Mickaël Phelippeau
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Mickaël Phelippeau
/mickaël phelippeau © Aldo Abbinante contact artistique Mickaël Phelippeau - [email protected] +33 (0)6 87 02 54 51 administration production et diffusion Bureau Cassiopée Isabelle Morel / [email protected] Manon Crochemore / [email protected] +33 (0)1 46 33 37 68 www.bi-portrait.net pièce chorégraphique de Mickaël Phelippeau interprétation Jean-Yves Robert et Mickaël Phelippeau collaboration artistique Maeva Cunci lumières Benjamin Boiffier film Jean-Yves (diffusé en première partie) réalisation Mickaël Phelippeau montage Pauline Curnier-Jardin mixage Gérald Kurdian production, diffusion, administration Bureau Cassiopée – Isabelle Morel et Manon Crochemore production déléguée coproduction Lelabo – Paris TNT Manufacture de Chaussures – Bordeaux Centre National de Danse Contemporaine - Angers Cie. Louma / Alain Michard - Rennes prêt de studio Laboratoires d'Aubervilliers La bi-p est soutenue par la DRAC Centre – Ministère de Culture et de la Communication au titre de l’aide à la compagnie, par la Région Centre et par le Conseil général de l’Essonne. Mickaël : « (…) tu as l'habitude de te montrer comme ça en public ? » Jean-Yves : « Non ! En général je suis debout, sur mes deux pieds et face aux gens ! » Le rapport au corps n'est jamais désincarné. Banalité si l'on ne se souvient pas de la profession qu'exerce Jean-Yves. Des postures en référence à la liturgie existent simplement - croix des deux corps lors d'une succession de roulades par exemple. Mais c'est à la croisée, pas de doutes, que la rencontre s'opère, balance constante entre les deux hommes. Impossible de décrire l'émaillage que Mickaël Phelippeau a réussi, dans les dialogues et dans les corps, à réaliser. D'émouvantes surprises à chaque instant. Et le temps fait son œuvre : la réflexion s'ancre dans le rapport à ce qu'être face, ce que portent les codes de la représentation (…). Détourner les codes, sans grotesque, ni ceux de la danse, ni ceux, nombreux, de l'espace de célébration catholique. L'espace scénique devient aussi, peut-être, ce coin des bi-portraits photographiques - mais verso côté Mickaël Phelippeau (…). Finalement des clés simples, traduisant une compréhension effective de qui a été invité et du lieu où la restitution s'opère. Ouvrant au sensible - si difficile à rendre en mots quand palpable face à face. Anne Kawala, juillet 2008 bi-portrait Jean-Yves part d’une démarche photographique, le bi-portrait, conçue comme prétexte à la rencontre. © Mickaël Phelippeau Le bi-portrait photographique se compose: - d'un premier portrait vertical (du/de la bi-portraituré/e, soit le/la rencontré/e) : À cette personne, faire porter une tenue qui m’appartient, toujours la même : chemise coton jaune, pantalon polyester et bottines cuir. - d'un second portrait vertical (du bi-portraitiste, soit moi-même) : revêtir pour ma part l’uniforme que ces personnes me proposent, panoplies de travail parfois marquées, parfois civiles. Me mettre dans la peau de, pure fiction le temps de, dans le contexte de. Lorsque j’ai entamé le bi-portrait, il était question de reconversions possibles. L’habit et le cadre font le moine me suis-je dit. Au fur et à mesure, j’ai déplacé l’intérêt de cette démarche vers une rencontre réelle, j’entends par « réelle » un temps et une dimension au-delà de l’effectuation du portrait. C’est en cela que je parle de démarche, la finalité étant en perpétuelle relecture. Il n'existe pas une monstration a priori cristallisant le bi-portrait. Dès lors, c’est à partir de ce point de recherche que je tente une transposition de ces portraits photographiques dans une forme spectaculaire. bi-portraiturer live, ce serait, le temps d'une performance, faire état d'une