7JU! 3

Transcription

7JU! 3
CONDI/T/l979/14
LES INCIDENCES DES OHNGEMENTS TECHNOLOGIQUES
SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DES
QUELQUES REPERES
TRAVAILLEURS RURAUX
:
par
Jean-Marc CLERC
Conseiller régional pour l'Afrique en
conditions et milieu de travail
Rapport présenté au Séminaire sur U amélioration
des conditions et du milieu de travail des
travailleurs ruraux en Af.rique
(Cotonou, 3-7 décembre 1979)
Document interne
Distribution restreinte
Bureau international du Travail
Département des conditions et du milieu de travail
Service des conditions de travail et de vie
7JU!
3
e.&-
Genève
Novembre 1979
II I II I I II I I II I II
48282
Les incidences des changements technologiques sur
les conditios de ,tava1l, et ,de. vie des
quelques repères
travailleurs ruraux
:
Page
1
OBSERVkTIONS MNINAIRES
'4
CHAPITRE
:
incidences des
7
II - Incidences des changements technologiques sur
les temps de travail
24
CHAPITRE III - Incidences des changements technol&giques sur
la pénibilité du travail agricole
32
IV - Incidences des changements technologiques sur
les conditions de vie des travailleurs ruraux
40
CHAPITRE
CHAPITRE
CHAPITRE
CHAPITRE
CONCLUSION
14'
I - Survie, subsistance et revenus
changements technologiques
V - Les changements technologiques dans leurs rapports
avec l'organisation du travail et ltorganisation sociale
VI - La participation des travailleurs ruraux aux
changements technologiques qui les affectent
.
47
55
59
OBSERVATIONS LI1'IJINAIRES
Un thème aussi vaste et aussi complexe appelle d'abord quelques remarques
qui se
explicatives sur l'optique selon laquelle il a été abordé et les limites
lequel il se
compte
tenu
du
contexte
dans
sont imposées ou qutil a fallu tracer,
place et des difficultés qu'il présente.
I -
Le contexte. dans lequel s' inscrit
le thème étudié
Le problème du développement rural et de l'efficacité des efforts entre1.
problème important;
pris pour le réaliser constitue depuis de longues années un
l'humanité
mais il tend à devenir un des deux ou trois problèmes majeurs auxquels
interAu
niveau
national
comme
au
niveau
déjà
confrontée.
va se trouver ou est
prend
vivant
dans
le
secteur
rural
national, le sort de millions de personnes
pays du
désormais, une place prédominante ndn seulement dans le développement de
relations
économiQues
internationales.
tiers monde mais aussi dans les
Depuis cestoutes dernières années, le problème, progressivement, se
2.
essentiels, soulignée
localise autour d la notion de satisfaction des besoinsdu thème de la pauvreté
puis,
plus
récemment
encore,
autour
par l'OIT en l976'-,
l'OIT.
dans le monde, thème abordé par la Banque mondiale, la FAO et
directeDeux éléments distincts mais concomitants, qui intéressent très
3.
récente
être
décelés
dans
cette
évolution
ment le sujet abordé ici, peuvent
Non seulement on met en question, mais on met en cause de plus en plus
fréquemment et de plus en plus nettement l'efficacité des politiques suivies
de projusqu'ici, qui s'organisaient autour de la mise en place de techniques, confiance
une
cédés, d'espèces et de produits nouveaux et, en fait, reposaient surdésillusion
quasi absolue en eux; à une période d'espoir succède maintenant la
c'est un point qui sera évoqué plus loin.
On s'intéresse de plus en plus, semble-t-il, au sort des travailleurs
Sans, pour autant, laisser entendre qu'ils étaient oubliés,
ruraux eux-mêmes.
prévalu,
force est d'admettre qu'un certain raisonnement implicite avait longtemps
selon lequel l'accroissement de la productivité dans l'agriculture s'imposait
voie de consécomme seul moyen de lutte contre la faim dans le monde et que, par
de son
quence, les ruraux en seraient bénéficiaires. En posant dans le cadreramené
le
problème
de
l'emploi
rural,
l'OIT
a
Programme mondial de l'emploi le
Souvent
encore,
cependant,
milieu
rural.
centre d'intérêt sur l'homme qui vit en
l'hectare, de surc'est seulement en termes économiques globaux de rendements à abondante
littérature
tracteurs
vendus,
etc.,
qu'une
faces emblavées, de nombre de
parle de développement rural.
Cette double évolution, que les faits ont dictée, aboutit à un constat
4.
Un rapport
dramatique qu'avec franchise la PAO t le BIT annoncent simultanément.
prochaine
session
de
la
Commission
consulpublié très récemment par le BIT pour la
pauvreté dans le
soulignant
que
le
problème
de
la
tative du développement rural3,
"les estimations
tiers monde concerne essentiellement les campagnes, rappelle que
pauvreté
de
75 dollars par
de la BIRD pour 1969, qui se fondent sur un seuil de
habitant, montrent qu'à la date considérée ... 55 pour cent de la population ruseuil de pauvreté"
rale des pays en voie de développement n'atteignent même pas le
1
rapport du Directeur
L'emploi, la croissance et les besoins essentiels
l'emploi,
la
répartition du regénéral è la Conférence mondiale tripartite sur
venu, le progrès social et la division internationale du travail, BIT, 1976.
2
"Survie, subsistance et revenus : incidences des changeAu chapitre I
ments technologiques".
:
3
Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement.
Rapport pour la Commission consultative du développement rural, neuvième session,
BIT,
1979.
ACRD/IX/1979/II, p. 3.
2
Puis il souligne "le sentiment de déception croissant" qu'amène la constatation
des résultats des efforts de développement tentés ces vingt-cinq, dernières années,
puisque "une croissance importante n'a pas forcément d'effets perceptibles sur la
pauvreté et va même souvent de pair avec une aggravation de la misère"l. L'ensemble
des études qu'analyse ce rapport montre en effet que,2d'une façon générale, et
En ce qui concerne
presque partout, "la pauvreté persiste et s'accentue"
l'Afrique, et bien que les études détaillées aoient peu nombreuses, la situation
peut être résumée par les trois indices suivants : la production agricole par habitant, dont le taux de croissance était de 0,2 pour cent par an pendant la période
allant de 1961 à 1970, est tombée à -1,5 pour cent (moins 1,5 pour cent) par an
pendant la période de 1970 à 1976 (pour l'ensem11 des pays en voie de développement,
0,7 pour cent et 0,2 pour cent); l'accroisseles chiffres ont été respectivement
ment démographique dans les zones rurales a été, en Afrique, supérieur à 20 pour
cent en dix ans (1965 à 1975); le rapport entre le chiffre de la population et la
superficie des terres (rapport terre/homme) est tombé poir l'Afrique de 0,81 à
Les indications publiées
0,72 hectare par habitant au cours de cette même période7.
dans 16 des 24 pays d'Afrique au sud du Sahara
par la FAO4 vont dans le même sens
la sous-alimentation frappait, en 1972-1974, 30 pour cent au moins de la population;
dans 13 pays, la sous-alimentation a augmenté, tandis qu'elle est restée la même
dans cinq autres et n'a diminué que dans six cas.
.
:
:
C'est donc alors même que l'on sinterroge sur le bien-fondé de l'orien5.
tation suivie jusqu'ici que la situation commande plus que jamais d'intensifier
les efforts.
C'est dans cette problématique générale qu'il faut situer le point examiné
ici.
II - Les conditions de travail et de vie des
travailleurs ruraux et l'OIT.
L'OIT s'est toujours préoccupée de la situation des travailleurs ruraux pour
tenter de l'améliorer. En premier lieu, elle a adopté un certain nombre de normes
internationales, qui concernent notamment les salaires minima, le sort des fermiers
et métayers, les coopératives rurales, l'inspection du travail dans l'agriculture,
les conditions de travail5. Cependant, "les effets pratiques de ces instruments
internationaux sont trop souvent, et dans trop de pays, restés limités pour de
1
Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement,
op. cit., p. 1, paragr. 1.
2
Ibid., p. 43, paragr. 3 et 4.
3
Ibid., pp. 9 et 10.
4
Les
PAO : La quatrième enquête mondiale sur l'alimentation, Rome, 1977.
"Pauvreté et emploi
conclusions de cette enquête figurent dans le rapport du BIT
dans les zones rurales des pays en développement" déjà cité, pp. 18-21. Les chiffres cités ici se trouvent p. 20.
S
En matière de salaires minima dans l'agriculture : recommandation (n° 89) sur
les méthodes de fixation des salaires minima dans l'agriculture (1951), convention
minima (l970).
(O 131) et recommandation (n° 135) sur la fixation des salaires
recommandation (n 132)
Pour les autres catégories de travailleurs du secteur rural
relative aux fermiers et métayers (1968), conventhon (n° 107) et recommandation
(n° 104) relatives aux populations aborigènes et tribales (1957), convention et
En ce qui concerne les coopérecommandation (n° 110) sur les plantations (1958).
Dans
le domaine des conditions
(1966).
ratives des pays en voie de développement
convention (n° b) sur itâge minimum dans l'agriculture
de travail en général
(1921), convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération (1951) et plus généralement convention (n° 117) sur la pqlitique sociale (objectifs et normes de base)
(1962), enfin la convention (n° 141) concernant les organisations de travailleurs
lie domaine de la
ruraux et leur rôle dans le développement économique et social.
(non
seulement
des
normes
internationales,
mais
sécurité et de l'hygiène du travail
des recueils de directives pratiques et des guides lui sont consacrés) n'est pas
évoqué ici, puisqu'il fait l'objet de communications particulières.
:
3
multiples raisons qui se ramènent finalement à un degré1de développement insuff iEn second lieu, la
sant sur les plans économique, social et administratif"
Conférence internationale du Traval a adopté, en 1960, une résolution concernant
"la contribution de l'OIT à l'augmentation des revenus et à l'amélioration des
conditions de vie dans les communautés rurales, en particulier dans les pays en
voie de développement", sur la base de laquelle a été lancé le programme de dévela réforme agraire
loppement rural de l'OIT, puis, en 1965, une résolution
et, en particulier, ses aspects sociaux et ses aspects d'emploi" qui énumère,
parmi les objectifs de la réforme agraire, celui qui consiste à "assurer des emplois, des niveaux de revenus et de çonditions de vie convenables à tous les éléments de la population agricole". En troisième lieu, il convient de mentionner
les travaux de la Commission du travail dans les plantations, dont la septième
session a notamment examiné "le logement, les soins médicaux, les services sociaux
et la sécurité et l'hygiène du travail dans les p1antations". En quatrième lieu,
il y a lieu de rappeler les activités pratiques menées, en particulier, au titre
du Programme de développement rural de l'OIT, et comportant des études, enquêtes
et projets d'assistance technique, dont une part importante concerne les questions
d'emploi et de formation professionnelle en milieu rural, mais dont le caractère
"global" ou "intégré" a été souligné; c'est dans la même optique, en considération
du fait que les problèmes liés à la situation des revenus et aux conditions de
travail et de vie dans le secteur rural touchent tous les aspects du développement
rural, que l'OIT a tenu à coordonner ses travaux avec les autres institutions compétentes, notamment la PAO, et qu'elle participe activement au travail de l'"InterAgency Task Force on Rural Development" créé par le CAC (Comité administratif de
Enfin, dernier-né des grands programmes de l'OIT,
coordination des Nations Unies).
des conditions et du milieu de travail
le Programme international pour
(PIACT) ne peut évidemment exclure les travailleurs ruraux; aussi le document, dont
les grandes lignes ont ét5 adoptées par le Conseil d'administration du, BIT, indique"la nécessité d'une action ... tient au fait que c'est dans le secteur rural
t-il
que vit dans des conditions misérables la majeure partie de la population travailleuse du monde en raison de l'insuffisance des revenus retirés des activités productives, du caractère souvent pénible des conditions de travail - inséparables
des conditions générales de vie, étant donné l'interpénétration des milieux de
travail et de vie - et de la rareté des services sociaux disponib1est.
.
Ces divers travaux ont contribué à éclairer le domaine complexe de la situation des travailleurs ruraux dans les pays en voie de développement; le dernier en
date, déjà évoqué, consacré à "la pauvreté et l'emploi dans les zones rurales des
pays en développement", rapport préparé pour la neuvième session de la Commission
consultative du développement rural, particulièrement documenté, sera plusieurs
fois cité ici.
III - Remarcne s int rodu ct.ive,s con o erriari t l'approche.
du theme étudié et les difficultés rencontrées
Comment améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs
ruraux ? Le progrès technique et le développement rural peuvent-ils y contribuer ?
Telle est la question sous-jacente au thème examiné ici.
1.
"Le niveau très
Il y a très peu dées encore il était courant de lire
bas des revenus des petits cultivateurs tient à ce que l'agriculture reste une
agriculture de subsistance où les méthodes traditionnelles de travail sont rudimentaires et la productivité très faible", ce qi laissait entendre que les méthodes traditionnelles étaient, en grande partie, sinon seules, responsables de
Certes, depuis longtemps
cet état de ±ait et qu'il importait donc de les changer.
:
1
Commission consultative du développement rural, huitième session, troisième
revenus des travailleurs agricoles, notamment dans les
question à l'ordre du jour
pays en voie de développement, BIT, 1974, p. 93.
2
Commission du travail dans les plantations, septième session, rapport III,
BIT, 1976.
3
GB.200/PFA/10/8, p. 6, paragr. 29.
4
ACRD IX/1979/II, BIT, 1979.
4
djà le BIT signalait le danger d'une mécanisation s3rstématique1, et toutes les
autorités en la matière ont toujours insisté sur la nécessité d'une tapproche globale" qui ne sous-estime, pour être efficace, aucun des facteurs en cause. Nais
l'on comptait très généralement sur une dynamique du développement dont les travailleurs ruraux devraient être normalement, moyennant certaines précautions, les bénéficiaires, dynamique du développement reposant notamment sur l'emploi de techniques
plus évoluées que les techniques traditionnelles (culture attelée, mécanisation),
le recours \ des variétés à haut rendement (dont la découverte avait été saluée
comme une "étape décisive" sur la voie d'un accroissement de la consommation aliLes résultats rappelés
mentaire du tiers monde) et l'usage de pesticides divers.
plus haut (n° I) soulèvent actuellement une question véritablement fondamentale
bien posée dans le rapport "Pauvreté et emploi ..." déjà cité2 : "Il est, en un
sens, parfaitement compréhensible que l'on répugne à reconnaître que la proportion
même pas le seuil de pauvreté puisse avoir
de la population rurale qui
augmenté pendant cette période (les dernières décennies). En effet, il ne s'agit
pas ici d'une simple question de statistiques; ce qui est en jeu, c'est une doctrine fondamentale de l'économie du développement. D'après cette doctrine, les
avantages de la croissance doivent se diffuser largement et une croissance stable
de la production totale est incompatible avec une aggravation de la misère. Comme
les doctrines sous-tendent les politiques appliquées, il est important, pour les
politiques de développement rural, de savoir comment la pauvreté a évolué dans les
S'il était possible de montrer qu'elle a diminué, on pourrait soutenir
campagnes.
que les politiques de développement rural appliquées par le passé ont donné de bons
résultats et que, pour l'avenir, il suffit de persévérer dans la même voie. En
revanche, si le contraire était vrai, il faudrait alors élaborer d'urgence de nouvelles politiques fondées sur une analyse nouvelle des raisons pour lesquelles la
pauvreté rurale se serait aggravée malgré la croissance."
Une autre question connexe,mais distincte, est également sous-jacente au thème
qu'en est-il des conditions de travail et de vie autres que les
de ce séminaire
s_à_djre la pénibilité du travail, sa
revenus, la subsistance et la pauvreté,
Suivent-elles
une évolution semblable à celle de
durée, le milieu de vie, etc. ?
la pauvreté ou sont-elles affectées différemment ? Stagit_il, compte tenu de ce
que les questions de conditions de travail et de vie sont étroitement liées dans le
secteur rural, de mener les mêmes efforts, les mêmes actions pour améliorer ces
conditions que pour lutter contre la pauvreté et ses conséquences ? Ou bien y
aurait-il quelques actions spécifiques qui permettraient d'améliorer sur des points
précis et limités la condition du paysan ? Ou bien encore - troisième éventualité s'agirait-il d'une question d'accentuation et de priorité, et serait-ce dans
la mesure où serait recherchée en priorité l'amélioration des conditions de travail
et de vie des travailleurs ruraux qu'il en découlerait une amélioration de la productivité du travail agricole ?
dire toute l'importance du thème choisi par l'OCAM pour ce séminaire.
C'est dire aussi à quel point il vient à son heure car, s'il faut sans doute déplorer que certains aspects des conditions de travail et de vie des travailleurs
il faut souligner
ruraux n'aient pas fait jusqu'ici l'objet d'études approfondies,
posent sur les abouque c'est dans la mesure même où des questions angoissantes se
tissements des énQrmes efforts engagés jusqu'ici qi'une interrogation sur tous les
aspects touchant aux conditions de vie et de travail des travailleurs ruraux peut
éveiller des échos, susciter un examen plus approfondi et, peut-être, aider à déC'est dire, enfin, les difficultés et
finir de nouvelles approches de solutions.
les. limites du présent document.
1
En 1974, le BIT soulignait"l'aggravation du sort des ruraux déshérités
exploiqu'entraîne une mécanisation inconsidérée de l'agriculture dans les grandes
notamment
dans
les
pays
en
voie
de
tations" ("Revenus des travailleurs agricoles,
développement", Commission consultative du développement rural, 1974, AORD/VIII/
1974/111, p. 19).
2
Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement,
op. cit., p. 4.
5
2.
Difficultés et limites du sujet
La .piernière difficulté du sujet tient évidemment è. la variété et à la
complexité des situations. Variété, car, de quelque point de vue que l'on se
constitue
place, le fait d'embrasser "seulement" l'Afrique au sud du Sahara ne
climats, sols, ethnies, techniques, conditions de propriété
guère une limitation
mosaïque
et d'exploitation, régime juridique, infrastructures ... constituent une
à
l'oeil
attentif
de
l'observateur,
puisqu'un
dont les détails échappent souvent
seul élément, toutes autres conditions semblables par ailleurs, peut modifier le
abondance et variété de cas que connaissent bien les
travail et le mode de vie
variété des situations et
ethnologues. Complexité du sujet, car elle découle de la
Il était évidemment
à
la
vie
rurale.
elle se complique des interférences propres
hors de question ici de tracer un tableau à double entrée alignant les diverses
techniques agricoles et les "croisant" avec les principales cultures et, pour chaC'est à juste titre que l'énoncé du
cune, les divers travaux qu'elles requièrent.
thème porte la mention "organisation sociale", car le travail agricole, de même
c'est un
que le travail artisanal en milieu rural, n'est pas seulement un travail,
mode de vie; changer une technique comporte donc inévitablement beaucoup d'autres
incidences que celles qui sont visibles et mesurables.
En dehors du problème de la
la seconde difficulté concerne les sources.
subsistance et des revenus retirés du travail agricole, sur lequel on dispose d'un
1éent5 le plus souvent dispersés dans une quantité importante
certain nombre
de littérature, presque rien, au contraire, ne concerne les autres aspects des
conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux, qu'il s'agisse de la pénibilité du travail à la chaleur et des efforts physiques provoqués par certaines
tâches, de la durée du travail, etc. C'est dire que les relations entre les changements techniques apportés à l'exploitation agricole et les conditions de travail
et de vie sont encore moins défrichées. Les quelques éléments rassemblés ont été,
sauf deux ou trois exceptions, glanés dans les études, des rapports ou des ouvrages
et_à_djre, le plus souvent, les résultats en termes
aspects,
-traitant
économiques de la mise en oeuvre de nouvellès techniques. Il aurait donc été nécespart, d'exploiter systématisaire, pour traiter valablement d'un tel sujet,
premier
lieu
les
rapports internes du BIT
quement la littérature disponible, et en
et de la FAO concernant des projets de coopération technique dans le secteur rural,
d'autre part, de réaliser un certain nombre d'études ponctuelles sur le terrain et
axées sur ce thème.
Ej ces difficultés sont mentionnées avec quelques détails, c'est pour indiquer
les limites de ce document et expliquer le caractère disproportionné des dévelopil ne s'agira ici que de tracer quelques
pements concernant tel ou tel sujet
repères, eux-mêmeS sujets à révisions, et dont la raison dtre est d'identifier
les voies de recherche et d'action dans un domaine è. tous égards considérable.
:
Plan du document
3.
Les incidences des changements technologiques seront examinées au cours de
la lutte pour la
six chapitres. Besoin essentiel s'il en est, la subsistance, ou
survie, qui, pour ceux qui sont entrés dans l'économie de marché, se traduit par
la recherche de revenus, constitue le premier aspect des conditions de vie, qui
fera l'objet du premier chapitre, celui pour lequel on dispose d'un grand nombre
les temps de travail, la pénibilité du
Seront ensuite examinés
de matériaux.
Le
cinquième
chapitre ne pourra qu'évoquer un
travail et les conditions de vie.
les relations entre le changement
problème difficile mais sans doute fondamental
technique, d'une part, et, d'autre part, l'organisation du travail et l'organisation
sociale et, plus généralement, les cultures africaines. Le dernier chapitre traitera de la participation des travailleurs ruraux aux changements qui les affectent.
:
Le terme de "changement technologique" a été pris ici dans son acception la
plus large, c'est-à-dire couvrant toutes les innovations par rapport aux techniques
traditionnelles, y compris la généralisation de cultures de rapport.
Le cas des plantations à grande surface ne sera pas évoqué ici; il se pose en
termes si particuliers qujl n'a pas paru possible de le traiter en même temps que
le cas, beaucoup plus général en Afrique, des petites exploitations; les grandes
plantations ont fait, du reste, l'objet d'études particulières1.
1
Cf. notamment
OID. oit.
Commission du travail dans les plantations, rapport III,
7
CHAPITRE I
SURVIE
INCIDENCES
SUBSISTANCE ET REVENUS
'DES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES
:
Un point commun à toutes les innovations introduites dans l'agriculture1, en
Afrique comme dans d'autres continents du tiers monde, est qu'elles se donnent pour
raison d'être deux objectifs, présentés le plus souvent, expressément ou tacitel'augmentation de la proment, comme des objectifs inséparables et solidaires
duction agricole et l'amélioration des moyens d'existence des paysans par la création ou l'augmentation d'un revenu monétaire. Qu'en est-il de ce second objectif ?
