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10 planète 0123 Mercredi 2 mai 2012 En France, les animaux sont encore… des meubles Le débat sur le statut juridique des bêtes s’intensifie, mais se heurte aux lobbies des chasseurs et des agriculteurs U n chien n’est pas une chaise. Une évidence ? Ce n’est pourtantpascequeconsidère notre Code civil, pour lequel, depuisNapoléon,les animauxsont inscrits dans la catégorie des biens. Et plus précisément des « biens meubles»,objetsqui,parleurnature, « peuvent se transporter d’un lieu à un autre ». De plus en plus de personnes réclament une réforme de ce statut. D’où un projet d’avis, proposé par le président de la Ligue de protection des oiseaux, Allain Bougrain-Dubourg, qui a été validé en Des textes contradictoires Code civil Il distingue les personnes des biens, déclinés en deux catégories : les biens meubles et les biens immeubles. L’animal appartient à la catégorie juridique des meubles (article 528). Code rural Depuis la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, le code rural reconnaît l’animal « approprié » comme un être sensible (article L.214), envers lequel l’exercice de mauvais traitements est interdit, qu’il soit domestique ou tenu en captivité. Les animaux à l’état sauvage ne sont pas concernés. «Aux Etats-Unis, le droit animal attire de plus en plus d’étudiants» Code pénal Réformé en 1992, le code pénal a tenu compte de la contradiction existant entre codes civil et rural. Plutôt que de classer les délits de cruauté contre les animaux dans la catégorie des délits contre les biens, il a choisi de créer pour ces « êtres sensibles » une catégorie à part, celle des « autres crimes et délits ». Jean-Marc Neumann juriste et blogueur avril 2011 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Mais las! Bien qu’adoptée à l’unanimité par la section environnement, puis validée par le bureau du CESE, cette saisine a été stoppée net, mercredi 25 avril, en raison des violentes tensions qui se sont progressivement instaurées entre naturalistesd’unepart,etreprésentants des chasseurs, pêcheurs et agriculteurs d’autre part. « La pression des lobbies a été si forte qu’elle a rendu tout débat impossible sur ce sujet éthique, au pointquenousavonsdûnousrésoudre à faire voter, au sein même de la sectionenvironnement,sur lapoursuite ou non de la saisine. A une voix près (14 contre13), celle-ci a été rejetée. Depuis que le CESE existe, cela n’était jamais arrivé ! », s’indigne M. Bougrain-Dubourg. « Si l’on ne peut pas réfléchir sereinement à des questions de ce type dans une assemblée démocratique comme celle-là, où pourra-t-on le faire ? », s’inquiète Anne-Marie Ducroux, présidentede lasectionenvironnement,qui adûserésoudreàorganiser le vote. En dépit d’une proposition de loi déposée, le 3 avril, par le député Jacques Remiller (UMP), demandant à ce que les animaux soient reconnusdansle Codecivil comme «desêtresvivantsdouésdesensibilité », le temps ne semble donc pas venu de voir s’engager cette réforme. Est-ce pour cela, entre autres, que l’enseignement du droit animalreste si peu développé en France ? Moins qu’en Espagne et que danslespays anglo-saxons(Royau- me-Uni, Canada, Australie), et bien moins encore qu’aux Etats-Unis ? L’université Lewis & Clark de Portland, dans l’Oregon,vient d’annoncer le lancement, à l’automne 2012, du premier master au monde exclusivement consacré au droit animal. Et le pays dans son ensemble compte quelque 120 universités – parmi lesquelles Harvard et Stanford – proposant des cours dans cette matière. « A la suite de la publication du livre du philosophe australien Peter Singer, Animal Liberation, en 1975, un vaste mouvement en vue de la reconnaissance de droits en faveur des animaux s’est développé en Amérique du Nord », explique le juriste Jean-Marc Neumann, qui tientunblogexclusivementconsacré à ce sujet (Animaletdroit.blogspot.fr). « Par sa nouveauté, son inégalable richesse résultant de sa transversalité [le droit civil, le droit pénal, le droit de l’environnement, le droit administratif, le droit constitutionnel sont concernés], son originalité, l’apport de notions philosophiques et éthiques, ses opportunités nouvelles de carrière, le droit animal attire, aux EtatsUnis, de plus en plus d’étudiants», énumère M. Neumann. Si Lewis & Clark reste pour le moment la seule université anglo- Peut-on être le «gardien» de son ver solitaire? UN MOTOCYCLISTE demandant réparation après avoir percuté un sanglier sur une voie publique; un chien dont aucun des époux divorcés ne veut la garde ; un jugement visant à déterminer si un stagiaire en formation agricole est « gardien» du ver solitaire dont il est porteur et, par là même, responsable de la contamination du troupeau dont il avait la charge… Les chroniques de jurisprudence de la Revue semestrielle de droit animalier offrent un aperçu des limites et des contradictions auxquelles sont confrontés les hommes de loi, dès lors que l’animal entre dans le prétoire. Et plus encore lorsqu’il s’agit d’un animal sauvage. A la différence de l’animal domestique ou apprivoisé, la bête sauvage ne bénéficie pas du statut d’«être sensible» reconnu par l’ar- ticle L-214 du code rural. Celui-ci précise que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce» – ce qui exclut, de fait, ceux qui ne sont pas placés sous une protection individuelle. Statut d’être vivant Le droit de l’environnement ne se préoccupant que de la gestion des populations, l’animal sauvage ne peut être protégé qu’à titre collectif. «Alors que l’animal de compagnie fait l’objet de toutes les attentions, l’animal sauvage peine à trouver une place privilégiée au sein du droit», confirme Séverine Nadaud, maître de conférences en droit privé à l’université de Limoges. Mais, selon elle, «le temps du changement, celui d’une plus grande égalité de protection entre animal sauvage et non sauvage, n’est peut-être pas si éloigné que cela». En novembre2011, la Commission européenne a ainsi proposé d’interdire la pratique du shark finning (découpe des ailerons sur les requins vivants avant de les rejeter en mer). De même, l’Union européenne condamne depuis 2009 la chasse commerciale aux phoques, «animaux sensibles qui peuvent ressentir de la douleur, de la détresse, de la peur et d’autres formes de souffrance». Et la répression des actes de cruauté envers la faune sauvage fait l’objet, un peu partout dans le monde, de débats très vifs. « En France, une proposition de loi [déposée par Roland Povinelli (PS)] reconnaissant à l’animal en liberté le statut d’être vivant et sen- sible dans le code civil et le code de l’environnement a été enregistrée à la présidence du Sénat le 24 juin 2011», ajoute Mme Nadaud. Elle reste à être débattue. A quoi s’ajoutent deux textes réglementaires récents: un arrêté du 18 mars 2011 précisant les conditions de détention et d’utilisation des animaux sauvages de cirque, et un arrêté du 1er juillet 2011 relatif aux modalités de protection des mammifères marins. Pour toute une série de cétacés, de siréniens et de pinnipèdes, ce texte interdit de procéder à « la perturbation intentionnelle incluant la poursuite ou le harcèlement des animaux dans le milieu naturel». Les prémices d’une prise en compte, dans le droit français, de la sensibilité des animaux sauvages. p C. V. saxonne à proposer un master dédié à cette discipline, beaucoup d’autres (Melbourne en Australie, Northampton au Royaume-Uni) ontdéveloppédes mastersen bienêtre animal, qui intègrent dans leurs programmes des cours de droit animal. Une tendance que l’on retrouve jusqu’en Catalogne, où la faculté de droit de l’Université autonome de Barcelone a lancé, enoctobre2011,un masterinterdisciplinaire intitulé « Droit animal et société». Et en France ? Rien ou presque. La faute à Descartes,et à sa philosophie de l’animal machine? Un peu, sans doute. Mais pas seulement. « Dans le discours philosophique moderne, l’animalité est toujours définie de manière négative, privative, comme un ensemble de manques: comparé à l’homme,l’animal sera dénué d’âme, de raison, de conscience… Au-delà du domaine savant, cette vision privative se retrouve aussi dans nos pratiques. Et ce qui régit nos pratiques, ce sont, pour beaucoup, les législations », remarqueFlorenceBurgat,philosophe au Centre de recherche Sens, Ethique, Société (CNRS-Université Paris-Descartes) et spécialiste de la question animale. Ce qui nous ramène au Code civil, et à la catégorie des biens mobiliers. Jean-Pierre Marguénaud, juriste universitaireà la faculté dedroit de Limoges et directeur de la Revue semestrielle de droit animalier, en est persuadé : si l’application des peinesrelativesauxdélitsdecruauté reste négligeable dans notre pays, et si l’enseignement du droit animal y est encore embryonnaire, c’est en grande partie à ce statut juridique qu’on le doit. « Il y a en France des textes protecteurs des animaux qui sont assez avancés. Maislesmêmesdispositionsprotectrices ne seront pas interprétées avec la même force, la même ampleur et la même efficacité dans un système qui continuera à dire quelesanimauxsontdesbiensmeubles, que dans un système où on a affirmé le contraire », déclare-t-il. En Suisse, depuis le 1er avril 2003, une disposition du Code civil affirme expressément que les animaux ne sont pas des choses. Le futur chef de l’Etat français ouvrira-t-il une réforme similaire? Et notre pays restera-t-il encore longtemps à l’écart de l’essor que connaît dans le monde entier l’enseignement du droit animal ? Le ventpourraittourner.Ainsil’épreuve écrite de l’agrégation externe de philosophie, qui se déroulait le 21 mars, portait cette année sur le thème de l’animal, une première. «C’est un détail, mais quand on sait à quel point le milieu académique estrestélongtempsferméàcesquestions, il a son importance », note Mme Burgat. Autre signe annonciateur : M. Marguénaud, qui s’est récemment rendu à l’université de Barcelone, en est revenu avec quelques dépliants sur le nouveau master « Droit animal et société». «Quand j’ai retrouvé à Limoges mes étudiants en droits de l’homme, ils se sont véritablement rués dessus », raconte-t-il. La preuve, à ses yeux, que cette question « est véritablementdevenueunequestiondesociété,etnonseulementdelobbiessocioprofessionnels». p Catherine Vincent Le combat de la Californie contre le «dragon jaune», bactérie qui détruit ses agrumes Après la Chine, le Brésil et la Floride, un insecte de la famille des pucerons contamine les arbres fruitiers de l’Etat américain Los Angeles Correspondance T ous les agrumes des jardins et des vergers de Californie – citronniers, orangers, pamplemoussiers, etc. – sont menacés par un petit insecte porteur d’une bactérie mortelle, et sans antidote jusqu’à présent. Le 30 mars, le premier arbre malade, un hybride de pomélo et de citronnier, a été découvert dans le jardin de Mary Wang, une résidente du quartier d’Hacienda Heights, dans la banlieue de Los Angeles. « Désormais, nous avons une bactérie, mais aussi un moyen de transport», s’inquiète Kurt Floren, du Bureau de l’agriculture du comté de Los Angeles. Appartenant à la famille des aphidés (celle des pucerons), l’Asian citrus psyllid – le « psylle asiatique des agrumes» – est un insecteporteur de la bactérie huanglongbing(enchinois,« maladie du dragon jaune »). Il peut parcourir jusqu’à un kilomètre par jour, et, d’arbre en arbre, détruire lesagrumesdesjardinsdesparticuliers comme des vergers commerciaux. « Plus de la moitié des Californiensontdesorangersoudescitronniers dans leur jardin. Ces arbres fruitiers font partie de notre héritage », estime le porte-parole du ministèrecaliforniendel’agricultu- re, Steve Lyle. Jusqu’ici, l’Etat, qui produit 70 % des agrumes frais consommés par les Américains, avait été épargné par cette épidémie, qui a déjà décimé les agrumes en Chine, au Brésil et en Floride. La bactérie aurait été introduite par une greffe de pomélo venu de Chine, sur un citronnier. Un groupe d’amis passionnés d’horticulture,sesontpartagédesboutures,faisant craindre une propagation aux responsables californiens, des jardins urbains aux zones agricoles. « La situation est extrêmement sérieuse»,affirmeTedBatkin,leprésident du Citrus Research Board, l’organisme représentant l’industrie californienne des agrumes, dontlechiffred’affairesestde2milliards de dollars (1,5 milliard d’euros). « Cette maladie tue les arbres, et nous ne disposons d’aucun remède. Heureusement qu’en Californie nousavonsmisenplace,depuisquatre ans, un programmededétection très agressif.» « Politique de la peur » L’arrivée de l’insecte porteur du huanglongbing était attendue : plus de dix mille pièges à insectes ont été tendus et testés régulièrement. L’épidémie s’est déclarée en zone urbaine, mais, faute de savoir tuer la bactérie, les autorités doivent empêcher sa progression vers le nord et la Central Val- ley, berceau de l’agriculture. Parmi les mesures annoncées pour stopper la propagation: une pulvérisation obligatoire d’insecticides dans un rayon d’environ 600 mètres autour du premier arbre détecté, et l’arrachage de tout arbre contaminé – racines comprises –, qui sera analysé puis détruit. Puis la mise en place d’une quarantaine pendant deux ans sur près de 50 km2 alentour, où il est interdit aux pépiniéristes, marchands des quatresaisons,épiceries,supermarchés, mais aussi aux simples résidents, d’importer, d’exporter ou même de transporter des agrumes sous quelque forme que ce soit. « Il n’est même plus autorisé d’appor- teruncitrondevotrejardinàunvoisin», confirme Kurt Floren. Afin de sensibiliser les résidents, les autorités locales organisent des réunions publiques et diffusent des tracts d’information en anglais et en espagnol, mais aussi en chinois, vietnamien, khmer, car la Gabriel Valley abrite une forte population d’origine asiatique. Mais un internaute, agriculteur bio d’après son pseudo, « organiccitrusgrower», ne croit pas au danger : « En Floride, les agriculteurs gèrent très bien cette maladie; voilà encore la politique de la peur répanduepar ceux qui cherchentà vendre des pesticides», juge-t-il. p Claudine Mulard france 0123 Mercredi 2 mai 2012 11 Sucypartagéeentre solidaritésetsuspicions envers«ses»Roms Lajustice doit se prononcerjeudi 3mai sur une demande d’expulsionformuléepar l’intercommunalité à quiappartientle terrainsur lequelils se sont installés Reportage L e hangar dissimule sa déglingue au bout d’un chemin, dans la zone industrielle de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). En approchant,une forteodeurde cuisine, de poulet rissolé dans l’huile, envahit l’atmosphère, en même tempsquerésonnentsousletoitde tôlelebruitdumétalqu’onmartèle et les cris d’enfants qui jouent. Des hommes vivent là, des Roms. Un gamin surgit à vélo, freine, fait demi-tour et se dépêche de prévenir les adultes de la venue de visiteurs. Depuis plusieurs semaines, le camp est en alerte, l’ouïe en éveil etlesnerfsàvif.Letribunald’instancedeBoissy-Saint-Légerdoitse prononcer,jeudi3 mai,surunedemanded’expulsionformuléeparl’intercommunalité à qui appartient le terrain. La vague de froid, quelques contretemps juridiques et l’habileté procédurière de leur avocat ont retardé la décision du juge. Mais elle va bien finir par tomber. Enièmerebondissementetpeutêtre énième déménagement à prévoir. Ces migrateurs contraints en ont l’habitude, savent en un instant entasser dans une camionnette les lits, les ustensiles de cuisine, la télé de récupération, les jeux des enfantsavantquelapolicenesaccage les lieux pour empêcher tout retour. Cela fait combien de fois ? Six, sept, huit ? Personne ne sait exactement. L’histoire des Roms à Sucy a débuté en 2008, ce jour où trentequatre membres d’un clan ont posé en catimini leurs affaires sur un premier terrain en friche et élevé de bric et de broc des cabanes. Ils venaient d’Argès, près de la ville de Pitesti, en Roumanie, mais n’arrivaient pas en ligne directe. Deux ans déjà qu’ils erraient en Ile-deFrance, squattaient des terrains à Evry puis à Choisy, forcés à chaque fois de partir. Ils ont donc passé le dernier hiver dans ce hangar à l’abandon, ont fait des bureaux délabrés autant de chambres exiguës où s’entassent les familles. Ils ont construit dans chaque pièce un fourneau en terre qui dispense une douce chaleur et sert à la cuisine. Ils ont mis un coup de peinture, collé des affichesde paysageset de chanteurs. Ils ont des générateurs pour l’électricité, vont chercher l’eau on ne sait où. Question d’habitude. Depuis quatre ans, les habitants de Sucy voient les allées et venues de ces intrus et de leurs camionnettes brinquebalantes, font avec. On ne sait pas grand-chose de ces gens. D’aucuns les disent d’honnêtes ferrailleurs qui parcourent la région à la recherche de vieux métaux, vivant de leur travail et non de la mendicité. Mais, au début de l’année dernière, une vague de cambriolages a frappé la commune et les regards se sont tournés vers eux, sans autre preuve que leur mauvaise réputation. Les Roms se sont ainsi incrustés dans le paysage entre indifférence et suspicion. Un comité de soutien est