rencontre ou de ce qu'elle aurait pu être à travers une suite de mises en situation. Ces différents contextes, convoquant des dimensions à la fois factuelles et fictives, permettent alors l'émergence de problématiques propres à la représentation de l'individu. Avec le souvenir d'avoir un jour voulu être moine, j'invite Jean-Yves, curé de Bègles, rencontré le 11 juin 2007 qui m’a lui-même accueilli en résidence à la maison paroissiale en novembre 2007. Mickaël Phelippeau © Julie Pagnier PARCOURS Mickaël Phelippeau Après une formation en arts plastiques et en danse, Mickaël Phelippeau travaille auprès de nombreux chorégraphes (parmi lesquels Mathilde Monnier, Alain Buffard, Daniel Larrieu), et de 2001 à 2008, au sein du Clubdes5, collectif de danseurs-interprètes. Depuis 2003, il axe principalement ses recherches autour de la démarche bi-portrait, prétexte à la rencontre. Il crée ainsi les pièces chorégraphiques biportrait Jean-Yves (2008) et bi-portrait Yves C. (2009), Round Round Round (2010), Numéro d'objet (2011), Sueños et Chorus (2012), enjoy the silence et bi-portrait Erwan K. (2013), Set-Up et Pour Ethan (2014). Depuis 2010, Mickaël Phelippeau est directeur artistique des résidences À domicile à Guissény. Il est artiste associé au Quartz, Scène nationale de Brest de 2011 à 2014, au Théâtre Brétigny, Scène conventionnée du Val d’Orge de 2012 à 2015, et à l’Echangeur, CDC de Picardie, de 2014 à 2016. http://bi-portrait.net http://ddab.org/fr/oeuvres/Phelippeau Jean-Yves Robert Après des études validées de gestion et secrétariat à l’Ecole Hôtelière de Talence, Jean-Yves Robert décide d’entreprendre une préparation au DEUG en histoire de l’Art à l’Université Bordeaux 3. Son intention est alors de travailler dans le Tourisme comme guide. Il intègre ensuite le Grand Séminaire de Poitiers puis celui de Bordeaux (formation philosophique, théologique et biblique) en vue de sa préparation au ministère presbytéral catholique. Cette formation dure 6 années pleines. Prêtre en 1993, il se consacre essentiellement en plus de la charge curiale, aux milieux « défavorisés », fondant des groupes de personnes en précarité, accompagnant aussi des personnes handicapées mentales et des jeunes en difficultés psychologiques et sociales. En plus des tâches paroissiales classiques, l’Evêque de Bordeaux le nomme responsable des aumôneries des jeunes des collèges pour la rive droite de Bordeaux. Ce sont là des missions pour lesquelles la pédagogie doit sans cesse chercher des moyens créatifs, afin d’aider à une formation symbolique. Des réalisations graphiques, des sculptures, des pièces d’expression corporelle ou bien de petits films très modestes sont réalisés par les jeunes. En 2000, il met en place un projet pour la réalisation avec des enfants d’une crèche géante construite uniquement avec des matériels scolaires. Le vicaire général de Bordeaux lui demande de participer à l’équipe de mise en place du rassemblement jubilaire accueillant 10000 personnes sur les quais de Bordeaux. Pour cet événement, il demande aux jeunes et adultes accueillants de revêtir des combinaisons et casques blancs pour la réalisation d’une mosaïque murale nuancée de gris évoquant les zones de déchargements, que les passants peuvent colorer. Jean-Yves Robert est actuellement curé de Bègles et met en scène ses messes comme de véritables pièces de théâtre. /Mickaël Phelippeau HISTORIQUE DES PIECES EN TOURNEE bi-portrait Jean-Yves création 2008 pièce chorégraphique de Mickaël Phelippeau avec Jean-Yves Robert et Mickaël Phelippeau La maison du temps libre – Stains, dans le cadre du projet « bi-portrait Clos Saint-Lazare », Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint-Denis / Le Quartz - scène nationale de Brest / L'Hectare - scène conventionnée de Vendôme / Les Églises - centre d'art contemporain – Chelles, dans le cadre de l'exposition La Paupière, le Seuil, de Guillaume Robert / Micadanses – Paris / Théâtre la Condition des Soies - Avignon OFF (en partenariat avec micadanses - Paris) / Scène nationale d'Orléans / Théâtre Le Puits-Manu – Beaugency / Théâtre de la Bastille - Paris / La Fabrique - Dole proposé par le Centre chorégraphique national de Franche-Comté à Belfort, en partenariat avec Scènes du Jura / La Halle aux Grains - scène nationale de Blois dans le cadre du festival les Eclectiques / Théâtre l'Oeil la Lucarne – Bordeaux / Centre national de danse contemporaine – Angers / Les Laboratoires d'Aubervilliers / Église Saint-Augustin – Bordeaux / À DOMICILE 2008 – Guissény / Manifestation Journées Jouables, Cap15 – Marseille / Les Laboratoires d'Aubervilliers / TNT- Manufacture de chaussures – Bordeaux / Lelabo – Paris (étape de travail) Set-Up création 2014 Pièce pour 3 danseurs, 5 musiciens et 1 régisseuse lumière Le Quartz - scène nationale de Brest (création) Pour Ethan création 2014 Solo pour un adolescent Le Quartz - scène nationale de Brest (création) / Le Volapük - Tours(étape de travail) / Honolulu – Nantes (étape de travail) / À DOMICILE 2013 – Guissény (étape de travail) bi-portrait Erwan K. création 2013 pièce chorégraphique de et avec Erwan Keravec et Mickaël Phelippeau Le Quartz - scène nationale de Brest / Théâtre de Lorient (création) enjoy the silence création 2013 pièce chorégraphique de et avec Célia Houdart et Mickaël Phelippeau Théâtre de l'Usine – Genève / MAC/VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne / Centre national de la danse, Pantin, dans le cadre du festival Concordan(s)e / La Pléiade, La Riche, Tours / Université Paris 13 / Bibliothèque de Saint-Herblain / L'Atheneum, Dijon / Le Quartz - scène nationale de Brest, dans le cadre du festivalDAÑSFABRIK (création) / Le Volapük, Tours (étape de travail) Chorus création 2012 Pièce chorégraphique de Mickaël Phelippeau Interprétation Ensemble vocal les Voix Humaines La Ferme du Buisson - Scène nationale de Marne-la-Vallée dans le cadre de Hors Saison – le Rendez-vous danse d’ARCADI / TANZtheater INTERNATIONAL – Hanovre (DE) / PACT Zollverein – Essen (DE) / Kampnagel – Hambourg (DE) / Le Quartz, Scène nationale de Brest, dans le cadre du festivalDAÑSFABRIK / À DOMICILE 2012 – Guissény / Musée de la danse – Rennes / Théâtre de Lorient / Le Quartz - scène nationale de Brest (création) Sueños création 2012 pièce chorégraphique de et avec Elli Medeiros et Mickaël Phelippeau Forum du Blanc Mesnil dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis / Le Quartz - scène nationale de Brest, dans le cadre du festival Dañsfabrik (création) Numéro d'objet création 2011 pièce chorégraphique de Mickaël Phelippeau collaboration et interprétation Valérie Castan Claire Haenni Sabine Macher Pascale Paoli Halle aux grains - scène nationale de Blois / Scène nationale d'Orléans / Le Quartz - scène nationale de Brest / Nouveau Théâtre de Montreuil dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis / TNT - Bordeaux (création) bi-portrait Yves C. création 2008 pièce chorégraphique de Mickaël Phelippeau avec Yves Calvez et Mickaël Phelippeau TAP - scène nationale de Poitiers, dans le cadre du festival à corps / Halle aux grains - scène nationale de Blois / Théâtre de Lorient / Théâtre Brétigny - scène conventionnée du Val d’Orge / Théâtre d'Arles / L'Échangeur CDC Picardie, dans le cadre du festival C'est comme ça ! / devant le pont de Recouvrance, Brest / dans le cadre de la manifestation Accoudés au bord du monde / L'Espal, Scène conventionnée du Mans, dans le cadre de la manifestation Danses en ville / Potager du roi à Versailles, dans le cadre du festival Plastique danse flore / CRIJ Bretagne – Rennes, proposé par Danse à tous les étages / Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon, dans le cadre de ]domaines[ michel schweizer / Kendalc'h - Espace Glenmor – Carhaix / Mac Orlan - Dits de danse – Brest / Moulins de Paillard - centre d'art contemporain / Maison Jean Vilar - festival d'Avignon / Le Quartz, scène nationale de Brest dans le cadre du festival Anticodes 2011/ Artdanthé 2011 - Théâtre de Vanves / À DOMICILE 2010 – Guissény / Soirée nomade - fondation Cartier / Festival La danse de tous les Sens – Falaise / Parvis de l'Hôtel de Ville – Paris - Les 1000 et 1 heures de ronde des obstinés / CCNRB - Musée de la danse – Rennes / Centre national de danse contemporaine – Angers / À DOMICILE 2008 – Guissény (création) PRESSE LIKE A PRAYER à propos de bi-portrait Jean-Yves Sous bi-portraits ? Deux démarches – pas si étonnant. Il y a photographie et danse. Ou plutôt : photographie puis danse. Une centaine d’ instants saisis pour un moment déployé : bi-potrait JeanYves. La série photographique de Mickaël Phelippeau commence avec la mère de l’artiste, et s'il n’y a pas de volonté de collectionneur de la part de l’artiste, le protocole s’ajuste autour de la rencontre, de la question de ce que serait le déclencheur d’une rencontre. Il y eût d’abord un intérêt professions spécifiques : hôtesse de l’air, boulangère…, avec déjà sous-jacente la question du costume - donc de la scène. Puis hasards de promenade. Des refus d’abord nombreux - désormais des demandes. Car le protocole, simple, n’est pas si anodin. Il s’agit d’un échange de vêtements. Tu t’sens bien dans tes baskets, toi ? En fait de baskets, il s’agit, monotypique, pour Mickaël Phelippeau, d’une chemine jaune. Il y a cadrage spécifique, acculant dans un coin - quotidien de l’autre. Pour quel hors-champs ? bi-portrait Jean-Yves, pièce chorégraphique de 55 minutes présentée à Lelabo à Paris, n’apporte de réponses qu’à cette rencontre-ci. Jean-Yves est prêtre dans l’église de Bègles, proche du TNT à Bordeaux, où Mickaël Phelippeau était en résidence de création. Hasard de la vie, rencontre, entente, bi-potrait dans l’église : aube contre chemise jaune, coin proche de la porte du presbytère – décor de l’église ? Au-delà d’un échange riche et nourri avec Jean-Yves, Mickaël Phelippeau eût cette intuition qu’opérer le passage d’un instantané à un moment pouvait se réaliser avec une personne ayant déjà une expérience du rapport à un public – et si d’autres bi-portraits dansés adviennent, sans doute cette piste de travail transverse, permettant de conjoindre, sera exploitée. Le texte de la performance le souligne : Mickaël : " (…) Tu as l'habitude de te montrer comme ça au public d'habitude ? " Jean-Yves : " Non ! En général je suis debout, sur mes deux pieds et face aux gens ! " Ce jeu de questions-réponses continue durant toute une première partie, après avoir chanté, face au sol Like a prayer (Madonna). L’humour, allusif, léger, ne départ pas alors même que certains moments sont graves – plus tard, dans une partie injonctive, où l’un montre à l’autre, l’expérience du partage que propose Jean-Yves, son regard droit dans les yeux d’un puis un puis un autre spectateur est douce et terrible. Le rapport au corps n’est jamais désincarné. Banalité si l’on ne se souvient pas de la profession qu’exerce Jean-Yves. Des postures en référence à la liturgie existent simplement - croix des deux corps lors d’une succession de roulades par exemple. Mais c’est à la croisée, pas de doutes, que la rencontre s’opère, balance constante entre les deux hommes. Impossible de décrire l’émaillage que Mickaël Phelippeau a réussi, dans les dialogues et dans les corps, à réaliser. D’émouvantes surprises à chaque instant. Et le temps fait son œuvre : la réflexion s’ancre dans