractérisation des artéfacts selon
le même procédé. Des validations et des comparaisons sont nécessaires pour reconnaitre les
artéfacts qui correspondent aux sources échan-
tillonnées. De cette manière, les sources très
différentes chimiquement des artéfacts, ainsi
que la matière de mauvaise qualité, peuvent
être mis de coté afin de se concentrer sur la
caractérisation des sources utilisées durant la
préhistoire (Julig 1995). En se qui concerne les
sources de chert de la région de Québec, la
plage Saint-Laurent a été caractérisée avec cette
étude. Il reste néanmoins les sources de la
pointe Aubin et de la côte de la Montagne à
étudier ainsi que plusieurs autres sources ou
affleurements cherteux à découvrir.
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92
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec - Faucher
IDENTIFICATION D'UN MACRORESTE BOTANIQUE
CARBONISÉ, SITE ARCHÉOLOGIQUE ODANAK (CAFE-7)
Anne-Marie Faucher
2011, Université Laval
Analyse effectuée pour le Musée des Abénakis, Michel Plourde et Geneviève Treyvaud
Résumé
Un fragment d'épi de maïs carbonisé a été découvert lors d'une courte expertise archéologique sur le site Odanak (CaFe-7) en 2011. Cet épi, communément appelé Eastern Eight-Row, a été
trouvé en contexte historique (XVIIIe siècle). Il apporte des informations sur l'alimentation des Amérindiens d'Odanak à cette époque.
Introduction
séché avant la cuisson ou avant d'être moulu en
farine.
Les archéologues ont retrouvé le Eastern Eight-Row sur des sites archéologiques préhistoriques, le plus vieux datant d'environ 2
000 ans, principalement dans la partie nord-est
de l'Amérique du nord, c'est-à-dire
Ce court rapport vise à valider l'identification d'un macroreste botanique carbonisé
retrouvé sur le site Odanak (CaFe-7) à l'automne 2011. Ce reste était préservé dans une couche noirâtre, située sous l'actuelle église, contenant probablement du matériel organique carbonisé datant du XVIIIe siècle.
Résultats
L'identification a permis de déterminer
qu'il s'agit d'un fragment d'épi de maïs carbonisé (Figure 1). Le fragment d'épi ne possède
plus de grains attachés. D'un point de vue
morphologique, il représente la partie distale de
l'épi, mais sans l'extrémité. Il est long de 4 centimètres et possède huit rangs distribués en
paires (quatre paires). Son diamètre est de 1,8
et 2,2 centimètres respectivement à chaque
extrémité.
Figure 1 : Fragment d'épi de maïs retrouvé sur le
site d'Odanak (courtoisie de Dr. Michel Plourde).
Discussion
de la côte atlantique (New York et la NouvelleAngleterre) jusqu'en Ohio (Figure 2) (JaenickeDesprés et Smith 2006: 90). En Ontario, aucune autre variété de maïs n'a été trouvé sur des
sites préhistoriques. Puisque le site archéologique Odanak est situé près de cette grande région, il est logique que l'épi retrouvé appartienne également à cette variété.
Le contexte archéologique du XVIIIe
siècle à Odanak, comparativement aux contextes préhistoriques où cette variété de maïs est
généralement trouvée, ne cause pas de problè-
L'identification a permis d'attribuer ce
fragment à la catégorie Northern Flint ou Eastern
Eight-Row ou Eastern Eight-Row Flint (Zea mays
indurata). En archéologie, l'utilisation de la terminologie de Eastern Eight-Row est la plus répandue et s'applique principalement aux épis à
huit rangs, tandis que le Northern Flint comprend également les épis à dix rangs (Crawford
et al. 2006: 550). Cette variété de maïs possède
une structure externe solide, d'où son nom
Flint (silex). Ce type de maïs est généralement
93
me quant à la validité de son identification. En
effet, cette variété de Eastern Eight-Row semble
avoir été cultivée bien après l'arrivée des Européens, par exemple aux États-Unis où il était
ensuite envoyé sur l'ancien continent (e.x.:
Brown et Anderson 1947: 20). Ce n'est qu'au
XIXe siècle que les Américains ont commencé
à hybridiser cette variété afin de produire le
maïs moderne que l'on consomme aujourd'hui.
Lors de cette pratique d'hybridation, la morphologie du maïs se transforme, et donc, ce
dernier ne possède plus ses principales caractéristiques initiales, ici ses huit rangées diagnostiques.
d'Odanak. Ce site semble prometteur, particulièrement pour la découverte d'autres fragments archéobotaniques (macrorestes) carbonisés.
Bibliographie
Brown, W. L. et Anderson, E. 1947. The
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Missouri Botanical Garden 34, 1-20.
Crawford, G. W., Saunders, D. et Smith, D.
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Staller, R. Tykot et B. Benz (éds.), Histories
of Maize: Multidisciplinary Approaches to the
Prehistory,
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Jaenicke-Després, V. R. et Smith, B. D. 2006.
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Archaeological and Genetic Approaches
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83-95, dans J. Staller, R. Tykot et B. Benz
(éds.), Histories of Maize: Multidisciplinary
Approaches to the Prehistory, Linguistics,
Biogeography, Domestication, and Evolution of
Maize. Burlington: Elsevier.
Figure 2 : Exemple de spécimens Northern Flint
(Eastern Eight-Row) découverts sur le site de Gibraltar, au Michigan. Image issue de Brown et
Anderson (1947: plate 6).
Conclusion
Ce bref rapport d'identification confirme donc la présence d'un fragment d'épi de
maïs de la variété Eastern Eight-Row sur le site
d'Odanak. Cette première identification du
genre sur le site vient approfondir les connaissances alimentaires des Amérindiens d'Odanak
au XVIIIe siècle à l'extérieur de la traditionnelle
zone comprenant l'Ontario, l'Ohio, le Michigan, la Pennsylvanie, la Nouvelle-Angleterre et
New York. Lors des fouilles à venir, d'autres
analyses archéobotaniques, avec une stratégie
systématique, sont à privilégier sur le site
94
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec - Faucher
QUARTIER DES SPECTACLES, MONTRÉAL. ÉTUDE
ARCHÉOBOTANIQUE DU SITE ARCHÉOLOGIQUE BJFJ148, DES OPÉRATIONS 1 ET 2 ET DE LA SUPERVISION
ARCHÉOLOGIQUE MTL08-25-03, SOUS-OPÉRATION
3B.
Anne-Marie Faucher
2011, Université Laval
Analyse effectuée pour Archéotech Inc.
Résumé
Le quartier des spectacles à Montréal a fait l'objet de différentes interventions archéologiques
et des échantillons de sol ont été prélevés. L'analyse archéobotanique qui en a été fait avait comme
objectif d'évaluer le potentiel de préservation des macrorestes sur le site, ainsi que d'apporter de
nouvelles informations quant à la nature des contextes à l'étude. Les résultats ont permis d'approfondir les connaissances sur l'environnement adjacent, profondément modifié par l'homme.
Introduction
que des échantillons prélevés sur le site BjFj148 et lors de la supervision MTL08-25-03 et
d'en faire l'interprétation. Les objectifs sont de
1) vérifier la présence ou l'absence de graines
dans les sols prélevés lors des interventions
archéologiques (évaluation des échantillons) et
2) effectuer une analyse archéobotanique complète des échantillons positifs (à la suite de
l'évaluation), afin de préciser la nature des
contextes à l'étude et d'en interpréter les résultats.
Le site archéologique BjFj-148 et la
supervision archéologique MTL08-25-03,
Quartier des spectacles, sont localisés en milieu
urbain à Montréal. Avant l'assèchement du
secteur au cours du XIXe siècle, le site était
situé en milieu rural près d'un ruisseau aux
abords marécageux. Une zone agricole ainsi
que des vergers étaient également présents à
proximité. Le site a récemment fait l'objet d'interventions archéologiques par la firme Archéotech inc. où plusieurs échantillons de sol y
ont été prélevés. Ces échantillons proviennent
de trois interventions différentes : 1) une surveillance à la jonction des rues Jeanne-Mance
et Sainte-Catherine, MTL08-25-03, sousopération 3B (QDS08-3B), 2) un inventaire
dans le parc Albert-Duquesne, opération 1
(QDSAR-IA-01) et 3) un second inventaire
dans le parc Albert-Duquesne, opération 2 du
site BjFj-148 (QDSAR-IA-02). Ce rapport présente les résultats obtenus lors de l'analyse archéobotaniques de ces échantillons de sol (macrorestes de graines).
Méthodologie
Un total de douze échantillons de
moins d'un litre ont été évalués pour leur potentiel archéobotanique. Ces échantillons proviennent de sols où les macrorestes ont pu se
préserver en milieu anaérobique, c'est-à-dire
par le moyen de l'imbibition. Le Tableau 1 illustre la matrice du sol pour chaque échantillon
étudié. Afin de ne pas abîmer le matériel archéobotanique lors du lavage des sols, il a été
décidé, à cause de la forte présence d'argile et
de limon, que les échantillons devaient tremper
dans une solution d'eau et de bicarbonate de
soude pendant 3 jours pour séparer les agrégats
argileux/limoneux.
Objectifs
Le but de cette analyse est de déterminer le contenu de l'assemblage archéobotani95
Tableau 1 : Description de la matrice des sols des douze échantillons.
Contexte
Description de la matrice
QDS08-3D couche 14
Limon brun foncé, organique
QDSAR-IA-01 8E-A5
Argile limoneuse gris verdâtre
QDSAR-IA-01 8E-A12
Argile limoneuse gris verdâtre
QDSAR-IA-01 8E-A13
Argile limoneuse verdâtre
QDSAR-IA-01 8E-A14
Sable fin gris moyen légèrement bourgogne
QDS09-2A 9D-A6
Limon organique brun grisâtre foncé
QDS09-2A 9D-A16
Limon argilo-sableux verdâtre moucheté de limon gris foncé
QDS09-2A 9D-A21
Limon argileux gris bleuté
QDS09-2A 9D-A23
Argile gris verdâtre avec sable
QDS09-2A 9D-A25
Argile gris verdâtre avec sable moyen à grossier
QDS09-2A 9D-C5
Limon organique brun foncé
QDS09-2A 9D-C12
Limon argileux ocre brun marmorisé
Résultats et interprétations
Le lavage des échantillons a ensuite été
réalisé en suivant la méthode de flottation manuelle en utilisant des tamis géologiques de
1mm, 500µm et 250µm pour recueillir un
maximum de graines (Pearsall 2000). Les fractions obtenues (légère et lourde) ont par la
suite été séchées. La fraction lourde a été triée
sous une lampe binoculaire pour vérifier la
présence de graines qui n'auraient pas flottées
durant le lavage.
La fraction légère a été triée et identifiée à l'aide d'un microscope binoculaire à faible grossissement. Les outils de références utilisés pour l'identification des restes comprennent une collection de référence de Parcs Canada (Laboratoire d'archéologie environnementale, Université Laval), le livre de référence
Digitale Zaden Atlas (Cappers et al. 2006) et le
site internet USDA Plants (United States
Department of Agriculture 2011). La nomenclature des espèces suit celle de Clapham et al.
(1989) pour les espèces introduites d'Europe et
de Frère Marie-Victorin (2002) pour les plantes
natives du continent américain. Les caractéristiques écologiques des espèces proviennent
d'ouvrages de référence tels que Frère MarieVictorin et al. (2002) et Grime et al. (1988).
