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planète
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Mercredi 2 mai 2012
En France, les animaux sont encore… des meubles
Le débat sur le statut juridique des bêtes s’intensifie, mais se heurte aux lobbies des chasseurs et des agriculteurs
U
n chien n’est pas une chaise.
Une évidence ? Ce n’est
pourtantpascequeconsidère notre Code civil, pour lequel,
depuisNapoléon,les animauxsont
inscrits dans la catégorie des biens.
Et plus précisément des « biens
meubles»,objetsqui,parleurnature, « peuvent se transporter d’un
lieu à un autre ».
De plus en plus de personnes
réclament une réforme de ce statut. D’où un projet d’avis, proposé
par le président de la Ligue de protection des oiseaux, Allain Bougrain-Dubourg, qui a été validé en
Des textes contradictoires
Code civil Il distingue les personnes des biens, déclinés en deux
catégories : les biens meubles et
les biens immeubles. L’animal
appartient à la catégorie juridique
des meubles (article 528).
Code rural Depuis la loi du
10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, le code rural
reconnaît l’animal « approprié »
comme un être sensible (article
L.214), envers lequel l’exercice de
mauvais traitements est interdit,
qu’il soit domestique ou tenu en
captivité.
Les animaux à l’état sauvage ne
sont pas concernés.
«Aux Etats-Unis,
le droit animal attire
de plus en plus
d’étudiants»
Code pénal Réformé en 1992, le
code pénal a tenu compte de la
contradiction existant entre
codes civil et rural.
Plutôt que de classer les délits de
cruauté contre les animaux dans
la catégorie des délits contre les
biens, il a choisi de créer pour ces
« êtres sensibles » une catégorie
à part, celle des « autres crimes et
délits ».
Jean-Marc Neumann
juriste et blogueur
avril 2011 par le Conseil économique, social et environnemental
(CESE). Mais las! Bien qu’adoptée à
l’unanimité par la section environnement, puis validée par le bureau
du CESE, cette saisine a été stoppée
net, mercredi 25 avril, en raison des
violentes tensions qui se sont progressivement instaurées entre
naturalistesd’unepart,etreprésentants des chasseurs, pêcheurs et
agriculteurs d’autre part.
« La pression des lobbies a été si
forte qu’elle a rendu tout débat
impossible sur ce sujet éthique, au
pointquenousavonsdûnousrésoudre à faire voter, au sein même de la
sectionenvironnement,sur lapoursuite ou non de la saisine. A une
voix près (14 contre13), celle-ci a été
rejetée. Depuis que le CESE existe,
cela n’était jamais arrivé ! », s’indigne M. Bougrain-Dubourg. « Si l’on
ne peut pas réfléchir sereinement à
des questions de ce type dans une
assemblée démocratique comme
celle-là, où pourra-t-on le faire ? »,
s’inquiète Anne-Marie Ducroux,
présidentede lasectionenvironnement,qui adûserésoudreàorganiser le vote.
En dépit d’une proposition de
loi déposée, le 3 avril, par le député
Jacques Remiller (UMP), demandant à ce que les animaux soient
reconnusdansle Codecivil comme
«desêtresvivantsdouésdesensibilité », le temps ne semble donc pas
venu de voir s’engager cette réforme.
Est-ce pour cela, entre autres,
que l’enseignement du droit animalreste si peu développé en France ? Moins qu’en Espagne et que
danslespays anglo-saxons(Royau-
me-Uni, Canada, Australie), et bien
moins encore qu’aux Etats-Unis ?
L’université Lewis & Clark de Portland, dans l’Oregon,vient d’annoncer le lancement, à l’automne 2012,
du premier master au monde
exclusivement consacré au droit
animal. Et le pays dans son ensemble compte quelque 120 universités – parmi lesquelles Harvard et
Stanford – proposant des cours
dans cette matière.
« A la suite de la publication du
livre du philosophe australien Peter
Singer, Animal Liberation, en 1975,
un vaste mouvement en vue de la
reconnaissance de droits en faveur
des animaux s’est développé en
Amérique du Nord », explique le
juriste Jean-Marc Neumann, qui
tientunblogexclusivementconsacré à ce sujet (Animaletdroit.blogspot.fr). « Par sa nouveauté, son inégalable richesse résultant de sa
transversalité [le droit civil, le droit
pénal, le droit de l’environnement,
le droit administratif, le droit
constitutionnel sont concernés],
son originalité, l’apport de notions
philosophiques et éthiques, ses
opportunités nouvelles de carrière,
le droit animal attire, aux EtatsUnis, de plus en plus d’étudiants»,
énumère M. Neumann.
Si Lewis & Clark reste pour le
moment la seule université anglo-
Peut-on être le «gardien» de son ver solitaire?
UN MOTOCYCLISTE demandant
réparation après avoir percuté un
sanglier sur une voie publique; un
chien dont aucun des époux divorcés ne veut la garde ; un jugement
visant à déterminer si un stagiaire
en formation agricole est « gardien» du ver solitaire dont il est
porteur et, par là même, responsable de la contamination du troupeau dont il avait la charge… Les
chroniques de jurisprudence de la
Revue semestrielle de droit animalier offrent un aperçu des limites
et des contradictions auxquelles
sont confrontés les hommes de
loi, dès lors que l’animal entre
dans le prétoire. Et plus encore lorsqu’il s’agit d’un animal sauvage.
A la différence de l’animal
domestique ou apprivoisé, la bête
sauvage ne bénéficie pas du statut
d’«être sensible» reconnu par l’ar-
ticle L-214 du code rural. Celui-ci
précise que « tout animal étant un
être sensible doit être placé par son
propriétaire dans des conditions
compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce» – ce qui
exclut, de fait, ceux qui ne sont pas
placés sous une protection individuelle.
Statut d’être vivant
Le droit de l’environnement ne
se préoccupant que de la gestion
des populations, l’animal sauvage
ne peut être protégé qu’à titre collectif. «Alors que l’animal de compagnie fait l’objet de toutes les
attentions, l’animal sauvage peine
à trouver une place privilégiée au
sein du droit», confirme Séverine
Nadaud, maître de conférences en
droit privé à l’université de Limoges. Mais, selon elle, «le temps du
changement, celui d’une plus grande égalité de protection entre animal sauvage et non sauvage, n’est
peut-être pas si éloigné que cela».
En novembre2011, la Commission européenne a ainsi proposé
d’interdire la pratique du shark finning (découpe des ailerons sur les
requins vivants avant de les rejeter
en mer). De même, l’Union européenne condamne depuis 2009 la
chasse commerciale aux phoques,
«animaux sensibles qui peuvent
ressentir de la douleur, de la détresse, de la peur et d’autres formes de
souffrance». Et la répression des
actes de cruauté envers la faune
sauvage fait l’objet, un peu partout
dans le monde, de débats très vifs.
« En France, une proposition de
loi [déposée par Roland Povinelli
(PS)] reconnaissant à l’animal en
liberté le statut d’être vivant et sen-
sible dans le code civil et le code de
l’environnement a été enregistrée
à la présidence du Sénat le 24 juin
2011», ajoute Mme Nadaud. Elle reste à être débattue. A quoi s’ajoutent deux textes réglementaires
récents: un arrêté du 18 mars 2011
précisant les conditions de détention et d’utilisation des animaux
sauvages de cirque, et un arrêté
du 1er juillet 2011 relatif aux modalités de protection des mammifères marins. Pour toute une série
de cétacés, de siréniens et de pinnipèdes, ce texte interdit de procéder à « la perturbation intentionnelle incluant la poursuite ou le
harcèlement des animaux dans le
milieu naturel». Les prémices
d’une prise en compte, dans le
droit français, de la sensibilité des
animaux sauvages. p
C. V.
saxonne à proposer un master
dédié à cette discipline, beaucoup
d’autres (Melbourne en Australie,
Northampton au Royaume-Uni)
ontdéveloppédes mastersen bienêtre animal, qui intègrent dans
leurs programmes des cours de
droit animal. Une tendance que
l’on retrouve jusqu’en Catalogne,
où la faculté de droit de l’Université autonome de Barcelone a lancé,
enoctobre2011,un masterinterdisciplinaire intitulé « Droit animal et
société».
Et en France ? Rien ou presque.
La faute à Descartes,et à sa philosophie de l’animal machine? Un peu,
sans doute. Mais pas seulement.
« Dans le discours philosophique
moderne, l’animalité est toujours
définie de manière négative, privative, comme un ensemble de manques: comparé à l’homme,l’animal
sera dénué d’âme, de raison, de
conscience… Au-delà du domaine
savant, cette vision privative se
retrouve aussi dans nos pratiques.
Et ce qui régit nos pratiques, ce sont,
pour beaucoup, les législations »,
remarqueFlorenceBurgat,philosophe au Centre de recherche Sens,
Ethique, Société (CNRS-Université
Paris-Descartes) et spécialiste de la
question animale. Ce qui nous
ramène au Code civil, et à la catégorie des biens mobiliers.
Jean-Pierre Marguénaud, juriste
universitaireà la faculté dedroit de
Limoges et directeur de la Revue
semestrielle de droit animalier, en
est persuadé : si l’application des
peinesrelativesauxdélitsdecruauté reste négligeable dans notre
pays, et si l’enseignement du droit
animal y est encore embryonnaire,
c’est en grande partie à ce statut
juridique qu’on le doit. « Il y a en
France des textes protecteurs des
animaux qui sont assez avancés.
Maislesmêmesdispositionsprotectrices ne seront pas interprétées
avec la même force, la même
ampleur et la même efficacité dans
un système qui continuera à dire
quelesanimauxsontdesbiensmeubles, que dans un système où on a
affirmé le contraire », déclare-t-il.
En Suisse, depuis le 1er avril 2003,
une disposition du Code civil affirme expressément que les animaux ne sont pas des choses.
Le futur chef de l’Etat français
ouvrira-t-il une réforme similaire?
Et notre pays restera-t-il encore
longtemps à l’écart de l’essor que
connaît dans le monde entier l’enseignement du droit animal ? Le
ventpourraittourner.Ainsil’épreuve écrite de l’agrégation externe de
philosophie, qui se déroulait le
21 mars, portait cette année sur le
thème de l’animal, une première.
«C’est un détail, mais quand on sait
à quel point le milieu académique
estrestélongtempsferméàcesquestions, il a son importance », note
Mme Burgat.
Autre signe annonciateur :
M. Marguénaud, qui s’est récemment rendu à l’université de Barcelone, en est revenu avec quelques
dépliants sur le nouveau master
« Droit animal et société». «Quand
j’ai retrouvé à Limoges mes étudiants en droits de l’homme, ils se
sont véritablement rués dessus »,
raconte-t-il. La preuve, à ses yeux,
que cette question « est véritablementdevenueunequestiondesociété,etnonseulementdelobbiessocioprofessionnels». p
Catherine Vincent
Le combat de la Californie contre le «dragon jaune», bactérie qui détruit ses agrumes
Après la Chine, le Brésil et la Floride, un insecte de la famille des pucerons contamine les arbres fruitiers de l’Etat américain
Los Angeles
Correspondance
T
ous les agrumes des jardins
et des vergers de Californie –
citronniers, orangers, pamplemoussiers, etc. – sont menacés
par un petit insecte porteur d’une
bactérie mortelle, et sans antidote
jusqu’à présent.
Le 30 mars, le premier arbre
malade, un hybride de pomélo et
de citronnier, a été découvert dans
le jardin de Mary Wang, une résidente du quartier d’Hacienda Heights, dans la banlieue de Los Angeles. « Désormais, nous avons une
bactérie, mais aussi un moyen de
transport», s’inquiète Kurt Floren,
du Bureau de l’agriculture du comté de Los Angeles. Appartenant à la
famille des aphidés (celle des pucerons), l’Asian citrus psyllid – le
« psylle asiatique des agrumes» –
est un insecteporteur de la bactérie
huanglongbing(enchinois,« maladie du dragon jaune »). Il peut parcourir jusqu’à un kilomètre par
jour, et, d’arbre en arbre, détruire
lesagrumesdesjardinsdesparticuliers comme des vergers commerciaux.
« Plus de la moitié des Californiensontdesorangersoudescitronniers dans leur jardin. Ces arbres
fruitiers font partie de notre héritage », estime le porte-parole du
ministèrecaliforniendel’agricultu-
re, Steve Lyle. Jusqu’ici, l’Etat, qui
produit 70 % des agrumes frais
consommés par les Américains,
avait été épargné par cette épidémie, qui a déjà décimé les agrumes
en Chine, au Brésil et en Floride.
La bactérie aurait été introduite
par une greffe de pomélo venu de
Chine, sur un citronnier. Un groupe d’amis passionnés d’horticulture,sesontpartagédesboutures,faisant craindre une propagation aux
responsables californiens, des jardins urbains aux zones agricoles.
« La situation est extrêmement
sérieuse»,affirmeTedBatkin,leprésident du Citrus Research Board,
l’organisme représentant l’industrie californienne des agrumes,
dontlechiffred’affairesestde2milliards de dollars (1,5 milliard d’euros). « Cette maladie tue les arbres,
et nous ne disposons d’aucun remède. Heureusement qu’en Californie
nousavonsmisenplace,depuisquatre ans, un programmededétection
très agressif.»
« Politique de la peur »
L’arrivée de l’insecte porteur du
huanglongbing était attendue :
plus de dix mille pièges à insectes
ont été tendus et testés régulièrement. L’épidémie s’est déclarée en
zone urbaine, mais, faute de
savoir tuer la bactérie, les autorités doivent empêcher sa progression vers le nord et la Central Val-
ley, berceau de l’agriculture.
Parmi les mesures annoncées
pour stopper la propagation: une
pulvérisation obligatoire d’insecticides dans un rayon d’environ
600 mètres autour du premier
arbre détecté, et l’arrachage de tout
arbre contaminé – racines comprises –, qui sera analysé puis détruit.
Puis la mise en place d’une quarantaine pendant deux ans sur près de
50 km2 alentour, où il est interdit
aux pépiniéristes, marchands des
quatresaisons,épiceries,supermarchés, mais aussi aux simples résidents, d’importer, d’exporter ou
même de transporter des agrumes
sous quelque forme que ce soit. « Il
n’est même plus autorisé d’appor-
teruncitrondevotrejardinàunvoisin», confirme Kurt Floren.
Afin de sensibiliser les résidents,
les autorités locales organisent des
réunions publiques et diffusent
des tracts d’information en anglais
et en espagnol, mais aussi en
chinois, vietnamien, khmer, car la
Gabriel Valley abrite une forte
population d’origine asiatique.
Mais un internaute, agriculteur
bio d’après son pseudo, « organiccitrusgrower», ne croit pas au danger : « En Floride, les agriculteurs
gèrent très bien cette maladie; voilà
encore la politique de la peur répanduepar ceux qui cherchentà vendre
des pesticides», juge-t-il. p
Claudine Mulard
france
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Mercredi 2 mai 2012
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Sucypartagéeentre
solidaritésetsuspicions
envers«ses»Roms
Lajustice doit se prononcerjeudi 3mai sur une demande
d’expulsionformuléepar l’intercommunalité
à quiappartientle terrainsur lequelils se sont installés
Reportage
L
e hangar dissimule sa déglingue au bout d’un chemin,
dans la zone industrielle de
Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). En
approchant,une forteodeurde cuisine, de poulet rissolé dans l’huile,
envahit l’atmosphère, en même
tempsquerésonnentsousletoitde
tôlelebruitdumétalqu’onmartèle
et les cris d’enfants qui jouent. Des
hommes vivent là, des Roms. Un
gamin surgit à vélo, freine, fait
demi-tour et se dépêche de prévenir les adultes de la venue de visiteurs. Depuis plusieurs semaines,
le camp est en alerte, l’ouïe en éveil
etlesnerfsàvif.Letribunald’instancedeBoissy-Saint-Légerdoitse prononcer,jeudi3 mai,surunedemanded’expulsionformuléeparl’intercommunalité à qui appartient le
terrain. La vague de froid, quelques
contretemps juridiques et l’habileté procédurière de leur avocat ont
retardé la décision du juge. Mais
elle va bien finir par tomber.
Enièmerebondissementetpeutêtre énième déménagement à prévoir. Ces migrateurs contraints en
ont l’habitude, savent en un instant entasser dans une camionnette les lits, les ustensiles de cuisine,
la télé de récupération, les jeux des
enfantsavantquelapolicenesaccage les lieux pour empêcher tout
retour. Cela fait combien de fois ?
Six, sept, huit ? Personne ne sait
exactement.
L’histoire des Roms à Sucy a
débuté en 2008, ce jour où trentequatre membres d’un clan ont
posé en catimini leurs affaires sur
un premier terrain en friche et élevé de bric et de broc des cabanes. Ils
venaient d’Argès, près de la ville de
Pitesti, en Roumanie, mais n’arrivaient pas en ligne directe. Deux
ans déjà qu’ils erraient en Ile-deFrance, squattaient des terrains à
Evry puis à Choisy, forcés à chaque
fois de partir. Ils ont donc passé le
dernier hiver dans ce hangar à
l’abandon, ont fait des bureaux
délabrés autant de chambres exiguës où s’entassent les familles. Ils
ont construit dans chaque pièce un
fourneau en terre qui dispense une
douce chaleur et sert à la cuisine. Ils
ont mis un coup de peinture, collé
des affichesde paysageset de chanteurs. Ils ont des générateurs pour
l’électricité, vont chercher l’eau on
ne sait où. Question d’habitude.
Depuis quatre ans, les habitants
de Sucy voient les allées et venues
de ces intrus et de leurs camionnettes brinquebalantes, font avec. On
ne sait pas grand-chose de ces gens.
D’aucuns les disent d’honnêtes ferrailleurs qui parcourent la région à
la recherche de vieux métaux,
vivant de leur travail et non de la
mendicité. Mais, au début de l’année dernière, une vague de cambriolages a frappé la commune et
les regards se sont tournés vers
eux, sans autre preuve que leur
mauvaise réputation.
Les Roms se sont ainsi incrustés
dans le paysage entre indifférence
et suspicion. Un comité de soutien
est cependant né en septembre2010. Il est composé de paroissiens et de gens de gauche, touchés
au cœur par la précarité de leur
situation (Le Monde du 22 mars
2011). Ces hommes et ces femmes
aidentcommeilspeuventlessquat-
L’histoire des Roms
à Sucy a débuté
en 2008, ce jour où ils
ont posé en catimini
leurs affaires sur
un terrain en friche
teurs,àl’occasionleuroffreleursalle de douche, leur machine à laver.
