Message culturel du Ministre Suisse de la culture-V01

Transcription

Message culturel du Ministre Suisse de la culture-V01
Réaction du Ministre Suisse de la Culture au « Message culture » du Conseil
fédéral.
Je salue le message concernant lʼencouragement de la culture pour la période 20122015. Ce message est très complet et montre bien lʼimportance accordée par les
autorités fédérales à la culture en Suisse, mais il oublie cependant une chose
essentielle :
Les artistes suisses vivent trop souvent dans des conditions de vie à la limite
du seuil de pauvreté.
De plus, la nouvelle loi sur le chômage va paupériser les 1700 intermittents du
spectacle recensés, en leur rendant lʼaccès aux prestations du chômage encore plus
difficile, voire impossible. Par ailleurs, ce chiffre de 1700 intermittents du spectacle
ne tient pas compte des artistes qui vivent dans des conditions encore plus précaires
parce quʼils nʼont pas accès aux prestations du chômage ou ont un statut
dʼindépendant.
Je demande au Conseil Fédéral de corriger cette situation intolérable dans les
plus brefs délais, soit avant le 1er avril, date de lʼentrée en vigueur de la
révision de la loi sur le chômage.
Par ailleurs, il est indécent que les artistes dʼun des pays les plus riches du monde
vivent dans de telles conditions de précarité. Une augmentation des aides fédérales
visant à améliorer les cachets des artistes - sous la forme, par exemple, de
paiements directs - permettrait à ces derniers de vivre décemment de leur art, sans
avoir recours au chômage. Ainsi lʼargent versé aux artistes par le biais de lʼaide à la
culture serait économisé dans la caisse du chômage.
Cʼest pourquoi, je demande instamment au Conseil Fédéral dʼaugmenter les
aides fédérales à la Culture à un niveau comparable à celles qui sont
octroyées par les villes et les cantons, afin que les artistes suisses puissent
vivre décemment de leur art.
En outre, il serait urgent dʼétudier où va lʼargent consacré à la culture : Comparer la
part qui revient aux artistes avec celle allouée à dʼautres prestataires, dont les
conditions de vie sont incomparablement meilleures que celles des artistes. Il faudrait
également mettre en lumière le gaspillage incroyable dʼargent et de temps que
représente le travail titanesque de préparation de dossiers pour des demandes de
subventions, qui sont pour la plupart refusées sous des prétextes divers et
imprévisibles.
Ainsi, Pro Helvetia refuse chaque année 52% des demandes dʼaides qui lui sont
adressées, réalisant ainsi une économie dʼenviron 20 millions, au prix dʼinnombrables
heures passées, par les demandeurs, à rédiger des dossiers, et par le personnel de
Pro Helvetia, à analyser des dossiers, pour finalement refuser une aide qui se
limiterait le plus souvent, si elle était accordée, à payer les frais de déplacements.
Je demande ainsi que tous les frais de déplacements professionnels, de tous
les artistes engagés dans des projets supra régionaux, soient remboursés par
Pro Helvetia.
Ces remboursements devraient se faire sur simple présentation dʼune preuve que
lʼartiste sʼest bel et bien rendu à tel endroit pour y répéter ou sʼy produire, plutôt que
sur la base de demandes de subventions fastidieuses et au résultat aléatoire, comme
cela se fait actuellement.
Cela faciliterait grandement la vie des artistes et simplifierait les procédures
kafkaïennes actuelles, tout en permettant des économies au niveau de
lʼadministration de Pro Helvetia.
Je demande que toutes les procédures de demandes de subventions au
niveau fédéral, cantonal et communal soient simplifiées et harmonisées.
Cela permettrait de faire des économies au niveau administratif et de soutenir plus
efficacement un plus grand nombre dʼacteurs culturels.
Il faut que Pro Helvetia mette ses projets de programme en consultation
auprès des artistes, villes et cantons.
Les programmes initiés par Pro Helvetia de manière unilatérale sont souvent mal
accueillis, tant par les acteurs culturels, que par les communes et cantons. Il est
primordial que Pro Helvetia mette en consultation ses projets de programme auprès
des artistes, villes et cantons et abandonne ceux qui ne présentent pas un intérêt
unanime.
Attribution de bourses, distinctions, prix, aides et acquisitions selon des
critères semblables, quelles que soient les disciplines artistiques et les
genres artistiques concernés.
Suppression des limites d'âge pour l'attribution de distinctions, prix, aides et
acquisitions.
Comme le relève avec justesse le Message Culturel, il y a beaucoup de prix en
Suisse, mais il nʼy a pas beaucoup de cohérence dans les critères dʼattribution de
ceux-ci. Il est urgent de clarifier la situation. Une bonne solution consisterait à
élaborer des critères identiques pour toutes les disciplines et à supprimer les limites
dʼâge. Cʼest trop souvent lʼhypothétique potentiel économique des artistes qui sert
critère pour lʼattribution des subventions distribuées.
Il faut cesser immédiatement de juger les projets et les artistes en fonction de
leur soi-disant potentiel économique.
La qualité dʼune production artistique nʼest pas proportionnelle à son potentiel
économique. Les artistes soutenus selon des critères économiques pourraient être
tentés de produire en fonction du marché culturel, au détriment dʼœuvres plus fortes
mais moins consensuelles. Le soutien aux projets « populaires et de qualité » est
une aberration qui a pour but de favoriser lʼaccès de produits suisses au marché de
lʼindustrie culturelle. Or il ne faut pas confondre encouragement à la culture et
encouragement à lʼindustrie culturelle.
Les subventions publiques doivent être distribuées avec le désintéressement dʼun
mécène, qui nʼattend pas de retour sur investissement des dons quʼil octroie. Sinon,
on court le risque de porter atteinte à la liberté dʼexpression des artistes et de
favoriser lʼart dʼEtat.
Le message culturel doit donc être revu et corrigé, les plafonds des dépenses
rehaussés, les arrêtés fédéraux concernés adaptés dans les meilleurs délais.