Les résultats sont exposés en deux sections. Les résultats de l'évaluation du potentiel
est présentée en premier lieu. Elle est suivie des
résultats et des interprétations de l'analyse des
macrorestes.
Évaluation du potentiel
Les résultats de l'évaluation du potentiel sont présentés sous la forme « présence/absence ». Le résultat du tri de la fraction
lourde est illustré dans le Tableau 2. Ce tri a
confirmé que toutes les graines présentes dans
les échantillons ont flotté durant le procédé de
lavage. Les diverses inclusions trouvées peuvent à la fois aider l'interprétation archéobotanique, ainsi que la compréhension des contextes archéologiques.
Le résultat du tri de la fraction légère
(Tableau 3) démontre la présence de graines
dans quatre échantillons (8E-A5; 9D-A6; 9DC5; 9D-C12). D'autres échantillons ont également des graines, mais la plupart sont des graines de fougères dites cenococcum appartenant à
l'orde des Polypodiaceae. Ces dernières ne sont
pas identifiables au genre ni à l'espèce, donc
mise à part la notation de leur présence, elles
ne peuvent pas intervenir plus précisément
dans l'interprétation archéobotanique des
contextes. Les résultats démontrent également
96
que la préservation des graines s'est effectuée
uniquement par la méthode d'imbibition, car
aucune graine carbonisée n'a été recueillie mal-
gré la présence de charbons de bois (donc de
potentiel de préservation par carbonisation)
dans quelques uns des contextes étudiés.
Tableau 2 : Résultat du tri de la fraction lourde.
Contexte
Volume traité (mL)
Volume restant (mL)
Inclusions dans la fraction lourde
QDS08-3D couche 14
275
30
Charbon de bois 1%
QDSAR-IA-01 8E-A5
300
20
Ø
QDSAR-IA-01 8E-A12
250
15
Ø
QDSAR-IA-01 8E-A13
250
10
Ø
QDSAR-IA-01 8E-A14
200
10
Ø
QDS09-2A 9D-A6
350
30
Charbon de bois 2%
QDS09-2A 9D-A16
850
225
Métal 10%
QDS09-2A 9D-A21
700
175
Métal <1%
QDS09-2A 9D-A23
850
350
Charbon de bois <1%; Fragment d'os indéterminé <1%
QDS09-2A 9D-A25
550
200
Ø
QDS09-2A 9D-C5
300
30
Insectes <1%
QDS09-2A 9D-C12
475
100
Métal 30%
Analyse et interprétation
Afin de mieux comprendre les assemblages archéobotaniques, il est important de
bien diviser les plantes (graines) en catégories
distinctes de manière à déterminer lesquelles
sont à caractères écologique et/ou économique. Les différentes catégories utilisées dans ce
rapport sont les suivantes. Il y a les plantes
économiques dont font généralement partie les
céréales (blé, avoine, orge, etc.), les plantes
comestibles (fruits, légumes, légumineuses,
noix) et les mauvaises herbes liées exclusivement à l'agriculture. Les autres plantes et mauvaises herbes (plantes médicinales, ornementales, fleurs, etc.), ainsi que les arbres et les arbustes sont habituellement des indicateurs écologiques. Il est important de bien déterminer le
contexte archéologique de l'assemblage avant
l'interprétation puisque certaines espèces peuvent appartenir à ces deux catégories dépendamment de la nature de leur présence, soit
naturelle ou anthropique (agriculture, jardins,
vergers, etc.).
L'analyse des macrorestes de quatre
échantillons positifs (1) QDSAR-IA-01 8E-A5,
2) QDS09-2A 9D-A6, 3) QDS09-2A 9D-C5 et
4) QDS09-2A 9D-C12) a été réalisée (Annexe
1). L'échantillon QDSAR-IA-01 8E-A5 (Tableau 4) comprend 20 graines avec un total de
9 taxons identifiés. La diversité de cet échantillon est assez élevée bien qu'il n'y ait pas d'espèces dominantes dans cet assemblage puisque
seules quelques graines, parfois seulement une,
sont présentes par taxon. Les plantes herbacées
sont majoritaires avec seulement deux taxons
appartenant à un arbuste (Sambucus canadensis
L.) et à un conifère (épine indéterminée). Les
espèces identifiées possèdent des caractéristiques appartenant à un environnement au sol
plus ou moins riche et humide, ainsi qu'à un
terrain généralement ouvert, c'est-à-dire sans
couvert arboricole dense et imposant. Cet environnement semble avoir été aménagé ou bouleversé, en tout ou en partie, par l'humain puisque certaines espèces présentes priorisent habituellement des zones habitées ou cultivées. Les
résultats indiquent que cet échantillon provient
d'un contexte européanisé, car le taxon Euphorbia helioscopia L. est une introduction eurasienne. L'occurrence de seulement cinq graines de
Rubus sp. à travers l'assemblage n'est pas significatif d'une présence dite économique de cette
97
espèce dans cet échantillon. Il s'agit probablement d'une présence naturelle, donc écologi-
que.
Tableau 3 : Résultat du tri de la fraction légère.
Site
Contexte
Lot
Charbon de bois
Graine non carbonisée
Fragment de bois
Plante non carbonisée/moderne
Insecte
Coquillage, ostracode
Site
Contexte
Lot
MTL08-2503
Insecte
BjFj-148
BjFj-148
QDSAR-IA- QDSAR-IA- QDSAR-IA01
01
01
Couche 14
8E-A5
8E-A12
8E-A13
X+
X+
XX
XXXX
QDS08-3D
BjFj-148
BjFj-148
QDSAR-IA01
8E-A14
X-
X++
X+++
X++
X+
X
X-
XX-
X-
X
BjFj-148
BjFj-148
BjFj-148 BjFj-148
QDS09- QDS09QDS09-2A QDS09-2A QDS09-2A
2A
2A
9D-A6
9D-A16
9D-A21
9D-A23 9D-A25
X
Charbon de bois
Graine non carbonisée
Plante non carbonisée/moderne
Matière organique carbonisée
BjFj-148
X+++
X-
X++
X-
X-
X-
X-
X-
X-
X-
BjFj-148 BjFj-148
QDS09- QDS092A
2A
9D-C5
9D-C12
X+
X
X++
X
X++
X
XX+
x- : très peu
0à5
x : présent
5 à 20
x+ : fréquent
20 à 50
X : ++ abondant
50 à 100
X : +++ dominant
100+
X
98
Tableau 4 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDSAR-IA-01 8E-A5.
Espèces
Nom commun
#
Carex sp.
Laîche
2
cf. Asteraceae
Chenopodium spp.
Polygonum sp.
Rubus sp.
Sambucus canadensis L.
Indéterminé
Total
1
Conifère
1
Chénopode
Cyperaceae
Épine de conifère indéterminée
Euphorbia helioscopia L.
1
Caractéristiques
Plante herbacée, région tempérée, lieu humide,
eau peu profonde
Très varié
Plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités
ou potagers
Plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes
Euphorbe hélioscopique
Renouée
Framboise/mûre
Sureau du Canada
2
1
4
5
1
2
20
L'échantillon QDSAR-IA-01 9D-A6
(Tableau 5) comprend un total de 574 graines
représentées en 13 taxons identifiés. Trois
taxons dominent l'assemblage à 88%, soit les
Caryophyllaceae, Chenopodium spp. et Cyperaceae (incluant les espèces Carex spp. et Eliocharis
sp.). Ces trois taxons sont généralement trouvées dans un environnement au sol humide,
plus ou moins riche et perturbé par l'humain. Il
s'agissait donc probablement d'un environnement ouvert sans couvert arboricole dense et
imposant. Les caractères écologiques des autres
taxons précisent également la présence d'un
environnement aménagé ou bouleversé (ex. :
défrichement, pâturage, agriculture) par l'humain, après la colonisation européenne du territoire. De plus, les charbons de bois retrouvés
dans la fraction lourde de cet échantillon sont
une indication d'une présence humaine à
proximité. Toutes les espèces correspondent à
des plantes herbacées, à caractère écologique.
La présence des quelques espèces comestibles,
dont les Rubus sp. et Fragaria sp., et des mau-
Plante herbacée, terrain vague, lieu cultivé,
introduction Eurasie
Plante herbacée, lieux habités, varié
Plante à souche ligneuse, terrain ouvert
Arbuste, bords des ruisseaux, lieux humides
vaises herbes Chenopodium sp. (souvent trouvées
en milieu agricole céréalier) n'est pas caractéristique d'une présence économique dans le cas
de cet assemblage.
L'échantillon QDSAR-IA-01 9D-C5
(Tableau 6) comprend 483 macrorestes de
graines représentant 15 taxons. Cet échantillon
possède la plus grande diversité sur le site. La
dominance des plantes herbacées est incontestable et seulement trois graines de l'arbuste
Sambucus canadensis L. (Sureau du Canada) viennent briser cette exclusivité. Les taxons Caryophyllaceae, Chenopodium sp. et Cyperaceae (incluant les espèces Carex sp. et Eliocharis spp.)
représentent 87,5% de l'assemblage. Comme
pour l'échantillon précédent, ces trois taxons
indiquent la présence d'un environnement au
sol humide, plus ou moins riche et perturbé par
l'humain, soit par des aménagements ou des
bouleversements comme un défrichement,
l'agriculture, un pâturage, etc. Il s'agissait donc
probablement d'un environnement ouvert sans
couvert arboricole dense et imposant.
99
Tableau 5 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDS09-2A 9D-A6.
# Caractéristiques
Espèces
Nom commun
Asteraceae
1 très varié
plante herbacée, région tempérée, lieu humide, eau peu
Carex spp.
Laîche
7 profonde
Caryophyllaceae
244 plante herbacée, région tempérée
cf. Juncaceae
Jonc
10 plante marécageuse (bord de l'eau)
Chenopodium spp.
Chénopode
90 plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou potagers
Cyperaceae
143 plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes
Eliocharis spp.
Éliocharide
22 plante semi-aquatique ou palustre, rivage, marais
Euphorbia helioscoplante herbacée, terrain vague, lieu cultivé (importé d'Eupia
Euphorbe hélioscopique
2 rope)
Euphorbia sp.
Euphorbe
10 plante herbacée, milieu ouvert
Fragaria sp.
Fraise
1 plante herbacée, champs et pâturage
Poaceae (petite)
Petite graminée (poa)
10 plante fourragère, herbe, gazon
Potentilla sp.
Potentille
23 plante herbacée, zone tempérée boréale
Rubus sp.
Framboise/mûre
8 plante à souche ligneuse, terrain ouvert
Indéterminé
3
Total
574
Des plantes économiques, dont le tabac
(Nicotiana tabacum), les plantes comestibles
comme les framboises/mûres (Rubus sp.) et le
pavot (Papaver sp.), sont présentes. Cependant,
avec cet assemblage il n'est pas possible d'affirmer que leur présence soit de nature économique. Leur fréquence est trop faible (moins
de 5 graines par espèce) et leur présence avec
les autres taxons suggèrent davantage une occurrence accidentelle et/ou naturelle. L'implication humaine dans l'aménagement du paysage et dans les activités agricoles sur et/ou autour du site est possiblement la cause de la
présence du tabac dans l'échantillon. Il est possible qu'une telle culture ait été présente à
proximité, mais cet échantillon seul n'est définitivement pas suffisant pour conclure de manière certaine à une culture du tabac.