Ils se retrouvent parfois aux marges de la légalité mais ne se posent
pas la question, mettant en avant
les principes moraux.
Largementcomposé de néophytes, le comité prend régulièrement
conseil auprès de Romeurope, une
association autrement aguerrie.
C’est ainsi que, lors d’un des multiples déménagements forcés, le
comité a protégé les Roms quelques jours sur un nouveau terrain,
en prenant soin de faire livrer discrètement une pizza à ses clandestins. Le reçu a ensuite servi à prouver qu’ils occupaient le terrain
depuis plus de 48heures et ne pouvaient donc être expulsés sans une
décision de justice.
ASucy,lecomiténefaitpasl’unanimité, loin de là. La question des
Roms divise, exaspère même, pardelà les clivages traditionnels. Au
sein de la paroisse, les défenseurs
des Roms ont dû affronter des réactions violentes à la sortie de la messe. Mêmes avis partagés à gauche
où une partie des maires et des élus
des communes environnantes se
sont enfermés dans un silence
gêné, ne souhaitant surtout pas
Justice
Karachi: MM.Balladuret Bazire
accuséspar le trésorierde campagne
Edouard Balladur, candidat à l’élection présidentielle de 1995, et Nicolas
Bazire, son directeur de campagne d’alors, ont été accusés par l’ex-trésorier de campagne de M. Balladur, René Galy-Dejean, d’avoir ordonné le
versement de 7 millions de francs (1,07 million d’euros) en banque sans
en révéler l’origine. M. Galy-Dejean a fait cette déclaration dans le cadre
d’une confrontation avec M. Bazire devant les juges chargés de l’affaire
Karachi, Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, selon des procès-verbaux que l’AFP a consultés. Les magistrats cherchent à savoir si des commissions sur des contrats d’armement avec l’Arabie saoudite et le Pakistan ont pu être détournées au profit de la campagne de M. Balladur. Ils
s’interrogent notamment sur l’origine du versement de 10,2 millions de
francs. M. Galy-Dejean assure n’avoir déposé que 3 millions de francs
(1,55 million d’euros). Les 7 millions restants auraient été déposés « à
[son] insu ». M.Bazire a nié avoir fait déposer ces sommes. – (AFP.) p
Fait divers L’auteur de l’agression d’un couple
de personnes âgées à Angers mis en examen et écroué
Le jeune homme ayant agressé, le 25avril, un couple de personnes âgées
à leur domicile, à Angers, a été mis en examen et écroué dimanche
29 avril, a indiqué la procureure de la République à Angers, Brigitte Angibaud. Au cours de l’agression, motivée par le vol, l’épouse est décédée et
le mari a été grièvement blessé. L’homme a reconnu les faits. – (AFP.)
hériter de ce que l’un d’eux appelle
« la patate chaude ». Chez les
parents d’élèves, le dossier fait également débat. Même les élus de la
majoritémunicipalesont partagés.
Marie-Carole Ciuntu, maire
(UMP) de Sucy, reçoit régulièrement les appels humanistes du
comité. Mais elle affronte également les doléances du voisinage.
« Les entreprises disent qu’on leur
dérobe du gasoil ou des palettes. Les
usagersduRERrâlentd’êtresanscesse harcelés. La supérette se plaint
des vols à répétition.» La maire, par
ailleurs vice-présidente de l’intercommunalité, explique aussi qu’il
y a urgence à libérer le hangar : à
son emplacement, doivent être
construitsunatelierdelunettesCartier et les locaux d’une autre entreprise, avec au total 1 300 emplois à
la clé. « Les travaux doivent débuter
dans un mois», dit-elle. L’élue rappelle qu’elle a déjà une longue liste
d’attente pour les logements
sociauxetqu’ilnesauraitêtre questionde passe-droit.«La ville de Sucy
neferapasdepropositionsderelogement des Roms. Libre au comité de
trouver des solutions s’ils en ont.»
Comme au niveau national, le
dossier Roms a pris un tour politique à l’échelle locale. Jérôme Karsenti, l’avocat des Roms, est un élu
socialiste de Sucy et sera suppléant
de la candidate PS aux législatives
dans la circonscription. Ce ténor
s’est illustré dans le procès Chirac
où il représentait seul la partie civile, au nom de l’association Anticor.
Il sait pertinemmentque ce dossier
n’est pas de celui qui lui apportera
des voix, bien au contraire. Trop de
préjugés, d’idées fixes même. C’est
justement ce qui le motive : « Avec
lesRoms,on est danstout ce qui fonde le racisme, estime l’avocat. Ce
sont des personnes traquées, victimes de discriminations.»
Alorsquelecompteàreboursdu
jugement est lancé, le comité de
soutien tente désespérément de
trouver des solutions pérennes.
Son travail est rendu un peu plus
facile depuis que les Roms ont
accepté d’être séparés dans la
même zone géographique. Quelques familles ont ainsi été logées
dans un appartement à BoissySaint-Léger. D’autres ont intégré
unterraindel’évêchéàSucyoùl’association Habitats solidaires a
construit des bungalows équipés
du confort minimum. Mais ils sont
encore une bonne vingtaine à
loger. Des négociations sont
Logement aménagé dans un hangar de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). FABRICE GABORIAU POUR « LE MONDE »
menéesparHabitatssolidaireset le
comité de soutien avec le préfet du
Val-de-Marnepourrécupérer l’usage d’un terrain actuellement libre,
qui est propriété de l’Etat. La mairie
a appuyé cette demande « à titre
provisoire», insiste Mme Ciuntu.
Malgré ce climat d’incertitudes,
dedéménagementsincessants,force est de constater que le clan Rom
parvientpeuà peuà s’installer,si ce
n’est à se faire oublier. Une partie
des enfants est désormais scolariséedanslesécolesdeSucyetdesvilles avoisinantes. Des démarches
ont été entreprises pour l’obtention de l’aide médicale d’Etat et une
femme a pu faire soigner un cancer. Des bébés sont nés à Sucy
depuis2008.«Nousmenonsunchemin patient vers un projet d’inser-
tion », résume Denis Recoquillon,
un membre du comité.
Mais, à l’automne 2011, l’affaire
s’est corsée quand une centaine
d’autres Roms ont investi à Sucy
uneemprisedel’Etatoù doitpasser
une route. Ceux-là viennentde l’EssonneoudeSeine-Saint-Denis,parfois directement de Roumanie ou
de Bulgarie. Ils seraient entre 250 et
400 à vivre dans des conditions
indignes, dont 150 sous le coup
d’une obligation de quitter le territoire.Récemment,unincendieaccidentel a ravagé une quinzaine de
cabanes, sans faire de victimes. Les
policiers qui accompagnaient les
pompiers ont reçu des jets de pierre.Lajusticeaétésaisied’uneprocédured’expulsion,dontlejugement
doit intervenir le 16mai.
GLASGOW
PRESTWICK
« Nous demandons le départ de
ce camp qui pose un problème d’ordre public », insiste Marie-Carole
Ciuntu. Avec cette arrivée massive,
la maire se dit confortée dans son
opinion générale : « Le problème
des Roms ne peut être réglé au
niveau d’une commune. Il doit être
pensé au niveau national et même
européen.» p
Benoît Hopquin
n Sur Lemonde.fr
Jusqu’à l’élection présidentielle,
« Le Monde »
pose ses valises
dans huit coins
de France.
Des portraits à
lire sur le blog Terminus Pavillon.
10
€
A.P.D.
.99
ALLER SIMPLE
Justice Dominique
Strauss-Kahn nie
que les soirées libertines
aient été organisées pour lui
Dominique Strauss-Kahn, mis en
examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée dans l’affaire
du Carlton de Lille, a nié que les soirées auxquelles il a participé aient
été organisées à son intention. C’est
ce qu’il a déclaré devant les juges lillois, le 26 mars, selon le procès-verbal de son audition révélé par Le
Figaro du lundi 30 avril. « Je n’ai
jamais eu le sentiment d’une quelconque forme d’organisation mise
en place et encore moins que cette
organisation faisait appel à la prostitution», a-t-il notamment dit, s’en
tenant à sa ligne de défense : il
s’agissait de libertinage.
Dans l’affaire du Sofitel, le tribunal
du Bronx doit décider mardi si l’immunité diplomatique invoquée par
l’ex-directeur du FMI peut bloquer
la procédure civile engagée par
Nafissatou Diallo.
VISITEZ GLASGOW: L’ECOSSE AVEC STYLE
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économie
12
En hausse
En baisse
AB INBEV – Le numéro un mondial de la bière
Maruti – Le plus important constructeur
a vu son bénéfice bondir de 76 % au premier trimestre, à 1,27 milliard d’euros contre 727 millions un an plus tôt, grâce à la baisse de ses coûts
financiers et de son taux d’imposition, selon les
résultats publiés lundi 30 avril. (AFP.)
automobile indien, Maruti Suzuki, a annoncé un
recul de 29 % de son bénéfice annuel clos fin
mars à 16,36 milliards de roupies (234 millions
d’euros) dans un communiqué publié samedi
28 avril.
0123
Mercredi 2 mai 2012
C’estenmilliardsdelivressterling
lafortunecumuléeen2011parles
millepersonneslesplusrichesde
Grande-Bretagne,en haussede4,7% par rapportà 2010,
selonla «richlist» duSundayTimespubliéedimanche
29avril.Surlamêmepériode,lerevenumoyenareculé.
414
Le FSI se cherche toujours une identité
Pressions politiques, flou dans les critères de choix… le fonds souverain à la française concentre les critiques
F
lammarion pourrait bientôt
devenir la cinquante-sixième participation du Fonds
stratégique
d’investissement
(FSI). Mercredi 2 mai, l’actuel propriétaire de l’éditeur français, l’italien RCS Media Group, réunit son
conseil d’administration, qui
devrait confirmer sa mise en vente. Le FSI l’a dit, il est prêt à soutenir
les repreneurs français : Gallimard, Albin Michel (associé à
Actes Sud) et le fonds d’investissement hexagonal Chequers.
« Flammarion constitue un élémentdupatrimoinefrançais»justifie-t-on au FSI. Sauf que… propriété
de RCS, le groupe bat pavillon italiendepuis 2000. « L’éditionest par
tradition un secteur privé. En 2008,
quand Wendel a vendu le numéro
deux Français Editis à l’espagnol
Planeta, personne ne s’en est
ému ! », rappelle un bon connaisseur du secteur.
Avec 20 milliards
d’euros d’actifs, sa
force de frappe est
loin des centaines de
milliards des fonds
qatari ou chinois
Que vient donc faire le FSI dans
ce dossier ? La question est récurrente dans la jeune histoire du
fonds. Pour Jean-Yves Gilet, son
directeur général, le FSI doit
d’abord se comporter en « investisseur avisé » et choisir « des sociétés
rentables, en croissance, faisant
preuve de responsabilité sociale».
La réalité est quelque peu différente. En novembre 2009, le FSI
investissait 25 millions d’euros
dans la biotech Nicox, dont le projet de médicament suscitait déjà
une méfiance particulière dans le
secteur. Six mois plus tard, après
unrefusdu produitaux Etats-Unis,
l’entreprise perdait un quart de sa
valeuren Bourse. Enavril2011, c’est
sur le fabricant d’éoliennes Vergnet que le fonds a misé 13 millions
d’euros, à 4 euros par action. Un an
plus tard, le groupe, en pertes,
aprèsavoirsupprimé40 postessur
220 dans son usine, cherche à
s’adosser à un autre industriel. Son
cours de Bourse avoisine un euro…
Ces précédents illustrent toute
l’ambiguïté de la démarche du FSI.
Créé en novembre2008 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, ce
« fonds souverain à la française »
n’a jamais réussi à sortir totalement de ses contradictions. Censé
sécuriser le capital d’entreprises
hexagonales face à la menace de
prises de contrôles étrangères, il
n’y investitquede façonminoritaire. Il faut dire qu’avec 20 milliards
d’euros d’actifs, sa force de frappe
Discours de Nicolas Sarkozy le 17 novembre 2011, lors du troisième anniversaire du Fonds stratégique d’investissement. LIONEL BONAVENTURE/PHOTO POOL
financière est bien loin des centaines de milliards des fonds souverains qatari, chinois ou norvégien.
Présenté comme un soutien
aux groupes qui peinent à réunir
des fonds, il intervient le plus souvent aux côtés d’investisseurs privés– fondsd’investissements,banques ou industriels. Mais certains
investissements suscitent des
interrogations,comme le rachat de
10 % du producteur d’aluminium
Alcan à l’été 2010, quand le fonds
américain Apollo en a pris 51 %.
Plus récemment, le FSI a injecté
10 millions dans le réseau social
Viadeo aux côtés de l’assureur
Allianz,delabanqued’affairesaméricaine Jefferies ou encore de fonds
du Moyen-Orient.
Enfin, prévu pour soutenir des
entreprises en croissance, le FSI a
récemment fait incursion dans des
groupes en difficulté, comme le
chimiste Novasep, étranglé par ses
dettes, dans lequel il a investi
30millions d’euros début 2012.
«LeFSImanqued’axesclairsd’investissement. Du coup, il fait du
tout-venant», regrette Jean-Claude
Volot, médiateur des entreprises.
D’autres parlent d’« opportunis-
Des investissements très divers
Actionnariat Le FSI est détenu à
51 % par la Caisse des dépôts et
consignations (CDC) et à 49 %
par l’Etat.
Investissements Le FSI gère
20 milliards d’euros d’actifs, dont
14,5 milliards sous forme de participations directes dans des sociétés. Il détient 5 % de Bull, Technip, Vallourec, 13 % de France
Télécom, 20 % d’Eiffage… et jusqu’à 26 % d’Eramet et Eutelsat.
Nombre de participations lui ont
été transférées par la CDC à sa
création.
Depuis 2009, le fonds a investi en
direct 3,7 milliards d’euros dans
64 entreprises cotées (STMicroelectronics, Eramet, Nexans, Val-
lourec…) et non cotées (Daher, la
Saur, Limagrain, Viadeo, Novasep…).
Il a aussi investi 700 millions d’euros dans 130 entreprises grâce à
ses fonds sectoriels (Fonds de
modernisation des équipementiers automobiles, Innobio dans
les biotechnologies, le Fonds
bois…) et 220 fonds partenaires.
Résultats En 2011, le FSI a enregistré un bénéfice annuel de
629millions d’euros. Le fonds affiche 902 millions d’euros de
moins-value latentes (pertes
potentielles s’il vendait ses parts
dans les sociétés), contre 1,1 milliard de plus-values latentes un
an plus tôt.
me ». A son crédit, le fonds a réussi
à éviter les principaux « dossiers
chauds» de la campagne présidentielle, ces entreprises en difficultés
érigées en symboles par les candidats. Ainsi, à propos de Neo Sécurité, le groupe de sécurité en cessation de paiement, le fonds affirme
«ne pas avoir été contacté car nous
ne faisons pas de soutien à la trésorerie des entreprises », précise
M. Gilet. Une manière de marquer
son territoire pour le FSI, détenu à
51 % par la Caisse des dépôts et
consignations et à 49% par l’Etat.
Car, outre les questions de
méthode, les pressions politiques
n’ontpasfacilitéla tâchede sesdirigeants. S’il est parvenu à éviter des
dossiers épineux, comme celui du
constructeur automobile Heuliez
en 2009, le FSI a dû se résigner
début 2012, après près de deux ans
de bras de fer, à consacrer 20 millions d’euros au redressement du
fabricant de semi-conducteurs
Altis, dirigé par Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité
deschances et proche de SergeDassault. Le recours au FSI comme porte de sortie pour les participations
d’Areva – STMicroelectonics en
mars 2011 et Eramet en avril – ne
manque pas non plus d’agacer.
Autre critique récurrente : la
gouvernance. « Il y a un mélange
desgenresétonnantentre représentants de l’Etat et personnalités du
privé », résume Gilbert Saada,
ancien cadre d’Eurazeo qui planche surle sujet en lien avecl’équipe
de François Hollande. Il n’est pas le
premier à s’émouvoir du fait que
des intérêts publics sont gérés par
des dirigeants du privé encore en
poste. L’administratrice la plus
influente n’est autre que Patricia
Barbizet,ladirectricegénéraled’Artemis, la holding de PPR. Quant au
comité d’orientation stratégique,
censé se prononcer sur de grands
axes d’investissement et pas sur
des dossiers précis, il compte parmises membresle financierWalter
Butler, connu pour la reprise d’en-
treprises en difficultés (SNCM, Sernam…).
Ces différences de profil ont
conduit à des divergences de vues.
Le comité d’orientation a parfois le
sentiment de ne pas être entendu.
«Nous voulions que la préservation
des emplois en France soit le premier critère d’investissement pour
le FSI. Ce n’est que l’un d’eux», indique Jean-François Dehecq, son président. L’ancien patron de Sanofi
regrette que le FSI « se comporte
trop comme un fonds d’investissement privé, alors qu’il utilise l’argent du contribuable».
«Le retour sur investissementest
nécessaire pour que le FSI puisse
réinvestir ses fonds ailleurs », nuance M. Saada. De son côté, le FSI se
défend de rechercher les profits à
tout va. « Nous visons une rentabilité moyenne de 8 à 10% mais sur le
long terme (cinq à dix ans) et pas
trois ans comme certains fonds »,
souligne M. Gilet.
Dans le secteur, certains n’hésitent pas à parler de concurrence
déloyale.Lemois dernier,l’Association des investisseurs en capitalinvestissement(AFIC) a jugé nécessaire de taper du poing sur la table,
s’inquiétant du poids croissant du
fonds auprès d’entreprises recourant d’habitude à ses membres
pour se financer. « C’est la mission
duFSI de comblerles défaillancesde
marché, y compris sur les entreprisesen croissance,maissans prendre
la place des autres acteurs du marché», rappelle Hervé Schricke, président de l’AFIC.