:
Des écueils et même des échecs ont été depuis longtemps signalés qui semblent
malheureusement se confirmer. S'agissant de phénomènes connus, ou se limitera à
énumérer les difficultés tant qu'il s'agit de constatations générales, en renvoyant à la lecture des ouvrages qui eu traïtent et eu insistant davantage sur
des cas ayant fait l'objet d'enquêtes particulières.
Le décalage entre les prix des produits de l'agriculture et ceux des
ou a cité le cas du café qui, au Tgo, valait,
"intrants" a été souvent souligné
en pouvoir d'achat en 1960, deux fois et demie ce qu'il valait eu l974. On a signalé
qu'en R.-tJ du Cameroun, où la culture du cacao est le fait
hales de très petite taille, le kilo de cacao était payé entre 150 à 200 francs
OFA en 1954, date où le kilo de viande valait entre 60 et 75 francs OPA et le régime
de bananes plantains de 25 à 50 francs OFA; en 1975 (après des fluctuations qui
ont fait tomber le prix du kilo jusqu'à 50 francs OPA), le kilo de cacao était
à 220 francs OFA; le gouvernement étant intervenu, le prix est actuellement fixé
à 260 francs OFA; pendant ce temps, le prix du régime de bananes plantains a at1 000 francs OFA; il a donc été multiplié par vingt, et le prix du
teint 800
kilo de viande davantage. Parallèlement, le prix des semences, des engrais, deS
produits phytosanitaires, de l'équipement et de l'outillage s'est élevé de faQon
considérable. Le multiculteur, qui valait 16 000 francs OFA eu 1971 eu Haute-Volta,
contait 30 000 francs OPA deux ans plus tard tandis que le prix du coton passait
aux mêmes dates de 30 à 32 francs OFA le kilo. Pourtant, il faut souligner le
rôle important joué par les caisses de stabilisation et de soutien des prix agricoles, créées par la plupart des pays, qui garantissent aux agriculteurs un prix
minimum tout eu assurant le placement des récoltes. Mais le niveau auquel se
situent les prix sur le marché mondial joue.
:
Les problèmes de subsistance en devjeuuent plus aigus. Fréquemment,
les rembbursements des emprunts parfois consentis par
l'agriculteur s'endette
la société qui vend les semences et prend les récoltes peuvent amputer le revenu
monétaire du paysan dans une proportion considérable; ce dernier peut être aussi,
ce qui est pire, la proie des usuriers, qui pratiquent des taux d'intérêt annuel
de 100 pour cent, si ce n'est pas davantage4. Certains se trouvent contraints de
D'autres
vendre leurs terres à des conditions de prix qui leur sont imposées.
ont mis en gage leur matériel à la suite d'une mauvaise récolte puis se les ont
Une étude menée par l'ORSTON dans un village du Séuégal sur le système
-v-u saisir.
agricole observe que les quatre familles particulièrement suivies dans le cadre
le premier
de l'enquête son presque entièrement démunies d'équipement moderne
chef de famille n'avait aucun matériel moderne, ayant tout vendu eu 1964; le second
n'avait rieu non plus mais déclarait avoir mie eu gage deux semoirs; le troisième
:
:
1 Il est rarement possible de distinguer les effets de l'introduction de la
culture de rapport et de l'introduction de techniques nouvelles. On y revient au
point 2.
2
A. Provent et P. de Ravignan : Le nouvel ordre de la faim, Seuil, Paris,
1977, p. 49.
En RépublLque centrafricaine, où la. culture du coton était obligatoire sur
une certaine superficie au temps de la colonisation (obligation abolie théoriquement
en 1946 mais maintenue en fait jusque vers les anuées 1950-1955, explique G.Gosselin),
le prix de vente du coton n'est passé que de 25 francs CFA en 1952 à 27 francs CPA
G. Gosseliu, Développement et tradition dans les sociétés rurales afrieu 1963
caines, BIT, 1970, p. 106.
A. Provent et F. de Ravigriar (op. oit.) citent même le chiffre de 240 pour
cent (p. 50).
8
était dans la même situation mais avait mis un semoir en gage; le quatri'eme,
seul, possédait une houe artisanale qu'il n'avait pas encore payé?.
Oet endettement paysan, très répandu semble-t-il, constitue un nouveau fléeau
qui s'ajoute pour l'agriculteur chef de famille au souci de nourrir les siens.
Dans l'étude citée plus haut, l'ORSTOM cite ces remarques amères d'un paysan
"Je ne prendrai pas d'engrais l'année prochaine, car il est trop cher ... Je sais
bien que l'engrais enrichit la terre et la conserve, mais il est trop cher et
mange (sic) toute la récolte ... Par exemple, s'il existe deux champs, l'un avec
et l'autre sans engrais, celui qui a reçu l'engrais donnera sans doute une meilleure récolte, mais son propriétaire sera aussi le plus endetté. Oontinuer dans
ces conditions, je veux dire prendre du matériel à crédit et continuer à s'endetter, est une honte pour un homme libre, oui une honte pour un homme libre." (0es
derniers mots étaient exprimés en français.)2
Souvent, incités à se lancer dans la culture de rente, les agriculteurs ont
diminué les superficies consacrées aux cultures vivrières et se trouvent contraints
d'acheter les produits de base qu'ils cultivaient précédemment, ce qui accroît
leur dépendance, d'autant que les prix de ces produits s'élèvent en raison de la
D'autres louent leurs services contre un petit salaire ou des dons de.
rareté.
produits vivriers et négligent leurs champs, ce qui se traduit par une baisse du
revenu.
Même en l'absence d'endettement, le paysan - surtout celui qui a été incité
à diminuer la superficie consacrée aux cultures vivrières - se trouve contraint
d'adopter des comportements qui vont à l'encontre des effets recherchés. Les
semences sont généralement distribuées en fin de saison sèche, c'est-à-dire à un
moment où les disponibilités alimentaires des familles sont particulièrement
pour un paysan n'ayant plus qu'une faible quantité de mil et généraleréduites
ment dépourvn d'argent pour acheter d'autres denrées de base comme du sucre ou du
thé, il est tentant d'utiliser à son alimentation ou de vendre sur les marchés
On cite également le cas du paysan qui,
locaux une partie des semences reçues.
ayant acquis une houe octidentale ou. un semoir, vend des sacs de semences pour
acheter l'animal de trait qui lui permettra d'utiliser son matériel; d'autres
écoulent une partie des semences pour payer la main-d'oeuvre salariée qu'ils utiliseron'L pour le sarclage.
:
Les impôts, souvent très lourds, qui pèsent sur les agriculteurs, en particulier les jeunes célibataires qui pratiquent la culture de rente, conduisent
G. Gosselin3 indique qu'en pays gbeya (République
souvent ceux-ci à l'exode rural
centrafricaine) la parcelle de coton d'un demi-hectare cultivée par un jeune célibataire lui rapportait 3 700 francs OFA environ par an4, pour un rendement moyen
de 140 kilos par hectare; déduction faite de l'impôt de 2 400 francs OFA, il ne
lui restait que 1 300 francs OPA. Pressés de toucher leur argent, les petits planteurs de cacao, en R.-U duOaineroun, préfèrent vendre leà fèves, à l'état brut,
laissant le commerçant réaliser les opérations de fermentation et de séchage; s'ils
s'évitent ainsi des travaux (ce qui n'est pas le but recherché), ils se contraignent
à une diminution de leurs revenus.
Pa voie de conséquence, on assiste à un recul de certaines cultures de
les pla'ntaions de café ou dè cacao sont délaissées et la production acrente
au Niger, la production d'arachide
cuse dans certains pays une baisse brutale
(gaies décortiquées), après être passée de 18 000 tonnes en 1929 à 182 000 tonnes
en 1968, est redescendue à 15 000 tonnes en 1974 (année de disette, il faut le
préciser).
:
:
ORSTON : Maintenance sociale et changement économique au Sénégal. I. Doctrine économique et pratique du travail chez les Mourides, par J. Copans, Ph. Oouty,
J. Roeh, G. Rocheteau, Paris, 1972, p. 42.
2
Ibid., p. 40.
G. Gosselin. Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, BIT, Genève, 1970, p. 105.
En 1958 ou 1959.
9
I,'aggrvation des inéaiités de revenus.- Pourtant, dans certaines conditions, essentiellement lorsqu'il s'agit d'agriculteurs disposant d'exploitations
de superficie assez grande ou de chefs de village disposant des revenus provenant
du travail des membres de la communauté, la mécanisation et l'emploi des engrais
et produits phytosanitaires s'avèrent rentables et dégagent des surplus qui permettent à leur tour des investissements utiles. Ce sont ces investissements qui sont
précisément très difficiles pour les petits exploitants, malgré les aides consenties bien souvent par les autorités; la précarité même de leur situation rend risué tout changement et tend à perpétuer les cultures et les modes d'exploitation
traditionnels ou même à les recréer en cas d'échec. Aussi a-t-on constaté que la
mécanisation se traduit fréquemment par une aggravation des inégalités des revenus.
en 1973, dans
C'était là un résultat que l'on redoutait il y a quelques années
son rapport "Prospérité et mieux-être"-, le Directeur général du BIT écrivait
"Le progrès technique ne présente pas moins d'importance que la réforme agraire,
mais les possibilités qu'il ouvre peuvent se trouver gaspillées aux dépens des
petits exploitants qui ne sont pas en mesure d'en profiter, et une mécanisation
trop systématique peut poser plus de problèmes qu'elle n'en résout." Et en 1974,
un rapport du BIT à la Commission consultative du développement rural soulignait
"A mesure que se développe le recours aux variétés à haut rendement, il est ainsi
probable qu'on verra se dessiner une tendance à la polarisation plus marquée des
riches et des pauvres en milieu rural. Pour la juguler et veiller à ce que les
bienfaits du recours aux variétés à haut rendement atteignent les économiquement
faibles, les gouvernements devront mettre en oeuvre, parallèlement aux programmes
techniques de promotion des VEIR, un vaste plar de réforme agraire et d'autres
changements structurels dans le secteur rurale." Ces craintes se sont malheureuseun rapport de la PAO, déjà cité, indique :"Il y a beaucoup d'exemment confirmées
ples où ... la mécanisation a aggravé les inégalités de revenus en réduisant les
possibilités d'emploi qui s'offrent aux petits paysans et aux trvailleurs agricoles sans terre et en relevant les revenus des gros exploitants2." Les comparaisons que publie le récent rapport du BIT, déjà cité4, concernant des estimations
de la pauvreté rurale en Afrique à trois années de distance (chiffres fournis par
la FAC) illustrent la dégradatio:n de la situation (voir tableaux 1 et 2); "si l'on
considère l'évolution de la pauvreté au cours de la périoa.e, bien courte certes,
qui sépare les deux observations, on constate que l'incidence de la sous-alimentation
a augmenté dans treize pays sur vingt-quatre, et qu'elle est restée la même dans
cinq autres, n'ayant diminué que dans six cas. Ainsi, dans les trois quarts des
pays inclus dans l'échantillon, la misère n'a pas reculé"2. En outre, on constate
que, dans les six pays situés au sud du Sahara pour lesquels on dispose de d.ounées,
les tendances des indices des salaires réels sont décroissantes (voir tableau 3.)3.
.
:
:
Prospérité et mieux-être; objectifs sociaux de la croissance et du progrès
économiques. Rapport du Directeur général à la Conférence internationale du
Travail, 1973.
2
Revenus des travailleurs ngriooles, notamment dans les pays en voie de
développement. Commission consultative du développement rural, 8e session, AURD,
vIII/l974/III
La mécanisation agricole et la répartition des revenus; l'emploi et le
progrès dans les pays en développement, op. oit., p. 10. Voir aussi Z. Svejnar
Emploi et tec1nologie dans le milieu rural et dans le secteur industriel au
"En Afrique, les changements
Sénégal; BIT (PE0A), 20.12.1978 (rapport interne)
de technologiont abouti souvnt à un accroissement considérable du chômage et
à une inégalité dans la distribution des revenus"(p. 2).
:
Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement,
op. cit., pp. 18-20.
- 10 -
Pab1eau 1.
Estimations de la PAO concernatat les pourcentages
de dénutris dans la population totale
1969-1971
1972-1974
Botswana
République-Unie du Cameroun
33
36
14
Côte-d'Ivoire
Ethiopie
9
26
16
8
38
G-hana
22
38
24
42
Guinée
Kenya
Libéria
20
41
30
37
17
Madagascar
Malawi
Mali
Mauritanie
14
19
38
36
14
49
48
Mozambique
34
36
Niger
Sénégal
36
47
25
25
Sierra Leone
20
Somalie
Soudan
42
21
40
30
30
Swaziland
35
33
Tanzanie
35
35
Tchad
Zare
34
24
34
Zambie
35
54
24
44
34
Togo
Tableau 2.
Diverses estimations de la pauvreté rurale
établies à partir de dormées provenant
d'enquêtes sur les ménages
Pays ou
régions
Années
Pourcentages des
ménages vivant
dans la pauvreté
Normes de pauvreté
utilisées
Ghana (région
orientale)
1965-66
74
Au moins 50 pour cent du
revenu total sont consacrés
à la nourriture.
Kenya
1974-75
88
Au moins 70 pour cent du
revenu total du ménage sont
consacrés à la nourriture
Lesotho
1967-1969
91
250 rands, soit un seuil
de pauvreté correspondant
à une ration quotidienne
e 2 813 calories et à un
budget dans lequel 55 pour
cent des dépenses totales
sont consacrés à la nourriture
Nigéria (Nord)
1970-71
51
Dépenses de nourriture
s'élevant à 70 pour cent
au moins des dépenses
totales
Sierra Leone
autour
70
Au moins 70 pour cent du
revenu total du ménage sont
consacrés à la nourriture
88
Plus de 60 pour cent du
revenu total sont consacrés
à la nourriture
de
Tanzanie
1970
1969
Sources et observations
Les données figurant dans le tableau 1 sont tirées de PAO : La quatrième
en9uête mondiale sur l'alimentation (Rome, 1977), annexe M, pp. 133-134. Les
sont d.éfinjs comme les personnes ayant un apport aalorique inférieur
Comme la même méthode a été employée pour
à 1,2 MB, soit environ 1 500 calories,
les deux années, les chiffres sont comparables.
Les chiffres du tableau 2 sont tirés de l'étude de Charles Elliot
Rural Poverty in Africa (document polycopié) (enève, BIT, novembre 1978), pp.
9-15.
- 12 -
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Causes et mécanismes d'appauvrissement du monde rural.- Certes, on peut
objecter à ce qui vient d'tre schmatiq,uement rappelé des difficultés et des échecs
d'une agriculture modernisée que ceux-ci ne sont pas nécessairement imputables aux
technologies employées mais qu'il s'agit là des conséquences d'un ensemble de facL'analyse des causes - et, notamment, la détermination du rôle que jouent
teurs.
les changements technologiques - est rendue plus difficile par le fait que l'objectif final d'augmentation de la production agricole et i)objectif intermédiaire de
modernisation des techniques utilisées ont, jusqu'ici, été très liés dans les concepts, les politiques et les structures mises en place par les Etats. Preuve en
est que la plupart des organismes créés en vue du développement rural ont en charge
à la fois la vulgarisation de techniques agricoles nouvelles, la répartition des
semences et des produits phyto-sanitaires et la commercialisation des récoltes.
Pourtant une telle analyse s'impose. Elle ne peut être effectuée dans le cadre de
ce rapport et on ne peut que renvoyer au rapport, déjà cité, que le BIT a consacré
?preté et emploi dans les zones rurales des pays en dévelçppement".
au sujet
On se
Ce rapport contient un examen des causes de la pauvreté en milieu ruraiL.
"Les distorsions en mabornera à citer ici le passage relatif à la technologie
tière de progrès technique, jointes à la diffusion et à l'adoption des nouvelles
techniques, n'ont pas peu contribué à aggraver le chômage et la pauvreté, mais les
mécanismes qui sont à l'origine dê ce phénomène ne peuvent être compris que dans le
contexte socio-économique du secteur rural. Avec une structure différente de la
propriété des avoirs productifs et une autre organisation de la production agricole, les mêmes progres techniques pourraient aboutir à des résultats totalement
différents du point de vue de la croissance et de la répartition des revenus2."
Le rapport souligne notamment que les pays importateurs paient des prix excessifs
pour ces techniques, car la production, le commerce et la recherche et le développement sont contrôlés par des sociétés gigantesques (on estime que, hors du monde
communiste, dix grandes sociétés seulement fabrip.ient plus de 80 pour cent des
pesticides, des tracteurs et des gros accessoires); d'autre part, même de "bonfles"
innovations risquent d'aggraver l'inégalité si la situation initiale se caractérise
par une répartition très inégale de la propriété foncière3.
:
enquête.- L'jncjdenoe de l'introduction d'un changement de
Résumé
technique, toutes choses égales par ailleurs, nécessiterait d'effectuer dans chaque
Une telle enquête a été réalisée dans un pays africas une enquête particulière.
cain par un fonctionnaire du BIT. Elle avait pour objet d'évaluer les résultats
d'un projet de développement rural et en particulier d'examiner comment ce projet
avait pu contribuer à l'amélioration des conditions de travail et de vie des populations concernées4. L'enquêteur a, notamment, cherché à savoir dans quelle mesure l'introduction de la culture arachidière avait favorisé la formation de revenus monétaires additionnels au profit des paysans, et en effectuant la distinction
entre les paysans travaillant en culture traditionnelle et ceux utilisant du matériel de culture attelée; bien que cette enquête soit limitée au territoire d'une
sous-préfecture et qu'elle porte seulement sur une période de quatre ans, elle est
Les tableaux 4 à 7 doivent être examinés à la
intéressante à plusieurs égards.
lumière des indications suivantes
le cas des paysans utilisant la culture attelée a été considéré en partant
la première suppose que ces paysans ont effectivement versé
de deux hypotheses
l'apport personiiel et payé les échéances annuelles (ce qu'un petit nombre d'entre
eux a fait en réalité) du matériel agricole acheté à crédit; la seconde hypothèse
n'opère, au contraire, aucune déduction à ce titre afin de juger quelle sera l'incidence qu'aura la culture attelée de l'arachide au moment où le matériel utilisé
Nais, dans les deux cas, le revenu monétaire brut
aura été complètement remboursé.
a été diminué des frais normaux d'exploitation, tels que les dépenses de maind'oeuvre, le remboursement des prêts "désherbage", des sommes déboursées pour acquérir un animal de trait ou pour amortir les prêts "boeuf" accordés par le crédit
Les conclusions suivantes
agricole, la valeur des semences non restituées, etc.
résultent de l'analyse de ces tableaux.
:
1
Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement,
op. cit., chap. II, pp. 43-64.
2
Ibid., pp. 45-46.
3
Ibid., pp. 61 et 63.
4
Rapport de mission de C. Dumont.
Document interne du BIT.
- 16 -
Si l'on ne déduit pas du revenu monétaire créé par la culture arachidière
les sommes normalement dues au crédit agricole au titre du remboursement du matériel utilisé, on constate, à lexamen du tableau 4, que la campagne arachidière
s'est soldée, en 1969 et en 1970, par un gain pour toutes les familles enquêtées
(huit et dix-huit familles respectivement) et pour 27 des 28 familles en 1971.
Par contre, 22 des 28 familles ayant cultivé de l'arachide en 1972 ont perdu de
l'argent. En prenant comme référence une période plus longue que l'année, on
observe que les 13 familles ayant fait de l'arachide de 1970 à 1972 et que 16
des 20 familles en ayant cultivé au cours des campagnes 1971 et 1972 s'en sortent
0es résultats reflètent la diversité des conditions ayant
avec un solde positif.
1969 et 1970 ont été des
caractérisé les campagnes arachidières de 1969 à 1972
années jugées bonnes sur le plan arachidier (pluviométrie moyenne mais bien ré-.
partie), 1971 a été une année normale pour les deux zones considérées et 1972 une
année franchement désastreuse (sécheresse persistante).
Si l'on omet de considérer les sommes dont elles étaient redevables au
crédit agricole, les familles ayant fait de l'arachide en culture attelée ont
obtenu, en 1970 et en 1971, un revenu monétaire moyen supérieur de 116,3 et de
77,7 pour cent respectivement à celui enregistré par celles ayant cultivé l'arachide à la main. Déduction faite des sommes dues au crédit agricole, leur gain
moyen dépasse de 62,2 et 23,2 pour cent respectivement celui obtenu en culture
Par contre, la perte monétaire moyenne est, en 1972, nettement
traditionnelle.
plus forte en culture attelée, quelle que soit l'hypothèse considérée, qu'en
culture traditionnelle (voir tableau 4); cette situation &explique par le1fait
que, la production ayant été quasiment nulle dans les deux types de culture , le
bilan des familles en culture traditionnelle ne comportait pas certaines dépenses
d'exploitation inhérentes à la culture attelée de l'arachide (main-doeuvre salariée, restitution au secteur ONDR d'une plus grande quantité de semences, etc.).
Calculé sur une période couvrant les années 1970, 1971 et 1972, le revenu
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monétaire moyen créé par la culture araohidière s'élève, par année, à 6 896 francs
CPA pour les cinq familles enquêtées en culture traditionnelle; il atteint
5 289 francs OFA ou 11 563 francs OPA pour les huit familles en culture attelée
selon que leurs gains aient été ou non diminués des sommes dues au crédit agricole.
Calculé sur la même période, le revenu monétaire moyen créé par hectare
d'arachide cultivé (voir tableau 5) est de 4 764 francs OFA en culture traditionIl est, pour les deux hypothèses considérées en culture attelée, de
nelle.
2 081 et de 4 566 francs CPA respectivement. Ces chiffres permettent apparemment
de déduire que le revenu monétaire moyen créé à l'hectare d'arachide est, sur une
longue période, sensiblement égal dans les deux types de culture, attelée et traPar ailleurs, ce n'est q'en 1970, année relativement bonne, que la
ditionnelle.
culture attelée de l'arachide a fourni un revenu monétaire moyen à l'hectare supérieur (de 22,5 pour cent) à celui obtenu en culture traditionnelle (9 374 et
7 670 francs CFA respectivement). Ce revenu présente enfin, quels que soient
l'année considérée et le type de culture, de fortes variations d'une famille à
celles-ci reflètent les grandes différences marquant la considératiàn
l'autre
que les paysans témoignent à la culture arachidière.