Le dernier échantillon analysé est
QDSAR-IA-01 9D-C12 (Tableau 7). Il comprend 39 graines représentés en 10 taxons. Les
plantes herbacées, dont le taxon Chenopodium sp.
est le plus fréquent, sont majoritaires. Le seul
arbuste de l'échantillon est le Sureau du Canada
(Sambucus canadensis L.) représenté par 3 graines.
Cet assemblage est très semblable aux précédents en ce sens qu'il indique un environnement au sol humide, plus ou moins riche et
perturbé par l'humain (défrichement, agriculture, pâturage, etc.) Il s'agissait donc probablement d'un environnement ouvert sans couvert
arboricole dense et imposant. La présence du
trèfle (Trifolium sp.) introduit par les Européens
et la présence de métal dans la fraction lourde
confirment un contexte archéologique européanisé.
Discussion
Les échantillons analysés sont cohérents entre
eux et proposent des interprétations très semblables. Excepté les deux graines de tabac dans
l'échantillon QDSAR-IA-01 9D-C5, l'ensemble
des macrorestes de graines suggère des informations de type écologique sur l'environnement du site et à proximité de ce dernier.
100
Tableau 6 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDS09-2A 9D-C5.
#
Espèces
Nom commun
Commentaires
Plante herbacée, région tempérée, lieu humide, eau
Carex sp.
Laîche
1
peu profonde
Caryophyllaceae
227 Plante herbacée, région tempérée
cf. Euphorbia sp.
Euphorbe
3
Plante herbacée, milieu ouvert
cf. Lamiaceae
1
Plante herbacée, très varié
cf. Rumex spp.
Rumex
3
Plante herbacée, lieux humides
Plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou
Chenopodium spp.
Chénopode
105 potagers
Cyperaceae
59 Plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes
Eliocharis spp.
Éliocharide
31 Plante semi-aquatique ou palustre, rivages, marais
Nicotiana tabacum
Tabac
2
Tabac cultivé
Plante herbacée, mauvaise herbe, près des habitaPapaver sp.
Pavot
2
tions
Plante herbacée, lieux habités, lieux humide, terres
Persicaria sp.
Renouée persicaire
2
fraîchement remuées
Poaceae (petite)
petite graminée (poa)
7
Plante fourragère, herbe, gazon
Potentilla sp.
Potentille
17 Plante herbacée, zone tempérée boréale
Rubus sp.
Framboise/mûre
4
Plante à souche ligneuse, terrain ouvert
Sambucus canadensis
L.
Sureau du Canada
3
Arbuste, bords des ruisseaux, lieux humides
Indéterminé
16
Total
483
Tableau 7 : Résultats de l'analyse de l'échantillon QDS09-2A 9D-C12.
Espèces
Caryophyllaceae
cf. Potentilla sp.
Chenopodium sp.
Cyperaceae
Eleocharis spp.
Euphorbia sp.
Rubus sp.
Rumex sp.
Sambucus canadensis L.
Trifolium repens L.
Total
Nom
commun
#
Caractéristiques
Éléocharide
Euphorbe
Framboise/mûre
Rumex
Sureau du Canada
1
1
15
2
4
9
1
2
3
Trèfle
1
Plante herbacée, région tempérée
Plante herbacée, zone tempérée boréale
Plante herbacée, mauvaise herbe, lieux habités ou potagers
Plante herbacée, marais, prairies, lieux incultes
Plante semi-aquatique ou palustre, rivage, marais
Plante herbacée, milieu ouvert
Plante à souche ligneuse, terrain ouvert
Plante herbacée, lieux humides
Arbuste, bords des ruisseaux, lieux humides
Plante herbacée, introduciton Eurasie, lieux incultes, secs,
lieux habités
Potentille
Chénopode
39
101
Bibliographie
Il est affirmé qu'il s'agissait d'un environnement avec un sol plus ou moins riche et
perturbé et généralement humide. L'humain a
certainement bouleversé ou aménagé cet environnement soit par le défrichement du territoire ou par l'aménagement de diverses structures
ou activités. L'environnement était donc possiblement ouvert et sans couvert végétal arboricole dense. Ces résultats correspondent parfaitement avec les informations connues concernant la nature du site. En effet, comme précisé
précédemment dans l'introduction, le site était
originellement localisé près d'un cours d'eau,
d'une zone agricole et d'un verger. Les résultats
obtenus ne permettent pas d'augmenter les
connaissances sur la nature des activités agricoles (espèce(s) cultivée(s)) ni ne permettent de
confirmer ou d'infirmer la présence d'un verger. Cependant, il est clairement établi que
l'humain a joué un rôle important dans la création du paysage et dans l'établissement de la
végétation secondaire herbacée sur et autour
du site.
Cappers, R. T. J., Bekker, R. M. et Jans, J. E. A.
2006. Digitale zadenatlas van Nederland / digital seed
atlas of the Netherlands. Groningen: Barkhuis and
Groningen University Library.
Clapham, A. R., Tutin, T. G. et Moore, D. M. 1989.
Flora of the British Isles. Cambridge: Cambridge
University Press.
Frère Marie-Victorin, É. C., Rouleau, E., Frère
Alexandre, É. C., Brouillet, L., Hay, S. G.,
Goulet, I., Blondeau, M., Cayouette, J.
et
Labrecque,
J.,
Éds.
2002.
Flore
laurentienne. 3e édition. Boucherville: Gaëtan
Morin.
Grime, J. P., Hodgson, J. G. et Hunt, R. 1988.
Comparative Plant Ecology. London: Unwin
Hyman.
Pearsall, D. M. 2000. Palaeoethnobotany: A Handbook
of Procedures. 2nd edition.
San
Diego:
Academic Press.
United States Department of Agriculture. 2011.
Plants
Database.
Natural
Resource
Conservation Service. Visité le 6 janvier 2011,
http://plants.usda.gov.
Conclusion
Ce rapport visait à effectuer une analyse archéobotanique sur le site archéologique BjFj148 et à l'emplacement d'une supervision archéologique MTL08-25-03 (sous-opération 3B)
dans le Quartier des spectacles, à Montréal. À
la suite d'une évaluation des échantillons, il a
d'abord été établi que des macrorestes de graines archéologiques ont pu être préservés dans
le sol grâce à l'imbibition. Avec les résultats
obtenus lors de cette évaluation, l'analyse de
quatre échantillons sur douze a été réalisée. La
nature des assemblages archéobotaniques, ainsi
que la reconstitution partielle de l'environnement (couvert végétal) a pu être établi. Combinés aux analyses polliniques, ces résultats pourront certainement aider à identifier plus précisément la relation entre ces secteurs du Quartier des Spectacles, le cours d'eau, la zone agricole et le verger à proximité.
102
Annexe
Site
BjFj-148
Contexte
Espèces
BjFj-148
BjFj-148
QDSAR-IA-01 QDS09-2A QDS09-2A QDS09-2A
Nom commun
8E-A5
Asteraceae
Carex sp.
BjFj-148
9D-A6
9D-C5
9D-C12
1
Laîche
2
Caryophyllaceae
cf. Asteraceae
7
1
244
227
1
1
cf. Euphorbia sp.
Euphorbe
cf. Juncaceae
Jonc
3
10
cf. Lamiaceae
1
cf. Potentilla sp.
Potentille
cf. Rumex spp.
Rumex
Chenopodium spp.
Chénopode
1
3
Cyperaceae
2
90
105
15
1
143
59
2
22
31
4
Eliocharis spp.
Éliocharide
Euphorbia helioscopia L.
Euphorbe hélioscopique
Euphorbia sp.
Euphorbe
10
Fragaria sp.
Fraise
1
Nicotiana tabacum
Tabac
2
Papaver sp.
Pavot
2
Persicaria sp.
Renouée persicaire
2
Poaceae (petite)
Petite graminée (poa)
Polygonum sp.
Renouée
Potentilla sp.
Potentille
Rubus sp.
Framboise/mûre
Rumex sp.
Rumex
Sambucus canadensis L.
Sureau du Canada
Trifolium repens L.
Trèfle
1
2
9
10
7
23
17
8
4
4
5
1
2
1
3
3
1
Épine de conifère indéterminée
1
Indéterminé
2
3
16
Total
20
574
483
103
39
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec - Faucher
UNE ÉTUDE ARCHÉOBOTANIQUE DU SITE
ARCHÉOLOGIQUE CEEU-18 DANS LE VIEUX-CAPROUGE, QUÉBEC.
Anne-Marie Faucher
2011, Université Laval
Analyse effectuée pour Serge Rouleau, Ville de Québec
Résumé
Le site du Vieux-Cap-Rouge a fait l'objet de fouilles archéologiques permettant l'analyse
archéobotanique des graines et des charbons de bois dans deux contextes précis : un foyer et un
drain. Les principaux objectifs concernaient l'évaluation du potentiel de préservation des graines
dans le drain, ainsi que la détermination des espèces de bois utilisées dans le foyer. Les résultats
démontrent une faible présence de graines, mais une omniprésence de hêtre et de bouleau pour les
charbons de bois.
Introduction
de ces recommandations, une étude plus approfondie des charbons de bois a été demandée. Le but de cette analyse anthracologique est
de déterminer quelles espèces de bois ont été
utilisées lors de l'utilisation du foyer. Les objectifs à cet égard sont donc 1) d'identifier les
fragments de charbons de bois, 2) de déterminer quel type de bois il s'agit (tronc, branche,
brindille, racine, etc.) et 3) déterminer l'âge du
bois utilisé.
Le site archéologique CeEu-18 est localisé dans le Vieux-Cap-Rouge. Le site a récemment fait l'objet d'interventions archéologiques
par la Ville de Québec sous la direction de l'archéologue Serge Rouleau. Quelques échantillons de sol y ont été prélevés aux fins d'analyses archéobotaniques. Ces échantillons proviennent de deux opérations différentes : 1)
une fosse ou un drain (CeEu-18-5G2) et 2) un
foyer amérindien (CeEu-18-5A5). Une évaluation du potentiel archéobotanique a été réalisée
en 2011 (Faucher 2011). La principale recommandation avait été de poursuivre l'analyse des
charbons de bois dans l'opération CeEu-185A5 (foyer). Ce rapport présente donc l'ensemble des résultats obtenus lors de l'évaluation archéobotanique et de l'analyse des charbons de bois.
Méthodologie
Un total de cinq échantillons d'un litre
ou moins ont été évalués pour leur potentiel
archéobotanique. Ces échantillons proviennent
de sols où les macrorestes ont pu se préserver
par carbonisation et par le moyen de l'imbibition. Le Tableau 1 indique le type de contexte
et de préservation pour chaque échantillon
étudié. Le lavage des échantillons a été effectué
en suivant la méthode de flottation manuelle en
utilisant des tamis géologiques de 1 mm, 500
µm et 250 µm pour recueillir un maximum de
graines (Pearsall 2000). Les fractions obtenues
(légère et lourde) ont par la suite été séchées.
La fraction lourde a été triée sous une lampe
binoculaire pour vérifier la présence de graines
qui n'auraient pas flotté durant le lavage. La
fraction légère a été triée à l'aide d'un binoculaire à faible grossissement.