Le FSI, comme d’autres, rétorque que les capitaux manquent
dans ce secteur. Et qu’il compte
bien y jouer un rôle croissant. Avec
la création du FSI Régions en
novembre2011, l’objectif est clairement de réorienter ses actions vers
les PME-ETI, qui doivent doper l’industrie hexagonale sur le modèle
allemand. Pour l’heure, le FSI, handicapé par ses lourdeurs, se cherche toujours une identité. p
Audrey Tonnelier
Ce que l’arrivée de la gauche
au pouvoir pourrait changer
Depuis la création du FSI en 2008,
sur décision de Nicolas Sarkozy, la
gauche s’est montrée très critique
envers le fonctionnement du
fonds. Le Parti socialiste ne cache
pas son intention de rouvrir le
dossier, en cas de victoire de François Hollande. Certes, le projet du
PS en matière de soutien aux
entreprises s’est centré sur la création, jugée prioritaire, d’une banque publique d’investissement.
« Cependant, souligne-t-on dans
l’entourage de M. Hollande, si
nous accédions au pouvoir, nous
devrions être rapidement amenés
à nous poser la question du statut
et de l’avenir du FSI. C’est potentiellement un bel outil de politique
industrielle.»
Certains hauts fonctionnaires
de gauche sont partisans d’un
retour du FSI dans le giron de la
Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le bras armé de l’Etat
pour la mise en œuvre des grandes politiques publiques (logement, équipement des territoires,
infrastructures etc.) est à leurs
yeux le lieu approprié pour organiser une véritable stratégie
industrielle. Le candidat socialiste
à la présidentielle n’a-t-il pas dit
sa volonté de faire de la CDC un
instrument important de politique industrielle?
Mais pour Alain Rousset, président de la région Aquitaine, chargé des questions industrielles
dans l’équipe de campagne de
M.Hollande, une meilleure
option serait « d’intégrer le FSI à la
banque publique d’investissement, sur laquelle, précise-t-il,
l’épargne à long terme des Français sera réorientée ».
« L’outil FSI doit être développé,
ses moyens financiers augmentés,
explique le socialiste. Solliciter
l’épargne est une solution intelligente, quand l’argent public doit
servir en priorité à financer les
grandes dépenses que sont par
exemple l’éducation et l’hôpital,
ainsi qu’à rembourser la dette.»
« Régionalisation »
Selon M. Rousset, les modalités
d’intervention du fonds
devraient aussi être revues: « S’il
s’agit d’un outil public, alors il ne
doit pas investir avec les mêmes
exigences de rentabilité que le privé. Disposer d’un investisseur de
long terme public est important
pour la stratégie industrielle d’un
pays. On ne dit pas assez que 50 %
des délocalisations se font entre
pays du Nord et non du Nord vers
le Sud ! »
Enfin, le conseiller de M. Hollande estime que les relations
avec la Caisse des dépôts devront
être clarifiées, comme également
son organisation sur le territoire.
« La régionalisation du FSI est un
bon principe, estime M. Rousset.
Pour aller vite et soutenir les entreprises au moment où elles en ont
besoin, les décisions d’investissement jusqu’à huit, neuf millions
d’euros doivent pouvoir être prises
en région.»
Dans cet esprit, le FSI interviendrait en soutien des fonds territoriaux créés par les régions, qui
souffrent aujourd’hui d’un manque de capital. Du point de vue du
PS, sa contribution aux tours de
tables éviterait de faire appel à
des fonds d’investissement trop
exigeants en termes de retour sur
fonds propres. p
Anne Michel
0123
13
économie
Mercredi 2 mai 2012
Prometteur, le marché de l’autocar
longue distance aiguise les appétits
Ma vie en boîte | chronique
par Annie Kahn
Ecoute!
Après Eurolines et le britannique Megabus, c’est au tour de la SNCF de lancer ses bus intercités
L
e concept s’apprend dès l’école primaire. En France, encore plus qu’ailleurs. Pour
qu’une communication s’établisse, il faut savoir s’exprimer, mais
aussi et surtout, savoir écouter.
La situation se décline en entreprise. Les dirigeants, s’identifiant
sans doute aux maîtres d’école de
leur enfance, ne considèrent guère l’écoute comme une priorité.
Ils exposent leurs décisions organisationnelles. Les directions de la
communication ont pour tâche
de relayer la bonne parole, que ce
soit en interne ou à l’extérieur de
l’entreprise. Rarement de faire circuler l’information dans l’autre
sens. De la base vers le sommet.
Et pourtant, les problèmes de
compréhension de l’autre et de
ses motivations, de conflits personnels dans l’entreprise sont cruciaux, et parfois bien plus compliqués et pénibles à résoudre que
les questions financières.
« Une bonne écoute peut faire la
différence entre une carrière longue [et, sous-entendu, réussie] et
une beaucoup plus courte », prévient Bernard Ferrari, consultant
et auteur d’un guide pour dirigeants, publié dans la revue
McKinsey Quarterly.
Chacun sait qu’écouter est
nécessaire pour motiver ses collaborateurs, apprécier les évolutions du marché, de la concurrence. Mais il est tellement plus agréable de parler, d’exposer, quand ce
n’est d’imposer son point de vue,
de se faire valoir.
Maintenant plus que jamais,
estime Kevin Sharer, le PDG de la
société de biotechnologie Amgen,
dans la même revue. « Il est très
important d’entendre le danger,
même si le signal en est très faible.
Car la presse, les blogs, [et on pourrait ajouter les réseaux sociaux]
sont de gigantesques caisses de
résonance.»
Des coachs « spécialistes de
l’écoute» proposent leurs services. Ils sont moins nombreux que
les experts de la prise de parole en
public, certes. Mais l’offre existe.
La demande moins, tant chacun
pense que l’attitude est innée.
Attentionné, M. Ferrari nous
Il est plus agréable
de parler, d’imposer
son point de vue,
de se faire valoir
propose une typologie des infirmes de l’écoute. Pour mieux les
repérer et y faire face. Entre le
« borné, sûr de lui », qui écrase toute idée de ses collaborateurs; « le
râleur», qui sait d’avance que ce
qui va lui être dit n’est pas digne
d’intérêt; « le tortueux », qui pose
des questions pour coincer
l’autre; « le redondant creux », qui
répète ce qui vient d’être dit, prenant la parole pour le plaisir; le
« M. Réponse à tout», qui cherche
avant tout à se faire valoir; ou « le
fourbe», qui est toujours d’accord,
mais n’en pense pas moins.
A chacun de se reconnaître… ou
de reconnaître son prochain! p
[email protected]
Ultimesnégociations
en Europeavantl’adoption
dela réformedeBâle III
Les 8200 banques de l’UE devront trouver
460milliards d’euros pour s’y conformer
C
ontraindrelesbanquesà renforcer leur capital, pour ne
plus avoir à voler à leur
secours. C’est tout l’enjeu de la
réforme bancaire internationale
dite de Bâle III, qui doit faire l’objet
d’une réunion à Bruxelles, mercredi 2 mai, entre les 27 ministres des
finances de l’Union européenne.
Les grands pays, France et Allemagne en tête, ont bon espoir de
parvenir à un consensus politique
sur ce texte, qui sera ensuite transposéen droiteuropéen.Envertude
cette réglementation, les banques
devront relever leurs capitaux propres de 2 % à 7 % du montant de
leurs prêts à l’économie. Le naufragede la banquefranco-belgeDexia,
à l’automne 2011, a créé un traumatisme en Europe. L’établissement
bénéficie de 45 milliards d’euros de
garanties publiques assumées par
la Belgique, la France et le Luxembourg, qui seront bientôt portées à
90milliards. La grande crainte des
trois Etats est de voir ces garanties
un jour appelées…
La réforme de Bâle III – préparée
par le Comité de Bâle, un club de
superviseurs bancaires du monde
entier (banques centrales, autorités de tutelle), situé en Suisse et
adossé à la Banque des règlements
internationaux(BRI)–seraprogressivement applicable entre 2013 et
2019 : à cette échéance, quelque
8 200 banques européennes
devrontavoir trouvé460 milliards
d’euros de capitaux nouveaux.
Ces capitaux pourront provenir,pour partie,de la mise en réserve des bénéfices futurs des banques, si la croissance est de retour.
Ils seront, plus sûrement, trouvés
auprès des investisseurs sur les
marchés financiers. Depuis 2007,
les banques ont déjà dû renforcer
leur capital de 400 milliards d’euros, pour surmonter les deux crises financières successives.
Degré de flexibilité
Soutenupar la Suèdeet les PaysBas, le Royaume-Uni tente d’obtenir la faculté de « surcharger »,
dans son pays, le niveau de fonds
propres exigé des banques. Il
s’agit,pourDowningStreet, d’apaiser la colère de l’opinion publique,
qui n’a pas digéré l’ampleur des
aides publiques versées aux banques après la crise de 2009.
Pour emporter l’accord de Londres, la France et l’Allemagne
arguent que le texte autorise tout
pays à relever le niveau d’exigence
en fonds propres d’une banque, si
la situation le commande (difficultésd’unétablissement,crise immobilière, etc.). Mais, à une condition:
obtenirun feuvertdes autresEtats.
Les ministres des finances des
27 devront aussi s’entendre sur le
degré de flexibilité laissé aux
superviseurs nationaux. Plusieurs
d’entre eux souhaitent pouvoir
modifier certains paramètres de la
loien cas denécessité, tout particulièrement le ratio de liquidités
(censé permettre aux banques de
résister à des crises de liquidités
aiguës) et celui mesurant l’effet de
levier (un ratio destiné à limiter
l’endettement des banques).
Outre l’Europe, la réforme de
BâleIIIavocationàs’imposerà toutes les banques mondiales, ainsi
ques’ysontengagésles autrespays
membres du G20. Mais, même s’il
est effectivement appliqué aux
Etats-Unis, en dépit des résistances
du lobby bancaire, le texte ne s’imposera qu’aux trente plus grandes
banques américaines. p
Anne Michel
P
aris-Londres à 1 euro, qui dit
mieux ? C’est pourtant le
prix d’appel proposé par
Megabus, la filiale d’autocars longuedistance du BritanniqueStagecoach, qui relie, jour et nuit depuis
le 16 avril, les deux capitales européennes moyennant… 9 heures de
bus. En Eurostar, le même trajet
prend 2 heures 15 minutes, mais
coûte au minimum 82 euros.
Avec cette nouvelle ligne, Megabus s’invite sur un marché européen de l’autocar longue distance
jusqu’ici essentiellement occupé
par Eurolines, une association de
32 entreprises dont Veolia-Transdev gère et exploite la marque en
Belgique, en France, aux Pays-Bas
et au Portugal. Un marché qui
devrait fortement croître dans les
années qui viennent.
AprèsStagecoach,laSNCFdévoilera fin juin sa propre filiale privée
de bus à longue distance, comme
Barbara Dalibard, la patronne de
SNCF Voyages, l’a confirmé
mi-avrilauxEchos.Baptiséeninterne Speed, ce projet prévoit, dansun
premier temps, l’installation d’un
hub à Lille, entre les deux gares de
Lille-Flandres et de Lille-Europe,
afin de desservir Bruxelles, Paris,
Londres et Amsterdam. La SNCF
espère lancer ses lignes régulières
pour les Jeux olympiques de Londres, qui commencent le 27juillet.
Quarante-six autocars tout
confort et équipés du Wifi (qui sera
gratuit) ont d’ores et déjà été commandés,etunecentainedeconducteurs sont actuellementrecrutés et
formés.
L’arrivée de la SNCF sur ce marché n’est pas un hasard. « Cela va
nous permettre d’atteindre des
clients qui n’ont plus les moyens de
prendre le train, ou qui ont plus de
temps, en leur proposant des tarifs
plus abordables, et ainsi les écarter
delavoiture,notreprincipalconcurrent», assure-t-on à la SNCF.
Cette initiative répond aussi à
l’affront fait à la SNCF par Eurolines. La filiale de Veolia-Transdev a,
en effet, décidé de concurrencer les
principales lignes de trains de la
compagnie nationale, avec
235 connexions d’autocars interrégionalesqui seront en concurrence
frontale avec celles de la SNCF.
Depuis septembre 2011, les cars
assurant des lignes internationales
ont en effet l’autorisation de prendre et de déposer jusqu’à 50 % de
leurs voyageurs à des arrêts situés
en France.
Progressivement
En septembre, Eurolines disait
espérer ainsi transporter 50 000
passagers supplémentaires grâce à
ses nouvelles lignes. Six mois plus
tard, la compagnie privée, qui refuse de parler à la presse, n’a toujours
pas dévoilé de bilan.
Maissicesobjectifsdetraficsemblentpourl’instantmodestes,Eurolines se prépare en fait à la libéralisation du transport interrégional,
prévue par un projet de loi déposé
le 21 mars au Sénat par Thierry
Mariani,le ministredes transports.
Ce dernier assure que cette
ouverture à la concurrence se fera
progressivement, sans mettre en
danger les lignes de trains Intercités ni les TER, que l’Etat et les
régions soutiennent financièrement. Seules les lignes de bus qui
ne mettront pas en péril le rail
seraient autorisées à ouvrir, explique l’exposédes motifsde ce projet
de loi.
«Avec notre offre Megabus entre
Paris et Londres, nous prenons la
température du marché, explique
Steven Stewart, le directeur de la
communication de l’anglais Stagecoach, qui affiche 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans le
transport de passagers. Nous nous
tenons ainsi prêts à une ouverture
en France, comme en Italie ou en
Allemagne, des pays où tout est en
train de bouger.»
En revanche, pour ce responsablebritannique,il nefautpasopposer systématiquement le bus au
train. « En Angleterre, la libéralisation de l’autocar, dans les années
1980, n’a pas affaibli le train. Sur la
liaisonLondres-Liverpool,parexemple, nous offrons des trajets opérés
par car, grâce à Megabus, et par
train, grâce à notre coentreprise
avec Virgin. Et les deux modes de
transport ont gagné des clients
depuis dix ans !», plaide-t-il. p
Philippe Jacqué
Lavie des entreprises
Banques Fronde contre
le salaire des patrons de
Barclays et Credit Suisse
Electronique
Entre un tiers et un quart des
actionnaires des banques Credit
Suisse (31,6%) et Barclays (26 %)
ont voté, vendredi 27 avril, contre
les plans de rémunération de
leurs dirigeants, lors des assemblées générales des deux établissements. Le président de Barclays,
Marcus Agius, s’est excusé d’avoir
mal communiqué sur la rémunération de Bob Diamond, son directeur général, qui a touché 22 millions d’euros l’an dernier, alors
que le résultat de la banque britannique était en baisse. En 2011, Barclays a reversé 735 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires et 4,9 milliards de bonus à ses
salariés. – (AFP.)
Le titre de premier fabricant mondial de téléphones mobiles était tout
ce qui restait au finlandais Nokia, il vient de le perdre au profit du sudcoréen Samsung. Le groupe, qui a enregistré un bénéfice trimestriel
record de 5,2 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros), a vendu quelque 93,5 millions de téléphones portables entre janvier et mars 2012,
soit plus du quart de ceux commercialisés dans le monde. Avec 44,5 millions de smartphones écoulés, Samsung contrôle 30,6 % du marché
mondial du téléphone intelligent, contre 24,1% pour Apple, qui en a vendu 35,1 millions. Son plus grand succès : le Galaxy, un smartphone tournant sous Android, le système d’exploitation de Google. Il s’en écoule
20000 exemplaires... par heure. p Sarah Belouezzane
Energie ConocoPhillips
paiera 144 millions pour
une marée noire en Chine
ment par la fuite, l’an dernier, de
l’une de ses plates-formes offshore au large des côtes chinoises,
selon un communiqué publié
dimanche 29 avril. Cette fuite de
la plus grande plate-forme du
pays, survenue en juin dernier,
avait pollué une surface maritime
de plus de 5 500 km2. – (AFP.)
Le géant pétrolier américain ConocoPhillips va payer 1,2 milliard de
yuans (144 millions d’euros) suite
aux dégâts infligés à l’environne-
Distribution Carrefour et
Leclerc condamnés pour
publicité mensongère
Marchés
Le groupe français de construction Vinci a annoncé, vendredi 27 avril, l’acquisition d’Energieversorgungstechnik (EVT), filiale
allemande d’ingénierie électrique
du producteur suisse d’électricité
Alpiq, sur la base d’une valorisation de 240 millions d’euros.
EVT, qui emploie 3 000 personnes, a réalisé l’an dernier un excédent brut d’exploitation de 37 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 512 millions. – (AFP.)
Finance Chute des profits
pour NYSE Euronext
Le groupe boursier transatlantique NYSE Euronext a enregistré
une baisse de 44 % de son résultat
net au premier trimestre 2012, à
87 millions de dollars (65,6 millions d’euros), a indiqué, lundi 30 avril, la société, qui évoque
un contexte « difficile ». – (AFP.)
LES MARCHÉS DANS LE MONDE 27/4, 22h11
Vendredi 27 avril 22h11
ACCOR .........................◗
AIR LIQUIDE .......................◗
ALCATEL-LUCENT ...........◗
ALSTOM ............................◗
ARCELORMITTAL ...............
AXA ....................................◗
BNP PARIBAS ACT.A ........◗
BOUYGUES .......................◗
CAP GEMINI ......................◗
CARREFOUR .....................◗
CREDIT AGRICOLE ............◗
DANONE ............................◗
EADS ...................................◗
EDF ......................................◗
ESSILOR INTL ....................◗
FRANCE TELECOM ............◗
GDF SUEZ ...........................◗
LAFARGE ...........................◗
LEGRAND ..........................◗
L’OREAL ............................◗
LVMH MOET HEN. ............◗
MICHELIN...........................◗
PERNOD RICARD ...............◗
PEUGEOT............................◗
PPR .....................................◗
PUBLICIS GROUPE ...........◗
RENAULT............................◗
SAFRAN ..............................◗
SAINT-GOBAIN..................◗
SANOFI ...............................◗
SCHNEIDER ELECTRIC .....◗
SOCIETE GENERALE .........◗
STMICROELECTR. .............◗
TECHNIP.............................◗
TOTAL .................................◗
UNIBAIL-RODAMCO ........◗
VALLOUREC .......................◗
VEOLIA ENVIRON. .............◗
VINCI...................................◗
VIVENDI ..............................◗
Le tribunal correctionnel de
Rouen a condamné, vendredi 27 avril, cinq hypermarchés,
dont trois Carrefour et un Leclerc,
à 140000 euros d’amendes pour
« pratiques commerciales trompeuses». Il était proposé par exemple « pour quatre produits achetés,
un gratuit ». Au cours de contrôles, les enquêteurs de la Direction
départementale de la protection
de la population de Seine-Maritime ont relevé que ces produits
BTP Vinci rachète EVT,
le spécialiste allemand
de l’ingénierie électrique
Retrouvez l’ensemble des cotations sur notre site Internet :http://finance.lemonde.fr
VALEURS DU CAC40
Valeur
étaient parfois plus chers que s’ils
étaient achetés à l’unité. – (AFP.)