le rapport à ce qu’être face, ce que portent les codes de la représentation. Apparaît l’aube, en jouer le rend plus encore outil du spectacle. Détourner les codes, sans grotesque, ni ceux de la danse, ni ceux, nombreux, de l’espace de célébration catholique. L’espace scénique devient aussi, peut-être, ce coin des bi-portraits photographiques - mais verso côté Mickaël Phelippeau. La question du hors-champs est intégrée. Film introductif, portraits filmés puis diffusion de sons à l’extérieur du lieu de spectacle. Finalement des clés simples, traduisant une compréhension effective de qui a été invité et du lieu où la restitution s’opère. Ouvrant au sensible - si difficile à rendre en mots quand palpable face face. - Anne Kawala, juillet 2008 bi-portrait.net ENTRETIEN AVEC MICKAEL PHELIPPEAU à propos de bi-portrait Jean-Yves JEAN-YVES EST CURÉ A BÈGLES, EST-CE SON ACTIVITÉ QUI A MOTIVÉ LE CHOIX DE CE PARTENAIRE ? En 2007, le TNT de Bordeaux me commande une série de bi-portraits photographiques pour leur plaquette de saison. J'ai très vite recentré le périmètre d'investigation sur la ville de Bègles, pour ne pas m'éparpiller. Quand on sort du théâtre, il y a un boulevard et de l'autre côté du boulevard, nous sommes à Bègles. J'ai fait toute une série avec certains commerçants de la ville, puis un dimanche matin, j’ai entendu des cloches et suis allé "à la sortie de l'église". Voilà pour la première rencontre. Le bi-portrait est une démarche et s'inscrit dans une tradition du portrait photographique, du portrait pictural. J’ai entamé celui-ci à un moment où je me posais la question : la danse représente-t-elle le médium, l'art qui correspond le mieux à ce que j'ai envie de développer, de dire, de défendre ? Je me posais aussi la question de la reconversion, j'entends ma reconversion éventuelle voire fictive, mais j'entends surtout le fait de me frotter à d'autres corps, de métiers. Le portrait photographique, en tous les cas le fait de le proposer à des inconnus, est une manière de toucher les gens directement. Les toucher comme une caresse dirait Nan Goldin. Le terme "bi" signifie pour ma part la transversalité, le double, la mixité. Il dit rencontre au sens large. Il dit deux univers qui se retrouvent, se confrontent. Sur le plateau il en est de même. Nous convoquons un moment avec Jean-Yves, celui d'une réunion autour de notre rapport (intime) à la représentation (au sens large). Si en effet son "activité" a motivé mon choix, j'ai ensuite découvert un univers inconnu voire mystérieux, et un homme dans son entièreté. Cette "activité" fait intrinsèquement partie de lui, de sa vie. De fait le duo n'aurait pas le même sens si Jean-Yves n'était pas curé. Mais ce duo n'existerait simplement pas s'il avait eu une autre "fonction", une autre "vocation". COMMENT S’ORGANISE LA PIECE? La pièce suit un principe très simple d'érection. Il y aurait une sorte d'avant-propos qui dit verticalité et espace de projection par exposition de dos, qui dit ce vers quoi nous allons. Puis nous re-partons de l'horizontalité pour tendre à un dépassement de cette dite verticalité, un au-delà d'un attachement au sol, une élévation, pour tendre à une abstraction, une jouissance en somme. La pièce s'organise également autour d'un rapport intime, ainsi que je l’évoquais précédemment. Quand nous avons entamé ce projet, il était question d'aborder ce qui nous unit et ce qui nous différencie dans notre rapport à la représentation. Je suis allé suivre certaines messes de Jean-Yves. Je suis athé. J'y ai découvert un véritable „showman“ et un homme d'une ouverture incroyable. Nous avons beaucoup échangé, avons énormément d'atomes crochus et cela a motivé mon invitation à tenter ce duo. Il était donc question au début de partages de pratiques scéniques. Puis, petit