Objectifs
Le but de l'évaluation archéobotanique
a été de déterminer le potentiel de préservation
des macrorestes archéobotaniques (graines) sur
le site CeEu-18. Plus spécifiquement, les objectifs étaient de vérifier la présence ou l'absence
de graines archéologiques dans les sols prélevés
lors des interventions archéologiques, ainsi que
d'émettre des recommandations quant à la
poursuite des analyses archéobotaniques à effectuer pour ces mêmes échantillons. À la suite
104
Afin d'effectuer l'analyse des charbons
de bois, la fraction légère du lot CeEu-18-5A5
a été tamisée à sec avec un tamis géologique de
4 mm (Pearsall 2000). Cette nouvelle fraction a
été triée à l'aide d'un binoculaire à faible gros-
sissement. L'analyse s'est ensuite effectuée à
l'aide du même appareil ainsi qu'avec un microscope à plus fort grossissement (Zeiss Hal
100-200X).
Tableau 1 : Caractéristiques des échantillons.
Site
Contexte
Échantillon
Préservation
CeEu-18
5A5
Foyer
Carbonisation
CeEu-18
5G2
Bois du drain
Imbibition
CeEu-18
5G2
Drain Est
Imbibition
CeEu-18
5G2
Fond du drain
Imbibition
CeEu-18
5G2
Drain Ouest
Imbibition
L'identification des charbons de bois a été faite
à l'aide de collections de référence modernes à
l'Université Laval, ainsi que par l'utilisation de
bases de données spécialisées disponibles en
ligne (InsideWood 2004-onwards; Schoch et al.
2004). Les essences ont été identifiées au genre
et non à l'espèce puisque les risques d'erreurs
sont trop grands, surtout avec des restes archéologiques (Pearsall 2000).
terprétation archéobotanique, ainsi que la
compréhension des contextes archéologiques.
Le résultat du tri de la fraction légère
(Tableau 3) démontre la présence de graines
dans deux échantillons, CeEu-18-5A5 (une
seule graine) et CeEu-18-5G2-est (cinq graines). D'autres échantillons ont également des
graines, mais il s'agit soit de graines modernes,
donc de contamination, ou encore de graines
de fougères dites cenococcum appartenant à
l'ordre des Polypodiaceae. Ces dernières ne
sont pas identifiables au genre ni à l'espèce.
Mise à part la notation de leur présence, elles et
ne peuvent pas intervenir plus précisément
dans l'interprétation archéobotanique des
contextes. Les résultats démontrent également
que la préservation de l'unique graine carbonisée est très mauvaise ce qui rend très difficile
son identification.
Résultats
Les résultats de l'évaluation du potentiel archéobotanique sont présentés sous la
forme « présence/absence ». Aucune identification n'est offerte pour les graines. Le résultat
du tri de la fraction lourde est illustré dans le
Tableau 2. Ce tri a confirmé que toutes les
graines présentes dans les échantillons ont flotté durant le procédé de lavage. Les diverses
inclusions trouvées peuvent à la fois aider l'inTableau 2 : Résultat du tri de la fraction lourde.
Site
Contexte
Échantillon
Volume traité
(mL)
Volume restant
(mL)
Inclusions dans la fraction lourde
CeEu-18 5A5
Foyer
1000
300
Charbon de bois < 1%; racines modernes 2%
CeEu-18 5G2
Bois
600
400
Fragments de bois 95%
CeEu-18 5G2
Est
125
30
Métal 10%
CeEu-18 5G2
Fond du drain
50
10
Métal 30%
CeEu-18 5G2
Ouest
200
20
Métal 2%
105
Les résultats de l'analyse des charbons de bois
se trouvent dans le tableau 4. Un total de 137
fragments de bois ont été comptés et identifiés
(tous plus grands que 4 mm). L'assemblage ne
comprend que deux espèces (Fagus sp. et Betula sp.) identifiables (Figure 1). Le hêtre domine
l'assemblage autant au niveau du nombre de
fragments présents que par le total de leur
poids. Un seul petit fragment de bouleau a été
trouvé. Les fragments indéterminés n'ont pas
pu être identifiés puisqu'ils se sont brisés en
plusieurs petits morceaux lors que leur coupe
au niveau transversal.
L'analyse par type (Figure 2) démontre
une majorité de fragments de tronc ou de bois
assez gros, comme du bois de construction (en
anglais, timber) et une minorité de bois rond
(branche, brindille ou milieu du tronc près du
cœur). Quelques fragments de bois rond
avaient également une partie du cœur. Aucune
racine ni aucun fragment d'écorce n'a été identifié.
100
Pourcentage (%)
75
50
25
0
Hêtre
Bouleau
Indéterminé
Figure 1 : Essences identifiées dans l'assemblage.
106
100
Pourcentage (%)
75
50
25
0
Tronc
Bois rond
Indéterminé
Figure 2 : Distribution du bois par type.
Il n'a pas été possible de déterminer
l'âge précis des arbres utilisés comme combustible, puisqu’aucun des fragments ne présentait
à la fois le cœur et l'écorce. Ces deux éléments
sont essentiels pour le compte des cernes de
croissance. Il a toutefois été possible de déter-
miner un âge minimum en comptant chaque
cerne de croissance sur l'ensemble des fragments. La figure 3 montre bien la distribution
des cernes. Des ensembles d'âges ont été créés
pour faciliter la lecture des données.
Tableau 3 : Résultat du tri de la fraction légère.
Site
Contexte
Échantillon
CeEu-18
5A5
Foyer
Graine carbonisée
Charbon de bois
Graine non carbonisée
Fragment de bois
Graine moderne
Plante non carbonisée/moderne
Insecte
CeEu-18
5G2
Bois
CeEu-18
5G2
Est
CeEu-18
5G2
Fond du drain
CeEu-18
5G2
Ouest
XX
X
XX
XX++
X
X++
X+++
X++
X
X-
x- : très peu
0à5
x : présent
5 à 20
x+ : fréquent
20 à 50
X : ++ abondant
50 à 100
X : +++ dominant
100+
107
X+
X-
Tableau 4 : Résultats de l'analyse des charbons de bois trouvés dans le foyer amérindien.
Site
Lot
Essence
Fagus sp.
Betula sp.
Indéterminé
Total
CeEu-18
5A5
Nom commun
Hêtre
Bouleau
Indéterminé
La majorité des fragments de bois
comptaient moins de 15 cernes, avec une plus
grande proportion à moins de 10 cernes. Deux
seuls fragments de bois détenaient plus de 30
cernes, soit 43 et 47 respectivement. Avec les
données par type (timber ou bois rond) et les
cernes, il est donc possible d'affirmer que le
bois utilisé provenait souvent d'arbres matures.
Fragments Poids (g)
132
4,264
1
0,026
4
0,090
137
4,380
D'un autre côté, la dominance du hêtre
reflète peut-être une autre utilisation de ce bois.
Il est reconnu que le hêtre peut être utilisé
comme matériau de construction de bateaux et
de manches d'outils, grâce à son bois dur aux
grains serrés. De plus, cette essence se préserve
très bien en milieu humide ou sous l'eau. Une
autre particularité du hêtre est son fruit, la faîne. Ce dernier possède une huile comestible
(Frère Marie-Victorin et al. 2002: 156). Malgré
cette dernière affirmation, il n'est ici pas possible de déterminer que le fruit ait pu être
consommé ou utilisé à cet effet (huile) puisqu'il
n'aurait pas nécessité la coupe du bois, mais
plutôt la cueillette des fruits (dont ici aucune
trace n'a été trouvée).
Interprétation
Les résultats de l'analyse des charbons
de bois démontrent que le foyer amérindien
(CeEu-18-5A5) comportait deux essences de
bois. Le hêtre est connu pour être un bon
combustible, tout comme le bouleau. Il est
concevable de penser que ces deux essences
aient été choisies délibérément pour cette propriété.
100
Pourcentage (%)
80
60
40
20
0
1-5
6-10
11-15
16-20
21-25
26-30
30+
Âge
Figure 3 : Cernes de croissances par groupe de cinq ans.
108
Trois interprétations sur le foyer sont envisageables, bien qu'aucune ne soit certaine :
1. Le bois contenu dans le foyer est le
fruit d'une collecte de surface comprenant des
branches et du bois mort ou facilement accessible, dont les essences ont à tout hasard été
celles du hêtre et du bouleau.
2. Le hêtre et le bouleau ont été délibérément choisis comme combustible.
3. Le hêtre a été utilisé comme matériau
de construction (canot, habitation ou encore
outils) et les retailles ont servi de combustible.
La présence du bouleau est accidentelle ou bien
ce dernier a été utilisé pour supplémenter les
retailles du hêtre.
Il est bien de préciser que selon le guide
de la Flore laurentienne (Frère Marie-Victorin
et al. 2002: 156), le hêtre est présent dans la
région de Cap-Rouge, tout comme au sud et à
l'ouest du Québec jusqu'au Cap Tourmente et à
la rivière Ristigouche dans l'est. Il est probable
que le hêtre était également présent autour du
site durant la période d'occupation amérindienne. Les fragments de bois proviendraient
donc du milieu local et ne serait pas du bois
flotté amené par un cours d'eau, par exemple.
tré une faible présence de macrorestes de graines sur le site CeEu-18. La poursuite de l'analyse des charbons de bois a, quant à elle, été plus
profitable. Elle a amené de nouvelles données
relatives au mode de vie amérindien sur le site.
Les essences identifiées offrent des pistes d'interprétation intéressantes concernant l'utilisation des arbres comme combustible et comme
possible matériau de construction. Il serait intéressant de pouvoir élargir les analyses à d'autres
foyers amérindiens de la même période afin de
découvrir des tendances ou des différences
dans l'utilisation des arbres comme combustible.
Bibliographie
Faucher, A.-M. 2011. Rapport d'évaluation :
Une étude archéobotanique du site
archéologique CeEu-18 dans le Vieux-CapRouge, Québec.
Frère Marie-Victorin, É. C., Rouleau, E., Frère
Alexandre, É. C., Brouillet, L., Hay, S. G.,
Goulet, I., Blondeau, M., Cayouette, J. et
Labrecque, J., Éds. 2002. Flore laurentienne. 3e
édition. Boucherville: Gaëtan Morin.
InsideWood. 2004-onwards. Published on the
Internet,
http://insidewood.lib.ncsu.edu/search.
Page visitée le 14 novembre 2010.
Pearsall, D. M. 2000. Palaeoethnobotany: A
Handbook of Procedures. 2nd edition. San
Diego: Academic Press.
Schoch, W., Heller, I., Schweingruber, F. H. et
Kienast, F. 2004. Wood anatomy of central
European
Species.
Online
version,
www.woodanatomy.ch. Page visitée le 3
décembre 2010.
Recommandations
L'analyse des échantillons du site
CeEu-18 n'a pas dévoilé beaucoup d'informations du côté des graines, mais a révélé de nouveaux renseignements quant à l'utilisation des
arbres comme combustible durant la période
précoloniale. De meilleurs résultats auraient été
possibles si les échantillons de sol prélevés sur
le site avaient été plus volumineux. Le volume
minimal pour une meilleure analyse archéobotanique est une prise d'échantillons systématique de 1L par lot. L'idéal est 2L ou plus, spécialement dans les lots riches en matière carbonisée puisque les restes se distribuent plus facilement dans le sol et sont donc moins concentrés.
Rapport complet de la fouille archéologique disponible dans Rouleau, Serge. 2012. Inventaire archéologique du Vieux-Cap-Rouge en 2010.
Ville de Québec, Division du design, de
l’architecture et du patrimoine.