Samsungdevientle numéroun
mondialdes téléphonesmobiles
Pays
Dernier
cours
Cours
préc.
% var.
/préc.
% var.
31/12
Plus
haut
26,57
98,97
1,21
27,63
13,27
10,98
31,05
22,00
30,11
15,54
3,91
53,68
30,45
16,14
67,37
10,48
17,71
30,31
26,02
91,65
126,25
56,78
80,45
9,09
127,25
39,08
35,67
28,52
32,19
58,21
47,97
18,16
4,51
86,49
36,50
144,75
46,66
11,10
35,55
14,28
26,04
97,51
1,23
27,11
12,99
10,71
30,59
21,41
29,46
15,51
3,75
53,96
30,29
16,09
66,75
10,41
17,67
29,25
25,71
93,33
124,90
56,16
80,35
9,06
125,50
38,60
34,59
28,00
31,73
56,78
47,45
17,62
4,52
88,66
36,51
143,25
45,76
10,79
34,11
13,87
2,04
1,50
-1,63
1,90
2,12
2,47
1,49
2,73
2,21
0,19
4,46
-0,52
0,56
0,28
0,93
0,67
0,26
3,62
1,19
-1,80
1,08
1,10
0,12
0,24
1,39
1,23
3,12
1,88
1,45
2,52
1,08
3,07
-0,16
-2,45
-0,03
1,05
1,99
2,87
4,24
2,92
35,67
3,54
-0,17
17,93
-6,12
9,31
2,29
-9,63
24,73
-11,78
-10,23
10,52
26,11
-14,18
23,50
-13,64
-16,12
11,60
4,69
13,57
15,40
24,31
12,27
-14,04
15,00
9,95
33,12
22,93
8,51
2,57
17,91
5,55
-1,79
19,10
-7,59
4,21
-6,97
31,01
5,32
-15,63
27,98
102,30
1,97
32,90
17,96
13,25
39,48
25,74
34,50
19,34
5,71
54,81
31,69
19,71
68,67
12,40
21,85
36,96
28,65
94,80
136,80
58,22
82,25
15,18
136,90
43,30
43,83
28,90
37,62
59,56
53,47
25,96
6,46
89,70
42,97
157,70
58,24
13,05
40,84
17,62
Plus
bas
Divid.
net
Code
ISIN
18,70 0,62 T FR0000120404
94,08 2,35 T FR0000120073
1,16 0,16 T FR0000130007
21,93 0,62 T FR0010220475
12,16 0,16 A LU0323134006
9,39 0,69 T FR0000120628
27,52 2,10 T FR0000131104
20,00 1,60 T FR0000120503
24,04 1,00 T FR0000125338
14,53 1,08 T FR0000120172
3,48 0,45 T FR0000045072
45,93 1,30 T FR0000120644
24,02 0,19 T NL0000235190
14,91 0,57 A FR0010242511
54,50 0,83 T FR0000121667
9,86 0,60 A FR0000133308
17,25 0,83 A FR0010208488
26,07 1,00 T FR0000120537
24,54 0,88 T FR0010307819
79,22 1,80 T FR0000120321
108,00 1,80 S FR0000121014
45,61 1,78 T FR0000121261
70,50 0,77 S FR0000120693
8,55 1,10 T FR0000121501
110,70 3,50 T FR0000121485
35,30 0,70 T FR0000130577
26,76 0,30 T FR0000131906
22,75 0,25 A FR0000073272
29,03 1,15 T FR0000125007
54,86 2,50 T FR0000120578
40,31 3,20 T FR0000121972
14,88 1,75 T FR0000130809
4,25 0,09 A NL0000226223
68,76 1,45 T FR0000131708
35,40 0,57 A FR0000120271
130,35 8,00 D FR0000124711
40,83 1,30 T FR0000120354
7,88 1,21 T FR0000124141
32,24 0,55 A FR0000125486
12,41 1,40 T FR0000127771
Cours en euros.
◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation.
Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2011. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité.
FRANCE
ALLEMAGNE
ROYAUME UNI
ETATS-UNIS
JAPON
Dernier
cours
% var.
Maxi
2012
Mini
2012
CAC 40
Indice
3266,27 27/4
1,14
3600,48 16/3
3088,36 23/4
DAX Index
6801,32 27/4
0,91
7194,33 16/3
5900,18 2/1
9,35
FTSE 100 index
5777,11 27/4
0,49
5989,07 14/3
5572,28 3/1
9,66
13297,11 2/4
Dow Jones ind. 13228,31 27/4
0,18
PER
9,00
12221,19 3/1
11,19
Nasdaq composite
3069,20 27/4
0,61
3134,17 27/3
2627,23 4/1
15,79
Nikkei 225
9520,89 27/4
-0,43
10255,15 27/3
8349,33 6/1
13,11
PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice
courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible.
Le Monde raconte les années Sarkozy
2007 • 2012
Un hors-série
du Monde - 7,50 e
En vente chez votre
marchand de journaux
UNE PRÉSIDENCE
SOUS TENSION
les années sarkozy
14
0123
économie
Mercredi 2 mai 2012
Neo Sécurité: l’Elysée prend
ses distances, les candidats
à la reprise se manifestent
La France se dote enfin d’une filière pour
la propulsion de ses fusées et missiles
Safran fusionne ses filiales SME et SPS pour créer le numéro deux mondial du secteur
Les méthodes de gestion et la direction
de la société de sécurité font l’objet de critiques
L
e branle-bas de combat se
poursuit à propos de Néo
Sécurité,cette sociétéde sécurité privée en cessation de paiement dont le sort doit être examiné, jeudi 3 mai, par le tribunal de
commerce de Paris.
La veille de l’audience, le SNES,
l’une des organisations patronales
du secteur, est reçu à l’Elysée pour
présenter une offre « groupée» de
PME françaises qui permettrait de
reprendre les 5 000 personnes
employées par Néo Sécurité. Il y a
quelques jours, la filiale tricolore
du suédois Securitas a indiqué
qu’elle « allait regarder le dossier ».
Le cabinet d’expertise comptable
Fiducial serait aussi sur les rangs,
d’après Le Figaro du lundi 30 avril.
Le PDG de Néo Sécurité, JeanMichel Houry, est parvenu à capter l’attention, y compris celle de
Nicolas Sarkozy, en pleine campagne présidentielle. Mais l’entourage du chef de l’Etat a été très clair :
la collectivité consentira un
« effort financier supplémentaire»
si Néo Sécurité améliore sa gestion
et trouve des investisseurs.
Les pouvoirs publics estiment
Le PDG et les sept nains
de jardin…
Certains chefs d’entreprise de
sécurité privée aiment se quereller sur la place publique. Dans
Le Figaro du 27 avril, Michel
Mathieu, le patron de Securitas
France (n˚ 1 dans l’Hexagone),
juge que Neo Sécurité « souffre
d’une désorganisation complète,
d’une absence de management
et d’une politique sociale déplorable ». En octobre 2009, le PDG
de Neo Sécurité, Jean-Michel
Houry, avait confié à la revue En
toute sécurité que « Securitas
France n’est pas le leader de quoi
que ce soit, car il détient moins
de 25 % de part de marché ».
« C’est donc un nain, avait-il ajouté, mais le plus grand des nains. »
Après ces déclarations,
M. Mathieu a envoyé à M. Houry… plusieurs nains de jardin.
Sept au total, précise-t-on chez
Securitas.
avoir déjà beaucoup fait pour Néo
Sécurité, qui, selon un porte-parole du ministre de l’industrie, Eric
Besson, aurait accumulé un « passif public » de 30 millions d’euros.
S’agit-il de dettes fiscales ? Sociales ? Ont-elles été effacées ou étalées dans le temps ? Les services de
M.Besson ne le précisent pas.
« Salaires extravagants »
La prudence de l’Elysée et du
gouvernement s’explique aussi
par le déluge de critiques qui s’est
abattu sur l’entreprise de sécurité.
Un élu de la CFE-CGC dénonce la
« gestion calamiteuse» de la direction : rachat d’entreprises non viables, « organisation managériale»
instable… La CGT, elle, fustige le
« niveau de salaire extravagant »
des managers ainsi que les « frais
de structure du siège social qui
plombentles comptes de l’entreprise. » Sans oublier l’absence, pendant plus d’un an, d’institutions
représentatives du personnel.
M. Houry fait valoir, dans un
communiqué, qu’il n’a « aucun
bien personnel», son « seul “actif” »
étant un logement hypothéqué
« dans le cadre d’un prêt bancaire»
souscrit pour investir dans son
activité.Il assureconsacrerau remboursement de cet emprunt « la
quasi-totalité de [ses] émoluments » (20 000 euros bruts par
mois). Pour lui, les locaux de l’entreprise n’ont « rien de somptuaire » et ce sont les querelles intersyndicales qui auraient ralenti la
désignationdes élus du personnel.
En tout cas, il est faux de prétendre que 5 000 personnes se
retrouveraient sur le carreau si
Néo Sécurité était mise en liquidation, souligne Me Anne Quentier,
avocate spécialisée en droit du travail. Elle rappelle que les accords
collectifs applicables à la profession imposent de reprendre au
moins 85 % du personnel affecté
au marché conclu entre la société
de sécurité et son client. Mais
dans les faits, la proportion de
salariés conservés est souvent
plus proche de 50 %, d’après JeanHubert Aubry, de la CGT. p
Bertrand Bissuel
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M
ercredi 2 mai, à l’heure du
déjeuner, plus d’un millier de salariés se retrouveront au Haillan (Gironde) pour
fêter la naissance du numéro deux
mondial de la propulsion solide,
derrière l’américain ATK. Chacun
recevraun tee-shirtportant la date
du jour et, surtout, le nouveau
nom du groupe : Herakles, ponctué d’un point d’exclamation.
Une allusion au long processus
de rapprochement, pas moins de
douze ans, entre SME (SNPE matériauxénergétiques)et Snecmapro-
Dès 1971, Michel
Debré, alors ministre
de la défense,
préconisait «une
coopération étroite»
entre les deux sociétés
pulsionsolide(SPS),pour créerune
entreprise de 3 000 personnes et
de 700 millions d’euros de revenu.
Pourtant, tout prédestinait à la
fusion de ces deux firmes aux activitéscomplémentaires,l’une réalisantle carburantdes missilesbalistiques et de la fusée Ariane (le propergol), l’autre le moteur.
Cette activité stratégique pour
la défense fut lancée au début des
années soixante, à la demande du
général de Gaulle, afin de développer la force de frappe. A l’époque, à
côté de la poudrerie créée par Colbert en 1665, propriété de la SNPE,
la jeune Société européenne de
propulsion (SEP), aujourd’hui SPS,
avait installé une usine pour la
motorisation. Mais pas question
de créer une société unique :
marier la vieille dame avec une
jeune firme était inconcevable.
En novembre 1971, Michel
Debré, alors ministre de la défense,avait tenté une premièreapproche, en demandant d’améliorer
« la réalisation des programmes
d’enginsbalistiques»par «une coopération étroite » entre les deux
sociétés, en créant un groupement
d’intérêt économique pour réaliser ensemble les programmes.
Mais ce n’est que trente ans
plus tard, en décembre 2000, que
les pouvoirs publics entérinèrent
l’idée de la fusion. « Le gouvernement demande aux deux entreprises de préciser, dans les mois à
Décollage d’une fusée Ariane V depuis Kourou, en Guyane, le 18 avril 2008. « CIEL ET ESPACE »
venir, les modalités détaillées de ce
rapprochement, en association
étroite avec les salariés », annonçait le ministre des finances de
l’époque, Laurent Fabius, et celui
de la défense, Alain Richard, se félicitant de cette opération au nom
de code Herakles.
Las, les présidents successifs de
SNPE firent tout pour torpiller le
processus: pas question pour eux
de se séparer de l’activité de propulsion, la plus rentable du groupe. L’explosion de l’usine AZF à
Toulouse, en septembre 2001, ne
fit qu’aggraver la situation. De
plus, les relations entre les dirigeants de SNPE et de Snecma
étaient tendues. Quant à l’Etat
actionnaire,prudent, ilvoulait éviter tout conflit social.
Ce n’est qu’en 2008 que le processus de privatisation de SNPE
fut enfin lancé par le gouvernement. Il déboucha en avril 2011 sur
la vente de SME au groupe Safran,
qui contrôle également SPS. Débutèrent alors les négociations pour
la fusion. A l’automne, alors que
l’histoire était enfin sur le point
d’aboutir, nouveau déboire : l’Etat
demandait de tout recommencer
en inversant le processus. Ce n’est
pas SPS qui absorbait SME mais
Un ex-banquierde Goldman
Sachs«parie sur l’Europe»
C
’est un banquier comme les
rêve Hollywood. Avec ses
chemises blanches amidonnées, ses 54ans sportifs, son débit
rapide et la maîtrise jusqu’à la dernière décimale des arcanes des
bilans, Christopher Flowers incarne le financier de Wall Street guindé et sûr de lui. Or, voilà que l’exassocié de la banque Goldman
Sachs, brillamment reconverti
dans le capital-investissement, a
décidé de se transférer avec armes
et bagages à Londres « pour parier
sur l’Europe», affirme, jeudi
26avril, le Financial Times.
«Aux yeux de M.Flowers, un spécialiste des institutions financières,
le secteur bancaire européen va
devoir se séparer d’actifs pour renforcer ses ratios de capitaux. Ces
avoirs périphériques seront vendus au rabais» : selon Peter Hahn,
professeur à la Cass Business School, le vétéran de Wall Street
entend racheter bon marché des
institutions financières sous-évaluées pour les redresser au forceps
avant de les revendre rapidement
au plus cher, en empochant la
plus value.
L’intérêt que porte Chris
Flowers au secteur financier européen n’est pas surprenant. Fondée
en 2000, sa société J. C. Flowers
&Co possède déjà une kyrielle de
participations dans des organismes financiers européens de taille
moyenne. Récemment, la société
de « private equity» a acquis un
courtier italien, une petite compagnie d’assurance belge, une banque hypothécaire allemande et
une caisse immobilière britannique. Elle vise désormais les établissements non bancaires, à l’instar
des compagnies d’assurance.
Le nouveau tropisme européen
de ce financier rusé et ambitieux
n’est pas dénué d’arrière-pensées.
De mauvais placements ont pénalisé la performance de ses fonds
d’investissements aux Etats-Unis
comme dans les pays émergents.
Le flux de fusions-acquisitions,
son autre fonds de commerce,
s’est tari. Surtout, J.C.Flowers a
perdu des plumes dans la faillite,
en 2011, du courtier new-yorkais
MFGlobal, présidé par son compère et mentor, l’ancien PDG de Goldman Sachs, Jon Corzine. p
Marc Roche
(Londres, Correspondant)
l’inverse. Cette modification lui
permettait de garder dans
Heraklesl’action spécifique détenue dans SME, qui lui donne un
regard sur cette activité.
L’opération prendra quatre
mois de retard. « En un an, nous
avons organisé, avec les syndicats,
pasmoinsdevingt-sixcomitésd’entreprise », raconte Philippe Schleicher, PDG d’Herakles, satisfait
d’aboutir. « Nous avons perdu douzeans,durantlesquelsnousaurions
pu harmoniser les recherches et la
production, déplore-t-il, avant de
se reprendre. L’intégration se fera
d’autant mieux que nous avons
deux entreprises en bonne santé.»
Reste à mélanger les cultures
des deux groupes, et à harmoniser
des statuts très différents. « Nous
avons chez SME des ingénieurs
chimistes et, chez SPS, plutôt des
ingénieurs issus de grandes écoles
généralistes. »
Les négociations qui s’ouvrent
s’annoncent complexes, reconnaît la CGT de SME, « d’autant que
les salaires chez nous sont inférieurs à ceux de la SPS », car « nous
avons des ouvriers alors que SPS a
plus de techniciens ». « Il va falloir
que le groupe Safran soit exemplaire dans cette discussion, car on
ne peut pas se proclamer le numéro deux mondial et avoir des statuts au rabais», prévient Christian
Vella, délégué CGC de SME.
La page de la fusion enfin tournée, le nouveau groupe va explorer d’autres domaines que ceux
de la défense ou de l’espace. Car
les synergies possibles sont nombreuses. Le centre de recherche
SME du Bouchet, près de Paris,
intéresse Snecma pour ses
moteurs d’avions civils. De
même, Herakles veut se développer sur des marchés concurrentiels, comme il le fait déjà pour les
airbags automobiles. p
Dominique Gallois
Archéologie
de l’esclavage colonial
Colloque international organisé par l’Inrap,
le Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage,
le ministère de la Culture et de la Communication
et le musée du quai Branly
Mercredi 9 mai 2012
9h30 - 12h30
État et enjeux de l’archéologie
de l’esclavage colonial
14h30 - 18h
Vestiges de la traite négrière
Jeudi 10 mai 2012
14h30 - 18h
L’habitat et la culture
matérielle
Vendredi 11 mai 2012
9h30 - 12h30
Indices du marronnage
14h30 - 17h
Archéologie des « cimetières »
d’esclaves
Accès libre dans la limite des places disponibles
théâtre Claude Lévi-Strauss - musée du quai Branly
Dans le cadre de la Journée nationale des mémoires de la traite,
de l’esclavage et de leur abolition
www.inrap.fr
0123
décryptages ANALYSES
Mercredi 2 mai 2012
France | chronique
par Gérard Courtois
François Hollande
ou l’anti-héros
Q
uelle histoire ! », avait
lâché François Mitterrand,
le 10 mai 1981, lorsqu’il eut
confirmation de son élection à la présidence de la République. François Hollande pourra
reprendre le mot à son compte
s’il l’emporte, à son tour, le 6 mai.