cependant né en septembre2010. Il est composé de paroissiens et de gens de gauche, touchés au cœur par la précarité de leur situation (Le Monde du 22 mars 2011). Ces hommes et ces femmes aidentcommeilspeuventlessquat- L’histoire des Roms à Sucy a débuté en 2008, ce jour où ils ont posé en catimini leurs affaires sur un terrain en friche teurs,àl’occasionleuroffreleursalle de douche, leur machine à laver. Ils se retrouvent parfois aux marges de la légalité mais ne se posent pas la question, mettant en avant les principes moraux. Largementcomposé de néophytes, le comité prend régulièrement conseil auprès de Romeurope, une association autrement aguerrie. C’est ainsi que, lors d’un des multiples déménagements forcés, le comité a protégé les Roms quelques jours sur un nouveau terrain, en prenant soin de faire livrer discrètement une pizza à ses clandestins. Le reçu a ensuite servi à prouver qu’ils occupaient le terrain depuis plus de 48heures et ne pouvaient donc être expulsés sans une décision de justice. ASucy,lecomiténefaitpasl’unanimité, loin de là. La question des Roms divise, exaspère même, pardelà les clivages traditionnels. Au sein de la paroisse, les défenseurs des Roms ont dû affronter des réactions violentes à la sortie de la messe. Mêmes avis partagés à gauche où une partie des maires et des élus des communes environnantes se sont enfermés dans un silence gêné, ne souhaitant surtout pas Justice Karachi: MM.Balladuret Bazire accuséspar le trésorierde campagne Edouard Balladur, candidat à l’élection présidentielle de 1995, et Nicolas Bazire, son directeur de campagne d’alors, ont été accusés par l’ex-trésorier de campagne de M. Balladur, René Galy-Dejean, d’avoir ordonné le versement de 7 millions de francs (1,07 million d’euros) en banque sans en révéler l’origine. M. Galy-Dejean a fait cette déclaration dans le cadre d’une confrontation avec M. Bazire devant les juges chargés de l’affaire Karachi, Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, selon des procès-verbaux que l’AFP a consultés. Les magistrats cherchent à savoir si des commissions sur des contrats d’armement avec l’Arabie saoudite et le Pakistan ont pu être détournées au profit de la campagne de M. Balladur. Ils s’interrogent notamment sur l’origine du versement de 10,2 millions de francs. M. Galy-Dejean assure n’avoir déposé que 3 millions de francs (1,55 million d’euros). Les 7 millions restants auraient été déposés « à [son] insu ». M.Bazire a nié avoir fait déposer ces sommes. – (AFP.) p Fait divers L’auteur de l’agression d’un couple de personnes âgées à Angers mis en examen et écroué Le jeune homme ayant agressé, le 25avril, un couple de personnes âgées à leur domicile, à Angers, a été mis en examen et écroué dimanche 29 avril, a indiqué la procureure de la République à Angers, Brigitte Angibaud. Au cours de l’agression, motivée par le vol, l’épouse est décédée et le mari a été grièvement blessé. L’homme a reconnu les faits. – (AFP.) hériter de ce que l’un d’eux appelle « la patate chaude ». Chez les parents d’élèves, le dossier fait également débat. Même les élus de la majoritémunicipalesont partagés. Marie-Carole Ciuntu, maire (UMP) de Sucy, reçoit régulièrement les appels humanistes du comité. Mais elle affronte également les doléances du voisinage. « Les entreprises disent qu’on leur dérobe du gasoil ou des palettes. Les usagersduRERrâlentd’êtresanscesse harcelés. La supérette se plaint des vols à répétition.» La maire, par ailleurs vice-présidente de l’intercommunalité, explique aussi qu’il y a urgence à libérer le hangar : à son emplacement, doivent être construitsunatelierdelunettesCartier et les locaux d’une autre entreprise, avec au total 1 300 emplois à la clé. « Les travaux doivent débuter dans un mois», dit-elle. L’élue rappelle qu’elle a déjà une longue liste d’attente pour les logements sociauxetqu’ilnesauraitêtre questionde passe-droit.«La ville de Sucy neferapasdepropositionsderelogement des Roms. Libre au comité de trouver des solutions s’ils en ont.» Comme au niveau national, le dossier Roms a pris un tour politique à l’échelle locale. Jérôme Karsenti, l’avocat des Roms, est un élu socialiste de Sucy et sera suppléant de la candidate PS aux législatives dans la circonscription. Ce ténor s’est illustré dans le procès Chirac où il représentait seul la partie civile, au nom de l’association Anticor. Il sait pertinemmentque ce dossier n’est pas de celui qui lui apportera des voix, bien au contraire. Trop de préjugés, d’idées fixes même. C’est justement ce qui le motive : « Avec lesRoms,on est danstout ce qui fonde le racisme, estime l’avocat. Ce sont des personnes traquées, victimes de discriminations.» Alorsquelecompteàreboursdu jugement est lancé, le comité de soutien tente désespérément de trouver des solutions pérennes. Son travail est rendu un peu plus facile depuis que les Roms ont accepté d’être séparés dans la même zone géographique. Quelques familles ont ainsi été logées dans un appartement à BoissySaint-Léger. D’autres ont intégré unterraindel’évêchéàSucyoùl’association Habitats solidaires a construit des bungalows équipés du confort minimum. Mais ils sont encore une bonne vingtaine à loger. Des négociations sont Logement aménagé dans un hangar de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). FABRICE GABORIAU POUR « LE MONDE » menéesparHabitatssolidaireset le comité de soutien avec le préfet du Val-de-Marnepourrécupérer l’usage d’un terrain actuellement libre, qui est propriété de l’Etat. La mairie a appuyé cette demande « à titre provisoire», insiste Mme Ciuntu. Malgré ce climat d’incertitudes, dedéménagementsincessants,force est de constater que le clan Rom parvientpeuà peuà s’installer,si ce n’est à se faire oublier. Une partie des enfants est désormais scolariséedanslesécolesdeSucyetdesvilles avoisinantes. Des démarches ont été entreprises pour l’obtention de l’aide médicale d’Etat et une femme a pu faire soigner un cancer. Des bébés sont nés à Sucy depuis2008.«Nousmenonsunchemin patient vers un projet d’inser- tion », résume Denis Recoquillon, un membre du comité. Mais, à l’automne 2011, l’affaire s’est corsée quand une centaine d’autres Roms ont investi à Sucy uneemprisedel’Etatoù doitpasser une route. Ceux-là viennentde l’EssonneoudeSeine-Saint-Denis,parfois directement de Roumanie ou de Bulgarie. Ils seraient entre 250 et 400 à vivre dans des conditions indignes, dont 150 sous le coup d’une obligation de quitter le territoire.Récemment,unincendieaccidentel a ravagé une quinzaine de cabanes, sans faire de victimes. Les policiers qui accompagnaient les pompiers ont reçu des jets de pierre.Lajusticeaétésaisied’uneprocédured’expulsion,dontlejugement doit intervenir le 16mai. GLASGOW PRESTWICK « Nous demandons le départ de ce camp qui pose un problème d’ordre public », insiste Marie-Carole Ciuntu. Avec cette arrivée massive, la maire se dit confortée dans son opinion générale : « Le problème des Roms ne peut être réglé au niveau d’une commune. Il doit être pensé au niveau national et même européen.» p Benoît Hopquin n Sur Lemonde.fr Jusqu’à l’élection présidentielle, « Le Monde » pose ses valises dans huit coins de France. Des portraits à lire sur le blog Terminus Pavillon. 10 € A.P.D. .99 ALLER SIMPLE Justice Dominique Strauss-Kahn nie que les soirées libertines aient été organisées pour lui Dominique Strauss-Kahn, mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée dans l’affaire du Carlton de Lille, a nié que les soirées auxquelles il a participé aient été organisées à son intention. C’est ce qu’il a déclaré devant les juges lillois, le 26 mars, selon le procès-verbal de son audition révélé par Le Figaro du lundi 30 avril. « Je n’ai jamais eu le sentiment d’une quelconque forme d’organisation mise en place et encore moins que cette organisation faisait appel à la prostitution», a-t-il notamment dit, s’en tenant à sa ligne de défense : il s’agissait de libertinage. Dans l’affaire du Sofitel, le tribunal du Bronx doit décider mardi si l’immunité diplomatique invoquée par l’ex-directeur du FMI peut bloquer la procédure civile engagée par Nafissatou Diallo. VISITEZ GLASGOW: L’ECOSSE AVEC STYLE Glasgow est une ville dynamique avec une réputation pour son excellente musique, son architecture étonnante dotée d’un style avant-gardiste, ce qui en fait l'une des destinations les plus excitantes en Europe. 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(AFP.) automobile indien, Maruti Suzuki, a annoncé un recul de 29 % de son bénéfice annuel clos fin mars à 16,36 milliards de roupies (234 millions d’euros) dans un communiqué publié samedi 28 avril. 0123 Mercredi 2 mai 2012 C’estenmilliardsdelivressterling lafortunecumuléeen2011parles millepersonneslesplusrichesde Grande-Bretagne,en haussede4,7% par rapportà 2010, selonla «richlist» duSundayTimespubliéedimanche 29avril.Surlamêmepériode,lerevenumoyenareculé. 414 Le FSI se cherche toujours une identité Pressions politiques, flou dans les critères de choix… le fonds souverain à la française concentre les critiques F lammarion pourrait bientôt devenir la cinquante-sixième participation du Fonds stratégique d’investissement (FSI). Mercredi 2 mai, l’actuel propriétaire de l’éditeur français, l’italien RCS Media Group, réunit son conseil d’administration, qui devrait confirmer sa mise en vente. Le FSI l’a dit, il est prêt à soutenir les repreneurs français : Gallimard, Albin Michel (associé à Actes Sud) et le fonds d’investissement hexagonal Chequers. « Flammarion constitue un élémentdupatrimoinefrançais»justifie-t-on au FSI. Sauf que… propriété de RCS, le groupe bat pavillon italiendepuis 2000. « L’éditionest par tradition un secteur privé. En 2008, quand Wendel a vendu le numéro deux Français Editis à l’espagnol Planeta, personne ne s’en est ému ! », rappelle un bon connaisseur du secteur. Avec 20 milliards d’euros d’actifs, sa force de frappe est loin des centaines de milliards des fonds qatari ou chinois Que vient donc faire le FSI dans ce dossier ? La question est récurrente dans la jeune histoire du fonds. Pour Jean-Yves Gilet, son directeur général, le FSI doit d’abord se comporter en « investisseur avisé » et choisir « des sociétés rentables, en croissance, faisant preuve de responsabilité sociale». La réalité est quelque peu différente. En novembre 2009, le FSI investissait 25 millions d’euros dans la biotech Nicox, dont le projet de médicament suscitait déjà une méfiance particulière dans le secteur. Six mois plus tard, après unrefusdu produitaux Etats-Unis, l’entreprise perdait un quart de sa valeuren Bourse. Enavril2011, c’est sur le fabricant d’éoliennes Vergnet que le fonds a misé 13 millions d’euros, à 4 euros par action. Un an plus tard, le groupe, en pertes, aprèsavoirsupprimé40 postessur 220 dans son usine, cherche à s’adosser à un autre industriel. Son cours de Bourse avoisine un euro… Ces précédents illustrent toute l’ambiguïté de la démarche du FSI. Créé en novembre2008 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, ce « fonds souverain à la française » n’a jamais réussi à sortir totalement de ses contradictions. Censé sécuriser le capital d’entreprises hexagonales face à la menace de prises de contrôles étrangères, il n’y investitquede façonminoritaire. Il faut dire qu’avec 20 milliards d’euros d’actifs, sa force de frappe Discours de Nicolas Sarkozy le 17 novembre 2011, lors du troisième anniversaire du Fonds stratégique d’investissement. LIONEL BONAVENTURE/PHOTO POOL financière est bien loin des centaines de milliards des fonds souverains qatari, chinois ou norvégien. Présenté comme un soutien aux groupes qui peinent à réunir des fonds, il intervient le plus souvent aux côtés d’investisseurs privés– fondsd’investissements,banques ou industriels. Mais certains investissements suscitent des interrogations,comme le rachat de 10 % du producteur d’aluminium Alcan à l’été 2010, quand le fonds américain Apollo en a pris 51 %. Plus récemment, le FSI a injecté 10 millions dans le réseau social Viadeo aux côtés de l’assureur Allianz,delabanqued’affairesaméricaine Jefferies ou encore de fonds du Moyen-Orient. Enfin, prévu pour soutenir des entreprises en croissance, le FSI a récemment fait incursion dans des groupes en difficulté, comme le chimiste Novasep, étranglé par ses dettes, dans lequel il a investi 30millions d’euros début 2012. «LeFSImanqued’axesclairsd’investissement. Du coup, il fait du tout-venant», regrette Jean-Claude Volot, médiateur des entreprises. D’autres parlent d’« opportunis- Des investissements très divers Actionnariat Le FSI est détenu à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et à 49 % par l’Etat. Investissements Le FSI gère 20 milliards d’euros d’actifs, dont 14,5 milliards sous forme de participations directes dans des sociétés. Il détient 5 % de Bull, Technip, Vallourec, 13 % de France Télécom, 20 % d’Eiffage… et jusqu’à 26 % d’Eramet et Eutelsat. Nombre de participations lui ont été transférées par la CDC à sa création. Depuis 2009, le fonds a investi en direct 3,7 milliards d’euros dans 64 entreprises cotées (STMicroelectronics, Eramet, Nexans, Val- lourec…) et non cotées (Daher, la Saur, Limagrain, Viadeo, Novasep…). Il a aussi investi 700 millions d’euros dans 130 entreprises grâce à ses fonds sectoriels (Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, Innobio dans les biotechnologies, le Fonds bois…) et 220 fonds partenaires. Résultats En 2011, le FSI a enregistré un bénéfice annuel de 629millions d’euros. Le fonds affiche 902 millions d’euros de moins-value latentes (pertes potentielles s’il vendait ses parts dans les sociétés), contre 1,1 milliard de plus-values latentes un an plus tôt. me ». A son crédit, le fonds a réussi à éviter les principaux « dossiers chauds» de la campagne présidentielle, ces entreprises en difficultés érigées en symboles par les candidats. Ainsi, à propos de Neo Sécurité, le groupe de sécurité en cessation de paiement, le fonds affirme «ne pas avoir été contacté car nous ne faisons pas de soutien à la trésorerie des entreprises », précise M. Gilet. Une manière de marquer son territoire pour le FSI, détenu à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49% par l’Etat. Car, outre les questions de méthode, les pressions politiques n’ontpasfacilitéla tâchede sesdirigeants. S’il est parvenu à éviter des dossiers épineux, comme celui du constructeur automobile Heuliez en 2009, le FSI a dû se résigner début 2012, après près de deux ans de bras de fer, à consacrer 20 millions d’euros au redressement du fabricant de semi-conducteurs Altis, dirigé par Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité deschances et proche de SergeDassault. Le recours au FSI comme porte de sortie pour les participations d’Areva – STMicroelectonics en mars 2011 et Eramet en avril – ne manque pas non plus d’agacer. Autre critique récurrente : la gouvernance. « Il y a un mélange desgenresétonnantentre représentants de l’Etat et personnalités du privé », résume Gilbert Saada, ancien cadre d’Eurazeo qui planche surle sujet en lien avecl’équipe de François Hollande. Il n’est pas le premier à s’émouvoir du fait que des intérêts publics sont gérés par des dirigeants du privé encore en poste. L’administratrice la plus influente n’est autre que Patricia Barbizet,ladirectricegénéraled’Artemis, la holding de PPR. Quant au comité d’orientation stratégique, censé se prononcer sur de grands axes d’investissement et pas sur des dossiers précis, il compte parmises membresle financierWalter Butler, connu pour la reprise d’en- treprises en difficultés (SNCM, Sernam…). Ces différences de profil ont conduit à des divergences de vues. Le comité d’orientation a parfois le sentiment de ne pas être entendu. «Nous voulions que la préservation des emplois en France soit le premier critère d’investissement pour le FSI. Ce n’est que l’un d’eux», indique Jean-François Dehecq, son président. L’ancien patron de Sanofi regrette que le FSI « se comporte trop comme un fonds d’investissement privé, alors qu’il utilise l’argent du contribuable». «Le retour sur investissementest nécessaire pour que le FSI puisse réinvestir ses fonds ailleurs », nuance M. Saada. De son côté, le FSI se défend de rechercher les profits à tout va. « Nous visons une rentabilité moyenne de 8 à 10% mais sur le long terme (cinq à dix ans) et pas trois ans comme certains fonds », souligne M. Gilet. Dans le secteur, certains n’hésitent pas à parler de concurrence déloyale.Lemois dernier,l’Association des investisseurs en capitalinvestissement(AFIC) a jugé nécessaire de taper du poing sur la table, s’inquiétant du poids croissant du fonds auprès d’entreprises recourant d’habitude à ses membres pour se financer. « C’est la mission duFSI de comblerles défaillancesde marché, y compris sur les entreprisesen croissance,maissans prendre la place des autres acteurs du marché», rappelle Hervé Schricke, président de l’AFIC. Le FSI, comme d’autres, rétorque que les capitaux manquent dans ce secteur. Et qu’il compte bien y jouer un rôle croissant. Avec la création du FSI Régions en