:
En résumé, l'arachide semble rapporter plus en culture attelée qu'en culture traditionnelle, non pas en raison d'une rentabilité supérieure à l'hectare de
la culture attelée, mais en raison des superficies plus grandes que cette dernière
permet de cultiver. Les superficies moyennes d'arachide cultivées par les familles
enquêtées en 1970, 1971 et 1972 s'élevaient, en effet, à 1,6, 1,4 et 1,33 hectare
respectivement en culture traditionnelle2 et à 2,4, 2,67 et 2,95 hectares en culture attelée.
1
En fait, il semble que la production arachidière en culture traditionnelle
ait été en 1972, bien que faible, supérieure à celle enregistrée en culture attelée (densité moins forte à l'hectare en culture traditionnelle, ce qui a permis à
de résister mieux, bien que mal, à la sécheresse).
2
En fait, la superficie moyenne d'arachide en culture traditionnelle dépasse
rarement un hectare. Les chiffres plus élevés enregistrés au cours de l'enqête
s'expliquent par le fait que plusieurs des paysans enquêtés sont des chefs de village ayant les moyens de se faire aider et pouvant donc cultiver une surface supérieure à la normale.
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21 -
Pour préciser davantage le revenu monétaire additionnel apporté par l'arachide
aux familles de paysans, les chiffres cités précédemment doivent être interprétés
par rapport au revenu monétaire annuel moyen dont disposaient ces familles avant de
se livrer à la culture arachidière. Constatant qu'il lui était impossible de faire
préciser valablement aux paysans enquêtés l'origine et l'importance de leurs revenus au cours des années ayant précédé l'implantation de la culture arachidière,
le consultant a d, pour avoir une base de référence, interroger douze paysans
stagiaires se trouvant actuellement au centre de formation. Il résulte de ses
calculs que le revenu monétaire de ces stagiaires et de leur famille s'est é1vé,
au cours de la période 1970-71, à quelque 15 000 francs CPA en moyenne par an-'-.
Supposant que ces 15 000 francs OPA représentaient le revenu monétaire annuel
moyen des familles enquêtées avant l'introduction de l'arachide, il en conclut
que ce revenu a été amélioré, par l'entremise de la culture arachidière, dans une
proportion qui s'établit à 35,3 pour cent en culture attelée (lre hypothèse), à
45,9 pour cent en culture traditionnelle et à 77,1 pour cent en culture attelée
(2e hypothèse). Voir à ce sujet, le tableau qui suit (tableau 8).
Tableau 8.
Type de culture
Revenu monétaire
annuel moyen avant
l'introduction de
1 tarachde
Revenu monétaire
annuel moyen créé
par l'arachide au
cours des années
l9,7
Culture traditionnelle
15 000
Augmentation de
revenu annuel rede-
vable à l'arachide
(en pourcentage)
à 197 2
PA
6 896 CPA
45,9
Culture attelée
ire hypothèse
(remboursement
effectif du
matériel au
crédit agricole) 15 000 CFA
5 289 CFA
35,3
11 563 CPA
77,1
Culture attelée
2e hypothèse
(n on -rembourse -
ment du matériel
au crédit
15 000 OPA
agricole)
On pourrait déduire du paragraphe précédent que la culture arachidière a
exercé une influence nettement favorable sur le revenu monétaire annuel des faEn fait, cette influence a été moins forte qu'il n'apparaît
milles paysannes.
de prime abord si l'on tint compte des facteurs suivants
a) Avant l'introduction de l'arachide, et pour gagner quelqe argent, les
familles cultivaient une superficie de mil généralement plus grande que celle
strictement nécessaire à la satisfaction de leurs besoins alimentaires. Le surplus de2production, vendu sur les marchés locaux, leur permettait au moins de payer
Pendant la saison sèche, le paysan se livrait au commerce de détail ou
l'imp6t
à une activité artisanale ou il s'engageait comme manoeuvre salarié de façon à
couvrir certains besoins prioritaires, tels que l'achat de sucre, de thé, de vête.
ments,, de, pétrole, etc.
1
Ces 15 000 francs CPA provenaient à concurrence de 25 pour cent des activités
purement agricoles (surtout de la vente de mil) et de 75 pour cent d'activités de
saison sèche (travail salarié, petit commerce, artisanat, etc.).
2
Il convient de
Cet imp6t s'élève à 1 000 francs CPA par personne adulte.
lui ajouter l'impôt à payer pour les animaux possédés (moins élevé).
- 22 Pour de nombreux paysans en culture traditionnelle et pour une partie
non négligeable de ceux utilisant du matériel de culture attelée, l'introduction
réduction correspondante des
de la culture arachidière s'est accompagnée
superficies de mil.. Gagnant de l'argent avec l'arachide, les familles ont cessé
ainsi qe plusieurs d'entre elles ayant
de prouie d mil pour la vente;
lorsque des seautrefois trois hectares de mil n'en ont plus cultivé que deux
D'autres familles,
mences leur furent distribuées pour un hectare d'arachide.
conservant la même superficie de mil, n'ont pu lui apporter les mêmes soins
l'introduction de l'arachide s'est
qu'autrefois. La concurrence faite au mil par perte
de revenu monétaire sur le
donc traduite chez de nombreux paysans par une
en
mil qui peut être estimée grossièrement à quelque 2 000 francs CPA par laanquantité
Certaines
familles
en
sont
même
arrivées
à
ne
plus
produire
moyenne.
sur les marchés locaux.
de mil nécessaire à leur alimentation et ont dt en acheter
C'est ainsi que huit des 28 familles enquêtées durent acheter du mil en 1971 pour
une somme globale de 55 440 francs CPA (ce qui représentait 13 pour cent du revenu
monétaire total créé par l'arachide pour ces 28 familles).
Enfin, les paysans qui abandonnaient autrefois leur famille et leur vilplus autant ressenti
lage en saison sèche à la recherche d'un emploi salarié
fltremjse de
le besoin de le faire dès qu'ils eurent gagné quelque argent par
d'attitude, certes
l'arachide. Dans la mesure où s'est manifesté ce changement
revenu monétaire
favorable sur le plan de la vie familiale et villageoise, le
donc guère subi de modifications. D'aucuns objecteront que
annuel des paysans
dans un petit commerce
certains paysans ont investi l'argent gagné avec l'arachide
qui, en saison sèche, leur a rapporté de nouveaux revenus monétaires. En réalité,
sont une minorité; pour les
les paysans appartenant à cette deuxième catégorie
a restreint leurs motiautres, il n'est pas douteux que le programme arachidier
vations à rechercher un revenu monétaire en cours de saison sèche.
En résumé, les résultats du programme arachidier en termes d'amélioration du
relativement maigres dans
revenu monétaire des familles paysannes apparaissent
défavorables prél'ensemble; ils s'expliquent par les conditions climatologiqes
valant dans la région ainsi que par les déficiences ayant caractérisé leducontrôle
matériel
exercé sur le déroulement de l'action arachidière et sur l'utilisation
de culture attelée.
6. Le rôle des travailleurs ruraux dacis la mise en oeuvre des changements
par son application : c'est une évidence.
techniques.- Un changement ne vaut que concerné
à titre principal par un changeLe travailïeur rural, paysan ou artisan,
ment dont il doit normalement être le premier bénéficiaire en est aussi le princonstituent un point
cipal moteur. Sa participation et les problèmes qu'elie pose
On se bornera ici à recapital qui a semblé justifier un chapitre particulier
lever quelques observations qui concernent plus directement le présent chapitre.
la denUne amélioration technique que l'on s'est efforcé de vulgariser concerne
à
20
pour
cent
en
doublant
cette
densité,
on
estime
:
sité des semis d'arachide
des rendements obtenus. L'échec recontré dans l'adoption de ce
procédé tient, a-t-on observé, "à une méconnaissance des bases de calcul qu'utiqui s'impose est la
lise le paysan local pour celui-ci, en effet, la donnéenon
de considérations
quantité de semences qu'il possède, quantité qi dépend étantpas
limité, il n'a donc
agronomiques mais de l'argent dont il dispose; celui-ci
généralement que peu de semences et, dans ces conditions, son principal souci est
tout 1 fait logiquement d'obtenir le meilleur rapport possible entre le poids de
graines semées et le poids de graines récoltées"2.
observe que les gains relativeDans l'enquête rnentionn'e plus haut,
ment faibles obtenus par de nombreux paysans faisant de l'arachide en culture
disponible,
attel6e s'expliquent en partie par une sous-utilisation du matériel
trait, soit par
soit parce qu'ils disposaient du matériel mais non de attelée, de
soit parce que le
suite de mésentente au sein des groupements de culture
dépannage du matériel intervenait trop tard, soit encore parce que le paysan
n'avait, pas été formé suffisamment à l'utilisation et à l'entretien de son matériel.
1
Chap. VI
:
La participation des travailleurs ruraux aux changements tecimo-
logiques qui les affectent.
2
Sécheresses et famines au Sahel, II, Paysans et nomades, sous la direction
de Jean Copans, éd. Naspero, chap. I, le cas de la région de Maradi, Niger, par
Cl. Raynaut, p. 25.
- 23 -
Nais, plus généralement, nombreux sont ceux qui pensent que le morcellement des
exploitations et leur exiguïté ne permettent qu'exceptionnellement l'utilisation
à pleine capacité de la culture attelée, ce que les paysans ont compris; ceux qui
les plus noml'ont acquise, cependant, l'ont fait pour des raisons de prestige
breux louent le matériel, ce qui, en effet, semble-t-il, est la solution la plus
rentable car elle permet la pleine utilisation et l'amortissement du matériel.
Sur l'efficacité de l'engrais, les spécialistes notent que "sa rentabilité reste
très aléatoire en l'absence d'autres améliorations (densité de semis, semences
sélectionnées, sarclage); par ailleurs, en l'absence d'une méthode pratique
d'épandage permettant effectivement de réaliser le dosage de 75 kg/ha, des surdosages ont entratné la brêlure des plants, provoquant ainsi une contre-démonstration"
les effets de l'engrais sont en général tres faibles si la pluviosité est insuffisante ou irrégulière.
:
D'une façon générale, de plus en plus nombreux sont ceux qui considèrent que
les paysans sont fort capables d'apprécier la valeur des innovations qui leur sont
proposées; preuve en est quils n'hésitent pas à adopter des techniques nouvelles
telles que la greffe des arbres fruitiers, de la même façon que, dans d'autres domaines, ils ont admis les vêtements, outils et ustensiles importés.
Il faut ici dire un mot des techniques qi concernent les opérations annexes
à la culture qui sont notamment le stockage et le transport. L'amélioration des
réseaux routiers et des transports a facilité la circulation et la commercialisation des récoltes; la constitution de stocks, une meilleure organisation de la
distribution représentent des éléments positifs du point de vue de la sécurité
alimentaire.
Par contre, on cite des échecs dus à la "méfiance à l'égard de tout ce qui
stockage du mil en grain dans les cuves
pouvait être technique traditionnelle"
closes,qui germait et était dévasté par les insectes,au lieu du stockage traditionnel des épis non égrenés dans des cuves d-e vannerie ou de poterie, permettant
une conservation de plusieurs années.
:
Il faut à cet égard relever les efforts qi sont actuellement menés pour redonner à l'agriculture un élan nouveau en reprenant, tout en les améliorant avec
on y revient plus loin (cf. chap. V).
soin, les tecmiques traditionnelles
:
Ce bref panorama est certes incomplet pour bien des raisons; l'étendue du
sujet en est une; une autre raison est que la question du revenu ou de la subsistance du travailleur rural s'inScrit dans un ensemble où il est à la fois effet et
certains de ces aspects seront évoqués au chapitre consacré à l'"organisacause
tion sociale".
Il demeure qu'au seul point de vue du revenu il n'est pas certain que la majorité des travailleurs ait été bénéficiaire des transfo'mations qui lui ont été bien
souvent imposées et qui concernaient à la fois le type de culture et les techniques
utilisées; on se demande même si ce n'est pas l'inverse ui se constate le plus
fréquemment.
la disette qi sévit périodiqueDeux problèmes majeurs restent non résolus
ment et qu'on est très loin d'avoir vaincu; l'endettement qui est une véritable
psychose de lagriculteur africain d'aujourd'hui et à propos duquel on peut affirmer, avec un spécialiste sénégalais du développement rural, qu'aucun progrès ne
sera résolu tant qu'il n'aura pas été supprimé.
1
Commissariat général au développement, République du Niger, 1972, p. 33,
rapport cité par Cl. Raynaut, Sécheresses et famines au Sahel, op. oit., p. 27.
- 24 -
CHkP1TRE II
INCIDENCES DES CHANGE
SUR TES TELS D
TS TEOIflWIiOGIQUES
TEAVAL[4
Dans toutes les agricultures du monde, le climat impose ses lois; c'est
1.
lui qui fixe la période des divers travaux. En Afrique au sud du Sahara, ces
périodes optimales, dont dépendent dans une très large mesure la quantité et la
qualité des récoltes, sont très brèves.
C'est d'ailleurs l'un des principaux objectifs de l'introduction de nouvelles
techniques - mécanisation et culture attelée notamment - que de faire en sorte
que la très courte période pendant laquelle les travaux doivent si possible être
faits soit utilisée au maximum.
Il n'est pas douteux que le temps des opérations agricoles est raccourci par
l'emploi de ces techniques. IL para±t difficile de fixer, d'une façon générale,
les gains de temps obtenus. La PÂ0, pourtant, donne les chiffres suivants
la
préparation d'un hectare de terre en vue de la plantation exige approximativement
:
-
500 h'uros/homine si le travail est fait à la main, à la bêche ou à la houe;
-
60 heures/hoinme avec une paire de boeufs et une charrue;
-
25 heures/homme avec un tracteur à deux roues de six chevaux et un cultivateur;
-
4 heures/homme avec un tracteur à quatre roues de 50 cv et une charrue'.
La FAO limite la portée de ces chiffres en ajoutant que chaque pays, chaque
région, chaque village et chaque exploitation étant caractériséspar une situation
particulière, définie par un certain nombre de facteurs, "la décision d'utiliser
les animaux, des tracteurs ou les deux ensemble ... dépend des circonstances
locales; d'où la nécessité d'une analyse préalable de la situation locale pour
que les politiques de développement qui ont des incidences sur la mécanisation 2
correspondent à la situation particulière à laquelle elles doivent s'appliquer"
Sans doute, en effet, ne convient-il de prendre ces chiffres que comme des indications vilables pour les circonstances les meilleures pour la mécanisation,
c'est-à-dire des exploitations présentant des superficies d'un seul tenant.
En région arachidière, au Sénégal, ôn estime que la culture attelée a diminué
de moitié le temps consacré aux semailles et a réduit au tiers le temps du
sarclage; mais, dans certains cas, cela peut aller jusqu'à des temps de six à
huit fois moindres3.
Les informations que l'on trouve concernant différents pays et différentes
cultures sont généralement concordantes, sans pourtant comporter d'indications
chiffrées.
En Haute-Volta, l'introduction de la houe améliorée à traction amine "a
permis au chef de concession d'éviter les principaux goulets d'étranglement du
calendrier agricole représentés par la période des sarclages ...4. Dans une
série de monographies consacrées à l'étude du travail au Sénégal, l'ORSTON a,
Comité de l'agriculture,
Organisation des Nations Unies pour l'agriculture.
cinquième session, Rome, 18-27 avril 1979, point 8 de l'ordre du jour provisoire
La mécanisation agricole et la répartition des revenus, l'emploi et le progrès dans
les pays en développement, COAG/79/8, janvier 1979, p. 4.
2
Ibid.
Rapport au gouvernement de la République du Sénégal sur les travaux de la
mission multidisciplinaire du PIAOT, BIT, 1977, p. 46. Les auteurs du rapport
ajoutent cependant ces précisions, qui font appara±tre des résultats plus modestes
et nous ramènent aux ordres de grandeurs cités plus haut et qui restent importants
"On estime que l'on passe de 60 heures à l'hectare en semis de l'arachide à la main
à 16 heures èn culture attelée.
Le temps de binage et de désherbage d'un hectare
d'arachide serait de 190 heures en culture manuelle et de 90 heures en culture attelée.
G. Gosselin
op. oit., p. 37.
Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines,
- 25 -
notamment, examiné les temps de travaux agricoles réalisés par plusieurs villages
d'ethnies différentes; bien que l'objet de cette recherche soit plus large que la
question traitée ici, le soin apporté à ces études ainsi que l'aspect1global
comparant
qu'elles revêtent paraissent écarter le danger de conclusions hâtives
les quantités de travail fournies pendant la période des cultures dans deux villages, ltun habité par des paysans dépourvus de matériel, l'autre par des paysans
mieux équipés, ils obtiennent les résultats suivants (hommes seulement), par
rapport à un coefficient 100 qui équivaudrait à 48 heures de travail par semaine,
y compris les déplacements
;
village non équipé
village équipé
:
0,67
0,45.
:
Les surfaces cultivées pour chacune des principales cultures (arachide et
mil) étant très voisines, les chercheurs concluent que deux facteurs sont essend'une part, la
tiellement susceptibles d'expliquer la différence constatée
quasi-absence de matériel oblige les habitants du premier village à fournir par
hectare cultivé un temps de travail supérieur à celui que consentent les paysans
du second village; d'autre part - mais ce second facteur n'influe "que dans des
limites as,sez étroites" -, il existe, dans le premier village, un marabout influent
auquelles paysans consacrent environ 10 pour cent de leur temps, alors que, dans
le second cas, les paysans n'en donnent que 3 pour cent. L'incidence de l'emploi
du matériel est particulièrement nette dans le cas du sarclage
:
Nombre d'heures consacrées en moyenne au sarclage
d'un hectare cultivé
Village équipé
Village non équipé
Mil
106 h
156 h
Arachide
125 h
184 h
Il convient d'ajouter qu'il s'agit, dans les deux villages, d'exploitations
de taille réduite, mais assez représentatives des surfaces cultivées au Sériégal
et plus généralement en Afrique de l'Ouest (village équipé : 0,45 ha par actif2
pour le mii, 0,84 ha pour l'arachide; village non équipé : 0,56 ha et 0,83 ha)
Ainsi s'explique que le gain de temps ne soit pas de plus d'un tiers du total.
Certaines opérations restent encore maruelles, telles que la récolte du
Provent et Ravignan notent, à propos du temps total consacré à la culture
du coton dans l'année
"Pour produire une tonne de coton, il faut compter de
100 à 160 jours de travail, suivant qu'on travaille entièrement à la main ou en
culture attelée. Le gros travail est évidemment la récolte, exclusivement manuelle, des..bourres de coton sur les plantes. O'es pourquoi ily a peu de différence entre les temps de travaux en culture manuelle et attelée'."
coton.
:
1
Il s'agit, dans le cadre d'une recherche menée en Afrique, à Madagascar et
en Polynésie, d'examiner le comportement économique dans ses relations avec la
religion et la structure sociale. Les résultats mentionnés ici sont tirés de
Maintenance sociale et changement économique au Sénégal
I.
Doctrine économique
et pratique du travail chez les Mourides, par J. Oopans, Ph. Couty, J. Roch et
G. Rocheteau, ORSPOM, Paris, 1972.
:
2
o oit., Conclusion, pp. 251-252.
A.Proven-b et P. de Ravignan
:
Le nouvel ordre de la faim, op. cit., p.
46.
- 26 2. La question se pose, du point de vue des conditions de travail (abstraction faite des incidences sur les rendements obtenus), de savoir comment est utilisé le temps ainsi économisé.
D'une part, il convient de préciser qu'il n'y a pas toujours, en fait, gain
de temps pour les paysans concernés, si l'emploi de matériel plus perfectionné
conduit à étendre la surface cultivée, dans le but tout à la fois d'accroître la
C'est ce qui a été constaté dans la zone
production et d'amortir l'équipement.
si l'emploi de la
examinée au Tchad au cours de l'étude mentionnée plus haut
culture attelée et d'un matériel plus évolué a réduit, à travail égal, la pénibilité et la durée du temps qui y était consacré, les paysans ont, en fait'
étendu la superficie consacrée à la culture de l'arachide, ce qui s'est traduit
0e n'est pas alors le temps du seul
par un accroissement du temps de travail.
paysan qui se trouve accru, mais c'est aussi celui des membres de sa famille,
"Rural development is a
femmes et enfants, et c'est ce que déplore K. Rhodesl
societal effort requiring the extended participation of ail individuals and in
consquence of ah fainihies. Where the f amily influence has been overlooked,
efforts to iinprove levels of living have frequently been unsuccessful
A specific example is the introduction of agricultural teclmology which, while
aimed at increasing the area under crops, often resuits in increasing the hours
of agriculturai work for f amily members. This reduces the time available for
child care and socialization, food processing and preparation, fuel arid water
collection, and generahly damages the ecological interdependence of humans and
their surroundings."
:
:
Dans de nombreux autres cas, la superficie cultivée n'est pas extensible et les
périodes d'inactivité, en saison sèche, sont déjà longues : c'est le cas dans
toute la zone soudano-sahélienne. Alors le temps gagné doit, semble-t-il - encore
que cela puisse dépendre du moment où il se place, mais on manque d'indications
concernant la fatigue du paysan et donc son besoin de repos -,être considéré,
non comme un temps de repos, utile pour réparer les forces, mais comme un temps
mort, qui s'ajoute à nie saison sèche déjà longue (cinq mois environ) pendant
laquelle les ruraux, particulièrement les jeunes, émigrent vers les villes
ces migrations des "navétanes", ainsi qu'on les nomme au Sénégal et qui concersans emploi en
nent tous les pays de la zone de savane, sont évidemment un mal
ville, ils gonflent les effectifs d'oisifs dépourvus de ressources; en outre,
une proportion, importante semble-t-il, perd ses attaches avec son milieu d'origine e-t finalement émigre définitivement en ville, aggravant le problème de la
croissance des villes et du chômage des jeunes. La proportion des migrations
définitives est considérable, puisqu'une étude récente relève qu'au Sénégal,
depuis l'indépendance, six villes ont connu une croissance de 8 à 10 pour cent
par an, quatr autres, de 3 à 5 pour cent2. C'est, plus encore, une menace de
"destructuration" du milieu rural dont les autorités nationales se préoccupent.
C'est pourquoi certains organismes publics, telle la SODEVA (Société d'Etat pour
la vulgarisation agricole) au Sénégal, adoptent comme politique de créer des
occupations complémentaires de façon simultanée à leurs in'berventions de diffusion des techniques agricoles : maraîchage, élevage, artisanat, selon la nature
des sols, les traditions et les aptitudes des habitants.