Quelle histoire, en effet ! Il y a
un an, presque jour pour jour, le
27 avril 2011, le candidat socialiste
réunissait son premier meeting
de campagne. Dans le théâtre de
Clichy-la-Garenne, en banlieue
parisienne, le décor était minimaliste, l’organisation artisanale, le
slogan encore tâtonnant (« La
France en avant»). Mais le cap
était déjà fixé. L’élection présidentielle, avait-il lancé à quelques
centaines de supporteurs, sera
« une course d’obstacles, un long
chemin. Ce chemin commence
aujourd’hui».
De fait, tous les thèmes de celui
qui n’était encore que candidat à
la candidature ont été posés ce
jour-là. La « crise morale du pays»,
miné par « le doute, la défiance,
les divisions» et « l’arrogance des
puissants». L’échec du président
sortant qui « avait tant promis et
aura si peu tenu ». Le risque de
voir la droite « converger » avec
l’extrême droite, à coups de
« surenchères »… Ce n’était pas
mal vu.
Quant aux solutions, elles
n’ont pas varié. « Renouer avec le
rêve français», qui n’est autre que
« la promesse républicaine». Engager l’effort nécessaire pour redresser les finances publiques, à condition que cela passe par la « justice
fiscale ». Sans oublier le pacte productif, le contrat de génération, la
République exemplaire, enfin le
« président normal » qu’il entendait incarner et définissait ainsi:
« Tenir son cap, garder ses nerfs,
éviter foucades et caprices ; voir
loin et tenir bon plutôt que parler
fort et céder vite. »
« Quand la gauche rencontre la
France, elle rencontre la victoire »,
avait conclu François Hollande, il
y a un an. La formule a été répétée, mot pour mot, dimanche
29 avril à Paris, au Palais omnisports de Bercy, devant quelque
20 000 partisans enthousiastes.
Ce rappel est diablement instructif. Tout a changé, en effet,
depuis douze mois : l’outsider est
devenu le favori ; le « capitaine de
pédalo» (dixit Jean-Luc Mélen-
chon) a remporté haut la main la
primaire socialiste ; le candidat
que Nicolas Sarkozy jugeait
« nul » a réuni plus de 10 millions
de voix au soir du premier tour et
devancé le président sortant ; et
celui que bon nombre de ses amis
socialistes jugeaient trop « mou »
ou trop « flou » pour endosser le
costume présidentiel est désormais à quelques jours d’une victoire annoncée, sinon acquise.
Tout a changé, donc. Sauf lui,
qui n’a pas dévié d’un pas du chemin qu’il s’était tracé ni de l’analyse faite, de longue date, de la situation et des attentes du pays. C’est
ce qui a fait sa force.
Le pari n’était pas gagné. L’élection présidentielle, en effet, n’est
supposée s’offrir qu’à des candidats dotés de qualités remarquables, exceptionnelles même, dont
le candidat socialiste n’a pas fait
étalage. Elle requiert, en principe,
une ambition hors du commun,
sacrifiant tout à cet unique objectif. François Hollande n’en manque évidemment pas, mais, comme il le dit lui-même, il n’a pas
« l’obsession du pouvoir pour le
pouvoir» ; pis, son indéniable
sens de l’humour témoigne plutôt d’un détachement qui aurait
pu, ou dû, être rédhibitoire.
Cette élection suppose également une solide expérience des
affaires de l’Etat. Ses adversaires
n’ont pas manqué de brocarder la
minceur de ses états de service en
la matière, quand bien même il
connaît la France mieux que beaucoup, pour l’avoir sillonnée
depuis trente ans, dont onze à la
tête du Parti socialiste. Elle réclame enfin, en théorie, un charisme
de nature à séduire la France, à faire rêver les Français, à les persuader que « tout est possible » ou
que l’on peut « changer la vie »…
Or le candidat socialiste n’a cessé
de mettre en garde contre ces
euphories fugaces et ces utopies
sans lendemain, pour leur préférer « un espoir calme et lucide ».
té de bout en bout fidèle à luimême, sans chercher à forcer sa
nature. « Je ne m’exhibe pas, ce
que vous voyez ici, c’est ce que je
suis », avait-il lancé au Bourget, le
22 janvier. A Bercy, dimanche, il a
à nouveau souligné cette cohérence, sans craindre d’anticiper sur
sa victoire : « La campagne que
j’ai voulu mener doit ressembler à
la prochaine présidence, volontaire, digne, rassembleuse.»
La deuxième raison a été souvent résumée, d’une drôle de formule, par le candidat socialiste,
depuis qu’il s’est engagé dans
l’aventure: « Je corresponds à un
L’élection présidentielle n’est supposée s’offrir
qu’à des candidats dotés de qualités
remarquables, exceptionnelles même,
dont le candidat socialiste n’a pas fait étalage
Depuis quarante ans, l’on avait
connu deux cas de figure : le
jeune guerrier audacieux et impétueux (Giscard d’Estaing et Sarkozy) ou le vieux guerrier revenu de
toutes les défaites pour l’emporter enfin (Mitterrand et Chirac).
François Hollande incarne une
figure inédite: celle de l’antihéros. Le risque était de décevoir,
cela a fini par convaincre.
Pour trois raisons. La première
tient au caractère de l’homme, res-
moment.» Un moment caractérisé par le désenchantement à
l’égard de la politique, de ses
impuissances ou de ses cynismes.
Et surplombé par la crise économique dont les Français ont bien
compris qu’elle laisse peu de marge de manœuvre aux gouvernants et appelle plus de prudence
et de ténacité que de flamboyance et de moulinets.
L’ultime raison, enfin, tient
moins à M. Hollande qu’à son
adversaire: le président sortant
lui a considérablement facilité la
tâche. Bien sûr, parce qu’il souffre
d’une image très dégradée dans le
pays et d’un désir d’alternance
qui a balayé tous les gouvernements sortants en Europe depuis
trois ans.
Mais surtout parce qu’il a
mené une campagne qui a valorisé, en tous points, celle du candidat socialiste. Plus Nicolas Sarkozy s’est posé en challengeur
contre le favori socialiste, plus il a
consolidé la position de ce dernier, jusqu’à lui permettre, la
semaine passée, de tenir une
conférence de presse déjà très présidentielle. Plus le président sortant a multiplié les attaques et
laissé libre cours à son agressivité, plus il a mis en valeur le calme
et la solidité de son adversaire.
Plus il a cherché à « cliver », comme il dit, plus il a perdu en crédibilité et en capacité de rassembler.
Plus il a tenté de « draguer» les
électeurs du Front national, plus
il a libéré l’espace du centre, où se
gagne, au bout du compte, l’élection présidentielle. Cruels contrastes !
Bref, si François Hollande s’est
donné tous les moyens de gagner
cette élection, Nicolas Sarkozy
aura tout fait pour la perdre. p
[email protected]
Livredu jour
Ambiance fin de règne
L
e pari de Guy Konopnicki, qui
était à la tête de l’Union des
étudiants communistes au
moment où l’issue défavorable du
référendum proposé par le général
de Gaulle, au printemps 1969,
conduisit au retrait du président de
lascènepolitiquenationale,estaussi stimulant que périlleux. Acteur
engagéàl’époquedesfaits,l’essayis-
Le Jour où de Gaulle
est parti, 27 avril 1969
Guy Konopnicki
Ed. Nicolas Eybalin/Scrineo
208 p., 16 ¤
te croise ses souvenirs, les archives
de l’INA, précieuses pour retrouver
le ton d’une campagne dont le style
oratoire est quelque peu perdu, la
presse du temps (Le Monde et L’Humanitéprincipalement),lesmémoires, nombreux, des protagonistes,
d’abord soucieux de justifier leur
posture, puis plus enclins, le recul
chronologique aidant, à définir des
perspectives moins partisanes.
Sans nier la part qu’en romancier il
s’octroie pour la vie même de l’évocation.
C’est, du reste, une belle illustration du postulat revendiqué par la
collection que Le Jour où de Gaulle
estpartiinaugurechezuntoutnouvel éditeur, Nicolas Eybalin. Prenantactedelaporositédelafrontièreentrel’éruditionhistorienneet le
récit romanesque, si magistralement établie par le chef-d’œuvre
« grand public » de Georges Duby,
Le Dimanche de Bouvines (Gallimard, 1973), Eybalin confie aux
auteursdeces récits historiques« la
double charte du romancier et de
l’archéologue», pour livrer la profondeur d’un vestige – événement
minuscule ou capital – dont la
dimension s’impose ainsi.
L’implicationpersonnelledel’essayiste,dès le prologue, dit que c’est
moins les arcanes du scrutin qui
vont le retenir que l’étude de la
confondante parenté du gaullisme
et du communisme, condamnés à
«mourirensemble».Certes,onassiste au passage du président dans le
bureau de vote de Colombey, ce
frais dimanche d’avril où, au terme
d’unecampagnedécentrée–l’enjeu
duscrutinréférendaire,larégionalisation et la réforme du Sénat, captive moins que le défi que de Gaulle
lance à ses concitoyens: «oui ou je
me retire» –, le président a son dernier rendez-vous avec l’Histoire.
Mais le sens de l’événement se
joue moins, selon Konopnicki,
dans le front composite des adversaires du général qui va provoquer
sa chute, que dans l’acte final d’un
compagnonnage difficile qui aura
duré près de trente ans entre de
Gaulle et le PCF. Avec le retrait de
l’homme du 18-Juin, de la Libération et de la Ve République, c’est
tout l’équilibre politique esquissé
dès les mouvements de résistance
et les combats pour la France libre,
qui s’effondre. Avant même que la
SFIO ne meure du double jeu de
son secrétaire général Guy Mollet
qui soutient pour la présidentielle
de juin le centriste Alain Poher
quand Gaston Defferre porte les
couleurs des socialistes, et que
François Mitterrand ne réussisse la
prise de contrôle du PS nouveau, le
sort du PCF semble scellé.
L’acte final
d’un compagnonnage
difficile de près
de trente ans entre
de Gaulle et le PCF
Malgré la prudence de son chef
Waldeck Rochet, qui surfe entre
orthodoxie affichée et distance critique envers une URSS qui bâillonne le bloc de l’Est, la belle campagne et le score flatteur de Jacques
Duclos (21,5%), la tentation française d’un communisme dépris des
oukases soviétiques est passée. Sur
les traces de Jean Vigreux, dont la
thèse sur Waldeck Rochet publiée à
La Dispute (2000) fait référence,
Konopnicki rend hommage à cet
homme politique trop oublié,
pour mieux diagnostiquer les causes de l’effondrement du PCF sous
Marchais, erreur de casting qui fut
le dernier mauvais coup de Moscou à la fille aînée de l’Eglise
marxiste-léniniste. p
Philippe-Jean Catinchi
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lemonde.fr/2012
15
16
0123
décryptages ENQUÊTE
RÉSULTATS DU FRONT NATIONAL
AU PREMIER TOUR
DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE,
en %
2002* 2007 2012
Mercredi 2 mai 2012
Mondeville
15,62
8,34
15,33
Vignes
16,37 14,86 36,76
Cognac
13,5
* En 2002, les scores du Front national
et de Bruno Mégret sont additionnés
SOURCE: MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
7,87
14,25
Aubord
35,41 18,84
30,6
Alors que le Front national organise son rassemblement annuel,
mardi 1er mai à Paris, «Le Monde» est allé à la rencontre des
électeurs qui ont placé Marine Le Pen en troisième position lors
du premier tour de l’élection présidentielle. Une plongée dans la
France du FN, où ce vote apparaît décomplexé et même normalisé
Unecertaineidée
du
V
oter Le Pen est-il en train de
devenir un choix électoral
commeunautre?Lescorede
l’extrême droite au premier
tour de l’élection présidentielle surprend à double
titre: par son ampleur (17,9% des suffrages
etplusde6,4 millionsde voix)etpar sapropagation à l’ensemble du pays. Pour la premièrefois,ilperceaussiàl’ouest,etsurl’ensemble de l’Hexagone, ses ressorts ne semblent plus se cantonner au seul rejet des
immigrés ou à certaines classes sociales.
Pour le géographe Laurent Chalard,
« bien sûr, on trouve dans l’espace périurbain les communes qui ont les plus forts
votes en faveur de Le Pen, que ce soit le père
ou maintenant la fille ». Mais le chercheur
distingue l’espace périurbain « choisi » de
l’espace périurbain « subi», souvent habité
par « une population moins aisée, sans être
pauvre» et où le Front national a réussi de
bons scores, dimanche 22 avril. « Après les
émeutes de 2005, ce phénomène de périurbanisation s’est accentué », note LaurentChalard, pour qui la distinction entre
ces deux formes d’espaces périurbains
« est un témoignage supplémentaire de la
fragmentation de la société française. Une
fragmentation qui se traduit aussi sur le
plan politique par une radicalisation du
vote».
Selon Pascal Perrineau, directeur du
Cevipof,lecentrede recherchesdeSciences
Po, ce vote a été « le point de fusion» de plusieursmécontentements.«Dans le vote FN,
il y a unpeu detout. Il y a unepeur économique, une peur sociale et une peur culturelle.
Tout est un peu mélangé», indique Nonna
Mayer, directrice de recherches au Centre
d’études européennes de Sciences Po. Un
peu comme si chaque électeur avait une
« bonne raison », différente de celle des
autres électeurs frontistes, de voter pour
Marine Le Pen.
Cela, ses équipes l’ont senti très tôt,
mêmes’ilssedéfendentavecunebelleunanimité de « saucissonner» leur électorat. Il
FN
n’en demeure pas moins que la campagne
de la présidente du FN s’est construite
autourdemessagescibléss’adressantàplusieurs milieux différents.
Pour ce faire, Marine Le Pen a su adapter
sondiscours.Ainsi,lorsqu’elles’adresseàla
ruralité, lors d’un meeting à Châteauroux
(Indre) fin février, elle ne se contente pas de
louer le savoir-faire et la tradition des terroirs français. Au contraire, n’ayant pas
peur de braconner sur les terres sémanti-
Marine Le Pen
n’a jamais abandonné
«les boosters»
d’une campagne
frontiste: l’insécurité
et l’immigration
ques de la gauche, elle se fait le héraut des
services publics, notamment de La Poste,
mais aussi de la gendarmerie, de l’école et
deshôpitaux.Autreexempledeladiversification du discours lepéniste : le 17 mars, à
Ajaccio, pour séduire les Corses, elle qui se
présente comme « jacobine », a tendu la
main aux militants indépendantistes et a
fait chanter le Dio vi Salvi Regina, l’hymne
corse, juste après La Marseillaise. La prési-
dente du FN a su aussi se renforcer dans ses
bastions historiques. Dans le croissant
nord-est, son discours sur la crise a joué à
plein.
La région où le vote en faveur du FN est
le plus fort reste le sud-est. Notamment le
Gard où elle arrive en tête. Sur ces terres où
la mémoire de la guerre d’Algérie reste très
forte, où le rejet de l’immigration maghrébine est aussi assez courant, les propos de
Marine Le Pen contre « l’islamisation» ont
su prospérer et convaincre. L’affaire Mohamed Merah, auteur de sept meurtres dans
la région de Toulouse en mars, lui a permis
de faire le lien – même si elle s’en défend –
entre immigration et islam radical.
Car, c’est le dernier aspect de la campagne de Marine Le Pen, si elle a su développer de nouveaux thèmes, elle n’a jamais
abandonné ce que son père, Jean-Marie
LePen,appelle«lesboosters»d’unecampagnefrontiste:l’insécuritéet l’immigration.
C’est ce dernier mouvement qui aurait,
selon Sylvain Crépon, sociologue spécialiste de l’extrême droite, convaincu un certainnombred’électeurstentésparl’abstention de finalement voter pour Marine
LePen. p
Abel Mestre et Benoît Hopquin
f Sur Lemonde.fr
Retrouvez l’interview de Laurent Chalard
«Aveccequi nous estarrivé...»
E
n février, lorsque deux élus Front
nationalde l’Yonneétaient venus solliciter le maire de Vignes, Jean-Louis
Groguenin, pour lui demander de parrainer Marine Le Pen, il avait dit non. Mais
dans la conversation, il avait observé :
« Dans ma commune, on vit tranquille, on
n’a pas de problèmes d’immigration. Et
pourtant, sur 90 inscrits, j’ai toujours entre
10 et 15 électeurs FN. » Un ton plus bas, il
avait ajouté: «Et avec ce qui nous est arrivé,
ça risque de monter…»
«Ce qui nous est arrivé», remontait à un
samedi de décembre2011. Des jerricans de
fuel sont dérobés dans une propriété. Le
même soir, pendant le concours de belote
organisé à la mairie, les cadeaux de Noël de
lacommune,entreposésdansunesallevoisine, disparaissent. Le lendemain, un groupe d’amis chasseurs se retrouve en forêt et
découvre, cachés en contrebas de la route,
les jerricans volés qui appartiennent à l’un
d’entre eux. Sans prévenir personne, leur
propriétaire décide de tendre un piège aux
voleurs. Il revient le soir avec son fils et sa
fille, substitue des jerricans vides, dépose
desplanchescloutéessurlepassageetmonte la garde. Un véhicule s’approche, deux
hommes en descendent, des Roms. Au
moment où ils se saisissent de leur butin,
les voleurs comprennent qu’ils sont tombés dans un guet-apens et prennent aussitôt la fuite. Le chasseur tire dans les pneus,
prévientlesgendarmesetunecourse-poursuite s’engage entre les deux voitures jusqu’à Tonnerre, où ils sont tous arrêtés.
Coup de colère
Les voleurs, le chasseur et ses enfants
sontplacésengardeàvueetrenvoyés,quelques heuresplus tard, devantle tribunalen
comparution immédiate. Le chasseur est
condamné à un an avec sursis pour avoir
fait usage de son arme, les deux voleurs à
sixmoisavecsursis.AVignesetdanslesvillages alentour, la colère gronde. Les élus de
la communauté de communes votent une
motion dans laquelle ils évoquent « l’in-
compréhension» de la population face au
jugement rendu par le tribunal. « A partir
de ce moment-là, raconte le maire, tous les
amis du chasseur ont annoncé qu’ils voteraient Front national.»