novembre2011, l’objectif est clairement de réorienter ses actions vers les PME-ETI, qui doivent doper l’industrie hexagonale sur le modèle allemand. Pour l’heure, le FSI, handicapé par ses lourdeurs, se cherche toujours une identité. p Audrey Tonnelier Ce que l’arrivée de la gauche au pouvoir pourrait changer Depuis la création du FSI en 2008, sur décision de Nicolas Sarkozy, la gauche s’est montrée très critique envers le fonctionnement du fonds. Le Parti socialiste ne cache pas son intention de rouvrir le dossier, en cas de victoire de François Hollande. Certes, le projet du PS en matière de soutien aux entreprises s’est centré sur la création, jugée prioritaire, d’une banque publique d’investissement. « Cependant, souligne-t-on dans l’entourage de M. Hollande, si nous accédions au pouvoir, nous devrions être rapidement amenés à nous poser la question du statut et de l’avenir du FSI. C’est potentiellement un bel outil de politique industrielle.» Certains hauts fonctionnaires de gauche sont partisans d’un retour du FSI dans le giron de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le bras armé de l’Etat pour la mise en œuvre des grandes politiques publiques (logement, équipement des territoires, infrastructures etc.) est à leurs yeux le lieu approprié pour organiser une véritable stratégie industrielle. Le candidat socialiste à la présidentielle n’a-t-il pas dit sa volonté de faire de la CDC un instrument important de politique industrielle? Mais pour Alain Rousset, président de la région Aquitaine, chargé des questions industrielles dans l’équipe de campagne de M.Hollande, une meilleure option serait « d’intégrer le FSI à la banque publique d’investissement, sur laquelle, précise-t-il, l’épargne à long terme des Français sera réorientée ». « L’outil FSI doit être développé, ses moyens financiers augmentés, explique le socialiste. Solliciter l’épargne est une solution intelligente, quand l’argent public doit servir en priorité à financer les grandes dépenses que sont par exemple l’éducation et l’hôpital, ainsi qu’à rembourser la dette.» « Régionalisation » Selon M. Rousset, les modalités d’intervention du fonds devraient aussi être revues: « S’il s’agit d’un outil public, alors il ne doit pas investir avec les mêmes exigences de rentabilité que le privé. Disposer d’un investisseur de long terme public est important pour la stratégie industrielle d’un pays. On ne dit pas assez que 50 % des délocalisations se font entre pays du Nord et non du Nord vers le Sud ! » Enfin, le conseiller de M. Hollande estime que les relations avec la Caisse des dépôts devront être clarifiées, comme également son organisation sur le territoire. « La régionalisation du FSI est un bon principe, estime M. Rousset. Pour aller vite et soutenir les entreprises au moment où elles en ont besoin, les décisions d’investissement jusqu’à huit, neuf millions d’euros doivent pouvoir être prises en région.» Dans cet esprit, le FSI interviendrait en soutien des fonds territoriaux créés par les régions, qui souffrent aujourd’hui d’un manque de capital. Du point de vue du PS, sa contribution aux tours de tables éviterait de faire appel à des fonds d’investissement trop exigeants en termes de retour sur fonds propres. p Anne Michel 0123 13 économie Mercredi 2 mai 2012 Prometteur, le marché de l’autocar longue distance aiguise les appétits Ma vie en boîte | chronique par Annie Kahn Ecoute! Après Eurolines et le britannique Megabus, c’est au tour de la SNCF de lancer ses bus intercités L e concept s’apprend dès l’école primaire. En France, encore plus qu’ailleurs. Pour qu’une communication s’établisse, il faut savoir s’exprimer, mais aussi et surtout, savoir écouter. La situation se décline en entreprise. Les dirigeants, s’identifiant sans doute aux maîtres d’école de leur enfance, ne considèrent guère l’écoute comme une priorité. Ils exposent leurs décisions organisationnelles. Les directions de la communication ont pour tâche de relayer la bonne parole, que ce soit en interne ou à l’extérieur de l’entreprise. Rarement de faire circuler l’information dans l’autre sens. De la base vers le sommet. Et pourtant, les problèmes de compréhension de l’autre et de ses motivations, de conflits personnels dans l’entreprise sont cruciaux, et parfois bien plus compliqués et pénibles à résoudre que les questions financières. « Une bonne écoute peut faire la différence entre une carrière longue [et, sous-entendu, réussie] et une beaucoup plus courte », prévient Bernard Ferrari, consultant et auteur d’un guide pour dirigeants, publié dans la revue McKinsey Quarterly. Chacun sait qu’écouter est nécessaire pour motiver ses collaborateurs, apprécier les évolutions du marché, de la concurrence. Mais il est tellement plus agréable de parler, d’exposer, quand ce n’est d’imposer son point de vue, de se faire valoir. Maintenant plus que jamais, estime Kevin Sharer, le PDG de la société de biotechnologie Amgen, dans la même revue. « Il est très important d’entendre le danger, même si le signal en est très faible. Car la presse, les blogs, [et on pourrait ajouter les réseaux sociaux] sont de gigantesques caisses de résonance.» Des coachs « spécialistes de l’écoute» proposent leurs services. Ils sont moins nombreux que les experts de la prise de parole en public, certes. Mais l’offre existe. La demande moins, tant chacun pense que l’attitude est innée. Attentionné, M. Ferrari nous Il est plus agréable de parler, d’imposer son point de vue, de se faire valoir propose une typologie des infirmes de l’écoute. Pour mieux les repérer et y faire face. Entre le « borné, sûr de lui », qui écrase toute idée de ses collaborateurs; « le râleur», qui sait d’avance que ce qui va lui être dit n’est pas digne d’intérêt; « le tortueux », qui pose des questions pour coincer l’autre; « le redondant creux », qui répète ce qui vient d’être dit, prenant la parole pour le plaisir; le « M. Réponse à tout», qui cherche avant tout à se faire valoir; ou « le fourbe», qui est toujours d’accord, mais n’en pense pas moins. A chacun de se reconnaître… ou de reconnaître son prochain! p [email protected] Ultimesnégociations en Europeavantl’adoption dela réformedeBâle III Les 8200 banques de l’UE devront trouver 460milliards d’euros pour s’y conformer C ontraindrelesbanquesà renforcer leur capital, pour ne plus avoir à voler à leur secours. C’est tout l’enjeu de la réforme bancaire internationale dite de Bâle III, qui doit faire l’objet d’une réunion à Bruxelles, mercredi 2 mai, entre les 27 ministres des finances de l’Union européenne. Les grands pays, France et Allemagne en tête, ont bon espoir de parvenir à un consensus politique sur ce texte, qui sera ensuite transposéen droiteuropéen.Envertude cette réglementation, les banques devront relever leurs capitaux propres de 2 % à 7 % du montant de leurs prêts à l’économie. Le naufragede la banquefranco-belgeDexia, à l’automne 2011, a créé un traumatisme en Europe. L’établissement bénéficie de 45 milliards d’euros de garanties publiques assumées par la Belgique, la France et le Luxembourg, qui seront bientôt portées à 90milliards. La grande crainte des trois Etats est de voir ces garanties un jour appelées… La réforme de Bâle III – préparée par le Comité de Bâle, un club de superviseurs bancaires du monde entier (banques centrales, autorités de tutelle), situé en Suisse et adossé à la Banque des règlements internationaux(BRI)–seraprogressivement applicable entre 2013 et 2019 : à cette échéance, quelque 8 200 banques européennes devrontavoir trouvé460 milliards d’euros de capitaux nouveaux. Ces capitaux pourront provenir,pour partie,de la mise en réserve des bénéfices futurs des banques, si la croissance est de retour. Ils seront, plus sûrement, trouvés auprès des investisseurs sur les marchés financiers. Depuis 2007, les banques ont déjà dû renforcer leur capital de 400 milliards d’euros, pour surmonter les deux crises financières successives. Degré de flexibilité Soutenupar la Suèdeet les PaysBas, le Royaume-Uni tente d’obtenir la faculté de « surcharger », dans son pays, le niveau de fonds propres exigé des banques. Il s’agit,pourDowningStreet, d’apaiser la colère de l’opinion publique, qui n’a pas digéré l’ampleur des aides publiques versées aux banques après la crise de 2009. Pour emporter l’accord de Londres, la France et l’Allemagne arguent que le texte autorise tout pays à relever le niveau d’exigence en fonds propres d’une banque, si la situation le commande (difficultésd’unétablissement,crise immobilière, etc.). Mais, à une condition: obtenirun feuvertdes autresEtats. Les ministres des finances des 27 devront aussi s’entendre sur le degré de flexibilité laissé aux superviseurs nationaux. Plusieurs d’entre eux souhaitent pouvoir modifier certains paramètres de la loien cas denécessité, tout particulièrement le ratio de liquidités (censé permettre aux banques de résister à des crises de liquidités aiguës) et celui mesurant l’effet de levier (un ratio destiné à limiter l’endettement des banques). Outre l’Europe, la réforme de BâleIIIavocationàs’imposerà toutes les banques mondiales, ainsi ques’ysontengagésles autrespays membres du G20. Mais, même s’il est effectivement appliqué aux Etats-Unis, en dépit des résistances du lobby bancaire, le texte ne s’imposera qu’aux trente plus grandes banques américaines. p Anne Michel P aris-Londres à 1 euro, qui dit mieux ? C’est pourtant le prix d’appel proposé par Megabus, la filiale d’autocars longuedistance du BritanniqueStagecoach, qui relie, jour et nuit depuis le 16 avril, les deux capitales européennes moyennant… 9 heures de bus. En Eurostar, le même trajet prend 2 heures 15 minutes, mais coûte au minimum 82 euros. Avec cette nouvelle ligne, Megabus s’invite sur un marché européen de l’autocar longue distance jusqu’ici essentiellement occupé par Eurolines, une association de 32 entreprises dont Veolia-Transdev gère et exploite la marque en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Portugal. Un marché qui devrait fortement croître dans les années qui viennent. AprèsStagecoach,laSNCFdévoilera fin juin sa propre filiale privée de bus à longue distance, comme Barbara Dalibard, la patronne de SNCF Voyages, l’a confirmé mi-avrilauxEchos.Baptiséeninterne Speed, ce projet prévoit, dansun premier temps, l’installation d’un hub à Lille, entre les deux gares de Lille-Flandres et de Lille-Europe, afin de desservir Bruxelles, Paris, Londres et Amsterdam. La SNCF espère lancer ses lignes régulières pour les Jeux olympiques de Londres, qui commencent le 27juillet. Quarante-six autocars tout confort et équipés du Wifi (qui sera gratuit) ont d’ores et déjà été commandés,etunecentainedeconducteurs sont actuellementrecrutés et formés. L’arrivée de la SNCF sur ce marché n’est pas un hasard. « Cela va nous permettre d’atteindre des clients qui n’ont plus les moyens de prendre le train, ou qui ont plus de temps, en leur proposant des tarifs plus abordables, et ainsi les écarter delavoiture,notreprincipalconcurrent», assure-t-on à la SNCF. Cette initiative répond aussi à l’affront fait à la SNCF par Eurolines. La filiale de Veolia-Transdev a, en effet, décidé de concurrencer les principales lignes de trains de la compagnie nationale, avec 235 connexions d’autocars interrégionalesqui seront en concurrence frontale avec celles de la SNCF. Depuis septembre 2011, les cars assurant des lignes internationales ont en effet l’autorisation de prendre et de déposer jusqu’à 50 % de leurs voyageurs à des arrêts situés en France. Progressivement En septembre, Eurolines disait espérer ainsi transporter 50 000 passagers supplémentaires grâce à ses nouvelles lignes. Six mois plus tard, la compagnie privée, qui refuse de parler à la presse, n’a toujours pas dévoilé de bilan. Maissicesobjectifsdetraficsemblentpourl’instantmodestes,Eurolines se prépare en fait à la libéralisation du transport interrégional, prévue par un projet de loi déposé le 21 mars au Sénat par Thierry Mariani,le ministredes transports. Ce dernier assure que cette ouverture à la concurrence se fera progressivement, sans mettre en danger les lignes de trains Intercités ni les TER, que l’Etat et les régions soutiennent financièrement. Seules les lignes de bus qui ne mettront pas en péril le rail seraient autorisées à ouvrir, explique l’exposédes motifsde ce projet de loi. «Avec notre offre Megabus entre Paris et Londres, nous prenons la température du marché, explique Steven Stewart, le directeur de la communication de l’anglais Stagecoach, qui affiche 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans le transport de passagers. Nous nous tenons ainsi prêts à une ouverture en France, comme en Italie ou en Allemagne, des pays où tout est en train de bouger.» En revanche, pour ce responsablebritannique,il nefautpasopposer systématiquement le bus au train. « En Angleterre, la libéralisation de l’autocar, dans les années 1980, n’a pas affaibli le train. Sur la liaisonLondres-Liverpool,parexemple, nous offrons des trajets opérés par car, grâce à Megabus, et par train, grâce à notre coentreprise avec Virgin. Et les deux modes de transport ont gagné des clients depuis dix ans !», plaide-t-il. p Philippe Jacqué Lavie des entreprises Banques Fronde contre le salaire des patrons de Barclays et Credit Suisse Electronique Entre un tiers et un quart des actionnaires des banques Credit Suisse (31,6%) et Barclays (26 %) ont voté, vendredi 27 avril, contre les plans de rémunération de leurs dirigeants, lors des assemblées générales des deux établissements. Le président de Barclays, Marcus Agius, s’est excusé d’avoir mal communiqué sur la rémunération de Bob Diamond, son directeur général, qui a touché 22 millions d’euros l’an dernier, alors que le résultat de la banque britannique était en baisse. En 2011, Barclays a reversé 735 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires et 4,9 milliards de bonus à ses salariés. – (AFP.) Le titre de premier fabricant mondial de téléphones mobiles était tout ce qui restait au finlandais Nokia, il vient de le perdre au profit du sudcoréen Samsung. Le groupe, qui a enregistré un bénéfice trimestriel record de 5,2 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros), a vendu quelque 93,5 millions de téléphones portables entre janvier et mars 2012, soit plus du quart de ceux commercialisés dans le monde. Avec 44,5 millions de smartphones écoulés, Samsung contrôle 30,6 % du marché mondial du téléphone intelligent, contre 24,1% pour Apple, qui en a vendu 35,1 millions. Son plus grand succès : le Galaxy, un smartphone tournant sous Android, le système d’exploitation de Google. Il s’en écoule 20000 exemplaires... par heure. p Sarah Belouezzane Energie ConocoPhillips paiera 144 millions pour une marée noire en Chine ment par la fuite, l’an dernier, de l’une de ses plates-formes offshore au large des côtes chinoises, selon un communiqué publié dimanche 29 avril. Cette fuite de la plus grande plate-forme du pays, survenue en juin dernier, avait pollué une surface maritime de plus de 5 500 km2. – (AFP.) Le géant pétrolier américain ConocoPhillips va payer 1,2 milliard de yuans (144 millions d’euros) suite aux dégâts infligés à l’environne- Distribution Carrefour et Leclerc condamnés pour publicité mensongère Marchés Le groupe français de construction Vinci a annoncé, vendredi 27 avril, l’acquisition d’Energieversorgungstechnik (EVT), filiale allemande d’ingénierie électrique du producteur suisse d’électricité Alpiq, sur la base d’une valorisation de 240 millions d’euros. EVT, qui emploie 3 000 personnes, a réalisé l’an dernier un excédent brut d’exploitation de 37 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 512 millions. – (AFP.) Finance Chute des profits pour NYSE Euronext Le groupe boursier transatlantique NYSE Euronext a enregistré une baisse de 44 % de son résultat net au premier trimestre 2012, à 87 millions de dollars (65,6 millions d’euros), a indiqué, lundi 30 avril, la société, qui évoque un contexte « difficile ». – (AFP.) LES MARCHÉS DANS LE MONDE 27/4, 22h11 Vendredi 27 avril 22h11 ACCOR .........................◗ AIR LIQUIDE .......................◗ ALCATEL-LUCENT ...........◗ ALSTOM ............................◗ ARCELORMITTAL ............... AXA ....................................◗ BNP PARIBAS ACT.A ........◗ BOUYGUES .......................◗ CAP GEMINI ......................◗ CARREFOUR .....................◗ CREDIT AGRICOLE ............◗ DANONE ............................◗ EADS ...................................◗ EDF ......................................◗ ESSILOR INTL ....................◗ FRANCE TELECOM ............◗ GDF SUEZ ...........................◗ LAFARGE ...........................◗ LEGRAND ..........................◗ L’OREAL ............................◗ LVMH MOET HEN. ............◗ MICHELIN...........................◗ PERNOD RICARD ...............◗ PEUGEOT............................◗ PPR .....................................◗ PUBLICIS GROUPE ...........◗ RENAULT............................◗ SAFRAN ..............................◗ SAINT-GOBAIN..................