Conclusion
Les objectifs de ce rapport ont été atteints. L'évaluation archéobotanique a démon109
Revue des Laboratoire d'archéologie de l'Université Laval, vol. 1
Québec - Marquis
ANALYSE TECHNOLOGIQUE DES ÉLÉMENTS
LAMELLAIRES DU SITE CEEU-10
Daphné Marquis
2011, Université Laval
Analyse réalisée dans le cadre du chantier-école, soumis à James Woollett et Michel Plourde
Résumé
Des fouilles archéologiques menées au site CeEu-10 à Saint-Augustin-de-Desmaures ont
révélé la présence potentielle d’une technologie lamellaire rare au sein d’un site préhistorique amérindien. La tenue du chantier-école de l’Université Laval en 2010 a permis de procéder à une analyse
technologique approfondie d’une partie du matériel lithique afin de déterminer s’il existait réellement une industrie lamellaire au sein de la collection.
Introduction
Problématique
Le site CeEu-10 est situé sur la rive
nord du fleuve Saint-Laurent sur une haute
terrasse de 40 mètres d’altitude dans la ville de
Saint-Augustin-de-Desmaures. Le site préhistorique se démarque par sa grande richesse en
objets lithiques, plus de 65 000 pièces principalement en chert y ont été découverts à la suite
de divers projets archéologiques menés dans
les années 1980 (Laliberté et Mandeville 1981;
Badgley 1982, 1986). La majorité de ces produits lithiques sont associés aux étapes de débitage et très peu d’outils ont été mis au jour. La
fonction principale du site semble être, à priori,
un atelier de taille, d’autant plus que des sources de chert se trouvent à proximité. Un des
aspects les plus particuliers du site est la présence d’une technologie lamellaire qui avait été
identifiée par Badgley dans l’assemblage ramassé lors des fouilles de 1984 (Badgley 1986). En
effet, certaines pièces avaient été cataloguées
comme lames, microlames et nucléus à microlames sans qu’aucune analyse spécialisée n’ait
été réalisée sur la collection. Une nouvelle
campagne de fouille a eu lieu au site CeEu-10
dans le cadre du stage de fouille préhistorique
de l’Université Laval à l’été 2010. L’un des
objectifs principaux du chantier-école de 2010
était de déterminer si une industrie lamellaire
était réellement présente sur le site. Ce rapport
a donc pour but de présenter les résultats de
l’analyse technologique qui a été réalisée afin de
répondre à cet objectif de recherche spécifique.
En Amérique du Nord, l’industrie lamellaire se trouve principalement dans les régions arctiques peuplées par les paléoesquimaux, le long de la côte ouest ainsi qu’au
Mexique, dans les cultures préhispaniques. Par
contre, très peu de cas ont été répertoriés dans
des sites préhistoriques du Nord-Est américain.
En effet, la plupart des groupes de chasseurscueilleurs du Nouveau Monde ont privilégié
une technologie basée sur la production
d’éclats et de bifaces (Bar-Yosef et Kuhn
1999 : 328). Quelques cas d’industrie lamellaire
dans le Nord-Est américain ont malgré tout été
répertoriés pour certaines périodes culturelles
spécifiques, c’est-à-dire pendant la période paléoindienne et pendant la période du Sylvicole
moyen (Odell 1994 : 102). À la suite des recherches menées pendant le chantier-école de
2010, le site CeEu-10 aurait, quant à lui, été
occupé pendant la période archaïque ainsi que
pendant le Sylvicole inférieur où l’industrie
lamellaire est généralement absente. Si la présence d’une telle industrie est réellement attestée sur le site, le cas de Saint-Augustin serait
vraisemblablement unique.
Étant donné la rareté des industries lamellaires dans le Nord-Est américain, l’un des
objectifs principaux du chantier-école de 2010
était orienté sur cette particularité de la collection. Aucune analyse spécialisée n’avait été
exécutée auparavant sur la collection et
l’identification de l’industrie lamellaire semblait
110
avoir été réalisée sur une base visuelle et typologique simple. Les éléments de la collection
lithique du site CeEu-10 qui avaient été caractérisés comme appartenant au débitage lamellaire ont été sélectionnés. L’objectif était de
déterminer s’il existait bel et bien une industrie
de lames ou de microlames voulue au site archéologique de Saint-Augustin. Afin d’atteindre
cet objectif, une analyse technologique a été
réalisée sur une partie de l’assemblage. Il
s’avère donc pertinent de résumer brièvement
les concepts de base de cette analyse.
chent derrière ces choix. En effet, chacune de
ces phases de fabrication témoigne de choix, de
connaissances et de techniques qui sont culturellement transmises de génération en génération. Ainsi, chacune des chaînes opératoires «
présente des particularités qui rendent compte
une fois soustraite la part des contraintes matérielles, de projets économiques diversifiés, de
choix, d’intentions, de connaissances ou des
savoir-faire individuels différents » (Karlin et al.
1992 : 187).
L’étude de la pierre taillée est au centre
de plusieurs recherches européennes empruntant le concept de la chaîne opératoire. Ces
travaux ont permis de dresser un portrait des
principales étapes de la chaîne opératoire menant à la réalisation d’un outil en pierre taillée.
Le schéma développé par Inizan et al. (1995) a
servi de base pour décrire chacune de ces étapes (Figure 1). Le tailleur élabore d’abord le
projet qu’il souhaite réaliser afin de répondre à
un besoin particulier (ex. : production d’une
pointe de flèche pour la chasse). Avant de
concrétiser ce projet, il conçoit intellectuellement les opérations de taille (schéma conceptuel) pour ensuite les mettre en application
(schéma opératoire).
L’analyse technologique
L’analyse technologique qui a été effectuée s’inscrit à l’intérieur d’un concept plus
large qui s’applique aux activités techniques de
la vie quotidienne des hommes du passé, celui
de la chaîne opératoire. Principalement développé en Europe, ce concept est théoriquement
assez simple : il s’intéresse à toutes les étapes
qui mènent à la fabrication d’un produit par
l’homme, de l’acquisition de la matière première à la réalisation du produit final et son utilisation (Inizan et al. 1995 : 14). Les archéologues
s’intéressent à la reconstruction des processus
de fabrication d’un objet dans l’optique de reconnaître les motivations culturelles qui se ca-
Figure 1 : Schéma conceptuel et opératoire. Source : Inizan et al. 1995 : 15.
111
Comme les connaissances techniques
du tailleur font partie d’un bagage culturel spécifique, le schéma conceptuel et opératoire va
différer selon les groupes culturels. Les technologues ont divisé le schéma opératoire en grandes séquences de processus techniques
d’exploitation de la pierre. La première étape
est l’acquisition de la matière première, suivie
ensuite de la préparation du bloc brut (façonnage). La troisième étape est le débitage qui
mène à l’obtention d’éclats ou de lames. La
quatrième étape consiste à la gestion des produits comme support de différents types
d’outils (utilisation). Finalement, la dernière
phase est l’abandon des outils.
L’analyse technologique proposée ici
s’intéresse à la deuxième et troisième étape
décrite précédemment, c’est-à-dire aux stades
de productions des outils (mise en forme des
nucléus et débitage). Plus précisément, l’intérêt
est porté sur les phases caractéristiques associées à la réalisation de produits lamellaires.
L’objectif est de faire la lecture des objets lithiques ciblés en se basant sur le principe suivant :
la taille de la pierre crée des stigmates de taille
particuliers qui vont varier selon les techniques
et méthodes choisies. En identifiant d’abord
dans la littérature les stigmates propres au débitage lamellaire, il sera possible de les identifier
dans l’assemblage du site CeEu-10 et d’attester
ou non la présence d’une industrie sur lames
ou microlames.
typologiques de lames ou microlames a été
effectuée (soit des éclats allongés deux fois plus
long que large). Également, certains objets allongés de la collection recueillie pendant le
stage de fouille de 2010 ont été choisis pour
analyse. En tout, 135 pièces ont été sélectionnées, soit 14 nucléus et 122 lames/microlames.
Une fois l’échantillon recueilli, il fallait
dresser des critères de reconnaissance propre à
la technologie lamellaire. Idéalement, il aurait
fallu produire au départ une série
d’expérimentation sur le même type de matière
première, ou similaire, afin d’avoir un référentiel technologique sur la production de lames
ou microlames. Étant donné le temps restreint
alloué à cette analyse, aucune expérimentation
n’a été réalisée. Les notions acquises et transmises par les technologues sur les différentes
méthodes et techniques de taille ont donc servi
de base méthodologique pour cette étude (ex. :
Inizan 1995, Chabot et Pelegrin 2002).
L’inconvénient est que la plupart de ces études
technologiques ont été réalisées sur du matériel
de l’Ancien Monde qui est relativement différent de ce que l’on retrouve en Amérique du
Nord. Certains technologues commencent peu
à peu à former une documentation sur les
techniques et méthodes empruntées par les
groupes du Nord-Est américain (Desrosiers
2009, 2007; Dionne 2005; Eid (travaux en
cours) et Fortier 2010, 2011). En combinant les
connaissances acquises par les archéologues
européens et celles du Québec, la base de données semblait suffisante pour faire une analyse
technologique sur les produits lamellaires du
site CeEu-10 sans expérimentation. Étant donné l’intérêt porté sur le débitage de lames et de
microlames, les recherches ont été concentrées
sur les notions acquises sur le débitage lamellaire.
Méthodologie
La collection du site CeEu-10 contient
plus de 60 000 objets lithiques, dont plus de
99% correspondent à des produits de débitage.
Cette analyse technologique se concentrera sur
les lames, microlames et nucléus à microlames
de l’assemblage. Une sélection a d’abord été
réalisée des lames, microlames, lamelles ou
nucléus à microlames identifiés dans la collection qui avait été mise au jour au début des
années 1980. Malheureusement, il manque le
catalogue pour tous les outils dont le numéro
se trouve entre CeEu-10-658 et CeEu-10-867.
Dans ces cas précis, une sélection des objets
qui correspondaient visuellement aux critères
L’industrie lamellaire
Le débitage lamellaire est considéré
dans l’approche européenne comme « un débitage organisé, préconçu afin d’obtenir des produits en série – les lames ou les lamelles – sur
un même nucléus » (Inizan 1995 : 73). Il y a
donc une volonté de produire des éclats qui
112
auront une morphologie allongée, soit des lames, qui par convention sont deux fois plus
longues que larges (Bar-Yosef, 1999 : 323). En
ce qui concerne les microlames, la définition
typologique est plus ouverte et doit être définie
pour chaque culture. Pour reconnaître ce type
d’industrie lithique, Inizan mentionne spécifiquement que : « la morphologie de quelques
lames n’est pas suffisante pour diagnostiquer
un débitage laminaire la présence de stigmates
caractéristiques et d’une production systématique de supports laminaires est nécessaire pour
confirmer le diagnostic. » (1995 : 73). Voici
donc brièvement les différents critères qui devraient être observés sur un nucléus ou sur un
éclat provenant d’une industrie lamellaire.
les nucléus n’a été établie. Effectivement, plusieurs de ces pièces avaient un de leur côté avec
une forme biseauté marquée et des esquillements partant de deux extrémités opposés. À la
suite de l’observation de ces stigmates, il semblait réaliste que ces pièces puissent être davantage issues d’un processus bipolaire. L’article de
Foni Le Brun Ricalens (2006) qui discute de
l’état des connaissances sur les pièces esquillées
s’est révélé très formateur. Effectivement, une
pièce esquillée se définie comme un « artefact
généralement de forme quadrangulaire présentant fréquemment sur deux extrémités opposées, plus rarement sur une ou les quatre, des
esquillements, parfois bifaciaux, dont les ondes
de choc sont souvent bien marquées avec des
rides serrées. […] Le bord, en particulier celui
qui a été percuté, présente généralement un
biseau. » (2006 : 98).