Dimanche 22 avril, sur les 68 électeurs
qui ont participé au premier tour du scrutin présidentiel à Vignes, plus d’un tiers a
déposéun bulletinMarine LePen dans l’urne. Avec 36,76 % des voix, la candidate du
Front national fait jeu égal avec Nicolas
Sarkozy.Danslescommunesvoisines,Sainte-Magnance,Sauvigny-le-Beuréal,ellearrive en tête. Jean-Louis Groguenin est
convaincu que ce coup de colère aura des
suites. «Chez nous, le vote FN sera amplifié
aux législatives », assure-t-il. Depuis le
22 avril, il entend souvent cette phrase :
«Eva Joly, avec 2% des voix, elle va avoir des
députés. C’est pas normal que Marine
LePen, avec ses 17%, n’en ait pas. Il faut que
ça change.» p
Pascale Robert-Diard
(Vignes, Yonne, envoyée spéciale)
«OnestallésvoterMarine
LePen.Acinq,c’étaitsympa»
C
’était comme un jeu. Cinq garçons,
les doigts de la main pour ainsi dire,
unis depuis l’enfance à Vasteville,
unvillagedelaManche.Unagentdesécurité, un chômeur, un aide buraliste, un technicien chez Areva et un apprenti. Samedi
21 avril, veille du premier tour de l’élection
présidentielle, la soirée est bien arrosée.
« Ça parlait de Le Pen», raconte Guillaume,
20 ans, apprenti en BTS « Ava » (après-vente automobile) au Centre de formation
d’apprentis de Mondeville (Calvados). Il
est en alternance chez un concessionnaire
de véhicules de luxe à Cherbourg. Guillaume veut bien qu’on cite son nom de
famille (Delahaye) mais pas la marque des
voitures. Il semble se moquer de ce que
pensera son père, mais fait très attention à
son patron.
« On est allés voter tous ensemble. Pour
Marine Le Pen. A cinq, c’était sympa.» Pourquoi le Front national? Guillaume hausse
les épaules. «Pique-nique douille, c’est tombé sur elle. C’est pas son père. » Après un
momentde stupeur, ses camarades du CFA
deMondeville,quiontvotéJean-LucMélenchon, Nicolas Sarkozy ou rien, éclatent de
rire.«T’auraisputeretrouveràvoterCheminade! » Pas de jugement, pas d’opprobre.
« C’est pour ça, pour le second tour, je me
concentre», rétorque Guillaume. Le jeune
apprenti sourit. «Quand même, Marine Le
Pen à presque 18 %, y’a du pif. » Dans les
deuxsensduterme,flairouhasard,ilal’impression d’avoir joué gagnant.
Une terre ancrée à gauche
A Mondeville, l’une des trois communes de tradition ouvrière de la banlieue de
Caen qui forment le « Plateau », le FN a
atteint 15,33 % au premier tour. Pratiquement l’étiage de 2002 (Le Pen plus
Mégret), mais un doublement par rapport
à 2007, dans une terre ancrée à gauche
depuis les années 1920. « La droite parlementaire a perdu beaucoup de voix, on
peut supposer qu’elles sont allées au FN, et
le Modem s’est effondré », constate la maire socialiste de Mondeville, Hélène Mialon-Burgat, 34 ans. En 2005, comme un
coup d’avertisseur, la commune avait
voté non à 68 % au référendum sur la
Constitution européenne.
Dans le quartier Charlotte-Corday,
mélange d’habitat social et de zone
pavillonnaire, l’extrême droite a fait son
meilleur score, 17,1 %. Où sont les électeurs ? Derrière cette porte, où un berger
allemand assure : « Je monte la garde » ?
Elle s’ouvre, le chien est minuscule. « Votre
candidat est présent au second tour ? »,
demande Laurence Dumont, député de la
circonscription. « Ch’ai pas trop », répond
la dame un peu gênée. Trois cages d’escalier ont déjà été montées et redescendues.
« Mais ils sont où, les 17 % ? », ne cesse de se
demander Hélène Mialon-Burgat. « J’ai été
vraimentsurprise,celarestedifficileà expliquer», avoue cette jeune directrice d’école.
Malgré l’aide sociale dispensée – grâce à
une taxe professionnelle abondante pendant des décennies –, le seuil de fragilité de
la populations’est abaissé, « même chez les
gens qui travaillent, estime-t-elle. Il y a dix
ans, ils s’en sortaient. Maintenant, ils sentent que le basculement n’est pas loin ».
La lente agonie des hauts-fourneaux et
des laminoirs de la Société métallurgique
normande s’est achevée en 1993. Le site
s’étendait sur plusieurs hectares, dans la
commune voisine de Colombelles. Son
maire socialiste, Colin Sueur, 54 ans, a vu
pour la première fois dans les bureaux de
vote « des groupes de trois ou quatre personnes qui venaient voter ostensiblement
Marine Le Pen. Certains ne savaient pas lire.
C’est la France qui ne se lave pas, j’assume
la formule». L’architecte-urbaniste pense
qu’ils n’avaient jamais voté auparavant.
«Mais sinon c’est un vote sans portrait. Où
sontles gens avecqui l’on pourraitparler ? »
Christophe Mal, ambulancier de 41 ans,
militantau FNdepuisl’âgede16ans,seprésenteauxlégislativesdansla2e circonscription qui comprend une partie du Plateau
et l’ouest de Caen. Il ne se demande pas à
qui parler. Il fustige « les technocrates
bruxellois infectés par une irresponsabilité
chronique et incurable ». Il ne s’inquiète
pas du candidat de droite qu’il aura en face
de lui. « J’espère bien me maintenir au
second tour. L’UMP explosera. Nous sommes la vraie droite. » Ce n’est pas un jeu. p
Béatrice Gurrey
(Mondeville, Calvados,
envoyée spéciale)
0123
décryptages ENQUÊTE
Mercredi 2 mai 2012
17
A Saint-Gilles (ci-contre et en bas à gauche) et à Vauvert (page de gauche
et en bas à droite) comme dans tout le Gard, le FN est arrivé en tête. Membres
et sympathisants revendiquent leur vote. GILLES FAVIER/VU POUR « LE MONDE »
«On doit toujours justifier
qu’on est normal»
L
a lettre est parue dans Midi libre, le
25avril, juste après le premier tour de
la présidentielle. Sous le titre « Paisible», elle racontequ’on vote Front national
au paradis. «Mon village de 2200 habitants
ne connaît pas de fermeture d’usine », y
écrit un certain C.V. « Viticulture florissante, production de fruits et légumes, élevage
de taureaux (…) » Le FN vient d’y dépasser
30%. « Pendant combien de temps considérera-t-on les électeurs du Front national
comme des débiles ? J’en connais qui ont
votéMarineLePenparcequ’aucunedeleurs
attentes n’a été entendue. (…) Des petites
frappes pourrissent la vie de citoyens.»
En vrai, « Paisible » s’appelle Aubord,
commune du Gard, et on peut y arriver par
Saint-Gilles, 16 km au sud, célèbre pour
avoir été la première ville moyenne à élire
un maire FN, en 1989. Le parti a toujours
enregistré, il faut dire, de gros scores dans
ces coins-là et, depuis le 22 avril, le Gard
détient aussi un record: c’est le seul département où Marine Le Pen passe devant le
PS et l’UMP, avec 25,51 %.
A Saint-Gilles, donc, des élus socialistes
sont justement en train de mener campagne pour le deuxième tour et, quand leur
petite délégation remonte la rue principale, on dirait un frisson qui court le long
d’uneéchine.Onsebousculepour leurparler, on s’excite, on fait cercle. Mais ce ne
sont pas leurs sympathisants – pourtant
majoritaires ici, puisque la mairie est PS –
qui se poussent autour d’eux : ce sont surtout des électeurs FN, électrisés d’en par-
ler. « Moi, je le vote depuis 1986 », triomphe
GilBocassini,fonctionnaire,sur letonfaussement modeste de ceux qui ont senti le
coup avant les autres. Christian, un restaurateur (il souhaite comme d’autres rester
anonyme), assure que ça fait vingt-cinq
ansqu’ildénonce«l’insécuritédans lequartier chaud de la ville, les abus de l’immigration, la paresse qui rapporte plus que le travail». Une jeune dame proteste: « Quand
on vote FN, on doit toujours justifier qu’on
est normal. On est comme les autres, on
veut être respecté.»
Devant le bar Le Français, le ton monte
d’un coup quand Alex Quinto, plombier de
27 ans, se met à crier aux élus PS : « Vous
défendez les ratons ! » Sa famille est piednoir,mais «ils m’ontlaissé me faire ma propreopinion»,explique-t-il.C’estchosefaite
depuis que « des Marocains ont dragué
monex-copinedevantunepizzeria.Lesgendarmes sont arrivés. Qui ils ont pris ? Moi,
pas lesMarocains». Maintenant,«je suis un
facho et voilà tout », conclut Alex Quinto.
Le patron du Français refuse de laisser les
élusentrer: « Pas de politique ici.»
On peut aussi arriver à Aubord par Vauvert, à travers la Petite-Camargue, des villages isolés entre les rizières et les chevaux,
un pays de boulots durs et peu payés. « A
mon époque, on prenait les jeunes de 15 ans
pour la récolte des fruits. Ça nous donnait le
goût au travail, on était tous ensemble», dit
Nathalie,agricultrice,50ans.« Maintenant,
ce n’est plus permis, nos jeunes sont devant
la télé pendant que des étudiants chinois ou
desPolonaisramassentlesabricots.»Nathalie est assise à la permanence électorale du
FNàVauvert,oùl’avocatGilbertCollardlance déjà sa campagne pour les législatives.
Parmi la quinzaine de sympathisants présents, chacun a ses « raisons », comme ils
disent, le gazole devenu trop cher pour les
pêcheurs, le sel importé de Tunisie alors
que les Salines du Midi sont à 5 km, les
points qui valsent sur le permis de conduire, les droits de succession, les nectarines
que l’Espagne produit moins cher avec son
Le Gard détient un record:
c’est le seul département
où Marine Le Pen passe
devant le PS et l’UMP,
avec 25,51%
ça ? » s’indigne Christophe Gillet. Tous
« marinistes », ils sont reconnaissants
envers Jean-Marie Le Pen d’avoir « tenu la
boutique». « Il a peut-être tous les défauts,
mais il est fou amoureux de la France »,
assure Christophe Gillet.
Peu d’entre eux voteront pour Nicolas
Sarkozy, auquel ils reprochent d’avoir
« menti sur toute la ligne ». Geneviève
Deprecq,qui craintque les socialistesn’accordent le droit de vote aux étrangers
pour les élections locales, « plus tout le reste », votera peut-être pour le président sortant par crainte de « dégâts irréversibles ».
Ils souhaitent tous l’alliance avec l’UMP
mais à une condition : « Que la droite se
recompose autour de nous. » A droite, une
seule personne trouve vraiment grâce à
leurs yeux : Henri Guaino, « un monsieur ». p
salaire horaire à 6,50 euros. Sylvain, armurier, tempête contre « les règlements de la
chasse aux canards décidés par des gens qui
n’ont jamais vu de canards». Sa femme Fifi,
ex-mannequin au Sénégal, sait que tout
Vauvert la montre du doigt depuis qu’elle
fréquente le FN. « Je m’en fiche », dit-elle.
L’ambiancen’estni hostilenifâchée. Plutôt
pleine d’espoir : Marine Le Pen va tout
arranger,lescanardsetlesnectarines,«parce qu’elle va faire sauter le carcan», annonce Jean-Louis. « On reviendra à la vie
d’avant, c’est ce que veut tout le monde. »
Mais si c’était le cas, pourquoi n’y aurait-il
finalement « que » 17 % de suffrages nationauxensafaveur?«Celam’étonnemoiaussi», dit Alexandre, 37 ans. «Les gens ne sont
pas encore assez dans la merde.»
Voilà Aubord. Place de la mairie, on le
confirme: ici, on est bien au paradis. Tout
le monde a un boulot. Il y a un dentiste et
un podologue. On peut aller à Nîmes en
bus. Aucun visiteur ne s’arrête, tant
mieux, parce qu’il n’y a pas de centre commercial. Même l’eau est mieux qu’ailleurs,
pas meilleure mais moins chère.Il ne manque qu’une chose : un distributeur de
billets. Comme chacun se connaît, C.V.,
l’auteur de la lettre, est identifié sans peine : Christian Vezon, qui a une villa avec
piscineau hameau.Il estpolicierà la retraite. « Ce sont les petits trucs de la vie qui font
voter FN, pas les grandes théories. Quand
une voiture descend la rue, sono à fond,
trois fois de suite, je regarde les gens et j’en
vois au moins dix qui passent du côté Front
national.» Il affirme que ce n’est pas son
cas.Lui-mêmeest unancienélecteursocialiste, passé au MoDem, mais « je suis comme tout le monde, déboussolé. Si je n’avais
pas cette maison et ma famille, je partirais
dans un autre pays ». p
Anne-Sophie Mercier
(Cognac, Charente, envoyée spéciale)
Florence Aubenas
(Aubord, Gard, envoyée spéciale)
«Que la droite se recompose autour de nous»
Q
ui l’eût cru ? La Charente, où JeanMarie Le Pen n’avait jamais réussi à
percer, a voté à près de 18 % pour sa
fille, dimanche22 avril. La patronne du FN,
qui a obtenu des scores élevés dans les
campagnes, est arrivée en tête dans 27 villages et en deuxième position dans
93communes.
ACognac,ils sontsix à êtrevenus aurendez-vousautourde leur secrétairedépartementale, Marie-Christine Cardoso. Ils ont
envie de s’expliquer et acceptent que
leurs noms soient cités. Certains votent
FN depuis longtemps, comme MarieChristine Cardoso, d’autres sont arrivés
récemment, comme Jérôme Jaulin, travailleur indépendant et militant depuis
octobre2011, ou Christophe Gillet, salarié
de la fonction publique, qui a voté François Mitterrand en 1988, puis à droite, et a
atterri au Front depuis moins de deux ans.
Geneviève Deprecq, institutrice à la retrai-
te, présentéepar ses amis comme « la mascotte du FN de la Charente», est sympathisante de longue date.
Pour l’écrasante majorité d’entre eux,
le basculement s’est fait à la faveur d’une
pression médiatique intense. « Quand j’ai
entendu Tapie traiter les électeurs du FN de
“salauds”, je me suis dit que j’allais rejoindre les “salauds” et le faire savoir ! » raconte
Geneviève Deprecq. « L’hystérie collective » de 2002 a poussé Marie-Christine Cardoso et Laura Meunier, maquettiste de
presse, vers le FN.
En travers de la gorge
Tousfustigentune «culturedu mensonge », des chiffres « tronqués », aussi bien en
ce qui concernele nombre de voitures brûlées dans les cités que celui des reconduites à la frontière, sans parler des clandestins « bien plus nombreux qu’on ne le dit ».
A cette culture du mensonge, ils opposent
celle de la transparence, incarnée pour
euxparMarineLe Pen, dontils citent à l’envi le programme économique. « Aucun
candidat n’a produit un programme aussi
détaillé », affirme Christophe Gillet. Ils
apprécient cette « crédibilité ». Le Traité
constitutionnel européen, rejeté par référendum et qu’on a « imposé au peuple »,
leur reste en travers de la gorge : « Une trahison! », disent-ils en chœur.
Ils vivent à Cognac, parfois dans la banlieue d’Angoulême, ou dans des petits villages des environs, comme Birac,
245 votants, qui a placé Marine Le Pen en
tête. Ils ne vivent pas dans les cités, ne sont
pas au chômage, ils disent penser « à la
France ». « Les patriotes sont des altruistes », explique Marie-Christine Cardoso.
Ils s’offusquent de la façon dont la presse les présente. « Alors les gens du FN sont
mal dans leur vie, stupides, sous diplômés,
une sorte de sous-prolétariat minable, c’est
18
0123
décryptages LE GRAND DÉBAT
Mercredi 2 mai 2012
Oncroyaitceritueldésuet.Orlaprésidentielleavurefleurirsurlesplaces
desgrandesvilleslesréunionspubliquesenpleinair.Pourquoiuntelsuccès?
Une campagne tout en meetings
I
ls ont rythmé la campagne,donné le
tempo du débat politique, cadencé
letravaildesjournalisteset descommentateurs… « Ils», ce sont les meetings politiques, cette forme séculaire de mobilisation du peuple que
beaucoup d’acteurs politiques et médiatiques, à l’heure d’Internet et des réseaux
sociaux, jugeaient obsolète. Indéniablement, la campagne présidentielle 2012 leur
a donné tort. Que nous enseigne cette élection de la scénographie et du rôle des meetings dans notre démocratie élective et
notre société médiatique contemporaine?
Notre immersion sur le terrain des meetings des six principaux candidats (quatorze étudiés depuis janvier) et l’analyse (en
cours) des comptes rendus de presse (journaux, radio, télévision, Internet) nous permettent de dégager quelques éléments.
Attendus, visionnés, disséqués et abondamment commentés, les meetings ont
rarementtenu à ce pointle rôled’orchestrateurs d’une campagne présidentielleet suscité la curiosité des médias, en particulier
audiovisuels.L’élargissementdel’offretélévisuelle depuis la création de la TNT a généré une forte demande de contenus. Le meeting est devenu l’objet accessible et recherché de la compétition à distance, cessant
d’être le terrain de la seule joute politique
pour devenir l’enjeu d’une véritable guerre
d’images.
Pour comprendre ce processus puissant
de réhabilitation du meeting, il convient de
rappeler que les réunions publiques, au
XXe siècle, se déroulaient sur un mode
contradictoire, et que les adversaires pouvaient débattre directement à la tribune
devant leur public. Au cours de la seconde
moitiéduXXe siècle,lesmeetingssontdevenus monochromes, si bien que c’est à travers la mise en scène médiatique que l’on
perçoit aujourd’hui le rapport de force (et
desidées)entrelesdifférentscandidats.Cette réhabilitation du meeting révèle avant
tout la grande frustration des publics et des
journalistes à ne plus être témoins de ces
échangesdirectsquifaçonnentlejugement
politique des citoyens.
Le rituel politique
a engendré un
rituel médiatique.
Malheur à celui
qui n’en a pas
intégré les codes
Fort de cette nouvelle légitimité, le rituel
politique a engendré un rituel médiatique.