:
Ailleurs - en Côte-d'Ivoire et en ambie notamment -, on s'est efforcé de
diversifier les cultures en les choisissant de telle sorte qu'il y ait une
complémentarité dans le temps : tel est le cas du riz et du coton, cultures
dont la complémentarité permet une bonne utilisation de la main-d'oeuvre et du
matériel au cours de l'année (voir tableau 9)3.
1
Training for Agriculture and
Rural leadership, dans
Kath,leen Rhodes
Rural Developnient, revue éditée conjointement par la PAO, le BIT e-t l'UNESCO,
1976, p. 92. K. Rhodes est professeur Department of Community Service Education,
College of Humani Ecohogy, Oornell TJniversity, USA.
:
:
2
Z. Svejnar : Emploi et technologie dans le milieu rural et dans le secteur
industriel au Sénégal, op. cit., p. 3.
Z. Svejuar, op. cit.,
pp. 6
et 41.
- 27 -
Tableau 9.
La répartition des cultures et le calendrier des travaux1
Mois
Phase de travail
Culture
Janvier
Récolte et vente
Coton
Février
Préparation du premier
Riz irrigué
Phase CA
cycle
Riz irrigué
Mars
Avril
Semis
Mai
Récolte premier cycle
Préparation sol
Préparation sol
Préparation sol
Riz
Riz (pluvial)
Coton
Riz irrigué (2e cycle)
Juin
Semis
Riz
Coton
Juillet
Entretien plantation
Août
Traitement insecticide
Sarclage
Coton
Coton
Septembre
Traitement insecticide
Coton
Octobre
Traitement insecticide
Récolte
Riz (pluvial)
-
'I
Début novembre Récolte
Récolte
Fin novembre
Ri z
Décembre
Coton
Riz-coton
Récolte
Vente
Coton
Projet CIDT à Touba, Côte-d'Ivoire.
Riz irrigué, premier et deuxième cycle, préparation manuelle ou motoculteur.
Tableau extrait de Z. Svejnar, op. cit., annexe 1, p. 41.
Les changements dans les techniques utilisées, et plus encore dans les
3.
cultures, apportent inévitab1emen dans les temps de travaux des bouleversements
dont les effets sont longs à s'estomper. Dans la vallée du fleuve Sénégal, sous
l'égide de 1'OMVS, d'énormes opérations sont en cours qui se traduisent par l'introduction de la culture irriguée sur de vastes superficies. Examinant les temps
de travaux en riziculture irriguée, un rapport établi par l'OMVS relève "l'extrême
diversité des temps de travaux consacrés à toutes les opérations culturales de
la culture irriguée"1. Deux facteurs essentiels sont relevés dans ce rapport
tout d'abord, le fait que ce soit une technologie absolument nouvelle dans le milieu explique que chaque cultivateur réagisse de façon différente aux difficultés
qu'il rencontre dans la mise en pratique des nouvelles techniques, certains ttonnant dans telle opération que d'autres réussissent plus vite; en second lieu,
le fait que les parcelles distribuées soient de taille très différente (le plus
souvent d'ailleurs de petite superficie) et que les organisations sociales de la
production diffèrent fortement d'une catégorie de périmètres à l'autrepeut fortement influer sur les comportements de l'exploitant.
Afin de donner un ordre de
grandeur des différences constatées dans les temps de travaux, l'auteur fournit
un tableau (tableau 10) des résultats de l'enquête, en soulignant la valeur limitée
que l'on doit accorder à ces moyennes. Le rapport ajoute qu'au fur et à mesure que
la technologie de la culture irriguée se répand et qu'elle sera progressivement
assimilée par la population, ces temps devraient sensiblement se réduire, ce que
confirment les premiers indices.
1
Rapport établi par l'OMVS, non encore publié.
- 28 -
Tableau 10.
Temps de travaux moyens en culture irriguée
rands périmètres
Petits périmètres
Vallée
E
P
H
E
P
H
T
T
Labour
25
1
4
30
13
-
4
17
Plan. affinage
13
1
2
16
6
-
1
7
Pépinière
14
1
1
16
Repiquage'
32
27
20
79
56
28
90
-
-
2
1
Epand. irrigation
2
6
-
1
Désherbage
32
20
15
67
5
3
6
14
Fauchage2
23
13
10
46
23
5
10
38
Battage3
33
29
11
73
28
18
14
60
174
92
63
329
132
32
63
227
Le repiquage comprend l'arrachage des plants, le bottelage
repiquage proprement dit.
le transport et le
2
Le fauchage englobe le fauchagê proprement dit, le ramassage des gerbes, le
transport et la mise en meule.
Le battage comprend le battage propremènt dit, le vannage, la mise en sac et le
transport..
Cas exceptionnel observé au Gorgol puisqu'en général le labour est mécanique
sur les grands périmètres.
Ces constatations, pour évidentes qu'elles soient, méritent d'êtie soulignées.
Il est ôlair, en effet, que les temps de travail constituent un révélateur des
profonds bouleversements qu'apporte avec elle une innovation tec1moogique : ces
bouleversements concernent d'abord le travail au sens strict, c'est-à-dire l'opération faisant appel à un certain nombre de compétences, de techniques et d'usages
en ce sens, les changements opérés peuvent aller jusqu'à se traduire par l'apprentissage d'un métier entièrement nouveau (ce qui est probablement le cas pour les
paysans de la vallée du fleuve Sénégal, appelés à passer de la culture sèche ou de
la culture de crues à la culture irriguée); ces bouleversements concernent aussi
l'ensemble des traditions et de l'organisation dont le travail agricole est le support; l'ambiance de fête dans laquelle se déroulent, avec la participation des
alliés, voisins et amis, certaines opérations culturales comme la récolte, rend
difficile, d'une part la mesure du temps consacré à ce travail et, par suite,
des modifications à la durée de l'opération culturale apportées par le changement
technologique, d'autre part l'appréciation des incidences plus profondes qu'apc'est une question qui sera évoquée plus loin (chapitre V).
porte celui-ci
:
4. Si les conséquences de l'introduction de nouvelles techniques sur la
durée des opérations agricoles (appelée encore temps de travaux) sont mal connues,
c'est encore davantage le cas du "temps de travajl", au sens où l'on entend
cette notion en termes de conditions de travail.
Les deux expressions ont, dans l'agricultire, des contenus distincts qui,
outre que la première est souvent collective tandis que l'autre est individuelle,
se différencient pour deux raisons essentielles. En premier liea, les "temps de
sont une notion globale qui ne donne aucune précision sur les temps
- 29 -
de pause, s'il y en a, ni sur le rythme du travail. La notion même de rythme
de travail devrait appeler une analyse plus fine, qui distinguerait la rapidité
de ce que certains appellent la "porosité" du travail, c'est-à-dire l'existence
(ou l'absence) de courtes pauses ou de simples arrêts dans le rythme, ou de
changements de rythme, qui a probablement une incidence importante sur la fatigue.
Quel est, à cet égard, l'effet de l'introduction de la culture attelée ou de
l'emploi d'un tracteur, par exemple ? Quelles sont les conséquences pour le travailleur agricole du changement apporté à la rapidité du déplacement, au nombre
et à la répartition des arrêts, à l'uniformité ou aux ruptures de rythme, par
rapport au travail effectué avec les outils traditionnels ? En second lieu,
les temps de travaux correspondant à la notion de durée d'une "campagne" ou d'une
opération agricole (défrichage, labourage, semailles, etc.) incluent le plus
souvent d'autres activités que les travaux agricoles proprement dits - activités
artisanales, entretien, petites réparations - qui sont surtout le fait des
longues saisons sèches mais ne sont pas absentes des autres époques de l'année.
Ainsi, si l'on retenait la seule notion de temps de travaux, on courrait le
risque de s'intéresser au résultat chiffrable et théorique de cette opération et
non à la façon dont elle est menée, c'est-à-dire aux conditions dans lesquelles
l'homme la conduit. Ce faisant seraient passés sous silence les travaux annexes
qui viennent d'être mentionnés et qui ont leur utilité sur le plan des conditions
de vie et de travail considérées dans leuÎ globalité, tout en permettant au travailleur un changement d'activité qui constitue un élément de repos; on risqiei'ait en outre de négliger le comportement de l'homme et ses réactions en face
d'une têche et dans un milieu donnés - en particulier les conditions de climat,
d'état de santé, ... -, tous éléments qui agissent, directement ou indirectement,
sur la durée globale réelle des opérations. Il en résulte qu'en se limitant à
une vue théorique des gains de temps qui devraient en principe résulter de l'introduction d'une nouvelle technique, non seulement on oublierait les conditions
de travail de l'homme et on risquerait donc de les aggraver (par un accroissement de la pénibilité par exemple), mais encore on ferait fausse route sur le
plan du calcul économique.
Bien qu'on lise parfois que les journées de travail dans le secteur ru5.
ral en Afrique tropicale soient relativement courtes (le chiffre de quatre heures
de travail effectif par jour est fréquemment avancé), il faut très probablement
affirmer que les durées excessives de travail existent; d'une part, les trois
ou quatre mois penaant lesquels sont concentrés la plupart des truvaux agricoles
sont des périodes d'activité intense comportant de longues journées de travail,
d'autre part, les conditions dans lesquelles s'effectuent les travaux sont un
on a probaélément essentiel d'appréciation de ce qui est normal ou excessif
blement trop tendance à extrapoler à l'Afrique ou à d'autres continents les notiens et les habitudes des pays industrialisés qui sont le plus souvent des pays
à climat tempéré et où les travailleurs sont en général correctement nourris, en
Le
considérant la journée de 8 heures comme une norme moyenne acceptable.
professeur Christensen, qui a effectué pour le BIT une étude sur les conditions
de travail en zone subtropicale2, estime que, compte tenu de ce que les besoins
en calories de l'adulte n'effectuant aucun travail sont évalués à une kilocalorie
par minute ou 1 400 keal. par 24 heures, une consommation de 2 000 kcal. par
(par rapport
que certains peuvent considérer comme
24 heures,
à la moyenne actuelle dans un pays tropical), "l'équilibre entre la dépense d'énergie et la consommation de calories n'est assuré que pendant 280 minutes ou quatre
heures et demie sur huit heures ou 480 minutes de travail quotidien'!, ceci en tablant
1
Voir les tableaux 11 et 12 montrant le temps consacré aux activités agricoles et non agricoles dans un village du Sénégal. Extrait de : ORSTOM : Maintenance sociale et changement économique au Sénégal. I. Doctrine économique et
pratique du travail chez les Moutides; étude de Ph. Couty : Emploi du temps et
organisation du travail agricole à IDarou Rahmane II, pp. 108 et 110.
2
Etude succincte de physiologie
.H. Christensen : L'homme au travail.
enève, 1964, p. 7.
appliquée aux conditions de travail dans un pays subtropical,
-
30 -
Tableau 11
1.00
Moyenne pour 6 femmes
0,10
J
P
1* A M'J J,A $ 0. N 0'
1,00
Moyenne pour 6 hommes
Graphique 1. Evolution
annuelle de l'indice
d'effort agricole (l'in.dice 1,00 correspond à
48 heures de travail par
semaine)
0,50
J
PM
Mi
.
A, s
o
*
ONO
Tableau 12
Moyenne pour 6 femmes
0,50
1 00
Moyenne pour 3 hommes
dépourvus d'activité
secondaire
0.50
jMAui
1,00
Moyenne pour 3 hommes
ayant une activité
secondaire
Ô:oo
J'
'MA M
zLt.' o
o
Graphique 2. Evolution
annuelle de l'indice
d'effort non agricole
(l'indice 1,00 correspond
à 48 heures de travail
par semaine)
- 31 -
str une dépense supplémentaire de 2 keal. par minut pour le travail physique, ce
qui est une moyenne qui concerne plut8t l'industie. Jean Pliya fait une cons.-batation concordante à propos du paysan africain: "La ration alimentaire disponible pendant la période des grands travaux ne permet pas un travail soutenu
Les 125 à 130 heures de travail maximum enregistrées (soit environ 4 heures de
travail par jour) correspondent très exactement à ce qu'autorisent les disponibilités alimentaires."
Ainsi, tout horaire de travail excédant ces limites physiologiques se traduit
par une fatigue et une usure prématurée de l'organisme.
Il faut également
prendre en considération les conditions de climat sur lesquelles on revient au
cours du chapitre suivant consacré à la pénibilité; mais, en fai-b, ces différentes notions sont liées et interdépendantes
le climat chaud impose à l'organisme des contraintes et provoque une fatigue élevée
"dans de telles conditions, un régime de travail et de repos rationnellement établi est d'une extrême
importance"3; d'autre part, "un régime alimentaire approprié permet de mieux
supporter les grands froids et4les grandes chaleurs, car les besoins nutritionnels
varient en fonction du c1imat"; on sait aussi que le manque de sommeil diminue
la résistance de l'organisme à la chaleur. Toutes ces indications, qui mériteraient des études détaillées, devraient être prises en considération lors de
l'introduction de changements technologiques, ainsi que pour une correcte appréciation des besoins de subsistance des travailleurs ruraux.
:
:
1
E.H. Christensen, op. cit., p. 7.
2
Dans un article intitulé "La nutrition, clé de voate du développement" paru
dans la Revue "Afrique", n 2, juillet-août 1977, pp. 69-72.
BIT : Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail, Genève,
1974, vol. I, chap. "Climat et météorologie', p. 419.
ibid., p. 418.
0}PITRE III
INCIDENCES DES C}ANG.EMTS. TIOi.OGIQUES
SUR LA PENIBILITE DU TRAVAIL AGRICOLE
De nombreuses initiatives sont prises, particulièrement depuis ces der1.
nières années, non seulement pour diffuser et vulgariser des outils, des matériels et des machines agricoles, mais aussi pour les adapter et corriger leurs
Sans doute doit-on constater, à la lecture d'études ou de bulletins
défauts.
diffusés par certains ministères du Développement rural, qu'on en est encore à
une phase d'adaptation où s'échangent et se rassemblent des informations concernant les avantages et les inconvénients de divers matériels, avantages et inconvénients examinés le plus souvent sous l'angle de leur efficacité en termes de
quantité et de qualité du travail (rendements inférieurs à ce qui était.prévu,
pannes, pièces fragiles, réglages défectueux ...). Plus rarement, ils sont
appréciés en termes d'emploi, occupant ou non une main-d'oeuvre abondante. Plus
rarement encore sont évoquées les conditions de travail de l'utilisateur1. Les
dangers d'accidents ou les risques pour la santé présentés par certains produits
sont eux-mêmes bien trop rarement évoqués2.
L'étude des travaux agricoles sous l'angle ergonomique a fait l'objet de
Ainsi que l'indiquait
fort peu de travaux, même dans les pays industrialisés.
récemment le professeur Wisner lors d'un colloque cqnsacré à "Ergonomie et amé"Le paradoxe continue,
lioration des conditions de travail en agriculture"7
qui veut que 60 pour cent des efforts de recherche en ergonomie soient consacrés
à quelquescentaines de cosmonautes et d'aviateurs, 30 pour cent à quelques milliers de conducteurs de centrales nucléaires, chimiques ou autres, 8 pour cent
à quelques centaines de millions de travailleurs industriels de la production de
masse et 2 pour cent à 2 milliards d'agriculteurs4."
:
Ainsi, on peut dire que les incidences des changements technologiques sur
la pénibilité, le rythme de travail, les efforts musculaires des travailleurs
agricole des pays en voie de développement, en général, et de l'Afrique, en particulier7, au sein d'un milieu naturel le plus souvent hostile et dans des conditions d'alimentation et de santé dont on sait qu'elles sont mauvaises, constituent un domaine encore à défricher.
L'essentiel des observations rassemblées ici ont été puisées dans les comptes
le premier en date, déjà cité, portait sur "Ergonomie
rendus de deux colloques
et amélioration des conditions de travail en agriculture"; le second s'est tenu
1 Il convient pourtant de signaler ici l'intéressante réalisation (qui a
peut-être son pendant dans d'autres pays) de la Division du machinisme agricole
du ministère du Développement rural du Mali qui édite un bulletin d'information
trimestriel comportant des appréciations détaillées sur un certain nombre de machines
agricoles, comportant notaniment des iidicationsconcei'nant la pénibilité du travail.
2
Ces risques font l'objet d'une communication particulière.
Organisé à Rodez (Prance) les 29 et 30 avril 1977 par l'Institut de recherche pour l'amélioration des conditions de travail avec le concours de la
IRAOT, Paris, 1979.
Délégation générale à la recherche scien.tifique et technique.
Ibid., p. 30.
Car quelques travaux ont été menés en Asie (Incle, Indonésie notamment).
- 33 à Wageningen, aux Pays-Bas, les 14-l81mai 1979, et avait pour thème
in Tropical Agriculture and Porestry"
:
"Ergonomies
Peut-on considérer que, globalement, l'introduction de la mécanisation,
2.
au sens large2, se traduit par une diminution de lapénibilité ? La PAO estime
qu'il en est généralement ainsi puisqu'elle écrit, dans le document de travail
préparé pour le Comité de l'agriculture3: "Du point de vue social, un des effets
importants de la mécanisation est qu'elle rend moins pénible une bonne partie des
travaux agricoles." Il est de fait que des taches telles ue le dessouchage et
le défrichage sont grandement facilitées par l'emploi de machines. Il en est de
même du labourage dans les sols qui sont, à la fin de la saison sèche, dans les
zones de forêt et, peut-être à un moindre degré,dans les régions soudanoLe tracteur permet
sahéliennes, d'une dureté inconnue dans les pays d'Europe.
ce travail que l'homme ou même la charrue attelée ne parviennent pas à réaliser.
En fait, c'est, plut3t que dans le seul souci d'alléger le travail du paysan,
probablement davantage pour permettre de réaliser le défonçage du sol encore dur
avant les premières pluies afin de commencer les semis aussitôt celles-ci arrivées, ce qui est de la plus haute importance pour la récolte, que le recours à la
mécanisation est apparu justifié. Il faut noter pourtant que toutes les opérasouvent, la récolte (qu'il s'agisse
tions ne sont pas mécanisées à un même degré
du coton, de l'arachide, des céréales) se fait toujours à la main et reste l'une
des périodes surchargées où l'agriculteur et sa famille (y compris femmes et
enfants) effectuent un travail pénible. Par ailleurs, le transport et la manutention sont souvent des activités négligées de ce point de vue : ce point a été
particulièrement souligné au séminaire de Rodez par un ergonome néerlandais qui,
s'appuyant sur des recherches menées en Europe dans une exploitation semimécanisée et dans des travaux forestiers, note également que l'introduction dune
Ayant indiqué que,
machine conduit à une augmentation du rythme du travail.
dans l'industrie, la mécanisation aboutit assez souvent à une diminution de la
dépense énergétique de l'homme, il poursuit : "En agriculture ... pour la plupart
des gens, 'mécanisation' et 'allègement de l'effort' sont synonymes. Pourtant,
une observation précise du travail montre souvent un effet contraire ... Dune
façon générale, la mécanisation n'est pas, en agriculture, un procédé systématiquement planifié. Le plus souvent, elle n'est que l'introduction de machines
destinées à quelques opérations isolées; c'est une mécanisation partielle et
limitée ... L'introduction d'une machine implique généralement une augmentation
Ces deux effets peuvent influencer le tradu rythme de travail et de production.
vil r,ianuel qui subsiste largement et de façon négative, c'est-à-dire accompagné
d'un effort plus intense et dur, en particulier s'il s'agit de transport manuel
de matr'iaux ou de produits ... Pourtant, on constate très souvent que le chef
:
0e colloque était organisé conjointement par le Comité de l'ergonomie de
la Oommission internationale du génie rural, par le Group Project Ergonomies de
l'International Union of Forest Research Organizations et par la Commission
Ergonomies and safety de l'Internal Association 0f Agricultural Nedicine and
Rural Health. Dix-sept pays y étaient représentés. Ergonomies in tropical
agriculture and forestry, Wageningen, Netherlands. Center for agricultural
publishires and documentation, Wageningen, 1979.
2
Ainsi que le définit la FAO : "On entend ici mécanisation de l'agriculture
au sens large, c'est-à-dire y compris la fabricatien, la distribution et l'exploitationdes outils, instruments et machines utilisés pour aménager et cultiver la
terre et pour la récolte. Elle fait appel à trois principales sources d'énergie
huiaine, animale et mécanique." La mécanisation agricole et la répartition des
revenus, l'emploi et le progrès dans les pays en voie de développement, op. cit,
p. 1.
La mécanisation agricole et la répartition des revenus, l'emploi et le
progrès dans les puys en voie de développement, op. cit., p. 8.
- 34 -
d'exploitation donne la priorité à l'introduction d'une machine productive au
lieu de mécaniser le transport ." Il en conclut que, dans une exploitation
semi-mécanisée - et s'agissant de l'Europe -, en supposant que les machines
diminuent l'effort direct de certaines opérations manuelles, cet avantage peut
être facilement annulé par les facteurs indirects, et l'effet total peut être à
peine meilleur que précédemment, c'est-à-dire une dépense énergétique assez
élevée.
La mesure de la dépense énergétique lors des divers travaux effectués par
les paysanS en diverses régions d'Afrique et celle de la consommation d'énergie
fournie par l'alimentation constituent le type d'informations dont on manque
cruellement.
Van Loon n effectué, dans une exploitation semi-mécanisée d'élevage de bétail
à lait en Europe, la recherche de la dépense énergétique quotidienne chez huit
ouvriers agricoles; les valeurs présentées dans le tableau 10 sont les moyennes
"Ces résultats ne sont
des mesures d'une semaine; van Loon le commente ainsi
d'une
dépense
quotidienne
de 4 000 à
pas encourageants; en effet, la mesure
5 000 kcal. démontre que ce ravail, malgré son "modernisme", doit être qualifié
d'intense et d'assez pénible "
:
Parmi les machines qui n'apportent pas l'amélioration escomptée en termes
d'efforts, van Loon pense que "l'on doit en particulier se défier des machines
portables et des machines conduites en marchant". Un exemple de ce type de
C'est la même observation qu'ont signalée
machines est le motoculteur.
J.M. Jolmson et D.H. O'Neill du National Institute of Agricultural Engineering
de Bedfort (Royaume-Uni) lors du Colloque de Wageningen; les petits motoculteurs
présentent, parmi les machines agricoles, les principaux problèmes ergonomiques.
