Génériques aux Etats-Unis : Un optimisme de

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Génériques aux Etats-Unis : Un optimisme de
Génériques aux Etats-Unis
Un optimisme
de circonstance
Les 9 000 génériques vendus aux USA représentent 63 % des
médicaments de prescription dispensés. Les génériqueurs indiens inondent
le marché. La FDA retarde la mise à disposition des génériques auprès du
public. Les génériqueurs américains font le point.
«I
l est nécessaire d’augmenter
le financement du bureau
des génériques de la FDA
pour éliminer le retard pris
dans le traitement des demandes de
commercialisation de génériques.
Une augmentation de 1 % de l’utilisation des génériques permettrait au
gouvernement d’économiser quatre
milliards de dollars. » Hillary Clinton ne cache pas sa sympathie pour
l’industrie des génériques. Même
son de cloche chez Barack Obama
et John Mc Cain. Le président Bush
enfonce le clou dans sa proposition
de budget pour 2009 où il demande
« de doter la FDA du pouvoir d’approuver des bio-similaires au travers
d’un nouveau parcours réglementaire
qui soit garant de la sécurité des patients, assure la promotion de l’innovation et qui inclut des mécanismes
de financements ad hoc afin que les
coûts de cette activité soient financés
par redevances ». Incontestablement,
les génériques ont le vent en poupe,
du moins auprès du public et dans le
débat politique.
Le marché mondial des génériques est
estimé à 104 milliards de dollars pour
2007, 12 % de mieux qu’en 2006 et
près du double du chiffre d’affaires
réalisé en 2002. Des molécules majeures, qui représentent aujourd’hui
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PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008
sont autant de facteurs qui devraient
assurer une croissance pérenne du
secteur. Comment dans ce contexte
expliquer la sous-performance du
marché américain ?
Le premier facteur résulte d’une simple logique arithmétique : à croissance absolue comparable, la taille de
plus en plus importante du marché
limite de facto le taux de croissance
relative.
Le deuxième facteur, conjoncturel, est
l’incapacité de la FDA à traiter dans
des délais convenables les
dossiers d’enregistrement
des génériques. Malgré
une réévaluation de
Un marché
son budget annuel
« The right
en transition
de six millions de
Les produits généchoice for better dollars, l’Office
riques font partie
of Generic Drugs
health »
intégrante du pay(OGDE) de la FDA
sage pharmaceutique
souffre d’un sous-fiaméricain. Grâce à un
nancement chronique
taux et une dynamique
alors que les demandes
de substitution sans égal, les
d’enregistrement
explo9 000 génériques disponibles aux sent (361 en 2002, 880 en 2007).
Etats-Unis représentent aujourd’hui Le temps médian nécessaire pour
63 % des médicaments de prescrip- traiter une ANDA est aujourd’hui
tion dispensés. Le vieillissement de de 19 mois (l’agence a pour objectif
la population, la recherche de maî- de traiter les dossiers sous six mois).
trise des coûts de santé, le nombre Compte tenu de ces délais, l’agence
toujours croissant de principes ac- doit aujourd’hui statuer sur plus
tifs tombés dans le domaine public de 1 300 demandes. Les inspections
un marché de 24 milliards de dollars,
tomberont dans le domaine public
en 2008. Réunis début février à Boca
Raton (Floride), les participants du
dernier colloque de la puissante Generic Pharmaceutical Association
(GPhA) n’affichaient pourtant qu’un
optimisme de circonstance. Le marché américain, qui représente 29 %
du marché mondial, a décroché avec
seulement + 3,8 % de croissance en
valeur en 2007 pour les vrais génériques (+ 11,1 % pour les génériques
de marque), bien en deçà des
taux à deux chiffres de ces
dernières années.
International Politique de santé
glement pour la mise à disposition des génériques auprès du
public.
Forte compétition
indienne
d’établissements font l’objet de retards comparables.