Devant les caméras, c’est à qui battra le
record de participants, occupera l’espace le
plus gigantesque et offrira le spectacle d’un
parti soudé autour de son leader. Malheur
au candidat qui n’en a pas intégré les codes.
Experts, chroniqueurs, éditorialistes, distribuentnonsansâpretéetorientationidéologique (toujours bien identifiée par les
publics) les « bons » et les « mauvais »
points: succès de l’entrée en campagne de
François Hollande au Bourget, début
périlleux d’Eva Joly à Roubaix, démonstrationvainedeFrançoisBayrouauZénith,etc.
Les journalistes ont le réflexe de rechercher
les références, les modèles étrangers ou les
précédentsfrançaisenmatièredescénographie(le«Bourget»deHollandecomparéau
meetingde la porte de Versaillesde Sarkozy
en2007),dressantainsiunevéritablegénéalogie des meetings.
L’engouement pour les meetings révèle
aussile poidsdesagendassurletravailjournalistique. Les rédactions ont mis en place
une division du travail, chaque journaliste
chargé d’un candidat n’ayant plus qu’à
attendre les mails des services de presse
pour organiser ses déplacements. Il a suffi
qu’intervienne un drame imprévisible, l’affaire Merah, pour comprendre à quel point
le retour du fortuit est venu perturber cette
mécanique ronronnante et bien huilée.
Face à la violence meurtrière, la violence
des joutes verbales est devenue à ce point
dissonante que plusieurs candidats ont
choisi d’annuler leurs réunions. Chose
curieuse, même le CSA a eu une réaction
tion » de son parti, s’est habilement pliée
aux codes traditionnels régissant les meetings: effacement du symbole partisan de
la flamme tricolorequi rappelleles origines
néofascistes du parti, recours à une société
de production pour assurer la mise en images de l’événement, valorisation de la jeunesse afin d’illustrer la capacité de Marine
Le Pen à séduire le jeune électorat, etc. Les
meetings du FN, feuilletonisés dès janvier
comme un rendez-vous du dimanche, ont
ainsi aidé la candidate à opérer la mue de sa
« normalisation», contribué à banaliser sa
visibilité médiatique, légitimant sans doute ainsi une adhésion en sa faveur.
La théâtralisation des meetings s’inscrit
donc dans une longue histoire. Cependant,
la campagne 2012 met en lumière deux
traits originaux. L’arrivée du printemps a
fait éclore une forme singulière de rassemblement:lesmeetingsenpleinair.L’initiative revient à Jean-Luc Mélenchon, qui, en
juin2011, a choisi de lancer sa campagne à
Paris sous le soleil de la place Stalingrad (à
l’endroitmêmeoùilorganiseraunmeeting
« contre Nicolas Sarkozy » le 4 mai prochain).LaplacedelaBastille,la plageduPrado, l’esplanade de Vincennes ou la place de
la Concorde: autant de lieux urbains, chargésdesymbolesetàcielouvert,mobiliséset
investis par les candidats pour convaincre
les électeurs.
En 2012, pourquoi les équipes de campagne ont-elles choisi de braver les difficultés
pour organiser ce type de rassemblements
ouverts? Pour deux raisons principales.
D’abord parce que, dans une campagne
Claire Sécail
Chargée de recherche au laboratoire Communication
et politique (CNRS). Claire Sécail est l’auteure du « Crime
à l’écran » (INA/Nouveau Monde, 2010)
Pascale Mansier
Chargée de recherche au laboratoire Communication
et politique (CNRS) et biologiste de formation (Inserm),
Pascale Mansier dirige l’axe « Sciences et médias »
du laboratoire et codirige le groupe de travail
sur « La médiatisation des meetings politiques »
Le laboratoire Communication et politique (CNRS)
est partenaire de France Culture dans le cadre du programme de recherche
« Médias et élections 2012 »
très politique en suspendant le décompte
des temps de parole.
Moment de rencontre entre les membres d’une même famille politique, le meeting donne lieu à une dramaturgie bien
réglée,finementdécryptéeparla presse.On
le sait, un meeting réussi est d’abord un
meeting tenu dans une salle comble, et les
équipes organisatrices ne sont pas avares
d’artifices: acheminement des troupes par
cars ou trains spéciaux, fermeture des portes sur des salles dont l’installation permet
l’illusiondesallespleines,convocationd’un
public impalpable installé chez lui devant
ses écrans.
Maislenombrenesuffitpas,ilfautégalement témoigner de la qualité de l’engagementdesparticipants.La jeunesse,enparticulier, est exposée devant les caméras. Les
troupesprésentesdanslessallessontencouragées à manifester bruyamment l’adhésion au candidat et le rejet de ses adversaires, autant d’élémentssonores particulièrement recherchés des journalistes radio. La
dramaturgiede ces rassemblements– a fortioriles« premiersmeetings»–doitéclairer
l’interrogation initiale: le candidat va-t-il,
selonla formuleconsacrée,«fendrel’armure» ? Même la candidate du Front national,
soucieuse de démontrer la « républicanisa-
a LES PRICIPAUX LIEUX DE MEETING
Seules les villes visitées par au moins
trois candidats sont représentées
F. Hollande
N. Sarkozy
M. Le Pen
Lille
J.-L. Mélenchon
F. Bayrou
E. Joly
Nombre de meetings par candidats
Rouen
3
2
1
Strasbourg
Paris
6 candidats
11 meetings
a NOMBRE DE MEETINGS POUR CHACUN
DES PRINCIPAUX CANDIDATS*,
du 1er janvier au 22 avril 2012
Nantes
Hollande
Sarkozy
Lyon
Le Pen
Mélenchon
Bayrou
Joly
12
10
Bordeaux
8
Nice
Toulouse
6
4
Montpellier
Marseille
2
0
janvier
février
mars**
avril
* Nous écartons ici les «déplacements » et les «réunions locales»pour ne retenir que les événements définis dans l'agenda
de campagne des candidats comme des «meetings», «réunions publiques» ou « grands rassemblements».
** Le 19 mars, le Conseil consitutionnel publie la liste officielle des 10 candidats.
SOURCE : LABORATOIRE COMMUNICATION ET POLITIQUE, CNRS (2012)
Vers une citoyenneté cathodique
AU CŒUR du fonctionnement démocratique, les « réunions publiques» ont émergé
et se sont épanouies à chaque installation,
en France, d’une nouvelle République, prenant appui sur la reconnaissance du
« droit de réunion». Il revient à la IIIe République d’avoir précisé le cadre réglementaire de ce nouveau droit, instauré en 1789 et
1848, par la loi du 30 juin1881, toujours en
vigueur aujourd’hui.
Si les nouvelles organisations partisanes qui se créent au début du XXe siècle
s’emparent bientôt de cette forme de
mobilisation du peuple, il faut attendre
l’entre-deux-guerres pour que les meetings deviennent de véritables spectacles.
Après la parenthèse autoritaire de l’Occupation et le retour de la vie électorale, la
France renoue avec l’esprit républicain
du meeting. Au même moment, un nouveau média est parti à la conquête des
foyers: la télévision. Mais la place accordée sur les petits écrans aux meetings
politiques des années 1950-1960 reste
marginale. Placé sous le monopole de
l’Etat, le journal télévisé réserve en effet
peu d’espace à la pluralité des opinions
politiques, négligeant les figures de l’opposition qui s’expriment lors des réunions publiques. Quand l’information
télévisée s’intéresse aux « meetings du
Bourget», c’est avant tout pour faire la
démonstration de la puissance de l’aéronautique française!
Il faut attendre l’après-Mai 68 pour
que le meeting politique devienne un événement télévisuel. Lors de la campagne
du référendum sur la régionalisation, en
1969, les meetings font l’objet d’un
engouement inédit de la part des JT. Dans
les années 1970, la mise en images est
cependant encore balbutiante: à l’écran,
les visages des orateurs politiques s’adressant à la foule sont souvent mangés par
des marées de micros radio et les reporters peinent à proposer une analyse criti-
que, se contentant de faire un montage
d’extraits des différents discours de candidats.
Avec les années 1980 et la professionnalisation de la communication politique, le meeting achève de se transformer
en un spectacle audiovisuel capable de
restituer au plus près le verbe de l’orateur
et les émotions collectives perceptibles
lors de ces rendez-vous. Mais il révèle aussi les rapports de force qui se jouent
désormais entre les journalistes et les
communicants, soucieux de maîtriser les
images autour de leur candidat. Les
années 2000 semblent avoir signé la
défaite des professionnels de l’information : entièrement produits par les partis,
diffusés en direct sur les chaînes d’info
continue ou sur Internet, commentés sur
les réseaux sociaux, les meetings sont
devenus des « hypershows» proposés
comme un horizon cathodique de notre
citoyenneté. p
marquéeparl’effacementdessymbolespartisans,lescandidatsont vouludécloisonner
unrituelsouventperçucommeréservéaux
seuls militants. Organisés souvent le weekend, les meetings en plein air ont attiré non
seulement les convaincus mais également
de simples curieux ou des locaux intrigués
qui n’auraient jamais osé se rendre dans un
espace fermé pour y écouter un discours
partisan. Du côté de la presse, le plein air ne
change rien à l’exercice. La curiosité des
médias est même plus forte: au meeting de
laBastille (18mars),le Frontdegauche a ainsidûaffronterun niveauinégalédedemandes d’accréditations (près de 250).
Twitter est aux
jeunes militants
actifs en ligne ce que
la colle était à leurs
aînés chargés de
tapisser d’affiches
les espaces urbains
L’autre raison est économique: les meetings de plein air ont l’avantage de réduire
considérablementles dépenses. Si les factures du Bourget (Hollande) ou de Villepinte
(Sarkozy) s’élèvent respectivement à 1 et
3 millions d’euros, l’occupation de la Bastille a coûté moins de 100 000 euros au
Front de gauche (pour une participation 3 à
4 fois plus importante).
Maisla nouveautéla plusfrappantede la
campagne reste l’engouement des chaînes
d’information continue pour les meetings
et la façon dont, en retour, ces rassemblements sont mis en scène et adaptés aux
grilles de BFM TV, i-Télé ou LCP. Discours
écourtés, images entièrement réalisées par
les équipes de campagne et fournies gracieusement aux télévisions: dans un régime d’économie médiatique, cette organisation est avantageuse pour ces chaînes qui
réalisent des pics d’audience en diffusant
en direct et en intégralité les discours des
candidats. Reste qu’il est surprenant d’observer la résignation générale des professionnels de l’information face à ce déni de
leur fonction et leur abdication face aux
équipes de communication.
Les premiers enseignements de notre
étude qualitative en réception (menée sur
despanels répondantà des critèressociodémographiques) montrent que les publics
ont parfaitement identifié cette inflexion
du contrôle des images, qu’ils perçoivent
comme un « véritable problème » pesant
sur leur droit à une information de qualité
et impartiale.
Enfin, si la télévision reste la plus « meetingovore», on constate, à travers l’irruption des réseaux sociaux, la construction
d’un véritable écosystème médiatique
autour de chaque meeting, les différents
supports s’observant et s’absorbant sans se
confondre, se partageant les rôles comme
les publics. La twittosphère politique, qui a
commencé à gazouiller lors des primaires
socialistes, s’est réellement déployée au
cours de la campagne 2012, l’outil de microblogging agissant comme un « saucissonneur» des discours politiques prononcés
par les candidats.
L’attrait de la nouveauté et le vertige des
volumes (30 000 tweets ont été envoyés
pendant le meeting de Villepinte entre
10heures et 16heures le 11mars) ne doivent
cependant pas nous conduire à surévaluer
l’influencedeTwitterdanscettecampagne:
l’outil répond avant tout à un usage partisan. Au fond, ce site de microblogging est
auxjeunesmilitants actifsenlignecequela
colle était à leurs aînés chargés de tapisser
d’affiches les espaces urbains. Rappelons
que seuls 5 % des Français (source : Lightspeed Research) se tiennent informés via les
tweets des candidats ou des journalistes
politiques.
L’issuedelacampagneestencoreincertaine mais, d’ores et déjà, le meeting, ce rituel
quel’on croyaittombé en désuétude,a révélé qu’il pouvait encore être le terrain de
mutations en matière de communication
politiqueet de pratiques médiatiques. p
0123
décryptages DÉBATS
Mercredi 2 mai 2012
Non au délit de «pré-terrorisme»
Il faut qu’Adlène Hicheur soit acquitté
Jean-PierreLees
Physicien, directeur de recherche au CNRS
MathieuBurnel
Mis en examen dans l’affaire de Tarnac
HalimHicheur
Frère d’Adlène Hicheur
RabahBouguerrouma
Porte-parole du Collectif viennois
de soutien à Adlène Hicheur
S
i nul ne peut croire sérieusement que le
6mai 2012 puisse altérer quoi que ce soit au
cours de nos existences, il n’en va pas de
même du 4 mai prochain, date du verdict
dans le procès d’Adlène Hicheur. Ce jour-là,
nous saurons enfin si le simple fait d’écrire
sur des forums virtuels des propos peu amènes pour
l’Occident constitue un acte de terrorisme passible de
plusieurs années de prison. Ce jour-là, l’autorité judiciaire déterminera enfin si l’on a ou non le droit de
considérer que le déploiement des armées occidentales en Irak et en Afghanistan est un acte de guerre, voire un acte d’invasion, et non une simple opération de
police menée pour le bien de l’humanité dans une
extension récente du territoire américain. Et si une telle opinion constitue en soi l’expression caractérisée de
sympathies « prodjihadistes».
Si la juge Rebeyrotte devait condamner Adlène
(même à une peine qui se limite à couvrir les deux ans
et demi de préventive qui viennent de lui briser le
corps), il conviendra d’en tirer toutes les conséquences. On auraalorsà cœurd’interdiretous les blogs anarchisants qui appellent à pendre les patrons, voire à
bouffer les riches, tous les groupuscules marxistes qui
défendaient la « résistance irakienne» contre l’« agression impérialiste US », tous les propalestiniens qui soutiennent ceux qui luttent contre l’« occupant sioniste»
ou, dans un autre registre, tous les xénophobes qui
appellent sans rire à égorger des Arabes le jour de l’Aïd,
comme tous les satanistes en herbe qui étalent une
volonté farouche de brûler une à une les églises de
notre pays. Avec un peu de persévérance, on se rendra
bientôt compte que les forums virtuels les plus anodins sont remplis d’intentions criminelles impunies.
On nous dira que le cas d’Adlène est tout de même
singulier, qu’on ne peut étendre qu’abusivement sa
situation au reste de la population. Certes, Adlène est
d’origine algérienne. Son père figurait déjà sur les
fichiers antiterroristes français, apparemment pour
avoir fait un pèlerinage à LaMecque. Pour aggraverson
cas,Adlène,commetantd’autresdesacité,a préférécollectionner les diplômes plutôt que les peines de prison.
Il est passé par Normale-Sup Lyon, était chercheur en
physique fondamentale au CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire). Voilà qui est peu
pardonnable. Ainsi qu’ont pu le constater tous ceux
quiont assisté à son procès, c’estun espritméthodique,
qui sait choisir ses mots, développer une pensée sans
se laisser dominer par tel ou tel chantage émotionnel.
On peut épiloguer tant qu’on veut sur le caractère
d’« exception» dela justice antiterroriste,sur le renver-
«En France, la proximité
entre le 1er-Mai et la tenue
d’élections est presque
constitutive de cette date»
sement des principes mêmes du droit qu’elle contient;
on n’a rien dit tant que l’on n’a pas élucidé la nature de
sa cohérence, qui, tout en s’inscrivant dans le champ
du droit, le déborde de toutes parts. Cette cohérence est
celle de l’actuelle gestion socialisée des affects.
Le terrorismeest le premiercrime défini par la nature affective de ses conséquences, le premier crime
affectif de l’Histoire. C’est pourquoi on peine tant à le
définir juridiquement. Le terroriste, l’acte terroriste, le
groupe terroriste, se définissent par ceci qu’ils font
peur, qu’ils répandent, dit-on, l’affect de terreur. Et la
justice antiterroriste est féroce, comme l’est la police
antiterroriste, parce que la peur rend féroce.
Ne soyons pas dupes : rien n’est plus exploitable et
malléable que le sentiment de peur, et c’est en cela que
la Direction centrale du renseignement intérieur
(DCRI) est une police éminemment politique. Le hic,
bien évidemment, c’est que toute la terreur associée à
telou telfait, qu’il ait eu lieu au café Terminusou à Toulouse, c’est l’appareil gouvernemental qui la produit
en exploitant le fait à dessein, et non son auteur.
Claude Guéant n’aura pas ménagé ses efforts et Nicolas Sarkozy ses effets pour répandre, et ce jusque dans
les écoles primaires, l’effroi lié aux assassinats de Toulouse. Les histoires de terroristes sont les contes cruels,
Danielle
Tartakowsky
Professeure d’histoire contemporaine
à l’université Paris-VIII
La manifestation annoncée par Nicolas
Sarkozy pour le 1er-Mai va-t-elle en changer le sens ?
«Les histoires de terroristes sont les contes
cruels dont on berce le sommeil agité
des solitudes démocratiques. Tout souci
de vraisemblance y est superflu»
pleinsde barbus, de bombes et de sabres, dont on berce
le sommeil agité des solitudes démocratiques. Tout
souci de vraisemblance y est superflu. On peut rafler
des musulmans pour le spectacle à la veille de l’élection présidentielle; et le refaire une semaine plus tard,
pour les libérer tous.
Dans le cas d’Adlène, on se souviendra du directeur
général de la police nationale, Frédéric Péchenard, se
vantant sur France Info d’avoir arrêté in extremis « un
individu autoradicalisé qui s’apprêtait à déposer une
bombe dans un régiment de chasseurs alpins». Bizarrement, lors de son procès, les journalistes, les amis et les
Adlène Hicheur,
soutiens d’Adlène purent constater que, comme par
physicien
magie, cette « bombe-à-deux-doigts-d’exploser» avait
franco-algérien
disparudes débats. Commeil fallaitbienparler de queldu Centre
que chose, c’est-à-dire consacrer le flair et le sérieux
européen de
sans pareil de la DCRI, on s’acharna à démontrer que le
recherche
contenu de quelques mails d’Adlène était si terrifiant
nucléaire, a été
que cela méritait bien six années de prison. Quelle
interpellé en
importance, l’image était déjà dans la boîte,
2009 pour
c’est-à-dire dans les têtes.