D'abord destinés à être utilisés dans des jardins des pays d'Europe ou des
Etats-Unis, où la terre est légère et où leur emploi est généralement limité,
ils ont été introduits dans des pays où les conditions étaient très.différentes;
il est très possible, indiquaient les auteurs de cette communication, que le
paysan trouve beaucoup moins fatigant d'effectuer le même travail à la main. à
S'il est propriétaire du motoculteur, il peut trouver avantage à l'utiliser
si le motoculteur
cause du. gain appréciable de temps qui en résulte; par contre,
salarié,
il
est
probable
que,
afin de rentaest loué et le travail confié à un
travailler
biliser le coût de l'heure d'utilisation, le domestique agricole devra
manoeuvres effectuées
La
fatigue
est
due
en
particulier
aux
de façon continue.
et à la vitesse
au bout du sillon, aux efforts à exercer pour diriger l'engin
imposée par la conception même des petits motoculteurs, avec laquelle le traCeci est exacvailleur doit marcher sur un sol inégal pour guider sa machine.
tement confirmé par un tctbleau,que publie van Loon, de la fréquence cardiaque,
qui illustre les efforts fournis au cours d'un travail avec motoculteur (taL'influence de la vitesse est démontrée par un diagramme de la dépense
bleau 15).
énergétique pendant des opérations de labourage et houage rotatif (tableau 16)
"en travaillant à des vitesses convenables quant au résultat agricole de l'opération, l'ouvrier a une dépense d'énergie qui dépasse la limite de tolérance
générale; en cas d'un travail de longue durée, une vitesse de 2 km/h seulement
peut être acceptable quant à l'effort de l'ouvrier".
Influence de la mécanisation du travail aricole et forestier sur la dépense énergétique de l'homme, dans Ergonomie et amelioration des
conditions de travail en agriculture, op. oit., p. 22.
1
2
J.H. van Iioon
:
Ibid., p. 22 (voir également le tableau 13).
Ibid., pp. 24 et 26.
35 Tableau 13
fr4 cluonce cirdlnquo
00
150
120
00
60
I
affouragement
LEI
rattraper
du btoII
t
I
I
I
I
35
30
t
t.
un veau
I
I
I
t
45
40
I
t
I
f
I
.
50
I
I
t
55
i
Y
t, t
60
I
65 mn
Fig. 1.
La fréquence cardiaque pendant des opérations dans une. ferme
Tableau 14
DEPENSE
pers Consommation
Totale
MB
travail
loieir
totale
2.2;520
19.;6t0
7.6;1810
7.6 1820
9.7;2310
9.6;2290 21;500
19.3;t610
8.0;i920
8.4;2000
1.6;380
18.Q;'i300
17.2;kllO
7.9 ; 1900
8.3 ; 1990
1.1;260
17.3;150
1f
19.k;46k0
7.5;1800 -.11 .k;2730
1.0;2k0
15
19.6;680
7.1f;1780
8.5;20'+O
i.8;k30
i6
i8
19.4;k640
22.2;5320
7.9;1900
9.5;2260
7.1 ;1710
9.1 2i70
1.8;k30
t..3;320
19.9;k770
17.7;4250
19.2;k590
17.5;4200
10
14.i;3380
11
12
15.13610
17,6;'1220
13
Consommation et dépense énergétique totales quotidiennes (MJ ; Kcal) de
8 ouvriers agricoles.
3G -
Tableau 15
frqucnCe cardaqUo
150
140
130
120
110
Fig.
.
4
3
2
1
o
o
tournant
100
6
5
7
8
9
lOmin
Fréquence cardiaque pendant le travail à motoculteur
Tableau 16
kcal/miri
10
-
«o
0
o,,
/
"J
limite
0/
/
O houage rotatif
labourage
vitesse
2
Fig. 3.
4
Dépense énergétique au cours de l'emploi d'un motoculteur.
5 km/h
- 37 -
Les facteurs climatiques propres à l'Afrique tropicale jouent évidem3.
ment un r8le important. On connaît les réactions du corps humain à la chaleur;
il est impossible de les résumer ici et il suffira de rappeler que, si l'orgaenuit une
nisme ne peut dissiper la chaleur dans l'atmosphère ambiante, il
Dans
l'Encyclopédie
accélération du rythme cardiaque et une fatigue élevée.
de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail qu'a éditée le BIT, l'article
"Le climat chaud, sur"Climat et météorologie" comporte les indications suivantes
tout lorsqu'il sagit de travaux à l'air libre, en particulier sur les chantiers
de construction et dans l'agriculture, demande beaucoup à l'organisme du travailleur et provoque une fatigue élevée. Les manifestations d'intolérance apparaissent de fagon marquée chez les ouvriers lorsque la température de l'air est
Dans de telles conditions, un régime de travail et de repos
supérieur à 28 C.
rationnellement établi est de la plus haute importance1. C'est dire que les
chiffres qui concernent le travail agricole en pays tempéré, tels que ceux qui
sont indiqués plus haut, doivent être sériesement0corrigés pour des travailleurs
couramment exposs à des températures de 35 ou 40 0. Comme l'indique
"The pulse rate je, in contradiction to the energy-output,
H. Mueller-Darss'
a more sensitive but also a more complicated measure for the real load the man
is expoeed to, since it is not only influenced by the performance itself but at
the same time by other factors. As for such studies in the tropics, of
particular importance seems the relatively strong reaction 0f the pulse-rate to
hight temperature and at the same time its dependency on air-humidity. The
interdependence mainly can be explained by the faot that for the upkeep cf the
thermal balance within the human body, the circulation system is strongly involved"
En climat tropical, les questions d'alimentation revotent également une importance particulière : on a déjà indiqué, au chapitre consacré au temps de travail,
que les limites d'efforts étaient rapidement atteintes. Le travailleur rural
peut survivre avec un apport alimentaire moindre, mais c'est au prix à la fois
d'une productivité diminuée et d'une usure prématurée de l'organisme. Plus généralement, la condition physique, c'est-à-dire la bonne ou mauvaise santé, influe
sur la pénibilité du travail; le nombre très élevé des paysans qui sont atteints
de façon chronique de paludisme ou d'autres maladies tropicales; ces considérations doivent entrer en ligue de compte pour examiner les conditions d'utilisation d'un matériel nouveau.
:
:
Ceci nous amène à rappeler,ce qui est probablement une évidence, mais qui
doit être gardée à l'esprit tant elle est fondamentale, que des interrelations
étroites gouvernent les conditions de vie et de travail, ce que des auteurs appellent le cercle vicieux des productivités basses, des revenus insuffisants,
de la malnutrition, des maladies et des faibles capacités de travail, ou encore
le "economic cycle o± diseases" (cf. tableau 17).
Extrait de : Ergonomies in tropical agriculture and forestry
(Wageningen, Netherlande, May 1979)
Cycle cf Diseases"
Tableau 17. The so-called
Low production
10w
salaries
Low working
Malnutrition
Poor education
Inadequate housing'
cap aci ty
Diseases
1 Encyclopédie de médecine,.d'hygiène et de sécurité du travail, BIT, Genève,
1974, vol. 1, p. 419.
2
Ergonomical research in tropical agriculture and forestry, in Ergonomies
in tropical agriculture and forestry, op. ait., p. 68.
- 38
La conception du matériel utilisé est importante.
Si la machine n'est
4.
pas adaptée aux conditions dans lesquelles elle est utilisée, ceci a des inciJohnson et O'Neill soulignent,
dences sur la fatigue de celui qui l'emploie.
dans leur communication, l'avantage de la charrue équipée de deux poignées, surtout dans le cas de sols durs, mais ils font ressortir le problème de la hauteur
de celles-ci, qui est un compromis entre la hauteur correcte pour le travail
normal et celle qui permettrait d'alléger les manoeuvres de fins de sillons;
le poids de la charrue peut aussi constituer un facteur important lorsqu'elle
doit être transportée sur de longues distances et sur un sol inégal. Les multiculteurs à traction animale sont souvent mal conçus et sont parfois même dangereux. Les motoculteurs utilisés pour le sarclage sont fatigants en raison de
l'effort exercé par le conducteur pour appuyer constamment sur les poignées et
des vibrations qui sont intégralement transmises par celles-ci.
C'est le plus
sauvent pour des raisons d'économie que les dispositions ne sont pas prises pour
assurer un emploi comportant le moins possible d'inconvénients pour l'utilisaLes petits tracteurs de prix modéré sont source de bruits et de vibrations.
teur.
De nombreuses machines, affirment Johnson et O'Neill, ont été conçues sans qu'ait
été aucunement prise en considération la manière dont elles seraient utilisees.
Cependant, l'efficacité des machines y aurait gagné. Ainsi en est-il de certaines petites batteuses, dont l'alimentation par le haut de l'appareil est irrationnelLe. Parfois aussi, notent les auteurs, la mauvaise conception de ces machines est le résultat d'un calcul délibéré, mais d'un mauvais calcul
"The
manifacturers' arid some cf the owners' (as opposed to operators) attitude to
easing the workload was interesting, as they considered that with labour as
cheap as it was, there was no point in paying extra 2 tables (on a sisal raspador)
to increase the output. What they did net realise was that their main cost was
owuing and ranning the machine, and that if the output per machine hour could
be increased, the saving there would more than justify the extra expense1."
La même attitude est fréquente s'agissant de machines plus importantes, où les
précautions sont prises pour protéger de la chaleur excessive et de la poussière
les organes mécaniques et le moteui, mais non
qui les conduit. Les
auteurs signalent qu'ils ont trové, dans le nord du Nigéria, où la température
à l'ombre était couramment de 46 0, un tracteur dont la cabine avait été équipée
d'um simple ventilateur; l'air étant sec, le simple fait de le faire circuler
causait, par évaporation, un effet de fratcheur sensible; la cabine était ainsi
fermée, ce qui mettait le conducteur à l'abri de la poussière et de la fumée.
:
Souvent aussi, l'inadaptation des machines ou équipements utilisés vient
de ce qu'ils ont été conçus dans d'atras continents (Europe ou Etats-Unis);
c'est notamment le cas des tracteurs, bien que l'on commence à utiliser des
tracteurs conçus en Afrique (en Côte-d'Ivoire par exemple).
Ainsi en vient-on à s'interroger sur les techniques traditionnelles qui
furent d'abord, et peut-être hâtivement,considérées comme inadéquates à la fois
pour des raisons de rendement médiocre et d'incommodité.
Les outils "primitifs"
utilisés par les paysans ne constituent-ils pas une "tecimologie adaptée", tenant
compte et des caractéristiques du sol et des efforts à fournir ? La question
est ouverte, mais il est un nombre de plus en plus grand de spécialistes qui
sont enclins, sinon à prôner l'usage inchangé de ces techniques et outils traditionnels - ce qui aboutirait à interdire toute évolution, et par conséquent à
condamner des populations de plus n plus nomhreusesà une pauvreté de plus en
plus grande -,du moins à examiner sérieusement, avant de les éliminer ou de les
améliorer, les caractéristiques de ces outils en relation avec les opérations
à effectuer, les circonstances et le milieu. Le cas de la daba est un exemple
The role 0f ergonomies in tropical agriculture in developing countries,
op. oit., p. 7.
"Quatre-vingt-dix pour cent des outils manuels et 40 à 60 pour cent des
instruments et machines agricoles simples sont fabriqués dans la région où ils
doivent être utilisés ou à proximité. Quant aux tracteurs, ils sont traditionnellement produits dans un petit nombre de pays industrialisés d'Europe et
d'Amérique du Nord et du Japon. Mais, depuis quelques années, les pays en développement commencent eux aussi à produire des tracteurs.", PAO, La mécanisation
agricole ..., op. oit., p. 4.
- 39 -
typique de cette interrogation. Le caractère très pénible de la posture que
Pourtant,
commande la forme particulière de cet outil a été maintes fois signalé.
on relève maintenant qu'à l'usage cet instrument s'avère non seulement adapté à
la nature du sol (travail du sol à faible profondeur, limitant l'érosion) mais
"Avec la daba, on trade Ravignan note
aussi "ergonomiquement" bien conçu
vaille courbé en deux; l'effort des bras est limité à entretenir un mouvement de
bascule. Avec la houe européenne, vous êtes droit, mais vos bras doivent faire
l'effort de soulever l'instrument."
:
:
Certains insistent sur le fait qu'"il est illégitime de considérer les techniques "traditionnelles" comme le simple produit du hasard ou de l'empirisme
Toute technique quelle qu'elle soit est le produit d'une réflexion intelligente,
ou elle n'est pas. Le terme d'empirisme n'a pas de sens autre que péjoratif.
Son seul r8le
Il n'a pas sa place dans une réflexion qui se veut scientifique.
il empêche de s'interroger sur le1pourquoi
est celui d'obstacle épistémologique
de pratiquer qu'on condamne avant même d'avoir essayé de les comprendre" . Ces
réflexions inciteront très certainement tous ceux qui interviennent dans le
secteur agricole des pays en voie de développement, soit dans un but désintéressé
d'amélioration des rendements et de réduction de la pénibilité des travaux,
soit dans un but commercial, à étudier de plus près l'adaptation des machines
et des outils en fonction de l'homme qui s'en sert et du milieu environnant
et, pour ce faire, à s'instruire des techniques existantes; c'est d'ailleurs là
l'une des idées de base du mouvement en faveur des tecimologies appropriées qui,
comme l'indique l'ouvrage publié par l'OCDE2, ne sont pas des technologies au
rabais. Peut-être même considérera-t-on, dans un avenir proche, que ces technologies appropriées constituent des technologies particulièrement sophistiquées.
:
P. Sigaut, communication au Colloque de Rodez, op. cit., p. 172.
2
OCDE
:
La technologie appropriée, op. cit.
- 40 -
IV
OP.PITR
INCIDENCES DES C
SUR LES.
GENTS TEC'T0.I0IQUES
0WIT.I.0N.
DE. YIE DES
TRAVAILLEURS RURAUX
Il ne peut s'agir ici de présenter un catalogue des problèmes que posent les
conditions de vie des ruraux en Afrique tropicale et des solutions qui leur sont
apportées. On se bornera à indiquer quelques orientations et réalisations, non
pas en raison de leur caractère exemplaire - ce qui aurait nécessité un inventaire
préalable et un examen approfondi des actions variées qui se déroulent dans les
différents pays -,mais seulement à titre indicatif et pour permettre un échange
d'informations et un débat. Ce qui a trait aux conditions de vie des femmes n'est
pas abordé ici puisque ceci fait l'objet d'une communication spéciale.
Les besoins essentiels, au sens du BIT, se composent de deux éléments1.
"Ils comprennent en premier lieu le minimum de ce qi est nécessaire à une famille
alimentation, logement, habillement, de
au titre de la consommation individuelle
même que certains articles ménagers et du mobilier. En second lieu, ils portent
aussi sur les services de base à la fois fournis et utilisés par la collectivité
dans son ensemble, par exemple une eau véritablement potable, un système d'évacuation des ordures, des moyens de transports publics, des services sanitaires et
des possibilités d'instruction." Mais, en outre, "une politique orientée vers la
satisfaction des besoins essentiels demande que la population participe aux décisions qui l'intéressent, une interdépendance se créant ainsi entre la participation
et les deux catégories d'éléments précités ... Cette satisfaction à un minimum
absolu, ainsi défini, doit se situer dans le cadre plus large de la jouissance des
droits fondamentaux de l'homme"2.
:
La satisfaction des besoins essentiels constitue une fin en soi; mais il importe de rappeler à quel point elle est aussi à la base d'une amélioration dans
l'amélioration des conditions de travail ne prend son sens
tous les domaines
que dans des conditions djmetatjon, de santé et de logement convenables. A
son tour, la productivité est étroitement liée aux conditions de travail et aux
conditions de vie. Enfin, il n'est pas douteux que celles-ci, lorsqu'elles sont
médiocres, précaires, voire invivables, sont également à la source de l'exode
rural. Il y a l - ceci a été souvent souligné - un ensemble d'interrelations
dans lesquelles chaque élément est à la fois cause et effet.
On peut c.oncevoir trois .±aqons 'envisage l'.aélioration des conditions
de vie des travailleurs ruraux en re),.ation avec les technologies : la première
s'intéresserait aux incidences des séules technologies qui concernent l'activité
ce point a été sommairement passé en revue au chapitre I
agricole ou artisanale
il est incontestable qu'un niveau suffisant de subsistance - et pas nécessairement
d'un "revenu" au sens monétaire du terme, en raison de l'enchaînement des dépenses
et souvent de l'endettement qui en résulte - constitue une condition indispensable
à la satisfaction d'une partie impQrtaxite des besoins essentiels (ceux de la première catégorie). La seconde approche consisterait à examiner les techniques ou,
plus généralement, les actions spécifiquement destinées à améliorer les conditions
de vie dans tel ou tel de]ursaspectS (qualité de l'alimentation, logement, hydraucertains de ces aspects seront évoqués
lique villagêoise, assainissement, etc.)
elle considère que tout se
plus loin. La troisième approche est plus globale
tient lorsquon veut améliorer le sort de l'homme, surtout quand il s'agit d'un
travailleur rural, dont les conditions de travail et de vie s'interpénetrent et
qui est, beaucoup plus que tout autre travailleur, en relation étroite avec son
milieu, qu'il s'agisse du milieu physique et naturel ou du milieu social et de la
culture qui lui est propre et dans laquelle il est profondément enraciné. Ceci ne
doit pas conduire à une politique du "tout ou rien", qui risquerait fort de paralyser toute initiative; tous les efforts dans des directions particulières doivent,
:
:
1
L'emploi, la croissance et les besoins essentiels, rapport pour la
Cf.
Conférence mondiale tripartite sur l'emploi, la répartition du revenu, le progrès
social et la division internationale du travail, BIT, 1976.
2
Ibid., p. 34.
- 41 -
au contraire, être maintenus et intensifiés; mais il s'agit de les poursuivre
sans n(gliger les autres aspects qui interfèrent et risqueraient, s'ils étaient
perdus de vue, do ruiner les efforts. C'est pourquoi cette approche d'un développement global est prônée depuis longtemps par le BIT; les pays, les organisations internationales, réalisent de plus en plus souvent des programmes intégrés
de développement rural; cependant, il n'en a pas été toujours ainsi. Comme l'indigue Kathleen Rhodes dans un article de la revue "Formation pour l'agriculture
et le développement"1 : "Jusqu'à présent, les programmes de développement rural
ont surtout visé à l'accroissement de la production agricole. Les progrès de la
technologie et de la science agricoles, la formation aux méthodes agricoles modernes, la propriété de machines agricoles et la participation aux coopératives
de commercialisation ont accentué l'importance du rôle de la technologie et de
la main-d'oeuvre qualifiée au détriment des besoins humains." L'auteur ajoute
familiale, par exemple, ou ceux qui sont destinés
que les programmes
aucun
à la jeunesse sont souvent limités parce qu'ils n'offrent apparemment
au
opposées
Il
s'agit,
en
définitive,
de
deux
attitudes
avantage économique.
institution,
ou
une
action,
comme
valable
lieu de considérer une technique, ou une
en soi parce qutelle aurait donné de bons résultats en d'autres lieux, et de
s'efforcer de l'appliquer telle quelle à tout prix, il convient de renverser le
raisonnement et de se demander, en fonction dea besoins de l'homme tout entier et
dans ses relations avec son milieu, quel pourrait être l'apport de telle technique
"les programmes de
ou de telle action. C'est pourquoi, comme l'indique K. Rhodes,
développement rural concernent de plus en plus la réforme agraire, l'amélioration
de l'instruction et des possibilités d'emploi, la répartition équitable des revenus,
l'amélioration de la santé, de l'alimentation et du logement et visent à faire en
sorte que les populations rurales soient activement associées à l'amélioration de
leurs conditions de vie"2. A juste titre, l'auteur insiste sur le fait que ces
aspects du développement rural sont aussi essentiels au bien-être des populations
que la mise en oeuvre de techniques culturales efficaces.
:
La question de l'aÏimetation a été évoquée au chapitre I puisqu'elle est
3.
étroitement liée à celle de l'agriculture de subsistance, la diminution des superficies consacrées à celles-ci n'étant généralement pas compensée par l'achat de
produits vivriers souvent trop chers pour les très maigres revenus du petit paysan;
l'endettement peut avoir pour effet de contraindre celui-ci à vendre la récolte à
venir, à des prix souvent dérisoires3; les familles se rationnent systématiquement
parfois cinq à six mois avant la récolte, signale René Dumont4,et des enquêtes ont
révélé un arrêt de la croissance des enfants pendant cette période. l'Africain
dispose en moyenne d'une ration calorique insuffisante de 2 110 kilocalories par
tête et par jour; sa nourriture contient une faible quanité de pro'éines (53 gr
elle-même irisufpar tête et par jour) et la proportion de protéines animales est
fisante (18,8 pour cent en moyenne alors que la norme se situe aux alentours de
à nouveau
50 pour cent). C'est pourquoi des efforts sont faits pour encourager
les cultures de subsistance, tout en essayant d'améliorer la valeur nutritive de
ainsi, on tend, au Mali, à déve-.
l'alimentation en modifiant les comportements
lopper la consommation de poisson et au Zare on envisage de généraliser la culture du soja; au Sénégal, un organisme public, l'Institut de technologie alimentaire, à la suite de recherches sur le mil, produit de base de l'alimentation tradilionnêlle, qui se voyait concurrencé par le pain de blé, remet à l'honneur cette
céréale à haute valeur nutritive (14 pour cent a.eprotéines) en l'intégrant dans
la composition du pain; pour ce faire, les techniqes villageoises ont servi de
base à la nouvelle technique, élaborée avec l'aide des femmes des villages. Outre
l'économie de devises ainsi réalisée, les conséquences sont également positives
:
1
Revue annuelle publiée conjointement par la PAO, le BIT et l'UNESCO.
ticle cité se trouve dans le n° 2, 1976, pp. 100 et suivantes.
2
Ibid.
Op. oit., p. 286.
4
Op. oit., p. 283.
L'ar-
- 42 de la nutrition et de l'augmentation des revenus des
sur le plan de
Aux activités de recherche, plusieurs organismes ajoutent des efforts de
paysans.
diffusion et d'éducation du public, comme l'OPÀNA (Institut de recherche sur l'alimentation et la nutrition africaine), organisme interétatique africain dont le
Pour mémoire, on citera les multiples activités d'enseignement
siège est à Dakar.
nutritionnel assurées par des organismes de formation ou des revues telles que
"Famille et développement".