◗ SANOFI ...............................◗ SCHNEIDER ELECTRIC .....◗ SOCIETE GENERALE .........◗ STMICROELECTR. .............◗ TECHNIP.............................◗ TOTAL .................................◗ UNIBAIL-RODAMCO ........◗ VALLOUREC .......................◗ VEOLIA ENVIRON. .............◗ VINCI...................................◗ VIVENDI ..............................◗ Le tribunal correctionnel de Rouen a condamné, vendredi 27 avril, cinq hypermarchés, dont trois Carrefour et un Leclerc, à 140000 euros d’amendes pour « pratiques commerciales trompeuses». Il était proposé par exemple « pour quatre produits achetés, un gratuit ». Au cours de contrôles, les enquêteurs de la Direction départementale de la protection de la population de Seine-Maritime ont relevé que ces produits BTP Vinci rachète EVT, le spécialiste allemand de l’ingénierie électrique Retrouvez l’ensemble des cotations sur notre site Internet :http://finance.lemonde.fr VALEURS DU CAC40 Valeur étaient parfois plus chers que s’ils étaient achetés à l’unité. – (AFP.) Samsungdevientle numéroun mondialdes téléphonesmobiles Pays Dernier cours Cours préc. % var. /préc. % var. 31/12 Plus haut 26,57 98,97 1,21 27,63 13,27 10,98 31,05 22,00 30,11 15,54 3,91 53,68 30,45 16,14 67,37 10,48 17,71 30,31 26,02 91,65 126,25 56,78 80,45 9,09 127,25 39,08 35,67 28,52 32,19 58,21 47,97 18,16 4,51 86,49 36,50 144,75 46,66 11,10 35,55 14,28 26,04 97,51 1,23 27,11 12,99 10,71 30,59 21,41 29,46 15,51 3,75 53,96 30,29 16,09 66,75 10,41 17,67 29,25 25,71 93,33 124,90 56,16 80,35 9,06 125,50 38,60 34,59 28,00 31,73 56,78 47,45 17,62 4,52 88,66 36,51 143,25 45,76 10,79 34,11 13,87 2,04 1,50 -1,63 1,90 2,12 2,47 1,49 2,73 2,21 0,19 4,46 -0,52 0,56 0,28 0,93 0,67 0,26 3,62 1,19 -1,80 1,08 1,10 0,12 0,24 1,39 1,23 3,12 1,88 1,45 2,52 1,08 3,07 -0,16 -2,45 -0,03 1,05 1,99 2,87 4,24 2,92 35,67 3,54 -0,17 17,93 -6,12 9,31 2,29 -9,63 24,73 -11,78 -10,23 10,52 26,11 -14,18 23,50 -13,64 -16,12 11,60 4,69 13,57 15,40 24,31 12,27 -14,04 15,00 9,95 33,12 22,93 8,51 2,57 17,91 5,55 -1,79 19,10 -7,59 4,21 -6,97 31,01 5,32 -15,63 27,98 102,30 1,97 32,90 17,96 13,25 39,48 25,74 34,50 19,34 5,71 54,81 31,69 19,71 68,67 12,40 21,85 36,96 28,65 94,80 136,80 58,22 82,25 15,18 136,90 43,30 43,83 28,90 37,62 59,56 53,47 25,96 6,46 89,70 42,97 157,70 58,24 13,05 40,84 17,62 Plus bas Divid. net Code ISIN 18,70 0,62 T FR0000120404 94,08 2,35 T FR0000120073 1,16 0,16 T FR0000130007 21,93 0,62 T FR0010220475 12,16 0,16 A LU0323134006 9,39 0,69 T FR0000120628 27,52 2,10 T FR0000131104 20,00 1,60 T FR0000120503 24,04 1,00 T FR0000125338 14,53 1,08 T FR0000120172 3,48 0,45 T FR0000045072 45,93 1,30 T FR0000120644 24,02 0,19 T NL0000235190 14,91 0,57 A FR0010242511 54,50 0,83 T FR0000121667 9,86 0,60 A FR0000133308 17,25 0,83 A FR0010208488 26,07 1,00 T FR0000120537 24,54 0,88 T FR0010307819 79,22 1,80 T FR0000120321 108,00 1,80 S FR0000121014 45,61 1,78 T FR0000121261 70,50 0,77 S FR0000120693 8,55 1,10 T FR0000121501 110,70 3,50 T FR0000121485 35,30 0,70 T FR0000130577 26,76 0,30 T FR0000131906 22,75 0,25 A FR0000073272 29,03 1,15 T FR0000125007 54,86 2,50 T FR0000120578 40,31 3,20 T FR0000121972 14,88 1,75 T FR0000130809 4,25 0,09 A NL0000226223 68,76 1,45 T FR0000131708 35,40 0,57 A FR0000120271 130,35 8,00 D FR0000124711 40,83 1,30 T FR0000120354 7,88 1,21 T FR0000124141 32,24 0,55 A FR0000125486 12,41 1,40 T FR0000127771 Cours en euros. ◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation. Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2011. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité. FRANCE ALLEMAGNE ROYAUME UNI ETATS-UNIS JAPON Dernier cours % var. Maxi 2012 Mini 2012 CAC 40 Indice 3266,27 27/4 1,14 3600,48 16/3 3088,36 23/4 DAX Index 6801,32 27/4 0,91 7194,33 16/3 5900,18 2/1 9,35 FTSE 100 index 5777,11 27/4 0,49 5989,07 14/3 5572,28 3/1 9,66 13297,11 2/4 Dow Jones ind. 13228,31 27/4 0,18 PER 9,00 12221,19 3/1 11,19 Nasdaq composite 3069,20 27/4 0,61 3134,17 27/3 2627,23 4/1 15,79 Nikkei 225 9520,89 27/4 -0,43 10255,15 27/3 8349,33 6/1 13,11 PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible. Le Monde raconte les années Sarkozy 2007 • 2012 Un hors-série du Monde - 7,50 e En vente chez votre marchand de journaux UNE PRÉSIDENCE SOUS TENSION les années sarkozy 14 0123 économie Mercredi 2 mai 2012 Neo Sécurité: l’Elysée prend ses distances, les candidats à la reprise se manifestent La France se dote enfin d’une filière pour la propulsion de ses fusées et missiles Safran fusionne ses filiales SME et SPS pour créer le numéro deux mondial du secteur Les méthodes de gestion et la direction de la société de sécurité font l’objet de critiques L e branle-bas de combat se poursuit à propos de Néo Sécurité,cette sociétéde sécurité privée en cessation de paiement dont le sort doit être examiné, jeudi 3 mai, par le tribunal de commerce de Paris. La veille de l’audience, le SNES, l’une des organisations patronales du secteur, est reçu à l’Elysée pour présenter une offre « groupée» de PME françaises qui permettrait de reprendre les 5 000 personnes employées par Néo Sécurité. Il y a quelques jours, la filiale tricolore du suédois Securitas a indiqué qu’elle « allait regarder le dossier ». Le cabinet d’expertise comptable Fiducial serait aussi sur les rangs, d’après Le Figaro du lundi 30 avril. Le PDG de Néo Sécurité, JeanMichel Houry, est parvenu à capter l’attention, y compris celle de Nicolas Sarkozy, en pleine campagne présidentielle. Mais l’entourage du chef de l’Etat a été très clair : la collectivité consentira un « effort financier supplémentaire» si Néo Sécurité améliore sa gestion et trouve des investisseurs. Les pouvoirs publics estiment Le PDG et les sept nains de jardin… Certains chefs d’entreprise de sécurité privée aiment se quereller sur la place publique. Dans Le Figaro du 27 avril, Michel Mathieu, le patron de Securitas France (n˚ 1 dans l’Hexagone), juge que Neo Sécurité « souffre d’une désorganisation complète, d’une absence de management et d’une politique sociale déplorable ». En octobre 2009, le PDG de Neo Sécurité, Jean-Michel Houry, avait confié à la revue En toute sécurité que « Securitas France n’est pas le leader de quoi que ce soit, car il détient moins de 25 % de part de marché ». « C’est donc un nain, avait-il ajouté, mais le plus grand des nains. » Après ces déclarations, M. Mathieu a envoyé à M. Houry… plusieurs nains de jardin. Sept au total, précise-t-on chez Securitas. avoir déjà beaucoup fait pour Néo Sécurité, qui, selon un porte-parole du ministre de l’industrie, Eric Besson, aurait accumulé un « passif public » de 30 millions d’euros. S’agit-il de dettes fiscales ? Sociales ? Ont-elles été effacées ou étalées dans le temps ? Les services de M.Besson ne le précisent pas. « Salaires extravagants » La prudence de l’Elysée et du gouvernement s’explique aussi par le déluge de critiques qui s’est abattu sur l’entreprise de sécurité. Un élu de la CFE-CGC dénonce la « gestion calamiteuse» de la direction : rachat d’entreprises non viables, « organisation managériale» instable… La CGT, elle, fustige le « niveau de salaire extravagant » des managers ainsi que les « frais de structure du siège social qui plombentles comptes de l’entreprise. » Sans oublier l’absence, pendant plus d’un an, d’institutions représentatives du personnel. M. Houry fait valoir, dans un communiqué, qu’il n’a « aucun bien personnel», son « seul “actif” » étant un logement hypothéqué « dans le cadre d’un prêt bancaire» souscrit pour investir dans son activité.Il assureconsacrerau remboursement de cet emprunt « la quasi-totalité de [ses] émoluments » (20 000 euros bruts par mois). Pour lui, les locaux de l’entreprise n’ont « rien de somptuaire » et ce sont les querelles intersyndicales qui auraient ralenti la désignationdes élus du personnel. En tout cas, il est faux de prétendre que 5 000 personnes se retrouveraient sur le carreau si Néo Sécurité était mise en liquidation, souligne Me Anne Quentier, avocate spécialisée en droit du travail. Elle rappelle que les accords collectifs applicables à la profession imposent de reprendre au moins 85 % du personnel affecté au marché conclu entre la société de sécurité et son client. Mais dans les faits, la proportion de salariés conservés est souvent plus proche de 50 %, d’après JeanHubert Aubry, de la CGT. p Bertrand Bissuel * Voir conditions sur www.mobeco.com DU 26 AVRIL AU 9 MAI 2012 Détaillant-grossiste vend aux particuliers les grandes marques ”au meilleur prix ” MATELAS - SOMMIERS TRECA - TEMPUR - SIMMONS - PIRELLI D U N LO P I L LO - BU LT E X - E P E DA - E TC . . . CANAPÉS - SALONS - CLIC-CLAC CONVERTIBLES POUR COUCHAGE QUOTIDIEN DIVA - CASANOVA - BUROV - NEOLOGY NICOLETTI - LELEU - MARIES CORNER - ETC ... 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Pourtant, tout prédestinait à la fusion de ces deux firmes aux activitéscomplémentaires,l’une réalisantle carburantdes missilesbalistiques et de la fusée Ariane (le propergol), l’autre le moteur. Cette activité stratégique pour la défense fut lancée au début des années soixante, à la demande du général de Gaulle, afin de développer la force de frappe. A l’époque, à côté de la poudrerie créée par Colbert en 1665, propriété de la SNPE, la jeune Société européenne de propulsion (SEP), aujourd’hui SPS, avait installé une usine pour la motorisation. Mais pas question de créer une société unique : marier la vieille dame avec une jeune firme était inconcevable. En novembre 1971, Michel Debré, alors ministre de la défense,avait tenté une premièreapproche, en demandant d’améliorer « la réalisation des programmes d’enginsbalistiques»par «une coopération étroite » entre les deux sociétés, en créant un groupement d’intérêt économique pour réaliser ensemble les programmes. Mais ce n’est que trente ans plus tard, en décembre 2000, que les pouvoirs publics entérinèrent l’idée de la fusion. « Le gouvernement demande aux deux entreprises de préciser, dans les mois à Décollage d’une fusée Ariane V depuis Kourou, en Guyane, le 18 avril 2008. « CIEL ET ESPACE » venir, les modalités détaillées de ce rapprochement, en association étroite avec les salariés », annonçait le ministre des finances de l’époque, Laurent Fabius, et celui de la défense, Alain Richard, se félicitant de cette opération au nom de code Herakles. Las, les présidents successifs de SNPE firent tout pour torpiller le processus: pas question pour eux de se séparer de l’activité de propulsion, la plus rentable du groupe. L’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001, ne fit qu’aggraver la situation. De plus, les relations entre les dirigeants de SNPE et de Snecma étaient tendues. Quant à l’Etat actionnaire,prudent, ilvoulait éviter tout conflit social. Ce n’est qu’en 2008 que le processus de privatisation de SNPE fut enfin lancé par le gouvernement. Il déboucha en avril 2011 sur la vente de SME au groupe Safran, qui contrôle également SPS. Débutèrent alors les négociations pour la fusion. A l’automne, alors que l’histoire était enfin sur le point d’aboutir, nouveau déboire : l’Etat demandait de tout recommencer en inversant le processus. Ce n’est pas SPS qui absorbait SME mais Un ex-banquierde Goldman Sachs«parie sur l’Europe» C ’est un banquier comme les rêve Hollywood. Avec ses chemises blanches amidonnées, ses 54ans sportifs, son débit rapide et la maîtrise jusqu’à la dernière décimale des arcanes des bilans, Christopher Flowers incarne le financier de Wall Street guindé et sûr de lui. Or, voilà que l’exassocié de la banque Goldman Sachs, brillamment reconverti dans le capital-investissement, a décidé de se transférer avec armes et bagages à Londres « pour parier sur l’Europe», affirme, jeudi 26avril, le Financial Times. «Aux yeux de M.Flowers, un spécialiste des institutions financières, le secteur bancaire européen va devoir se séparer d’actifs pour renforcer ses ratios de capitaux. Ces avoirs périphériques seront vendus au rabais» : selon Peter Hahn, professeur à la Cass Business School, le vétéran de Wall Street entend racheter bon marché des institutions financières sous-évaluées pour les redresser au forceps avant de les revendre rapidement au plus cher, en empochant la plus value. L’intérêt que porte Chris Flowers au secteur financier européen n’est pas surprenant. Fondée en 2000, sa société J. C. Flowers &Co possède déjà une kyrielle de participations dans des organismes financiers européens de taille moyenne. Récemment, la société de « private equity» a acquis un courtier italien, une petite compagnie d’assurance belge, une banque hypothécaire allemande et une caisse immobilière britannique. Elle vise désormais les établissements non bancaires, à l’instar des compagnies d’assurance. Le nouveau tropisme européen de ce financier rusé et ambitieux n’est pas dénué d’arrière-pensées. De mauvais placements ont pénalisé la performance de ses fonds d’investissements aux Etats-Unis comme dans les pays émergents. Le flux de fusions-acquisitions, son autre fonds de commerce, s’est tari. Surtout, J.C.Flowers a perdu des plumes dans la faillite, en 2011, du courtier new-yorkais MFGlobal, présidé par son compère et mentor, l’ancien PDG de Goldman Sachs, Jon Corzine. p Marc Roche (Londres, Correspondant) l’inverse. Cette modification lui permettait de garder dans Heraklesl’action spécifique détenue dans SME, qui lui donne un regard sur cette activité. L’opération prendra quatre mois de retard. « En un an, nous avons organisé, avec les syndicats, pasmoinsdevingt-sixcomitésd’entreprise », raconte Philippe Schleicher, PDG d’Herakles, satisfait d’aboutir. « Nous avons perdu douzeans,durantlesquelsnousaurions pu harmoniser les recherches et la production, déplore-t-il, avant de se reprendre. L’intégration se fera d’autant mieux que nous avons deux entreprises en bonne santé.» Reste à mélanger les cultures des deux groupes, et à harmoniser des statuts très différents. « Nous avons chez SME des ingénieurs chimistes et, chez SPS, plutôt des ingénieurs issus de grandes écoles généralistes. » Les négociations qui s’ouvrent s’annoncent complexes, reconnaît la CGT de SME, « d’autant que les salaires chez nous sont inférieurs à ceux de la SPS », car « nous avons des ouvriers alors que SPS a plus de techniciens ». « Il va falloir que le groupe Safran soit exemplaire dans cette discussion, car on ne peut pas se proclamer le numéro deux mondial et avoir des statuts au rabais», prévient Christian Vella, délégué CGC de SME. La page de la fusion enfin tournée, le nouveau groupe va explorer d’autres domaines que ceux de la défense ou de l’espace. Car les synergies possibles sont nombreuses. Le centre de recherche SME du Bouchet, près de Paris, intéresse Snecma pour ses moteurs d’avions civils. De même, Herakles veut se développer sur des marchés concurrentiels, comme il le fait déjà pour les airbags automobiles. p Dominique Gallois Archéologie de l’esclavage colonial Colloque international organisé par l’Inrap, le Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, le ministère de la Culture et de la Communication et le musée du quai Branly Mercredi 9 mai 2012 9h30 - 12h30 État et enjeux de l’archéologie de l’esclavage colonial 14h30 - 18h Vestiges de la traite négrière Jeudi 10 mai 2012 14h30 - 18h L’habitat et la culture matérielle Vendredi 11 mai 2012 9h30 - 12h30 Indices du marronnage 14h30 - 17h Archéologie des « cimetières » d’esclaves Accès libre dans la limite des places disponibles théâtre Claude Lévi-Strauss - musée du quai Branly Dans le cadre de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition www.inrap.fr 0123 décryptages ANALYSES Mercredi 2 mai 2012 France | chronique par Gérard Courtois François Hollande ou l’anti-héros Q uelle histoire ! », avait lâché François Mitterrand, le 10 mai 1981, lorsqu’il eut confirmation de son élection à la présidence de la République. François Hollande pourra reprendre le mot à son compte s’il l’emporte, à son tour, le 6 mai. Quelle histoire, en effet ! Il y a un an, presque jour pour jour, le 27 avril 2011, le candidat socialiste réunissait son premier meeting de campagne. Dans le théâtre de Clichy-la-Garenne, en banlieue parisienne, le décor était minimaliste, l’organisation artisanale, le slogan encore tâtonnant (« La France en avant»). Mais le cap était déjà fixé. L’élection présidentielle, avait-il lancé à quelques centaines de supporteurs, sera « une course d’obstacles, un long chemin. Ce chemin commence aujourd’hui». De fait, tous les thèmes de celui qui n’était encore que candidat à la candidature ont été posés ce jour-là. La « crise morale du pays», miné par « le doute, la défiance, les divisions» et « l’arrogance des puissants». L’échec du président sortant qui « avait tant promis et aura si peu tenu ». Le risque de voir la droite « converger » avec l’extrême droite, à coups de « surenchères »… Ce n’était pas mal vu. Quant aux solutions, elles n’ont pas varié. « Renouer avec le rêve français», qui n’est autre que « la promesse républicaine». Engager l’effort nécessaire pour redresser les finances