à petit, le désir théorique a laissé place à un rapport beaucoup plus profond, sans annuler pour autant la piste première. Le duo décrit ce mouvement. Nous parlons de notre rapport, pour mieux parler de nous, pour mieux parler d'humain, pour mieux parler d’amour. Car ce qui m’intéresse, c’est aussi ce qui nous dépasse, ce qui nous échappe, bi-portrait Jean-Yves implique un positionnement, notre rapport à ce qui nous entoure, le juste à côté et le un peu plus loin. PARLEZ-NOUS DE VOTRE RECHERCHE PHYSIQUE EN COMMUN. Un des aspects qui m’a marqué quand nous avons commencé à travailler en studio a été la manière dont Jean Yves convoque le symbolique pour motiver un mouvement, le fixer, l’investir et le retraverser. C’est-à-dire y mettre du sens en terme d’image, en terme iconographique, comme une nécessité. Je cherchais davantage pour ma part à mettre en place un protocole pour rentrer dans le mouvement depuis l'intérieur. Nous avons cherché un endroit de dialogue. Oui je crois que l'appréhension depuis l'extérieur pour l'"incorporer" - plutôt qu'incarner - d'un côté et un travail par l'expérience de l'autre côté définit nos deux modes respectifs et complémentaires et offre une lecture diffractée. Bien sûr le fait que Jean-Yves soit curé charge tout le rapport au corps. Quand nous sommes dans un corps-à-corps ou quand nous nous roulons au sol, nous savons pertinemment que l'activité de JeanYves donne au duo un sens très orienté, très fort. Ce dernier n'est pas vierge de l'histoire de ces corps. La pièce se densifie. Elle se fait communion. Si bi-portrait Jean-Yves n'est absolument pas une pièce religieuse, elle pourrait par certains aspects s’en approcher. - propos recueillis par Aude Lavigne pour le Théâtre de la Bastille août 2009 www.theatre-bastille.com BI-PORTRAIT JEAN-YVES Le duo bi-portrait Jean-Yves est l’histoire d’une rencontre, assez peu commune sur un plateau de danse contemporaine au 21e siècle, entre un jeune danseur et un curé. Par extension, elle produit l’alliance, tout aussi inattendue de nos jours et dans notre société, de la danse avec la religion en travaillant à une nouvelle liturgie. Il ne faut pas s’étonner alors que le spectacle commence de dos, via une séquence filmée, et prenne son second envol à plat ventre. En questionnant en sous-main leur pratique réciproque, le curé et le danseur se rejoignent dans des figures très inspirées : faire la croix, reproduire le son des cloches, transposer un chant choral ou encore évoquer le symbolique dans le concret. - Aude Lavigne COMPTE RENDU INTERSTICES ENTRE POIDS DU CORPS ET CHOC DES PERSONNES BI-PORTRAIT JEAN-YVES DE MICKAËL PHELIPPEAU ET NOS SOLITUDES DE JULIE NIOCHE bi-portrait Jean-Yves de Mickaël Phelippeau et Nos solitudes de Julie Nioche explorent des zones troubles de la danse. Tandis que le premier tisse une nouvelle relation à l’autre, la seconde transcende les lois de la gravitation. Il est encore des observateurs de la scène pour considérer qu’une représentation où l’on entend des gens parler sans qu’ils bougent énormément, ne saurait être rangée que dans la catégorie « théâtre ». Si ces mêmes observateurs resserrent encore cette catégorie dans le registre du seul théâtre de représentation, alors on comprend que bi-portrait Jean-Yves, de Mickaël Phelippeau, puisse leur sembler d’un niveau amateur, et émaillé de désolantes blagues de potache. C’est du reste le mérite de la programmation Hors-Série du Théâtre de la Bastille, que de stimuler émotion et débat, en confrontant un public qui n’y est pas acquis d’emblée, à des formes très indisciplinées, portées par des artistes chorégraphiques. Là bi-portrait Jean-Yves a de quoi laisser perplexe. En cela pourrait même consister sa principale qualité. Cette pièce s’aventure dans les incertitudes