Paul Bisaro, le président & CEO
de Watson dresse un portrait sans
complaisance : « Bien que les politiques et le grand public comprennent
l’impact positif des génériques, ils
ne comprennent pas nos problématiques opérationnelles… Le cadre
réglementaire [de la FDA] n’est plus
adapté aux exigences actuelles… Ce
processus réglementaire atténué et
versatile affecte sévèrement notre capacité à être efficace. » La FDA est
pointée comme le goulet d’étran-
Troisième facteur, l’arrivée de nouveaux acteurs,
notamment d’origine indienne, a favorisé une
compétition exacerbée entre génériqueurs. Profitant
d’une structure de coûts
plus bas que celle des occidentaux, les génériqueurs
indiens inondent les EtatsUnis. Les noms de Sun Pharma, Glenmark, Cadila, Orchid,
Lupin, Aurobindo, Wockhart
étaient quasiment inconnus aux
Etats-Unis il y a cinq ans : ces sept
groupes n’avaient obtenu, en 2002,
que trois ANDA. Ces mêmes opérateurs ont obtenu 140 ANDA en
2007 (contre 59 pour Ranbaxy et Dr
Reddy’s) et ont déjà plus de 225 dossiers en cours pour 2008. Riches de
leur courbe d’expérience, ces acteurs
ne se limitent plus à la production
de génériques établis, mais essayent
également de faire tomber les brevets existants. In fine, plus du quart
des demandes d’enregistrement de
produits finis aux Etats-Unis viennent de sociétés d’origine indienne.
45 % des DMF soumis à la FDA
concernent des produits d’origine
indienne, contre seulement 5 % en
2000. La multiplication des acteurs
se fait aux dépens de la profitabi-
lité du secteur. Les tarifs fondent
sans que cela ne soit contrebalancé
par des augmentations de volumes.
Le 23 avril 2007, deux jours seulement après que le brevet protégeant
le tartrate de zolpidem (Ambien®/
Stilnox®) ne tombe dans le domaine
public, la FDA autorise 13 versions
génériques d’Ambien®. En quelques
jours, l’érosion tarifaire atteint 97 %.
Il n’y a pourtant pas péril en la demeure ; les principaux acteurs du
secteur affichent encore des marges
brutes de l’ordre de 50 %.
Enfin, les laboratoires de recherche
ont su mettre en place une série
d’initiatives pour essayer de freiner la
concurrence des génériqueurs. Outre
les actions au niveau international
(accords commerciaux bilatéraux) ou
fédéral (citizen petition, réforme du
droit des brevets, génériques autorisés…), c’est au niveau des Etats fédérés que deux fronts ont été ouverts.
Le premier concerne l’interdiction
de substitution générique au sein
d’une ou plusieurs classes thérapeutiques (principalement antiépileptiques et immunosuppresseurs). 59
propositions de lois (dites carve-out
laws) ont été déposées dans 31 Etats.
Si à ce jour seuls Hawaii et le Texas
ont finalement intégré ces textes
dans leur arsenal législatif, l’offensive
– similaire à ce qui s’était déjà passé
en 1998 – devrait continuer dans
les prochains mois. Le second front
concerne la définition des outils de
traçabilité/suivi des spécialités pharmaceutiques dans le cadre de la lutte
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AVRIL 2008 - PHARMACEUTIQUES
Politique de santé International
contre les médicaments contrefaits. au niveau mondial semble indispen- nouveaux produits – pour limiter
La GPhA se bat pour que les nou- sable pour garantir une croissance les conséquences prévisibles, dans
veaux outils ne représentent pas un stable. Les fusions Lupin/Kyowa, les prochaines années, de la crise qui
frein pour le marché du généMylan/Merck Generics ou Barr/ touche aujourd’hui l’industrie pharrique.
Pliva semblent aller dans ce maceutique traditionnelle. n
Sous la pression des
sens. Enfin, des stratégies
payeurs et grâce aux
de niche (biosimilaires,
efforts de formation
molécules complexes
Frédéric Badey, Julie Lyonnard
auprès des prescripou demandant des
Ambassade de France
Trois stratégies
teurs, la substituconditions de fabriaux Etats-Unis
pour maximiser
tion d’un princeps
cation spécifiques à
par son générique,
l’instar de certains
les profils
s’il est disponible,
injectables) permet- (1) Dossier abrégé d’autorisation de
est aujourd’hui quasi
tent d’opérer dans des mise sur le marché (AMM).