publiques, à condition que cela passe par la « justice fiscale ». Sans oublier le pacte productif, le contrat de génération, la République exemplaire, enfin le « président normal » qu’il entendait incarner et définissait ainsi: « Tenir son cap, garder ses nerfs, éviter foucades et caprices ; voir loin et tenir bon plutôt que parler fort et céder vite. » « Quand la gauche rencontre la France, elle rencontre la victoire », avait conclu François Hollande, il y a un an. La formule a été répétée, mot pour mot, dimanche 29 avril à Paris, au Palais omnisports de Bercy, devant quelque 20 000 partisans enthousiastes. Ce rappel est diablement instructif. Tout a changé, en effet, depuis douze mois : l’outsider est devenu le favori ; le « capitaine de pédalo» (dixit Jean-Luc Mélen- chon) a remporté haut la main la primaire socialiste ; le candidat que Nicolas Sarkozy jugeait « nul » a réuni plus de 10 millions de voix au soir du premier tour et devancé le président sortant ; et celui que bon nombre de ses amis socialistes jugeaient trop « mou » ou trop « flou » pour endosser le costume présidentiel est désormais à quelques jours d’une victoire annoncée, sinon acquise. Tout a changé, donc. Sauf lui, qui n’a pas dévié d’un pas du chemin qu’il s’était tracé ni de l’analyse faite, de longue date, de la situation et des attentes du pays. C’est ce qui a fait sa force. Le pari n’était pas gagné. L’élection présidentielle, en effet, n’est supposée s’offrir qu’à des candidats dotés de qualités remarquables, exceptionnelles même, dont le candidat socialiste n’a pas fait étalage. Elle requiert, en principe, une ambition hors du commun, sacrifiant tout à cet unique objectif. François Hollande n’en manque évidemment pas, mais, comme il le dit lui-même, il n’a pas « l’obsession du pouvoir pour le pouvoir» ; pis, son indéniable sens de l’humour témoigne plutôt d’un détachement qui aurait pu, ou dû, être rédhibitoire. Cette élection suppose également une solide expérience des affaires de l’Etat. Ses adversaires n’ont pas manqué de brocarder la minceur de ses états de service en la matière, quand bien même il connaît la France mieux que beaucoup, pour l’avoir sillonnée depuis trente ans, dont onze à la tête du Parti socialiste. Elle réclame enfin, en théorie, un charisme de nature à séduire la France, à faire rêver les Français, à les persuader que « tout est possible » ou que l’on peut « changer la vie »… Or le candidat socialiste n’a cessé de mettre en garde contre ces euphories fugaces et ces utopies sans lendemain, pour leur préférer « un espoir calme et lucide ». té de bout en bout fidèle à luimême, sans chercher à forcer sa nature. « Je ne m’exhibe pas, ce que vous voyez ici, c’est ce que je suis », avait-il lancé au Bourget, le 22 janvier. A Bercy, dimanche, il a à nouveau souligné cette cohérence, sans craindre d’anticiper sur sa victoire : « La campagne que j’ai voulu mener doit ressembler à la prochaine présidence, volontaire, digne, rassembleuse.» La deuxième raison a été souvent résumée, d’une drôle de formule, par le candidat socialiste, depuis qu’il s’est engagé dans l’aventure: « Je corresponds à un L’élection présidentielle n’est supposée s’offrir qu’à des candidats dotés de qualités remarquables, exceptionnelles même, dont le candidat socialiste n’a pas fait étalage Depuis quarante ans, l’on avait connu deux cas de figure : le jeune guerrier audacieux et impétueux (Giscard d’Estaing et Sarkozy) ou le vieux guerrier revenu de toutes les défaites pour l’emporter enfin (Mitterrand et Chirac). François Hollande incarne une figure inédite: celle de l’antihéros. Le risque était de décevoir, cela a fini par convaincre. Pour trois raisons. La première tient au caractère de l’homme, res- moment.» Un moment caractérisé par le désenchantement à l’égard de la politique, de ses impuissances ou de ses cynismes. Et surplombé par la crise économique dont les Français ont bien compris qu’elle laisse peu de marge de manœuvre aux gouvernants et appelle plus de prudence et de ténacité que de flamboyance et de moulinets. L’ultime raison, enfin, tient moins à M. Hollande qu’à son adversaire: le président sortant lui a considérablement facilité la tâche. Bien sûr, parce qu’il souffre d’une image très dégradée dans le pays et d’un désir d’alternance qui a balayé tous les gouvernements sortants en Europe depuis trois ans. Mais surtout parce qu’il a mené une campagne qui a valorisé, en tous points, celle du candidat socialiste. Plus Nicolas Sarkozy s’est posé en challengeur contre le favori socialiste, plus il a consolidé la position de ce dernier, jusqu’à lui permettre, la semaine passée, de tenir une conférence de presse déjà très présidentielle. Plus le président sortant a multiplié les attaques et laissé libre cours à son agressivité, plus il a mis en valeur le calme et la solidité de son adversaire. Plus il a cherché à « cliver », comme il dit, plus il a perdu en crédibilité et en capacité de rassembler. Plus il a tenté de « draguer» les électeurs du Front national, plus il a libéré l’espace du centre, où se gagne, au bout du compte, l’élection présidentielle. Cruels contrastes ! Bref, si François Hollande s’est donné tous les moyens de gagner cette élection, Nicolas Sarkozy aura tout fait pour la perdre. p [email protected] Livredu jour Ambiance fin de règne L e pari de Guy Konopnicki, qui était à la tête de l’Union des étudiants communistes au moment où l’issue défavorable du référendum proposé par le général de Gaulle, au printemps 1969, conduisit au retrait du président de lascènepolitiquenationale,estaussi stimulant que périlleux. Acteur engagéàl’époquedesfaits,l’essayis- Le Jour où de Gaulle est parti, 27 avril 1969 Guy Konopnicki Ed. Nicolas Eybalin/Scrineo 208 p., 16 ¤ te croise ses souvenirs, les archives de l’INA, précieuses pour retrouver le ton d’une campagne dont le style oratoire est quelque peu perdu, la presse du temps (Le Monde et L’Humanitéprincipalement),lesmémoires, nombreux, des protagonistes, d’abord soucieux de justifier leur posture, puis plus enclins, le recul chronologique aidant, à définir des perspectives moins partisanes. Sans nier la part qu’en romancier il s’octroie pour la vie même de l’évocation. C’est, du reste, une belle illustration du postulat revendiqué par la collection que Le Jour où de Gaulle estpartiinaugurechezuntoutnouvel éditeur, Nicolas Eybalin. Prenantactedelaporositédelafrontièreentrel’éruditionhistorienneet le récit romanesque, si magistralement établie par le chef-d’œuvre « grand public » de Georges Duby, Le Dimanche de Bouvines (Gallimard, 1973), Eybalin confie aux auteursdeces récits historiques« la double charte du romancier et de l’archéologue», pour livrer la profondeur d’un vestige – événement minuscule ou capital – dont la dimension s’impose ainsi. L’implicationpersonnelledel’essayiste,dès le prologue, dit que c’est moins les arcanes du scrutin qui vont le retenir que l’étude de la confondante parenté du gaullisme et du communisme, condamnés à «mourirensemble».Certes,onassiste au passage du président dans le bureau de vote de Colombey, ce frais dimanche d’avril où, au terme d’unecampagnedécentrée–l’enjeu duscrutinréférendaire,larégionalisation et la réforme du Sénat, captive moins que le défi que de Gaulle lance à ses concitoyens: «oui ou je me retire» –, le président a son dernier rendez-vous avec l’Histoire. Mais le sens de l’événement se joue moins, selon Konopnicki, dans le front composite des adversaires du général qui va provoquer sa chute, que dans l’acte final d’un compagnonnage difficile qui aura duré près de trente ans entre de Gaulle et le PCF. Avec le retrait de l’homme du 18-Juin, de la Libération et de la Ve République, c’est tout l’équilibre politique esquissé dès les mouvements de résistance et les combats pour la France libre, qui s’effondre. Avant même que la SFIO ne meure du double jeu de son secrétaire général Guy Mollet qui soutient pour la présidentielle de juin le centriste Alain Poher quand Gaston Defferre porte les couleurs des socialistes, et que François Mitterrand ne réussisse la prise de contrôle du PS nouveau, le sort du PCF semble scellé. L’acte final d’un compagnonnage difficile de près de trente ans entre de Gaulle et le PCF Malgré la prudence de son chef Waldeck Rochet, qui surfe entre orthodoxie affichée et distance critique envers une URSS qui bâillonne le bloc de l’Est, la belle campagne et le score flatteur de Jacques Duclos (21,5%), la tentation française d’un communisme dépris des oukases soviétiques est passée. Sur les traces de Jean Vigreux, dont la thèse sur Waldeck Rochet publiée à La Dispute (2000) fait référence, Konopnicki rend hommage à cet homme politique trop oublié, pour mieux diagnostiquer les causes de l’effondrement du PCF sous Marchais, erreur de casting qui fut le dernier mauvais coup de Moscou à la fille aînée de l’Eglise marxiste-léniniste. p Philippe-Jean Catinchi Au cœur de l’élection présidentielle avec Le Monde Sur Le Monde.fr : Quiz : vous et les candidats Comparateur de programmes Décrypteur de discours Live présidentielle Alerte Élection De quel candidat êtes-vous le plus proche ? La réponse en quiz avec Le Monde.fr Economie, Société, Institutions, Planète : comparez les programmes des 2 candidats. Décryptez les discours politiques de François Hollande et de Nicolas Sarkozy à la présidentielle. Posez vos questions et suivez en temps réel les débats et la soirée électorale du 6 mai avec notre live interactif. Inscrivez-vous au service d’alerte et recevez les résultats de votre commune dès leur publication. Avec le quotidien : Supplément spécial résultats Chiffres, analyses, décryptages, le lundi 7 mai avec Le Monde daté 8 mai Suivez l’élection présidentielle avec Le Monde Toutes les clés pour suivre et comprendre l’élection, tous les contenus pratiques d’analyse et de décryptage à votre disposition. lemonde.fr/2012 15 16 0123 décryptages ENQUÊTE RÉSULTATS DU FRONT NATIONAL AU PREMIER TOUR DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE, en % 2002* 2007 2012 Mercredi 2 mai 2012 Mondeville 15,62 8,34 15,33 Vignes 16,37 14,86 36,76 Cognac 13,5 * En 2002, les scores du Front national et de Bruno Mégret sont additionnés SOURCE: MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 7,87 14,25 Aubord 35,41 18,84 30,6 Alors que le Front national organise son rassemblement annuel, mardi 1er mai à Paris, «Le Monde» est allé à la rencontre des électeurs qui ont placé Marine Le Pen en troisième position lors du premier tour de l’élection présidentielle. Une plongée dans la France du FN, où ce vote apparaît décomplexé et même normalisé Unecertaineidée du V oter Le Pen est-il en train de devenir un choix électoral commeunautre?Lescorede l’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle surprend à double titre: par son ampleur (17,9% des suffrages etplusde6,4 millionsde voix)etpar sapropagation à l’ensemble du pays. Pour la premièrefois,ilperceaussiàl’ouest,etsurl’ensemble de l’Hexagone, ses ressorts ne semblent plus se cantonner au seul rejet des immigrés ou à certaines classes sociales. Pour le géographe Laurent Chalard, « bien sûr, on trouve dans l’espace périurbain les communes qui ont les plus forts votes en faveur de Le Pen, que ce soit le père ou maintenant la fille ». Mais le chercheur distingue l’espace périurbain « choisi » de l’espace périurbain « subi», souvent habité par « une population moins aisée, sans être pauvre» et où le Front national a réussi de bons scores, dimanche 22 avril. « Après les émeutes de 2005, ce phénomène de périurbanisation s’est accentué », note LaurentChalard, pour qui la distinction entre ces deux formes d’espaces périurbains « est un témoignage supplémentaire de la fragmentation de la société française. Une fragmentation qui se traduit aussi sur le plan politique par une radicalisation du vote». Selon Pascal Perrineau, directeur du Cevipof,lecentrede recherchesdeSciences Po, ce vote a été « le point de fusion» de plusieursmécontentements.«Dans le vote FN, il y a unpeu detout. Il y a unepeur économique, une peur sociale et une peur culturelle. Tout est un peu mélangé», indique Nonna Mayer, directrice de recherches au Centre d’études européennes de Sciences Po. Un peu comme si chaque électeur avait une « bonne raison », différente de celle des autres électeurs frontistes, de voter pour Marine Le Pen. Cela, ses équipes l’ont senti très tôt, mêmes’ilssedéfendentavecunebelleunanimité de « saucissonner» leur électorat. Il FN n’en demeure pas moins que la campagne de la présidente du FN s’est construite autourdemessagescibléss’adressantàplusieurs milieux différents. Pour ce faire, Marine Le Pen a su adapter sondiscours.Ainsi,lorsqu’elles’adresseàla ruralité, lors d’un meeting à Châteauroux (Indre) fin février, elle ne se contente pas de louer le savoir-faire et la tradition des terroirs français. Au contraire, n’ayant pas peur de braconner sur les terres sémanti- Marine Le Pen n’a jamais abandonné «les boosters» d’une campagne frontiste: l’insécurité et l’immigration ques de la gauche, elle se fait le héraut des services publics, notamment de La Poste, mais aussi de la gendarmerie, de l’école et deshôpitaux.Autreexempledeladiversification du discours lepéniste : le 17 mars, à Ajaccio, pour séduire les Corses, elle qui se présente comme « jacobine », a tendu la main aux militants indépendantistes et a fait chanter le Dio vi Salvi Regina, l’hymne corse, juste après La Marseillaise. La prési- dente du FN a su aussi se renforcer dans ses bastions historiques. Dans le croissant nord-est, son discours sur la crise a joué à plein. La région où le vote en faveur du FN est le plus fort reste le sud-est. Notamment le Gard où elle arrive en tête. Sur ces terres où la mémoire de la guerre d’Algérie reste très forte, où le rejet de l’immigration maghrébine est aussi assez courant, les propos de Marine Le Pen contre « l’islamisation» ont su prospérer et convaincre. L’affaire Mohamed Merah, auteur de sept meurtres dans la région de Toulouse en mars, lui a permis de faire le lien – même si elle s’en défend – entre immigration et islam radical. Car, c’est le dernier aspect de la campagne de Marine Le Pen, si elle a su développer de nouveaux thèmes, elle n’a jamais abandonné ce que son père, Jean-Marie LePen,appelle«lesboosters»d’unecampagnefrontiste:l’insécuritéet l’immigration. C’est ce dernier mouvement qui aurait, selon Sylvain Crépon, sociologue spécialiste de l’extrême droite, convaincu un certainnombred’électeurstentésparl’abstention de finalement voter pour Marine LePen. p Abel Mestre et Benoît Hopquin f Sur Lemonde.fr Retrouvez l’interview de Laurent Chalard «Aveccequi nous estarrivé...» E n février, lorsque deux élus Front nationalde l’Yonneétaient venus solliciter le maire de Vignes, Jean-Louis Groguenin, pour lui demander de parrainer Marine Le Pen, il avait dit non. Mais dans la conversation, il avait observé : « Dans ma commune, on vit tranquille, on n’a pas de problèmes d’immigration. Et pourtant, sur 90 inscrits, j’ai toujours entre 10 et 15 électeurs FN. » Un ton plus bas, il avait ajouté: «Et avec ce qui nous est arrivé, ça risque de monter…» «Ce qui nous est arrivé», remontait à un samedi de décembre2011. Des jerricans de fuel sont dérobés dans une propriété. Le même soir, pendant le concours de belote organisé à la mairie, les cadeaux de Noël de lacommune,entreposésdansunesallevoisine, disparaissent. Le lendemain, un groupe d’amis chasseurs se retrouve en forêt et découvre, cachés en contrebas de la route, les jerricans volés qui appartiennent à l’un d’entre eux. Sans prévenir personne, leur propriétaire décide de tendre un piège aux voleurs. Il revient le soir avec son fils et sa fille, substitue des jerricans vides, dépose desplanchescloutéessurlepassageetmonte la garde. Un véhicule s’approche, deux hommes en descendent, des Roms. Au moment où ils se saisissent de leur butin, les voleurs comprennent qu’ils sont tombés dans un guet-apens et prennent aussitôt la fuite. Le chasseur tire dans les pneus, prévientlesgendarmesetunecourse-poursuite s’engage entre les deux voitures jusqu’à Tonnerre, où ils sont tous arrêtés. Coup de colère Les voleurs, le chasseur et ses enfants sontplacésengardeàvueetrenvoyés,quelques heuresplus tard, devantle tribunalen comparution immédiate. Le chasseur est condamné à un an avec sursis pour avoir fait usage de son arme, les deux voleurs à sixmoisavecsursis.AVignesetdanslesvillages alentour, la colère gronde. Les élus de la communauté de communes votent une motion dans laquelle ils évoquent « l’in- compréhension» de la population face au jugement rendu par le tribunal. « A partir de ce moment-là, raconte le maire, tous les amis du chasseur ont annoncé qu’ils voteraient Front national.» Dimanche 22 avril, sur les 68 électeurs qui ont participé au premier tour du scrutin présidentiel à Vignes, plus d’un tiers a déposéun bulletinMarine LePen dans l’urne. Avec 36,76 % des voix, la candidate du Front national fait jeu égal avec Nicolas Sarkozy.Danslescommunesvoisines,Sainte-Magnance,Sauvigny-le-Beuréal,ellearrive en tête. Jean-Louis Groguenin est convaincu que ce coup de colère aura des suites. «Chez nous, le vote FN sera amplifié aux législatives », assure-t-il. Depuis le 22 avril, il entend souvent cette phrase : «Eva Joly, avec 2% des voix, elle va avoir des députés. C’est pas normal que Marine LePen, avec ses 17%, n’en ait pas. Il faut que ça change.» p Pascale Robert-Diard (Vignes, Yonne, envoyée spéciale) «OnestallésvoterMarine LePen.Acinq,c’étaitsympa» C ’était comme un jeu. Cinq garçons, les doigts de la main pour ainsi dire, unis depuis l’enfance à Vasteville, unvillagedelaManche.Unagentdesécurité, un chômeur, un aide buraliste, un technicien chez Areva et un apprenti. Samedi 21 avril, veille du premier tour de l’élection présidentielle, la soirée est bien arrosée. « Ça parlait de Le Pen», raconte Guillaume, 20 ans, apprenti en BTS « Ava » (après-vente automobile) au Centre de formation d’apprentis de Mondeville (Calvados). Il est en alternance chez un concessionnaire de véhicules de luxe à Cherbourg. Guillaume veut bien qu’on cite son nom de famille (Delahaye) mais pas la marque des voitures. Il semble se moquer de ce que pensera son père, mais fait très attention à son patron. « On est allés voter tous ensemble. Pour Marine Le Pen. A cinq, c’était sympa.» Pourquoi le Front national? Guillaume hausse les épaules. «Pique-nique douille, c’est tombé sur elle. C’est pas son père. » Après un momentde stupeur, ses camarades du CFA deMondeville,quiontvotéJean-LucMélenchon, Nicolas Sarkozy ou rien, éclatent de rire.