flottantes d’une improbable rencontre. Dans les interstices qui y apparaissent, se joue souvent le plus fin des acquis de la danse-performance – faudrait-il dire le la présence-performance. Rien à voir, donc, avec le théâtre. Surtout pas le théâtre de représentation. Et cela sans s’interdire des jeux de plaisante humeur, ce qui ne gâche rien. Mickaël Phelippeau est artiste chorégraphique – et très concerné par les arts visuels. Jean-Yves est prêtre. On peut garder en tête quelque hypothèse de sérieux, voire de gravité, présidant à semblable rencontre. Les deux fonctions prétendent à quelque révélation de l’invisible, comme au dégagement d’une perspective de réalisation humaine transcendant les limites, y compris mortelles, de l’incarnation. On peut aussi songer à quel point les rangs traditionnels de la danse se sont entêté à cultiver la métaphore du sacrifice et du sacerdoce pour se représenter la nature de leur dévouement aux exigences de l’art. A cet égard, bi-portrait Jean-Yves débute par une longue séquence de projection de photographies, où l’ecclésiastique apparaît systématiquement de dos, en pied, dans une allégorie de la posture face aux autres et au monde. Ce qu’une fois achevé, il va se retrouver face à un public de spectacle, mais encore face à un artiste, ce qu’il n’est aucunement lui-même. Pour autant, quantité de codes, y compris gestuels – car la liturgie n’en manque pas, comme de chants, et de costumes, et de lumières – sont là à explorer, à échanger, à partager. Il n’y a rien là de théâtral. Il y a deux personnes mises en présence, oscillant dans les articulations entre leurs personnages sociaux génériques, et l’amorce de dramatisation de leurs personnages scéniques. La performance engage d’abord leurs corps dans un abandon au plateau. Par la masse, par le contact, exsude un répertoire fondateur qui révèle les axes horizontaux et verticaux de la relation au monde. Et leur mise en croix. Au début, le labourage du sol laissera place, vers la fin, à un insolite et réjouissant ballet de sauts envolés, par l’impulsion en porté donnée par le partenaire, avec quelque chose de gauche, d’imparfait, de presque raté et pourtant si tonique, enlevé, ébouriffé. Quelque chose ne se résout jamais dans cette rencontre. Et n’a pas à le faire. Car alors s’insinue par frisson le jeu de ce qu’il faut emprunter à l’autre, et lui rendre autrement, avec la distance et l’hésitation, ce qui déteint, fait des taches ou au contraire se décalque en juste mimétisme. Jamais on n’est tenté de désigner cela comme un duo. Car le terrain commun échappe trop, accidenté et glissant. Jamais n’est justifiée la raison de la réunion de ces deux hommes ensemble, et alors toujours relancée la question de ce qu’ils peuvent bien avoir à faire ici ensemble. Il y a des jeux. Il y a des jeux de pouvoir aussi – chorégraphe, c’est un statut de pouvoir – entre un artiste malicieux, diaboliquement sûr de lui dans une gourmandise de l’enjeu scénique, et cette sorte de visiteur candide, à qui l’aura d’être guide des consciences ne suffit jamais à conférer une réelle aisance. On est alors au comble, follement incisif, de la fragilité de la performance autofictionnelle de toute présence consciemment engagée. S’y dégage un libre espace de manipulation généralisée et consentie. La pièce lit en actes les catégories et partages des fonctions et de leurs attitudes. Elle s’anime d’un mouvement de désir et de vie vers l’autre et le monde. Et cette pulsion s’empreint d’une indicible hypothèse érotique, alors même que cette dimension demeure totalement exempte du propos explicite. Bi-portrait Jean-Yves nous laisse en proie au tourment exquis des transactions entre les corps et les âmes. Et pleins d’une envie ouverte à tous les possibles des rencontres. Quand, presque