Le logement constitue le deuxième besoin essentiel dans l'énumération du
La situation précaire des populations rurales explique que la qualité des
logements ruraux ne se soit guère améliorée en général au cours des dernières
années. Des efforts sont pourtant menés, associant le plus souvent
des habitations à une politique d'assainissement, ainsi que, souvent, l'alimentation en eau des villages et l'électrification. On procède parfois, comme en
Côte-d'Ivoire, par "lotissement", opération qui consiste à détruire les cases
insalubres et mal construites afin de prévenir les risques d'incendie et d'épidémie, à quadriller le territoire par un réseau routier qui le divise en lots de
même surface; les habitations sont reconstruites "en dur". Certains ont noté les
grandes améliorations apportées au 'point de vue de l'hygiène générale et des commodités (adduction d'eau et électrification), mais aussi l'inconvénient que présentent en saison sèche ces maisons modernes qui, recouvertes de tôle ondulée,
deviennent excessivement chaudes; la construction en dur représenterait aussi pour
Dans cet ordre
les habitants une charge financière difficilement supportable-.
la revue "Famille et développement" a publié un article faisant apparattre
les avantages du "banco" par2rapport au ciment en ce qui concerne la température
dans la maison en toit en ciment, la température
de l'habitation (tableau 18)
atteint une dizaine de degrés de plus qu'à l'extérieur, tandis que dans la maison
en banco la température varie très peu; en outre, la seconde est évidemment bien
c'est
Mais l'habitat est davantage qu'un abri
meilleur marché que la première.
un lieu de vie sociale. Dans la future capitale de Tanzanie, Dodoma, en cours de
les zones
construetion, une conception intéressante préside au tracé de la ville
d'habitation sont conçues pour de petites communautés recréant le mode de vie villageois; ceci fait partie d'une conception d'ensemble où, au sein d'une économie
agricole qui échapperait dans la mesure du ossib1e è. la monétarisation, les villages seraient les "noeuds de croissance" ou se trouveraient réunis les principaux
services à la disposition des populations rurales.
BIT.
:
:
.efforts sont menés dans les domaines de l'assainisseatoit,
ment et de la fourniture en eau des villages, afin de rapprocher de ceux-ci les
points d'eau (la recherche de l'eau représente une part importante dans la journée
de la ménagère africaine et constitue une tache pénible) ou de stocker l'eau à
L'hydraulique villageoise
proximité, afin, aussi, de procurer une eau potable.
représente actuellement 60 pour cent des budgets des collectivités locales au
Des projets expérimentaux sont réalisés dans plusieurs pays, soit pour
Sénégal.
'éoliennes, afin de recourir à une source d'énergie gratuite
la construction
(cf. tableau 19)- , soit par l'équipement de stations solaires4. De nombreux
1
"Optimalisation de la communication et agencement de l'espace.
A. Kientz
Le modèle Sénoufo. Cahiers d'Etudes africaines, n0 63, pp. 541-552. Cité par
"Les conditions de vie et de travail des paysans Sénoufo", BIT,
Ch. Savignac
:
1978, polycopié.
2
Famille et développement, n0
8,
octobre
1976,
p.
39.
3
Carte extraite de Environnement africain, publication de l'EI'TDA (Programme
de formation pour l'environnement), Dakar, n0 17, juillet 1977.
4
collège Chinghetti
De telles installations existent, par exemple, au
(Mauritanie) et à la clinique Dioila (Mali) où les toits sont équipés d'accumulateurs de chaleur et actionnent des pompes à eau. Des recherches sur les sources
d'énergie (soleil, vent) sont menées notamment au collège InterEtats de Onagadougou,
à l'Institut'universitaire de technologie et è. l'Institut de physique météorologique
de Dakar, à l'Ecole polrtechniqie de Thiès (Sénégal) et au Conseil de l'énergie solaire de Niamey (Niger). Les pompes solaires sont aussi destinées, dans certains
ainsi, le projet "Mali Aqua Viva" a permis la
cas, aux cultures et à l'élevage
création de cultures maratchères; il a pour objectif d'approvisionner en eau 10 pour
cent de la population du Mali grâce à 400 forages; 282 étaient réalisés en 1978.
est rendu. possible par l'existence d'une immense nappe phréatique. Les pompes solaires sont encore conteuses, mais leur prix diminue régulièrement. Elles pourraient
devenir rapidement compétitives si le prix du pétrole continue à augmenter.
:
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43 -
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Famille et développement, n0 8, octobre
1976.
19.
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15
5:
Extrait de
10.
overue wtnd spoed (metes/sqconds)
pumping capa..lty(m31 doy) for n 6m sotrun
wtth pumping helght 0f 45m'
African Environment, Ocoasional Paper n°
rrom I.Chuzrot,1962.
77-17, July 1977.
- 44 organismes de développement rural, conscients de l'importance prioritaire de
l'approvisionnement en eau de qualité, prévoient dans leurs activités la construction de puits et l'alimentation en eau des villages1. Avec les actions
d'assainissement, ces efforts sont certainement à l'origine de l'amélioration de
l'état de santé en Afrique, dont témoignent, maigréles énormes problèmes causés
par les endémies tropicales, les chiffres et les perspectives publiés par l'UNICEF
(cf. tableau 20); car la rareté de l'eau, outre ses effets sur le rendement des
récoltes et donc sur l'alimentation, favorise la prolifération des infections et
l'apparition de déshydratations très graves en cas de fièvre2. Amélioration des
conditions de vie et croissance économique sont deux objectifs convergents qui ont
convaiiacu les Etats dtAfrique tropicale (surtout depuis les dernières sécheresses)
de renforcer les actions dans le domaine de l'hydraulique
la R.-U du Cameroun
consacre une large part de ses crédits d'investissement à la construction de plusieurs grands barrages et à un programme d'adduction d'eau; la Côte-d'Ivoire a
lancé en 1973 un programme national d'équipement hydrauliqe des villes et des
il est prévu de créer d'ici à 1980 7 200 nouveaux points d'eau pour
villages
tous les villages de plus de 100 habitants, ce qui correspondra à un point d'eau
pour 600 habitants; au Sénégal, outre l'aménagement du fleuve Sénégal dans le
cadre de l'ONVS, en collaboration avec le Mali et la Mauritanie, et celui du
fleuve Gambie, en collaboration avec la Guinée et la Gambie, le Ve Plan de développement prévoit un programme d'équipements en infrastructures hydrauliques; le
Tchad, avec l'appui du Club des amis du Sahel, envisage la mise en valeur du polder
de Mamdi et la Haute-Volta a engagé un programme daménagement et de mise en valeur
des vallées Volta. Le stockagê de l'eau à proximité des petites collectivités paraît être facilité par une formule originale, mise au point en Côte-d'Ivoire "sans
le moindre transfert de technologie"3, consistant en petits châteaux d'eau en résine de polyester, convenant particulièrement aux villages des régionséloignées
et manquant d'infrastructures.
:
:
6. Sans prétendre tra.itr n problème aussi vaste et complexe que celui de
l'enseignement et de la formation qi déborderait du cadre du sujet, il convieiE
à tout le moins de mentionner ses liens avec les conditions de vie et le rôle
qu'il joue ou qui1 est en mesure de jouer, tant en ce qui concerne l'assimilation de techniques (qu'il s'agisse de techniques de production ou de techniques
d'amélioration des conditions de vie) que l'attitude des nouvelles générations à
l'égard de la vie rurale. On entend ici par enseignement, non pas seulement les
très nombreuses actions de vulgarisation qui consistent à transmettre une connaissance technique précise, mais surtout les programmes plus larges et plus ambitieux
Pour reprendre les termes
comportant notamment l'alphabétisation fonctionnelle.
du programme du Département de la promotion humaine au Sénégal, "les buts pouril s'agit
suivis par la création de centres d'alphabétisation sont multiples
d'amener le paysan à franchir le seuil de l'apprentissage et de l'application
passive des consignes de vulgarisation en lui donnant les moyens e comprendre,
de raisonner, de discuter, de prendre des décisions, puis d'agir en toute connaissance de cause, ... d'aider les conseillers ruraux à mieux appréhender les textes
officiels, .. de faciliter l'action prophylactique et sanitaire en général,
de permettre la compréhension des notions techniques, comme le rendement de l'engrais, la rentabilité du matériel de culture et des notions économiques comme le
calcul de la capacité d'endettement, la lecture et la rédaction du compte indiLa Direction de l'alphabétisation et de la presse rurale du Bénin a été
viduel".
lauréate de l'UNESCO à l'occasion de la Journée internationale de l'alphabétisation de 1979 pour le programme systématique de postalphabétisation par la presse
rurale mis en place dans ce pays. Depuis bien des années déjà, l'INADE$ (Institut
africain pour le développement économiqe et social), qi a son siège à Abidjan,
organise des cours par correspondance pour travailleurs ruraux, couvrant un éventail de questions touchant au travail agricole comme aux conditions de vie, et qui
1
Ainsi, en Côte-d'Ivoire, la CIDT, établissement public chargé de développer
la culture du coton, apTès avoir mené, jusqu'en 1970, une action essentiellement
axée sur la croissance de la production cotonnière, a élargi son objectif au développement des régions cotonnières; 73 puits ont été créés à son initiative avec
l'aide de la BIRD; 500 autres doivent être réalisés.
2
Le besoin essentiel que constitue la disponibilité de services sanitaires
fait l'objet d'une communication spéciale.
3
L'hydraulique en Afrique noire, Africa n0
114,
octobre
1979, p. 64.
- 45 Tableau
Taux de natalité, 1955-2000, nombre de naissances, 1960, 1970,
1975, 2000 et espérance de vie, 1960, 1970, 1975 (en années)
20.
Continent et pays
Taux de natalité
pour 1 000' habitants
Nombre
1960
1970
1975
321 35,9
966 1 093 1 803 46,7
767 1 214 45,6
667
543 32,0
272
258
200 34,3
155
138
281
300
453 35,9
11
10
9 42,5
113
35,9
60
53
365 35,9
306
250
41,0
49,0
50,7
36,0
43,5
55-60 65-70 70-75 1995- 1960 1970 1975
2.000.........
AFRIQUE
Afrique du Sud
Algérie
Angola
Bénin
R.-U du Cameroun
Cap-Vert
Congo
06 te-d' Ivoire
République
centrafricaine
Gabon
Gambie
Ghana
G-u in é
e
G-uinée-BisSau
Haute-Volta
Libéria
Mali
Mauritanie
Niger
Nigéria
Séngal
Sierra Leone
Tchad
Togo
Zare
Extrait de
47,3
41,8
50,8
50,5
51,0
43,2
46,8
43,3
46,0
47,4
43,0
49,6
48,2
50,9
41,5
41,5
44,4
46,0
45,6
42,9
48,7
47,2
49,9
40,4
32,8
45,1
45,6
38,6
36,1
33,1
43,6
33,7
39,1
21,0
41,4
38,0
46,1
32,8
42,4
50,5
47,0
40,9
49,6
43,8
50,1
44,7
52,3
49,4
47,9
44,6
45,5
50,9
45,0
32,5
43,0
49,5
47,2
40,7
49,4
42,8
49,8
44,8
52,2
49,6
47,5
44,8
44,5
50,9
43,4
32,2
43,3
48,8
46,6
40,1
39,5
27,6
35,1
39,8
38,4
34,1
39,6
36,8
47 , 3
:
48,5
43,6
50,1
44,8
52,2
49,3
47,6
44,7
44,0
50,6
45,2
40,1
46,9
44,8
38,8
36,8
38,2
159
688
512
251
106
238
9
40
179
209
2000
231
133 35,0
18 33,5
30 36,0
20
16
842 36,5
428
482
339
325 33,5
228
258
172
21
29 30,5
20
21
434 32,2
266
293
215
118 36,5
68
56
42
509 34,7
285
204
251
91 35,9
52
59
43
210
240
449 35,9
160
2 549 3 282 3 699 6 045 33,5
59
15
72
16
78
17
22
38,5
41,0
46,0
41,0
41,0
51,6
53,6
38,6
41,8
41,0
50,0
43,5
43,5
41,0
38,5 41,0
41,0 40,0
41,5 43,5
38,5 41,0
36,5 38,6
35,5 38,0
41,0 't-),-'
37,2 38,1
41,0 38 , 5
38,5 41,0
39 , O
41,0
40,0
40,0
208
238
162
210 36,0 41,0 43,5
118
133
95
162
264 33,5 38,0 38 , 5
178
140
112
186 33,5 38,5 41,0
100
76
784 1 013 1 117 2 008 39,5 42,0 43,5
317 .35,9
40 , O
46,8 '45,2 40,6
Famille et développement, n0
Espérance de vie
à la naissance
e naissances
'(1 000)
8,
octobre
1976.
38 , 5
- 46 -
Le CESAO (Centre d'études économiques et sociales d'Afrique
sont très appréciés.
occidentale) à Bobo-Dionlasso, Haute-Volta, créé en 1960, s'est progressivement
spécialisé dans le domaine du développement rural ("par développement rural, il
entend un véritable mieux-être des populatins villageoises et pas seulement la
croissance de la production et des revenus"-'-) et assure diverses activités telles
que la formation, la recherche appliquée et l'édition d'un bulletin2 et de matéIl faudrait pouvoir citer d'autres initiatives; toutes ces
riels ptdagogiques.
actions de formation jouent un rôle irremplaçable de diffusion des techniqes au
service d'une amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs
ruraux. Mais c'est l'ensemble de l'enseignement, dans son sens le plus large, qui
exerce sur les esprits une influence déterminante, qui,peut être positive ou négative - négative lorsque l'enseignement traditionnel contribue à couper3l' enfant
de son milieu rural et favorise l'exode des plus doués vers les villes .,
Ce sont ces différents domaines qui cnt abordés de façon de plus en plus
7..
associée dans les différentes actions, dans les divers programmes et projets de
développement rural. Les changements technologiques trouvent là leur meilleur
vecteur; ils sont en effet conçus pour ce qu'ils sont ou ce qutils doivent être
un moyen d'amélioration des conditions de vie. A titre d'exemple, un projet de
coopération technique qui sera mené avec l'appui du BIT et l'assistance financière
de la OEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest) concerne "l'aménagement de centres de formation rurale pour des actions intégrées de promotion
les conditions d'existence du
communautaire" et se donne pour mission
monde rural par une augmentation du revenu du paysan et une augmentation et une
diversification des productions, tant dans le secteur des cultures vivrières que
dans celui des cultures industrielles d'exportation". Afin de faciliter le développement d'une petite mécanisation, le projet ambitionne de créer dans les zones
rurales un réseau d'artisans de services aptes à entretenir et réparer le matériel
agricole; des centres d'initiatLon horticole constitueront des structures de formation intervenant en milieu rural pour freiner l'exode rural et lutter contre les
maladies et la mortalité dues à la malnutrition; des maisons familiales rurales
(déjà existantes) seront multipliées afin de constituer une structure de formation
prise en charge par la communauté villageoise et de freiner ainsi l'exode rural en
amenant les jeunes à rester dans leur village et à sengager dans les différents
circuits de production du milieu; une formation des çouples sera donnée dans des
"villages de couples", etc. On ne peut manqer de mentionner le rôle de pionnier
joué à cet égard par le mouvement çoopératif, qui a rencontré un succès certain
dans plusieurs pays d'Afrique; en associant les populations à l'amélioration des
conditions d'existence, il permet de faire pénétrer progressivement dans les
moeurs certaines techniques; leur adaptation aux besoins et aux mentalités est
ainsi mieux assurée et permet, à son tour, une véritable appropriation de ces
techniques par les paysans. D'autres eommunïcations présenteront les améliorations
concrètes ainsi assurées dans divers domaines du travail et de la vie des populations rurales.
1
Recherche, pédagogie et culture, mai-août 1979, p. 65.
2
Consti'uire ensemble, bulletin bimestriel.
3
Ce problème dépasse le cadre de cette étude. De nombreux rapports ou articles l'ont soulevé. Une analyse particulièrement claire et fouillée a été faite
à ce sujet dans un rapport polycopié de G.H. Connillière, J.R. Balmer et L. Roussel
sur l'exode des jeunes ruraux en Côte-d'Ivoire, BIT, Genève, 1969. Cf. également
A. Provent et P. de Ravignan qui parlent de "l'école de l'impuissance" (op. oit.,
régionale afrip. 61) et le rapport du Directeur général du BT à la Conférence ég1i.tés
du monde
caine d'Abidjan, qui évoque "une école largement en dehors des.
rural" (Une stratégie des besoins essentiels pour l'Afrique, op. oit., p. 31).
- 47 -
CHAPITRE V
LES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES DANS LEURS RAPPORTS AVEC
L'ORGANISATION DU TRAVAIr1 ET L'ORGANISATION SOCIALE
C'est à juste titre que, dans l'intitulé du thème inscrit à l'ordre du
1.
jour du séminaire et qui nous intéresse ici, figurent l'organisation du travail
et l'organisation sociale. Il est, en effet, évident qu'une technique n'est
pas introduite dans une société comme dans une sbrte de vacuum, comme si l'on
pouvait, dans un secteur qui serait défini et limité, faire table rase du passé
et du présent. Les objets utilisés, de même que les champs cultivés ou la répartition des tâches, ne constituent, pour reprendre une image courante, que la
Des liens les rattachent et les expliquent. Dans
partie émergée de l'iceberg.
louvrage qu'il consacre aux "civilisations noires", le grand sociologue
Jacques Maquet' donne de la culture une définition qui montre la place éminente
de la technique et des objets matériels dont elle se sert : "Une culture est
un ensemble complexe d'objets matériels, de comportements, d'idées cquis dans
une mesure variable par chacun des membres d'une société déterminée." La
culture est donc, entre autres choses, "un système d'adaptation d'un groupe à
son environnement" et la production des biens matériels, la technique et le
travail se trotivent étroitement associés à toutes les valeurs de cette cultures
y compris celles qu'on ne peut approcher que par "la participation intuitive".
est à juste titre que l'on a pu écrire que les rapports entre les techniques
et les conditions de travail (de même que l'accord entre le travailleur et son
travail) dépendaient d'un certain nombre d'éléments, parmi lesquels, à côté de
ce qui a trait aux systèmes de production et au travailleur, se trouvait la
"Les différences entre les cultures se reflètent dans les habitudes
culture
de travail, qu'il s'agisse de la quantité de travail tenue pour normale, des
périodes où l'on travaille ..., de la cadence (un effort quotidien régulier, de
brèves périodes d'effort intense ...), des activités qui peuvent accompagner le
travail (conversation, chant, cérémonial social) du fait qu'on l'exécute en
public ou en privé, ou du genre de travail considéré comme convenant à l'ôge
ou au sexe3."
:
Dans l'agriculture, Ile système socio-culturel garde une pattcu1ière influsur' tous les aspects de la vie du travailleur. Les rapports humains,
qu'ils soient de parenté, de voisinage ou d'amitié, sont caractérisés par un
sens des valeurs, une mentalité et des croyances semblables; dans la plupart des
cas, la famille, unité sociale, est aussi l'unité de production"4. C'est pourquoi nous partageons l'avis de P.J. Dy lorsqu'elle écrit que "l'évolution technique, dans l'agriculture et le secteur non structuré, devrait être conçue selon
une approche particulière, compte tenu des considérations suivantes
ence
Cet ouvrage
Les civilisations noires, éd. Marabout, 1966.
Jacques Maquet
a reçu le prix du meilleur livre d'art consacré à l'Afrique et rédigé en langue
française, prix décerné par le jury du premier Pestival des arts nègres, à Dakar,
en 1966. L'auteur est directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes études de
l'Université de Paris.
:
J. Maquet, op. cit., pp. 12 et 18.
'
H. Trindis : "Work and nonwork : intercultural perspectives" dans l'ouvrage publié sous la direction de M.D. Dunnette : Work and nonwork in the year
2001 , Brooks-Ode, 1973, p. 50. Cité par F.J. Dy : "Se servir de la tcbnologie
pour humaniser le travail", Revue international du travail, vol. 117, n 5,
sept.-oct. 1978.
F.J. Dy, op. oit,., P. 596.
- 48 -
L'innovation technique vient en général du dehors et elle affecte d'ufl
seul coup de vastes régions (c'est le cas, par exemple, de l'électrification,
de la révolution verte ou delamécanisation). On peut en conclure qu'il faut
particulièrement veiller au choix et à la conception du produit, et cela en consultant les intéressés directs plus largement qu'auparavant.
Dans ce secteur, l'évolution technique a généralement des effets culturels et sociaux plus accentués que dans la grande industrie, ce qui laisse à
penser que la sociologie et l'anthropologie devraient jouer un rôle plus important lors du choix.
Les travailleurs y sont en général moins capables d'adapter les nouvelles techniques à leurs besoins; il faudrait donc recourir davantage aux compétences extérieures, notamment en matière dtergonomietl.
S'agissant de l'Afrique, dont les cultures sont très riches, ce qui précède
est sans doute particulièrement vrai. Certains en ont conclu : "S'imaginer que
l'Afrique conservera de ces cultures ce qui devrait à tout prix en ôtre conservé,
tout en changeant radicalement de techniques de production, serait une complète
erreur.
Une culture africaine (ou autre sans doute) est globale; tout s'y tient,
de l'outil à la forme de la maison, des matériaux aux structures sociales, de
l'alimentation à la mode vestimentaire, à la pensée politique,
l'art,
la
danse et
la religion. Changez un maillon de la chaîne et tout s'altère au
risque de stécrouler2.tt On peut trouver une telle position trop absolue; elle
a pourtant le mérite de poser, en le schématisant, le problème qui nous intéresse
et qui a été exprimé en d'autres termes par G. Gosselin lorsqu'il écrit
"Les
traditions sont-elles des obstacles, des freins de développement ?Peuvent-elles,
au contraire, ôtre considérée ou utilisées comme des pierres d'attente pour
entreprendre ce développement) ?"
:
Il serait présomptueux de tenter de faire ici le tour de la question
il
y faudrait beaucoup de place et une connaissance intime des cultures africaines.
On se limitera à rassembler un certain nombre d'observations glanées dans divers
rapports ou études.
:
2.
En agriculture traditionnelle, en Afrique, la famille, cellule de base
sur le plan social, l'est aussi généralement sur le plan économique.
L'organisation du travail est collective; il n'y a le plus souvent pas d'appropriation
individuelle de la terre, mais plutôt droit d'usage; le travail est également
réalisé de façon collective; il peut y avoir, au sein
communauté familiale,
des terrains collectifs et des parcelles individuelles, le temps de travail sur
les uns ou sur les autres étant réglé par une tradition très ancrée.
Ce "collectivisme", comme l'a souligné G. Gosselin dans son ouvrage très documenté, ne se
ramène pas à une coopération qui serait "celle d'individus conjuguant leurs
efforts pour réaliser un projet défini et limité dont chacun tirerait profit.