«T’auraisputeretrouveràvoterCheminade! » Pas de jugement, pas d’opprobre. « C’est pour ça, pour le second tour, je me concentre», rétorque Guillaume. Le jeune apprenti sourit. «Quand même, Marine Le Pen à presque 18 %, y’a du pif. » Dans les deuxsensduterme,flairouhasard,ilal’impression d’avoir joué gagnant. Une terre ancrée à gauche A Mondeville, l’une des trois communes de tradition ouvrière de la banlieue de Caen qui forment le « Plateau », le FN a atteint 15,33 % au premier tour. Pratiquement l’étiage de 2002 (Le Pen plus Mégret), mais un doublement par rapport à 2007, dans une terre ancrée à gauche depuis les années 1920. « La droite parlementaire a perdu beaucoup de voix, on peut supposer qu’elles sont allées au FN, et le Modem s’est effondré », constate la maire socialiste de Mondeville, Hélène Mialon-Burgat, 34 ans. En 2005, comme un coup d’avertisseur, la commune avait voté non à 68 % au référendum sur la Constitution européenne. Dans le quartier Charlotte-Corday, mélange d’habitat social et de zone pavillonnaire, l’extrême droite a fait son meilleur score, 17,1 %. Où sont les électeurs ? Derrière cette porte, où un berger allemand assure : « Je monte la garde » ? Elle s’ouvre, le chien est minuscule. « Votre candidat est présent au second tour ? », demande Laurence Dumont, député de la circonscription. « Ch’ai pas trop », répond la dame un peu gênée. Trois cages d’escalier ont déjà été montées et redescendues. « Mais ils sont où, les 17 % ? », ne cesse de se demander Hélène Mialon-Burgat. « J’ai été vraimentsurprise,celarestedifficileà expliquer», avoue cette jeune directrice d’école. Malgré l’aide sociale dispensée – grâce à une taxe professionnelle abondante pendant des décennies –, le seuil de fragilité de la populations’est abaissé, « même chez les gens qui travaillent, estime-t-elle. Il y a dix ans, ils s’en sortaient. Maintenant, ils sentent que le basculement n’est pas loin ». La lente agonie des hauts-fourneaux et des laminoirs de la Société métallurgique normande s’est achevée en 1993. Le site s’étendait sur plusieurs hectares, dans la commune voisine de Colombelles. Son maire socialiste, Colin Sueur, 54 ans, a vu pour la première fois dans les bureaux de vote « des groupes de trois ou quatre personnes qui venaient voter ostensiblement Marine Le Pen. Certains ne savaient pas lire. C’est la France qui ne se lave pas, j’assume la formule». L’architecte-urbaniste pense qu’ils n’avaient jamais voté auparavant. «Mais sinon c’est un vote sans portrait. Où sontles gens avecqui l’on pourraitparler ? » Christophe Mal, ambulancier de 41 ans, militantau FNdepuisl’âgede16ans,seprésenteauxlégislativesdansla2e circonscription qui comprend une partie du Plateau et l’ouest de Caen. Il ne se demande pas à qui parler. Il fustige « les technocrates bruxellois infectés par une irresponsabilité chronique et incurable ». Il ne s’inquiète pas du candidat de droite qu’il aura en face de lui. « J’espère bien me maintenir au second tour. L’UMP explosera. Nous sommes la vraie droite. » Ce n’est pas un jeu. p Béatrice Gurrey (Mondeville, Calvados, envoyée spéciale) 0123 décryptages ENQUÊTE Mercredi 2 mai 2012 17 A Saint-Gilles (ci-contre et en bas à gauche) et à Vauvert (page de gauche et en bas à droite) comme dans tout le Gard, le FN est arrivé en tête. Membres et sympathisants revendiquent leur vote. GILLES FAVIER/VU POUR « LE MONDE » «On doit toujours justifier qu’on est normal» L a lettre est parue dans Midi libre, le 25avril, juste après le premier tour de la présidentielle. Sous le titre « Paisible», elle racontequ’on vote Front national au paradis. «Mon village de 2200 habitants ne connaît pas de fermeture d’usine », y écrit un certain C.V. « Viticulture florissante, production de fruits et légumes, élevage de taureaux (…) » Le FN vient d’y dépasser 30%. « Pendant combien de temps considérera-t-on les électeurs du Front national comme des débiles ? J’en connais qui ont votéMarineLePenparcequ’aucunedeleurs attentes n’a été entendue. (…) Des petites frappes pourrissent la vie de citoyens.» En vrai, « Paisible » s’appelle Aubord, commune du Gard, et on peut y arriver par Saint-Gilles, 16 km au sud, célèbre pour avoir été la première ville moyenne à élire un maire FN, en 1989. Le parti a toujours enregistré, il faut dire, de gros scores dans ces coins-là et, depuis le 22 avril, le Gard détient aussi un record: c’est le seul département où Marine Le Pen passe devant le PS et l’UMP, avec 25,51 %. A Saint-Gilles, donc, des élus socialistes sont justement en train de mener campagne pour le deuxième tour et, quand leur petite délégation remonte la rue principale, on dirait un frisson qui court le long d’uneéchine.Onsebousculepour leurparler, on s’excite, on fait cercle. Mais ce ne sont pas leurs sympathisants – pourtant majoritaires ici, puisque la mairie est PS – qui se poussent autour d’eux : ce sont surtout des électeurs FN, électrisés d’en par- ler. « Moi, je le vote depuis 1986 », triomphe GilBocassini,fonctionnaire,sur letonfaussement modeste de ceux qui ont senti le coup avant les autres. Christian, un restaurateur (il souhaite comme d’autres rester anonyme), assure que ça fait vingt-cinq ansqu’ildénonce«l’insécuritédans lequartier chaud de la ville, les abus de l’immigration, la paresse qui rapporte plus que le travail». Une jeune dame proteste: « Quand on vote FN, on doit toujours justifier qu’on est normal. On est comme les autres, on veut être respecté.» Devant le bar Le Français, le ton monte d’un coup quand Alex Quinto, plombier de 27 ans, se met à crier aux élus PS : « Vous défendez les ratons ! » Sa famille est piednoir,mais «ils m’ontlaissé me faire ma propreopinion»,explique-t-il.C’estchosefaite depuis que « des Marocains ont dragué monex-copinedevantunepizzeria.Lesgendarmes sont arrivés. Qui ils ont pris ? Moi, pas lesMarocains». Maintenant,«je suis un facho et voilà tout », conclut Alex Quinto. Le patron du Français refuse de laisser les élusentrer: « Pas de politique ici.» On peut aussi arriver à Aubord par Vauvert, à travers la Petite-Camargue, des villages isolés entre les rizières et les chevaux, un pays de boulots durs et peu payés. « A mon époque, on prenait les jeunes de 15 ans pour la récolte des fruits. Ça nous donnait le goût au travail, on était tous ensemble», dit Nathalie,agricultrice,50ans.« Maintenant, ce n’est plus permis, nos jeunes sont devant la télé pendant que des étudiants chinois ou desPolonaisramassentlesabricots.»Nathalie est assise à la permanence électorale du FNàVauvert,oùl’avocatGilbertCollardlance déjà sa campagne pour les législatives. Parmi la quinzaine de sympathisants présents, chacun a ses « raisons », comme ils disent, le gazole devenu trop cher pour les pêcheurs, le sel importé de Tunisie alors que les Salines du Midi sont à 5 km, les points qui valsent sur le permis de conduire, les droits de succession, les nectarines que l’Espagne produit moins cher avec son Le Gard détient un record: c’est le seul département où Marine Le Pen passe devant le PS et l’UMP, avec 25,51% ça ? » s’indigne Christophe Gillet. Tous « marinistes », ils sont reconnaissants envers Jean-Marie Le Pen d’avoir « tenu la boutique». « Il a peut-être tous les défauts, mais il est fou amoureux de la France », assure Christophe Gillet. Peu d’entre eux voteront pour Nicolas Sarkozy, auquel ils reprochent d’avoir « menti sur toute la ligne ». Geneviève Deprecq,qui craintque les socialistesn’accordent le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, « plus tout le reste », votera peut-être pour le président sortant par crainte de « dégâts irréversibles ». Ils souhaitent tous l’alliance avec l’UMP mais à une condition : « Que la droite se recompose autour de nous. » A droite, une seule personne trouve vraiment grâce à leurs yeux : Henri Guaino, « un monsieur ». p salaire horaire à 6,50 euros. Sylvain, armurier, tempête contre « les règlements de la chasse aux canards décidés par des gens qui n’ont jamais vu de canards». Sa femme Fifi, ex-mannequin au Sénégal, sait que tout Vauvert la montre du doigt depuis qu’elle fréquente le FN. « Je m’en fiche », dit-elle. L’ambiancen’estni hostilenifâchée. Plutôt pleine d’espoir : Marine Le Pen va tout arranger,lescanardsetlesnectarines,«parce qu’elle va faire sauter le carcan», annonce Jean-Louis. « On reviendra à la vie d’avant, c’est ce que veut tout le monde. » Mais si c’était le cas, pourquoi n’y aurait-il finalement « que » 17 % de suffrages nationauxensafaveur?«Celam’étonnemoiaussi», dit Alexandre, 37 ans. «Les gens ne sont pas encore assez dans la merde.» Voilà Aubord. Place de la mairie, on le confirme: ici, on est bien au paradis. Tout le monde a un boulot. Il y a un dentiste et un podologue. On peut aller à Nîmes en bus. Aucun visiteur ne s’arrête, tant mieux, parce qu’il n’y a pas de centre commercial. Même l’eau est mieux qu’ailleurs, pas meilleure mais moins chère.Il ne manque qu’une chose : un distributeur de billets. Comme chacun se connaît, C.V., l’auteur de la lettre, est identifié sans peine : Christian Vezon, qui a une villa avec piscineau hameau.Il estpolicierà la retraite. « Ce sont les petits trucs de la vie qui font voter FN, pas les grandes théories. Quand une voiture descend la rue, sono à fond, trois fois de suite, je regarde les gens et j’en vois au moins dix qui passent du côté Front national.» Il affirme que ce n’est pas son cas.Lui-mêmeest unancienélecteursocialiste, passé au MoDem, mais « je suis comme tout le monde, déboussolé. Si je n’avais pas cette maison et ma famille, je partirais dans un autre pays ». p Anne-Sophie Mercier (Cognac, Charente, envoyée spéciale) Florence Aubenas (Aubord, Gard, envoyée spéciale) «Que la droite se recompose autour de nous» Q ui l’eût cru ? La Charente, où JeanMarie Le Pen n’avait jamais réussi à percer, a voté à près de 18 % pour sa fille, dimanche22 avril. La patronne du FN, qui a obtenu des scores élevés dans les campagnes, est arrivée en tête dans 27 villages et en deuxième position dans 93communes. ACognac,ils sontsix à êtrevenus aurendez-vousautourde leur secrétairedépartementale, Marie-Christine Cardoso. Ils ont envie de s’expliquer et acceptent que leurs noms soient cités. Certains votent FN depuis longtemps, comme MarieChristine Cardoso, d’autres sont arrivés récemment, comme Jérôme Jaulin, travailleur indépendant et militant depuis octobre2011, ou Christophe Gillet, salarié de la fonction publique, qui a voté François Mitterrand en 1988, puis à droite, et a atterri au Front depuis moins de deux ans. Geneviève Deprecq, institutrice à la retrai- te, présentéepar ses amis comme « la mascotte du FN de la Charente», est sympathisante de longue date. Pour l’écrasante majorité d’entre eux, le basculement s’est fait à la faveur d’une pression médiatique intense. « Quand j’ai entendu Tapie traiter les électeurs du FN de “salauds”, je me suis dit que j’allais rejoindre les “salauds” et le faire savoir ! » raconte Geneviève Deprecq. « L’hystérie collective » de 2002 a poussé Marie-Christine Cardoso et Laura Meunier, maquettiste de presse, vers le FN. En travers de la gorge Tousfustigentune «culturedu mensonge », des chiffres « tronqués », aussi bien en ce qui concernele nombre de voitures brûlées dans les cités que celui des reconduites à la frontière, sans parler des clandestins « bien plus nombreux qu’on ne le dit ». A cette culture du mensonge, ils opposent celle de la transparence, incarnée pour euxparMarineLe Pen, dontils citent à l’envi le programme économique. « Aucun candidat n’a produit un programme aussi détaillé », affirme Christophe Gillet. Ils apprécient cette « crédibilité ». Le Traité constitutionnel européen, rejeté par référendum et qu’on a « imposé au peuple », leur reste en travers de la gorge : « Une trahison! », disent-ils en chœur. Ils vivent à Cognac, parfois dans la banlieue d’Angoulême, ou dans des petits villages des environs, comme Birac, 245 votants, qui a placé Marine Le Pen en tête. Ils ne vivent pas dans les cités, ne sont pas au chômage, ils disent penser « à la France ». « Les patriotes sont des altruistes », explique Marie-Christine Cardoso. Ils s’offusquent de la façon dont la presse les présente. « Alors les gens du FN sont mal dans leur vie, stupides, sous diplômés, une sorte de sous-prolétariat minable, c’est 18 0123 décryptages LE GRAND DÉBAT Mercredi 2 mai 2012 Oncroyaitceritueldésuet.Orlaprésidentielleavurefleurirsurlesplaces desgrandesvilleslesréunionspubliquesenpleinair.Pourquoiuntelsuccès? Une campagne tout en meetings I ls ont rythmé la campagne,donné le tempo du débat politique, cadencé letravaildesjournalisteset descommentateurs… « Ils», ce sont les meetings politiques, cette forme séculaire de mobilisation du peuple que beaucoup d’acteurs politiques et médiatiques, à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, jugeaient obsolète. Indéniablement, la campagne présidentielle 2012 leur a donné tort. Que nous enseigne cette élection de la scénographie et du rôle des meetings dans notre démocratie élective et notre société médiatique contemporaine? Notre immersion sur le terrain des meetings des six principaux candidats (quatorze étudiés depuis janvier) et l’analyse (en cours) des comptes rendus de presse (journaux, radio, télévision, Internet) nous permettent de dégager quelques éléments. Attendus, visionnés, disséqués et abondamment commentés, les meetings ont rarementtenu à ce pointle rôled’orchestrateurs d’une campagne présidentielleet suscité la curiosité des médias, en particulier audiovisuels.L’élargissementdel’offretélévisuelle depuis la création de la TNT a généré une forte demande de contenus. Le meeting est devenu l’objet accessible et recherché de la compétition à distance, cessant d’être le terrain de la seule joute politique pour devenir l’enjeu d’une véritable guerre d’images. Pour comprendre ce processus puissant de réhabilitation du meeting, il convient de rappeler que les réunions publiques, au XXe siècle, se déroulaient sur un mode contradictoire, et que les adversaires pouvaient débattre directement à la tribune devant leur public. Au cours de la seconde moitiéduXXe siècle,lesmeetingssontdevenus monochromes, si bien que c’est à travers la mise en scène médiatique que l’on perçoit aujourd’hui le rapport de force (et desidées)entrelesdifférentscandidats.Cette réhabilitation du meeting révèle avant tout la grande frustration des publics et des journalistes à ne plus être témoins de ces échangesdirectsquifaçonnentlejugement politique des citoyens. Le rituel politique a engendré un rituel médiatique. Malheur à celui qui n’en a pas intégré les codes Fort de cette nouvelle légitimité, le rituel politique a engendré un rituel médiatique. Devant les caméras, c’est à qui battra le record de participants, occupera l’espace le plus gigantesque et offrira le spectacle d’un parti soudé autour de son leader. Malheur au candidat qui n’en a pas intégré les codes. Experts, chroniqueurs, éditorialistes, distribuentnonsansâpretéetorientationidéologique (toujours bien identifiée par les publics) les « bons » et les « mauvais » points: succès de l’entrée en campagne de François Hollande au Bourget, début périlleux d’Eva Joly à Roubaix, démonstrationvainedeFrançoisBayrouauZénith,etc. Les journalistes ont le réflexe de rechercher les références, les modèles étrangers ou les précédentsfrançaisenmatièredescénographie(le«Bourget»deHollandecomparéau meetingde la porte de Versaillesde Sarkozy en2007),dressantainsiunevéritablegénéalogie des meetings. L’engouement pour les meetings révèle