Ce type de produit peut être réalisé à
partir de différents supports de base, tel qu’un
petit bloc ou nucléus récupéré, éclats/lames,
retouchés ou non. Toujours selon Le Brun
Ricalens, les pièces esquillées sont généralement fabriquées à partir de supports de second
choix à l’aide de la percussion posée ou lancée
(plus rare). Il s’avère difficile, par contre, de
reconnaître l’une ou l’autre des techniques
puisque les stigmates sont très similaires. Dans
le cas de la percussion indirecte posée, le support choisi est posé verticalement sur une surface plus ou moins compacte et le tailleur frappe dessus dans le même axe (verticalement)
avec un percuteur minéral dur. Pour la percussion lancée, le principe est similaire, mais le
support est généralement emmanché et lancé
sur la surface ou le produit à travailler (ex. : une
hache). Plus le support sera frappé, plus les
esquillements seront nombreux. Trois stades
ont été reconnus par Le Brun-Ricalens :
Les critères à reconnaître sur un nucléus
Il est difficile de regrouper tous les critères observables sur des nucléus à lames ou à
microlames. Les formes peuvent être diverses
selon la méthode employée. Par exemple, pour
les nucléus à microlames, Chen Shen aurait
identifié 6 types différents présents en Asie et
en Alaska : « wedge-shaped », « conical core », «
cylindrical core », « semi-conical core », « boatshaped core » et « funnel-shaped core » (2007 :
25-27). En Amérique, c’est principalement le «
wedge-shaped core » qui dominerait les assemblages nordiques (principalement en Alaska),
tandis que le long de la côte ouest les formes
seraient davantage associées au « boat shaped
core » (type naviforme) ou au « funnel shaped
cores ». Malgré tout, certaines caractéristiques
générales semblent les unir :
-
-
la matière première nécessite souvent
une mise en forme en nucléus, par la
création d’un plan de frappe ou de
pression;
des nervures très rectilignes et très régulièrement parallèles sont visibles sur
une ou plusieurs faces.
«
Étant donné que l’examen visuel préliminaire a rapidement mené à considérer plusieurs des nucléus à microlames comme des
pièces esquillées, aucune grille d’analyse pour
113
1- début d’esquillement sur un bord
2- détachement d’éclats esquillés, esquillements envahissants, parfois bifaciaux, et utilisation d’autres bords
3- emploi intensif entraînant la fragmentation de la pièce; avec l’obtention
d’éclats ou/et de lamelles d’esquillés,
encore appelés bâtonnets. » (2007 : 98).
ces informations, il est difficile de replacer
l’objet au sein d’une industrie lithique spécifique. Malgré tout, les objets sans partie proximale ont été compilés à l’aide d’une autre grille
d’analyse afin d’utiliser certaines données dans
des comparaisons statistiques.
Il est intéressant de constater que lors
du dernier stade, la pièce se fragmente, créant
ainsi des éclats souvent allongés de section
triangulaire, aussi appelés lamelles d’esquillées
(Demars, et Laurent 1992). La production de
pièces esquillées est généralement associée à
deux utilisations possible : soit comme nucléus
(permet de produire des éclats allongés fins et
coupants non standardisés) ou comme pièce
intermédiaire (pour fendre, entailler, fractionner, etc.). Avec l’aide des différents critères
énoncés dans l’article, une grille d’analyse
technologique a plutôt été créée pour les produits esquillés (Annexe 1).
Résultats
L’analyse s’est faite en deux parties, soit
une première sur les objets caractérisés comme
des nucléus à microlames et une deuxième sur
les produits identifiés comme lames et lamelles.
Chacune des pièces analysées a également été
classée selon sa matière première. Dans un
souci de clarté, les résultats seront présentés en
trois sections distinctes
Matières premières
La classification des matières premières
a été réalisée en suivant les grandes catégories
établies par Isabelle Duval (2011) dans le cadre
de son étude des matières premières au site
CeEu-10 (Planche 1) :
Les critères à reconnaître sur les lames ou microlames
Les lames ou microlames sont les produits obtenus à partir du nucléus qui se définissent typologiquement comme suit : des éclats
deux fois plus long que large. Au niveau technologique, il est possible d’observer différents
critères diagnostics qui varient selon les techniques utilisées. De façons générale, on les reconnaît par :
-
A) chert ou mudstone patiné et altéré, généralement de couleur gris pâle ou beige
B) chert cireux vert à gris pâle avec des
zonations blanchâtres et radiolaires
C) mudstone très fin silicieux terné gris et
noir, marbré, avec radiolaires et oxydes
de fer.
D) Mudstone silicieux terne brun rougeâtre et noir, marbré
E) Mudstone silicieux vert olive à verdâtre
à brun verdâtre foncé, unis, quelques
inclusion micas-pyrite
des bords parallèles;
des nervures rectilignes;
des produits de faible épaisseur.
Une grille d’analyse a donc été produite
qui permettait de recueillir les informations
concertant les bords, les nervures et l’épaisseur
des objets étudiés. Plusieurs critères ont également été rajoutés dans la banque de données
afin de caractériser technologiquement la pièce.
Une grille d’analyse a été créée pour les objets
avec la partie proximale toujours présente (Annexe 2) et une autre pour les objets dont la
partie proximale est manquante (Annexe 3).
Effectivement, il est possible d’observer plusieurs critères technologiques sur la partie
proximale d’une pièce lithique (talon, abrasion
de la corniche, esquillement, bulbe, etc.). Sans
114
Tableau 1 : Classification des nucléus et des éclats avec ou sans partie proximale selon le type de
chert.
Nucleï
Avec partie proximale
Sans partie proximale
Total
Pourcentage
A
3
22
52
77
56,62%
B
10
5
21
36
26,47%
C
0
7
12
19
13,97%
En tout, 136 pièces ont été caractérisées selon leur matière première, soit 14 nucléus et 122 éclats (Tableau 1). Sur les 14 nucléus identifiés par Badgley, dix sont en chert
cireux vert (type B). Les autres nucléus sont
soit en chert altéré (3 pièces) ou en mudstone
silicieux vert (1 pièce). La majorité des produits
lamellaires, soit 74 pièces, sont un chert ou
mudstone altéré, un pourcentage similaire à ce
que l’on retrouve pour l’ensemble de la collection. Le deuxième type le plus important au
niveau des microlames est le chert cireux vert à
gris pâle de belle qualité représenté par 26 pièces. Un troisième type, le mudstone très fin
silicieux terné gris et noir, marbré est également présent en quantité significative, soit 19
pièces. Les deux autres types, le mudstone silicieux brun rougeâtre et le mudstone silicieux
vert olive sont représentés en très faible quantité.
Il existe donc une certaine variabilité
dans le chert utilisé dans les produits analysés.
Les objets en chert altéré représentent plus de
D
0
1
0
1
0,74%
E
1
1
1
3
2,21%
Total
14
36
86
136
100,00%
50 % de l’assemblage étudié. Étant donné
l’altération subie par les pièces, il est impossible
de déterminer à quel type de chert elles appartenaient au départ. Malgré tout, il semble que
plus de 25% des objets appartiennent au type B
(chert vert à gris pâle cireux).
Les nucléus
Quatorze pièces avaient été identifiées
comme nucléus à microlame dans la collection
et elles ont toutes été analysées dans le cadre de
cette étude technologique (Planche 2). Treize
de ces pièces ont été recueillies lors des fouilles
de 1984 et une seule lors de la campagne de
2010. Après un examen visuel macroscopique
de chaque nucléus, aucun de ceux-ci ne semblait avoir suffisamment de critères technologiques propres au nucléus à microlames. En fait,
6 de ces objets ont plutôt été associés à des
pièces esquillées, 3 à des pièces esquillées potentielles, 1 à un nucléus, 2 à des éclats et 2
autres à des débris (Tableau 2).
Tableau 2 : Nouvelle classification des nucléus à lames et microlames identifiés par Badgley.
Pièces esquillées
Total
Pourcentage
6
42,86%
Pièces esquillées
potentielles
3
21,43%
Les 6 pièces identifiées clairement
comme des pièces esquillées se décrivent
comme suit :
CeEu-10-263 : objet en chert cireux
verdâtre de forme pyramidale. Des esquillements sont visibles sur deux extrémités de la
pièce, dont certains présentent des rides serrées
(indices de chocs violents). Une des extrémités
est en biseau et c’est à cette extrémité que la
plupart des petits esquillements ont été déta-
Nucléus
Éclats
Débris
Total
1
7,14%
2
14,29%
2
14,29%
14
100,00%
chés (extrémité de la pièce qui aurait reçu les
coups). L’autre extrémité est une surface plane
d’où partent également quelques petits esquillements. De plus, la pièce présente des négatifs
d’enlèvements qui s’étendent sur toute sa longueur et qui sont orientés dans le même sens
(l’onde de choc allant vers le biseau). Il est
donc possible que le bloc ait d’abord servi de
nucléus, qui une fois épuisé, aurait été débité
115
par percussion posée ou lancée pour produire
la pièce esquillée.
CeEu-10-533 : objet en chert altéré
(possiblement chert vert olive) de forme quadrangulaire. Une des extrémités est en biseau et
présente plusieurs petits esquillements, tandis
que l’autre extrémité est plate et expose également une série importante de petits esquillements. Quelques-uns de ces esquillements exhibent des ondulations serrées qui témoigneraient de chocs violents. Un des côtés de la
pièce semble cassé (surface plane et angulaire),
possiblement à la suite de coups portés par la
percussion posée ou lancée.
CeEu-10-83 : objet en chert verdâtre
cireux dont une partie semble altérée, possiblement par la chaleur (Isabelle Duval, com.
pers.). La forme générale est pyramidale dont
l’une des extrémités est plate et l’autre en biseau. Plusieurs petits esquillements avec des
rides serrées partent de la section en biseau,
très peu partent de la surface plane. La morphologie et la présence de négatifs
d’enlèvements qui couvrent toute la longueur
pourraient signifier que le bloc a d’abord été
utilisé comme nucléus, qui une fois épuisé aurait été transformé en produit esquillé.
CeEu-10-500 : objet en chert cireux
verdâtre de forme quadrangulaire dont les deux
extrémités sont en biseau. L’une de ces extrémités présente plusieurs petits esquillements
avec des rides serrées. De plus, plusieurs négatifs d’enlèvements aux rides serrées qui font
toute la longueur de la pièce partent également
de cette extrémité (possible nucléus antérieurement?). Le bord gauche et le bord droit (perpendiculaire aux deux extrémités) sont cassés
sur toute leur longueur. L’une de ces cassures a
des rides très serrées qui partent également du
biseau le plus marqué de la pièce (où les coups
auraient été donnés). Il est donc possible que
ce bris résulte d’un choc violent qui aurait fracturé la pièce à la suite d’un emploi intensif.
