Des rires au cœur de l`hôpital - Hôpital universitaire Robert
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Des rires au cœur de l`hôpital - Hôpital universitaire Robert
Innovation sociale Des rires au cœur de l’hôpital Chaque semaine, les clowns de l’association Le Rire Médecin tentent de redonner aux enfants hospitalisés le droit de jouer et de s’évader. Une initiative qui rejaillit sur les parents et le personnel soignant. © Jacques Grison ment improvisée, rien n’est laissé au hasard. La journée commence toujours par une séquence de transmission avec les membres du personnel. « Ce moment nous permet de nous rendre compte de l’état des enfants, de comprendre leurs besoins et d’offrir un spectacle tout à fait personnalisé », explique René, membre du Rire Médecin depuis plus de six ans. M ardi. 10 heures. Hôpital Robert Debré à Paris. Ici, le service d’hématologie accueille et soigne une vingtaine d’enfants de 3 à 17 ans. La plupart souffrent de leucémie, une forme grave de cancer du sang. Dans ce service, le personnel est souvent débordé, l’ambiance lourde et triste. Pourtant, un rayon de soleil vient illuminer deux jours par semaine les visages des enfants hospitalisés et de leurs parents. Chaque mardi et jeudi, en effet, deux clowns font une entrée sans complexe dans ce lieu encombré par les tuyaux et les perfusions. Aujourd’hui, c’est au tour de René et Couette. A peine 14 Union Sociale Juin-Juillet 2013 N°268 après avoir poussé la porte du service, René interpelle une infirmière : « Bonjour ! Ah pas mal tes chaussures ! », tandis que Couette vient plaisanter avec une maman sur la couleur de son tee-shirt. Après quelques minutes, Julien, un petit malade de 16 ans, sort lentement de sa chambre malgré les perfusions pour partager un tour de magie. Nos deux clowns sont attendus. René et Couette sont membres de l’association Le Rire Médecin. Cette structure créée il y a 22 ans, intervient régulièrement dans ce service et les hommes au nez rouge font complètement partie du paysage. Même si leur présence semble totale- Des clowns pas comme les autres De la même manière, chacun des clowns intervenant fait l’objet d’une longue formation au sein de l’association. Celle-ci a pour objectif de comprendre l’univers hospitalier, d’apprendre à respecter son fonctionnement et ses contraintes mais également d’adapter le jeu à ce cadre spécifique. Enfin, les clowns interviennent toujours en duo. « Le travail en équipe nous permet d’éviter le phénomène d’usure. Quand l’un connaît un jour de moins bien, l’autre le soutient. Le partenaire sert de tremplin », raconte Couette. L’autre plus value du Rire Médecin est d’avoir su créer des liens très forts avec le personnel soignant leur permettant de jouer en liberté dans l’hôpital. « Nous les considérons comme des membres de l’équipe. Les clowns nous font prendre du recul sur nos pratiques médicales, nous donnent l’occasion d’avoir d’autres rapports avec les malades et puis de la vie. Seuls les clowns arrivent à lui faire passer ce message. C’est pour cela que leur présence à nos côtés est essentielle. » ● Antoine Janbon > Pour plus d’informations : www.leriremedecin.asso.fr Les prénoms des enfants cités ont été volontairement changés. © Jacques Grison quand on est débordé et pris par l’urgence, leur présence nous redonne le moral », explique Audrey, infirmière à Robert Debré. René et Couette ont maintenant commencé leur tournée des chambres. Dans celle de Natalie, 12 ans, ils ont imaginé une intrigue amoureuse entre eux, mettant la jeune fille dans la confidence. Dans la suivante, ils entament des jeux de ballon devant le fou rire du petit Elias, 3 ans, qui navigue entre la vie et la mort depuis sa naissance. Par le hublot de la chambre, son père regarde le spectacle, aussi émerveillé que son fils. « La vie d’Elias risque d’être courte. La semaine dernière déjà, son pronostic vital était largement engagé. Même s’il ne résiste pas longtemps à la maladie, je veux qu’il se souvienne que le rire fait partie Le Rire Médecin c’est : 97 comédiens clowns professionnels spécifiquement formés au métier de clown à l’hôpital. 40 services pédiatriques concernés partout en France avec des interventions au moins deux fois par semaine. 71 000 spectacles personnalisés offerts chaque année par les clowns aux enfants et à leurs parents. « Dans le rire, il y a toujours de la vie » Marc Avelot, co-directeur de l’association Le Rire Médecin explique les origines et les objectifs de celle-ci. qu’il y a des effets thérapeutiques. Nous agissons pour l’enfant et lui seul, pas contre sa maladie. Nous ne sommes pas là pour le soigner mais pour prendre soin de lui. Union Sociale : Comment est né Le Rire médecin ? US : Quelles relations entretenez-vous avec les professionnels de l’hôpital ? Marc Avelot : L’association est née en 1991 à l’initiative d’une artiste américaine, Caroline Simonds, qui avait découvert le concept de ce type d’intervention à New-York aux Etats-Unis avec le « Big Apple Circus ». C’était la première occurrence de la présence de clowns à l’hôpital de manière régulière et dans le cadre de spectacles sur mesure spécialement pour les enfants. Caroline Simonds est venue en France pour développer ce concept et ajouter certaines particularités. Elle forme les clowns à la spécificité de ce travail, et elle les intègre aux équipes soignantes. Ces deux éléments n’étaient pas présents aux Etats-Unis. US : Quels sont les objectifs de l’association ? MA : Notre objectif est de permettre aux enfants de retrouver, deux fois par semaine, le droit d’être des enfants, un droit dont ils sont souvent dépossédés par la maladie et l’hospitalisation. Nos clowns ne sont pas à l’hôpital pour la seule rigolade, ils interviennent pour favoriser l’évasion, l’imaginaire, le jeu, la possibilité de faire des bêtises. Les clowns montrent aux enfants, que même dans les moments les plus difficiles de la maladie, la vie mérite d’être vécue. Dans le rire, il y a toujours de la vie. Précisons que notre d’action n’a aucune visée thérapeutique. Nous offrons une réponse artistique à la situation. C’est sans doute parce qu’il n’y a pas d’objectifs thérapeutiques MA : Nous avons des rapports de complémentarité avec tout le personnel soignant. Pour qu’un enfant aille bien malgré la maladie, il faut que la communauté qui évolue autour de lui (les parents, les médecins,…) aille bien. C’est la raison pour laquelle, nous tentons toujours d’inclure le personnel de l’hôpital dans le jeu. Nous proposons également « l’accompagnement soins » qui permet au personnel de bénéficier de la présence de clowns lors de soins difficiles. Enfin, nous avons mis en place « Ludo soignant », un stage de formation à l’attention des équipes hospitalières avec lesquelles travaillent les clowns, infirmières et médecins confondus. Celle-ci offre au personnel soignant l’occasion d’apprendre durant quelques jours, à avoir un rapport plus ludique avec les enfants. US : Quels sont vos principaux besoins à l’heure actuelle ? MA : Au-delà des financements qui nous manquent, nous aimerions que les gens aient une meilleure connaissance de ce que nous sommes. Nous voulons sortir nos clowns du cliché de « La piste aux étoiles », que tout le monde prenne conscience de la finesse et de la délicatesse de nos interventions. C’est notre vœu le plus cher aujourd’hui. Propos recueillis par AJ Union Sociale Juin-Juillet 2013 N°268 15