aussile poidsdesagendassurletravailjournalistique. Les rédactions ont mis en place une division du travail, chaque journaliste chargé d’un candidat n’ayant plus qu’à attendre les mails des services de presse pour organiser ses déplacements. Il a suffi qu’intervienne un drame imprévisible, l’affaire Merah, pour comprendre à quel point le retour du fortuit est venu perturber cette mécanique ronronnante et bien huilée. Face à la violence meurtrière, la violence des joutes verbales est devenue à ce point dissonante que plusieurs candidats ont choisi d’annuler leurs réunions. Chose curieuse, même le CSA a eu une réaction tion » de son parti, s’est habilement pliée aux codes traditionnels régissant les meetings: effacement du symbole partisan de la flamme tricolorequi rappelleles origines néofascistes du parti, recours à une société de production pour assurer la mise en images de l’événement, valorisation de la jeunesse afin d’illustrer la capacité de Marine Le Pen à séduire le jeune électorat, etc. Les meetings du FN, feuilletonisés dès janvier comme un rendez-vous du dimanche, ont ainsi aidé la candidate à opérer la mue de sa « normalisation», contribué à banaliser sa visibilité médiatique, légitimant sans doute ainsi une adhésion en sa faveur. La théâtralisation des meetings s’inscrit donc dans une longue histoire. Cependant, la campagne 2012 met en lumière deux traits originaux. L’arrivée du printemps a fait éclore une forme singulière de rassemblement:lesmeetingsenpleinair.L’initiative revient à Jean-Luc Mélenchon, qui, en juin2011, a choisi de lancer sa campagne à Paris sous le soleil de la place Stalingrad (à l’endroitmêmeoùilorganiseraunmeeting « contre Nicolas Sarkozy » le 4 mai prochain).LaplacedelaBastille,la plageduPrado, l’esplanade de Vincennes ou la place de la Concorde: autant de lieux urbains, chargésdesymbolesetàcielouvert,mobiliséset investis par les candidats pour convaincre les électeurs. En 2012, pourquoi les équipes de campagne ont-elles choisi de braver les difficultés pour organiser ce type de rassemblements ouverts? Pour deux raisons principales. D’abord parce que, dans une campagne Claire Sécail Chargée de recherche au laboratoire Communication et politique (CNRS). Claire Sécail est l’auteure du « Crime à l’écran » (INA/Nouveau Monde, 2010) Pascale Mansier Chargée de recherche au laboratoire Communication et politique (CNRS) et biologiste de formation (Inserm), Pascale Mansier dirige l’axe « Sciences et médias » du laboratoire et codirige le groupe de travail sur « La médiatisation des meetings politiques » Le laboratoire Communication et politique (CNRS) est partenaire de France Culture dans le cadre du programme de recherche « Médias et élections 2012 » très politique en suspendant le décompte des temps de parole. Moment de rencontre entre les membres d’une même famille politique, le meeting donne lieu à une dramaturgie bien réglée,finementdécryptéeparla presse.On le sait, un meeting réussi est d’abord un meeting tenu dans une salle comble, et les équipes organisatrices ne sont pas avares d’artifices: acheminement des troupes par cars ou trains spéciaux, fermeture des portes sur des salles dont l’installation permet l’illusiondesallespleines,convocationd’un public impalpable installé chez lui devant ses écrans. Maislenombrenesuffitpas,ilfautégalement témoigner de la qualité de l’engagementdesparticipants.La jeunesse,enparticulier, est exposée devant les caméras. Les troupesprésentesdanslessallessontencouragées à manifester bruyamment l’adhésion au candidat et le rejet de ses adversaires, autant d’élémentssonores particulièrement recherchés des journalistes radio. La dramaturgiede ces rassemblements– a fortioriles« premiersmeetings»–doitéclairer l’interrogation initiale: le candidat va-t-il, selonla formuleconsacrée,«fendrel’armure» ? Même la candidate du Front national, soucieuse de démontrer la « républicanisa- a LES PRICIPAUX LIEUX DE MEETING Seules les villes visitées par au moins trois candidats sont représentées F. Hollande N. Sarkozy M. Le Pen Lille J.-L. Mélenchon F. Bayrou E. Joly Nombre de meetings par candidats Rouen 3 2 1 Strasbourg Paris 6 candidats 11 meetings a NOMBRE DE MEETINGS POUR CHACUN DES PRINCIPAUX CANDIDATS*, du 1er janvier au 22 avril 2012 Nantes Hollande Sarkozy Lyon Le Pen Mélenchon Bayrou Joly 12 10 Bordeaux 8 Nice Toulouse 6 4 Montpellier Marseille 2 0 janvier février mars** avril * Nous écartons ici les «déplacements » et les «réunions locales»pour ne retenir que les événements définis dans l'agenda de campagne des candidats comme des «meetings», «réunions publiques» ou « grands rassemblements». ** Le 19 mars, le Conseil consitutionnel publie la liste officielle des 10 candidats. SOURCE : LABORATOIRE COMMUNICATION ET POLITIQUE, CNRS (2012) Vers une citoyenneté cathodique AU CŒUR du fonctionnement démocratique, les « réunions publiques» ont émergé et se sont épanouies à chaque installation, en France, d’une nouvelle République, prenant appui sur la reconnaissance du « droit de réunion». Il revient à la IIIe République d’avoir précisé le cadre réglementaire de ce nouveau droit, instauré en 1789 et 1848, par la loi du 30 juin1881, toujours en vigueur aujourd’hui. Si les nouvelles organisations partisanes qui se créent au début du XXe siècle s’emparent bientôt de cette forme de mobilisation du peuple, il faut attendre l’entre-deux-guerres pour que les meetings deviennent de véritables spectacles. Après la parenthèse autoritaire de l’Occupation et le retour de la vie électorale, la France renoue avec l’esprit républicain du meeting. Au même moment, un nouveau média est parti à la conquête des foyers: la télévision. Mais la place accordée sur les petits écrans aux meetings politiques des années 1950-1960 reste marginale. Placé sous le monopole de l’Etat, le journal télévisé réserve en effet peu d’espace à la pluralité des opinions politiques, négligeant les figures de l’opposition qui s’expriment lors des réunions publiques. Quand l’information télévisée s’intéresse aux « meetings du Bourget», c’est avant tout pour faire la démonstration de la puissance de l’aéronautique française! Il faut attendre l’après-Mai 68 pour que le meeting politique devienne un événement télévisuel. Lors de la campagne du référendum sur la régionalisation, en 1969, les meetings font l’objet d’un engouement inédit de la part des JT. Dans les années 1970, la mise en images est cependant encore balbutiante: à l’écran, les visages des orateurs politiques s’adressant à la foule sont souvent mangés par des marées de micros radio et les reporters peinent à proposer une analyse criti- que, se contentant de faire un montage d’extraits des différents discours de candidats. Avec les années 1980 et la professionnalisation de la communication politique, le meeting achève de se transformer en un spectacle audiovisuel capable de restituer au plus près le verbe de l’orateur et les émotions collectives perceptibles lors de ces rendez-vous. Mais il révèle aussi les rapports de force qui se jouent désormais entre les journalistes et les communicants, soucieux de maîtriser les images autour de leur candidat. Les années 2000 semblent avoir signé la défaite des professionnels de l’information : entièrement produits par les partis, diffusés en direct sur les chaînes d’info continue ou sur Internet, commentés sur les réseaux sociaux, les meetings sont devenus des « hypershows» proposés comme un horizon cathodique de notre citoyenneté. p marquéeparl’effacementdessymbolespartisans,lescandidatsont vouludécloisonner unrituelsouventperçucommeréservéaux seuls militants. Organisés souvent le weekend, les meetings en plein air ont attiré non seulement les convaincus mais également de simples curieux ou des locaux intrigués qui n’auraient jamais osé se rendre dans un espace fermé pour y écouter un discours partisan. Du côté de la presse, le plein air ne change rien à l’exercice. La curiosité des médias est même plus forte: au meeting de laBastille (18mars),le Frontdegauche a ainsidûaffronterun niveauinégalédedemandes d’accréditations (près de 250). Twitter est aux jeunes militants actifs en ligne ce que la colle était à leurs aînés chargés de tapisser d’affiches les espaces urbains L’autre raison est économique: les meetings de plein air ont l’avantage de réduire considérablementles dépenses. Si les factures du Bourget (Hollande) ou de Villepinte (Sarkozy) s’élèvent respectivement à 1 et 3 millions d’euros, l’occupation de la Bastille a coûté moins de 100 000 euros au Front de gauche (pour une participation 3 à 4 fois plus importante). Maisla nouveautéla plusfrappantede la campagne reste l’engouement des chaînes d’information continue pour les meetings et la façon dont, en retour, ces rassemblements sont mis en scène et adaptés aux grilles de BFM TV, i-Télé ou LCP. Discours écourtés, images entièrement réalisées par les équipes de campagne et fournies gracieusement aux télévisions: dans un régime d’économie médiatique, cette organisation est avantageuse pour ces chaînes qui réalisent des pics d’audience en diffusant en direct et en intégralité les discours des candidats. Reste qu’il est surprenant d’observer la résignation générale des professionnels de l’information face à ce déni de leur fonction et leur abdication face aux équipes de communication. Les premiers enseignements de notre étude qualitative en réception (menée sur despanels répondantà des critèressociodémographiques) montrent que les publics ont parfaitement identifié cette inflexion du contrôle des images, qu’ils perçoivent comme un « véritable problème » pesant sur leur droit à une information de qualité et impartiale. Enfin, si la télévision reste la plus « meetingovore», on constate, à travers l’irruption des réseaux sociaux, la construction d’un véritable écosystème médiatique autour de chaque meeting, les différents supports s’observant et s’absorbant sans se confondre, se partageant les rôles comme les publics. La twittosphère politique, qui a commencé à gazouiller lors des primaires socialistes, s’est réellement déployée au cours de la campagne 2012, l’outil de microblogging agissant comme un « saucissonneur» des discours politiques prononcés par les candidats. L’attrait de la nouveauté et le vertige des volumes (30 000 tweets ont été envoyés pendant le meeting de Villepinte entre 10heures et 16heures le 11mars) ne doivent cependant pas nous conduire à surévaluer l’influencedeTwitterdanscettecampagne: l’outil répond avant tout à un usage partisan. Au fond, ce site de microblogging est auxjeunesmilitants actifsenlignecequela colle était à leurs aînés chargés de tapisser d’affiches les espaces urbains. Rappelons que seuls 5 % des Français (source : Lightspeed Research) se tiennent informés via les tweets des candidats ou des journalistes politiques. L’issuedelacampagneestencoreincertaine mais, d’ores et déjà, le meeting, ce rituel quel’on croyaittombé en désuétude,a révélé qu’il pouvait encore être le terrain de mutations en matière de communication politiqueet de pratiques médiatiques. p 0123 décryptages DÉBATS Mercredi 2 mai 2012 Non au délit de «pré-terrorisme» Il faut qu’Adlène Hicheur soit acquitté Jean-PierreLees Physicien, directeur de recherche au CNRS MathieuBurnel Mis en examen dans l’affaire de Tarnac HalimHicheur Frère d’Adlène Hicheur RabahBouguerrouma Porte-parole du Collectif viennois de soutien à Adlène Hicheur S i nul ne peut croire sérieusement que le 6mai 2012 puisse altérer quoi que ce soit au cours de nos existences, il n’en va pas de même du 4 mai prochain, date du verdict dans le procès d’Adlène Hicheur. Ce jour-là, nous saurons enfin si le simple fait d’écrire sur des forums virtuels des propos peu amènes pour l’Occident constitue un acte de terrorisme passible de plusieurs années de prison. Ce jour-là, l’autorité judiciaire déterminera enfin si l’on a ou non le droit de considérer que le déploiement des armées occidentales en Irak et en Afghanistan est un acte de guerre, voire un acte d’invasion, et non une simple opération de police menée pour le bien de l’humanité dans une extension récente du territoire américain. Et si une telle opinion constitue en soi l’expression caractérisée de sympathies « prodjihadistes». Si la juge Rebeyrotte devait condamner Adlène (même à une peine qui se limite à couvrir les deux ans et demi de préventive qui viennent de lui briser le corps), il conviendra d’en tirer toutes les conséquences. On auraalorsà cœurd’interdiretous les blogs anarchisants qui appellent à pendre les patrons, voire à bouffer les riches, tous les groupuscules marxistes qui défendaient la « résistance irakienne» contre l’« agression impérialiste US », tous les propalestiniens qui soutiennent ceux qui luttent contre l’« occupant sioniste» ou, dans un autre registre, tous les xénophobes qui appellent sans rire à égorger des Arabes le jour de l’Aïd, comme tous les satanistes en herbe qui étalent une volonté farouche de brûler une à une les églises de notre pays. Avec un peu de persévérance, on se rendra bientôt compte que les forums virtuels les plus anodins sont remplis d’intentions criminelles impunies. On nous dira que le cas d’Adlène est tout de même singulier, qu’on ne peut étendre qu’abusivement sa situation au reste de la population. Certes, Adlène est d’origine algérienne. Son père figurait déjà sur les fichiers antiterroristes français, apparemment pour avoir fait un pèlerinage à LaMecque. Pour aggraverson cas,Adlène,commetantd’autresdesacité,a préférécollectionner les diplômes plutôt que les peines de prison. Il est passé par Normale-Sup Lyon, était chercheur en physique fondamentale au CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire). Voilà qui est peu pardonnable. Ainsi qu’ont pu le constater tous ceux quiont assisté à son procès, c’estun espritméthodique, qui sait choisir ses mots, développer une pensée sans se laisser dominer par tel ou tel chantage émotionnel. On peut épiloguer tant qu’on veut sur le caractère d’« exception» dela justice antiterroriste,sur le renver- «En France, la proximité entre le 1er-Mai et la tenue d’élections est presque constitutive de cette date» sement des principes mêmes du droit qu’elle contient; on n’a rien dit tant que l’on n’a pas élucidé la nature de sa cohérence, qui, tout en s’inscrivant dans le champ du droit, le déborde de toutes parts. Cette cohérence est celle de l’actuelle gestion socialisée des affects. Le terrorismeest le premiercrime défini par la nature affective de ses conséquences, le premier crime affectif de l’Histoire. C’est pourquoi on peine tant à le définir juridiquement. Le terroriste, l’acte terroriste, le groupe terroriste, se définissent par ceci qu’ils font peur, qu’ils répandent, dit-on, l’affect de terreur. Et la justice antiterroriste est féroce, comme l’est la police antiterroriste, parce que la peur rend féroce. Ne soyons pas dupes : rien n’est plus exploitable et malléable que le sentiment de peur, et c’est en cela que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) est une police éminemment politique. Le hic, bien évidemment, c’est que toute la terreur associée à telou telfait, qu’il ait eu lieu au café Terminusou à Toulouse, c’est l’appareil gouvernemental qui la produit en exploitant le fait à dessein, et non son auteur. Claude Guéant n’aura pas ménagé ses efforts et Nicolas Sarkozy ses effets pour répandre, et ce jusque dans les écoles primaires, l’effroi lié aux assassinats de Toulouse. Les histoires de terroristes sont les contes cruels, Danielle Tartakowsky Professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris-VIII La manifestation annoncée par Nicolas Sarkozy pour le 1er-Mai va-t-elle en changer le sens ? «Les histoires de terroristes sont les contes cruels dont on berce le sommeil agité des solitudes démocratiques. Tout souci de vraisemblance y est superflu» pleinsde barbus, de bombes et de sabres, dont on berce le sommeil agité des solitudes démocratiques. Tout souci de vraisemblance y est superflu. On peut rafler des musulmans pour le spectacle à la veille de l’élection présidentielle; et le refaire une semaine plus tard, pour les libérer tous. Dans le cas d’Adlène, on se souviendra du directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, se vantant sur France Info d’avoir arrêté in extremis « un individu autoradicalisé qui s’apprêtait à déposer une bombe dans un régiment de chasseurs alpins». Bizarrement, lors de son procès, les journalistes, les amis et les Adlène Hicheur, soutiens d’Adlène purent constater que, comme par physicien magie, cette « bombe-à-deux-doigts-d’exploser» avait franco-algérien disparudes débats. Commeil fallaitbienparler de queldu Centre que chose, c’est-à-dire consacrer le flair et le sérieux européen de sans pareil de la DCRI, on s’acharna à démontrer que le recherche contenu de quelques mails d’Adlène était si terrifiant nucléaire, a été que cela méritait bien six années de prison. Quelle interpellé en importance, l’image était déjà dans la boîte, 2009 pour c’est-à-dire dans les têtes. « association Nous nous trouvons, avec le procès d’Adlène, à la de malfaiteurs croisée des chemins. Soit la justice valide la doctrine en vue de insensée du décèlement précoce, du « pré-terrorispréparer des actes me », et se lance dans la neutralisation préventive de terroristes» tous les « individus autoradicalisés», par nature indétectables, qui courent les rues et les forums. Ce qui signifie : basculer dans la psychose sous l’impératif inaccessibledeprévoir l’imprévisible,affranchirla surveillance policière de tout prétexte, de toute limite. Soit la justice antiterroriste acquitte Adlène, et renonce donc à confisquer une nouvelle fois ce qu’elle prétend protéger: la liberté. A vous de juger, il n’y va après tout, dans cette affaire, que de ce simple détail. p Salon chinois de l’autopar Serguei 19 ¶ Il n’y a rien d’anormal à ce que chacun s’arroge le droit d’utiliser un jour férié pour organiser un rassemblement électoral. Aucune date n’a été privatisée, pour reprendre un des termes qui ont circulé ces derniers jours. Ce qui me paraît être en question, c’est de savoir si on se saisit simplement d’une opportunité du calendrier, ou si ce faisant on s’insère dans une histoire, et si oui, quelle histoire? Rappelons que la proximité entre le 1erMai et la tenue d’élections est presque constitutive. On s’est demandé, dès 1892, s’il ne fallait pas repousser les élections à cause de la proximité de ce jour. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que les syndicats ne sont pas dans la logique de 2002. En 2002, on était dans le contexte de « manifestations de levée en masse » pour la défense de valeurs. Qu’est-ce qui diffère par rapport à 2002 ? En 2002, les partis de gauche étaient présents aux côtés des syndicats pour encourager ceux qui n’avaient plus faculté à le faire par la voie des urnes à s’exprimer dans la rue, puisque le second tour se jouait entre la droite et l’extrême droite . Cela posait un problème de légitimité. Mais, cette fois-ci, nous ne sommes pas dans cette configuration. La gauche a un candidat, la droite a un candidat. Je pense que les organisations syndicales feront en sorte que la manifestation soit très puissante, délibérément revendicative, sans faire référence aux élections. On reste bien sur ce qui fait l’essence du 1erMai : un rassemblement contre l’exclusion, le racisme, l’antisémitisme. Pour la manifestation prévue par la droite, il s’agit en revanche d’une première. C’est là où il faut s’attendre à du nouveau, même si l’invention est toujours relative. Y a-t-il une manifestation de gauche, de droite et d’extrême droite ? C’est avec le 6février 1934 et le 12 février 1934 que se met en place une importante distinction historique. Le 6 février 1934 se produit une manifestation violente, une « manifestation-insurrection», puisque la destination devient l’Assemblée nationale. On compte des morts dans Paris. Il ne s’agit pas d’une tentative de coup d’Etat fasciste, mais les institutions sont prises pour cible. A contrario va s’organiser, le 12 février 1934, une manifestationà l’appel des organisations ouvrières, qui se déroule de la porte de Vincennes à la Nation. Celle-ci va devenir le prototype du cortège bien encadré, suivant un parcours négocié avec les autorités. Il a pour conséquence de redéfinir la répartitiondel’espaceparisien. Lesorganisations ouvrières imaginent en effet de défiler le 14 juillet1935 sur les Champs-Elysées, mais le ministre de l’intérieur socialiste, Roger Salengro, leur fait savoir qu’il est préférable de ne pas soulever la question, car sa réponse ne pourrait être que non. Voilà pourquoi le Front populaire va construirece fameux triangleRépubliqueBastille-Nation, qui est aujourd’hui le terrain par excellence des manifestations ouvrières. De 1935 jusqu’en 1968, il y a bien, d’un côté, un espace voué aux manifestations ouvrières, qui sont autant de démonstrations de souveraineté populaire, et, d’un autrecôté, un espace sanctuariséde la souveraineté nationale sis dans l’Ouest parisien. La grande transformation survient le 30 mai 1968. Le général de Gaulle accepte que se tienne une grande manifestation gaulliste sur les Champs-Elysées. Voilà du nouveau ! La manifestation, au sens où nous l’entendons, ne faisait guère partie jusque-là de son répertoire politique. Pourle généralde Gaulle,il n’y a de rassemblementque statique,autourde sa personne. Les gaullistes, n’ayant pas l’habitude de manifester, vont donc faire des emprunts. Ils imitent à la fois la Libération (on voit des drapeaux, des brassards), tout en faisant entendre des slogans du type « Charlie, on est avec toi ». Il y a paradoxalement, dans ce défilé, tout un côté soixante-huitard. Si on prend une autre grande manifestation de droite, celle de l’école libre, en 1984, qui finit par aboutir à la Bastille, on voit que les espaces sont devenus interchangeables. Aujourd’hui, tout Paris est devenu un espaceouvertà la manifestation.On manifeste certes beaucoup plus à l’est qu’à l’ouest, tous événements confondus. Il arrive souvent que quatre à cinq, voire dix, manifestations se déroulent en même temps. Le lieu qui rassemble le plus, c’est l’esplanade du Trocadéro. République, Bastille, Nation sont moins sollicitées qu’on ne croit. Quelles sont les dernières évolutions de la manifestation ? Le sociologuePatrick Champagnea parlé de « manifestation de papier », en montrant comment, à partir des années 1970, l’arrivée de la télévision a contribué à modifier la mise en forme de la manifestation. Les ballons ont fait leur apparition parce qu’on les voit tout de suite dans les scènes de foule qui passent à la télé le soir. Et donc toutes les organisations s’en sont dotées. «Chaque mouvement conserve son histoire, mais tendanciellement l’uniformisation est à l’ordre du jour. Sauf, dans des périodes de crise politique majeure» Bien sûr, chaque mouvement conserve son histoire, mais tendanciellement l’uniformisationest à l’ordre du jour. Sauf dans des périodes de crise politique majeure. Il faut alors innover. Par ailleurs, on note depuis une dizaine d’années l’émergence d’un phénomène d’individuation très forte. Beaucoup de gens recourent de plus en plus à l’humour. On voit aussi des groupes décalés s’inviter dans les cortèges, comme le collectif Sauvons les riches. Comment l’extrême droite manifeste-t-elle ? Historiquement, par la violence. Ainsi l’Organisation armée secrète (OAS) s’est manifestée pendant la guerre d’Algérie sous la forme d’attentats. L’extrême droite étudiante s’est, elle aussi, parfois, caractérisée par ses pratiques violentes. Le Frontnational s’est constituéà partir des micromouvements de transfuges de la guerre d’Algérie, qui y ont importé aussi ces pratiques violentes. Mais Jean-Marie Le Pen a eu la capacité d’inventer autre chose. L’invention de la Fête de Jeanne d’Arc était une réécriture assez astucieuse, parce qu’elle s’inscrivait dans un temps social de la droite. Cette commémoration n’a jamais été un phénomène massif, mais il y a une histoire longue de ces mobilisations, qui datent même d’avant-guerre. Aujourd’hui, Marine Le Pen met en garde ses troupes afin d’éviter tout dérapage. C’est aussi par là, dans la rue, que se traduit sa volonté de normaliser le Front national, au moins par l’image. p Propos recueillis par Marc-Olivier Bherer ¶ Danielle Tartakowsky est notamment l’auteure de « Manifester à Paris : 1880-2010», éditions Champ Vallon, 2010, et d’« Histoire du 1er-Mai en France», éditions Hachette Littérature, 2005 culture 20 ppp excellent ppv à voir pvv pourquoi pas 0123 Mercredi 2 mai 2012 vvv à éviter L’Allemagne du Mur saisie sur le vif Le film de Christian Petzold met en scène une femme-médecin tiraillée entre son désir de fuir et celui de résister Barbara ppv L e vent nouveau qui souffle dans le cinéma d’outre-Rhin depuis une dizaine d’années, il revient à Christian Petzold de l’avoir annoncé, dès 2001, avec Contrôle d’identité, récit tendu de la fuite d’un couple et de sa petite fille qui remettait de manière extrêmement originale l’Allemagne face au fantôme de la violence politique et du terrorisme d’extrême gauche. S’ensuit une œuvre que la distribution française n’a pas hélas permis de suivre régulièrement, mais où l’intelligence du rapport entre le décor et l’intrigue, comme entre les personnages et le Un usage délibéré de la répétition et une reconstitution à la fois méticuleuse et dépouillée du décor «made in RDA» contextesocial, est aussi pénétrante que révélatrice. Peu d’œuvres possèdent comme la sienne cette capacité à saisir l’histoire contemporaine allemande en l’inscrivant aussi fortement dans la dimension proprement politique de l’espace et de l’architecture, dans la manière qu’ont les hommes de s’y mouvoir. Cette remarquable mise en valeur de l’esprit des lieux, Petzold la met une fois de plus en œuvre dans son septième long-métrage, qui se déroule, comme l’annonce son cartond’ouverture,en Allemagne de l’Est en 1980. Nina Hoss, beauté hiératique et inquiète, y incarneBarbara Wolf, médecin des hôpitaux récemment mutée dans une ville de province, au bord de la mer, après avoir été emprisonnée à Berlin. Elle y fait la connaissance d’André, son médecin chef, et y noue d’emblée avec lui une relation empreinte d’ambiguïté et de désir. Courtisée avec une ténacité discrète par cet homme qui exerce son métier avec une singulière compassion, Barbara se refuse Barbara Wolf (Nina Hoss), médecin à la beauté hiératique, avec son supérieur André (Ronald Zehrfeld), qui tente de la conquérir. CHRISTIAN SCHULZ avec une égale ténacité à ses invites, sans toutefois rompre tous les ponts. La raison de son attitude ne tarde pas à être révélée. Barbara – surveillée nuit et jour par un flic qui saccage régulièrement son appartement et lui inflige l’ignominie de la fouille au corps – n’ignore pas qu’André est tenu de rapporter ses faitset gestesà lapolice, et échafaude par surcroît un plan pour passer à l’Ouest. Un projet auquel elle travaille clandestinement en compagnie de son amant, un Allemand de l’Ouest résidant en ville pour des raisons professionnelles, en compagnie duquel elle prépare une échappée maritime jusqu’au Danemark. Parallèlement à ce dessein secret, Barbara se trouve de plus en plus impliquée par son travailà l’hôpital, où elle se lie notamment d’amitié avec une jeune patiente échappée d’un camp de travail. Sans qu’elle le veuille ni ne le décide sans doute, ce rapport à sa fonction la convainc de l’utilité de sa place en ce lieu, et la rapproche insensiblement, chaque jour un peu plus, d’André. Entre la tentation de la fuite et la responsabilité morale de la résistance, entre l’échappatoire individuelle et la naissance d’un amour, un hiatus se fait jour, un motif tragique se dessine, dont on taira évidemment la résolution. L’intrigue n’est pas, au demeurant, le fil qui nous relie le plus fortement à ce film. C’est plutôt l’atmosphère que réussit à instaurer le réalisateur qui saisit le plus fortement. Un sens de l’économie remarquable, un usage délibéré de la répétition et une reconstitution à la fois méticuleuse et dépouillée du décor made in RDA permettent, en l’occurrence, à Christian Petzold d’instiller ce climat propre à la société totalitaire, où la suspicion généralisée règle les rapports sociaux et où l’abjection, domestiquée, devient pure affaire de routine. Cette terreur quotidienne est d’autant plus efficacement suggérée que le réalisateur n’a pas cherché à effacer les éventuelles beautés qui les entourent, ni le charme bucolique, dépeint dans une gamme chaude et automnale, de la nature qui lui sert d’écrin. Il est d’autant plus intéressant de comparer le film avec les deux plus grands succès contemporains connus par le cinéma allemand dans son évocation de la RDA : Good Bye Lenin ! (2003), de Wolfgang Becker, et La Vie des autres (2006), de Florian Henckel von Donnersmarck. Entre la satire enjouée et nostalgique du premier et le drame paranoïde finement ciselé du second, ce que parvient à toucher Barbara est d’une autre nature, peut-être plus juste et plus profonde. Quelque chose qui montrerait l’horreur dans sa trivialité. p Jacques Mandelbaum Film allemand de Christian Petzold. Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Rainer Bock (1 h 45). Christian Petzold et Nina Hoss, le réalisateur séduit et la muse conquise Rencontre C’est un couple vieux de dix ans. Christian Petzold a dirigé Nina Hoss pour la première fois en 2001, pour un téléfilm, Dangereuses rencontres. Depuis, ils ont travaillé ensemble à cinq reprises. Pour Yella, Nina Hoss a remporté le prix d’interprétation du festival de Berlin en 2007. Cette année, lorsque Barbara a été présenté à la Berlinale, la presse allemande a couvert le duo d’éloges. A 51 ans, Petzold est l’aîné de cette « école de Berlin » qui a redonné de l’éclat au cinéma allemand. C’est aussi, de tous ces réalisateurs, celui qui a le mieux réussi à établir le contact avec le public. Grâce à Nina Hoss. De passage à Paris, le duo revient sur cette liaison artistique. D’abord pour en préciser la nature. « On me demande sou- vent : “Est-ce que c’est votre muse?”, dit le cinéaste, et il y a une espèce de sous-entendu: “Est-ce qu’il y a une relation amoureuse?” Non, ce n’est pas ça, c’est la solitude que Nina arrive à transmettre en tant qu’actrice qui m’a séduit. » «Vide, au bon sens du terme » On était en 2001 et Christian Petzold a fait passer des auditions à deux actrices. L’une jouait « avec passion», l’autre, Nina Hoss, 25 ans, était « vide, au bon sens du terme», se souvient le réalisateur. « Elle posait des questions et n’apportait pas tout de suite de propositions, ce qui m’a inquiété au début.» L’actrice sortait d’une école d’art dramatique, où elle s’était délibérément débarrassée de son assurance. « Je lisais et je récitais très bien, raconte-t-elle. Mon professeur m’a félicitée et m’a dit : “C’est du bluff, tu ne sais pas ce que tu dis.” J’ai décidé de ne plus jamais faire semblant de savoir. » Tout au long de la décennie, Nina Hoss a poursuivi sa carrière au théâtre (elle vient de créer La Cerisaie à Berlin avec le Deutsches Theater) et au cinéma, retrouvant Christian Petzold, qui lui a donné le premier rôle dans ses trois derniers films, Yella, Jerichow et Barbara. Trois films qui marquent un glissement géographique vers l’Est, ce qui n’étonnera pas chez un homme fils de réfugiés, sa mère des Sudètes, son père de Saxe. « Mes personnages sont en transit. Si l’on regarde la RFA avec Google Earth, on a une impression d’ordre, parce que les Allemands sont ordonnés, mais en dessous tout est en flux. Nina est une actrice qui n’est jamais arrivée, qui n’est jamais chez elle. Elle projette la solitude comme personne.» Il ne s’agit bien sûr pas de répéter cette même figure à chaque film. Barbara, situé en République démocratique allemande (RDA) en 1980, marque une rupture. En riant, Christian Petzold explique que ses amis de l’école berlinoise lui ont reproché le conformisme de sa mise en scène, qui utilise pour la première fois le champ-contrechamp. « Mais si j’avais laissé la caméra à l’extérieur des personnages, je me serais mis dans la position de l’Etat et de la police qui les surveillent. Or il fallait montrer ce qui se passait entre les êtres, la méfiance, la nécessité de scanner l’autre sans répit, un climat d’angoisse permanente. On ne pouvait filmer ça qu’en se plaçant tout le temps au niveau du regard des personnages. » Ce travail procède d’une organisation particulière. « Je ne connais aucun autre metteur en scène qui offre les conditions que l’on rencontre avec Christian, dit Nina Hoss. Tous les matins, nous passons deux ou trois heures avec lui et les comédiens à répéter, à parler des scènes du jour. Pendant que nous nous maquillons, les techniciens se mettent en place et, quand nous arrivons sur le plateau, nous pouvons nous concentrer sur notre personnage. C’est dans cette tranquillité et ce respect qu’on peut raffiner le jeu. Il ne faut pas penser non plus que ça se passe dans le plus grand sérieux, il y a aussi des moments d’une incroyable légèreté.» « On se serait quittés » On aborde forcément la question des grands couples de cinéma Sternberg et Dietrich, Cha- brol et Huppert, Fassbinder et Schygulla. Petzold raconte que, pour la préparation de Barbara, ils ont regardé Stromboli, de Rossellini. « Il y avait un livret, dit-il, sur lequel on voyait des photos de Rossellini et Ingrid Bergman, d’abord se promenant main dans la main sur l’île de Stromboli, au début de leur histoire, puis au moment de Voyage en Italie, quand ils se sont séparés. Je me suis dit qu’on avait la chance de ne pas être un couple, qu’on se serait quittés avant d’avoir fait quatre films. » Ils se retrouveront en 2012, poursuivant leur voyage vers l’Est. Christian Petzold a écrit pour Nina Hoss l’histoire d’une survivante d’Auschwitz qui revient à Berlin « pour reconquérir sa vie et son homme ». p Thomas Sotinel Une journée avec le violoncelliste Jean-Guihen Queyras mercredi 2 mai 2012 À 18 h, il reçoit ses amis musiciens en public et en direct de Radio France - entrée libre Ce monde a besoin de musique