(2) DMF ou Drug Master File : dossystématique. D’après
environnements moins sier confidentiel relatif à une matière
Anthony Barrueta, viceconcurrentiels et offrent, première utilisée pour la fabrication
président de la Kaiser Foundaen conséquence, des marges plus d’un médicament. Les renseignements
tion Health Plan, le taux de substi- importantes. Les acquisitions de Co- du fournisseur sont communiqués aux
tution chez les 8,7 millions d’assurés Genesys et Sicor par Teva ou celle de autorités pour leur permettre d’évaluer
la pertinence des contrôles effectués par
couvert par Kaiser Permanente est Zenotech par Ranbaxy semblent rele- l’industriel du médicament.
supérieur à 99,5 %. Difficile d’aller ver de cette logique.
au-delà ! Pour les génériques classi- Après avoir gagné ses lettres de noques, le prochain relais de croissance blesse, l’industrie des génériques
ne pourra venir, comme l’indique le doit innover – tant au niveau de sa
nouveau slogan de la GPhA que de stratégie que du développement de
l’acceptabilité de l’alternative thérapeutique. L’argumentaire économique se déplace donc progressivement
vers des considérations de qualité et
de sécurité sanitaires. Pour les généBio-similaire / Bio Générique
riqueurs, le message est clair : mieux
vaut utiliser des molécules éprouvées
Selon une étude publiée par Express Scripts en 2007, le fait d’autoriser les
que des produits plus récents dont la
bio-similaires permettraient aux Américains d’économiser 71 milliards de
sécurité d’utilisation n’est pas garandollars sur une période de 10 ans. Pour la Pharmaceutical Care Managetie. Il est vrai que la sur-prescription
ment Association, l’économie serait de 14 milliards pour la seule partie B
d’inhibiteur cox 2 et les déboires de
du programme fédéral Medicare.
Vioxx® qui ont suivi apportent de
l’eau au moulin de la GPhA.
En juin 2007, un texte bipartisan en faveur des bio-similaires était accepté
par un comité du Sénat. Si la proposition n’a pu être votée par le Congrès
Une stratégie industrielle qui
en 2007, il est maintenant acquis qu’un cadre législatif devrait prochaines’affine
ment permettre la mise sur le marché de ces produits. Les négociations,
Compte tenu des contraintes de
qui se tiennent au sein du comité « Energie et Commerce » de la Chambre
croissance du marché, les principaux
des Représentants bloquent sur trois questions majeures :
génériqueurs semblent s’orienter vers
• Les pré-requis pour le dépôt des dossiers d’enregistrement et notamment
trois types de stratégies pour maximila nécessité ou non d’essais cliniques pour prouver la bioéquivalence entre
ser leurs profits.
princeps et générique.
Une meilleure intégration verticale,
• La protection de la propriété intellectuelle avec à ce jour un quasi-conà l’instar des récents rapprochements
sensus sur le fait que les problèmes de protection doivent être résolus avant
Barr/Pliva ou Mylan/Matrix, permet
la commercialisation effective du bio-similaire.
un accès accéléré aux principes ac• La durée de l’exclusivité après commercialisation du princeps. Les positifs (API), la capture des profits sur
tions de BIO (14 années d’exclusivité + extension pour chaque nouvelle
l’ensemble de la chaîne de valeur et
indication) sont difficilement compatibles avec celle de la GPhA (cinq
surtout un contrôle des coûts et de
années d’exclusivité)
la profitabilité tout au long du cycle
de vie du produit – élément indisReste la question des acteurs de ce marché. Compte tenu des ressourpensable à des stratégies de type first
ces et de l’expertise nécessaire pour produire et des bio-similaires, peu
in / last out. Du fait de l’augmentade génériqueurs pourront s’imposer sur le marché. Certaines sociétés de
tion des coûts de développement et
biotechnologies pourraient rentrer dans le jeu, soit par rachat par un géde la variabilité des dynamiques de
nériqueur, soit par le développement et commercialisation en propre de
marché en fonction des pays, une
bio-similaires…
meilleure couverture géographique
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