à l’inverse, Julie Nioche signe son solo Nos solitudes, ce titre n’obère cependant rien de l’envol de nos perspectives. Du reste, il faudrait d’emblée nuancer la notion de solo, tant la présence physique sur le plateau du musicien Alexandre Meyer, et sa production, œuvrent dans le régime d’une pleine interaction des propos. Et tout à la fin, son intervention directe sur un élément de scénographie a les effets d’un cataclysme conclusif. Dans ses pièces précédentes, Julie Nioche avait beaucoup usé de prothèses pour donner forme tangible aux notions d’image de soi, à l’exploration des codes de représentation dans la construction des modes de présence au monde. Les théories de la performance des genres n’étaient jamais très éloignées. A cet égard, le parti scénique de Nos solitudes peut apparaître à la fois plus modeste et pourtant plus vertigineusement radical. L’artiste arrime son corps à des filins, qui lui permettent de se suspendre dans l’espace. Formulée en ces termes, la description de son dispositif pourrait donc sembler dépouillée du souci de mise en perspective critique de la construction des corporéités. On croirait s’approcher de techniques spectaculaires du cirque. Il faut alors y regarder à deux fois. Se rendre compte, avec perplexité, que les filins qui supportent la performeuse ne sont reliés à aucune machinerie susceptible d’impulser ses mouvements d’élévation ou de descente. Son poids est juste compensé par la suspension dans les airs, entre sol et plafond, de plusieurs dizaines de poids métalliques habituellement utilisés pour la pesée à l’aide de balances à l’ancienne. Jusqu’à Nos solitudes, on pouvait penser que notre corps se soldait dans un poids, ayant valeur de donnée constante irréfutable. Certes. Et que donc, une fois suspendu, si le cas s’en présentait, ce corps à poids constant n’avait plus raison ni moyen de bouger. Or Julie Nioche se suspend. Et ne cesse de se mouvoir. Par ses propres impulsions, subtilement modulées, maîtrisées, elle génère les énergies nécessaires, en somme supplémentaires au poids, qui vont lui permettre de se hisser, de se hausser, d’évoluer, se mouvoir, se lover, baigner, léviter, onduler, s’enfoncer, s’éployer. Nous ne sommes pas un corps qui a son poids. Nous sommes un dispositif de circulation d’intentions et de forces, de réception et de réaction, d’impressions et d’inductions. Et seul un ordre de la représentation nous interdirait de voler. Littéralement, c’est dans son propre corps d’artiste en état de projection poétique, dans con corps d’ostéopathe aussi, féru de savoirs somatiques alternatifs, vibrant au plus fin des écoutes intérieures, que Julie Nioche puise les ressorts de son envol. Sur la musique de Meyer, au cœur du dispositif plastique des poids suspendus et de traits lumineux incisifs, l’artiste compose une patiente danse hors-sol, confiante en l’aléa, parfois rebelle dans sa prise avec la matière-espace, non sans que rode une hypothèse du risque, et se produise au total un genre d’effondrement comme de fin d’un monde. Et c’est au sol, où tout un chacun se pense bêtement le mieux protégé, qu’elle paraît comme cernée, débordée. Nos solitudes transcende les lois contraintes de la gravitation physique. Son titre en repli nous invite au défi d’une sorte de révolution cosmique, à portée de chacun. bi-portrait Jean-Yves de Mickaël Phelippeau était donné du 10 au 13 février au Théâtre de la Bastille, à Paris, dans le cadre de Hors-Série. Nos solitudes de Julie Nioche, a été créé le 13 février à la Ferme du Buisson (Marne-la-Vallée), dans le cadre des Hors-Saison, programmé par Arcadi Ile-de-France. Gérard Mayen mouvement.net date de publication : 15/02/2010 - BI-PORTRAIT JEAN-YVES Entretien entre Jean-Yves Robert et Mickaël Phelippeau Revue KAZAK / octobre 2010