« association
Nous nous trouvons, avec le procès d’Adlène, à la
de malfaiteurs
croisée des chemins. Soit la justice valide la doctrine
en vue de
insensée du décèlement précoce, du « pré-terrorispréparer des actes
me », et se lance dans la neutralisation préventive de
terroristes»
tous les « individus autoradicalisés», par nature indétectables, qui courent les rues et les forums. Ce qui
signifie : basculer dans la psychose sous l’impératif
inaccessibledeprévoir l’imprévisible,affranchirla surveillance policière de tout prétexte, de toute limite.
Soit la justice antiterroriste acquitte Adlène, et renonce donc à confisquer une nouvelle fois ce qu’elle prétend protéger: la liberté. A vous de juger, il n’y va après
tout, dans cette affaire, que de ce simple détail. p
Salon chinois de l’autopar Serguei
19
¶
Il n’y a rien d’anormal à ce que chacun
s’arroge le droit d’utiliser un jour férié
pour organiser un rassemblement électoral. Aucune date n’a été privatisée, pour
reprendre un des termes qui ont circulé
ces derniers jours. Ce qui me paraît être en
question, c’est de savoir si on se saisit simplement d’une opportunité du calendrier,
ou si ce faisant on s’insère dans une histoire, et si oui, quelle histoire?
Rappelons que la proximité entre le 1erMai et la tenue d’élections est presque
constitutive. On s’est demandé, dès 1892,
s’il ne fallait pas repousser les élections à
cause de la proximité de ce jour. Ce qui me
frappe aujourd’hui, c’est que les syndicats
ne sont pas dans la logique de 2002. En
2002, on était dans le contexte de « manifestations de levée en masse » pour la
défense de valeurs.
Qu’est-ce qui diffère par rapport
à 2002 ?
En 2002, les partis de gauche étaient
présents aux côtés des syndicats pour
encourager ceux qui n’avaient plus faculté à le faire par la voie des urnes à s’exprimer dans la rue, puisque le second tour se
jouait entre la droite et l’extrême droite .
Cela posait un problème de légitimité.
Mais, cette fois-ci, nous ne sommes pas
dans cette configuration. La gauche a un
candidat, la droite a un candidat.
Je pense que les organisations syndicales feront en sorte que la manifestation
soit très puissante, délibérément revendicative, sans faire référence aux élections.
On reste bien sur ce qui fait l’essence du 1erMai : un rassemblement contre l’exclusion, le racisme, l’antisémitisme. Pour la
manifestation prévue par la droite, il
s’agit en revanche d’une première. C’est là
où il faut s’attendre à du nouveau, même
si l’invention est toujours relative.
Y a-t-il une manifestation de gauche, de
droite et d’extrême droite ?
C’est avec le 6février 1934 et le 12 février
1934 que se met en place une importante
distinction historique. Le 6 février 1934 se
produit une manifestation violente, une
« manifestation-insurrection», puisque
la destination devient l’Assemblée nationale. On compte des morts dans Paris. Il ne
s’agit pas d’une tentative de coup d’Etat
fasciste, mais les institutions sont prises
pour cible.
A contrario va s’organiser, le 12 février
1934, une manifestationà l’appel des organisations ouvrières, qui se déroule de la
porte de Vincennes à la Nation. Celle-ci va
devenir le prototype du cortège bien encadré, suivant un parcours négocié avec les
autorités.
Il a pour conséquence de redéfinir la
répartitiondel’espaceparisien. Lesorganisations ouvrières imaginent en effet de
défiler le 14 juillet1935 sur les Champs-Elysées, mais le ministre de l’intérieur socialiste, Roger Salengro, leur fait savoir qu’il
est préférable de ne pas soulever la question, car sa réponse ne pourrait être que
non. Voilà pourquoi le Front populaire va
construirece fameux triangleRépubliqueBastille-Nation, qui est aujourd’hui le terrain par excellence des manifestations
ouvrières.
De 1935 jusqu’en 1968, il y a bien, d’un
côté, un espace voué aux manifestations
ouvrières, qui sont autant de démonstrations de souveraineté populaire, et, d’un
autrecôté, un espace sanctuariséde la souveraineté nationale sis dans l’Ouest parisien.
La grande transformation survient le
30 mai 1968. Le général de Gaulle accepte
que se tienne une grande manifestation
gaulliste sur les Champs-Elysées. Voilà du
nouveau ! La manifestation, au sens où
nous l’entendons, ne faisait guère partie
jusque-là de son répertoire politique.
Pourle généralde Gaulle,il n’y a de rassemblementque statique,autourde sa personne.
Les gaullistes, n’ayant pas l’habitude de
manifester, vont donc faire des emprunts.
Ils imitent à la fois la Libération (on voit
des drapeaux, des brassards), tout en faisant entendre des slogans du type « Charlie, on est avec toi ». Il y a paradoxalement,
dans ce défilé, tout un côté soixante-huitard. Si on prend une autre grande manifestation de droite, celle de l’école libre, en
1984, qui finit par aboutir à la Bastille, on
voit que les espaces sont devenus interchangeables.
Aujourd’hui, tout Paris est devenu un
espaceouvertà la manifestation.On manifeste certes beaucoup plus à l’est qu’à
l’ouest, tous événements confondus. Il
arrive souvent que quatre à cinq, voire
dix, manifestations se déroulent en
même temps. Le lieu qui rassemble le
plus, c’est l’esplanade du Trocadéro. République, Bastille, Nation sont moins sollicitées qu’on ne croit.
Quelles sont les dernières évolutions de
la manifestation ?
Le sociologuePatrick Champagnea parlé de « manifestation de papier », en montrant comment, à partir des années 1970,
l’arrivée de la télévision a contribué à
modifier la mise en forme de la manifestation. Les ballons ont fait leur apparition
parce qu’on les voit tout de suite dans les
scènes de foule qui passent à la télé le soir.
Et donc toutes les organisations s’en sont
dotées.
«Chaque mouvement
conserve son histoire,
mais tendanciellement
l’uniformisation est à
l’ordre du jour. Sauf, dans
des périodes de crise
politique majeure»
Bien sûr, chaque mouvement conserve
son histoire, mais tendanciellement l’uniformisationest à l’ordre du jour. Sauf dans
des périodes de crise politique majeure. Il
faut alors innover. Par ailleurs, on note
depuis une dizaine d’années l’émergence
d’un phénomène d’individuation très forte. Beaucoup de gens recourent de plus en
plus à l’humour. On voit aussi des groupes
décalés s’inviter dans les cortèges, comme
le collectif Sauvons les riches.
Comment l’extrême droite manifeste-t-elle ?
Historiquement, par la violence. Ainsi
l’Organisation armée secrète (OAS) s’est
manifestée pendant la guerre d’Algérie
sous la forme d’attentats. L’extrême droite étudiante s’est, elle aussi, parfois, caractérisée par ses pratiques violentes.
Le Frontnational s’est constituéà partir
des micromouvements de transfuges de
la guerre d’Algérie, qui y ont importé aussi
ces pratiques violentes. Mais Jean-Marie
Le Pen a eu la capacité d’inventer autre
chose.
L’invention de la Fête de Jeanne d’Arc
était une réécriture assez astucieuse, parce qu’elle s’inscrivait dans un temps social
de la droite. Cette commémoration n’a
jamais été un phénomène massif, mais il
y a une histoire longue de ces mobilisations, qui datent même d’avant-guerre.
Aujourd’hui, Marine Le Pen met en garde
ses troupes afin d’éviter tout dérapage.
C’est aussi par là, dans la rue, que se traduit sa volonté de normaliser le Front
national, au moins par l’image. p
Propos recueillis par
Marc-Olivier Bherer
¶
Danielle Tartakowsky
est notamment l’auteure
de « Manifester à Paris :
1880-2010», éditions Champ
Vallon, 2010, et d’« Histoire
du 1er-Mai en France», éditions
Hachette Littérature, 2005
culture
20
ppp excellent
ppv à voir
pvv pourquoi pas
0123
Mercredi 2 mai 2012
vvv à éviter
L’Allemagne du Mur saisie sur le vif
Le film de Christian Petzold met en scène une femme-médecin tiraillée entre son désir de fuir et celui de résister
Barbara
ppv
L
e vent nouveau qui souffle
dans le cinéma d’outre-Rhin
depuis une dizaine d’années,
il revient à Christian Petzold de
l’avoir annoncé, dès 2001, avec
Contrôle d’identité, récit tendu de
la fuite d’un couple et de sa petite
fille qui remettait de manière
extrêmement originale l’Allemagne face au fantôme de la violence
politique et du terrorisme d’extrême gauche. S’ensuit une œuvre
que la distribution française n’a
pas hélas permis de suivre régulièrement, mais où l’intelligence du
rapport entre le décor et l’intrigue,
comme entre les personnages et le
Un usage délibéré
de la répétition et une
reconstitution à la fois
méticuleuse et
dépouillée du décor
«made in RDA»
contextesocial, est aussi pénétrante que révélatrice. Peu d’œuvres
possèdent comme la sienne cette
capacité à saisir l’histoire contemporaine allemande en l’inscrivant
aussi fortement dans la dimension proprement politique de l’espace et de l’architecture, dans la
manière qu’ont les hommes de s’y
mouvoir.
Cette remarquable mise en
valeur de l’esprit des lieux, Petzold
la met une fois de plus en œuvre
dans son septième long-métrage,
qui se déroule, comme l’annonce
son cartond’ouverture,en Allemagne de l’Est en 1980. Nina Hoss,
beauté hiératique et inquiète, y
incarneBarbara Wolf, médecin des
hôpitaux récemment mutée dans
une ville de province, au bord de la
mer, après avoir été emprisonnée
à Berlin. Elle y fait la connaissance
d’André, son médecin chef, et y
noue d’emblée avec lui une relation empreinte d’ambiguïté et de
désir. Courtisée avec une ténacité
discrète par cet homme qui exerce
son métier avec une singulière
compassion, Barbara se refuse
Barbara Wolf (Nina Hoss), médecin à la beauté hiératique, avec son supérieur André (Ronald Zehrfeld), qui tente de la conquérir. CHRISTIAN SCHULZ
avec une égale ténacité à ses invites, sans toutefois rompre tous les
ponts.
La raison de son attitude ne tarde pas à être révélée. Barbara – surveillée nuit et jour par un flic qui
saccage régulièrement son appartement et lui inflige l’ignominie
de la fouille au corps – n’ignore pas
qu’André est tenu de rapporter ses
faitset gestesà lapolice, et échafaude par surcroît un plan pour passer à l’Ouest. Un projet auquel elle
travaille clandestinement en compagnie de son amant, un Allemand de l’Ouest résidant en ville
pour des raisons professionnelles,
en compagnie duquel elle prépare
une échappée maritime jusqu’au
Danemark. Parallèlement à ce dessein secret, Barbara se trouve de
plus en plus impliquée par son travailà l’hôpital, où elle se lie notamment d’amitié avec une jeune
patiente échappée d’un camp de
travail. Sans qu’elle le veuille ni ne
le décide sans doute, ce rapport à
sa fonction la convainc de l’utilité
de sa place en ce lieu, et la rapproche insensiblement, chaque jour
un peu plus, d’André.
Entre la tentation de la fuite et
la responsabilité morale de la
résistance, entre l’échappatoire
individuelle et la naissance d’un
amour, un hiatus se fait jour, un
motif tragique se dessine, dont on
taira évidemment la résolution.
L’intrigue n’est pas, au demeurant, le fil qui nous relie le plus fortement à ce film. C’est plutôt l’atmosphère que réussit à instaurer
le réalisateur qui saisit le plus fortement. Un sens de l’économie
remarquable, un usage délibéré
de la répétition et une reconstitution à la fois méticuleuse et
dépouillée du décor made in RDA
permettent, en l’occurrence, à
Christian Petzold d’instiller ce climat propre à la société totalitaire,
où la suspicion généralisée règle
les rapports sociaux et où l’abjection, domestiquée, devient pure
affaire de routine. Cette terreur
quotidienne est d’autant plus efficacement suggérée que le réalisateur n’a pas cherché à effacer les
éventuelles beautés qui les entourent, ni le charme bucolique,
dépeint dans une gamme chaude
et automnale, de la nature qui lui
sert d’écrin.
Il est d’autant plus intéressant
de comparer le film avec les deux
plus grands succès contemporains connus par le cinéma allemand dans son évocation de la
RDA : Good Bye Lenin ! (2003), de
Wolfgang Becker, et La Vie des
autres (2006), de Florian Henckel
von Donnersmarck. Entre la satire
enjouée et nostalgique du premier et le drame paranoïde finement ciselé du second, ce que parvient à toucher Barbara est d’une
autre nature, peut-être plus juste
et plus profonde. Quelque chose
qui montrerait l’horreur dans sa
trivialité. p
Jacques Mandelbaum
Film allemand de Christian Petzold.
Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Rainer
Bock (1 h 45).
Christian Petzold et Nina Hoss, le réalisateur séduit et la muse conquise
Rencontre
C’est un couple vieux de dix ans.
Christian Petzold a dirigé Nina
Hoss pour la première fois en
2001, pour un téléfilm, Dangereuses rencontres. Depuis, ils ont travaillé ensemble à cinq reprises.
Pour Yella, Nina Hoss a remporté
le prix d’interprétation du festival
de Berlin en 2007. Cette année,
lorsque Barbara a été présenté à
la Berlinale, la presse allemande a
couvert le duo d’éloges. A 51 ans,
Petzold est l’aîné de cette « école
de Berlin » qui a redonné de l’éclat
au cinéma allemand. C’est aussi,
de tous ces réalisateurs, celui qui
a le mieux réussi à établir le
contact avec le public. Grâce à
Nina Hoss. De passage à Paris, le
duo revient sur cette liaison artistique. D’abord pour en préciser la
nature. « On me demande sou-
vent : “Est-ce que c’est votre
muse?”, dit le cinéaste, et il y a une
espèce de sous-entendu: “Est-ce
qu’il y a une relation amoureuse?”
Non, ce n’est pas ça, c’est la solitude que Nina arrive à transmettre
en tant qu’actrice qui m’a séduit. »
«Vide, au bon sens du terme »
On était en 2001 et Christian
Petzold a fait passer des auditions
à deux actrices. L’une jouait « avec
passion», l’autre, Nina Hoss,
25 ans, était « vide, au bon sens du
terme», se souvient le réalisateur.
« Elle posait des questions et n’apportait pas tout de suite de propositions, ce qui m’a inquiété au
début.» L’actrice sortait d’une école d’art dramatique, où elle s’était
délibérément débarrassée de son
assurance. « Je lisais et je récitais
très bien, raconte-t-elle. Mon professeur m’a félicitée et m’a dit :
“C’est du bluff, tu ne sais pas ce
que tu dis.” J’ai décidé de ne plus
jamais faire semblant de savoir. »
Tout au long de la décennie,
Nina Hoss a poursuivi sa carrière
au théâtre (elle vient de créer La
Cerisaie à Berlin avec le Deutsches
Theater) et au cinéma, retrouvant
Christian Petzold, qui lui a donné
le premier rôle dans ses trois derniers films, Yella, Jerichow et Barbara. Trois films qui marquent un
glissement géographique vers
l’Est, ce qui n’étonnera pas chez
un homme fils de réfugiés, sa
mère des Sudètes, son père de
Saxe. « Mes personnages sont en
transit. Si l’on regarde la RFA avec
Google Earth, on a une impression
d’ordre, parce que les Allemands
sont ordonnés, mais en dessous
tout est en flux. Nina est une actrice qui n’est jamais arrivée, qui
n’est jamais chez elle. Elle projette
la solitude comme personne.»
Il ne s’agit bien sûr pas de répéter cette même figure à chaque
film. Barbara, situé en République démocratique allemande
(RDA) en 1980, marque une rupture. En riant, Christian Petzold
explique que ses amis de l’école
berlinoise lui ont reproché le
conformisme de sa mise en scène, qui utilise pour la première
fois le champ-contrechamp.
« Mais si j’avais laissé la caméra à
l’extérieur des personnages, je me
serais mis dans la position de
l’Etat et de la police qui les surveillent. Or il fallait montrer ce
qui se passait entre les êtres, la
méfiance, la nécessité de scanner
l’autre sans répit, un climat d’angoisse permanente. On ne pouvait filmer ça qu’en se plaçant
tout le temps au niveau du regard
des personnages. »
Ce travail procède d’une organisation particulière. « Je ne connais
aucun autre metteur en scène qui
offre les conditions que l’on rencontre avec Christian, dit Nina Hoss.
Tous les matins, nous passons deux
ou trois heures avec lui et les comédiens à répéter, à parler des scènes
du jour. Pendant que nous nous
maquillons, les techniciens se mettent en place et, quand nous arrivons sur le plateau, nous pouvons
nous concentrer sur notre personnage. C’est dans cette tranquillité
et ce respect qu’on peut raffiner le
jeu. Il ne faut pas penser non plus
que ça se passe dans le plus grand
sérieux, il y a aussi des moments
d’une incroyable légèreté.»
« On se serait quittés »
On aborde forcément la question des grands couples de cinéma Sternberg et Dietrich, Cha-
brol et Huppert, Fassbinder et
Schygulla. Petzold raconte que,
pour la préparation de Barbara,
ils ont regardé Stromboli, de Rossellini. « Il y avait un livret, dit-il,
sur lequel on voyait des photos
de Rossellini et Ingrid Bergman,
d’abord se promenant main
dans la main sur l’île de Stromboli, au début de leur histoire, puis
au moment de Voyage en Italie,
quand ils se sont séparés. Je me
suis dit qu’on avait la chance de
ne pas être un couple, qu’on se
serait quittés avant d’avoir fait
quatre films. » Ils se retrouveront en 2012, poursuivant leur
voyage vers l’Est. Christian
Petzold a écrit pour Nina Hoss
l’histoire d’une survivante d’Auschwitz qui revient à Berlin
« pour reconquérir sa vie et son
homme ». p
Thomas Sotinel
Une journée avec
le violoncelliste Jean-Guihen Queyras
mercredi 2 mai 2012
À 18 h, il reçoit ses amis musiciens
en public et en direct de Radio France -
entrée libre
Ce monde a besoin de musique

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