CeEu-10-537 : objet en chert verdâtre
cireux fragmentaire dont les deux extrémités
sont en biseau. Les deux extrémités présentent
quelques petits esquillements. Par contre, l’une
d’elles a un biseau plus étroit (possiblement où
la percussion a eu lieu), où part la majorité des
négatifs d’enlèvements qui couvrent pratiquement toute la longueur de la pièce. Il y a également une cassure visible qui a fracturé la pièce
en deux sur toute sa longueur. Le négatif de la
fracture présente des rides serrées qui témoigneraient d’un choc violent. Il est possible que
cette fracture soit due à un emploi intensif tel
que la pièce CeEu-10-500.
CeEu-10-290 : objet en chert cireux
verdâtre de forme quadrangulaire et fragmentaire dont l’une des extrémités est plate et
l’autre est en forme de biseau. La majorité des
esquillements partent de l’extrémité en biseau
(partie qui a reçu le choc). L’un des côté semble être cassé, par contre la surface de la cassure est lisse et aucun stigmate de taille n’est visible (ex. : rides, ondulations, etc.). Il est donc
difficile d’assumer que cette cassure est résiduel
d’un emploi intensif.
Trois autres pièces, CeEu-10-379,
CeEu-10-536 et CeEu-10-621, présentent également quelques caractéristiques des pièces
esquillées, soit une des extrémités légèrement
biseauté. Par contre, les esquillements sont peu
nombreux et il est difficile d’attester avec certitude que ce sont des pièces esquillées. Par
contre, elles pourraient témoigner de pièces qui
correspondent au premier stade de production : « début d’esquillement d’un bord » (Le
Brun-Ricalens, 2006 : 98) et potentiellement
rejetées rapidement. Deux de ces trois pièces
présentent des négatifs d’enlèvements longitudinaux parallèles sur l’une de leur face. Par
contre, le manque d’indices technologiques tel
que la présence d’un plan de frappe claire et
des enlèvements rectilignes marqués, ne permet
pas de les associer à des nucléï à lames ou lamelles.
Sur les cinq pièces restantes, l’une
d’elle, CeEu-10-550, a été identifiée comme
nucléus. Elle est de forme quadrangulaire et est
en chert vert cireux. Elle semble également
avoir de la patine sur deux faces opposées qui
pourraient être la patine extérieure du chert.
Plusieurs négatifs d’enlèvements multidirectionnels sont visibles. Ce bloc aurait donc
été débité à l’aide d’une méthode de débitage
peu élaborée, c’est-à-dire sans plan de frappe
préférentiel (Inizan 1995 : 61). Ce dernier sem116
ble épuisé, ce qui pourrait expliquer la raison
de son abandon.
Deux autres des 13 pièces identifiées
comme nucléus à lames ou microlames ont
plutôt été considérées comme des éclats. La
pièce CeEu-10-38 présente clairement une surface d’éclatement avec des ondulations visibles
(la partie proximale semble légèrement endommagée). La partie supérieure présente plusieurs négatifs d’enlèvements sub-parallèles. Il y
a également quelques petites retouches à son
extrémité distale, potentiellement d’utilisation
(style grattoir). Cette pièce n’est clairement par
un nucléus. La deuxième pièce également
considérée comme un éclat est CeEu-10-2129.
Elle a une surface d’éclatement assez nette avec
un esquillement bulbaire très clair mais possède
un talon très mince. Il est donc possible que
cette pièce puisse résulter de la fragmentation
d’un petit bloc étant donné la largeur de la partie distale par rapport à la partie proximale.
La pièce CeEu-10-535 en chert vert
cireux a, quant à elle, été identifiée comme un
fragment potentiel de nucléus. Effectivement,
la pièce est fragmentaire et présente quelques
négatifs d’enlèvements qui sont multidirectionnels. Finalement, la dernière pièce
analysée est CeEu-10-633, dont le chert de
couleur rougeâtre foncé semble très altéré
(oxydation?). Elle est fragmentaire et présente
sur une de ses faces un négatif d’enlèvement
longitudinal. Il est difficile d’identifier la nature
première de cette pièce (nucléus, débris?). Par
contre, l’identification de nucléus à lame ou
microlame semble exagérée selon la morphologie de la pièce et le manque de données technologiques. Ces deux pièces ont été considérées dans la compilation des données comme
des débris, étant donné la difficulté de les associer à un type spécifique.
Finalement, à la suite de l’analyse technologique des pièces identifiées comme nucléus à lames ou microlames, il n’a pas été possible de confirmer la classification première de
ces pièces.
Les lames et les lamelles
En tout, 122 lames/microlames ont été
analysées dans le cadre de cette étude technologique, toutes en chert. Seulement, 36 de ces
122 pièces avaient toujours la partie proximale
intacte, soit la partie la plus importante au niveau des stigmates de taille tel que le talon et le
bulbe. En effet, la partie proximale est la section qui reçoit le coup lors du détachement de
l’éclat. Selon la technique utilisée, les stigmates
visibles sur cette portion vont varier (ex. : talons de différentes grandeurs, présence ou absence de lèvre, etc.). L’échantillon des pièces
avec la partie proximale est donc très faible,
que 29,5% des produits lamellaires identifiés.
L’analyse technologique est généralement
considérée comme plus fiable si un grand
échantillon de la collection a été analysé. En
effet, selon Chabot : « pour porter un diagnostic fiable, un minimum de pièces est requis : on
ne peut pas conclure de l’utilisation d’une
technique avec un seul artefact. Plus souvent
les mêmes caractéristiques seront observées sur
un grand nombre de pièces, plus l’indice
d’incertitude sera bas » (2002 : 29). Étant donné que les résultats obtenus proviennent d’un
faible échantillon, il s’avère justifié de les
considérer avec prudence.
Microlames avec partie proximale
Cette section porte spécifiquement sur
les lames/microlames qui avaient encore la
partie proximale intacte. Chacune des pièces a
été caractérisée de façon macroscopique à l’œil
nu et parfois à l’aide de la loupe binoculaire.
En tout, seulement 36 pièces avaient encore la
partie proximale (Tableau 3). À la suite de la
compilation des données, ces pièces ont été
associées soit à des produits de débitage bifaciaux (environ 44 %), soit à des produits provenant de petits blocs (environ 28%), ou soit
provenant d’une méthode indéterminée (environ 28%).
117
Tableau 3 : Classification des éclats avec la partie proximale selon le mode de débitage.
Métode
Total
Pourcentage
Bifacial
16
44,44%
Bloc
10
27,78%
Si la majorité des enlèvements correspondaient bien typologiquement à la définition
de lames/microlames (des produits deux fois
plus longs que larges), il ne correspondait pas
au niveau technologique. Un mode de débitage
spécifique a d’abord été reconnu dans les stigmates de taille de ces éclats, soit celui du débitage bifacial. Pendant l’analyse, un degré de
Indéterminé
10
27,78%
Total
36
100,00%
certitude a été donné lors de l’identification du
type de produits (4 = très fort, 3 = fort, 2 =
moyen, 1 = faible). Sur les 33 pièces, 16 ont été
associées à des produits de débitage bifaciaux,
dont 10 avec un degré de certitude entre fort et
très fort (Tableau 4).
Tableau 4 : Nombre d'éclats bifaciaux par rapport au degré de certitude d'identification.
Degré de certitude
Total
Pourcentage
4
4
25,00%
3
6
37,50%
2
3
18,75%
1
3
18,75%
Total
16
100,00%
Tableau 5 : Nombre d'éclats associés à un débitage sur blocs selon le degré de certitude
d'identification.
Degré de certitude
Total
Pourcentage
4
1
10,00%
3
2
20,00%
2
4
40,00%
1
3
30,00%
Total
10
100,00%
8
7
Largeur du talon (mm)
6
5
Éclats bifaciaux
Blocs
Indéterminés
4
3
2
1
0
0
1
2
3
4
5
6
Épaisseur de l'éclat (mm)
Figure 2 : Éclats avec partie proximale, épaisseur de la pièce versus la largeur du talon.
118
Étant donné qu’aucune description des
stigmates de taille laissées pas le débitage bifacial n’a été réalisée dans la partie méthodologie,
il s’avère essentiel d’y revenir brièvement.
D’abord, il faut souligner qu’il est plus difficile
de reconnaître les premières étapes de mise en
forme du biface, surtout si aucun remontage
n’est pratiqué. Par contre, au niveau des éclats
de façonnage, certaines caractéristiques ressortent. En effet, lors du façonnage d’un biface,
les éclats doivent enlever de la matière sur une
faible épaisseur mais sur une assez grande surface (éclats envahissants). Plus le débitage va
avancer, plus le biface va avoir la forme
convexe qui le caractérise et plus le profil des
éclats enlevés sera courbe. De façon générale, à
l’étape du façonnage, le tailleur va avoir tendance à utiliser le percuteur tendre. Ainsi, en
combinant ces informations, un éclat typique
de façonnage bifacial aura (Planche 3) :
-
-
-
un talon déversé (donc un angle de
chasse aigu) – puisque le plan de frappe
correspond à l’autre surface du biface);
un talon généralement mince, peu important (le percuteur frôle le plan de
frappe d’une manière tangentielle);
un talon facetté, peut être lisse à
l’occasion;
souvent abrasion de la corniche;
un profil courbé.
6
Épaisseur de la pièce (mm)
5
4
Bifaciaux
Blocs
Indéterminés
3
2
1
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Angle d'éclatement °C
Figure 3 : Éclats avec partie proximale, angle d'éclatement des pièces versus leur épaisseur.
119
8
7
Largeur des talons (mm)
6
5
Bifaciaux
Blocs
Indéterminés
4
3
2
1
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Angle d'éclatement °C
Figure 4 : Éclats avec partie proximale, angle d'éclatement des pièces versus l'épaisseur de leur talon.
Il n’est donc pas surprenant de constater que la plupart des éclats qui ont été caractérisés comme provenant d’un débitage bifacial
ont une faible épaisseur et un talon petit en
largeur (Figure 2). De plus,
l’angle
d’éclatement est de beaucoup inférieur à 90°C,
indice d’un talon déversé (Figure 3 et 4).
Outre les produits de types bifaciaux,
10 pièces ont également été identifiées comme
étant des produits issus de petits blocs angulaires, qui pourraient potentiellement être associés
à un débitage lamellaire. Encore une fois,
l’échelle de certitude pour catégoriser chacun
de ces éclats a été utilisée (Tableau 5).
Sur les 10 pièces identifiées, trois ont
été associées à un débitage sur bloc avec un
degré de certitude allant de fort à très fort.
L’identification est moins solide dans ce cas-ci
que pour les produits de débitage bifaciaux,
potentiellement parce qu’il était moins aisé de
reconnaître les stigmates de cette technique. En
effet, les produits bifaciaux étaient plus familiers comparativement aux produits provenant
de petits blocs. Les critères qui permettaient
d’associer ces éclats à un débitage sur blocs
sont (Planche 4) :
-
un talon lisse;
un angle d’éclatement autour de 90 °C;
une courbure peu marquée de l’éclat
par rapport aux éclats bifaciaux.
De plus, selon les expériences de taille
de Frédéric Hottin (com. pers.), il serait possible que certains de ces éclats soient les produits
d’un débitage sub-lamellaire. Ces produits seraient fabriqués en exploitant les côtés angulaires du bloc de départ sans préparation élaborée
du plan de frappe. Cette méthode permet donc
d’obtenir rapidement et de façon efficace des
supports pour le façonnage d’outils comme les
grattoirs, très fréquents dans les industries du
Nord-Est. Ceux-ci seraient caractérisées
par des :
120
supports de forme allongée et assez
épais;
côtés parallèles;
nervures dorsales généralement marquées;
talons larges, simples et plats.