Il s'agit plutôt d'une occupation du sol et d'un travail commun qui visent à
§tre utiles au groupe. Le travail ne peut, en lui-môme, ôtre source de richesse
ou de promotion sociale, car il est effectué pour le compte du groupe"4.
G. Gosselin a observé qu'en Haute-Volta, à la suite de l'intervention d'un
organisme (la Société d'aide technique et de coopération) chargé de répandre
l'utilisation d'une houe à traction asine et de vulgariser des semences améliorées, de développer le crédit mutuel et d'organiser l'approvisionnement et la
P.J. Dy, op. oit., p. 596.
2
noire
Richard-Molard : Plaidoyer pour une nouvelle paysannerie en Afrique
Le travail en Afrique noire, présence africaine, 1952.
"En termes de maçonnerie, on nomme pierres d'attente les pierres saillantes
ménagées d'espace en espace, à l'extrémité d'un mur, pour faire liaison avec
quelque autre construction qu'on pourrait élever à côté" rappelle G. Gosselin.:
Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, BIT, Genève,
1970, pp. 3 et 307.
G. Gosselin, op. oit., pp. 10-11.
- 49 -
commercialisation, on voyait s'accélérer les scissions au sein des concessions
partage des terres, réduction des groupes de travail cçliectif; mais II s'agit
là plutôt de l'accélération d'un mouvement déjà amorcéL. lie système de répartition d'usage de la terre peut aussi être un frein au remembrement et donc à la
mécanisation. On u parfois noté, dans les communautés agricoles, "une dépexidance accrue? l'égard de natériaux et d'idées d'importation et une réduction
considérable du pouvoir des colectivités villageoisès sur la gestion et l'aménagement de leur espaoe2. D'autre part, la terre se trouve valorisée par la
valorisation des produits agricoles; "elle perd de sa valeur sacrée, devient
objet de contrats, source de rapport et de profit qui exige esprit d'entreprise,
moyens techniques et information économique"; mais cette évolution paratt lente;
la terre reste protégée de l'aliénation définitive par un ensemble d'habitudes,
d'intérêts et de lois3.
La répartition du travail entre champs collectifs et parcelles individuelles est ébranlée par l'introduction de nouvelles cultures et de nouvelles
tecmiques : "Avec le développement de la culture cotonnière" note Chantai Savignac,
qui a effectué une étude en pays Sénoufo, en Côte-d'Ivoire, "une concurrence
commence à se faire sentir, notamment en période de semis, entre champs collectifs et champs individuels". Jusqu'ici, en effet, la priorité était toujours
accordée au champ collectif sur lequel tous les membres de la communauté (Katiolo)
ce champ, consacré
devaient travailler un certain nombre de jours par semaine
esentielïement aux cultures vivrières, permet de nourrir les membres du Katiolo.
Les revenus tirés du coton incitent les jeunes à consacrer davantage de temps à
leur prircoUe Individuelle.
:
La communauté que représente la ramille élargie ou le village ne se
traduit pas seulement par le caractère collectif de la terre et du travail, mais
Comme le
par la solidarité qui en est à la fois le fondement et le résultat.
dit J. Maquet, "cette solidarité se manifeste, de façon éclatante, lorsque tort
a été fait à l'un des membres par une personne extérieure au groupe, mais son
importance vient surtout de la sécurité qu'elle apporte dans la sphère des nécesL'aide des frères se manifeste à l'occasion d'évésités de la vie quotidienne".
nements exceptionnels, mais "bien plus souvent dans le cas d'une mauvaise récolte
Savoir qu'on ne souffrira pas
et d'autres difficultés de la vie matérielle ...
de la faim aussi longtemps que tout le groupe ne sera pas affamé, savoir que
ses enfants et ses femmes ne seront pas abandonnés, même si l'on est absent
longtemps ou si l'on disparait, écarte Acertaines sources d'anxiété si communes
dans les sociétés plus individualistes". L'introduction de cultures de rapport,
l'incitation à l'achat de semences sélectionnées ou d'engrais modifient les
états d'esprit et introduisent précisément des tendances à l'individualisme,
d'autant plus fortes que des velléités d'émancipation,à l'égard d'une autorité
parfois pesante, étaient déjà préexistantes. C'est sans doute parce que la
solidarité est, au travers de rites complexes, liée essentiellement à la subsistance qu'on a pu noter que "pour les culturese rapport les changements techniques sont acceptés, mais pas pour les cultures vivrières pour lesquelles l'aspect religieux a une importance considérable"5.
La structure sociale trad4tionnelle, qui assurait avec efficacité la
sécurité matérielle et la cohésion du groupe et une certaine égalité entre ses
membres, semble se trouver dénaturée et détournée de son objet au fur et à mesure
que la pénètre l'économie monétaire qui accompagne les nouvelles techniques.
Chantai Savignac note qu'en pays Snoufo "les innovations techniques, notamment
la culture attelée, ne profitent pour l'instant qu'à des individus considérés
isolément ... L'acquisition de ces nouvelles technologïne résout pas des problèmes communs, bien que ce phénomène semble faire tache d'huile, Elle crée,
G. Gose1in, op. oit., p. 35.
2
EITDA : Compte rendu de la session de formation sur le recours aux technologies combinées pour l'écodéveloppement au Sahel occidental, 1977, ENDA/EV/8587,
p. 7.
G. G-osselin, op. oit., p. li.
J. I4aquet, op. oit., p. 109.
X. Le Roy : La juxtaposition de deux types de productions dans un village
Sénoufo du nord. de la Côte-d'Ivoire, pp. 141-142, cité dans Cli. Savignac, op. oit.,
p. 107.
- 50 -
au contraire, des déséquilibres sociaux et amplifie les clivages économiques
entre les paysans d'une même communauté rurale ... L'attelage, en étant entre
les mains d'une minorité, permet à celle-ci de monnayer fort cher les services
rendus aux plus démunis, situation qui engendre, par conséquent, une forme
Si, selon ce chercheur, les noud'exploitation financière de ces derniers".
veaux privilégiés sont plutôt des individus isolés2possédant déjà des moyens
plusieurs autres indiquent
financiers et ayant une position sociale marginale
que les bénéficiaires du changement économique et technique sont les chefs
G. Gosselin explique très bien ce pliénode concession et les chefs de villa.e.
mène dans ltude consacrée au pays isa, en Haute-Volta, cas où, cependant,
l'instauration d'un système coopératif aurait dd, à première vue, assurer une
certaine équité; mais seul le chef de concession, dans le système mis en place,
adhère à la coopérative : "Le chef de concession se trouve donc à la charnière
de deux systèmes socio-économiques. D'un côté, en effet, le système traditionnel
de détention du sol, d'organisation du travail et de distribution des récoltes
continue de fonctionner comme par le passé, et le chef de concession y tient la
place centrale et privilégiée. De l'autre côté, il se trouve participer aux
échanges du circuit économique moderne par la commercialisation des produits
vivriers ou des cultures de rapport, par l'amélioration des techniques et de
l'équipement productifs, par le crédit arioole et l'encadrement dont il bénéficie ... Au sein de la concession, il benéficie des prestations en travail de
Il utilise le travail des femmes et des jeunes pour accroître
ses dépendants ...
ses surfaces cultivées grâce aux nouveaux moyens techniques mis à sa disposition
par la coopérative." L'augmentation des rendements obtenus n'a pas pour seul
effet d'enrichir le chef de concession; "elle lui permet également d'augmenter
son pouvoir traditionnel à l'intérieur même de la concession; ... en effet,
grâce à ses revenus monétaires améliorés, il peut accroître son prestige et son
Les femmes et les jeunes voient ainsi leur dépendance accrue.
autorité".
G. Gosselin ajoute quen s'insérant dans un circuit commercial, le chef de
concession cesse d'être totalement le gérant des intérêts collectifs qu'il était
de subsistance; "dans l'économie monétaire, la garantie des
dans
intérêts collectifs n'est plus confiée à un systèe, mais à une personne, avêc
Le chef, en effet, abuse
tous les risques qu'une telle situation comporte"'.
parfois de sa position pour faire défricher ou emblaver un champ à son seul
profit4. Le sentiment d'insécurité s'ajoute alors chez les jeunes aux réactions
là, selon Gosselin, la raison essentielle
devant leur dépendance accrue;
La
d'une résistance croissante à l'égard des formes collectives de travail.
cohésion de la famille étendue en est atteinte; l'émigration vers les villes
tend à s'accentuer. René Dmont a noté aussi une inégalité croissante au sein
des villages en Haute-Volta7. Peut-être faut-il rattacher à ce phénomène la
réticence constatée chez les paysans à l'achat et à l'usage en commun de certains
équipements, sous forme de coopératives d'utilisation en commun de machines
agricoles par exemple; c'est cette crainte des abus et des désaccords qui en
résulteraient que montrent en tout cas les réactions des femmes interrogées par
Chantal Savignac à propos de l'achat collectif d'un moulin à mil et des hommes
concernant la culture attelée6. Une autre cause d'inégalité tient à la position
dominante de ceux qui peuvent stocker et se déplacer plus facilement dans des
villages dont le sous-équipement, dans le domaine de l'approvisionnement notamment, se fait d'autant plus sentir que la population vit de moins en moins en
autarcie.
,
0es inégalités croissantes, outre qu'elles signifient une dégradation des
structures traditionnelles, posent le problème également capital de savoir sur
qui une diffusion des techniques doit s'appuyer : faut-il miser sur le dynamisme
des catégories actuellement dominantes de la société traditionnelle (chefs,
notables, aînés ...) ? C'est une question encore très controversée.
1
0h. Savignac, op. oit., p. 111.
2
Cependant, elle note également le cas de deux jeunes chefs de "Katiolo" qui
furent les premiers à pouvoir s'équiper pour la culture attelée (op. cit., p. 61).
G. Gosselin, op. oit., pp. 38-40.
4 Cf. R. Dumont, op. oit., p. 299.
Ibid., p. 282.
Ch. Savignac, op. oit., p. 114.
- 51 -
L'entraide, ou plutôt l'échange de travail, est la règle des travaux
communautaires, et elle se pratique même sur les champs individuels, selon des
règles précises. Mais, comme le note Chantai Savignac, ce principe ne s'applique
bien que lorsque les besoins ei main-d'oeuvre sont équivalents pour chaque chef
de famille; en pays Sénoufo, avec l'extension inégale des parcelles cultivées en
coton, ce n'est pas le cas; aussi, lorsqu'un paysan a besoin de personnel pour
récolter son champ, il fait appel à des gens du village qu'il rémunère en fin
de journée. Le caractère impératif de certaines opérations à certaines dates
fixées par les organismes encadreurs accentue ce phénomène : "il vaut mieux alors
Progressivement s'installe un
payer du personnel que d'attendre son
changement de comportement; les jeunes préfèrent recevoir un salaire que travailler pour le chef de famille qui ne leur donne quefl la nourriture; exigences
nouvelles de la monétarisation qu'impliquent les cultures de vente et évolution
des mentalités des jeunes générations se conjuguent ici pour aboutir au développement du salariat. Pourtant, cette évolution est progressive; G. Gosselin
estime que "les anciens réseaux socio-économiques, politiques, religieux même,
retiennent le travailleur africain et freinent son évolutior vers le salariat.
Son employeur garde à ses yeux quelque chose du prestige de l'aîné ou du chef.
Le salariat n'existe donc encore qu'à l'état de tendance dans l'agriculture commerciale africaine. Le salaire d'appoint, le salaire en nature, la recherche
d'un gain en vue d'un objectif précis ... précèdent le salariat proprement dit.
Le salaire reste conçu, par l'employeur et par le travailleur, comme proportionnel
aux besoins, non au travail. La société traditionnelle continue de prende en
charge les besoins que le secteur économique moderne ne peut satisfaire"
S'agit-il, cependant, d'une évolution lente mais irréversible vers ce qu'on pourrait appeler une monétarisation des relations de travail ? C'est probable.
S'il en est ainsi, on ne peut pas ne pas s'interroger sur ce qui adviendra des
paysans qui restent en économie de subsistance ou ne se trouvent, par contagion,
atteints par l'économie marchande que pour en p&tir, pris dans l'engrenage
dramatique de l'endettement et de revenus insuffisants : pourront-ils poursuivre
cet échange de travail qui est le seul échange à la portée des pauvres, qui leur
permet de bénéficier d'une aide indispensable à l'époque des gros travaux et qui
leur crée la seule dette dont ils puissent s'acquitter, qui, enfin, sauvegarde
leur dignité ? Cette lente disparition d'une tradition millénaire va-t-elle
entraîner une aggravation de la pauvreté du plus grand nombre en favorisant une
minorité d'agriculteurs aisés ?
On a pu nçter, il y a quelques années, l'appaition, au nord du Gabon
(pays Pang) de "sociétés de travail", sortes de coopératives de travai1,réiinisant
les membres d'une même tribu pour des travaux collectifs (constructîon de cases,
J.C. Pauvert pense que ces sociétés
de routes, de pistes, débroussement ...).
de travail "répondent au besoin ressenti par les groupes fang de se consolider
et de défendre leur structure contre les atteintes de la modernisation, qui
pousse à l'individualisation aussi bien de la propriété que de la production
agricolg; ... elles sont une tentative de reconstitution du cadre tribal cou-
tumier".
Les rites, les croyances religieuses, les interdits, les traditions
cônstituent tn monde complexe, varié, qui, dans chaque culture africaine, a des
liens étroits avec les techniques utilisées ou les modes d'exploitation de la
On a actuellement tendance à reconnaître aux traditions agricoles enraterre.
des vertus qu'une
cinées dans cette vie sociale, culturelle et cultuelle
approche étrangère sans nuances avait longtemps niées, les traditions étant
ainsi en est-il des rotations culturales et de la jachère,
jugées primitives
de la préservation de certains bois et de certaïns arbres4, de l'interdit frappant
:
Oh. Savignac, op. cit., p. 103.
2
G. Gosselin, op. oit., p. 12.
J.0. Pauvert : La notion africaine du travail, op. cit., p. 99.
Un géographe, Pélissier, a montré le rôle essentiel dans le maintien de la
fertilité du sol de l'acacia albida, arbre traditionnellement protégé dans les
villages sérères du Sénégal : il fixe l'azote de l'air, perd ses feuilles en
hivernage, accroît les rendements à ses pieds d'environ 30 pour cent, donne au
bétail des gonases riches en protéines. Dans R. Dumont : Paysans écrasés, terres
massacrées, op. cit., p. 300.
- 52 -
les réserves constituées dans le grenier du chef ..J. Autre aspect du travail
traditionnel, le rythme est également un élément constituant du travail collectif
labourage "pratiqué en groupe suivant un rythme binaire où les houes alternativement dressées et battues entratnent les corps dans un rythme alternant d'ex-tenCe rythme dans les travaux colbattage des grains, etc.
sion et de
lectifs, qui a existé dans plusieurs civilisations d'autres continents avant la
mécanisation, est sans doute condamné à disparaître du fait de celle-ci. Le
débat n'est pas clos sur le point de savoir si le bilan est positif ou négatif
Dès 1968, le
de la disparition progressive de ces coutumes ancestrales.
Président Nyerere, de Tanzanie, plaidait pour une prise en considération sérieuse
"Nos paysans ont vécu longtemps sur leur terre.
de ces vieilles traditions
Les méthodes qu'ils emploient sont le résultat d'une longue expérience de lutte
contre la nature; les règles et les tabous eux-mêmes qu'ils respectent ont un
fondement raisonnable. Il ne suffit pas de laisser de côté un paysan traditionnel
parce qu'il est dépassé; nous devons essayer de comprendre pourquoi il fait certaines choses et ne pas nous contenter de décider quil est borné3."
:
Plusieurs auteurs ont noté que, dans les grandes plantations qui se sont
8.
constituées, le travail du paysan devenait de plus en plus dépendant. Ce phénomène
semble aussi atteindre les paysans individuels lorsque les organismes "d'encadrement" font peser sur eux une tutelle lourde qui se manifeste soit par la vulgarisation qui s'appuie sur quelques "paysans pilotes", soit par la contrainte
financière (aides ou prêts subordonnés à l'application d'une technique culturale)
on a noté le "sentiment d'extériorité" du paysan qui se sent dépossédé de son
droit d'initiative et de son autonomi et qui n'a pas réellement adhéré aux modes
de travail qu'on l'incite à appliquer'f. C'est une question sur laquelle on
reviendra au chapitre suivant. Notons seulement ici que l'intérêt que le paysan
porte ou ne porte pas à son travail et, surtout, le statut qui lui est ou non
reconnu au travers de celui-ci constituent un élémenttrès important de la part
A ce titre, les efforts
de l'"immatériel" dont toute technologie est porteuse'.
de formation dans le domaine de l'artisanat,soit pour donner un élan nouveau à
un artisanat traditionnel, soit pour créer un artisanat moderne de fabrication
ou de réparation d'outils ou dengins méoaniques,constituent certainement un
élément positif pour retenir dans leur milieu, en leur fournissant tout à la fois
1
Cf. également : "Les techniques de la production vivrière, bien que rudimentaires, ont des vertus de conservation des sols, d'utilisation de l'espace et
d'adaptation au milieu". "Le rôle des organisations populaires dans l'insertion
des populations pauvres dans le développement rural", rapport préparé pour le
compte de l'Institut de recherches et d'application des méthodes de développement, République-Unie du Cameroun,par S.N. Kassapu et N.D. Nany Amougou, t!lars,
1978.
2
jc Pauvert,
ci-t., p. 100.
Ci-té en exergue dans le livre de H.W. Schonmeier : "Agriculture in Co.nflict
the Shambaa Case", Kilbel Poundation Series, Bensheim, RPA, 1977. Cet ouvrage
rend compte de la réaction des paysans de la tribu Shambaa, en Tanzanie, qui,
malgré les efforts d'introduction de nouvelles méthodes culturales, sont restés
fermement attachés à leurs pratiques traditionnelles.
4 G. Gosselin : L'action du BDPA en pays G-beya, République centrafricaine,
dans : Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, op. ci-t.,
p. 97.
"Le mot technologie suggère invariablement l'idée de matériels, que ce soit
sous forme d'usines, de machines, de produits ou d'infrastructures (routes, installations de stockage, systèmes de transport, etc.) ... La technologie va toutefois
bien au-delà du matériel et comprend aussi ce que l'on pourrait appeler le "software"
ôu l'immatériel, qui englobe les connaissances, le savoir-faire, lexpérience, l'enOCDE : La technologie appropriée, proseignement et les formes d'brganisation."
blèmes et promesses, sous la direction de N. Jéquier, Paris, 1976, p. 23.
- 53 -
un moyen de vivre et un rôle social, des jeunes tentés d'aller chercher en ville
un statut, hypothétique sans doute, mais qu'ils ne trouvent pas dans leur village.
Dépendant, le jeune l'est en effet bien souvent dans sbn milieu traditionnel
les relations du jeune adulte avec son père êgé peuent ocrniporter pour le premier des frustrations et entre les deux des sources d'antagonisme; ceci pose à
nouveau le problème délicat déjà évoqué (point 5) de savoir si le pouvoir des
"anciens" constitue, pour l'implantation de nouvelles technologies, un obstacle
qu'il importe de contourner ou de réduire ou, au con-traire, un point d'appui.
Le travail agricole - cela a été souvent dit - est un état et un mode de
vie et non pas seulement une profession et le paysan est l'homme de la campagne,
Tui qui est familier de la nature et non pas seulement le producteur ou l'exploitant agricole. Bien des attitudes, des modes de pensée, si éloignées des raisonnements logiques mais abstraits et des calculs économiques, s'expliquent ainsi.
Les cécisions du travailleur rural se prennent peu à peu à travers des considérations multiples; leur application prend en compte les éléments de la situation
et ne suit pas rigoireusement l'idée première, car l'action s'adapte aux circonsLa préoccupation principale du rural - ceci est probablement universel tances.
est la sécurité. Le paysan redoute les situations d'instabilité (prix des produits) et se méfie des prévisions rigoureuses; parce que le monde extérieur est
mal ma±trisé, les questions de commercialisation sont peu claires pour lui. Pour
l'homme de la terre, les décisions se situent dans un système de valeur plus
vaste - importance de la vie de famille, sens du patrimoine,1morale du travail,
0es aspects de
respect de la vie et de la nature, solidarité avec le milieu
la psychologie paysanne peuvent expliquer certaines réactions en face de l'innovation en général et de l'introduction de nouvelles techniques en particulier.
Ce ne peut être sans adaptation progressive que l'achat de semences ou la vente
de récoltes, par exemple, effectués auprès d'une coopérative ou d'un organisme
étatique pourront se substituer totalement dans l'esprit du paysan à la tradition du marché qui représente ine aorte de rite, un contact et -une relation
sociale et dans laquelle il trouve la aonfirnationd'un statut social. Il
n'est pas surprenant qu'en raison des variations des prix et de l'éloignement
des institutions qui s'occupent de la commercialisation ou de la vulgarisation
agricoles, les paysans ne comprennant pas, même s'il s'agit de coopératives,
"Dans 1esprit des paysan5,a noté
quE'lle peut être leur part d'initiative.
l'équipe de l'ORSPOM au Sénégal, "l'arachide est le domaine souverain de l'arc'est pourquoi on ne découvre pas facilement les lois de comportement
bitraire
l'uvachide devient de plus en plus -une spéculation, au sens boursier du terme,
un inode2d'acquisition de l'argent qui parat relever du hasard au-tant que du
:
calcul"
Il serait présomptueux d'espérer faire le tour en quelques pages d'un
problème aussi vaste et aussi complexe, et les quelques observations qui précèdent
n'y prétendent pas. Mais on peut cependant affirmer, avec les auteurs du rapport
national du chad à la Conférence mondiale sur la réforme agraire et le dévelop"La connaissance du milieu humain est une donnée capitale dans
pement rural7
l'établissement d'un programme de développement, tout particulièrement dans le
secteur agropastoral. La méconnaissance de ce fait a conduit bien souvent à des
échecs alors que l'entreprise était prévue dans de bonnes conditions techniques."
:
Dans l'introduction à l'ouvrage collpctif publié par l'OCDE et consacré à la
"Il ne faut naturellement pas soustechnologie appropriée, N. Jéquier écrit
estimer l'importance du matériel, mais si. l'attention porte exclusivement sur ce
point, on risqu de négliger les énormes ressources potentielles dans le domaine
de l'immtériel"." Le professeur Djibril Pall, de la Faculté des sciences de Dakar,
:
1
0f. A. Boucharlat et B. Richard : La décision et le -travail des agriculteurs,
dans Ergonomie et conditions de travail en agriculture, op. oit., pp. 196-197.
2
j Roch : Eléments d'analyse du système agricole en milieu wolof mouride
l'exemple de Darou Rahmane II, dans Maintenance sociale et changement économique
au Sénégal, op. oit., p. 35.
00DB : La technologie appropriée, op. oit., p. 26.
Ibid.
- 54 -
insistait, dans un récent article consacré aux énergies nouvelles, sur "la
nécessité de prendre en considération le côté socio-économique lié à la notion
de besoin pour éviter les phénomènes de rejet nui, ici et là, jalonnent la récente
histoire de leur introduction en milieu rural"'-.
Loris d'un récent colloque,
M. Tévoéjrè plaidait pour que soit "retrouvée la mémoire technologique dea
peuples"'-.
Cependant, il n'est pas aisé de départager ce qui est bénéfique pour la
subsistance et le bien-être des populations rurales et ce qui est destructeur de
leur culture et de leur équilibre.
G. Gosselin conclut la série d'analyses de projets de développement rural
dans 'q.uit pays d'Afrique au sud du Saiiara par ces observations pertinentes.: "Bien
des sociétés africaines manifestent une cohérence et une fécondité qui dévoilent
une véritable rationalité traditionnelle ... Mais la logique des expériences de développement analysées -- et celle de tout projet de déelôppement en tant que tel est une logique de rationalisation, qui tend à en±ra±ner dans une course indéfinie
tous les niveaux de la réalité et tous les groupements d'une société donnée. Des
forces productives elle pénètre dans les rapports de production, transforme les
attitudes et les comportements et jusqu'aux systèmes de valeur eux-mêmes. Certes,
l'introduction de l'argent dans une société ne suffit pas pour affirmer que
cette société est fondée sur une économie monétaire. Nais celle-ci possède une
logique inexorable qui mine peu à peu la vie ancienne et tend à créer.de nouveaux rapports sociaux, notamment une nouvelle stratification sociale'." Pour
lui, la vie traditionnelle se présente davantage conime un obstacle au développement rural que comme un point d'appui.
Pourtant, le philosophe écrivain Ahmadou Hampate Ba déplore la disparition
"à un rythme effrayant" des valeurs de civilisation authentiquement négroafricaine
"Même dans nos villages les plus reculés, il est aisé et consternant de constater que les valeurs culturelles qui ont toujours assuré l'équilibre
séculaire de nos communautés de base sont en train de voler en éclats sous la
poussée niveleuse d'une civilisation occidentale matérialiste ... Or. l'on ne
dira jamais assez qu'un peuple non enraciné dans sa culture propre est un peuple
fragile." Il conclut en souhaitant que "les Africains veillent patiemment à
délimiter avec rigueur les couloirs d'aération - donc d'ouverture - par lesquels
ces traditions doivent s'ouvrir aux courants culturels étrangers pour se régénérer.
Car i» attachement borné à des traditions sclérosées est tout aussi dangereux que le manque de traditions culturelles vivaces".
:
Le Soleil, 5 octobre 1979.
2
Lors du colloque sur le thème "Les nations industrielles et 1_eS pays en
développement sont-ils concurrents ou solidaires ?" organisé par le Service de
liaison non gouvernemental àux Nations Unies, Le Monde, 25 octobre 1979.
G. Gosselin, op. oit., p. 308.
- 55 -
CHAPITRE VI
LA PARTIC1PI.0H .DES. .TBAVAITiTtURS. RURA.UX AUX
CRAN EMIN TS Ti±XJliNOIOGIQUES QUI LES AFFET.
Des conditions préseutes de travail et de vie des populations rurales
dans les différents pays et les différentes zones de ces pays, du milieu socioue savons-nous exactement ?
économique et culturel dans lequel elles vivent,
Peu de choses, sinon que ces populations subsistent avec difficulté, en proie à
la faim et à la crainte du lendemain. Peu de choses, et cela s'explique en raiLes efforts qui ont
son de l'extrême diversité des situations et des cultures.
été menés jusqu'ici n'ont-ils pas souvent souffert d'un excès de simplisme, d'une
trop grande confiance dans des techniques et des méthodes toutes faites, conçues
comme des remèdes universels ? Et si les résultats sont si décevants, si les
changements technologiques paraissent si difficilement adoptés par les populations
rurales, n'est-ce pas par défaut de paxticipation de celles-ci ? De plus en plus
nombreux sont ceux qui le pensent, et pas seulement parmi ceux qui font profession
de s'occuper du "social". Lors d'un récent congrès de la Société des ingénieurs
et techniciens du machinisme agricole, les participants ont constaté "l'échec de
la motorisation lourde, parfaitement inadaptée aux conditions générales des pays
en voie de développement" et le peu de progrès de la petite mécanisation; ce
échecs, constatent-ils, "ont freiné le développement des populations rurales coucernées". L'un des orateurs a estimé qu'il fallait,"pour résoudre ces problèmes
de mécanisation, repartir sur de nouvelles bases et voir ce qui est souhaitable
L'intérêt financier de firmes commerciales soucieuses
pour ces populations"1.
de s'assurer de nouveaux marchés a accentué cette tendance dont on se rend maintenant compte qu'elle était erronée. Ceci ne veut malheureusement pas dire que
la nouvelle voie soit aisée, ce qui serait faire preuve d'une autre forme
li sme.
Dans un
Un aspect élémentaire de la participation est l'explication.
certain nombre de cas, il sembl'e qu'elle ait fait défaut ou n'ait pas été suif isante; c'est ainsi qu'en Haute-Volta, selon R. Dumont, la construction, le long
des collines, de banquettes parallèles aux courbes de niveau et destinées à arrêter
l'érosion n'a pas été enretenue par les paysans qii semblent n'avoir pas compris
l'intérêt de l'opération . L'éducation ne s'improvise pas et elle implique une
certaine connaissance du destinataire; comme l'écrit le P. Dubin, Directeur général
"Pour enseigner les mathématiques à Jean, il faut nonseulement conde 1'INADES
naître les mathématiques mais aussi et surtout bien connaître Jean"-' et il fait
appel pour son programme de formation à des agronomes, des économistes, des ethnosociologues et des pédagogues.
:
Dans un chapitre entièrement consacré à lacquisition de la technologie, les
auteurs d'un rapport qui sera prochainement publié par l'organisation de la mise
en valeur du fleuve Sénégal estiment que, dans le cas d'ine technologie totalement
nouvelle (la culture irriguée en l'occurrence) à mettre en place, le processus
la predacquisition par. le.a populations concernées doit comporter deux phases
mière est une phase d'initiation, au cours de laquelle les populations se famiil peut être
liarisent avec les techniques; le r8le de l'encadrement est variable
considé'able si lagent d'encadrement paie de sa personne et s'il possède une praencore ei vigueur contritique approfondi&'; les formes
buent à faciliter le transfert d'expériences de périmètre à périmètre. La deuxième
:
1
Bulletin de liaison de la Société des ingénieurs et techniciens du machinisme
agricole, mai 1979.
2
R. Dumont, op. cit., p. 296.
3
L'éducation, technologie appropriée pour le développement rural,
P...
ubin.
dans La technologie appropriée, op. cit., p. 337.
4
Les auteurs soulignen1 le rôle du "périmètre encadré" animé par l'assistance
"l'initiation à la technologie a été remartechnique chinoise à cuédé, au Sénégal
quablement efficace parce qu'effectuée par des cadres possédant une pratique approfondie; les rendements exceptionnels ont fait de ce périmètre un centre de rayonneLe développement des périmètres irrigués encadrés par la SAED au
OMV
nient".
Sénégal, étude à paraître, chapitre VI.
:
- 56 -
étape est une phase d'appropriation de la technologie, au cours de laquelle se
développe progressivement la compréhension des raisons de la nouvelle technologie
et un sens de la mattrise de celle-ci, qui permet l la population de l'adapter aux
contraintes sociales spécifiques de chaque milieu villageois.
J'. Bugnicourt,
Directeur de l'ENDA, raconte qu'au Togo la taille des caféiers se heurtait à de
fortes résistances; au cours d'une conversation avec des paysans, le plus âgé lui
indique que, même si l'enseignement est plus long, "ils veulent q'on leur explique
ce qui se passe" à propos de la circulation de la sève. J. Bugnicourt conclut
"0es paysans-là avaient fort bien exprimé ce que beaucoup souhaitent, c'est-à-dire
ne pas se limiter à un geste fragmentaire, pas plus que les ouvriers d'autres continents n'acceptent de s'enfermer dans une cadence aux gestes automatiques et sans
signification ... La compréhension de techniques et itétude de ces systèmes, à
partir des facteurs du milieu, créent les conditions d'un déreloppement autocentré,
fonction du pays lui-même, et non reflet d'un pays
On constate ainsi qu'une pédagogie bien cozaprise fait appel à la partici3.
Trop souvent pourtant, dans le passé, le paysan était un peu oublié; les
pation.
projets de développement rural prenaient en considération les impératifs de rentabilité, à l'exclusion de toute autre considération, et l'agriculteur n'était vu que
comme un producteur, donc un exécutant qu'il convenait d'initier et de plier aux
C'est ainsi que la vulgarisation, selon
impératifs d'une agriculture
"0e qu'on vulgarise est
G.0. Clark, souffre presque toujours d'un grave défaut
considéré comme prêt pour la dissémination et correspond à l'intérêt de la majorité
des paysans. Nous, nous avons la réponse à leurs besoins, et le seul problème
c'est de la leur transmettre
voilà, à mon avis, où réside le mal2."
:
La réaction est très nette, quoique récente. Un article sérieux, écrit par
un ingénieur agronome, P. Spitz, Directeur de recherches à l'UNRISD3, était inti"Cessons de prendre les paysans pour des imbéciles". N. Théodore Schultz,
tulé
"Les sysprix Nobel d'économie, développe dans ses ouvrages sa thèse principale
tèmes agricoles traditionnels sont parfaitement logiques et cohérents avec l'analyse économique la plus classique. Aucun argument ne permet de penser que les
paysans - même illerés - sont inaccessibles au raisonnement logique. Au contraire,
l'observation précise de leurs comportements montre que, compte tenu des contraintes
auxquelles ils sont soumis, ils maximalsent, comme de bons économistes, leurs satisfactions et minimisent leurs efforts"." "Le paysan ne doit pas être un assisté"
déclarait récemment M. B. Coly, Directeur général de la Société d'aménagement et
d'exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal, et lors d'une tôurnée le
"Il faut faire confiance
ministre sénégalais du Développement rural affirmait
aux paysans".
:
:
II est d'ailleurs actuellement généralement reconnu que les projets qpi s'étendent sur de grands périmètres ne sont pas rentables car les paysans se désintéressent des activités agricoles. Une confrontation entre cadres techniques et administratifs de programmes d'aménagement, originaires de dix pays africains, a abouti
ayant constaté que de nombreuses
à un certain nombre de conclusions instructives
actions de développement se traduisaient par des "spirales descendantes", c'est-àdire "des situations dans lesquelles les bénéficiaires supposés des projets sont
intégrés progressivement dans des circuits économiqes qu'ils contrôlent de moins
inconsidérée de technologies transen moins", ils souhaitent, face à
férées mimétiquement", une "alternative technologique qui réponde mieux aux besoins
foxidamentaux"; le problème est alors de savoir tqui va exprimer ces besoins"
:
1
J. Bugnicourt
avril 1977.
:
"Des paysans sexprjrnentI, Famille et développement, n0 10,
2
G.C. Clarlç
La vulgarisation ag;i.c.o3e. ,:. un nouveau regard est nécessaire,
dans Formation pour l'a&riculture et le développement rural., publication FAO-BITUNESCO, 1978, nO 14. G-.D. Clark est conseiller régional des institutions rurales
pour la vulgarisation agricole à la PAO.
3
Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, à
enève.
4
Les prix Nobel d'économie
Le Monde, 23 octobre 1979.
Denis. Bergman
logie.
en dehors des carcans de l'idéo-
- 57 -
"c'est à de nouveaux types de relations, entre techniciens, enseignants, adminisces relations doivent être
trateurs et sociétés paysannes que l'on doit en
"plus fréquentes et plus égalitaires" entre techniciens et paysans; pour qu'une
telle démarche réussisse, il est nécessaire d'admettre "que les paysans peuvent
avoir raison, même pour des questions techniques", et de reconnattre que le fait
que les décisions finales ne soient pas prises par les paysans "constitue probablement un des obstacles majeurs à la créativité paysanne"1.
5fljI
C'est un point de vue analogue que présente M. P. Spitz2 lorsqu'il écrit que
le système de vulgarisation agricole est trop souvent une réplique stérile des
modèles occidentaux, de nature à tuer la créativité locale. "Un développement
agricole équilibré", estime-t-il, "n'est possible que 5tj1 y a un vrai dialogue,
une vraie collaboration entre le scientifique et le paysan. Les scientifiques
doivent être, non pas convaincus de la supériorité écrasante de leur savoir agronomique, mais convaincus de la richesse du savoir-faire des paysans, qui a, bien
"Il ne s'agît pas" ajoute-t-il, "d'un retour
sr, ses limites et ses faiblesses".
nostalgique vers le passé, mais d'une recherche extrêmement sophistiquée ... conCar, explique-t-il,
duite dans une structure participative, scientifiques-paysans".
l'agronomie est une science encore primitive; aussi le remplacement d'une agriculture complexe par une monoculture constitue-t-il pour les techniciens une solution
de facilité qui, en outre, correspond à des intérêts économiques en faveur des
cultures d' exportation.
d'une part, elle constitue un
!inSi, la participation a plusieurs mérites
henin essentiel de tout individu (le dernier, mais non le moindre, de l'énuméra-Lion du BIT); d'autre part, elle est de nature à mobiliser l'énergie et l'adhésion
des populations rurales, ce qui est en soi un gage de succès dfle politique de
développement rural; elle permet en outre de révéler des compétences techniques
souvent négligées. Ajoutons (comme cela a été évoqué plus haut) que, sans amélioration des conditions d'existence des populations rurales, but du développement,
on ne peut atteindre à une meilleure rentabilité des campagnes.
:
Il reste à définir ce que peuvent être ces structures participatives, et
4.
Le BIT vient de pu11ier un rapport consacré à c
ceci est un problème difficile.
sujet ("Organisation et participation des employeurs et des travailleurs ruraux"-'),
ce qui nous dispensera de développer ce point; on se limitera à indiquer quatre
voies possibles, qui sont moins des systèmes définis que des orientations, petitêtre des philosophies de la participation
L'OIT a toujours préconisé et encouragé l'organisation des travailleurs
a)
ruraux. Plusieurs normes internationales ont, à ce sujet, été adoptées. Pour
les organisations
s'en tenir aux plus récentes, la convention (n° 141),
de travailleurs ruraux et leur rôle dans le développement économique et social",
adoptée en 1975, dispose, pour toutes les catégories de travailleurs ruraux, le
droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur propre
choix et de s'y affilier; elle prévoit aussi l'encouragement actif de l'Etat à la
croissance et aux activités légitimes de ces organisations, la suppression des
discriminations et autres obstacles juridiques ou administratifs a leur croissance,
et la prise de mesures tendant à promouvoir la plus large compréhension de la nécessité de les développer.
1
ENDA Compte rendu de la session de formation sur le recours aux technologies combinées pour l'écodéveloppement au Sahel occidental, 4-15 janvier 1977,
organisée à Dakar par le Secrétariat d'Etat à la promotion humaine, Sénégal;
l'Institut international de recherche et de formation (IRFED), Paris; l'Ecole
nationale d'économie appliquée, Dakar; l'Internationale africaine des forces pour
le développement, Dakar; et l'ENDA, Dakar. ENDA/EV/8587, pp. 3, 4 et 18.
2 Op. oit., dans La presse économique, supplément de la Tribune de Genève,
22-23 septembre 1979.
Rapport n0 3 pour la Commission consultative du développement rural,
ACRD/IX/l979/III.
- 58 -
la recoimnandation n0 149 préconise d'associer les travailleurs ruraux au
développement économique et social par l'intermédiaire d'organisations vigoureuses
et indépendantes, capables de les faire participer à "laformulation, l'exécution
et l'évaluation des programmes de développement rural et à la planification naElle recommande aussi de mettre
tionale à tous les stades et à tous les
ces organisations en mesure de favoriser et d'assurer l'accès des travailleurs
ruraux à des services tels que le crédit, l'approvisionnement, la commercialisation et les transports, ainsi qu'aux services technologiques, et de jouer un rôle
actif dans l'amélioration de l'éducation et de la formation générales et professionnelles dans les régions rurales, notamment en ce qii concerne les activités
des organisations de travailleurs ruraux.
être présenté; dans plusieurs
b) Le mouvement coopératif est trop connu pour
pays d'Afrique il s'est implanté avec succès; une contribution particulière est
consacrée aux relations entre le changement technologique et les conditions de
travail et de vie des populations rurales dans le cadre coopératif.
Le problème de la participation des populations et des communautés villao)
geoises au développement économique et social fait l'objet de l'ouvrage de
G. Gosselin-. Ayant examiné huit programmes de développement, il présente une
pour lui, les structures, fonctions et valeurs traditionconclusion prudente
nelles se présentent davantage comme des obstacles que comme des points d'appui;
ceci n'implique, précise-t-il, aucun jugement de valeur sur ces structures et ces
traditions, mais, estime-t-il, "si l'on désire poursuivre avec cohérence et efficacité une réforme du monde rural africain, un jour viendra où il faudra choisir
entre la protection des traditions ou le conformisme d'une fausse réforme et l'opposition à certains groupes sociaux qui paralysent ou utilisent à leur seul profit
les réformes entreprises". Aussi estime-t-il que si, dans un premier temps, il
peut être utile de miser sur le dynamisme des catégories dominantes de la société
traditionnelle, il faudra ensuite s'appuyer sur les catégories dominées (jeunes
femmes); ces deux premières phases sont conçues pour rendre possible une troisieme
phase, qui est celle de la participation des collectivités, notamment sous la forme
coopérative.
:
Sur la même question, un point de vue différent est exprimé par
Guy Belloncle, dans un ouvrage récent. Exprimant une opinion très voisine de
celles qui ont été rappelées dans la première partie de ce chapitre, notamment
celle des cadres africains de développement réunis à l'ENDA3, il estime que la
conception se reposant entièrement sur un "encadrement" aussi dense que possible
elle est conteuse
de jeunes vulgarisateurs est la source de beaucoup dtéchecs
l'attitude
autoritaire,
sinon
méprisante,
et, surtout, inefficace, en raison de
adoptée souvent par les jeunes vulgarisateurs qui, en outre, insuffisamment formés, ne sont pas capables d s'adapter à la situation particulière de chacun.
Une autre erreur consiste, selon lui, à sappuyer sur des paysans "pilotes" ou
une
"leaders", en espérant que la diffusion s'opérera ensuite en tache d'huile
considéBelloncle,
en
Afrique,
à
des
obstacles
telle méthode se heurte, selon G.
l'innovateur isolé est suspect au reste de la communauté et il apparaît
rables
vite comme un "déviant" sinon comme un traître. Aussi préconise-t-il, tout à
l'inverse, une méthode basée sur une pédagogie de groupe - car, en Afrique,
l'innovation, pour se propager, doit rester collective - où l'attitude de l'encadrement devra être radicalement modifiée pour faire en sorte que les techniciens
soient au service des paysans et où, enfin, l'analyse de la situation et la recherche des solutions seront globales au lieu de fractionner les thèmes techniques,
comme le fait la pédagogie de la vulgarisation. Enfin, pour faire adopter par le
désigne en son sein
groupe le innovations techniques, il convient que le groupe
les paysans les plus aptes, qui en seront en quelque sorte les délégués. Il conclut son ouvrage en estimant que les paysans africains ont une étonnante faculté
"L'Afrique des villages ... est capable des mutations les plus prod'adaptation
à
la
seule
condition qu'elle en connaisse les finalités et qu'elle puisse
fonde
en conserver la maîtrise."
a)
:
:
:
1
Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines.
2
Quel développement rural pour l'Afrique noire ?
africaines, Dakar - Abidjan, 1979.
3
Ci-dessus, point 3.
Op. cit.
les Nouvelles éditions
- 59 CONCLUSION
"La technologie doit être regardée comme devant être au service des1objectifs
sociaux et économiques et non comme devant les commander." P. Blanchard
"Les paysans, ce sont les racines .. C'est bien comme dans la forêt. Quand
tu vois un arbre, ce que tu vois d'abord ce sont toutes les feuilles. Il faut
t'approcher beaucoup pour voir lesfruits et les racinesqi sont dans la terre.
2
Ils sont cachés, et pourtant ce sont les plus importants." Une paysanne ivoirienne
On se bornera ici à présenter qielqie,s brèves remarques finales.
En s'interrogeant sur les relations entre les changements technologiques
et les conditions de travail et de vie, on n'a pas évoqué des phénomènes tels que
les termes des échanges commerciaux, qui ne sont pas sans incidences sur la condition des populations rurales mais sont en dehors du sujet traité; on rappellera
"Il est évident ue la
seulement ici la position du Directeur général du BIT
stratégie des besoins essentiels et l'amélioration de la position des pays en
voie de développement dans les relations économiques internationales ne constituent
en aucun cas de solutions alternatives ou contradictoires mais sont au contraire
complémentaireS."
:
Il est nécessaire de connaltre les interrelations entre les changements
technologiques et les conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux.
En définitive, il s'agit, non seulement de s'interroger sur les incidences des
changements de technologie sur les conditions de travail et de vie des travailleurs
ruraux, mais aussi, et peutêtre surtout, d'examiner comment cellesci devraient
à leur tour influer sur le choix des technologies.
S'intéresser aux conditions de travail et de vie des populations rurales,
ce n'est pas seulement tenter de résoudre les problèmes du développement rural ni
ceux de l'alimentation des populations des villes, c'est aussi contribuer à freiner
la croissance rapide des villes, aLimentée par l'exode rural.
1
Introduction à l'ouvrage de
P. Blanchard, Directeur général du BIT, in
Technologies for basic needs, BIT, Genève, 1977.
H. Singer
2
Cité par A. Provent et P. de Ravignan, op. oit., p. 102.
3
"Une stratégie des besoins essentiels pour l'Afrique", rapport à la
cinquième Conférence régionale africaine d'Abidjan, 1977, p. 3.

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