Il s’agit donc préalablement de vérifier
sous quelle forme se trouve la matière première. À l’automne 2012, une campagne de prospection à la source de chert de la plage StLaurent, à proximité du site, a été effectuée.
Celle-ci pourrait être a priori une des sources
principales d’exploitation de chert des occupants du site CeEu-10. Le chert à cet emplacement se trouve sous forme de lits et est accessible à marée basse. L’aspect sous lequel est
extrait le chert est généralement sous forme de
petits blocs avec des facettes angulaires. Outre
cette source primaire, il existe également une
source secondaire de chert située dans la falaise
qui longe le site CeEu-10. Cette deuxième
source correspond à des gros blocs de chert
érodés associés à des dépôts transportés fort
probablement par le fleuve. Les nodules qui se
détachent également de ces blocs sont généralement de forme angulaire. À la lumière de ces
informations, il semble possible qu’une partie
des produits sur bloc soit associée à un débitage sub-lamellaire.
Finalement, certaines lames n’ont pas
pu être associées à l’une ou l’autre des techniques avec assez de certitude. La catégorie «
débitage indéterminé » a donc été établie pour
classer ces produits. En tout, 10 pièces ont été
insérées dans cette classe. Certains critères de
ces pièces indéterminées ont été comparés statistiquement avec ceux des pièces identifiées
soient comme produits bifaciaux ou provenant
d’un débitage sur petit bloc. L’exercice avait
pour objectif d’associer ces pièces indéterminées à l’une ou l’autre des catégories connues.
Ainsi, un choix a été fait dans les données qui
pouvaient être comparées statistiquement et
qui devaient être assez différentes selon la méthode de débitage employée. Trois critères ont
été choisis : l’épaisseur de la pièce (tendance à
être plus mince sur du bifacial), la largeur du
talon (tendance à être plus mince sur du bifacial) et l’angle d’éclatement (plus aigu si bifacial). Trois graphiques ont été crées qui comparent chacune des données entre elles. Au niveau du premier graphique (Figure 2), il semble
que les pièces indéterminées soient davantage
reliées aux tendances associées aux produits
bifaciaux. Par contre, dans les Figures 2 et 3,
les recoupements sont beaucoup plus nébuleux. Il est donc difficile de replacer ces éclats
dans une chaîne opératoire spécifique.
Notons également qu’il est possible que
ces éclats proviennent de produits autres que
ceux du débitage bifacial ou de petits blocs
angulaires. Par exemple, il a été discuté brièvement que la fragmentation des pièces esquillées
entraîne également des éclats longitudinaux et
minces. Étant donné que ces produits sont peu
familiers, il a été difficile de les reconnaître
dans l’assemblage. Par contre, il est possible
que certaines des pièces analysées appartiennent à la production de pièces esquillées.
Microlames sans partie proximale
Sur les 122 pièces échantillonnées au
départ, 86 n’avaient plus la partie proximale qui
renferme la majorité des stigmates de taille
révélateurs des méthodes et techniques de débitage. La majorité de ces pièces, soit 53 éclats,
correspondaient à la partie mésiale de l’objet de
départ, tandis que les 33 restants correspondaient à la partie mésiale-distale de la pièce. Il
ne semble pas y avoir de standardisation dans
la longueur des pièces sans partie proximale.
En effet, leurs longueurs varient entre 13 mm
et 60 mm et les largeurs varient également
considérablement entre les pièces, entre 3 et 30
mm (Figure 4). Si une certaine standardisation
dans les pièces avait été visible, elle aurait pu
témoigner d’une recherche de longueur associée à un usage particulier des éclats (ex. : dans
des outils multicomposites).
Répartition spatiale lames/microlames
Une des dernières étapes de l’analyse
portait sur la concentration des éclats lamellaires dans les différentes aires du site. Par contre,
il manquait la localisation spatiale pour 54 des
éclats qui avaient été trouvés en 1984. En effet,
l’inventaire était manquant et introuvable pour
les outils dont les numéros étaient compris
entre CeEu-10-658 à CeEu-10-867. Malgré
tout, un tableau de la localisation des éclats a
été dressé afin de déterminer si les pièces
étaient généralement concentrées dans un secteur spécifique. Le tableau indique plutôt que
les éclats lamellaires analysés sont très dispersés
121
sur le site (Annexe 4). Il n’y a pas de réelle
concentration dans une zone particulière qui
aurait favorisé l’hypothèse d’un débitage lamellaire.
des bases solides encrées sur plusieurs décennies d’expérimentation de taille de la pierre en
Europe combinée à l’étude attentive des stigmates de taille de chaque pièce. Très peu
d’analyse de ce type ont été réalisée sur des
sites du Nord-Est américain. Il est donc recommandé de poursuivre l’analyse technologique sur l’ensemble de la collection du site
CeEu-10. C’est seulement après une étude
complète de l’assemblage qu’un portait plus
représentatif pourra être dressé des méthodes
de taille favorisées.
Interprétation et recommandations
À la lumière des résultats obtenus, la
présence d’une industrie lamellaire sur le site
CeEu-10 semble peu probable. D’abord, les
nucléus qui avaient été identifiés au départ
comme des nucléus à lames ou à microlames
ne portaient pas les stigmates caractéristiques
de ce type de débitage. L’absence de nucléus
n’est pas nécessairement gage d’absence de
débitage lamellaire. En effet, il est possible que
les nucléus aient été apportés sur d’autres sites
pour des utilisations futures. De plus, l’analyse
effectuée portait uniquement sur les nucléus de
la collection qui avaient été identifiés préalablement comme nucléus à lames ou microlames par Badgley. Après un rapide regard jeté
sur le reste de la collection, il semble peu probable que de véritables nucléus à lames ou microlames n’aient pas été identifiés.
De plus, l’analyse des éclats identifiés
comme lamellaires dans la collection ne semble
pas supporter ce type de production. De fait,
certains ont clairement été associés aux étapes
de façonnage de bifaces et quelques autres à
des produits provenant de petits blocs. Ces
derniers pourraient être associés ultimement à
un débitage lamellaire, mais l’absence de nucléï
ne semble pas appuyer cette hypothèse. De
plus, le manque de standardisation dans ces
produits n’indique pas un débitage organisé et
préconçu typique des industries lamellaire. Ainsi, l’analyse technologique réalisée infirmerait la
présence d’une industrie lamellaire sur le site
CeEu-10. Les produits analysés seraient davantage associés à la chaîne opératoire de pièces
esquillées, de débitage bifacial ou de débitage
sur petits blocs, qui sont tous caractéristiques
des industries nord-américaines.
Cette analyse technologique, quoique
restreinte sur un échantillon très petit de la
collection, a permis de clarifier l’hypothèse de
la présence d’une industrie lamellaire rare pour
les cultures préhistoriques amérindiennes du
Québec. Ce type d’analyse puise sa force dans
Bibliographie
Badgley, I.1986. Rapport des premières fouilles
archéologiques effectuées dans le site CeEu-10,
Saint-Augustin-de-Desmaures, 1984. Rapport
inédit remis au MCCCf.
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archéologique du site CeEu-10, Saint-Augustinde-Desmaures, été 1982. MAC. Rapport inédit
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Panthéon-Sorbonne.
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Dionne, M.-M. 2005. Gestion des matières
premières et de l’outillage dans un camp
spécialisé du Dorsétien moyen (1500 AA) : Le
cas d’IcGm-5, côte est de la baie d’Hudson,
122
Nunavik. Mémoire de maîtrise. Université
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géochimique d’une partie de l’assemblage des
cherts du site de Saint-Augustin-de-Desmaures
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Laval fouilles préhistoriques au site CeEu-10,
Saint-Augustin-de-Desmaures,
été
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matières premières lithiques en Haute CôteNord. Archéologiques 24 : 144-163.
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sur un site associé à une occupation de
l’Archaïque moyen sur la Haute-Côte-Nord.
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préhistorique. La Recherche, 23 : 1106-1116.
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état des connaissances après un siècle de
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Odell, G. H. 1994. The role of stone bladelets in
Middle Woodland society. American Society, 59:
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123
Planche 1
Pièces identifiés par Badgley comme nucléus `lames ou microlames. De gauche à droite et de haut
en bas : CeEu-10-517; CeEu-10-533; CeEu-10-500; CeEu-10-290; CeEu-10-263; CeEu-10-83; CeEu-10550, CeEu-10-38; CeEu-10-2129; CeEu-10-621; CeEu-10-536; CeEu-10-379; CeEu-10-633; CeEu-10-535.
124
Planche 2
Éclats représentant les 5 matières premières identifiés dans l'échantillon étudié. De gauche à droite:
type A, B C, D, E
Planche 3
Planche 4
Éclat bifacial typique, face supérieure.
Éclat bifacial typique, face inférieure.
125
Planche 5
Planche 6
Éclat typique provenant d'un petit bloc,
face supérieure.
Éclat typique provenant d'un petit bloc, face
inférieure.
126
Annexe 1 : Pièces esquillées, fiche technologique
Site :
No de la pièce :
Localisation :
DESCRITPION GÉNÉRALE
Matière Première :
Cortex :
Grain :
État de conservation :
Dimension : Lo
Forme générale :
Couleur :
La
Ép
CRITÈRES TECHNOLOGIQUES
Localisation des esquillements : deux extrémités opposées
un seul côté
quatre côtés
autre :
Étendu des esquillements : courts
, réfléchis
, envahissants
, outrepassées
, autre :
Stades : début d’esquillement sur un bord
détachement d’éclats esquillés, esquillements envahissants, parfois bifaciaux, et utilisation d’autres bords
emploi intensif entraînant la fragmentation de la pièce
Rides serrées : tous les négatifs esquillements
, certains
Négatifs d’éclats ou de lamelles esquillés : oui
Support : petit bloc
, éclat
Percussion indirecte posée
, lame
, non
, autres :
, nucléus recyclé
ou Percussion lancée
Commentaires :
127
, aucun
, autres :
ou Indéterminée
Annexe 2 : Pièces avec partie proximale, fiche technologique
Site :
No de la pièce :
Localisation :
DESCRITPION GÉNÉRALE
Matière Première :
Grain :
État de conservation :
Dimension : Lo
Couleur :
La
Ép
PARTIE SUPÉRIEURE :
Cortex :
Qté négatifs enlèvements :
Orientation des nég. enlèvements entre eux :
Orientation des nég. enlèvements par rapport axe percussion :
Nervures :
Bords :
PARTIE INFÉRIEURE :
Type talon :
Talon éversé :
Lèvre :
Angle de chasse :
Ondulations :
Points impacts :
Type de bulbe :
Profil :
Lo :
Abrasion :
Larg :
Bosses :
Esquillement :
Technique identifiés :
Méthode de débitage :
COMMENTAIRES :
128
Annexe 3 : Pièces sans partie proximale, fiche technologique
Site :
No de la pièce :
Localisation :
DESCRITPION GÉNÉRALE
Matière Première :
Grain :
État de conservation :
Dimension : Lo
Couleur :
La
Ép
Partie supérieure :
Orientation des nervures :
Orientation des bords :
Cortex :
Partie inférieure :
Ondulations :
Bosses :
COMMENTAIRES :
129
Annexe 4 : Répartition spatiale des éclats lamellaires étudiés
130